Histoire de l'antisémitisme

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Histoire de l'antisémitisme Des origines à la Shoah

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Contenu Articles Antisémitisme

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Des Juifs et leurs Mensonges

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L'Enseignement du mépris

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Pogrom

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Protocoles des Sages de Sion

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Nuit des poètes assassinés

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Shoah

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Références Sources et contributeurs de l'article

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Source des images, licences et contributeurs

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Licence des articles Licence

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Antisémitisme

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Antisémitisme L’antisémitisme (originellement écrit anti-sémitisme) est le nom donné à la discrimination, l'hostilité ou les préjugés à l'encontre des Juifs. Les manifestations de l'antisémitisme peuvent aller de la haine personnelle à des persécutions populaires et violentes ou idéologiques et institutionnalisées. Outre les pogroms localisés, il y eut des formes de grande ampleur, à l'échelle d'un pays comme l'édit d'expulsion des Juifs d'Angleterre en 1290, l'Inquisition espagnole et l'éviction des Juifs d'Espagne en 1492. Il y en eut aussi à l'échelle d'un continent, lors de la Seconde Guerre mondiale, où la Shoah, Solution Finale d'Adolf Hitler à la « question juive » en Europe, causa la mort de quelque 6 millions[1] de personnes désignées comme juives. Ceux-ci représentaient les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée, les deux tiers de ceux du Vieux Continent et plus du tiers de la population juive mondiale. En dépit de l'étymologie du terme qui suggère que l'antisémitisme est dirigé contre tous les peuples sémites[2] , Juifs et Arabes, en pratique il est utilisé pour faire référence à l'hostilité envers les Juifs comme groupe « religieux », « racial » ou « ethnique »[3] ,[4] .

Usage du terme Antisémitisme et antijudaïsme On peut distinguer deux formes d'antisémitisme. D'une part, l'hostilité et les persécutions s'adressent spécifiquement à la religion juive et aux individus qui la pratiquent en raison de leur appartenance à cette religion. On parlera plus volontiers, en ce cas, d'antijudaïsme. L'Église catholique a reconnu, lors des repentances de la fin du IIe millénaire, avoir véhiculé dans l'Histoire une culture antijudaïque, par exemple avec l'expression de « peuple déicide » ou la mention des « Juifs perfides », restée dans la prière du Vendredi saint jusqu'aux réformes de Jean XXIII et de Paul VI. Une mise au point a été faite dans la déclaration Nostra Ætate en 1965. D'autre part, l'hostilité et les persécutions s'adressent à un groupe distingué comme une supposée « race ». Cette idéologie raciste (ou racialiste) pointe les Juifs comme groupe distinct au sein de la société, les Juifs ont une culture, une mentalité et une religion différentes de celles des populations voisines ; c'est un antisémitisme selon des critères supposés de race.

Caricature antisémite de Charles Léandre représentant la supposée hégémonie de la famille Rothschild, couverture du journal Le Rire, 16 avril 1898

Il s'agit alors d'une idéologie laïque prenant le relais du vieil antijudaïsme religieux (chrétien et musulman notamment) et s'y substituant. Les nouvelles formes d'hostilité sont détachées de toute connotation religieuse, du moins dans la représentation que se fait d'elle-même cette idéologie. Les nazis, mouvement néo-païen, ne firent d'ailleurs aucune différence entre les Juifs, les exterminant qu'ils pratiquent le judaïsme ou soient baptisés chrétiens[5] .


Antisémitisme

L'origine du terme Autant l'antisémitisme apparaît dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, autant le mot lui-même ne s'est constitué qu'à la fin du XIXe. Le mot (antisemitisch en allemand) a été utilisé une première fois en 1860 par l'intellectuel autrichien et juif, Moritz Steinschneider dans l'expression « Préjugés antisémites » ((de) « antisemitische Vorurteile »). Steinschneider a utilisé cette dernière pour caractériser les idées d'Ernest Renan selon qui les « peuples sémites » étaient affectées de tares culturelles et spirituelles[6] . Mais cette première apparition du terme et son utilisation dans un sens très général demeurent uniques et isolées, sans postérité. C'est le journaliste allemand Wilhelm Marr qui invente vraiment le terme « antisémitisme » (de l'allemand « Antisemitismus ») en 1879, dans son sens d'hostilité aux Juifs, à l'occasion de la fondation d'une « ligue antisémite »[7] et non, comme on le lit souvent, dans son pamphlet anti-juif, Victoire du judaïsme sur la germanité considérée d'un point de vue non confessionnel, de la même année, où le terme n'apparaît pas[8] ,[9] . Pour Jules Isaac, « le terme antisémitisme est par lui-même équivoque » alors que « son contenu […] est essentiellement antijuif »[10] . Ce mot n'a jamais visé les autres populations de langue sémitique, telles que les Arabes. Au contraire, il est utilisé pour désigner l'hostilité des Arabes envers les Juifs, soit l'antisémitisme arabe[11] . Cela n'empêche pas l'étymologie de refaire périodiquement surface. Ainsi pour Jean-Claude Barreau, le terme « antisémitisme » est « complètement inapproprié » puisque le judaïsme d'aujourd'hui ne serait plus que très partiellement sémite[12] . De nos jours, l'affaissement de la dimension proprement et ouvertement raciste de l'hostilité envers les Juifs permet de penser que l'antisémitisme recouvre à la fois les deux aspects du phénomène, laïque et religieux, ce qui fait précisément la difficulté à bien cerner ce dont on parle. Une hostilité historique, remontant très loin dans le temps, religieuse, métaphysique, pouvant se dissimuler sous un discours de forme laïque, certains seraient sans doute surpris de voir qualifier d'antisémites certains discours qui peuvent être analysés comme tels. Pierre-André Taguieff a proposé le terme « judéophobie »[13] pour désigner l'ensemble des formes anti-juives dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale, et le distinguer de l'antisémitisme lié aux thèses racialistes. D'autres parlent de Nouvel antisémitisme.

Histoire L’oppression des Juifs en tant que peuple a existé de longue date : selon la Torah écrite le peuple hébreu se constitue dans une lutte d'insoumission à l'esclavage d'Égypte puis dans le désert dans un rassemblement au Mont Sinaï où a lieu le don de la Torah. Par la suite la Torah relate les attaques répétées auxquelles le peuple Juif doit faire face pour préserver son indépendance et le caractère singulier de sa foi (unicité de son Dieu).

Antiquité La période hellénistique Selon Léon Poliakov, il n'existe aucune trace d'antisémitisme dans l'Antiquité avant le IIIe siècle av. J.-C., et le foyer de cet antisémitisme est l'Égypte. Encore peut-on ajouter, avec Jules Isaac, qu'il s'agit moins d'une hostilité envers les Juifs en tant que tels que d'une « haine envers les Asiatiques », ces derniers étant des Orientaux au sens large, et non pas seulement des Juifs[14] . Que l'on ne puisse guère en faire état, même par la suite, se comprend du fait que la notion de race n'a aucun sens dans l'Antiquité ; aussi, quand les Juifs furent parfois haïs, ce fut d'abord pour leur religion. D'un autre côté, ceux-là même qui les dénigrèrent (comme Tacite), n'en signalent pas moins les qualités (du moins, ce qui pouvait passer pour des qualités aux yeux par exemple d'un Romain). Les persécutions contre les Juifs en tant que tels sont rares et ne peuvent jamais être attribuées à un antisémitisme d'État. C’est ainsi que la première persécution connue de la religion juive a été perpétrée par Antiochos IV Épiphane, descendant de l’un des généraux d’Alexandre le Grand. Les Juifs se sont révoltés contre lui et ont vaincu les Grecs

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Antisémitisme sous la direction des Maccabées. Les motivations principales de cette « crise macchabéenne » ne sont pas nécessairement religieuses. Cette crise résulte de la conjonction entre une crise politique au sein des élites judéennes pour le contrôle de la Grande Prêtrise (conflits entre les Oniades, descendants légitimes du Grand Prêtre Yéhoshoua, et les Tobiades, famille puissante mais privée de pouvoir politique) et les conflits entre les grands empires (séleucides, lagides, puis plus tard romains) qui se déchiraient pour le partage du Proche-Orient. Les persécutions d'Antiochos IV n'intervinrent pas soudainement, elles suivirent la dégradation de la situation politique à Jérusalem où les rivalités internes à la société juive et les pressions économiques des souverains séleucides avaient déjà plongé le pays dans la guerre civile. La dynastie hasmonéenne tira parti de ces oppositions et fonda la dernière dynastie des Hébreux. Ces événements ont par la suite symbolisé la résistance des Juifs face aux persécutions des païens et ont été à l'origine de la fête juive de Hanoucca. L'empire romain Plus tard, les Romains sont venus conquérir, occuper la terre d'Israël et soumettre les Juifs comme ils l'avaient fait avec les autres peuples. Si les Romains détruisirent le Second Temple, qui avait été construit par le roi Hérode sur les bases du Temple de Salomon, on ne peut parler d'antisémitisme, puisque les Romains appliquent le même procédé (répression des causes de désordre public) à tous les peuples. Les Romains furent dans l'ensemble très tolérants en matière religieuse (ils n'exigeaient pas des populations conquises qu'elles abandonnent leurs cultes), mais ils étaient heurtés, comme une bonne part de l'Antiquité polythéiste, par le refus des Juifs de toute statue des dieux et du culte de l'« empereur » romain, tenu pour dieu dans tout l'Empire, ce que le judaïsme rejette absolument, selon le principe de l'exclusivisme monothéiste. Cette attitude était incompréhensible pour la plupart des peuples de l'Antiquité (sauf par les zoroastriens). Les autorités romaines ne pouvaient donc appliquer l'Interpretatio romana au judaïsme. Néanmoins les romains, en administrateurs pragmatiques, adaptèrent certaines de leurs coutumes aux Juifs, les dispensant ainsi partiellement du Culte impérial, privilège qui suscita des jalousies. Par ailleurs des juifs pouvaient devenir citoyens romains ainsi Saint Paul , mais ils ne pouvaient accéder aux magistratures, car incapables de sacrifier aux dieux ce que fit Tiberius Julius Alexander. D'après Tacite et Flavius Josèphe 4000 Juifs furent exilés en Sardaigne. Plus tard, Titus Flavius Clemens, un consul de la famille impériale des Flaviens aurait été exécuté pour ses sympathies envers le judaïsme ou les juifs. A la même époque le Contre Apion de Flavius Josèphe montre l'existence d'un antisémitisme structuré en Egypte. L'attitude répressive des romains est également exprimée par Titus écrasant la Judée lors de la première guerre judéo-romaine et surtout par Hadrien changeant le nom de Judée en celui de Palestina (ou terre des Philistins) ce qui pourrait dénoter une orientation vers l'antijudaisme. Lors de la persécution des chrétiens dans l'empire romain, ceux-ci avaient d'abord été considérés comme une faction juive. Suétone rapporte que « les juifs » fomentaient des troubles « à l'instigation d'un certain Crestus » (souvent lu Cristos), mais juifs et chrétiens furent ensuite distingués les uns des autres. L'empire chrétien Au sein de la chrétienté, une opposition va se faire autour de deux passages de Saint Paul qui semblent bien contradictoires : Dans l'Épître aux Thessaloniciens, en effet, il considère les Juifs déicides et « ennemis de tous les hommes » : « Vous, frères, vous êtes devenus les imitateurs des Églises de Dieu qui sont en Jésus-Christ dans la Judée, parce que vous aussi, vous avez souffert de la part de vos propres compatriotes les mêmes maux qu’elles ont soufferts de la part des Juifs. Ce sont ces Juifs qui ont fait mourir le Seigneur Jésus et les prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes ». Il écrit pourtant dans l'épître aux Romains (Rm 11) que les Juifs sont « chers à Dieu », en précisant notamment : « Ils sont aimés à cause de leurs pères. Car Dieu ne se repent pas de ses dons et de son appel » (Rm 11:28-29).

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Antisémitisme (Paul était juif lui-même, ce qui peut aussi expliquer une plus grande liberté de ton quand il s'adresse directement à eux que lorsqu'il en parle aux Romains convertis). Dans la pratique, le pouvoir temporel saura utiliser les deux textes en fonction de ses intérêts du moment. Dans le premier contexte, l’antijudaïsme devint religieux : la haine des Juifs prit ici un tour nouveau, la religion officielle véhiculant l'idée que le judaïsme puisse être intrinsèquement pervers. Les premiers chrétiens étant Juifs, ils rejettent leur ancienne religion et développent donc naturellement à son égard une haine d'ordre spirituel, d'autant que la loi juive continue de les solliciter à accepter les commandements et l'incorporéité absolue de Dieu. Par ailleurs, la continuité de l'existence d'Israël aux côtés de nouvelle religion peut être perçue comme la négation de fait de l'authenticité du message chrétien. Les Juifs furent harcelés. Le clergé les présenta comme coupables collectivement du supplice de Jésus Christ. Il n'en seront pas moins considérés comme destinés à se convertir et à participer à la Parousie.

Moyen Âge Plus encore que l'accusation de déicide, ce qui fut âprement reproché aux Juifs par les chrétiens fut leur refus de se convertir à la foi nouvelle et de reconnaître Jésus comme messie. Seuls les Juifs baptisés étaient laissés en paix, et certains convertis devinrent d'ailleurs d'actifs prosélytes chrétiens, jouant souvent à leur tour un grand rôle dans les campagnes antijuives : ainsi, l'archevêque Julien de Tolède, au VIIe siècle, lui-même d'origine juive, mena activement campagne pour la conversion forcée de ses anciens coreligionnaires en Espagne wisigothique. Au Moyen Âge, nombre de professions furent interdites aux Juifs. Ils furent exclus de toute fonction administrative, et surtout des corporations de métiers, et des confréries religieuses. Il leur était interdit de Massacre de Juifs, première croisade, bible du XIIIe siècle posséder, pour la cultiver, la terre. Ils vivaient donc dans les villes, où ne leur restaient comme possibles activités pour gagner leur vie, que celles qui étaient précisément interdites aux chrétiens. Si bien qu’ils furent repoussés de presque tous les métiers, et contraints principalement de s’orienter vers le commerce et le prêt à intérêt, souvent interdit aux chrétiens d’Occident et aux musulmans. On attribue à l’interdiction par les évêques du prêt à intérêt à Rome, une part de responsabilité dans la crise économique qui se termina par sa chute. Constantinople n’eut pas ce genre de problème, qui accueillit nombre de Juifs chassés d'Espagne qui contribuèrent largement à la réussite de l'Empire ottoman. Par exception, les Juifs s'occupèrent aussi d’artisanat d’art (orfèvrerie, taille des pierres précieuses) et de médecine : c’est ainsi que des professeurs juifs de l’Université de Montpellier, pratiquaient secrètement la dissection afin d'améliorer leur connaissance du fonctionnement du corps humain. Au Moyen Âge, ils donnèrent à l'Europe de nombreux savants, et furent des traducteurs et importateurs des textes anciens, grecs en particulier, qu'ils traduisirent, commentèrent et permirent à l'Europe de découvrir, également à

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Antisémitisme partir de la langue arabe, lors de la grande période de l'Espagne andalouse (Al-Andalous) où les échanges entre intellectuels juifs et arabes atteignirent là leur plus haut niveau, dans le registre de la culture savante. Cette époque fut aussi celle de la traduction des textes d'Aristote (1120-1190), qui mobilisa des équipes composées de confessions des religions monothéistes, à Tolède, et dans quatre villes d'Italie (Pise, Rome, Palerme, Venise), et fut à l'origine de la Renaissance du XIIe siècle. Il fallut attendre le concile de Trente au XVIe siècle pour que l'Église catholique commence à revenir sur la question du déicide.

« Les Marranes » En 1391, les royaumes espagnols furent théâtre des « baptêmes sanglants » qui virent de nombreuses conversions forcées de Juifs sous la pression de pogroms populaires. En 1492, les Rois Catholiques, par le décret de l'Alhambra, expulsèrent tous les Juifs d'Espagne, mesure sans précédent à l'origine de la Diaspora sépharade. Seuls restèrent les convertis ou ceux qui acceptèrent de le devenir. Plusieurs professions furent interdites aux nouveaux chrétiens. Et cela, bien que beaucoup de ces nouveaux chrétiens, instruits dans la religion catholique depuis plusieurs générations aient été sincères. Si bien que, dans les familles ibériques, l’usage vint de demander des « certificats de pureté de sang » avant de contracter mariage, ou pour exercer telle ou telle profession. Si bien que nombre d'entre eux s’efforcèrent de fuir les territoires hispano-portugais et que, une fois mis relativement en sécurité en France, en Turquie, aux Pays-Bas ou en Angleterre à partir de Cromwell, ils y redécouvrirent la religion de leurs ancêtres. Ce fut le phénomène du marranisme, porteur d'une mémoire secrète, souterraine, cachée, malgré la disparition des synagogues, des textes, et l'impossibilité de suivre les rites. Les marranes, accusés de « judaïser en secret » gardèrent, pour certains d'entre eux, la mémoire de leurs origines, avant d'y revenir parfois, c'est-à-dire lorsque la situation le leur permettait. Nombre de descendants de marranes, ces chrétiens convertis de force, ont essaimé en Europe, avec des destins divers, et jusqu'en Amérique, ou même en Asie, où l'Inquisition continua à les poursuivre longtemps après leur départ du Vieux Continent, pour tenter de faire disparaître le judaïsme.

Du XVIIe siècle au XIXe siècle En somme, dans toute l'histoire de la chrétienté, ou de l'Europe, si l'on préfère, et jusqu'au XXe siècle non compris, le sentiment antijuif et les persécutions et discriminations qui s'ensuivirent furent le fait de l’antijudaïsme chrétien, même si l'antisémitisme de Voltaire n'est évidemment pas de source chrétienne. Cet antijudaïsme doit donc être distingué de l’antisémitisme moderne, contemporain du nationalisme qui va s'exacerbant avec la crise des États-nations, et qui pointe avec l'affaire Dreyfus en France, les théories de Chamberlain en Angleterre et qui va exploser en racisme avec le nazisme exterminateur (voir pour cette histoire et la périodisation des différents formes de persécutions antijuives, de Raul Hillberg : L'extermination des Juifs d'Europe).

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Antisémitisme

Dans le monde moderne, avec le développement des grands États européens, les Juifs se voient donner une place importante du fait de leur capacité de financer les structures administratives étatiques.[réf. nécessaire]) Cette place est assortie de privilèges, comme l'anoblissement, qui fait que, d'une part, les Juifs privilégiés sont en quelque sorte des hors-caste, sans que cela soit vu comme une marque d'exclusion (mais ces privilèges n'en suscitent pas moins les jalousies), d'autres part, ces Juifs privilégiés seront eux-mêmes défavorables à l'extension de leurs privilèges aux restes des Juifs qui pâtissent de ces mesures gouvernementales discriminatoires. Dans l'ensemble, les Juifs riches bénéficient de cette manière d'une protection politique (ce qui est fréquent dans leur histoire, comme on le voit au début de l'Islam qui protégea les Juifs et en fit des administrateurs), qu'il s'agisse des Juifs de Cour, ou de certains financiers du XIXe siècle. Par exemple, Bismarck, qui tenait des propos antisémites dans sa jeunesse, abandonnera cette idéologie, et deviendra l'ami d'un juif qui financera la Affiche antisémite française de 1889 guerre de 1866[réf. nécessaire]), guerre qui fut une étape importante vers l'unité de l'Allemagne. Par la suite, les antisémites l'accuseront d'être à la solde des Juifs. Cette importance financière pour les gouvernements européens fait que lorsque des classes se sont attaquées à un gouvernement (et, en premier lieu, l'aristocratie déchue) ils ont assimilé gouvernements et Juifs, et les ont englobés dans le même ressentiment.[réf. nécessaire]) Il apparaît ainsi que le développement de l'Europe, déjà tributaire de leur culture et de leur religion, fut tributaire de la puissance financière des Juifs les plus riches ; mais, comme le remarque Hannah Arendt, cette puissance s'accompagne d'une grande réticence à s'engager dans les événements du monde, contrairement à ce que diront les antisémites par la suite, avec la théorie du complot juif. Outre le rôle financier des Juifs dans l'Europe moderne, il faut remarquer que du fait de leur présence dans tous les pays d'Europe, les Juifs furent une communauté internationale, par opposition à la montée en puissance de l'isolement nationaliste des autres peuples. Pour Diderot, un des rares philosophes des Lumières à ne pas détester les Juifs (les Juifs étant en effet considérés comme les odieux financiers des aristocrates ; les socialistes du XIXe siècle, adhérant largement à l'antisémitisme[15] , reprendront un argument similaire), ceux-ci sont le ciment indispensable des nations européennes. C'est vers cette époque que le mouvement d'émancipation des Juifs d'Europe se met en marche, et au début du XIXe siècle, dans certains pays, ils obtiennent l'égalité des droits, parce que la notion de citoyenneté est jugée plus importante et plus universelle que la question de savoir si un individu est Juif ou non. Mais ce caractère international fut interprété également dans le sens d'un complot (dont la famille Rothschild, installée en France, en Autriche, en Angleterre, aurait été le symbole), alors qu'il est lié en réalité à la plus grande importance chez les Juifs de la famille par rapport à la nation. Aussi les antisémites ont-ils projeté sur les Juifs des catégories de pensée qui leur sont étrangères (les Juifs n'ayant pas, par exemple, une culture et une expérience politiques très développées du fait de leur histoire[réf. nécessaire]). Par la suite, au cours du XIXe siècle, l'influence financière des Juifs diminue fortement, et c'est à ce moment de leur histoire, où leur influence réelle est devenue très faible, où les Juifs ne comptent presque plus économiquement en ce qui concerne les affaires politiques, que naîtra cette haine virulente les accusant d'intentions qu'ils n'ont jamais

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Antisémitisme réalisées quand ils l'auraient pu, et qu'ils n'étaient de fait plus capables de réaliser, même au cas où ils l'auraient voulu. En revanche, c'est à ce moment que les Juifs obtiennent des postes en nombre plus importants, dans l'administration par exemple, ce qui sera encore une fois jugé comme une menace (France enjuivée). Ces accusations ne sont pas seulement des contre-vérités économiques et politiques, mais elles ignorent également cette tendance fréquente chez les Juifs à l'assimilation, à la dissolution même de la communauté juive d'un pays, tendance freinée soit par un regain d'hostilité à leur égard, soit par une politique d'État visant à conserver le statut de Juif, eu égard à son utilité indiquée plus haut. Au moment où l'antisémitisme explose en Europe et s'organise (vers 1870, après plusieurs vagues au cours du XIXe siècle), les Juifs n'ont donc plus la même importance, et l'existence même de l'identité juive est en passe de disparaître, sans que la cause en soit une volonté délibérée de détruire leur culture. L'organisation de l'antisémitisme commence donc dans les années 1870 - 1880. En Grande-Bretagne, l'afflux des réfugiés juifs originaires de Russie, où se multiplient les pogroms durant les années 1880, finit par provoquer des émeutes antisémites à Londres, cependant isolées et réprimées par la police[16] . En Allemagne, les propos antisémites commencent à avoir du succès avec Stöcker, et avec Schönerer en Autriche, où la virulence de l'antisémitisme est plus grande du fait de l'opposition de la communauté allemande alors prépondérante contre l'État : le pangermanisme y est particulièrement exacerbé, et les Juifs sont, on l'a vu, associés à l'État dans ce genre de propagande (le mouvement autrichien apparaît ainsi comme la véritable préfiguration du nazisme). Un trait caractéristique de l'antisémitisme, à ce moment de son histoire, est son caractère supranational, ce qui peut apparaître paradoxal. Le fait est cependant que les partis antisémites allemands et autrichiens se présentant comme des partis au-dessus des partis (donc des partis qui ont vocation à contrôler totalement l'État, à incarner la nation), se réunissent en congrès internationaux, et c'est à ce niveau qu'ils ont l'ambition de lutter contre les Juifs, qui sont alors le seul élément de dimension européenne. En somme, les antisémites imitent les Juifs, tels qu'ils les imaginent, et projettent de prendre le pouvoir occulte qu'ils leur attribuent. L'agitation antisémite n'est toutefois pas durable, et il n'y a pas d'intensification constante de cette idéologie jusqu'à l'avènement du nazisme. Ainsi Stefan Zweig nota-t-il que la période 1900 - 1920 sembla un âge d'or pour les Juifs, au point que les précédentes agitations contre ces derniers ne semblaient plus qu'un mauvais souvenir.

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Antisémitisme

Des pogroms à la Shoah À l'époque contemporaine, l'antijudaïsme religieux s'est recouvert d'antisémitisme racial et raciste, puis répandu dans toute l’Europe, à l'occasion du Mouvement des nationalités dit aussi le printemps des peuples. Le premier coup d’arrêt à l'antisémitisme en France fut la réaction à l’affaire Dreyfus (1894 à 1906). L’empire russe, lui, connaissait des vagues de pogroms successives, persécutions qui provoquèrent en réaction l'idée du projet sioniste créé par le journaliste, écrivain et homme politique Theodor Herzl afin de faire accéder les Juifs au rang de peuple politique, susceptibles enfin de bénéficier des mêmes droits politiques que tout autre peuple ou nation se donnant son organisation politique, ainsi que des Droits de l'homme que les États européens qui abritaient les Juifs durant la période nazie, n'avaient pas convoqués ni su faire jouer pour les protéger des persécutions du nazisme. On lira à ce propos avec intérêt les analyses de Hannah Arendt, soulignant l'absence de contenu de la notion de « Droits de l'homme » en Affiche antisémite en Allemagne nazie, avec un SA en premier plan. « Allemands ! Défendez-vous ! N'achetez pas chez les Juifs ! », 1933 l'absence d'un État pour les faire valoir et les appliquer à une nation donnée. Avec les persécutions nazies, les Droits de l'Homme sont en effet apparus après-coup, comme étant équivalents aux « droits des peuples » dans le système de l'État-nation. Les peuples sans État (celui de leur nation) se trouvèrent là démunis, privés de tous droits, et leurs droits, en tant qu'« hommes » n'étaient garantis par aucune institution. (in L'impérialisme, Fayard, 1982). Des écrivains ont vivement pratiqué et encouragé l’antisémitisme : Charles Maurras, les Frères Goncourt, Édouard Drumont, Brasillach, Céline à l'époque où l'Europe sombra dans le fascisme. Charles Maurras donna à ses écrits une forme doctrinale, qui s'est développée dans le courant de l'Action française entre 1899 et 1939, et fut condamnée à deux reprises par le Vatican (en 1914 et en 1926)[17] . Cette doctrine rejetait les racines juives du christianisme (voir Antijudaïsme dans la période contemporaine). Historiquement, de nombreux motifs ont été utilisés pour justifier, perpétuer ou susciter l’antisémitisme, incluant des éléments sociaux, économiques, nationaux, politiques, raciaux et religieux. Notamment : • la théologie du Vetus Israël/Verus Israël (ancien Israël contre véritable Israël) développée par Augustin d'Hippone au IVe siècle. Selon elle, le peuple chrétien serait désormais le véritable peuple de l’Alliance, car Dieu se serait détourné des Juifs. De ce fait, le judaïsme serait condamné à disparaître et les Juifs à se convertir. Cette position théologique se nomme le supersessionisme ou théologie de la substitution. Elle a été mise en évidence à la conférence de Seelisberg (1947). La conséquence en fut l’antijudaïsme chrétien[réf. nécessaire]), ce que Jules Isaac appelait l'enseignement du mépris, pouvant conduire à des persécutions et des conversions forcées, se résolvant, dans le meilleur des cas, dans le marranisme. D'après Y. Leibovitz[18] seul cet enseignement du mépris, inhérent selon lui au messianisme chrétien du sauveur dégageant l'homme du « joug de la Torah et des mitsvot »,

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Antisémitisme explique que les populations et les élites dirigeantes européennes ait laissé faire et souvent réalisé elles-mêmes[19] l'assassinat des Juifs d'Europe pendant la seconde guerre mondiale. • La limpieza de sangre (pureté du sang) qui se développe en Espagne après le décret de l'Alhambra (1492) et l’expulsion des Juifs. Pour obtenir certaines charges honorifiques, exercer certaines professions, entrer dans certains ordres religieux, il est nécessaire de prouver qu’aucun ancêtre n’était juif ou musulman : la Reconquista terminée, Grenade prise, il s'agit à présent de reconstruire l'identité nationale. Ce statut n'est progressivement adopté par les archevêchés que dès la fin des années 1520. En pratique, la limpieza Certificat de non-appartenance à la race juive. est reconnue à un seuil de trois générations ; au-delà, il est quasi-certain que l'ancêtre ait du sang juif ou musulman, étant donné le métissage de l'Espagne médiévale. La reconnaissance de la limpieza de sangre se fait par enquête de l'Inquisition, sur dénonciation : enquête par définition longue, et coûteuse. Ainsi, qui sort de ce filet se trouve lavé de tout soupçon, mais généralement ruiné. • Au XXe siècle, la théorie du complot juif international diffusée principalement par les Protocoles des Sages de Sion, un faux pamphlet fabriqué par Mathieu Golovinski pour le compte de la police secrète de la Russie Tsariste (l'Okhrana). Les Protocoles décrivent les prétendus plans de conquête du monde par les Juifs. Ils furent utilisés par les nazis comme instrument de propagande et figurent en bonne place parmi les prétextes invoqués pour justifier la persécution des Juifs et leur extermination, la Shoah. Ce faux a été réactualisé ces dernières années en forme de série télévisée, et diffusée dans quelques chaînes diffusant en langue arabe. Il a été de facto censuré par la plupart des pays arabes pour son contenu inapproprié. Il est de nouveau édité en Russie et en Ukraine.

Antisémitisme et sionisme L'antisémitisme se retrouve en toile de fond de plusieurs événements de l'histoire du sionisme en Palestine mandataire entre la prise de contrôle du pays par les Britanniques en 1917 et la fondation de l'État d'Israël suite à la guerre de Palestine de 1948. Historiquement, le Mandat britannique fut un facteur majeur qui permit l'établissement d'un foyer national juif en Palestine. Selon l'historien Tom Segev, assez paradoxalement, le soutien initial des Britanniques au projet sioniste tient principalement de leur 'antisémitisme' et de leur conviction à l'époque que les « Juifs contrôlaient le monde » et qu'ils pourraient en bénéficier en retour de leur soutien au sionisme. Il indique que Chaim Weizmann sut utiliser ce sentiment pour faire avancer sa cause[20] . Dès l'arrivée des premiers immigrants vers 1900, le projet sioniste a vu l'opposition des Arabes de Palestine. D'abord exprimée sous forme de plaintes aux autorités ottomanes, elle s'est mué en nationalisme pan-arabe puis palestinien dans les années 1920 et s'est rapidement accompagné de dérives à caractère antisémite de plus en plus violentes. Des massacres de Juifs eurent lieu lors des Émeutes de Jérusalem de 1920, des émeutes de Jaffa en 1921, des émeutes et du massacre d'Hébron en 1929 et lors de la Grande Révolte arabe en 1936-1939[21] . Le contrôle de la Palestine par les Britanniques et la lutte contre le sionisme poussèrent également les nationalistes arabes dans le camp nazi. Plusieurs d'entre eux collaborèrent activement pendant la Seconde Guerre mondiale[22] . La propagande israélienne sut en faire usage en particulier dans le cas du Mufti de Jérusalem, en en amplifiant l'importance au point de marquer la conscience collective israélienne[23] . La Shoah est souvent présentée comme une des causes de la fondation de l'État d'Israël. Les historiens ne partagent pas ce point de vue. Déjà avant la Seconde Guerre mondiale, les « bases sociales, politiques, économiques et militaires de l'État-à-venir étaient déjà fermement en place ; et un sens profond d'unité nationale prévalait. (…) [même si] le choc, l'horreur et le sentiment de culpabilité ressenti par beaucoup généra un sentiment de sympathie envers les Juifs en général et le mouvement sioniste en particulier »[24] .

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Antisémitisme Après la Seconde Guerre mondiale, ce fut au tour des Juifs de passer à l'offensive et de s'attaquer aux Britanniques pour réclamer l'indépendance, notamment aux travers d'actions sanglantes organisées par l'Irgoun et le Lehi. Près de 100000 soldats britanniques furent dépêchés en Palestine avec à leur tête le Général Bernard Montgomery qui avait maté la Révolte arabe de 1936 et le Général Barker, antisioniste et pro-arabe convaincu. Dans ce contexte, et malgré la mise en vigueur de certaines lois jugées « nazies », la crainte d'être accusés d'antisémitisme' poussa les Britanniques à faire preuve de nettement moins de détermination et de brutalité qu'ils ne le firent à l'encontre des Arabes 10 ans plus tôt. Certaines dérives 'antisémites' se produisirent également, notamment dans le chef du Général Evelyn Barker qui émit un ordre d'interdiction aux soldats britanniques de fréquenter les établissements juifs ce qui était un bon moyen de les combattre « en leur frappant au porte-monnaie, ce que la race déteste particulièrement »[25] . Dans les différentes motivations à se retirer de Palestine, dont les principales restent le coût, l'impossibilité de solutionner le conflit entre Juifs et Arabes et la mort inutile de soldats britanniques, un Ministre britannique écrivit : « (…) [la présence britannique] expose nos garçons, pour aucune bonne raison, à des expériences abominables et nourrit l'antisémitisme à la vitesse la plus choquante. »[26] . En 1947, les leaders arabes sous-estimèrent la capacité des Juifs à mener une guerre. Ce point de vue constitue une des causes de la victoire israélienne de la Guerre de Palestine de 1948. Selon Ilan Pappé, cette vision des choses était due notamment à leur 'antisémitisme' qui toutefois n'était pas présent chez le roi Abdallah de Jordanie, par ailleurs conscient de la puissance réelle du Yichouv[27] .

Antisémitisme et conflit israélo-palestinien L’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC)[28] a publié en mai 2006 un document de travail sur l’antisémitisme dans l’Union européenne des quinze États membres de 2001 à 2005. L’EUMC s’est donné pour tâche « d’observer le développement historique de l’antisémitisme, d’identifier le contexte social qui donne essor à la haine des agresseurs, mais aussi d’écouter avec sensibilité les peurs des communautés juives ». D’après le rapport, les auteurs d’actes antisémites ne sont pas principalement issus de l’extrême-droite, mais sont désignés par les victimes en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en France, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède comme étant « des jeunes musulmans », « des individus d’origine nord-africaine », des « immigrés » et des gens anti-mondialisation. L’EUMC est persuadée que « les évènements au Moyen-Orient, les activités et le discours de l’extrême-droite et jusqu’à un certain point de l’extrême-gauche peuvent influer sur le nombre d’actes antisémites ». Si « les études montrent que les stéréotypes antijuifs ont peu changé, les manifestations publiques d’antisémitisme dans la politique, les médias et la vie quotidienne ont changé récemment, surtout depuis le déclenchement de l’Intifada Al-Aqsa en septembre 2000 ». Concernant l’antisionisme, l’EUMC note que : « En Europe, "l’antisémitisme secondaire" et l’utilisation de l’antisionisme comme un moyen de contourner le tabou antisémite dominent parmi les extrêmes gauche et droite. Le révisionnisme et le négationnisme sont devenus un élément central du répertoire propagandiste des organisations d’extrême-droite dont l’antisémitisme forme un élément central dans leur formation. » C'est bien cette convergence entre antisionisme et antisémitisme qui amène une trentaine de familles juives à quitter, en 2009, Malmö en Suède après des incidents antisémites dont l'incendie d'une synagogue[29] ,[30] .

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Antisémitisme

Manifestation L'antisémitisme se manifeste de différentes façons : • L'hostilité, voire la haine, à l'égard des Juifs, pouvant aller jusqu'à l'assassinat de personnes juives ou considérées comme telles (attentat de la Rue des Rosiers à Paris, attentat contre une Synagogue Libérale à Paris, assassinat à Nice d'une jeune fille qui aurait dû se marier 15 jours plus tard par un criminel antisémite appelé Frediksen, ou encore d'un touriste juif lors du detournement de l'Achille Lauro etc., cette liste n'est pas exhaustive), • Le dédain vis-à-vis des caractéristiques physiques et morales des Juifs (mythologie antisémite des prétendus nez proéminents ou goût pour l'argent), • Le rejet ou l'accusation des Juifs comme tels, ceci indépendamment de leur situation ou de leur action. D'après Léon Poliakov, l'antisémitisme au sens strict du terme, c'est-à-dire l'animosité à l'égard des Juifs est radicalement différent de tous les autres conflits et haines passés en raison de sa pérennité et de son intensité. La haine des Juifs concerne une part seulement de l'humanité au regard de la planète. L'antisémitisme est la version profane de l'antijudaïsme, dont l'apparition historique, antérieure au christianisme, remonte à la révolte des Maccabées contre le pouvoir romain. Wilhelm Marr parle d'antisémitisme en 1879. Au XIXe siècle, l'antisémitisme sera l'application, à un peuple d'Europe, de théories raciales qui occasionnaient déjà de nombreux massacres outremer. La spécificité de l'antisémitisme du XXe siècle réside dans le fait que ce sont des populations européennes au cœur même de l'Europe qui ont été rabaissées au niveau de sous-humanité. L'antisémitisme peut prendre des formes sophistiquées, comme par exemple les campagnes de presse qui sans être ouvertement antijuives, ne présentent pas moins un réseau d'informations frelatées qui tendent toutes à incriminer le judaïsme.

Formes • L'antisémitisme religieux ou antijudaïsme. Comme pratiquement toutes les religions, le judaïsme a fait face à la discrimination et à la violence, en raison de sa foi en compétition avec d'autres croyances. • L'antisémitisme économique. Dans le bas Moyen Âge, après la première croisade, la plupart des métiers étaient interdits aux Juifs et ils étaient cantonnés dans les métiers d'argent.[citation nécessaire] Compte tenu de leurs expulsions périodiques, les Juifs n'ont pu s'adonner à l'agriculture de façon durable. D'autre part, dans les villes, ils étaient exclus des corporations, qui étaient des confréries religieuses avec de saints patrons et des processions. Notamment seuls le prêt d'argent, interdit aux chrétiens, et la friperie leur étaient autorisés. Ainsi qu'en certains lieux l'orfèvrerie et la bijouterie, lorsqu'ils en étaient les seuls spécialistes. Or, le prêt d'argent était rémunéré par des intérêts que ceux qui empruntaient, le plus souvent pour consommer et non pour investir, étaient hors d'état de rembourser. Aussi les intérêts étaient-ils nécessairement élevés pour compenser les risques de non remboursement, d'autant plus que refuser de rembourser un juif n'était pas une infraction bien grave. En 1431, lors du Concile de Bâle, l'Église leva l'interdiction faite aux catholiques du prêt à intérêt. Les persécutions antisémites connurent dès lors une croissance exponentielle en Europe. • La xénophobie antisémite. Les Juifs sont bien souvent des personnes immigrées, car les mauvais traitements dans leurs pays d'origine et leurs expulsions ont eu pour effet de les obliger à émigrer. Ces Juifs immigrés ont souvent eu à subir la xénophobie de certains gouvernants ou habitants de leur pays d'accueil. Ainsi, lorsque le gouvernement de Vichy dirigé pendant l'Occupation par le maréchal Philippe Pétain, promulgua un statut des Juifs inspiré étroitement des lois hitlériennes, il décida parallèlement de revenir sur les naturalisations. Un peu plus tard, son gouvernement autorisa et organisa la déportation des Juifs français et étrangers vers les camps de concentration et donc les conduisit vers la mort. Beaucoup d'entre eux s'étaient battus pour la France lors du précédent conflit mondial, et en 1939-1940, en qualité de citoyens français, ou d'engagés volontaires étrangers. • Les antisémitismes racistes considèrent les Juifs comme une race à part entière. Mais cette théorie est dépourvue de fondement scientifique puisque les progrès de la génétique conduisent aujourd'hui à rejeter toute tentative de classification raciale. De surcroît, la confession israélite est issue de nombreuses conversions survenues depuis la

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Antisémitisme plus haute antiquité. Par exemple les Khazars, dans le Caucase, convertis en masse au judaïsme au Moyen Âge. L'exemple actuel le plus marquant est celui des Falashas (peuple noir d'Afrique de religion juive) (cf. article « Judaïsme »).

Législation Législation française Des lois nombreuses forment le dispositif français de lutte contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme : • 1881 : loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (chapitre IV), première loi sanctionnant les propos publics discriminatoires ; • 1972 : loi no 72.546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme par laquelle un certain nombre d’actes de la vie courante sont érigés en infraction (par exemple, le refus de fournir un bien ou le licenciement pour des raisons raciales) ; • 1990 : loi no 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe avec en particulier, création du délit de contestation de crime contre l’humanité : négationnisme ; • 1994 : le Nouveau Code Pénal, publié le 1er mars 1994, a créé de nouvelles infractions et renforcé la répression des délits racistes (l'étendant aux personnes morales) ; • 2003 : Décret no 2003-1164 du 8 décembre 2003 portant création du comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. NOR : PRMX0300202D • 2004 : la loi no 2004.204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité précise cette circonstance aggravante quand l’infraction est « précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes » racistes ou antisémites. La loi prévoit différentes sanctions pénales allant de l’amende à l’emprisonnement. Ainsi, l’injure raciale est punie - au maximum - de 6 mois d’emprisonnement et/ou d’une amende de 22500 euros. • 2004, sur Internet (cybercriminalité), la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 stipule que « les hébergeurs et fournisseurs d’accès Internet ont l’obligation de contribuer à la lutte contre la diffusion de données à caractère pédophile, négationniste et raciste ». Références législatives • Site Légifrance • Site de la Présidence de la République française[31] Publications • Ministère de la Justice : Les lois antiracistes[32] • Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) : rapport annuel[33] • Documentation française : • Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie : rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme[34] • Divers : • Moyens de la lutte contre l’expression raciste, antisémite, ou xénophobe sur l’internet : dossier de presse, Forum des droits sur l’internet, juin 2004 • Comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, service de presse du Premier Ministre

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Antisémitisme Articles • Actes racistes et antisémites, aujourd’hui, en France, G. Fellous, Regards sur l’actualité, no 305, novembre 2004 • Le droit pénal face au racisme, M. Bourrette, Regards sur l’actualité, no 305, novembre 2004 • Lutte contre les discriminations raciales, Regards sur l’actualité, no 299, mars 2004

Législation européenne En janvier 2003, le Conseil de l’Europe a ouvert à la signature le Protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité. Le 28 janvier 2004, le ministre français des Affaires étrangères a ainsi présenté au Conseil des ministres un projet de loi autorisant l’approbation de ce protocole additionnel. Ce protocole négocié à la demande de la France, demande aux États de criminaliser la diffusion de matériel raciste et xénophobe par le biais de système informatiques afin d’« améliorer la lutte contre les actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, en harmonisant le droit pénal » français et européen. Comportements visés : • diffusion de matériel raciste et xénophobe ; • diffusion des insultes et menaces motivées par des considérations racistes et xénophobes ; • approbation ou justification publique des faits de génocide ou de crime contre l’humanité.

Voir aussi Articles connexes • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Action française Affaire Dreyfus Affaire Mortara Affaire Finaly Antijudaïsme Antisionisme Antisémitisme en France Antisémitisme de Staline Origines de l'antisémitisme nazi Aryanisation Déicide Édouard Drumont Judaïsme Judéo-Bolchevisme Juifs Nazisme Négationnisme Néonazisme Philosémitisme Publications antisémites en France Pogrom Racisme Révisionnisme Shoah

• Xénophobie

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Antisémitisme

Bibliographie • • • • • • • • • • • • •

Theodor W. Adorno et Max Horkheimer, La Dialectique de la Raison, Paris, Gallimard, 1974. Hannah Arendt, Sur l'antisémitisme, (Les origines du totalitarisme t.1), éd.Seuil, coll.Points Sylvain Attal, La Plaie. Enquête sur le nouvel antisémitisme, Paris, Denoël, 2004, 334 p. Paul-Éric Blanrue Le Monde contre soi. Anthologie des propos contre les Juifs, le judaïsme et le sionisme. Éditions Blanche 2007 Yves Chevalier, L'Antisémitisme : Le Juif comme bouc émissaire, Cerf, 1998 (publié avec le concours du CNRS et de la Fondation du Judaïsme français) Jean-François Faü : L'Image des Juifs dans l'art chrétien médiéval, Maisonneuve et Larose, 2005. André Glucksmann, Le Discours de la haine, Pluriel, Hachette, 2005. Martin Goodman, Rome et Jérusalem, traduit de l'anglais par Michel Bessières, Agnès Boltz et Sylvie Kleiman-Lafon, éditions Perrin, 2009 Jules Isaac, Genèse de l'antisémitisme, Plon, coll. Agora, 1985 Jacob Katz, Exclusion et tolérance. Chrétiens et Juifs du Moyen Âge à l'ère des Lumières, Lieu commun, 1987. Guy Konopnicki, La faute des Juifs, Paris, Balland, 2002, 190 p. Bernard Lazare, L'Antisémitisme, son histoire et ses causes [35], 1894 Jean-Claude Milner, Les penchants criminels de l'Europe démocratique, Paris, Verdier, 2003, 155 p.

• Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, coll. Points, 1991 • Michaël Prazan, L'écriture génocidaire. L'antisémitisme en style et en discours, Paris, Calmann-Lévy, 2005, 350 p. • Elisabeth Roudinesco Retour sur la question juive, Albin Michel, coll. Bibliothèque Idées, 2009. Analyse dans Le Monde des Livres [36], 30 octobre 2009 • Jean-Paul Sartre Réflexions sur la question juive, Folio essai (1re publication en 1946) • Daniel Sibony, L'énigme antisémite, Paris, Seuil, 2004, 170 p. • Pierre-André Taguieff et al., L'Antisémitisme de plume - 1940-1944 - études et documents, Berg International Éditeurs, 1999, 618 pages. La Nouvelle judéophobie, Mille et une Nuits, « Essai », 2002. • Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Judéophobie, éd. Mille et une nuits, 2002 • Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, Traversée de la judéophobie planétaire, éd. Mille et une nuits, 2004 • Pierre-André Taguieff, La Nouvelle propagande anti-juive, l'affaire al-Dura en perspective, PUF, 2010. (ISBN 2130575765)

• Paul Thibaud, La question juive et la crise française, Le Débat, no 131, septembre-octobre 2004, p. 35-53. • Nicolas Weill, La République et les antisémites, Paris, Grasset, 2004, 141 p. • Michel Wieviorka, La Tentation antisémite. Haine des juifs dans la France d'aujourd'hui, Paris, Robert Laffont, 2005, 405 p. • Stéphane Zagdanski, De l'antisémitisme, Julliard, 1995. Nouvelle édition revue et augmentée, Climats, Flammarion, 2006, 380 p.

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Antisémitisme

Liens externes • • • • •

L'histoire de l'antisémitisme dans une approche thématique et chronologique [37] L'« antisémitisme » : une hostilité contre les Juifs [38] Contre Apion, par Flavius Josèphe [39] Psychanalyse et antisémitisme [40] Quatre hypothèses comparatives France-Pologne sur la violence antisémite au XXe siècle [41]

Références [1] Pour plus de détails, voir l'article Shoah#Bilans chiffrés des victimes. [2] Sémite : (de Sem, nom d'un fils de Noé, mot apparu en 1836) Langue qui appartient à un groupe de langues d'Asie occidentale et d'Afrique, présentant des caractères communs (racines trilittères, richesse en consonnes, etc.). Les langues sémitiques comprennent : - le sémitique oriental : Akkadien - le sémitique occidental : + groupe du nord : Cananéen, Phénicien, Hébreu, Araméen, Syriaque

+ groupe du sud : Arabe, Éthiopien. [3] Bernard Lewis : « Antisemitism has never anywhere been concerned with anyone but Jews » (« l'antisémitisme n'a de tout temps concerné que les juifs » -- Semites and Antisemites (http:/ / middleeastinfo. org/ library/ lewis_antisemitism. html), Islam in History: Ideas, Men and Events in the Middle East, The Library Press, 1973. [4] Voir •

Anti-Semitism, Encyclopaedia Britannica, 2006.

• •

Paul Johnson, A History of the Jews, HarperPerennial 1988, p. 133 ff. Bernard Lewis, The New Anti-Semitism (http:/ / hnn. us/ blogs/ entries/ 21832. html), The American Scholar, Volume 75 No. 1, Winter 2006, p. 25-36, suite à une conférence délivrée à l'université de Brandeis le 24 mars 2004. • Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Seuil, 2002, p. 425-432. (ISBN 2-02-035978-2) [5] Edith Stein, carmélite, a été déportée et assassinée parce qu'elle était née juive. [6] Gilles Karmasyn, L’« antisémitisme » : une hostilité contre les Juifs. Genèse du terme et signification commune, PHDN, 2002-2004 (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html), surtout note 4 (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html#note4) et note 6 (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html#note6) [7] Ibid. (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html), surtout note 4 (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html#note4) [8] Ibid. (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html), surtout note 3 (http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html#note3) [9] Le dictionnaire Robert confirme le caractère tardif de l'apparition de ce terme dans la langue française en datant le mot antisémitisme de l'année 1886 et le mot antisémite de 1889. En sens inverse, ces deux termes ne figurent pas encore dans l'édition 1878 du Littré. [10] Genèse de l'antisémitisme, éd. Agora, p. 24 [11] Cf. notamment Jules Isaac, Genèse de l'antisémitisme, op. cit., p. 24. [12] Jean-Claude Barreau, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Israël, Toucan, 2010, p.107 [13] Prêcheurs de Haine : entretien avec Pierre-André Taguieff (http:/ / www. communautarisme. net/ index. php?action=article& id_article=150820) [14] Cf. Genèse de l'antisémitisme, op. cit., p. 39-40. [15] Un exemple paradoxal en est Karl Marx avec la Question Juive, un autre exemple en est Pierre-Joseph Proudhon dans ses Carnets notamment. [16] L'exemple le plus célèbre, et sans doute le plus grave, est celui des émeutes de 1888 à Londres, qui prennent pour prétexte les crimes de Jack l'Éventreur à Whitechapel, quartier à forte population juive, et l'inscription anonyme selon laquelle « les Juifs ne seront pas accusés en vain » [de ces meurtres]. [17] Jacques Prévotat. Les catholiques et l'Action française. 2001. [18] Judaïsme, peuple juif et État d'Israël, Lattes, 1985 [19] Voir La Shoah par balle, du prêtre Patrick Desbois [20] Tom Segev, One Palestine, Complete, Hold Paperbacks, 2001, p. 33, note p. 35, p. 40-41. [21] Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste., 2003, p. 28-29 - p. 51-180. [22] Hadj Amin al-Husseini, Abd al-Kader al-Husseini, Fawzi al-Qawuqji, Hassan Salameh, … [23] Voir l'article Amin al-Husseini et l'antisémitisme. [24] Tom Segev, One Palestine, Complete, Hold Paperbacks, 2001, p. 491. [25] Tom Segev, One Palestine, Complete, Hold Paperbacks, 2001, chap. 22 - 'Give Me a Country Without Wars', p. 468-487. [26] Tom Segev, One Palestine, Complete, Hold Paperbacks, 2001, p. 495. [27] Ilan Pappé, La Guerre de 1948 en Palestine, La fabrique éditions, 2000, p. 158-169.

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Antisémitisme

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[28] (en) Summary overview of the situation in the European Union 2001-2005 (http:/ / 209. 85. 229. 132/ search?q=cache:http:/ / eumc. europa. eu/ eumc/ material/ pub/ AS/ AntisemitismOverview_May. pdf) sur Archives Google pour le site de l'EUMC, mai 2006. Consulté le 13 avril 2009 [29] Le maire de Malmö, en Suède, assimile sionisme et antisémitisme (http:/ / www. lemonde. fr/ europe/ article/ 2010/ 01/ 29/ le-maire-de-malmo-en-suede-assimile-sionisme-et-antisemitisme_1298437_3214. html) sur Le Monde, 29 janvier 2010. Consulté le 4 mars 2010 [30] (en)Nick Meo, « Jews leave Swedish city after sharp rise in anti-Semitic hate crimes (http:/ / www. telegraph. co. uk/ news/ worldnews/ europe/ sweden/ 7278532/ Jews-leave-Swedish-city-after-sharp-rise-in-anti-Semitic-hate-crimes. html) » sur Daily Telegraph, 21 février 2010. Consulté le 23 février 2010 [31] Lutte contre l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie (http:/ / www. elysee. fr/ elysee/ elysee. fr/ francais/ les_dossiers/ lutte_contre_l_antisemitisme_le_racisme_et_la_xenophobie/ lutte_contre_l_antisemitisme_le_racisme_et_la_xenophobie. 21477. html) Jacques Chirac, 22 mai 2003 [32] Les lois antiracistes (http:/ / www. vie-publique. fr/ documents-vp/ lois_antiracistes. pdf) - Ministère de la Justice, 4 novembre 2005 [pdf] [33] Rapport annuel 2007 de la Halde (http:/ / www. halde. fr/ rapport-annuel/ 2007/ ) [34] La lutte contre le racisme et la [[xénophobie (http:/ / www. ladocumentationfrancaise. fr/ rapports-publics/ 064000264/ index. shtml)] : rapport d'activité 2007] - La Documentation française, 2008 [35] http:/ / kropot. free. fr/ Lazare-antisemcauses. htm [36] http:/ / lemonde. fr/ archives/ article/ 2009/ 10/ 29/ retour-sur-la-question-juive-d-elisabeth-roudinesco_1260094_0. html [37] http:/ / www. histoiredesjuifs. com/ categories. asp?category=48 [38] http:/ / www. phdn. org/ antisem/ antisemitismelemot. html [39] http:/ / remacle. org/ bloodwolf/ historiens/ Flajose/ Apion1. htm [40] http:/ / www. sefarad. org/ publication/ lm/ 045/ 6. html [41] http:/ / www. conflits. org/ index413. html

Des Juifs et leurs Mensonges Des Juifs et leurs mensonges (en vieil allemand: Von den Jüden und iren Lügen et en allemand moderne: Von den Juden und ihren Lügen) est un traité de 65000 mots écrit en 1543, soit trois ans avant sa mort, par Martin Luther, moine allemand, réformateur de l'Église catholique et initiateur du protestantisme (luthéranisme). Dans son traité, Luther écrit que les Juifs sont un « peuple de débauche, c'est-à-dire pas des gens de Dieu, et que leurs fanfaronnades sur leur lignage, la circoncision et leurs lois doivent être considérées comme une cochonnerie[1] ». « Ils sont remplis d'excréments du diable… dans lesquels ils se vautrent comme des pourceaux[2] . » Quant à la synagogue, c'est une « putain incorrigible et une souillure du diable...[3] » Il soutient que leurs synagogues et leurs écoles doivent être brûlées, leurs livres de prières détruits, leurs rabbins interdits d'officier, les hommes rasés, et leurs biens et argents confisqués. On ne doit montrer à leur égard aucune pitié ni aucune bonté[4] , ne leur procurer aucune protection légale[5] , et ces « vers venimeux et vénéneux » doivent être punis de travaux forcés ou expulsés une fois pour toutes[6] . Il semble aussi recommander leur meurtre quand il écrit: « Nous sommes fautifs de ne pas les tuer[7] . »

Page de garde de Des Juifs et leurs mensonges de Martin Luther. Wittenburg, 1543

L'opinion savante dominante[8] ,[9] ,[10] depuis la Seconde Guerre mondiale est que le traité a exercé une influence majeure et persistante sur l'attitude de l'Allemagne envers ses citoyens juifs dans les siècles entre la Réforme et la Shoah. Quatre cents ans après sa parution, les nazis affichent Von den Jüden und iren Lügen lors des manifestations de Nuremberg, et la ville de Nuremberg présente la première édition à Julius Streicher, éditeur du journal nazi Der Stürmer, le journal le décrivant comme le pamphlet antisémite le plus radical jamais publié[11] . Opposé à la majorité des points de vue, le théologien Johannes Wallmann écrit que le traité n'a pas eu une influence permanente en


Des Juifs et leurs Mensonges Allemagne, et qu'il était en fait relativement ignoré durant les XVIIe et XVIIIe siècles[12] . Hans Hillerbrand argumente que la focalisation sur le rôle de Luther dans le développement de l'antisémitisme allemand sert à sous-estimer les « importantes particularités de l'histoire allemande »[10] . Depuis les années 1980, quelques églises luthériennes ont dénoncé formellement les écrits de Luther sur les Juifs. En novembre 1998, lors du soixantième anniversaire de la Nuit de cristal, l'Église luthérienne de Bavière a publié une déclaration disant qu'il est « impératif pour l'Église luthérienne, qui sait être redevable du travail et de la tradition de Martin Luther, de prendre au sérieux aussi ses déclarations antisémites, de reconnaître leurs fonctions théologiques et de réfléchir à leurs conséquences. En revanche, elle doit prendre ses distances vis-à-vis de toute expression d'antijudaïsme dans la théologie luthérienne »[13] .

Évolution de l'attitude de Luther envers les Juifs L'attitude de Luther envers les Juifs a varié durant sa vie. Dans la première période de sa vie, jusqu'à environ 1536, il exprime de l'intérêt pour leur situation et est enthousiaste à la perspective de les convertir au christianisme. Ultérieurement, il les dénonce et recommande de sévères persécutions et même leur mort[14] . Michael Berenbaum écrit que la confiance de Luther en la Bible comme seule source d'autorité chrétienne, alimente sa furie contre les Juifs en raison de leur rejet du Christ comme Messie.[15] Pour Luther, le salut dépend de la croyance en Jésus comme fils de Dieu, une croyance que les adhérents au judaïsme ne partagent pas. Au début de sa vie, Luther soutient que les Juifs ont été empêchés de se convertir au christianisme par la proclamation de ce qu'il pense être un évangile impur des chrétiens, et il pense qu'ils répondront favorablement au message évangélique si celui-ci leur est présenté correctement. Il exprime son intérêt pour les pauvres conditions dans lesquelles ils sont forcés de vivre, et insiste que quiconque conteste que Jésus soit né Juif commet une hérésie.[15] Le premier commentaire connu de Luther sur les Juifs se trouve dans une lettre adressée au révérend Spalatin en 1514 : « La conversion des Juifs sera l'œuvre de Dieu seul, travaillant de l'intérieur, et non le travail de l'homme travaillant, ou plutôt jouant de l'extérieur. Si ces offenses étaient supprimées, le pire s'en suivrait. Car ils sont voués par le courroux de Dieu à la réprobation, qu'ils pourraient devenir incorrigibles, car comme dit l'Ecclésiaste, quiconque est incorrigible est rendu pire plutôt que meilleur par une correction.[16] » Graham Noble écrit que Luther désire sauver les Juifs, selon ses propres termes, et non les exterminer, mais sous son apparent caractère raisonnable à leur égard, il y a une "intolérance mordante" qui conduit à des "demandes toujours plus furieuses pour leur conversion à sa propre branche de la chrétienté" (Noble, 1-2). Quand il échoue à les convertir, il se tourne contre eux.[17] En 1519, Luther récuse la doctrine Servitus Judaeorum ("Servitude des Juifs"), établie dans le Corpus Juris Civilis par Justinien Ier en 529. Il écrit : "Des théologiens absurdes défendent la haine des Juifs… Quel Juif pourrait consentir d'entrer dans nos rangs quand il voit la cruauté et l'hostilité que nous manifestons à leur égard et que dans notre comportement envers eux nous ressemblons moins à des chrétiens qu'à des bêtes.?" [18] Dans son commentaire sur le Le Magnificat, Luther critique l'accent que le judaïsme met sur la Torah et les cinq premiers livres de l'Ancien Testament. Il déclare qu'ils "s'accrochent de toutes leurs forces à leur loi, et refusent de voir en elle la raison de leur état d'indigence et de damnation."[19] Cependant il conclut que la grâce de Dieu continuera pour les Juifs en tant que descendants d'Abraham pendant tout le temps, car ils peuvent toujours devenir chrétiens.[20] "Nous ne devons pas […] traiter les Juifs aussi méchamment, car il y a de futurs chrétiens parmi eux." [21]

Dans son essai de 1523 Que Jésus Christ est né Juif, Luther condamne le traitement inhumain des Juifs et presse les Chrétiens de les traiter avec bienveillance. Le désir fervent de Luther est que les Juifs entendront l'évangile exprimé clairement et seront poussés à se convertir au christianisme. Ainsi il soutient:

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Des Juifs et leurs Mensonges « Si j'avais été un Juif, et avais vu de tels balourds et de tels crétins gouverner et professer la foi chrétienne, je serais plutôt devenu un cochon qu'un chrétien. Ils se sont conduits avec les Juifs comme s'ils étaient des chiens et non des êtres vivants; ils n'ont fait guère plus que de les bafouer et saisir leurs biens. Quand ils les baptisent, ils ne leur montrent rien de la doctrine et de la vie chrétiennes, mais ne les soumettent qu'à des papisteries et des moineries.... Si les apôtres, qui aussi étaient juifs, s'étaient comportés avec nous, Gentils, comme nous Gentils nous nous comportons avec les Juifs, il n'y aurait eu aucun chrétien parmi les Gentils… Quand nous sommes enclins à nous vanter de notre situation de chrétiens, nous devons nous souvenir que nous ne sommes que des Gentils, alors que les Juifs sont de la lignée du Christ. Nous sommes des étrangers et de la famille par alliance; ils sont de la famille par le sang, des cousins et des frères de notre Seigneur. En conséquence, si on doit se vanter de la chair et du sang, les Juifs sont actuellement plus près du Christ que nous-mêmes… Si nous voulons réellement les aider, nous devons être guidés dans notre approche vers eux non par la loi papale, mais par la loi de l'amour chrétien. Nous devons les recevoir cordialement et leur permettre de commercer et de travailler avec nous, de façon qu'ils aient l'occasion et l'opportunité de s'associer à nous, d'apprendre notre enseignement chrétien et d'être témoins de notre vie chrétienne. Si certains d'entre eux se comportent de façon entêtée, où est le problème? Après tout, nous-mêmes, nous ne sommes pas tous de bons chrétiens.[22] » Quelques années plus tard, en 1528, Luther raconte une mésaventure concernant la diarrhée qu'il a eue en consommant des aliments cashers. Dans une lettre à Melanchthon, Luther rapporte que la communauté juive a essayé de l'empoisonner. Luther explique aussi que les aliments cashers, qu'il pense être maléfiques pour la constitution des Gentils, sont mangés par les Juifs (qui certainement ne ressentent pas d'effets défavorables lors de leur consommation) comme une démonstration de leur supériorité sur les Gentils et comme moyens de se dissocier de la culture dominante germanique. Il recommande que les aliments cashers soient bannis des nations chrétiennes. En août 1536, le prince électeur Jean Frédéric de Saxe et protecteur de Luther, publie un décret interdisant aux Juifs d'habiter, de faire du commerce ou de passer par ses États. Un shtadlan (intercesseur auprès des autorités pour la communauté juive) alsacien, le rabbin Josel de Rosheim, demande au chancelier réformé de Strasbourg, Wolfgang Capito, d'entrer en contact avec Luther afin d'obtenir une audience auprès du prince, mais Luther refuse toute intercession.[23] En réponse à Josel, Luther mentionne ses tentatives infructueuses pour convertir les Juifs : "... J'aimerais bien faire de mon mieux pour votre peuple, mais je ne veux pas contribuer à votre obstination juive par mes bonnes actions. Vous devez trouver un autre intermédiaire pour mon bon seigneur" [24] Heiko Oberman note que cet événement est significatif dans l'attitude de Luther avec les Juifs : "Encore aujourd'hui, ce refus est souvent considéré comme le point de départ décisif du changement dans la position de Luther, de l'amitié à l'hostilité envers les Juifs."[25] L'écrivain Paul Johnson remarque que "Luther n'était pas satisfait avec les injures verbales. Même avant qu'il n'écrive son pamphlet antisémite, il avait réussi à faire chasser les Juifs de Saxe en 1537, et dans les années 1540 de nombreuses villes allemandes; il avait aussi essayé, mais sans succès, de les faire expulser par l'électeur de Brandebourg en 1543."[26]

Des Juifs et leurs mensonges Dans Des Juifs et leurs mensonges, écrit en 1543 trois ans avant sa mort, Luther recommande que les Juifs soient privés d'argent, de droits civils, d'enseignement religieux et d'éducation, et qu'on les force à travailler la terre, ou bien qu'on les expulse d'Allemagne et éventuellement qu'on les tue. « Je m'étais résolu à ne plus écrire sur les Juifs ni contre eux. Mais comme j'ai appris que ces gens misérables et maudits n'arrêtent pas de nous leurrer, nous les Chrétiens, j'ai publié ce petit livre, de façon que je puisse me trouver parmi ceux qui s'opposent à leurs activités empoisonnées et pour mettre les Chrétiens en garde contre eux."[27] » Luther déclare dans ses remarques préliminaires, qu'il a écrit en réponse à un pamphlet, inconnu des historiens, écrit par un ou des Juifs non identifiés, que lui a fait parvenir le Comte Wolfgang Schlick de Falkenau:

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Des Juifs et leurs Mensonges « Cher monsieur et bon ami[28] , j'ai reçu un traité dans lequel un Juif s'engage dans un dialogue avec un Chrétien. Il ose pervertir les passages des Écritures saintes que nous citons en témoignage de notre foi, concernant notre Seigneur Jésus Christ et sa mère Marie, et les interpréter de façon tout à fait différente. Avec ces arguments, il pense qu'il peut détruire la base de notre foi."[29] » Il mentionne les Juifs comme "une portée de vipères et enfants du diable" (de Matthieu 12:34), "misérables, aveugles et stupides," "des imbéciles vraiment stupides", "des voleurs et des larrons", "des fripons paresseux", "des meurtriers permanents", et "de la vermine," et les apparente à de la "gangrène". Puis il continue en recommandant que les synagogues et les écoles juives soient brûlées, leurs maisons rasées, leurs écrits confisqués, leurs rabbins interdits d'exercer, leurs déplacements restreints, qu'ils aient l'interdiction de prêter de l'argent et qu'ils soient obligés de gagner leur vie en cultivant la terre. Luther conseille: "Si nous voulons laver nos mains du blasphème des Juifs et non participer à leurs affaires coupables, nous devons nous séparer d'eux. Ils doivent être expulsés de notre pays," et "nous devons les chasser comme des chiens enragés." Et pour conclure, il note: « Il n'y a pas d'autre explication pour ceci que celle de Moïse citée précédemment, à savoir, que Dieu a frappé les Juifs de 'folie, de cécité et de confusion d'esprit'. Aussi nous sommes même coupables si nous ne vengeons pas tout ce sang innocent de notre Seigneur et des Chrétiens qu'ils ont répandu pendant les trois cents ans après la destruction de Jérusalem, et le sang des enfants qu'ils ont répandu depuis lors (qui brille encore de leurs yeux et de leur peau). Nous sommes fautifs de ne pas les tuer. Au contraire, nous leur permettons de vivre librement dans notre milieu, en dépit de tous leurs meurtres, leurs imprécations, leurs blasphèmes, leurs mensonges et diffamations; nous protégeons et défendons leurs synagogues, leurs maisons, leurs vies et leurs biens. De cette façon, nous les rendons paresseux et tranquilles et nous les encourageons à nous plumer hardiment de notre argent et de nos biens, ainsi qu'à se moquer et à se railler de nous, avec comme but final de nous vaincre, de nous tuer pour un tel péché et de prendre tous nos biens (comme ils le prient et souhaitent tous les jours). Maintenant, dites-moi s'ils n'ont pas toutes les raisons d'être les ennemis de nous, les maudits Goyim, et de nous maudire et de faire tout leur possible pour obtenir notre ruine finale, complète et éternelle! "[30] » Luther recommande un plan en huit points pour se débarrasser des Juifs, soit par leur conversion soit par leur expulsion. 1. "Tout d'abord, mettre le feu à leurs synagogues ou écoles et enterrer ou couvrir de saleté tout ce qui ne brûlera pas, de façon que personne ne puisse jamais revoir une de leurs pierres ou leur cendre…." 2. "En second, je conseille que leurs maisons soient rasées et détruites. ..." 3. "En trois, je conseille que tous leurs livres de prières et écrits talmudiques, qui servent à apprendre une telle idolâtrie, leurs mensonges, leurs malédictions et leurs blasphèmes, leur soient retirés…..." 4. "En quatre, je conseille que leurs rabbins aient l'interdiction d'enseigner sous peine de perdre la vie ..." 5. "En cinq, je conseille que les sauf-conduits sur les grands chemins soient abolis complètement pour les Juifs..." 6. "En six, je conseille que l'usure leur soit interdite, et que toutes les liquidités et trésors d'or et d'argent leur soient confisqués…de tel argent ne doit pas être utilisé…de la [manière] suivante… Si un Juif se convertit sincèrement, on doit lui remettre [une certaine somme]..." 7. "En sept, je recommande que l'on mette un fléau, une hache, une houe, une pelle, une quenouille ou un fuseau entre les mains des jeunes et forts Juifs ou Juives et qu'on les laisse gagner leur pain à la sueur de leur front. Car ce n'est pas juste qu'ils doivent nous laisser trimer à la sueur de nos faces, nous les damnés Goyim, tandis qu'eux, le peuple élu, passent leur temps à fainéanter devant leur poêle, faisant bombance et pétant, et en plus de tout cela, faisant des fanfaronnades blasphématoires de leur seigneurie contre les Chrétiens, à l'aide de notre sueur. Non, nous devons expulser ces fripons paresseux par le fond de leur pantalon." 8. "Si nous voulons laver nos mains du blasphème des Juifs et ne pas partager leur culpabilité, nous devons nous séparer d'eux. Ils doivent être conduits hors de notre pays" et "nous devons les conduire comme des chiens

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enragés".[31] Argumentations et accusations de Luther: son premier argument est que toutes les races sont égales, donc les Juifs ne doivent pas se vanter de leur lignée. [32] • "Il n'y a aucune différence en ce qui concerne la naissance ou la chair ou le sang, comme la raison nous le dit. En conséquence "ni les Juifs ni les Gentils ne doivent se vanter" devant Dieu de leur naissance physique…car tous ensembles, nous partageons une naissance, une chair et un sang, provenant des tous premiers et très saints ancêtres. Nul ne peut reprocher à l'autre quelque singularité sans s'impliquer lui-même à la même occasion." (148). Dans Des Juifs et leurs Mensonges, Luther écrit un certain nombre d'accusations contre les Juifs: • "En premier lieu, ils diffament notre Seigneur Jésus Christ, le nommant sorcier et outil du diable.[33] Ils le font, car ils ne peuvent nier ses miracles. Ainsi, ils imitent leurs aïeux qui disaient 'Il chasse les démons par Belzébuth, le prince des démons'. [Luc 11:15]."[34]

Après Des Juifs et leurs Mensonges Plusieurs mois après la publication de Des Juifs et leurs Mensonges, Luther écrit Vom Schem Hamphoras und das Geschlecht Christi (Du nom de Hamphoras et de la lignée du Christ), dans lequel il assimile les Juifs avec le Diable : « Ici à Wittenburg, dans notre église paroissiale, il y a une truie sculptée dans la pierre, sous laquelle sont étendus des jeunes cochons et des Juifs qui sont en train de téter, et derrière la truie se tient un rabbin qui soulève la patte droite de la truie, se dresse derrière la truie , se penche et regarde avec grand effort le Talmud sous la truie, comme s'il voulait lire et voir quelque chose de très difficile et d'exceptionnel ; il n'y a aucun doute, ils ont reçu leur Chem Hamphoras de cet endroit » « Quand Judas s'est pendu et que ses intestins ont jailli et, comme cela se produit dans de telles circonstances, que sa vessie aussi éclata, les Juifs étaient prêts à recueillir l'eau et les autres choses précieuses, et puis ils s'en sont gavé et en ont bu avidement entre eux, et ils étaient alors dotés d'une telle finesse de vue qu'ils ont pu percevoir des commentaires dans les Saintes Écritures que ni Matthieu ni Isaïe Vom Schem Hamphoras eux-mêmes …n'auraient été capables de détecter, ou peut-être regardaient-ils dans le cul de leur Dieu “Shed,” et ont trouvé ces choses écrites dans ce trou fumant » »Le Diable s'est calmé et a de nouveau rempli sa panse; ceci est une véritable bénédiction pour les Juifs et ceux qui désirent être Juifs, à embrasser, à s'engraisser, à déglutir et à adorer ; et puis le Diable à son tour dévore et boit gouluement ce que ces bons élèves dégorgent et éjectent par le haut et par le bas. » « Le diable avec son groin angélique, dévore ce qui est secrété des ouvertures orales et anales des Juifs ; ceci est en effet son plat favori, dont il se gave comme une truie derrière la haie[35] . »


Des Juifs et leurs Mensonges

L'influence des opinions de Luther XVIe et XVIIe siècles En 1543, le prince électeur Jean Frédéric de Saxe révoque certaines concessions données à Josel de Rosheim en 1539. Johann de Küstrin, margrave de Neumark, abroge les sauf-conduits des Juifs sur ses territoires. Philippe de Hesse ajoute des restrictions à son Ordre Concernant les Juifs. Aucun souverain n'essaye de mettre en application toutes les recommandations de Luther. [36] Dans les années 1570, le pasteur Georg Nigrinus publie L'ennemi juif, qui réitère le programme de Luther contenu dans Des Juifs et leurs Mensonges, et Nikolaus Selnecker, un des auteurs de la Konkordienformel (en latin: Formula concordiae; en français: la Formule de la Concorde), réimprime les livres de Luther Brief wider die Sabbather an einen guten Freund, Von den Jüden und iren Lügen, et Vom Schem Hamphoras. Paul Johnson indique que les partisans de Luther ont pillé Berlin en 1572 et que l'année suivante, les Juifs étaient expulsés de toute la région.[26] Les traités de Luther contre les Juifs sont de nouveau imprimés au début du XVIIe siècle à Dortmund, où ils sont saisis par ordre de l'empereur Rodolphe II. En 1613 et 1617, ils sont publiés à Francfort-sur-le-Main en support au banissement des Juifs de Francfort et de Worms. Ces éditions sont les dernières publications populaires de ces œuvres avant celles du XXe siècle. [37]

Influence sur l'antisémitisme moderne L'Église Évangélique Luthérienne aux États-Unis, dans un essai sur les relations entre Luther et les Juifs, observe que "Au cours du temps, les écrits anti-Juifs de Luther ont continué à être reproduits sous forme de pamphlets par les groupes néonazis et antisémites tels que le Ku Klux Klan."[38] Le Dr. Johannes Wallmann écrit dans la revue Lutheran Quarterly en 1987: « L'assertion que l'expression des sentiments anti-Juifs de Luther ait eu une influence majeure et persistante au cours des siècles suivant la Réforme, et qu'il existe une continuité entre l'antijudaïsme protestant et l'antisémitisme moderne à caractère racial, est à présent largement répandue dans la littérature: depuis la Seconde Guerre mondiale, c'est devenu de façon compréhensible l'opinion dominante."[8] » Robert Michael, professeur émérite d'histoire européenne à l'Université du Massachusetts Dartmouth, observe que "Luther a écrit sur les Juifs comme s'ils étaient une race qui ne peut pas se convertir réellement au christianisme. En effet, comme beaucoup d'auteurs chrétiens avant lui, Luther, en faisant des Juifs le peuple du diable, leur interdit la conversion". Michael note que dans un sermon le 25 septembre 1539, "Luther essayait de démontrer, à travers plusieurs exemples, que les Juifs ne pouvaient pas se convertir de façon permanente, et dans plusieurs passages de Des Juifs et leurs Mensonges, Luther apparaît rejeter la possibilité que les Juifs voudraient ou pourraient un jour se convertir."[39] Franklin Sherman, éditeur du volume 47 de l'édition américaine des œuvres de Luther, dans lesquelles se trouve Des Juifs et leurs Mensonges,[40] récuse également l'idée selon laquelle « l'antipathie de Luther à l'encontre des Juifs était de nature religieuse plutôt que raciale ». Les écrits de Luther contre les Juifs, explique-t-il ne sont pas « simplement un ensemble de jugements théologiques sérieux, pondérés et posés. Ses écrits sont pleins de rage et de haine contre "un groupe humain identifiable" et non juste contre un point de vue religieux. C'est contre ce groupe que ses propositions d'actions sont dirigées ». Sherman affirme que Luther « ne peut pas être complètement dissocié de l'antisémitisme moderne ». Au sujet du traité Des Juifs et leurs Mensonges, le philosophe allemand Karl Jaspers écrit : « Là, vous avez déjà l'ensemble du programme nazi[41] ». D'autres historiens affirment par contre que l'antisémitisme exprimé par Luther dans Des Juifs et leurs Mensonges est plutôt basé sur la religion. Bainton annonce que la position de Luther était « entièrement religieuse et en aucun cas raciale. Le péché suprême pour lui, était le rejet persistant de la révélation de Dieu lui-même dans le Christ. Les

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Des Juifs et leurs Mensonges souffrances séculaires des Juifs étaient par elles-mêmes une marque du mécontentement divin. Ils devaient être chassés et aller vers une terre à eux. C'était un programme de sionisme forcé. Mais si ce n'était pas possible, alors Luther recommandait que les Juifs vivent de la terre. Il proposait involontairement un retour aux conditions du haut Moyen Âge, quand les Juifs étaient dans l'agriculture. Chassés de leurs terres, ils étaient devenus commerçants. Chassés de leurs commerces, ils étaient devenus prêteurs d'argent. Luther voulait renverser le procédé et ainsi, par inadvertence, aurait accordé aux Juifs une position plus sécurisante que celle qu'ils avaient en son temps[42] ». Paul Halsall mentionne que les déclarations de Luther ont partiellement jeté les bases de l'antisémitisme racial du XIXe siècle en Europe : « quoique les commentaires de Luther semblent être proto-nazis, ils font plutôt partie d'une tradition de l'antisémitisme chrétien médiéval. Bien qu'il y ait peu de doute que l'antisémitisme chrétien ait posé les bases culturelles et sociales de l'antisémitisme moderne, l'antisémitisme moderne est basé sur des notions pseudo-scientifiques de race. Les nazis ont emprisonné et tué même des Juifs ethniques qui s'étaient convertis au christianisme: Luther aurait bien accueilli leur conversion[43] ». Dans son article Lutheran Quarterly, Wallmann mentionne que les traités de Luther Brief wider die Sabbather an einen guten Freund, Von den Jüden und iren Lügen, et Vom Schem Hamphoras étaient plus ou moins ignorés des antisémites de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe. Il soutient que Johann Andreas Eisenmenger et son Le judaïsme démasqué, publié à titre posthume en 1711, a été « une source majeure pour les antisémites des XIXe et XXe siècles [et] renvoie les écrits anti-Juifs de Luther dans l'obscurité ». Dans son livre de 2000 pages, Eisenmenger ne mentionne d'ailleurs pas du tout Luther[8] .

Les nazis La ligne de « la filiation de l'antisémitisme » de Luther à Hitler est « facile à tracer[44] » selon l'historienne américaine Lucy Dawidowicz. Dans son livre La Guerre contre les Juifs, 1933-1945, elle écrit que Luther et Hitler étaient tous deux obsédés par l'« univers démoniaque » habité par les Juifs, et que Hitler affirmait que le vrai Luther était le Luther agé auteur de "Des Juifs et leurs Mensonges".[44] Dawidowicz note que les similitudes entre les écrits anti-Juifs de Luther et l'antisémitisme moderne ne sont pas des coïncidences, car elles résultent d'une histoire commune de Judenhass (la haine des Juifs), que l'on peut faire remonter jusqu'aux conseils d'Haman à Assuérus. Bien que l'antisémitisme allemand moderne trouve aussi ses racines dans le nationalisme allemand et dans l'antisémitisme chrétien, elle soutient que l'une de ses causes provient de l'Église catholique romaine sur laquelle s'est appuyé Luther." [44] Le professeur Robert Michael, écrit que les historiens et théologiens qui essayent de nuancer les vues de Luther sur les Juifs, ignorent les implications meurtrières de l'antisémitisme. Pour Michael, il y a un « fort parallélisme » entre les idées de Luther et l'antisémitisme de la plupart des allemands luthériens pendant l'Holocauste[45] . Comme les nazis, Luther mythifie les Juifs en diable. Ils ne peuvent être sauvés qu'en se convertissant au christianisme, mais leur hostilité rend cette idée inconcevable[45] . Les opinions de Luther sont largement répandues en Allemagne dans les années 1930, principalement à l'intérieur du parti nazi. Le Völkischer Beobachter cite le ministre de l'éducation d'Hitler, Bernhard Rust: « Depuis la mort de Martin Luther, aucun fils de notre peuple n'est réapparu comme tel. Il a été décidé que nous serons les premiers à être témoins de sa réapparition… Je pense que le temps est passé et que nous devons dorénavant dire les noms de Hitler et de Luther d'un même souffle. Ils sont faits tous les deux du même moule. [Schrot und Korn]". [46] . » Hans Hinkel, responsable du magazine de la Ligue de Luther Deutsche Kultur-Wacht, et de la section de Berlin de la Kampfbund, rend hommage à Luther dans son discours de réception à la tête de la Section Juive et du département des films de la Chambre de la Culture et du Ministère de la Propagande de Goebbels. « Avec ses actes et son attitude spirituelle, il a commencé le combat que nous allons continuer maintenant; avec Luther, la révolution du sang germanique et le sentiment contre les éléments étrangers au Peuple ont commencé. Nous allons continuer et terminer son protestantisme; le nationalisme doit faire de l'image de Luther, un combattant allemand, un exemple vivant "au-dessus des barrières des confessions" pour tous les camarades de sang germanique [47] . »

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Des Juifs et leurs Mensonges Selon Daniel Goldhagen, l'évêque Martin Sasse, un des leaders protestants, a publié un résumé des écrits de Luther quelque temps après la Nuit de cristal, que Diarmaid MacCulloch, professeur d'histoire de l'église à l'Université d'Oxford, considère n'avoir été qu'inspiré par Luther[48] . Sasse « applaudit la mise à feu des synagogues et la coïncidence du jour », écrivant dans son introduction, « Le 10 novembre (1938, le jour anniversaire de la naissance de Luther, les synagogues brûlent en Allemagne. » Il conseille au peuple allemand de tenir compte des paroles du « plus grand antisémite de son temps, celui qui met en garde son peuple contre les Juifs[49] . » William Nichols, professeur d'études religieuses, raconte: « Au Procès de Nuremberg, après la Seconde Guerre mondiale Julius Streicher, le fameux propagandiste nazi, éditeur de la revue hebdomadaire haineuse antisémite Der Stürmer, affirme que s'il doit être présent ici, accusé de telles charges, alors il doit en être de même pour Martin Luther. En lisant certains passages, il est difficile de ne pas être d'accord avec lui. Les propositions de Luther se lisent comme un programme pour les nazis[50] . » C'est la phrase de Luther, « Les Juifs sont notre malheur, » qui sera répétée quelques siècles plus tard par Heinrich von Treitschke et apparaît comme devise sur la première page du Der Stürmer de Julius Streicher. Certains historiens attribuent la Solution Finale nazie directement à Martin Luther[51] . D'autres réfutent ce point de vue, ne partageant pas d'une manière significative la thèse avancée par Shirer et d'autres[52] . Le Luthertag Au cours des festivités du Luthertag (le jour de Luther), les nazis accentuent leur connexion avec Luther, en se présentant à la fois comme des révolutionnaires nationalistes et comme les héritiers du passé traditionaliste germanique. Un article dans le Chemnitzer Tageblatt indique que « Le Peuple Allemand est uni non seulement par la loyauté et l'amour de la patrie, mais aussi par la vieille croyance germanique en Luther [Lutherglauben]; une nouvelle époque de vie religieuse consciente et forte a vu le jour en Allemagne. » Richard Steigmann-Gall écrit en 2003 dans son livre The Holy Reich: Nazi Conceptions of Christianity, 1919-1945 (Le Saint Reich : les conceptions nazies du christianisme, 1919-1945): « La direction de l'Union protestante épouse une vision similaire. Fahrenhorst, qui est au comité d'organisation du Luthertag, nomme Luther 'le premier Führer spirituel allemand' qui parle à tous les Allemands sans tenir compte du clan ou de la religion. Dans une lettre à Hitler, Fahrenhorst rappelle à Hitler que ses 'Vieux Combattants' étaient pour la plupart protestants et que c'était précisément dans les 'régions protestantes de notre Patrie' que le nazisme trouvait sa plus grande force. Promettant que la célébration du Luthertag ne se transformera pas en manifestation confessionnelle, Fahrenhorst invite Hitler à devenir le patron officiel du Luthertag. Dans une correspondance ultérieure, Fahrenhorst réexplique que la célébration de Luther pourrait d'une certaine façon servir à dépasser les limites confessionnelles: 'Luther est réellement, non seulement le fondateur d'une confession chrétienne, mais beaucoup plus. Ses idées ont eu un impact fructueux sur tout le christianisme en Allemagne.' Précisément, en raison de la signification politique aussi bien que religieuse de Luther, le Luthertag doit servir de référence aussi bien 'pour l'église que pour le peuple'[53] . »

Réponses des églises luthériennes au XXe siècle Le contenu antisémite des écrits de Luther a été répudié par de nombreuses églises luthériennes de par le monde. En 1983, le synode du Missouri de l'église luthérienne dénonce « l'attitude hostile » de Luther envers les Juifs. En 1994, le conseil des églises de l'Église luthérienne évangélique d'Amérique rejette dans une déclaration publique[54] les écrits antisémites de Luther, disant: « Nous qui portons son nom et héritage, devons reconnaître avec peine les diatribes anti-judaïques contenues dans les articles tardifs de Luther. Nous rejetons ses invectives violentes comme l'on fait nombre de ses compagnons au XVIe siècle, et nous sommes dans une profonde et constante tristesse pour ses effets tragiques sur les générations ultérieures de Juifs ». En 1995, l'Église luthérienne évangélique du Canada[55] fait une déclaration similaire, comme le fait en 1998, l'Église évangélique autrichienne. La même année, le synode du land de l'Église luthérienne évangélique de Bavière

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Des Juifs et leurs Mensonges publie une déclaration [56] indiquant il est impératif pour l'Église Luthérienne, qui sait être redevable du travail et de la tradition de Martin Luther, de prendre au sérieux aussi ses déclarations antisémites, de reconnaître leurs fonctions théologiques et de réfléchir à leurs conséquences. En revanche, elle doit prendre ses distances vis-à-vis de toute expression d'anti-judaïsme dans la théologie luthérienne".[57] Une déclaration forte est issue de The Lutheran Evangelical Protestant Church [LEPC/EPC/GCEPC] (Église protestante évangélique luthérienne) des États-Unis déclarant: « Le peuple juif est le Peuple Élu de Dieu. Les croyants doivent les bénir comme les Écritures disent que Dieu bénira ceux qui bénissent Israël et maudira ceux qui maudissent Israël. L'Église désavoue et renonce aux œuvres et mots de Martin Luther concernant le peuple juif. Des prières sont faites pour la cicatrisation des douleurs du peuple juif, sa paix et sa prospérité. Des prières sont faites pour la paix de Jérusalem. Avec une grande tristesse et des regrets, une repentance est offerte au peuple juif pour le mal que Martin Luther a causé. Le pardon est demandé au peuple juif pour ces actions. Les Évangiles sont tout d'abord pour les Juifs et ensuite les Gentils (les croyants en Christ). Les Gentils ont été greffés à la vigne. Dans le Christ, il n'y a ni Juif ni Gentil, mais le désir du Seigneur est qu'il n'y ait qu'un seul nouvel homme, car le Christ a rompu le mur de séparation avec Son propre corps. (Ephésiens 2:14-15).Le LEPC/EPC/GCEPC bénit Israël et le peuple juif[58] . »

Les mots de Luther et les historiens L'historien luthérien anglican Gordon Rupp écrit: « L'antagonisme de Luther envers les Juifs est à l'opposé de la doctrine nazie de 'Race'. Elle était basée sur un antisémitisme catholique médiéval envers le peuple qui a crucifié le Rédempteur, tourné le dos à leur mode de vie et dont l'existence même au milieu de la société chrétienne était considérée comme un reproche et un blasphème. Luther n'est qu'un petit chapitre dans le large volume des inhumanités chrétiennes à l'encontre du peuple juif.[59] ... "Il n'est pas besoin de le dire, mais il n'y a aucune trace de relation entre Luther et Hitler. Je suppose qu'Hitler n'a jamais lu une page de Luther. Le fait que lui et d'autres nazis aient appelé Luther à leur côté ne prouve rien de plus que le fait qu'ils aient aussi compté Dieu tout puissant parmi leurs supporters. Hitler mentionne Luther une seule fois dans Mein Kampf dans un contexte insignifiant.[60] » Dans La montée et la chute du Troisième Reich, William L. Shirer note : « Il est difficile de comprendre le comportement de la plupart des protestants allemands durant les premières années du nazisme si on ne prend pas en compte deux choses : leur histoire et l'influence de Martin Luther. Le grand fondateur du protestantisme était à la fois un antisémite ardent et un partisan absolu de l'autorité politique. Il voulait une Allemagne débarrassée des Juifs. Le conseil de Luther a été littéralement suivi quatre siècles plus tard par Hitler, Goering et Himmler[61] . » Roland Bainton, historien des religions et biographe de Luther, écrit en référence à Des Juifs et leurs Mensonges: "On aurait espéré que Luther meurt avant qu'il n'ait écrit ce pamphlet. Sa position est entièrement religieuse et en aucun cas raciale." [62] Richard Marius soutient qu'en faisant cette "déclaration", "Roland Bainton essaye de présenter Luther et sa vision des Juifs de la meilleure façon possible."[63] La position de Bainton est reprise plus tard dans les écrits de James M. Kittelson concernant la correspondance de Luther avec l'érudit juif Josel of Rosheim: "Il n'y a pas d'antisémitisme dans sa réponse. De plus, Luther n'est jamais devenu antisémite dans le sens moderne et racial du terme."[64] Paul Halsall [65] remarque que: "dans ses lettres à Spalatin, on peut déjà voir que la haine de Luther pour les Juifs, plus particulièrement présente dans son traité de 1543 Des Juifs et leurs Mensonges, n'est pas due à une affection du grand âge, mais se trouve présente très tôt. Luther epérait que les Juifs se convertiraient à son christianisme purifié. Comme ils ne l'ont pas fait, il s'est retourné violemment contre eux."[66] Gordon Rupp donne ce commentaire sur Des Juifs et leurs Mensonges : « Je confesse que je suis honteux, comme je suis honteux de certaines lettres de Saint-Jérome ou de certains paragraphes de Sir Thomas More, et de certains

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Des Juifs et leurs Mensonges chapitres du Livre des Révélations, et je dois dire que leurs auteurs n'ont rien appris du Christ[67] ». Selon Heiko Oberman, « la base de l'antijudaïsme de Luther est sa conviction que jamais depuis l'apparition du Christ sur terre, les Juifs n'ont un futur comme Juifs[68] ». Richard Marius voit les remarques de Luther comme faisant partie d'un ensemble de déclarations similaires concernant différents groupes que Luther considérait comme ennemis du christianisme. Il note : « Bien que les Juifs pour lui n'étaient qu'un parmi les nombreux ennemis qu'il fustigeait avec une ferveur égale, bien qu'il n'ait pas sombré dans les horreurs de l'Inquisition espagnole contre les Juifs, et bien qu'il ne soit certainement pas à blâmer pour Hitler, la haine de Luther pour les Juifs est une partie triste et déshonorante de son héritage, et ce n'est pas un problème marginal. Elle repose au centre de son concept de religion. Il voit dans les Juifs une dépravation morale permanente qu'il ne voit pas chez les Catholiques. Il n'accuse pas les papistes des crimes dont il accuse les Juifs."[69] » Robert Waite dans sa psycho-histoire d'Hitler et de l'Allemagne nazie, consacre une section entière à l'influence de Luther sur Hitler et l'idéologie nazie. Il note que dans son Mein Kampf, Hitler se réfere à Martin Luther comme à un grand guerrier, un vrai homme d'Etat et un grand réformateur, à côté de Richard Wagner et de Frédéric le Grand.[70] Waite cite Wilhelm Röpke, écrivant après l'Holocauste et qui concluait que « sans aucun doute, le luthéranisme a influencé l'histoire politique, spirituelle et sociale de l'Allemagne d'une façon qui, après observation minutieuse, peut être décrite seulement comme fatale[71] ». Waite compare aussi sa psychoanalyse avec la psycho-histoire de Erik Erikson sur Luther, Luther jeune homme, et conclut que, si Luther avait vécu pendant les années 1930, il aurait très probablement dénoncé les persécutions des Juifs par les nazis, même si cela avait mis sa vie en danger, comme l'a fait Dietrich Bonhoeffer (un pasteur luthérien) did.[72] En 1988, le théologien luthérien Stephen Westerholm affirme que les attaques de Luther contre les Juifs faisaient partie de ses attaques contre l'Église catholique et que Luther reprenait la critique par Saint-Paul des Pharisiens comme légaliste et hypocrite, à l'encontre de l'Église catholique. Westerholm rejette l'interprétation du judaïsme par Luther et son apparent antisémitisme, mais signale que quels que soient les problèmes qui existent dans les arguments de Saint-Paul et de Luther contre les Juifs, ce que Saint-Paul et plus tard Luther ont soutenu, était et continue d'être une vision importante du christianisme.

Annexes Bibliographie • (en) Roland Bainton, Here I Stand: A Life of Martin Luther, Abingdon Press, Nashville, 1978 (ISBN 0-687-16894-5) • (en) Martin Brecht, Martin Luther (3 volumes), Fortress Press, Minneapolis, 1985-1993 (ISBN 0-8006-0738-4, ISBN 0-8006-2463-7 et ISBN 0-8006-2704-0)

• (en) Mardell J. Gavriel, The Anti-Semitism of Martin Luther: A Psychohistorical Exploration, Chicago School of Professional Psychology, 1996Thèse de doctorat en philosophie • Daniel Goldhagen, Les bourreaux volontaires de Hitler, Seuil, 24 janvier 1997, 579 p. (ISBN 20202898229 et ISBN 978-2020289825)

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Voir aussi Articles connexes • Martin Luther • Histoire des Juifs en Allemagne

Liens externes (en) Antisémitisme – Réforme [76] du Musée de l'Holocauste de Floride. (en) Luther et les Juifs (PDF) [74] par Siemon-Netto, Uwe. Lutheran Witness 123 (2004) No. 4:16-19. (en) Martin Luther [77] article dans Jewish Encyclopedia (1906 ed.) by Gotthard Deutsch (en) L'attitude de Martin Luther envers les Juifs [78] par James Swan (en) Martin Luther et les Juifs par Mark Albrecht [79] (en) Lettre à Bernhard, un Juif converti(1523) de Luther [80] (en) Les Juifs et leurs Mensonges (version anglaise abrégée, publiée par CPA Book Publisher, Boring, Oregon at archive.org) [81] • (en) Site web de l'Église Protestante Évangélique Luthérienne [82] • • • • • • •


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[10] (en) Hillerbrand, Hans J. « Martin Luther », Encyclopaedia Britannica, 2007. Hillerbrand écrit: « Son exposé véhément contre les Juifs, et plus particulièrement vers la fin de sa vie, amène à se demander si Luther a de façon significative encouragé le développement de l'antisémitisme allemand. Bien que plusieurs chercheurs aient adopté ce point de vue, cette perspective donne beaucoup trop d'importance à Luther et pas suffisamment aux importantes particularités de l'histoire allemande. » [11] (en) Ellis, Marc H. Hitler et l'Holocauste, l'antisémitisme chrétien" (http:/ / www3. baylor. edu/ American_Jewish/ everythingthatusedtobehere/ resources/ PowerPoints/ Christian Anti-Semitism (part 2). ppt), Baylor University Center for American and Jewish Studies, Printemps 2004, cliché 14. Voir aussi (en) Nuremberg Trial Proceedings (http:/ / elsinore. cis. yale. edu/ lawweb/ avalon/ imt/ proc/ 04-29-46. htm#herrwerth), Vol. 12, p. 318, Projet Avalon, Yale Law School, 19 avril 1946. [12] (en)Wallmann, Johannes. « L'accueil des écrits de Luther contre les Juifs de la Réforme à la fin XIXe siècle », Lutheran Quarterly, n.s. 1, Printemps 1987, 1:72-97. [13] (en) "Chrétiens et Juifs: une déclaration de l'Église luthérienne de Bavière" (http:/ / jcrelations. net/ en/ ?id=993), 24 novembre 1998, aussi publié en allemand dans le Freiburger Rundbrief, 6:3 (1999), pp.191-197. Pour d'autres déclarations des organismes luthériens, voir: •

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[34] Luther, Martin: Pelikan, Jaroslav Jan (Hrsg.) ; Oswald, Hilton C. (Hrsg.) ; Lehmann, Helmut T. (Hrsg.) Traduction par Martin H. Bertram: Les œuvres de Luther, Vol. 47: The Christian in Society IV. Philadelphie : Fortress Press, 1999, ©1971, 47:256. [35] (en) "La Réforme" (http:/ / www. flholocaustmuseum. org/ history_wing/ antisemitism/ reformation. cfm), Musée de l'Holocauste de Floride. La raduction anglaise de Vom Schem Hamphoras est incluse dans Le Juif dans la théologie chrétienne, par Gerhard Falk (McFarland & Co., 1992). [36] (en) Mark U. Edwards, Jr. Les dernières batailles de Luther: Politique et Polémiques, 1531-46 (Ithaca, NY: Cornell University Press, 1983), pp. 135-136. [37] Wallman, p. 78. 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Des Juifs et leurs Mensonges [64] (en) James M. Kittelson, Luther le réformateur: l'histoire de l'homme et sa carrière, (Minneapolis: Augsburg Publishing House, 1986), p. 274. [65] (en) Halsall, Paul, ed., Internet History Sourcebooks Project (http:/ / www. fordham. edu/ halsall). (Récupéré le 25 avril 2006) [66] (en) Halsall, Paul, Medieval Sourcebook: Martin Luther (1483-1546) (http:/ / www. fordham. edu/ halsall/ source/ luther-jews. html), Internet History Sourcebooks Project, Fordham University. (Récupéré le 4 janvier 2005) [67] Rupp, p. 76. [68] (en) Heiko Oberman, Les racines de l'antisémitisme pendant la Renaissance et le Réforme (Philadelphia: Fortress Press, 1984), p.46. [69] (en) Richard Marius, Martin Luther: le chrétien entre Dieu et la mort (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1999), p.482. [70] (de) Hitler, Adolf, Mein Kampf, Volume 1, Chapter VII Parmi eux, nous pouvons compter les grands guerriers de ce monde, qui bien qu'incompris par le présent, sont néanmoins préparés à combattre pour leurs idées et leurs idéaux jusqu'à la fin. Ce sont des hommes qui un jour seront plus près du cœur du peuple, il semble même comme si chaque individu ressent le devoir de compenser dans le passé pour les péchés que le présent a commis à l'égard des grands. Leur vie et leurs œuvres sont suivies avec une gratitude et une émotion admiratives, et plus particulièrement dans les jours de ténèbres, ils ont le pouvoir de relever les cœurs cassés et les âmes désespérées. Parmi eux se trouvent non seulement les véritables grands hommes d'Etat, mais aussi tous les autres grands réformateurs. À côté de Frédéric le Grand, se tient Martin Luther ainsi que Richard Wagner. [71] (en) (en) Wilhelm Röpke, The Solution to the German Problem, G.P. Putnam's Sons, 1946, p., tel que cité par Waite, Robert G. L. dans Le Dieu psychopathe: Adolf Hitler, pp.251, Da Capo Press, 1993, ISBN 0-306-80514-6 [72] > (en) Waite, Robert G.L. The Psychopathic God: Adolf Hitler. New York: First DaCapo Press Edition, 1993 (orig. pub. 1977). ISBN 0-306-80514-6. [73] http:/ / worldcat. org/ issn/ 0024-757X& lang=fr [74] http:/ / www. lcms. org/ graphics/ assets/ media/ Lutheran%20Witness/ Apr04. pdf [75] http:/ / www. tentmaker. org/ books/ MartinLuther-HitlersSpiritualAncestor. html [76] [77] [78] [79] [80] [81] [82]

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L'Enseignement du mépris L'Enseignement du mépris est un ouvrage de Jules Isaac édité en 1962, un an avant la mort de son auteur, aux éditions Fasquelles - et réédité chez Grasset en 2004 (ISBN 978-2246171829). Il est composé de deux parties et plusieurs annexes. Le texte principal, éponyme, est suivi du texte d'une conférence que Jules Isaac a prononcée le mardi 15 décembre 1959 à la Sorbonne ; originellement intitulée « Du redressement nécessaire de l'enseignement chrétien concernant Israël », elle est éditée aux éditions Fasquelles en 1960 sous le titre de « L'antisémitisme a-t-il des racines chrétiennes ? »[1] . Dans cet ouvrage, son auteur y traite des « préjugés antijuifs, les sentiments de méfiance, de mépris, d'hostilité et de haine à l'égard des Juifs, qu'ils soient de religion israélite ou simplement de famille juive »[2] . Les développements que Jules Isaac effectue dans ce texte sont repris régulièrement par plusieurs historiens et l'expression « enseignement du mépris » est entrée dans le langage historique pour y traiter des siècles d'enseignement chrétien vis-à-vis des Juifs : « Dans le résumé de l'histoire sainte du catéchisme modèle du diocèse de Paris, écrit Michel Winock dans La France et les Juifs, on peut lire : « Jérusalem périt sans ressource, le temple fut consommé par le feu, les Juifs périrent par le glaive. Alors ils ressentirent les effets du cri qu'ils avaient fait contre le Sauveur : Son sang soit sur nous et sur nos enfants. La vengeance de Dieu les poursuit, et partout ils sont captifs et vagabonds. ». En contradiction avec le catéchisme du Concile de Trente (1556), pour lequel ce n'était pas les Juifs qui étaient coupables de la mort du Christ, mais les hommes « depuis le commencement du monde jusqu'à ce jour », nombre de catéchismes et d'ouvrages paracatéchitiques colporteront la fable du « peuple déicide » jusqu'au cœur du XXe siècle[3] . « L'enseignement du mépris », qui remontait aux pères de l'Église, selon Jules Isaac, était donné aux enfants par le catéchisme. »[4]

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L'Enseignement du mépris Léon Poliakov, dans l'Histoire de l'antisémitisme, écrivait en 1993 : « En son temps, l'historien français Jules Isaac, dont toute la famille avait été gazée à Auschwitz, mettait l'accent dans ses travaux sur le funeste legs chrétien, et celui-ci a fortement contribué à la spectaculaire révision de l'enseignement, en premier lieu celui de l'Église catholique »[5] L'enseignement du mépris se concentre effectivement sur les origines chrétiennes de l'antisémitisme : « L'Église, écrit encore Poliakov, comme le montrait à l'époque les travaux de l'historien Jules Isaac (Jésus et Israël, 1948), avait développé depuis des siècles « un enseignement du mépris » qui n'était plus tolérable. »[6] Renée Neher-Bernheim, dans son Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, écrit : « À Aix-en-Provence, Jules Isaac, retrouvant une nouvelle vigueur, malgré la mort à Auschwitz de sa femme et de sa fille, oriente ses travaux dans une direction entièrement différente de celle d'avant-guerre : devenu pionnier de l'amitié judéo-chrétienne au sens le plus noble, il en appelle à la conscience des chrétiens au lendemain d'un massacre qui n'a pu être perpétré en pays chrétiens qu'en raison d'un séculaire « enseignement du mépris », selon la formule qu'il a forgée. »[7] Il rencontra Jean XXIII[8] qui inspira le texte Nostra Ætate« et dont la déclaration sur les Juifs mettait fin à un enseignement séculaire du « mépris ». »[9]

Synthèse de l'ouvrage Les titres de la synthèse ci-dessous proviennent directement du découpage opéré par Jules Isaac lui-même dans son ouvrage.

Introduction « L'antisémitisme est profondément enraciné en chrétienté » Jules Isaac débute son ouvrage en affirmant qu'« il y a un antisémitisme chrétien. Toujours vivace et virulent. En étendue, en profondeur. Conscient ou subconscient. [...] Dans leur grande majorité les chrétiens – ou reconnus comme tels – sont antisémites. Car même chez les meilleurs [chrétiens], ceux-là même qui ont engagé contre l'antisémitisme nazi le plus généreux combat, il est aisé de relever les traces d'un antisémitisme en quelque sorte subconscient. »[10] . L'affirmation de Jules Isaac n'est ni gratuite ni dénuée de fondement, car il va s'atteler, tout au long de son livre, références historiques à l'appui, de démontrer ce qu'il affirme ici. Il commence par citer une série de passages d'ouvrages qui montrent « la constante déformation de l'histoire juive par les théologiens chrétiens » : Pax nostra du Révérend Père Fressard (1936), les articles du professeur J. Leenhardt de Genève (de 1938 à 1941), le propre ouvrage de Jules Isaac Jésus et Israël (1948), ou l'enquête du Révédend Père Démann, La catéchèse chrétienne et le peuple de la Bible (1952). L'« universalité » de l'antisémitisme n'a pas de fondement historique Pour Jules Isaac, ceux qui affirment que l'antisémitisme a toujours existé, bien avant l'ère chrétienne, et que « le responsable [de l'antisémitisme] serait le peuple juif lui-même par son intransigeance religieuse, son séparatisme, son « inassimilation persistante » au sein des autres peuples »[11] , ne s'appuient sur aucun fait historique. Jules Isaac mentionne que « les Juifs déportés en Chaldée au VIe siècle avant Jésus-Christ y ont vécu paisiblement et prospéré pendant plusieurs siècles ; Babylone est devenue un des principaux foyers du judaïsme[12] » ; les Juifs se sont parfaitement intégrés dans la population chinoise. Il est donc faux de dire que les Juifs ne s'assimilent pas et que l'antisémitisme serait dû à leur comportement sectaire. « On pourrait même soutenir, ajoute Jules Isaac, qu'Israël a toujours eu le génie de l'assimilation[13] . » Si on doit reconnaitre une piété juive fidèle à la Torâ, on doit reconnaitre celle-ci, comme tout séparatisme, comme ayant « engendré des réactions de méfiance, d'hostilité, de mépris par incompréhension[14] . » Jules Isaac précise que cette piété religieuse a été nécessaire, notablement pour transmettre le monothéisme aux chrétiens et aux musulmans dans un monde païen.

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L'Enseignement du mépris L'antisémitisme païen n'a jamais été développé Jules Isaac précise que l'antisémitisme païen et les persécutions juives ont certes existé avant l'ère chrétienne, comme le mentionne la Bible aux livres de l' Exode, d'Esther, des Macchabées, mais cette source-ci de l'antisémitisme est le fruit d'une rivalité économique entre Grecs et Juifs. Quant aux Romains, ils reprochaient aux Juifs leur monothéisme et le sabbat, attaqué comme un signe de paresse qui s'est propagé dans tout l'Empire romain[15] . Cependant, les persécutions dans le monde païen ont été épisodiques et les Juifs ont été, par exemple par les Ptolémées d'Égypte, employés comme soldats, douaniers, colons, agents du fisc ; la religion juive fut la seule licita dans l'Empire romain. Tout ceci n'a rien à voir avec le « mépris » et la « haine universelle » attribuée aux Juifs. « Il n'est pas vrai non plus, poursuit Jules Isaac, de soutenir que, dès les temps anciens, les Juifs ont déployé « ces dons de manieurs d'argent qui les rendirent si célèbres »[16] . Pour l'époque romaine sous l'Empire, Marcel Simon dans un livre qui fait autorité, Verus Israël, écrit : « À considérer l'ensemble de l'Empire, la population juive comporte une large majorité de petites gens... ce qu'on reproche le plus souvent aux Juifs, ce n'est pas d'être cousus d'or, mais bien plutôt d'être loqueteux et sordides »[17] . » La nocivité et la persistance de l'antisémitisme chrétien Après avoir rappelé que le christianisme est né au sein du judaïsme, qu'il a été une simple secte juive à l'origine et que, par la voix de ses apôtres juifs, il s'est efforcé de rallier les masses juives, Jules Isaac « constate » qu'à partir du moment où le christianisme s'oriente vers les peuples païens et s'affranchit de la loi mosaïque, il se heurte forcément à l'hostilité du judaïsme fidèle à la Torâ. « Pour l'apostolat chrétien en terre païenne, écrit Jules Isaac, rien n'est plus gênant, plus irritant que l'opposition passionnée des Juifs partout rencontrée, leur refus de reconnaitre Jésus comme Christ (ou Messie) et Fils de Dieu[18] ». De là vient la volonté, de la part de l'apologétique chrétienne visible dans les Évangiles canoniques mais aussi apocryphes, de discréditer le peuple juif. Jules Isaac cite Marcel Simon (Verus Israël) : « À la différence de l'antisémitisme païen, qui traduit le plus souvent une réaction spontanée, exceptionnellement dirigée et organisée [l'antisémitisme chrétien] poursuit un but très précis : rendre les Juifs odieux. [...] Il est au service de la théologie et est nourri par elle ; il puise ses arguments... dans une certaine exégèse des écrits bibliques interprétés... comme un long réquisitoire contre le peuple élu. ». « Ainsi, écrit Jules Isaac, s'est constitué un enseignement dit chrétien qui mérite le nom d'enseignement du mépris, et dont j'ai démontré que « nulle arme ne s'est révélée plus nocive, plus redoutable » pour le judaïsme et les Juifs[19] . » Il s'agit ici non pas de combattre la foi chrétienne, mais de lutter pour la vérité historique, contre ce qui est « plus encore une routine qu'une tradition, faite de préjugés invétérés, des plus détestables habitudes d'esprit et de cœur, et de langage[20] . »

Trois thèmes de l'enseignement du mépris La dispersion, châtiment providentiel de la crucifixion Jules Isaac précise que la dispersion du peuple juif (la diaspora de son nom grec) doit se distinguer en mythe théologique et fait historique. La Dispersion comme mythe théologique La théologie chrétienne enseigne que la dispersion a eu lieu en 70 après J.-C. et qu'elle est le châtiment divin de la Crucifixion Jules Isaac affirme que la théologie « enseigne communément que la Dispersion d'Israël est un châtiment de Dieu, providentiel[21] » suite à la crucifixion de Jésus dont le peuple juif est accusé d'être coupable (voir plus bas, chapitre Le peuple déicide). Il ajoute que l'Histoire n'a rien à dire à cela et que chaque religion a montré que les malheurs qui les frappent sont « le châtiments de leurs péchés, châtiment voulu par Dieu[21] », et que la théologie juive et chrétienne sont d'accord sur ce point. Ce qui étonne Jules Isaac, c'est que la mise en croix de Jésus se situe vers les années 29 ou 30, et que la Dispersion d'Israël doit se situer de peu après cette date. La théologie chrétienne, au contraire, enseigne que la Dispersion est intervenu en 70, « Année réellement néfaste pour Israël, car c'est l'année de

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L'Enseignement du mépris la prise de Jérusalem par Titus, fils de Vespasien empereur, après quatre ans d'une des guerres les plus rudes, les plus meurtrières soutenues par le grand et puissant empire romain [...] contre un petit peuple rebelle, les Juifs de Palestine[22] . » L'année 70, précise Jules Isaac, est également l'année de la destruction du second temple, « sanctuaire unique de l'orthodoxie yahviste »[22] . Jules Isaac cite plusieurs textes théologiques chrétiens majeurs qui affirment tous que l'année 70 est la fin de la nation juive et sa dispersion dans le monde entier : Origène cité par Marcel Simon, Contre Celse, I, 47[23] ; Saint Augustin, de la cité de Dieu, XVIII, 46 ; Cf. Tiollier, Saint Grégoire le Grand et les Juifs [24] : que des références des « auteurs les plus vénérables » pour la théologie chrétienne. Jules Isaac relève que le thème est repris principalement « sur le ton du mépris » ; il relève particulièrement un passage qu'il a lu dans un texte apologétique oriental du VIIe siècle[25] : « Couverts d'opprobre et rejetés d'auprès de tous les peuples depuis le moment où le Christ a été crucifié, [les Juifs] ont été dispersés, ils sont devenus les serviteurs des peuples de toute la terre, parce qu'ils n'ont pas cru au Christ[26] . » « De savantes études, écrit Jules Isaac plus loin, ont été publiées sur la Dispersion d'Israël[27] , d'excellentes synthèses sur l'Histoire d'Israël. Peu importe, la tradition est fixée, rien ne peut l'ébranler. La même affirmation reparaît aussi catégorique, aussi intrépide [...][28] » Et Jules Isaac de citer à nouveau des passages d'auteurs chrétiens majeurs, comme Braun, Où en est le problème de Jésus ?[29] ; Fessard, Pax nostra[30] ; F. Prat, Jésus-Christ[31] ; Berard, Saint Augustin et les Juifs[32] ; F. Vernet, dans le Dictionnaire de théologie catholique[33] ;Fr. J.-H. Leenhardt, L'antisémitisme et le mystère d'Israël[34] ; J. Bosc, Le mystère d'Israël[35] ; K. Barth, La réponse chrétienne au problème juif[36] . Affirmation passée dans les livres d'histoire Jules Isaac raconte une anecdote pour montrer à quel point l'affirmation que la dispersion des Juifs a eu lieu en 70 après J.-C. et qu'elle est le châtiment divin de la Crucifixion a été tellement répétée qu'elle en était devenue une affirmation « acquise ». Dans son livre Jésus et Israël, paru en 1948, Jules Isaac cite cette affirmation trouvée dans un manuel de certificat d'études publié en 1947 (destinés aux jeunes de 13-14 ans) faite sur « le ton coutumier du mépris à l'égard des Juifs » : « « [Après la Crucifixion], le châtiment des juifs déicides ne se fit pas attendre. Trente six ans après la mort du Sauveur, l'empereur romain Titus s'empara de Jérusalem... Les Juifs, dispersés à travers le monde, n'ont jamais pu réformer une nation » (1948, proclamation de l'indépendance de l'État d'Israël). « Ils ont erré partout, considérés comme une race maudite, objet du mépris des autres peuples. » Résultat immédiat de ma citation, ajoute Jules Isaac : un des auteurs de ce manuel m'a très dignement exprimé son regret d'avoir laissé passer de telles formules. Espérons qu'elles ont été corrigées par la suite. Mais si elles n'avaient pas été signalées[37] ? » Depuis la publication de son livre Jésus et Israël, Jules Isaac précise que des chrétiens ont entrepris une « laborieuse enquête, à travers plus de deux milles ouvrages d'enseignement catholique de langue française alors en usage ». Les résultats, publiés dans La catéchèse chrétienne et le peuple de la Bible[38] , sont sans appel : « Les enquêteurs constatent : « Jésus-Christ a prédit la ruine de Jérusalem et la dispersion du peuple juif comme châtiment du rejet de son Messie : telle est la thèse classique répétée par la quasi-totalité des manuels », et ils ajoutent courageusement : « Thèse que ni l'évangile, ni l'histoire ne suggèrent. » » Jules Isaac ajoute que les auteurs de manuels (dont il était) ont des circonstances atténuantes en ceci qu'ils ne font qu'aller puiser à des sources reconnues fiables, et l'affirmation sur la dispersion des Juifs avait tellement été répétées par de nombreux auteurs que la chose était acquise. Jules Isaac cite même des auteurs juifs[39] qui font le même genre d'affirmations ; ou des historiens professionnels ou savants qualifiés. Non sans ironie, il relève le même genre d'erreur dans la grande Histoire de l'Église, de Fliche et Martin[40] , dans un passage qui fut rédigée sous la plume de Louis Bréhier, professeur de faculté, membre de l'Institut...[41]

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L'Enseignement du mépris La Dispersion comme fait historique La dispersion a commencé un demi-millénaire avant l'ère chrétienne « Du seul point de vue de l'Histoire objective, écrit Jules Isaac, la Dispersion d'Israël apparait comme un phénomène d'une complexité et d'une ampleur sans pareilles : elle s'étend sur un très grand nombre de siècles, antérieurs et postérieurs à Jésus-Christ, mais principalement antérieurs. Ses causes, ses caractères, ses aspects sont d'une infinie diversité. On ne peut donc en retracer les phases principales qu'au prix d'une simplification périlleuse. » Jules Isaac va citer par exemple Alphonse Causse[42] , lequel fait référence à un texte biblique qui permet de remonter au temps d'Achab, roi d'Israël, au IXe avant Jésus-Christ, où le peuple hébreu aurait alors essaimé en Syrie, à Damas, où un quartier de la ville lui fut réservé. Mais selon Jules Isaac, la « Dispersion ne commence à prendre quelque ampleur qu'après la destruction successive des deux petits États hébreux, du royaume d'Israël par l'assyrien Sargon (722), du royaume de Juda par le Chaldéen Nabuchodonosor (586). ».[43] Il explique que chacune des conquêtes fut accompagnée de son lot de déportations plus ou moins massives en direction de la Mésopotamie et la fuite des populations apeurées vers l'Egypte. Les déportés mésopotamiens s'accommodèrent de leur sorts de cultivateurs, artisans ou marchands. « Ce qui tendrait à prouver, ajoute Jules Isaac, que la cruauté humaine a fait quelques progrès depuis les "cruels" Assyriens (des déportations faites par nos contemporains nazis, combien sont revenus ?). » Jules Isaac mentionne en effet que lorsque Cyrus, cinquante ans plus tard, permis aux exilés de retourner en Terre Promise, en Terre Sainte, « il semble bien qu'une minorité seule accepta et prit le chemin du retour; la majorité choisit de demeurer sur la terre d'exil, preuve qu'elle ne s'y trouvait pas trop mal[44] ». Par conséquent, plus de 500 ans avant Jésus-Christ, mis à part le foyer palestinien reconstitué autour du Temple rebâti, « le peuple hébreu eut deux autres principales régions de résidence, la Mésopotamie (Babylone surtout) et l'Egypte. [...] Il y a donc, dès le milieu du premier millénaire avant Jésus-Christ, une importante diaspora. »[45] La dispersion s'est étendue après les conquêtes d'Alexandre et l'hellénisation de l'Orient (IVe-IIe siècle avant J.-C.) « Après la mort d'Alexandre, écrit Jules Isaac, dans les guerres incessantes qui mirent aux prises ses successeurs, et notamment les deux grandes puissances hellénistiques, la monarchie égyptienne des Lagides (ou Ptolémées) et la monarchie syrienne des Séleucides, la Palestine, par sa situation même, servit souvent de champ de bataille et passa d'une domination à l'autre ». De là est venu la « la vente sur les marchés d'esclaves de milliers de captifs judéens », mais l'émancipation arrivaient pour beaucoup de ces esclaves : ils étaient « aidés par leur coreligionnaires et renforçaient ainsi les communautés juives de la diaspora, ou en constituaient de nouvelles. ». Jules Isaac précise encore que les Judéens étaient utilisés pour former des colonies. « Le plus ancien exemple connu est la colonie juive d'Éléphantine, sur laquelle on possède des documents du Ve siècle, mais qui remonte au VIe, peut-être même au VIIe siècle. » Les Judéens peuplaient aussi des villes comme Alexandrie, « devenue en peu de temps la plus grande ville et le plus grand marché, le plus grand centre intellectuel d'Orient, ville mi-grecque mi-juive (d'où une ardente concurrence économique qui devait faire d'Alexandrie le principal foyer de l'antisémitisme paien). »[46] Plusieurs milliers de Judéens ont été transportés par les Lagides et les Séleucides dans diverses parties de leur empire, principalement dans les zones frontières. Jules Isaac cite Antiochos III le Grand qui écrit au satrape de Lydie pour l'informer qu'il va envoyer « deux milles familles judéennes » dans des places fortes importantes de son empire[47] . A la génération suivante, Demetrios Ier écrit à l'hasmonéen Jonathan pour enrôler 30000 hommes, demande qui est refusée, « mais elle semble prouver que la Judée [...] a servi de marché à soldats. ». L'armée égyptienne a aussi en son sein des Judéens. Jules Isaac cite Onias, un de ces généraux juifs, qui « reçoit de Ptolémée VI, en récompense de ses bons services, le don d'un temple égyptien désaffecté, à Léontopolis, dès lors et pour plus de deux ans consacré au culte de Yahvé. ».[48]

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L'Enseignement du mépris La dispersion s'est étendue dans le monde méditerranéen avec la conquête romaine et la fondation du grand empire romain Lors de l'installation de la paix romaine (l'administration et le système légal romain pacifiaient les régions qui avaient souffert des querelles entre chefs rivaux) s'ouvrit la troisième grande phase de la Diaspora juive. Selon Jules Isaac, « cette troisième et dernière phase va du second siècle avant Jésus-Christ au début du IVe siècle après Jésus-Christ où commence l'empire chrétien ». Les judéens se sont surtout appuyé sur l'essor de la vie économique et des échanges pour se déplacer dans tout l'occident (Italie, Gaule, rhenanie, Espagne, Maghreb[49] ), mais « la vente des esclaves a continué d'être une des sources principales de la Diaspora [...]. La prise de Jérusalem par Pompée (63 avant Jésus-Christ) eut pour conséquence la vente de milliers de captifs sur le marché de Rome. Il y avait, dès cette époque, une communauté juive à Rome; renforcée d'esclaves affranchis, elle grossit rapidement et ne tarda pas à prendre, dans la vie romaine, publique et privée, une place importante. » Jules Isaac explique que l'observance religieuse empêcha ces communautés de se faire absorber par le milieu paien. « Telle était la situation avant la venue du Christ, écrit Jules Isaac. La Diaspora est un fait accompli. » Il cite le géographe grec Strabon qui mentionne la présence de Judéens dans beaucoup de pays. Jules Isaac précise qu'il est très difficile de donner une évaluation numérique de la population juive dans l'empire romain : « les évaluations varient selon les historiens, les chiffres les plus probables étant de six à sept millions, dont deux millions dans la Palestine juive. La population globale de l'Empire à la même époque ne dépassant guère soixante millions d'habitants, l'importance relative de l'élément juif était donc beaucoup plus grande que de nos jours [...] L'historien Baron estime que, dans les provinces orientales de l'Empire on devait compter près de 20 Juifs sur cent habitants[50] »[51] La Diaspora ne s'est pas achevée en 70 après J.-C. Il suit de ce qui précède, selon jules Isaac, que c'est un contresens de situer la Dispersion d'Israël en l'an 70 après Jésus-Christ, au moment de la prise de Jérusalem par Titus. « Aucune source valable ne suggère, comme on nous l'assure, que le judaïsme palestinien, définitivement dispersé par le Romain vainqueur en 70, ait dès lors cessé d'exister. Il a subi une épouvantable saignée : 1 100 000 morts, selon Flavius Josèphe[52] [...] et 97 000 captifs, vendus sur les marché à esclave ». Jules Isaac précise que s'il y a eu saignée, il n'y a pas eu dispersion dans la mesure où il a subsisté un judaïsme palestinien après l'an 70. La meilleure preuve apportée est qu'« en 132, sous le règne du grand empereur Hadrien, [eut lieu] l'explosion d'une deuxième guerre de Judée, aussi sanglante, aussi acharnée que la première (132-135). Pour avoir réalisé cet exploit, tenir en échec pendant trois ans les armées de l'immense empire romain, à l'époque de sa plus grande puissance, qui oserait le nier ? il fallait bien qu'il y eut, en Judée, plus qu'une poignée de rebelles. Le soulèvement des Juifs de Palestine fut d'une telle violence, d'une telle ampleur que « la terre entière en fut ébranlée », dit l'historien Dion Cassius ». Jules Isaac précise encore que si le pays est atrocement ravagé et que la population est décimée, le judaïsme palestinien persiste. « Dans les écoles de Jabné, puis d'Oucha, Sepphoris, Tibériade, c'est alors que la tradition orale est fixée par écrit, d'abord sous la forme de la Mischna, puis de son commentaire, la Guemara, le tout constituant le Talmud (dit de Jérusalem [...]). On n'imagine pas le travail talmudique poursuivi pendant des siècles dans un pays vidé de sa population juive. ». Jules Isaac cite l'apparition en Palestine en 135 de l'institution du Patriarche ou Ethnarque, « officiellement reconnu par les autorités romaines comme le chef religieux du judaïsme, et honoré comme un roi, selon le témoignage d'Origène. »[53] Pas de dispersion définitive, mais appauvrissement du judaïsme palestinien La démonstration est ainsi faite que la diaspora du peuple juif n'a pas eu lieu en 70 et que cette affirmation est fausse. Jules Isaac va même plus loin : non seulement on peut dater la présence juive en Palestine en 135, mais on peut démontrer qu'« il n'y a jamais eu de dispersion définitive », le peuple juif se révoltant contre l'empereur chrétien Constance, puis contre l'empereur Justinien, puis contre les Byzantins en s'alliant aux Perses, puis contre les chrétiens en s'alliant aux arabes. « Au terme de cet exposé, écrit Jules Isaac, on est en droit de conclure : l'enseignement chrétien traditionnel selon lequel la dispersion d'Israël serait le châtiment de la Crucifixion et aurait

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L'Enseignement du mépris eu lieu en l'an 70 du Ier siècle de l'ère chrétienne, cet enseignement traditionnel ne tient aucun compte des réalités historiques; il est démenti par l'Histoire, il n'est qu'un mythe théologique, sans le moindre fondement. »[54] Le judaïsme dégénéré au temps de Jésus Le peuple déicide Contre les minorités juives dispersées en pays chrétiens, aucun thème n'a été plus nocif, plus meurtrier que celui du « peuple déicide » Jules Isaac rappelle que la terrible accusation de peuple déicide est née « dans le triste climat des polémiques judéo-chrétiennes qui vont s'amplifiant au Ier et IVe siècle, climat favorable aux pires calomnies. Ainsi apparait le thème du crime capital, d'Israël-Caïn, d'Israël-Judas, du peuple meurtrier, du peuple « déicide », désigné par cette épithète, à la fois flétrissante et absurde, à l'exécration du monde chrétien. » La réalité historique, les soldats romains exécuteurs, Ponce Pilate, le procurateur de Judée, laissent la place à la culpabilité exclusive du peuple juif. Jules Isaac cite l' Epitre dite de Barnabé (Ier siècle), le Dialogue avec Tryphon de Justin Martyr (IIe siècle), ou encore l'un des plus anciens évangiles apocryphes, l' Evangile de Pierre, qui ne met en œuvre que les juifs dans la crucifixion. Jules Isaac va encore citer le pape Eusèbe, Saint Grégoire de Nysse, Saint Jean Chrysostome, et Saint Augustin qui portent tous, dès le début de l'ère chrétienne, la culpabilité de la crucifixion sur le peuple juif.[55] Cette terrible accusation de peuple déicide s'est perpétuée jusqu'au XXe siècle. Jules Isaac cite d'abord L'année liturgique, de Dom Guéranger, qui a formé tant de catholiques de 1841 et qui a eu tellement d'éditions que les moines de Solesmes en ont publié aussi une nouvelle édition (1948-1952) : « Le spectacle d'un peuple entier imprégné de la malédiction pour avoir crucifié le Fils de Dieu donne à réfléchir aux chrétiens... Cette immense expiation d'un crime infini doit se continuer jusqu'aux derniers jours du monde. ». « La vengeance de Dieu fondra sans pitié sur cette race déicide. » écrivit le Révérend Père Prat, dans Jésus-Christ. Jules Isaac cite bien d'autres voix catholiques (Révérend Père Fessard, Pas nostra; Léon Bloy, Le Salut par les Juifs; Jean Guitton, Portrait de M. Pouget; Giovanni Papini, Témoins de la Passion; Pie XI, Encyclique Mit brennender Sorge, 1937; Jean Gaudemet, sous la direction de Gabriel le Bras, Histoire du Droit et des Institutions de l'Eglise en Occident, 1958), auxquelles répondent des voix protestantes (John Nelson Darby, Introduction à la Sainte Bible; Gunther Dehn, Le Fils de Dieu; Pasteur Jean Bosc, Réforme, no du 23 novembre 1946; déclaration de l'Eglise réformée évangélique de Bale; Richard Wright, Black Boy) : toutes vont dans le sens de la criminalisation du peuple juif pour la crucifixion du Christ. [56] « L'enquête conduite par le Révérend Père Demann a montré que, vers 1950, la grande majorité des manuels d'enseignement catholique de langue française professait le thème du « peuple déicide » ou même de la « race déicide » (La cathéchèse chrétienne et le peuple de la Bible, pages 122-123, 130, 160, 163, 167-168, 171) »[57] Jules Isaac cite la pièce de Diego Fabbri (adaptation française par Thierry Maulnier), Procès à Jésus qui a été un grand succès théâtral à Paris durant toute l'année 1958, avec une représentation triomphale de 10000 spectateurs à la fin de l'année au Cirque d'hiver en présence du Cardinal Feltin, archevêque de Paris. « après la représentation, les spectateurs se sont rendus en procession à Notre-Dame où ils ont assisté à la messe de l'Avent. »[58] Après cette énumération macabre d'une « tradition de mépris et de haine », Jules Isaac écrit : « Rendons du moins à l'Église romaine cette justice qu'elle n'est jamais allée pour sa part jusqu'au « génocide », qu'elle a toujours reconnu le droit du peuple juif à l'existence comme « peuple témoin », qu'elle s'est efforcée parfois de freiner les passions populaires (après avoir contribué par ses enseignements à les déchainer). Il était réservé à notre temps et au racisme allemand de dépasser toutes les atrocités anciennes et modernes, autodafés, massacres médiévaux, pogroms russes du XIXe siècle, et d'affirmer son éclatante supériorité à cet égard par les chambres à gaz et les fours crématoires. Mais le bouc émissaire est resté le même [...]. L'on est en droit de conclure : voilà où mène non pas le déicide, mais l'accusation chrétienne de déicide, mille et mille fois répétée, par des milliers de voix, pendant près de deux mille ans - accusation dont il est aisé de démontrer qu'elle est inique et sans fondement. ».

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L'Enseignement du mépris

Bibliographie • • • • • •

Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Editions Fasquelle, Paris, 1962 (édition utilisée pour rédiger cet article). Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme : 1945-1993, Paris, Seuil, 1994 Jean Letellier, Les juifs chez les chrétiens : vingt siècles de déraison, Paris, Centurion, 1991. Michel Winock, La France et les juifs : de 1789 à nos jours, Seuil, Collection Histoire, 2004 Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'Etat d'Israël, Seuil, Collection Histoire, 2002 André Kaspi, Jules Isaac ou la passion de la vérité, Plon, 2002, pp. 227-239

Voir aussi • Antijudaïsme

Références [1] [2] [3] [4] [5]

Cf. André Kaspi, Jules Isaac, ou la passion de la vérité, Plon, 2002, p. 227. Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Éditions Fasquelle, Paris, 1962, p. 11. Voir également plus bas L'Enseignement du mépris#Le peuple déicide Michel Winock, La France et les Juifs, Seuil, collection « Histoire », 2004, p. 65. Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme 1945-1993, Seuil, 2004, p. 56.

[6] Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme 1945-1993, op. cit., p. 327. [7] Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Seuil, collection « Histoire », 2002, p. 1198. [8] Qui reçu Jules Isaac. Cf. Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme 1945-1993, op. cit., p. 56. [9] Michel Winock, La France et les Juifs, op. cit., p. 288. [10] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 14. [11] Jules Isaac cite à l'appui de cette affirmation le Mémorandum de la Commission théologique de l'œuvre évangélique suisse, Hermann Gunkel cité par W. Visher, Esther. Cf. Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 17. [12] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 18. [13] Voir Histoire universelle des juifs, sous la direction d'Elie Barnavi et Denis Charbit, Hachette 1992 ; mise à jour 2005 (ISBN 978-2012356177)Cet ouvrage montre bien, par son découpage historique selon les différents lieux où ont vécu les juifs, comment ce peuple a réussi à vivre au milieu de multiples cultures en gardant ses propres traditions. Voir également article Histoire du peuple juif. [14] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 19. [15] « Sénèque, écrit Jules Isaac, dans un traité De la superstition, « condamne les cérémonies (religieuses) des Juifs, et surtout le sabbat, déclarant qu'il est contraire à l'utilité de demeurer chaque septième jour sans rien faire, et perdre ainsi la septième partie de sa vie », mais il reconnait que cette coutume juive « est admise en tous pays » (texte cité par saint Augustin, De la cité de Dieu, VI, 10). ». Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 19. [16] P. Jouguet, thèse sur La vie municipale dans l'Égypte romaine, p. 18. Cf. J. Isaac, Formes curieuses de l'objectivité historique, dans Évidences , janvier 1961 [17] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 22. [18] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 23-24. [19] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 24. [20] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 25. [21] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 37 [22] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 38 [23] Cf. Marcel Simon, Verus Israel, Paris, 1948, p. 90 [24] Tiollier, Saint Grégoire le Grand et les Juifs, Brignais, 1913, p. 19 [25] Sargis d'aberda, texte éthiopien, dans Patrologia Orientalis, III, 507 [26] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 39 [27] S. W. Baron, Histoire d'Israël, vie sociale et religieuse, collection « Sinai », quatre volumes parus, 1961. [28] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 39-40 [29] Braun, Où en est le problème de Jésus ?, p. 147 [30] Fessard, Pax nostra, Paris, 1936, p. 201-202, 206-207 [31] F. Prat, Jésus-Christ, 5e éd., Paris, 1933, t. II, p. 372 [32] Berard, Saint Augustin et les Juifs, Besançon, 1913, p. 73 [33] F. Vernet, dans le Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1925, VIII, 2. col. 1884 [34] Fr. J.-H. Leenhardt, L'antisémitisme et le mystère d'Israël', Genève, 1929, p. 26 [35] J. Bosc, Le mystère d'Israël, dans Réforme, no du 23 novembre 1946

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L'Enseignement du mépris

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[36] K. Barth, La réponse chrétienne au problème juif, dans Foi et Vie, mai-juin 1951, p. 265-266 (discussion de ce texte par Jules Isaac dans Foi et vie, septembre-octobre 1951, p. 559-563) [37] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 42-43. [38] P. Démann, N.D.S., et Renée Bloch, numéro spécial des Cahiers sioniens, 1952. [39] Dont M. Braunschwig, Le vrai visage d'Israël, Paris, 1948, p. 41 et 105 [40] Fliche et Martin, Histoire de l'Église, tome V, p. 108 [41] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, op. cit., p. 45 [42] Alphonse Causse, Les dispersés d'Israël, Paris, 1929, p. 9-23 [43] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 47 [44] Voir cette dernière affirmation avec cette citation. [45] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 47-48 [46] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 51 [47] Jules Isaac cite « l'historien juif Josèphe, Antiquités judaïques, XII, 3, 4; l'authenticité en est généralement admise, cf. Juster, Les Juifs dans l'Empire romain, t. II, p. 268, n. 1. ». [48] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 52 [49] Jules Isaac cite Marcel Simon, Le Judaïsme bérbère, dans Revue d'Histoire et de philosophie religieuse (1946) pour l'expansion du judaïsme dans l'Afrique berbère. [50] S. W. Baron, Histoire d'Israël, vie sociale et religieuse, I, p. 232. [51] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 54-57 [52] Qui a vécu cette guerre et y a participé. [53] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 58-61 [54] Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 62-64 [55] [56] [57] [58]

Pour les détails des citations, voir Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 102-103 Pour les détails des citations, voir Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 103-106 Pour les détails des citations, voir Jules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 105 Jules Isaac consacre toute une annexe à cette pièce, voirJules Isaac, L'enseignement du mépris, Fasquelle, Paris, 1962, p. 165-182

Pogrom Le mot pogrom est d'origine russe (погром), où il désigne un assaut, avec pillage et meurtres, d'une partie de la population contre une autre. Il est passé dans d'autres langues pour désigner un massacre de Juifs en Russie. Il désigne alors des actions violentes préméditées, menées à l'instigation de la police tsariste avec l'aide de populations locales contre les communautés juives d'Europe. Les pogroms sont parfois menés contre d'autres minorités ethniques, comme les Tziganes. Ces actions s'accompagnent souvent de pillages mais aussi de destructions des biens personnels et communautaires et d'assassinats. Raul Hilberg définit le pogrom comme une brève explosion de violence d'une communauté contre un groupe juif qui vit au milieu d'elle même[2] .

Émeutes à Francfort. A gauche, deux paysannes attaquent un Juif avec une fourche et un balai. À droite, un homme à lunettes, queue de pie et [1] gilet à six boutons, « peut-être un pharmacien ou un maître d'école », tient un autre Juif par la gorge et le frappe avec un bâton de boisUne . gravure d'époque par Johann Michael Voltz.

Violences et massacres dans l'est de l'Europe avant 1880


Pogrom Les Juifs ashkénazes sont présents en grand nombre dans l'est de l'Europe depuis les XIIIe et XIVe siècles. Ils y ont joui d'un statut favorable jusqu'en 1646, date du soulèvement des Cosaques zaporogues et de la population ruthène conduit par Bogdan Khmelnitski. De nombreux massacres secouent l'Ukraine pendant deux ans, touchant les populations catholiques et, plus encore, les Juifs. Près de 100000 Juifs périssent[3] . Les Juifs subissent de nouveaux massacres lors de l'invasion de la République des Deux Nations entre 1654 et 1656 par les armées tsaristes. Après l'annexion d'une grande partie de la Pologne par la Russie, celle-ci abrite cinq millions de Juifs. L'antisémitisme est nourri par le vieil antijudaïsme orthodoxe et les préjugés populaires[4] . Des violences antisémites se déroulent encore à Odessa en 1821, 1859 et 1871 mais on ne parle pas encore de pogroms. Le 2 août 1819, débutent les Émeutes Hep-Hep à Wurtzbourg en Bavière. Ces émeutes antijuives se propagent en Allemagne durant l’été 1819, pendant lequel la foule pille les maisons et les magasins des Juifs.

Les pogroms dans l'Empire russe La première vague de massacres désignés comme pogroms eut lieu entre 1881 et 1884. Alexandre III, qui succède à son père Alexandre II assassiné, met fin à la politique libérale de ce dernier. Conseillé par son ancien précepteur, Konstantin Pobedonostsev, devenu procureur du Saint-Synode, il mène dès son avènement une politique réactionnaire et antisémite. Les Juifs sont rendus responsables de l'assassinat du tsar précédent. La politique du gouvernement au sujet des Juifs tient dans ce programme : « Un tiers des Juifs sera converti, un tiers émigrera, un tiers périra[3] ». En 1881 éclatent plus de cent pogroms : les principaux sont ceux d'Elisabethgrad (Kirovohrad aujourd'hui) le15 avril 1881, de Kiev le 26 avril, d'Odessa du 3 au 5 mai 1880, de Varsovie, alors possession russe entre décembre 1881 et janvier 1882 et de Balta le 22 mars 1882[5] . Les populations locales chrétiennes, soutenues et souvent incitées par la police du tsar, attaquent les communautés juives de la ville ou du village avec l'approbation des autorités civiles et religieuses. Aux destructions et pillages des biens des Juifs s'ajoutaient les viols et les assassinats. La troupe n'arrive souvent que trois jours après le début du pogrom. Le gouvernement russe utilise les pogroms pour limiter les droits économiques des Juifs et les expulser des villages. Alors que la Russie traverse une grave crise révolutionnaire, une deuxième vague de pogroms frappe les populations juives entre 1903 et 1906. Les plus importants sont ceux de Kichinev le 6 avril 1903, de Jitomir en mai 1905 et de Bialystok le 1er juillet 1906. À Kichinev, où la presse et les autorités alimentent des rumeurs antisémites depuis plusieurs mois, c'est le meurtre d’un jeune chrétien, Michael Ribalenko, qui met le feu aux poudres. Accusés de crime rituel, les juifs subissent un pogrom de trois jours, le gouverneur ayant donné l'ordre à la police de ne pas intervenir. Après le pogrom d'avril 1903, les Juifs de Kichinev organisent des comités d'autodéfense. Cela n'empêche pas 19 d’entre eux de périr lors de nouvelles attaques des 19 et 20 octobre 1903[6] .

Russie révolutionnaire Après la Révolution russe d'octobre 1917, les Juifs de Russie ont continué à être persécutés par les tsaristes et on compte des milliers de victimes de pogroms pendant la guerre civile de 1918 à 1921, en particulier des Juifs d'Ukraine et de Pologne orientale, certains les accusant d'être à l'origine du bolchévisme, donc de la Révolution d'Octobre et parlent alors de Judéo-bolchévisme. Des bandes de paysans en lutte contre l'Armée rouge massacrent les Juifs avec l'appui de certaines troupes ukrainiennes du président Simon Petlioura comme en particulier à Proskourov le 15 février 1919. Ce dernier sera assassiné à Paris en 1926 par Samuel Schwartzbard. En Russie même, l'Armée blanche de Denikine est à l'origine de plusieurs pogroms dont celui de Fastov le 15 septembre 1919[5] . Pour l'année 1919, les historiens ont recensé 6000 morts dans les pogroms anti-juifs en Russie[7] . En tout, la Russie a été pendant cette période, le lieu de pogroms majeurs et 349 mineurs, qui auraient fait plus de 60000 morts[5] . Les pogroms ont une double conséquence : l'émigration massive de 600000 Juifs au cours des vingt dernières années du XIXe siècle, vers les États-Unis essentiellement, et la création du mouvement sioniste.

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Pogrom

Entre les deux guerres mondiales La montée des idées nationalistes et racistes entre les deux guerres mondiales, en particulier en Allemagne dans les années 1930, attise les tensions envers les communautés juives. Le Parti nazi au pouvoir, conduit par Adolf Hitler, va institutionnaliser les pogroms et autres actes de violences antisémites désordonnés et mettre en œuvre des actes de plus grande envergure. Les lois de Nuremberg promulguées le 15 septembre 1935 déclarent les Juifs déchus de la nationalité allemande, mais ceci n'est qu'un prélude à des violences systématiques ; ce sera le cas lors du pogrom de la Nuit de cristal le 9 novembre 1938[8] . C'est l'agression le 7 novembre d'un conseiller de l'ambassade d'Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, par un jeune juif polonais qui va donner le prétexte à ce pogrom. Joseph Goebbels, fort du soutien du Führer, qu’il avait rallié à son idée, mobilise dans la nuit du 9 novembre les militants nazis, avec le concours des gouverneurs de régions réunis à Munich. Il jette les militants nazis dans les rues pour un pogrom de très grande ampleur où les sections d'assaut nazies, les SA, fortes de plus d'un million de membres, et les Jeunesses hitlériennes s'en prennent aux synagogues et aux locaux des organisations israélites, ainsi qu'aux magasins et aux biens des particuliers. Les agresseurs sont pour la plupart en tenue de ville pour laisser croire à un mouvement populaire spontané. Près d'une centaine de personnes seront tuées à l'occasion de ce gigantesque pogrom. Une centaine de synagogues sont brûlées et 7500 magasins sont pillés.

Les pogroms pendant la Seconde Guerre mondiale Durant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de la Shoah, les nazis favorisent les pogroms en Union Soviétique. Les raisons qui poussent les Einsatzgruppen sont de plusieurs ordres. Les Einsatzgruppen ont reçu l'ordre de massacrer les populations juives d'Union Soviétique dans le cadre des opérations mobiles de tuerie accompagnant l'invasion de l'URSS. Pour eux, chaque Juif tué dans un pogrom est un Juif en moins à exécuter par leurs soins. Les Einsatzgruppen engagent ainsi leur responsabilité[9] . L'armée allemande étant défavorable aux massacres. De plus, les Einsatzgruppen souhaitent que les populations locales prennent part aux pogroms pour des raisons de maintien de l'ordre, les pogroms sont perpétués dans les zones où l'armée allemande n'avait pas encore établi son autorité. Les premiers pogroms ont lieu en Lituanie. Dès les premiers jours de l'attaque allemande, des groupes armés anti-communistes lituaniens, dirigés par Algirdas Klimaitis, entrent en action contre l'arrière-garde communiste en pleine déroute[10] . La police de sécurité allemande (Sicherheitsdienst ou SD) persuade alors Klimaitis de retourner ses troupes contre les Juifs. Le pogrom de Kaunas, alors capitale de la Lituanie, fait 3800 victimes. 1200 autres sont tués dans des localités environnantes. En Lettonie, le progrom de Riga fait 400 victimes. L'Einsatzgruppe filme les pogroms à des fins de propagande. Après la dispersion des anti-communistes, les pays Baltes ne connaissent plus d'autres pogroms[11] . Le 10 juillet 1941, à Jedwabne, au nord-est de la Pologne, 1600 juifs sont massacrés par la population locale devant les caméras allemandes qui filment la tuerie. Le pogrom ne laisse que 7 survivants parmi les Juifs[12] . En Galicie, à Lwow, en représailles à la déportation d'Ukrainiens par les Soviétiques, plus de 1000 juifs sont livrés à la SD. À Tarnopol, après la découverte de 3 cadavres allemands dans les prisons, 70 juifs sont tués à la dynamite par les Ukrainiens. Un peu plus à l'Est à Kremenets, en représailles à l'exécution de 150 Ukrainiens par les Soviétiques, 130 Juifs sont battus à mort par la population locale. Raul Hilberg précise que malgré leurs violences, les pogroms de Galicie n'ont pas fait autant de victimes que les Allemands le souhaitaient[13] . La violence est à chaque fois inspirée voire organisée par les Einsatzgruppen, sauf à Jedwabne où l'initiative a directement été prise par les Polonais. Elle intervient toujours peu après leur arrivée. Elle ne s'étale pas dans la durée. De plus, les pogroms ont presque tous eu lieu dans les zones annexées par l'URSS en 1939 et 1940[14] . Le 1er juin 1941 eut lieu le Farhoud, pogrom contre les Juifs de Bagdad qui a entraîné 200 morts et 2000 blessés et lors duquel 900 maisons juives ont été détruites.

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Pogrom

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Depuis 1945 En 1946, un pogrom éclate à Kielce en Pologne. Les habitants attaquent les Juifs après que des rumeurs se sont répandues selon lesquelles les juifs avaient enlevé un enfant chrétien pour utiliser son sang. Quarante-deux Juifs furent tués et environ cinquante blessés. Participent à ce pogrom des nationalistes polonais et quelques communistes[4] . Le pogrom de Kielce est l'un des facteurs qui provoquèrent l'émigration des survivants de la Shoah. Connu sous le nom de Berihah, ce mouvement conduit les Juifs de Pologne et d'autres pays d'Europe de l'Est vers les camps pour personnes déplacées en Allemagne, en Autriche et en Italie.

Ailleurs qu'en Europe Au Sri Lanka, il y a eu un pogrom contre la minorité Tamoul en 1983.

Voir aussi Bibliographie • Collectif, Die Judenpogrome en Russland, rapport de la Commission d'enquête de l'Organisation sioniste de Londres, Cologne-Leipzig, 1909-1910 • S W Baron, The Russian Jews under Tsars and Soviets, Mac Millan, New York-Londres, 1976 • Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Tome 1, Foliohistoire, 2006, • Bernard Lecache, Au pays des pogromes, quand Israël meurt, Paris, 1927 • Renée Neher-Bernheim : Histoire du Peuple Juif De la Renaissance à nos jours, Klincksieck, 4 vol., 1960 sq. • Léon Poliakov : Histoire de l'Antisémitisme, Seuil, coll. Points, 1991

Articles connexes • • • • • • •

Accusation d'empoisonnement des puits contre les Juifs Memorbuch Pogrom de Chiraz Pogrom de Strasbourg (1349) Émeutes antijuives d'Alexandrie (38) Massacres d'Odessa Pogrom d'Istanbul

Liens externes • Le pogrom «oublié» [15], un article sur le pogrom de Jedwabne en 1941 • Le pogrom de Kishinev [16] • L'antisémitisme, doctrine officielle de l'État nazi d'avant-guerre [17] sur le site de France 2

Références [1] [2] [3] [4] [5] [6]

Amos Elon (2002), The Pity of It All: A History of the Jews in Germany, 1743-1933. Metropolitan Books. (ISBN 0805059644). p. 103 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Tome 1, Folio histoire, 2006, p 553 Gérard Nahon, Histoire du peuple Juif, Encyclopaedia Universalis, DVD 2007 Esther Benbassa, Antisémitisme, Encyclopaedia Universalis, DVD 2007 Gérard Nahon, Pogrom, Encyclopaedia Universalis, DVD 2007 Le pogrom de Kishinev (http:/ / www. akadem. org/ photos/ contextuels/ 3663_8_Pogrom_Kishinev. pdf), consulté le 27 août 2008

[7] Bruno Cabanes, « Pourquoi les hommes font-ils la guerre ? », dans L'Histoire, n°331, mai 2008, p.69 [8] Les Berlinois donneront à ces premières violences antisémites planifiées en Allemagne le nom poétique de « Nuit de Cristal », en référence aux vitrines et à la vaisselle brisées cette nuit-là.


Pogrom [9] Raul Hilberg, T. 1, p 554 [10] Raul Hilberg, T. 1, p. 555 [11] Raul Hilberg, T. 1, p 556 [12] Marc Epstein, Le pogrom «oublié», L'express, 12 avril 2001 [13] Raul Hilberg, T. 1, p 557 [14] Raul Hilberg, T. 1, p 558 [15] http:/ / www. lexpress. fr/ actualite/ monde/ le-pogrom-oublie_493648. html [16] http:/ / www. akadem. org/ photos/ contextuels/ 3663_8_Pogrom_Kishinev. pdf [17] http:/ / programmes. france2. fr/ apocalypse-seconde-guerre-mondiale/ L-antisemitisme-doctrine#texteTemoignage

Protocoles des Sages de Sion Les Protocoles des Sages de Sion (en russe, Протоколы сионских мудрецов ou Сионские протоколы) est un faux document censé être un plan de conquête du monde par les Juifs et la franc-maçonnerie. Il fut fabriqué à la demande de la police secrète du tsar et à l'intention de Nicolas II de Russie, qui, bien qu'antisémite, refusa d'en faire un instrument de propagande, ayant rapidement découvert la surpercherie et estimant que ce texte décrédibiliserait son combat[1] . Ce document fut écrit à la fin du XIXe siècle à Paris par un faussaire russe et informateur de la police politique tsariste, Mathieu Golovinski[2] . Celui-ci s'est inspiré du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu de Maurice Joly, un pamphlet satirique décrivant un plan fictif de conquête du monde par Napoléon III. Son texte voulait faire croire qu'il existait un programme mis au point par un conseil de sages juifs afin d'anéantir la chrétienté et de dominer le monde. Mais l'auteur et ses commanditaires avaient des intentions plus directes et plus politiques : convaincre le tsar et son gouvernement des méfaits qui découleraient selon eux d'une trop grande ouverture à l'égard des Juifs de l'Empire, réputés comme les chantres inconditionnels de la vie moderne, et intéressés au premier chef par un changement libéral de régime[3] depuis que leur statut avait été dégradé par les tsars réactionnaires comme Alexandre III[4] . Le livre se compose de récits supposés être les comptes-rendus d'une vingtaine de réunions secrètes exposant un plan secret de domination du monde. Ce plan imaginaire utiliserait violences, ruses, guerres, révolutions et s'appuierait sur la modernisation industrielle et le capitalisme pour installer un pouvoir juif. Publié à grande échelle pour faire croire au « complot juif », ce texte fut notamment repris par Adolf Hitler[5] comme pièce maîtresse de la propagande antisémite du Troisième Reich. Depuis lors il n'a cessé d'être lu et amplement diffusé ; il est devenu un grand classique de l'antisémitisme.

Introduction Les Protocoles des Sages de Sion, parfois surtitrés Programme juif de conquête du monde, sont parus en deux temps et deux versions proches, toutes deux éditées en Russie, d'abord partiellement en 1903 dans le journal Znamia (Знамя), puis, dans une version complète, en 1905 et 1906 par le moine mystique itinérant Sergheï Nilus. Durant les quinze années suivantes, les Protocoles circulent dans les cercles restreints de la police secrète et des antisémites russes. Ils sont traduits en allemand dès 1909 et lus en séance au Parlement de Vienne[6] . Avec la Révolution d'Octobre en 1917, et la fuite en masse de Russes antirévolutionnaires vers l'Europe de l'ouest, l'aire d'influence des Protocoles s'élargit[7] . Ils ne deviennent cependant célèbres à l'échelle internationale qu'en 1920 lorsqu'ils paraissent en Allemagne (janvier) puis sont traduits en anglais (février) et en français[8] . Dès leur arrivée sur la scène publique, leur authenticité a fait l'objet de questionnements. Dans son édition du 8 mai 1920 The Times de Londres évoque ce « singulier petit livre » dans un éditorial titré « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête » ; l'article, malgré le titre dubitatif, tend à démontrer le caractère authentique du pamphlet[9] , en particulier en insistant sur sa nature de prophétie réalisée. L'article du Times sort au moment où les Russes Blancs (contre-révolutionnaires) étaient en train de perdre la guerre civile qui avait débuté en

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Protocoles des Sages de Sion

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1918, et où le premier ministre britannique, Lloyd George, envisageait de négocier avec les bolchéviques ; il s'agissait alors pour les durs du parti conservateur de discréditer les nouveaux maîtres du Kremlin en agitant l'épouvantail d'une « Pax Hebraica », et le Times se prêta à la manoeuvre[10] . Un an plus tard, le 17 août 1921, le Times revient sur son erreur et publie la preuve du faux sous le titre La fin des Protocoles - mais sans convaincre grand monde puisque les thèmes développés dans les Protocoles seront repris au cours des années suivantes dans de nombreux ouvrages (pseudo-scientifiques, polémistes, ou de fiction) antisémites publiés à travers l'Europe[11] .

Un faux L'examen attentif du texte a mis en évidence la falsification : les Protocoles ne sont en fait qu'un plagiat du texte du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly, qui y dénonce un complot bonapartiste. La supercherie devient évidente par simple comparaison ligne à ligne des deux textes. La vérité sur son auteur n'a, quant à elle, été découverte qu'à la fin du XXe siècle par un historien en littérature russe : Mikhail Lépekhine grâce à l'ouverture des archives soviétiques à partir de 1992. Le faussaire est en effet devenu compagnon de route des Soviétiques qui détenaient les documents. Cependant, un membre du deuxième bureau français (Henri Rollin) a écrit et publié en 1939 un ouvrage intitulé L'apocalypse de notre temps (republié aux Éditions Allia en 2005) qui montre et démonte le processus de création puis d'utilisation par les courants d'abord pro-tsaristes puis fasciste et nazis de ce texte. La découverte de 1992 ne vient donc que corroborer ces affirmations. La structure du texte falsifié découverte, puis le faussaire et les causes de la falsification identifiées, il ne subsiste plus aujourd'hui aucun doute sur la nature de ce document. Pourtant, certains partis ou groupes antisémites, voire certains régimes continuent de citer les Protocoles des Sages de Sion comme preuve irréfutable d'un complot juif international. Les historiens universitaires sont cependant unanimes sur cette falsification grossière, aux conséquences paradoxalement considérables.

Histoire Mathieu Golovinski connaît bien les techniques de la propagande, ayant travaillé dans les années 1890 pour le Département de la presse à Saint-Petersbourg dirigé par Michel Soloviev, un antisémite qui fait de Golovinski son protégé. Exilé à Paris, il travaille au Figaro avec le fils de Maurice Joly, Charles Joly, et exerce ses talents auprès de Pierre Ratchkovski pour la police politique russe (l'Okhrana) en France. En France la politique de discrimination à l'égard des juifs par le régime de Nicolas II suscite des critiques. Les antisémites russes en exil veulent conforter le Tsar dans sa politique, voire l'inciter à la durcir. C'est pourquoi Ratchkovski commande les Protocoles, destiné à l'origine au tsar seulement. Le texte, « authentifié » par le ministère de l'interieur malgré la réticence du plus proche conseiller du Tsar, le comte de Witte[12] , se veut une preuve décisive d'un plan juif de domination du monde reposant sur la modernisation industrielle et financière. L'antisémitisme du propos va de pair avec l'antimaçonnisme. Pierre-André Taguieff indique que le titre en russe d'une des deux

Couverture d'une édition russe de 1912


Protocoles des Sages de Sion premières éditions en 1905 était « Extraits des protocoles anciens et modernes des Sages de Sion de la société mondiale des francs-maçons[13] » et qu'il s'agissait de promouvoir l'image de « Sages de Sion, figures fictives du mythe anti-judéo-maçonnique[14] » . L'auteur des Protocoles fait en effet dire aux juifs : « La Loge maçonnique joue, inconsciemment, dans le monde entier, le rôle d'un masque qui cache notre but. »

Origines littéraires Le Protocole des Sages de Sion et de façon plus générale le mythe du complot juif, trouve son origine littéraire dans le roman-feuilleton français du XVIIIe siècle. Comme le remarque Umberto Eco, le protocole « révèle son origine romanesque car il est peu crédible, sauf dans l'œuvre de Sue que les « méchants » expriment de façon si voyante et si éhontée leurs projets maléfiques [...] : « nous avons une ambition sans limites, une cupidité dévorante, nous sommes acharnés à une vengeance impitoyable et brûlante de haine ».» [15] . Le modèle du pamphlet anti-bonapartiste de Maurice Joly, qui sera copié par Golovinsky, est le complot jésuitique de Monsieur Rodin dans Le Juif errant et Les mystères du Peuple d'Eugène Sue. Un autre modèle littéraire est la rencontre entre Cagliostro et les Illuminés pour ourdir le complot maçonnique de l'affaire du collier de la reine dans Joseph Balsamo (1849) d'Alexandre Dumas. En 1868, un auteur de libelles calomnieux, Hermann Goedsche publie sous le pseudonyme de Sir John Retcliffe, un roman populaire Biarritz où il plagie Dumas, en mettant en scène le Grand Rabbin annonçant son plan de conquête du monde aux représentants des douze tribus d'Israël réunis dans le cimetière de Prague. En 1873, le roman est repris par un pamphlet russe Les Juifs, maîtres du monde, présenté comme une vraie chronique. En 1881, Le Contemporain le publie comme venant d'un diplomate anglais, Sir John Readcliff. En 1896, c'est le Grand Rabbin qui se nomme John Readcliff, dans Les Juifs, nos contemporains de François Bourmand. Le plan jésuite de Sue, mélé à la réunion maçonnique de Dumas, attribué par Joly à Napoléon III, devient ainsi le complot juif, et sera repris sous diverses formes, avant le faux de Golovinski.

Utilisations Ce texte servit par la suite d'instrument de propagande antisémite, aux nazis notamment. Caractérisant les Juifs sur des bases racistes et non plus seulement religieuses, il fut et reste un des véhicules majeurs de l'antisémitisme moderne, utilisant la logique de la théorie du complot. Il jouit d'une certaine popularité parmi les populations du Moyen-Orient où il est régulièrement réédité dans la plupart des pays musulmans, depuis sa première traduction en arabe et édition en Egypte, en 1951. En 1967 les Presses Islamiques à Beyrouth publient la version française de R. Lambelin. L'introduction est d'un certain Faëz Ajjaz. Vu le grand succès il a été suivi de plusieurs tirages jusqu'au moins en 1984 comme le prouve l'exemplaire dans la section histoire de la bibliothèque de l'Université Ibn-Tofail, Kénitra au Maroc [16] . Les Protocoles figurent comme référence dans la Charte du mouvement islamiste palestinien Hamas. Voir les notes ci-dessous sur la place qu'occupe ce texte, premièrement dans la plupart des pays musulmans[17] , et deuxièmement sur la diffusion du texte des « Protocoles » dans les pays arabes[18] . Il est également popularisé par divers feuilletons télévisés, diffusés à grande échelle : • un feuilleton télévisé égyptien, repris par de nombreuses télévisions arabes, Cavalier sans monture, qui évoque de façon centrale dans l'intrigue les Protocoles des Sages de Sion présenté comme un livre tenu secret par des Juifs mais supposé authentique[19] ; • le feuilleton Diaspora, diffusé par Al-Manar, la télévision du Hezbollah ; • une série télévisée Al-Sameri wa Al-Saher, sur Al-Alam Télévision, la télévision iranienne, comprenant non seulement une dénonciation du supposé pouvoir des juifs sur le monde, mais un négationnisme ouvertement exprimé à l'égard des crimes commis envers les juifs. Toutes ces diffusions sont très populaires et largement reprises par de nombreuses autres télévisions nationales[20] .

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Protocoles des Sages de Sion Au terme d'une de ses études sur les Protocoles, Pierre-André Taguieff propose cinq fonctions qu'ils peuvent remplir dans l'imaginaire - et dans la réalité, puisque la mise au jour d'un complot (n'existant que dans l'esprit de ses découvreurs) est souvent suivie de l'organisation bien réelle d'un contre-complot : 1. aider à l'identification des forces occultes à l'origine du complot chimériques - et confirmer qu'elles sont impitoyables ; 2. lutter contre ces forces en révélant les secrets qui les rendent puissantes ; 3. justifier la contre-attaque contre l'ennemi désormais clairement identifié comme totalement néfaste ; 4. mobiliser les foules (et/ou les autorités) pour la cause que les révélateurs du complot défendent ; 5. recréer un monde enchanté, fût-il épouvantable et terrorisant[21] . Les Protocoles ont effectivement rempli ces fonctions à travers les décennies et bientôt les siècles, et leur utilisation sans cesse réactualisée démontre s'il le faut la recherche permanente d'explications pseudo-rationnelles à la marche du monde[22] : rédigés pour lutter contre les révolutionnaires anti-tsaristes, les Protocoles ont servi aux visées anti-sémites, anti-sionistes, anti-américaines et, plus récemment, anti-mondialisation.

Interdictions L'ouvrage a été interdit en France par un arrêté de mai 1990[23] qui semble ne plus être en vigueur puisque l'ouvrage a été réédité en 2010 par Les Éditions Déterna dirigées par Philippe Randa. [24]

Les « Protocoles » commentés • Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, Paris, Berg International, 1992 • Tome I : Un faux et ses usages dans le siècle (408 p.) ; édition revue et augmentée, Fayard 2004 (ISBN 2-213-62148-9)

• Tome II : Études et documents (816 p.). (ISBN 2-911289-57-9)

Bibliographie • Norman Cohn, Histoire d'un mythe, éd. Gallimard, coll. Folio Histoire, 1967, (ISBN 2-07-032692-6) • Will Eisner, Le Complot : L'histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion (bande dessinée), préface d'Umberto Eco, Éd. Grasset & Fasquelle, 2005, (ISBN 2-246-68601-6) • Philip Graves, « The Truth about the Protocols: A Literary Forgery », dans The Times of London, 16-18 août 1921. • Jacques Halbronn, Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, éd. Ramkat, 2002

• • • • •

• complété par Aspects du processus de traduction des Protocoles, in Le texte prophétique en France. Formation et fortune, éd. Presses Universitaires du Septentrion, 2002, extrait en ligne [25] Renée Neher-Bernheim, « Le best-seller actuel de la littérature antisémite : Les Protocoles des Sages de Sion », éd. Pardès, 8, 1988 Cesare G. De Michelis, « Les Protocoles des sages de Sion », Cahiers du Monde Russe, n°38-3, 1997, Léon Poliakov, La Causalité diabolique, Paris, éd. Calmann-Lévy, 1980 Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme (de Voltaire à Wagner), Paris, éd. Calmann-Lévy, 1968 Henri Rollin, L'apocalypse de notre temps, éd. Allia, 1991 — 1re édition 1939

• Pierre-André Taguieff, L'imaginaire du complot mondial - Aspects d'un mythe moderne Mille et une nuits, coll. Les petits libres n° 63, 2006, (synthèse et analyse générale de la création d'un complot, avec l'exemple du complot antisémite : la seconde partie, pp. 109-192 relate la genèse et le destin à travers les décennies qu'ont connu les Protocoles des Sages de Sion) (ISBN 2-84205-980-8)

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Protocoles des Sages de Sion

Voir aussi Articles connexes • Serge Nilus • Prophétie de Franklin: autre faux aux intentions antisémites • Marc Levin a tourné un documentaire Les protocoles de la rumeur sur l'usage du Protocoles des Sages de Sion dans l'antisémitisme moderne.

Liens externes • « Les Protocoles des Sages de Sion, ou la fulgurante trajectoire d'un faux » [26] (Analyse du texte et utilisation politique) • (en) [27] et [28]. Analyse sur le site du Centre Simon Wiesenthal, qui est spécialisé dans la constitution des archives du nazisme et dans la dénonciation de ses prolongements divers, comprenant le recours aux Protocoles. • « Tout sur le Protocole des Sages de Sion » [29] (Nombreux liens) • « Aspects du processus de traduction des Protocoles » [25] (Jacques Halbronn ; extrait de la thèse d'État Le texte prophétique en France. Formation et fortune, Paris X, 1999) • « La vérité est ailleurs [30] ou la véritable histoire des Protocoles des Sages de Sion », documentaire de Barbara Necek, prod. Doc en Stock. Diffusé le 6 mai 2008 sur Arte.

Références [1] Pierre-André Taguieff, Les protocoles des sages de sion histoire d'un faux (http:/ / www. youtube. com/ watch?v=UFSjY7p_7NE)

(en) Binjamin W. Segel, A Lie and a Libel: The History of the Protocols of the Elders of Zion, University of Nebraska Press (ISBN 0-8032-9245-7) p. 97. [3] P.-A. Taguieff, L'imaginaire du complot mondial - Aspects d'un mythe moderne, éd. Mille et une nuits, 2006, p. 118-119. [4] Léon Poliakov, Mémoires, éd. Grancher, 1999, pp. 21-22. [5] Mein Kampf, p. 307 [6] Jacques Halbronn, Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, éd. Ramkat, 2003, [réf. incomplète] [7] P.-A. Taguieff, L'imaginaire du complot mondial, Mille et une nuits, 2006, p. 120-121. [8] sur la réception des Protocoles en Allemagne, France et pays anglo-saxons, voir Jacques Halbronn, Aspects du processus de traduction des Protocoles, 2002 ; cf. bibliographie [9] P.-A. Taguieff, L'imaginaire du complot mondial, Mille et une nuits, 2006, p. 123. [10] Léon Poliakov, De Moscou à Beyrouth. Essai sur la désinformation, Calmann-Lévy, 1983, p. 27. (ISBN 2-7021-1240-4) [11] P.-A. Taguieff, op. cit., p. 123 ; et L. Poliakov, De Moscou à Beyrouth, op. cit., p. 27. [12] Vladimir Fédorovski, De Raspoutine à Poutine, éd. Tempus, p. 26. [13] P.-A. Taguieff, L'imaginaire du complot mondial, Mille et une nuits, coll. Les petits libres n° 63, 2006, p. 114. [14] P.-A. Taguieff, L'imaginaire du complot mondial, Mille et une nuits, coll. Les petits libres n° 63, 2006, p. 116. [15] Umberto Eco De la littérature Grasset 2003, p.367-370 [16] http:/ / biblio. univ-ibntofail. ac. ma/ pmb/ opac_css/ index. php?lvl=author_see& id=14569 [17] http:/ / www. lamed. fr/ actualite/ israel/ 1384. asp ; http:/ / www. phdn. org/ antisem/ protocoles/ origines. html Article de L'Express, Eric Conan, 16/11/1999 [18] http:/ / www. col. fr/ arche/ article. php3?id_article=120 [19] Plot Summary: Horseman Without A Horse (http:/ / www. adl. org/ special_reports/ protocols/ protocols_plot2. asp) [20] col.fr (http:/ / www. col. fr/ arche/ article. php3?id_article=398) [21] P.-A. Taguieff, L'Imaginaire du complot mondial, p. 192-193. [22] P.-A. Taguieff, op. cit. [23] arrêté du 25 mai 1990 interdisant la circulation, la distribution et la mise en vente d'un ouvrage (http:/ / legifrance. gouv. fr/ affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000000708686) (JORF n°121 du 26 mai 1990), pris sur le fondement d'un décret-loi abrogé du 6 mai 1939 [24] Sous le titre Protocoles des Sages de Sion : un paradoxe politique théorique et pratique, dépot légal mars 2010, n° ISBN 9782360060122. L'ouvrage comporte une préface, le texte des Protocoles, le Dialogue de Maurice Joly et un appendice rédigé par Éric Delcroix expliquant comment ce livre est devenu de nouveau "légal". [2]

[25] http:/ / ramkat. free. fr/ shalb1. html [26] http:/ / www. col. fr/ article-258. html [27] http:/ / www. wiesenthal. com/ site/ apps/ s/ content. asp?c=fwLYKnN8LzH& b=253162& ct=286157

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Protocoles des Sages de Sion [28] http:/ / www. wiesenthal. com/ site/ apps/ s/ content. asp?c=fwLYKnN8LzH& b=253162& ct=285335 [29] http:/ / www. modia. org/ infos/ infos/ protocole. html [30] http:/ / www. arte. tv/ fr/ histoire-societe/ 2014696. html

Nuit des poètes assassinés Pendant la Seconde Guerre mondiale, des intellectuels juifs soviétiques, le plus souvent d'expression yiddish avaient formé le Comité juif antifasciste à partir de 1942. l'objectif du comité était de diffuser de la propagande prosoviétique à des audiences étrangères et de collecter des fonds pour l'URSS auprès des Juifs du continent américain. A la fin de la guerre, Comité juif antifasciste s'implique dans la recherche de documents sur la Shoah. Il se heurte alors à l'opposition stalinienne qui conduira à sa dissolution , à l'arrestation des artistes yiddish et à l'élimination des plus influents lors de la nuit des poètes assassinés.

Staline et Israël En 1945, la population juive de l'URSS, reste numériquement importante, 3 millions de personnes et ceci malgré des pertes énormes causées par l'invasion allemande. Pensant pouvoir s'appuyer sur le futur État d'Israël et désirant contrecarrer les Britanniques qui sont réticents à la fondation de l'État hébreu (ils veulent ménager les Arabes), Staline décide dès 1947 d'apporter son soutien à la création du nouvel État. En octobre 1948, Golda Meir se rend en URSS. Elle assiste aux services de Rosh Hashana et de Yom Kippour à la grande synagogue de Moscou. Elle y est acclamée aux cris de: "Le peuple juif vivra!". Or, il se trouve qu'à ce moment le PC a entrepris la dénonciation d'une nouvelle déviation, le « cosmopolitisme ». Pour Staline, les acclamations en l'honneur de Golda Meir, alors que l'État d'Israël vient juste de naître sont une manifestation de nationalisme qu'il faut réprimer. Cette dénonciation prend rapidement une tournure de plus en plus ouvertement antisémite. De plus, début 1949, Israël accepte un prêt américain de 100 millions de départ. Pour Staline, c'est le signe que le jeune État est prêt à se ranger dans le camp américain. Au milieu de l'année 1949, les signes de refroidissement entre Israël et l'URSS apparaissent.

La répression des intellectuels juifs Au même moment, les autorités entreprennent une répression envers les locuteurs, les intellectuels de langue yiddish et surtout sur le Comité anti-fasciste juif. Il est fait grief à ce dernier de se faire le porte-parole des juifs soviétiques et non plus de faire de la propagande auprès des juifs à l'extérieur de l'Union soviétique. Cette répression est la conséquence du durcissement du régime stalinien d'après guerre et l'accent mis sur les contraintes idéologiques. Sous la direction de Jdanov se développe une vaste offensive contre toute création de l'esprit dénotant les prétendues influences de l'étranger, du « formalisme » et de la « décadence occidentale ». Le 7 janvier 1948, Solomon Mikhoels, président du Comité juif antifascite prend l'avion pour Minsk. Son corps est retrouvé à Minsk, le 13 janvier dans une impasse. Sa mort est déguisée en accident de voiture. Mikhoels reçoit des funérailles d'Etat. Selon des documents recueillis par l'historien Gennady Kostyrtchenko, les organisateurs de l'assassinat sont L.M. Tsanava et S. Ogoltsov, et les meurtriers "directs" sont Lebedev, Krouglov et Choubnikov. [Khrouchtchev affirmera qu'il a été assassiné sur l'ordre direct de Staline. Lev Cheinine, assistant du procureur lors des procès de Moscou, est chargé de l'enquête sur l'assassinat de Mikhoels mais il est dessaisi quelques mois plus tard de l'affaire et fini par être dénoncé pour nationalisme (il est lui aussi juif). Il est finalement arrêté en octobre 1951. Dès mars 1948, le Comité est dénoncé auprès du comité central du PC. Son enthousiasme sioniste pour le jeune État d'Israël irrite. Le Comité antifascite juif est ensuite invité à mettre en œuvre le départ des Juifs soviétiques vers le Birobidjan, la région autonome enclavée située au fin fond de la Sibérie que Staline a dévolue comme région nationale pour les Juifs. Mais il est impossible de convaincre les juifs de s'installer dans cette province perdue. Peretz Markish oppose un refus enflammé, rappelant les souffrances endurées par les Juifs pendant la guerre. Le 21 novembre 1948, le Comité antifasciste est dissous. Tous les journaux yiddish sont interdits, la maison d'édition

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Nuit des poètes assassinés yiddish Der Emes est fermée et son matériel est confisqué, les intellectuels juifs attendant dans l'angoisse leurs arrestations. Celles-ci ne surviennent que quelques semaines plus tard. Le 23 décembre, Abakoumov, qui supervise la politique anti-juive de Staline se rend au Théâtre juif de Moscou pour perquisitionner les archives personnelles de Mikhoels en compagnie d'Itzik Fefer, un poète yiddish, fidèle serviteur du parti et, hélas, informateur pour le NKVD. Puis dans la nuit du 24 au 25, il arrête Fefer, dont il n'a plus besoin. Le lendemain le poète David Hofstein est arrêté. Le Théâtre juif est fermé avec comme motif « non rentable ». Le 26 janvier 1949, Staline fait arrêter Simon Lozovski, un membre juif influent membre de comité central et du Comité antifasciste, et les membres importants du Comité dont les poètes Peretz Markish et David Bergelson, l'interprète Lina Stern. Dix des quinze arrêtés sont membres du parti communiste. Toutes les arrestations sont clandestines. Personne ne sait à l'époque ce qu'ils deviennent. Les condamnations à de longues peines se multiplient pour les raisons les plus mineures. Même Polina Zhemchuzhina, la femme juive de Molotov, est emprisonnée. Celui-ci perd sa place privilégiée au Politburo. Le 27 janvier, la Pravda commence à publier une série d'articles critiques où elle dénonce des critiques de théâtre juifs pour leur incapacité à comprendre le caractère national juif. C'est le début d'une campagne antisémite déguisée en campagne anti-cosmopolite. La littérature yiddish est interdite le mois suivant.

La fin des poètes yiddish Pendant leur emprisonnement, les pressions et les tortures que subissent les intellectuels juifs arrêtés, les poussent à avouer tout ce dont on les accuse, espionnage au profit d'une puissance ennemie, complot pour déstabiliser le gouvernement. En mai 1952, le procès des intellectuels juifs s'ouvre enfin devant le collège militaire de la Cour suprême de l’URSS. Les accusés trouvent alors le courage de rejeter en bloc les accusations portées contre eux. Le gouvernement choisit donc le huis-clos et garde secrètes les délibérations. Les accusés doivent faire face aux accusations les plus absurdes. Il leur est, entre autres, reproché d'avoir passé des informations au journaliste américain de gauche B.Z. Goldberg. Ils affirment avoir reçu l'accord du Kremlin et que Goldberg n'étaient un espion américain. En fait, ce dernier s'est avéré être un espion soviétique. Le 12 août 1952, l’une des nuits les plus noires de l’histoire du peuple juif soviétique, treize importants poètes et écrivains yiddish furent assassinés, fusillés sur l'ordre de Lavrenti Beria dans la prison de la Loubianka. Parmi eux : Peretz Markish, David Bergelson âgé alors de 68 ans, Itzik Fefer, Leib Kwitko, David Hofstein, Benjamin Zuskin, Solomon Lozovsky, Boris Shimeliovich. Tous étaient des communistes fidèles qui voulaient mettre l'héritage juif au service de l'idéologie communiste. Leurs morts ne seront révélées en mars 1956.

La postérité de la Nuit de poètes assassinés L'histoire des poètes assassinés a été l'objet des plusieurs œuvres artistiques. Une cantate The Night of the Murdered Poets for Narrator and Chamber Ensemble de Morris Moshe Cotel, créée pour la première fois en 1978 avec l'acteur Richard Dreyfuss comme récitant et le compositeur lui-même comme chef d'orchestre. En 1980, Elie Wiesel remporte le Prix du Livre Inter et le Prix des Bibliothécaires, l'année suivante pour son roman Le testament d'un poète juif assassiné publié au Seuil. Arkadi et Gueorgui Vaïner publient en France La Corde et la Pierre aux éditions Gallimard en 2006. Il s'agit d'un roman sur la persécution des écrivains yiddish par Staline.

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Voir aussi Bibliographie • Laurent Rucker, Staline, Israël et les Juifs, Presses universitaires de France, 2001 • Jean Jacques Marie, Les Derniers Complots de Staline, éditions Complexe, 1993 disponible sur Googlebooks [1] • Arkadi Iosifovitch Vaksberg, L'Antisémitisme russe, une continuité du tsarisme Au communisme, Robert Laffont, 2003 • Geoffrey Wheatcroft, La Nuit des poètes assassinés, Istina 48, 2003, pp. 397-408

Liens internes • Antisémitisme de Staline • Complot des blouses blanches • Comité juif antifasciste

Références [1] http:/ / books. google. fr/ books?id=uQjIEIoyXJ0C& printsec=frontcover#PPA49,M1

Shoah Le terme Shoah[1] (hébreu : ‫האוש‬, « catastrophe ») désigne l'extermination systématique par l'Allemagne nazie des trois quarts des Juifs de l'Europe occupée[2] , soit les deux tiers de la population juive européenne totale et environ 40 % des Juifs du monde, pendant la Seconde Guerre mondiale ; ce qui représente entre cinq et six millions de victimes selon les estimations des historiens[3] . Ce génocide des Juifs constituait pour les nazis « la Solution finale à la question juive » (die Endlösung der Judenfrage). Le terme français d’Holocauste est également utilisé et l’a précédé. Le terme « judéocide » est également utilisé par certains pour qualifier la Shoah.

Destruction du ghetto de Varsovie, avril 1943.

L'extermination des Juifs, cible principale des nazis, fut perpétrée par la faim dans les ghettos de Pologne et d'URSS occupées, par les fusillades massives des unités mobiles de tuerie des Einsatzgruppen sur le front de l'Est (la « Shoah par balles »), au moyen de l'extermination par le travail forcé dans les camps de concentration, dans les « camions à gaz », et dans les chambres à gaz des camps d'extermination. L'horreur de ce « crime de masse »[4] a conduit, après-guerre, à l'élaboration des notions juridiques de « crime contre l'humanité »[5] et de « génocide »[6] , utilisé postérieurement dans d'autres contextes (génocide arménien, génocide des Tutsi, etc.). Une très grave lacune du droit international humanitaire a également été complétée avec l'adoption des Conventions de Genève de 1949, qui protègent la population civile en temps de guerre[7] . L'extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale se distingue par son caractère industriel, bureaucratique et systématique qui la rend unique dans l'histoire de l'humanité[8] . Paroxysme d'un antisémitisme européen à la très longue histoire, ce génocide a voulu éliminer radicalement la totalité d'une population qui ne représentait aucune


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menace militaire ou politique pour les bourreaux. Les femmes, les bébés ou les vieillards furent tout aussi systématiquement traqués et voués à la mort de masse que les hommes adultes. En particulier, 1500000 enfants furent victimes de l'anéantissement[9] . L'extermination physique des Juifs fut aussi précédée ou accompagnée de leur spoliation systématique (aryanisation) et de la destruction d'une part considérable de leur patrimoine culturel ou religieux. Perpétré sur l’ordre d’Adolf Hitler, le crime a principalement été mis en œuvre par la SS et le RSHA dirigés par Heinrich Himmler, ainsi que par une partie de la Wehrmacht, et par de nombreux experts et bureaucrates du IIIe Reich. Il a aussi bénéficié de complicités individuelles et collectives dans toute l’Europe, notamment au sein des mouvements collaborationnistes d’inspiration fasciste ou nazie, et de la part de gouvernements ou d’administrations ayant fait le choix de la collaboration d'État. Les passivités ou les indifférences de beaucoup ont aussi indirectement aidé à son accomplissement. Parallèlement, de nombreux anonymes désintéressés, parfois honorés de la distinction de « Juste parmi les nations », se sont dévoués pour sauver des persécutés. Le Troisième Reich a aussi exterminé en masse les handicapés mentaux (leur gazage massif lors de l’aktion T4 a précédé et préfiguré celui des Juifs d'Europe), les Tziganes (Porajmos), les homosexuels et les populations slaves notamment polonaises et soviétiques, mais seul le massacre des Juifs a été conduit avec acharnement jusqu'aux derniers instants du Reich. La Shoah constitue l'un des événements les plus marquants et les plus étudiés de l'histoire contemporaine. Son impact moral, culturel et religieux a été immense et universel, surtout depuis sa redécouverte à partir des années 1960-1970. À côté de l'investigation historique, la littérature de la Shoah offre quelques pistes aux nombreuses interrogations posées à la conscience humaine par la nature et l'horreur exceptionnelles du génocide.

La Shoah comme terme d'un processus Dans La Destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg analyse la Shoah comme un processus, dont les étapes sont la définition des Juifs, leur expropriation, leur concentration, et enfin leur destruction[10] . La première étape[11] est codifiée par les lois dites de Nuremberg, en 1935, qui elles-mêmes venaient après une série de mesures discriminatoires prises dès l'avènement d'Hitler et des nazis le 30 janvier 1933. Apposition d'affiche indiquant le boycott des magasins juifs en 1933

Le boycott des magasins juifs en 1933

également

obligatoire

en

Les Juifs y sont définis par la législation nazie selon la religion de leurs ascendants et leur propre confession. Toute personne ayant trois ou quatre grands-parents juifs est considérée comme juive. Une personne ayant deux grands-parents juifs est considérée également comme juive si elle est elle-même de religion israélite, ou si elle est mariée à une personne de cette confession. Si tel n'est pas le cas, ou si la personne n'a qu'un seul grand-parent juif, elle est rangée dans une catégorie spécifique, les Mischlinge[12] . La définition des Mischlinge est arrêtée en 1935. À partir de là, ils restent soumis aux mesures de discriminations concernant les non-aryens, mais échappent en principe aux mesures ultérieures, comme le processus de destruction, qui ne concerneront que les seuls Juifs[13] . À partir de l'automne 1941, les Juifs d'Allemagne doivent porter une étoile jaune, signe rendu 1942 à travers les territoires européens


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50 occupés, où les nazis ont d'emblée fait recenser et discriminer la population juive. Le 28 juillet 1942, alors que l'extermination bat son plein, Himmler interdit à ses experts de continuer à chercher la définition du Juif - afin de ne pas lier les mains aux tortionnaires[14] .

Boycott officiel des magasins juifs par les SA, Berlin, printemps 1933.

En règle générale, les lois de Nuremberg sont rapidement introduites telles quelles par ordonnance allemande dans la plupart des pays vaincus et occupés (Belgique, Pays-Bas, Grèce, etc.). Mais plusieurs pays européens avaient adopté d'eux-mêmes leur propre législation antisémite dès l'avant-guerre, notamment l'Italie fasciste de Mussolini en 1938, la Hongrie de l'amiral Horty, la Roumanie du maréchal Ion Antonescu, la Slovaquie de Mgr Tiso. En France, le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain, issu de la défaite de juin 1940, a mis en place un statut discriminatoire des Juifs dés octobre 1940[15] . Toutes ces dispositions n'ont aucun objectif homicide par elles-mêmes, mais elles prédisposent les gouvernants à collaborer aux futures déportations. Et en isolant et en fragilisant les Juifs nationaux et étrangers, elles les rendent vulnérables lorsque surviendra la tentative nazie d'extermination. L'expropriation prend la forme de très fortes incitations sur les Juifs à vendre les grandes entreprises qu'ils possèdent (aryanisation), puis, à partir de 1938, de ventes légalement forcées. La concentration des Juifs du Reich dans des immeubles réservés commence à partir d'avril 1939[16] . Cette phase d'expropriation est également mise en œuvre avec des variantes dues aux circonstances locales dans l'ensemble des pays d'Europe sous domination nazie[17] .

Autodafé le 11 mai 1933

La dernière étape, l'extermination physique, se dessine entre 1938 et 1941. Avant-guerre, le but est d'abord de chasser les Juifs par une persécution sans cesse plus radicale. La liste des métiers interdits s'allonge sans fin, celle des brimades et des interdictions aussi : toute vie normale leur est rendue impossible, afin de les contraindre à l'émigration hors du Reich. Mais beaucoup refusent de quitter leur pays, et à partir de 1938, la volonté nazie d'expansion territoriale met cette politique dans une impasse : à chaque agrandissement, le Reich absorbe plus de Juifs qu'il n'en sort de ses frontières[18] .

C'est le cas lorsqu'il annexe l'Autriche en mars 1938 (l'Anschluss est Humiliation publique d'un notable Juif à Munich accompagnée d'un déchaînement immédiat de brutalités contre les en 1933 Juifs, agressés, battus, dépouillés ou humiliés jusqu'en pleine rue), puis lors du rattachement des Sudètes (octobre 1938) et de l'entrée des troupes allemandes à Prague le 15 mars 1939. La conquête de la Pologne, en septembre 1939, fait à elle seule tomber plus de trois millions de Juifs sous la coupe des nazis. Le 1er septembre 1939, Hitler autorise personnellement l'aktion T4, qui entraîne l'extermination par gazage de plus de 150000 handicapés mentaux allemands en deux ans, dans des « centres d'euthanasie » prévus à cet effet. Les forces nazies fusillent en outre systématiquement les malades incurables qu'elles trouvent en Pologne et en URSS occupées. La continuité entre cette politique d'eugénisme criminelle et la Shoah est très importante : nombre de


Shoah spécialistes de l'euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs, qui survient à son tour à partir de fin 1941. L'élimination physique des Juifs a commencé à partir de la nuit de Cristal du 9 novembre 1938, pogrom planifié d'en-haut qui fait 91 morts à travers toute l'Allemagne et entraîne l'arrestation de 30000 Juifs conduits en camp de concentration, la dévastation de centaines de magasins et la destruction de dizaines de synagogues. Le 30 janvier 1939, pour le sixième anniversaire de sa prise du pouvoir, dans un discours tonitruant devant le Reichstag, Hitler « Timbre de la RFA commémorant la nuit de prophét[is]e » qu'au cas où les Juifs « provoqueraient » une nouvelle Cristal (9 novembre 1938). guerre mondiale, la conséquence en serait « l'extermination des Juifs d'Europe ». Or c'est à l'accomplissement de cette « prophétie » que lui-même comme Goebbels et de nombreux responsables nazis feront de nombreuses références au cours de la guerre. En particulier, lorsque la guerre devient mondiale en décembre 1941 avec l'agression japonaise à Pearl Harbor et la déclaration de guerre du Reich aux États-Unis, Hitler et son entourage se persuadent qu'il faut « punir » les Juifs, jugés responsables de la guerre que l'Axe a elle-même provoquée, et donc vus comme coupables des pertes allemandes au front ou des bombardements sur les villes. Hantés par le mythe mensonger du « coup de poignard dans le dos » (l'Allemagne aurait perdu la guerre en 1918 sans être militairement vaincue, mais parce qu'elle aurait été trahie de l'intérieur, entre autres par les Juifs), les nazis veulent aussi anéantir la menace imaginaire que représenteraient les communautés du continent. Beaucoup de tortionnaires seront persuadés de mener contre ces civils désarmés une lutte toute aussi méritoire que celle des combattants au front. Dans son célèbre discours secret de Posen prononcé en octobre 1943, Himmler justifie la nécessité pour les Allemands de tuer aussi les femmes et les enfants en raison du danger que ces derniers exercent un jour des représailles sur eux-mêmes ou leurs propres enfants. C'est à cette occasion qu'il qualifie le massacre en cours de « page glorieuse de notre histoire, et qui ne sera jamais écrite ». À l'heure où ils entrent en guerre totale, les nazis veulent aussi brûler leurs vaisseaux en perpétrant un crime d'une telle gravité qu'il rende impossible tout compromis et ne leur laisse le choix qu'entre se battre jusqu'au bout ou l'assurance de finir tous condamnés et punis. Au-delà, la Shoah est l'aboutissement logique de la haine idéologique absolue des antisémites nazis pour une « race » qu'ils ne jugent pas seulement inférieure, mais radicalement nuisible et dangereuse. Vus comme des « poux » et des « vermines », exclus de l'humanité (au point qu'on ne se donnera jamais la peine d'établir aucun décret les condamnant à mort, a fortiori de le lire aux victimes), les Juifs n'ont pas leur place sur terre - notamment pas dans l'espace vital arraché à l'Est sur les « sous-hommes » slaves. Le judéocide trouve en effet aussi en partie ses origines dans le vaste projet de remodelage démographique de l'Europe mis au point par les nazis, secondés par une pléthore d'experts, de géographes et de savants souvent hautement diplômés. Dans l'espace vital conquis à l'Est, il s'agit de faire de la place pour des colons allemands en déportant les Slaves en masse, mais aussi en les stérilisant et en les réduisant à l'état d'une masse de sous-hommes voués à l'esclavage, tandis que les mêmes territoires doivent être nettoyés des Tziganes et surtout des Juifs par l'extermination. Comme le résume Marc Mazower, « génocide et colonisation étaient inextricablement liés, car le but de Hitler était la complète recomposition raciale de l’Europe ». Ce n'est en rien un hasard si les premières expulsions puis mises à mort massives de Juifs eurent lieu dans les territoires polonais annexés par le Reich et qu'il s'agissait de « nettoyer » et de germaniser au plus vite, ainsi le Warthegau ou les environs de Dantzig, ni si la ville d'Auschwitz, siège du plus

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Shoah grand camp de concentration et d'extermination nazi, devait être aussi redessinée pour accueillir des colons allemands[19] . Ces projets démographiques ne sont toutefois qu'un point de départ. Car à partir du meurtre des Juifs de l'Est, c'est par extension, par pure haine idéologique, tous les Juifs d'Europe et tous ceux du monde entier tombés sous la coupe des hitlériens qui doivent être tués (en 1943, on verra même les nazis déporter par avion 200 Juifs de Tunis vers les camps de la mort, tandis qu'Hitler demandera en vain à ses alliés japonais de s'en prendre aux Juifs allemands réfugiés à Shanghai). Dès la conquête de la Pologne en septembre 1939, près de 10000 Juifs sont fusillés par les Einsatzgruppen (uniquement des hommes adultes, toutefois). Les Juifs polonais sont enfermés dans des ghettos mortifères où la faim, le travail forcé, les mauvais traitements et les exécutions sommaires font des coupes claires. Après l'agression de l'URSS le 22 juin 1941, cependant, la violence meurtrière se déchaîne à une échelle sans précédent : ce sont près de 1500000 Juifs qui périssent en quelques mois, fusillés par les Einsatzgruppen, et cette fois-ci, essentiellement des femmes, des enfants, des vieillards ou des hommes adultes non mobilisés. En 1940, les Allemands prévoyaient encore une émigration massive et forcée des Juifs d'Europe occupée vers Madagascar qui serait devenue une « réserve juive »[20] . La continuation du conflit avec le Royaume-Uni empêche cette solution à la « question juive » d'aboutir. Début 1941, Hitler songe également à déporter les Juifs en Sibérie : cette solution aurait suffi à entraîner une hécatombe et était donc déjà en elle-même quasi-génocidaire[21] . Mais dès le ralentissement de l'avancée allemande en Russie à l'automne 1941 et avant même l'échec de la Wehrmacht devant Moscou, cette solution n'est plus à l'ordre du jour. L'extermination de la totalité des Juifs d'Europe est décidée dans le Lettre de Göring à Heydrich chargeant ce dernier d'organiser la « solution finale de la question courant de l'automne 1941. Le 31 juillet 1941, le haut chef SS o juive », juillet 1941. Reinhard Heydrich se fait signer par Hermann Göring, n 2 du régime, un ordre officiel secret qui lui confie la recherche et la mise en œuvre d'une « solution finale au problème juif ». Sans doute vers la fin de l'été, Adolf Eichmann est convoqué dans le bureau de Reinhard Heydrich, qui lui dit : « Je sors de chez le Reichsführer Heinrich Himmler ; le Führer Adolf Hitler a maintenant ordonné l'extermination physique des Juifs[22] . » Pour Raul Hilberg, la Shoah est un crime de bureaucrates, qui passent d'une étape à l'autre, minutieusement, logiquement, mais sans plan préétabli. Cette analyse a été approuvée par les autres spécialistes de la Shoah, mais le moment exact où l'intention exterminatrice apparaît fait l'objet de débats, analysés ci-après dans la section « Historiographie » de l'article.

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L'extermination des Juifs d'Europe orientale (1939-1941) Les ghettos Après l'invasion allemande de la Pologne, les Juifs de ce pays sont contraints de vivre dans des quartiers clos, les ghettos. Les conditions de vie y sont nettement dures pour trois raisons. D’abord, les responsables de la concentration des Juifs en Pologne sont, souvent, des membres de la NSDAP, et non, comme en Allemagne, des fonctionnaires sans affiliation partisane. Ensuite, les Juifs polonais représentent ce qu’il y a de plus méprisable dans la mythologie nazie, et sont les plus persécutés dès avant la guerre. Enfin, les Juifs étaient beaucoup plus nombreux numériquement et proportionnellement, en Pologne (3.3 millions, dont deux millions dans la zone allemande, sur 33 millions d’habitants dans tout le pays) qu’en Allemagne[23] . Les Juifs de l’Ancien Reich (frontières de 1937) sont également déportés vers les ghettos de Pologne, à partir de 1940.

La construction du mur du Ghetto de Varsovie

Les premiers ghettos sont édifiés dans la partie de la Pologne « incorporée » au Reich, pendant l’hiver 1939-1940, puis dans le gouvernement général, partie de la Pologne administrée par Hans Frank. Le plus ancien est le ghetto de Łódź, le plus grand, celui de Varsovie. La ghettoïsation est achevée pour l’essentiel au cours de l’année 1941, et complètement terminée en 1942[24] . À l’intérieur même du ghetto, les mouvements des Juifs sont limités : ils doivent rester chez eux de dix-neuf heures à sept heures. La surveillance extérieure est assurée par la police régulière et la surveillance intérieure par la Police de sûreté (Gestapo et Kripo), elle-même renforcée par la police régulière, à la demande de cette dernière[25] . Dès le 26 octobre 1939, le principe du travail forcé pour les Juifs de Pologne est adopté[26] . Les Juifs sont décimés par la malnutrition, les épidémies — notamment de typhus, de tuberculose, de grippe —, et la fatigue consécutive au travail que leur imposent les autorités allemandes. Par exemple, le ghetto de Łódź, qui compte 200000 habitants à l’origine, compte plus de 45000 morts jusqu’en août 1944[27] . Au cours de l'année 1943, sur l'ordre d'Himmler, les ghettos sont progressivement réorganisés en camps de concentration. Ce ne sont plus les administrations civiles qui s'en occupent mais les SS. En Ostland, les tueries continuent jusqu'à la disparition quasi-totale de Juifs. À partir de décembre 1941, les survivants des ghettos sont déportés vers les centres de mise à mort. Les premiers sont les Juifs du Wartheland, envoyés à Chełmno. En mars 1942, ceux de Lublin sont envoyés à Belzec. À partir de juillet, le ghetto de Varsovie commence à être vidé[28] .

Les unités mobiles de tuerie : la première vague de massacres Le 13 mars 1941, pendant les préparatifs de l'invasion de l'URSS, le feld-maréchal Keitel rédige une série d’« ordre pour les zones spéciales » : « Dans la zone des opérations armées, au Reichsführer SS Himmler seront confiées, au nom du Führer, les tâches spéciales en vue de préparer le passage à l’administration politique — tâche qu'impose la lutte finale qui devra se livrer entre deux systèmes politiques opposés. Dans le cadre de ces tâches, le Reichsführer SS agira en toute indépendance et sous sa propre responsabilité[29] . » En termes clairs, il est décidé que des unités mobiles du RSHA, les Einsatzgruppen, seraient chargées d'exterminer les Juifs — ainsi que les Tziganes, les cadres communistes, voire les handicapés et les homosexuels. Ce passage aurait été dicté par Adolf Hitler en personne[30] . Pendant les premières semaines, les membres des Einsatzgruppen, inexpérimentés en matière d'extermination, ne tuent que les hommes juifs. À partir d'août, les autorités centrales clarifient leurs intentions, et les Juifs sont


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assassinés par familles entières. Les Einsatzgruppen se déplacent par petits groupes, les Einsatzkommandos, pour massacrer leurs victimes. Ils se placent le plus près possible des lignes de front, quitte à revenir vers l'arrière après avoir massacré leurs premières victimes. C'est le cas, par exemple, de l’Einsatzgruppe A, qui s’approche de Leningrad avec les autres troupes, puis se replie vers les pays baltes et la Biélorussie, détruisant, entre autres, les communautés juives de Liepāja, Riga, Kaunas (en treize opérations successives) et Vilnius (en quatorze attaques)[31] . Dans les premiers mois de l'invasion de l'URSS, les unités mobiles annoncent près de 100000 tués par mois. Les SS sont assistés par une partie de la Wehrmacht. Dans bien des cas, les soldats raflent eux-mêmes les Juifs pour que les Einsatzkommados les fusillent, participent eux-mêmes aux massacres, fusillent, sous prétexte de représailles, des Juifs. Ainsi, à Minsk, plusieurs milliers de « Juifs, criminels, fonctionnaires soviétiques et asiatiques » sont rassemblés dans un camp d’internement, puis assassinés par des membres de l’Einsatzgruppe B et de la Police secrète de campagne[32] . Leur action est complétée par des unités formées par les chefs de la SS et de la Police, ou plus rarement par la seule Gestapo. C’est le cas, notamment, à Memel (plusieurs milliers de victimes), Minsk (2278 victimes), Dnipropetrovsk (15000 victimes) et Riga[33] . Des troupes roumaines participent également aux fusillades, ainsi que le sonderkommando letton de Viktors Arājs: responsable à lui seul de la mort d'entre 50 000 et 100 000 personnes (juives et/ou communistes), Arājs ne sera condamné qu'en 1979. Les procédures de massacres sont standardisées pour être rapides et efficaces. Les Einsatzgruppen choisissent généralement un lieu en dehors de la ville. Ils approfondissent un fossé anti-char ou creusent une nouvelle fosse. À partir d'un point de rassemblement, ils amènent les victimes jusqu'au fossé par petits groupes en commençant par les hommes. Les prisonniers remettent alors tout ce qu'ils ont comme objet de valeur au chef des tueurs. Par beau temps, ils doivent donner leurs vêtement et même parfois leur linge de corps. Certains Einsatzgruppen alignent les condamnés face aux fossés puis les mitraillent laissant leurs corps inertes tomber dans la tombe collective[34] . D'autres tirent une balle dans la nuque de chaque condamné.

Une femme juive et son enfant fusillés par les Einsatzgruppen pendant que d'autres victimes doivent creuser leur fosse. Ivangorod, Ukraine, 1942.

Paul Blobel et Ohlendorf, commandants d’Einsaztgruppen refusent ces méthodes jugées trop stressantes pour les SS et préfèrent les tirs à distance. Ils utilisent ce qui a été appelé le « système des sardines », Ölsardinenmanier : Une première rangée de victimes doit s'allonger au fond du fossé. Elle est fusillée du haut du fossé par des tirs croisés. Les suivants se couchent à leur tour sur les cadavres de la première rangée et la fusillade recommence. À la cinquième ou sixième couche, la tombe est recouverte de terre[35] . Les Einsaztgruppen veulent que leurs actions soient la plus discrète possible et s'efforcent d'agir à l'écart des populations civiles et de la Wehrmacht[36] . Les Einsatzgruppen s’efforcent de susciter des pogroms locaux, à la fois pour diminuer leur charge de travail et pour impliquer une part maximale de la population locale dans l’anéantissement des Juifs. Les bureaucrates du RSHA et les commandants de l’armée ne souhaitent pas que de telles méthodes soient employées, les uns parce que ces formes de tueries leur paraissent primitives et donc d’une efficacité médiocre par rapport à l’extermination soigneuse des Einsatzgruppen ; les autres parce que ces pogroms font mauvais effet. Les pogroms ont donc lieu, principalement, dans des territoires où le commandement militaire était encore mal assuré de son autorité : en Galicie et dans les pays baltes, tout particulièrement en Lituanie. En quelques jours, des Lituaniens massacrent 3800 Juifs à Kaunas. Les Einsatzgruppen trouvent une aide plus importante et plus durable en formant des bataillons auxiliaires dans la population locale, dès le début de l’été 1941. Ils ont été créés, pour la plupart, dans les pays baltes et en Ukraine. L’Einsatzkommando 4a (de l’Einsatzgruppe C) décide ainsi de ne plus fusiller que les adultes, les Ukrainiens se chargeant d’assassiner les enfants. Quelquefois, la férocité des collaborateurs locaux effraie jusqu’aux cadres des Einsatzgruppen eux-mêmes. C’est le cas, en particulier, des membres de l’Einsatzkommando 6 (de l’Einsatzgruppe C), « littéralement épouvantés par la soif de


Shoah sang » que manifeste un groupe d’« Allemands ethniques » ukrainiens[37] . Le recrutement en Ukraine, Lituanie et Lettonie est d’autant plus facile qu’un fort antisémitisme y sévissait avant la guerre — à la différence de l’Estonie, où la haine des Juifs était presque inexistante[38] . Lorsque les tueurs estiment que l’extermination prendra du temps, ils créent des ghettos pour y parquer les survivants, en attendant leur élimination. Mais dans plusieurs cas, cette création n’est pas nécessaire, notamment à Kiev : 33000 Juifs sont assassinés en quelques jours, près de Babi Yar[39] . De passage à Minsk, le 15 août 1941, Himmler assiste à une opération mobile de tuerie. Ébranlé par le massacre mais pénétré de l'importance supérieure de ses actes, il demande à ses subordonnés de chercher un moyen moins traumatisant pour les SS de remplir leur mission[40] . C'est ainsi que les premiers camions à gaz sont testés. À partir de décembre 1941, deux à trois camions à gaz sont envoyés dans chaque Einsatzgruppe. Le procédé est toujours le même. Les camions sont garés à l'écart. Des groupes de 70 juifs en linge de corps s'entassent à l'intérieur. Les gaz d'échappement sont déversés à l'intérieur faisant suffoquer les victimes. Les camions roulent ensuite jusqu'au fossé où les corps inanimés sont jetés[41] . Mais la pluie met à mal l'étanchéité des camions. Les hommes souffrent de maux de tête en déchargeant les camions, car tous les gaz d'échappement ne se sont pas dispersés. La vision des visages défigurés des asphyxiés stresse les SS[42] . Selon le tribunal de Nuremberg, environ deux millions de Juifs ont été assassinés par les unités mobiles de tuerie — une estimation reprise à son compte par Lucy S. Dawidowicz[43] . Raul Hilberg compte de son côté 1.4 million de victimes, et Léon Poliakov 1.5 million, mais cette fois pour la seule URSS[44] .

La deuxième vague (1942) La première vague de massacres s'arrête pour l'essentiel à la fin de l'année 1941, sauf en Crimée où elle se prolonge jusqu'à l'été 1942. Une deuxième vague de tuerie s'amorce dès la fin de l'année 1941 dans les régions de la Baltique et se diffuse tout au long de l'année 1942 dans tous les territoires occupés[45] . Les Einsatzgruppen jouent un rôle moins important. Ils sont placés sous le commandement des chefs suprêmes des SS et de la police. Les effectifs de la police régulière s'accroissent beaucoup pour prendre part à la deuxième vague de massacres. À la fin de l'année 1942, 5 régiments de la police régulières servent sur le front, 4 sont stationnés à l'arrière, renforcés par 6 bataillons supplémentaires qui obéissent tous aux dirigeants SS et de la police[46] . Les villes importantes et les zones rurales des régions occupées fournissent elles aussi des éléments. Ces éléments recrutés sur place sont essentiellement composés de Baltes, Biélorusses et Ukrainiens. Ils forment la Schutzmannschaft (Schuma en abrégé). Son effectif passe de 33270 hommes au milieu de l'année 1942 à 47974 à la fin de l'année[47] . Les SS reçoivent aussi l'appui de la gendarmerie militaire et de la police secrète militaire[48] . Dans l’Ostland, il reste au début de l'année 1942, environ 100000 Juifs. Rapport de Himmler à Hitler faisant état de Environ 68000 vivent dans les grands ghettos, le reste a trouvé refuge l'assassinat de 363211 Juifs de la région de dans les forêts, certains comme partisans. En janvier 1942, les SS et la Byalistock entre le 1er octobre et le 1er décembre 1942. police du Nord commencent à ratisser la région méthodiquement, zone par zone, tuant les Juifs des petits ghettos et exécutant ceux des forêts. Seulement quelques milliers parviennent à en réchapper[49] . En même temps, se prépare la destruction des grands ghettos de l’Ostland.

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Shoah La méthode est souvent la même. La veille de la tuerie, un détachement juif creuse des grandes tombes. Dans la nuit ou à l'aube, les forces allemandes pénètrent dans le ghetto et rassemblent les Juifs. Ceux qui tentent de se cacher sont exécutés parfois à la grenade. Ceux qui se sont groupés sont amenés par camions jusqu'aux fosses communes où ils sont exécutés par balle. Fin 1942, il n'y pas plus de Juifs en Ukraine. Malgré toutes les précautions d'Himmler pour garder les tueries secrètes, des photos prises par des soldats alliés, hongrois ou slovaques circulent. Himmler craint aussi que les Soviétiques ne découvrent un jour les charniers, si l'armée allemande recule. Il ordonne à Paul Blobel d'effacer les traces des exécutions des Einsatzgruppen. Le commando « 1005 » reçoit la mission de rouvrir les tombes et de brûler deux millions de cadavres. Mais ce travail est imparfaitement accompli pour de nombreuses raisons[50] .

Les massacres par balles à l'Est après 1942 Encore en novembre 1943, pour démanteler l'empire économique que son subordonné Odilo Globocnik s'est taillé autour de Lublin grâce à la main-d'œuvre juive servile, Himmler ordonne le massacre de cette dernière : en deux jours, plus de 40000 Juifs sont assassinés au cours de ce qui est connu comme l'opération « Fête des Moissons ».

Autres fusillades de Juifs en Europe occupée La Pologne et les Balkans occupés ont vu de nombreux massacres de Juifs par fusillade, mais aussi par pendaison, noyade ou sévices exercés jusqu'à la mort. Les cas de la Roumanie, de la Serbie et de la Croatie sont décrits ci-après à la sixième partie de cet article. En Europe de l'Ouest, la terreur nazie revêt des formes moins amples et de tels déchaînements publics de sauvagerie sont difficilement pensables. Les massacres collectifs de Juifs en plein air sont de ce fait restés rares ou inexistants. Cependant, les nombreux otages fusillés par les nazis sont souvent pris parmi les Juifs. Serge Klarsfeld a ainsi établi que sur plus d'un millier d'otages assassinés au fort du Mont-Valérien, 174 étaient juifs[réf. souhaitée]. Encore en juillet 1944, à Rillieux-la-Pape, le chef milicien Paul Touvier fait abattre arbitrairement sept Juifs pour venger la mort de l'orateur collaborationniste Philippe Henriot, exécuté par la Résistance[réf. souhaitée]. Des Juifs italiens figurent parmi les victimes du massacre des Fosses ardéatines à Rome en mars 1944.

Les camps de concentration et d'extermination (1942-1945) Du massacre à l'Est au génocide en Europe (automne 1941) L'élimination physique s'étend au cours de l'automne 1941 aux Juifs allemands puis à ceux de toute l'Europe occupée. C'est le passage décisif d'un judéocide jusque là localisé en URSS à un génocide industriel planifié de l'ensemble du peuple juif et mis en œuvre dans toute l'Europe occupée. À partir de septembre - octobre 1941, des Juifs allemands sont à leur tour déportés dans les ghettos mortifères de l’Est, voire dans les zones de massacre en URSS. 80 convois partent ainsi du Reich avant fin 1941. Dans des conditions épouvantables, 72 trains acheminent leur chargement humain dans des ghettos où les fusillades ont libéré de la place (presque tous périront gazés ou fusillés à leur tour lors des liquidations de ghettos en 1942-1943). 8 autres voient leurs passagers liquidés dès l'arrivée[51] . Ainsi le 15 octobre, près de 5000 Juifs déportés de Berlin, Munich, Francfort, Vienne ou Breslau sont déportés en Lituanie et fusillés par les Einsatzgruppen dès leur descente du train : le rapport Jäger fait état de leur exécution au fort IX de Kaunas les 25 et 29 novembre. Le 18 octobre, d'autres convois quittent Prague, Luxembourg ou Berlin. Tout le Grand-Reich est donc concerné[52] . On bascule un peu plus du meurtre des Juifs d’URSS à ceux de l’espace européen entier lorsque le 2 octobre, Heydrich laisse dynamiter six synagogues de Paris par les collaborationnistes doriotistes du PPF, avec des explosifs fournis par ses services, afin de bien montrer que la France ne sera plus jamais « la citadelle européenne des Juifs » et

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que ceux-ci doivent craindre pour leur vie partout en Europe occupée. Le 23 octobre, Himmler interdit officiellement l’émigration des Juifs. Ne reste donc plus ouverte que l’option de l'extermination. Le 7 décembre, le premier camp d'extermination est ouvert à Chełmno en Pologne annexée : de fusillades « artisanales », la tuerie passe à l'échelle industrielle. Les victimes, emmenées de tout le Warthegau dirigé par le fanatique gauleiter Arthur Greiser, sont enfermées dans des camions à gaz où elles meurent lentement asphyxiées par les fumées d'échappement, dirigées sur l'intérieur du véhicule. En sept mois, plus de 100000 personnes trouvent ainsi la mort. Au même moment, la construction de Belzec et celle de Sobibor sont lancées.

La conférence de Wannsee (20 janvier 1942) Le génocide industriel est donc lancé avant même que se réunisse la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942 (initialement prévue pour le 9 décembre 1941 mais reportée). Convoquée par Reinhard Heydrich, l'un des principaux adjoints de Heinrich Himmler, cette conférence réunit alors les secrétaires d'État des principaux ministères. Himmler et Heydrich ont en effet besoin de la coopération de l'administration allemande pour perpétrer leurs crimes. La conférence ne décide pas du génocide, déjà lancé, et déjà décidé en haut-lieu depuis au moins deux à trois mois[53] . Chez les nazis, les questions ne se décident nullement au cours de conférences. La seule question dont on discute – et qui ne sera d'ailleurs jamais tranchée – est celle des Mieschehe (Juifs à conjoint aryen) et des Mischlinge (demi-Juifs). Le Protocole montre que la plus grande partie de la conférence a été dédiée à cette question insoluble. L'autre grande question fut celle des Juifs allemands travaillant dans les usines d'armement, qui obtiennent un sursis éphémère à la déportation[54] . Statistiques des Juifs européens à déporter,

Le procès-verbal de la conférence, rédigé par Eichmann, ne laisse dressées lors de la conférence de Wannsee. Musée de la Maison de la Conférence de aucun doute sur le plan criminel d'extermination systématique. Plus de Wannsee. 11 millions de Juifs de l'Europe entière (y compris les Juifs britanniques, suisses ou portugais, inclus dans le décompte statistique établi minutieusement par Eichmann) doivent être arrêtés et « évacués » vers l'Est où ils trouveront la mort. Ce document est capital aux historiens pour comprendre le processus de décision, même s'il a été épuré pour que rien de trop compromettant ne soit écrit. Déjà les nazis recourent en effet à tout un langage codé spécifique qui leur servira à dissimuler leurs crimes dans les années suivantes : jusqu'à la fin, la déportation-extermination des Juifs sera ainsi désignée par l'euphémisme d’« évacuation », le gazage massif comme un « traitement spécial » (Sonderbehandlung), les détenus livrés à l'extermination par le travail comme des « pièces » (Stück).


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Grandes rafles et trains de la mort De grandes rafles synchrones sont menées à travers tout le continent européen pour alimenter les camps d'extermination nouvellement construits. Le processus est partout similaire. Les Juifs de tous âges et de tout sexe sont traqués et raflés chez eux, sur leurs lieux de travail, et jusque dans des orphelinats, des hôpitaux, des asiles d'aliénés ou des maisons de retraite. Beaucoup répondent simplement, surtout au début, aux convocations qui leur sont adressées, par peur, par légalisme, par absence d'alternative, ou dans l'ignorance de ce qui les attend.

Rafle d'enfants conduits au train de déportation, Pologne.

Dans des conditions généralement très sordides, hommes, femmes, enfants et vieillards sont parqués dans des lieux qui font office d'antichambre des camps de la mort nazis : Drancy en France, la caserne Dossin à Malines en Belgique, Westerbork aux Pays-Bas ou encore Fossoli en Italie sont parmi les plus célèbres.

À Terezín, dans les Sudètes, les nazis ouvrent même le 24 novembre 1941 un camp-modèle destiné à berner (avec succès) les représentants de la Croix-Rouge. Ce ghetto surpeuplé, où les familles ne sont pas disloquées ni le travail forcé imposé, offre des conditions de vie dures mais peu mortifères, et relativement privilégiées par rapport à ce que les Juifs connaissent ailleurs. Mais la plupart des 140000 personnes à y avoir transité, en majorité des Tchèques, ont ensuite été déportées pour Auschwitz où elles seront assassinées, notamment lors de la liquidation du « camp des familles » en avril 1944. Conduits à une gare, les déportés sont partout entassés brutalement dans des wagons à bestiaux délibérément surchargés, dans une promiscuité éprouvante et des conditions sanitaires dégradantes, sans presque rien à manger ni à boire. L'angoisse est accrue par l'ignorance de la destination (Pitchipoï, comme l'appellent les détenus de Drancy) et l'incertitude quant à ce qui attend à l'arrivée, même si peu imaginent la mise à mort industrielle. Le voyage est épouvantable, et plus ou moins long (de quelques heures à une ou deux journées pour les Juifs polonais, trois à quatre jours en moyenne depuis la France, plus de deux semaines pour certains convois de Grèce). Il n'est pas rare que des déportés finissent par boire leur urine ou par lécher leur sueur. Certains meurent en route, d'autres deviennent fous ou se suicident (parfois collectivement). Rares sont ceux qui tentent une évasion, par peur des représailles collectives, par absence de lieu de refuge ou pour ne pas se séparer des leurs, enfin par ignorance de leur sort futur. Ce sont des êtres déjà épuisés et ravagés qui arrivent aux centres de mise à mort. Les compagnies ferroviaires nationales, dont la SNCF, n'ont jamais manifesté de réticences particulières à faire circuler ces trains, pas plus que leurs employés (même si des cheminots eurent des gestes de compassion, ou transmirent aux proches les ultimes billets jetés des convois). Les frais des transports étaient payés sur les biens volés aux Juifs, qui se trouvaient ainsi financer leur propre envoi à la mort[55] . En revanche, rien ne prouve que les nazis aient systématiquement donné la priorité aux convois de déportation sur les convois militaires ou d'importance vitale pour le Reich. Les convois (un millier de personnes en moyenne) sont intégralement gazés s'il s'agit d'un camp d'extermination. Dans les camps mixtes d'Auschwitz-Birkenau et de Maidanek, une minorité est désignée à l'arrivée pour le travail forcé et découvre brutalement l'horreur concentrationnaire. En général, l'extermination par le travail forcé ne leur laisse pas plus de quelques semaines ou de quelques mois à survivre. Ainsi, seuls 7 % des Juifs de France désignés pour le travail forcé ont vu la fin de la guerre. De nombreux convois de Juifs d'Europe roulent déjà vers les camps de la mort dès les premiers mois de 1942. Au 1er mai 1941, 168972 Juifs vivent en Allemagne, il n'en reste plus que 131823 au 1er janvier 1942 et 51257 au 1er avril[56] . En Slovaquie, de mars à août 1942, 75000 des 90000 Juifs du pays sont déjà déportés sur ordre du


Shoah gouvernement de Mgr Tiso, avant suspension des transports[57] . Ce sont des déportées slovaques qui sont les premières victimes à l'été 1942 de la sélection instituée sur la Jüdenrampe à l'arrivée à Auschwitz. L'été 1942 est particulièrement fatidique, avec les grandes rafles de Juifs presque simultanées qui marquent l'Europe occupée. Au cours de cet été 1942, en effet, 300000 Juifs du ghetto de Varsovie sont déportés en masse à Treblinka et aussitôt gazés. Le premier transport part de l’Umschlagplatz le 21 juillet. Le 15 juillet 1942, 1135 Juifs d'Amsterdam convoqués « pour aller travailler en Allemagne » sont aussitôt déportés les premiers à Auschwitz. La cadence des rafles et des convois est telle que dès septembre 1943, les Allemands proclament la capitale néerlandaise judenrein (libre de Juifs). Sur 120000 Juifs hollandais, 105000 ont été déportés à Auschwitz et Sobibor, dont 5500 seulement ont survécu. 80 % de cette communauté séfarade présente depuis le XVIIe siècle a donc été anéanti. Déportation des Juifs du ghetto de Varsovie à Les 16 et 17 juillet, à la demande des Allemands, les forces de l'ordre Treblinka depuis l’Umschlagplatz, 1942. du régime de Vichy arrêtent 13152 Juifs étrangers au cours de la rafle du Vel' d'Hiv, parmi lesquels 3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants. Internés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande, ils sont pour l'essentiel déportés dans les deux mois qui suivent.

D'autres rafles et déportations sans retour ont lieu en zone nord dans les mêmes temps. Le 15 juillet, 200 Juifs sont ainsi arrêtés à Tours, 66 à Saint-Nazaire. À Angers, le Sipo-SD agissant seul en arrête 824 le 20 juillet 1942. À Lille, le 15 septembre, 526 personnes sont déportées : 25 reviendront. À Bordeaux, le préfet régional Sabatier et son secrétaire général pour la Gironde Maurice Papon font partir le 18 juillet un premier convoi de 172 personnes : 10 autres suivront jusqu'au 5 juin 1944, totalisant 1560 victimes. Bien qu'aucun soldat allemand ne soit présent en zone sud, le gouvernement français accepte, cas unique en Europe occupée, de livrer des Juifs qui y résident, qu'ils soient puisés dans les très durs camps d'internement de Gurs, Noé, Récébédou, Les Milles, ou bien qu'ils soient victimes de la grande rafle du 26 août 1942 perpétré à Lyon, Toulouse et autres grandes villes méridionales (5885 Juifs étrangers arrêtés et déportés). Entre le 6 août et le 15 septembre, 3456 internés des camps et 913 travailleurs extraits de 18 GTE (groupements de travailleurs étrangers) sont également déportés à Drancy puis Auschwitz[58] . À partir du 15 août, le SD commence à rafler les Juifs d'Anvers avec la collaboration active des autorités communales. À Bruxelles, où le bourgmestre Jules Coest a refusé d'aider l'occupant, les rafles de septembre donnent des résultats nettement moins satisfaisants. Les deux tiers des Juifs d'Anvers sont déportés, contre un tiers de ceux de Bruxelles[59] . Du 13 au 20 août, de très nombreux Juifs croates sont déportés à Auschwitz par les collaborateurs oustachis[60] . Particulièrement nombreuses donc en 1942, les rafles de Juifs continuent à intervalles réguliers dans pratiquement tous les pays d'Europe, jusqu'à la fin de l'occupation allemande ou de la guerre. En règle générale, les Juifs travaillant pour des entreprises allemandes (notamment dans l'armement) sont déportés en dernier, ainsi que les privilégiés des Conseils juifs. En 1943-1944, les revers militaires et le besoin de main-d'œuvre obligeront les nazis à mettre à part un certain nombre de « Juifs de travail » (Arbeitsjuden) dans des camps de travail assez durs, mais où leur mort n'est pas recherchée et leur déportation au moins retardée. Les fusillades et les camions à gaz avaient permis dès 1941-1942 de déclarer les pays baltes et l'Ukraine judenrein (« nettoyés de juifs »). La cadence des rafles et des déportations est telle que dès 1943 les nazis peuvent déclarer judenrein Berlin le 19 juin, Salonique le 20 août, ou Amsterdam en septembre.

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L'action Reinhardt : la liquidation par gazage des Juifs de Pologne (1942-1943) Après celui de Belzec, le camp d'extermination de Sobibor est ouvert le 1er mars 1942, celui de Treblinka le 1er juillet, celui de Maidanek près de Lublin à l'automne. Ils sont essentiellement destinés au gazage massif des Juifs de Pologne - même si en raison d'une épidémie de typhus à Auschwitz, 34 convois de Juifs hollandais ont été détournés sur Sobibor en 1943, et donc intégralement anéantis, de même que quatre convois de Juifs de France. Ces camps ne servent qu'à tuer, seuls quelques centaines de déportés sur des centaines de milliers étaient « épargnés » pour aider en tant qu'esclaves au fonctionnement élémentaire du camp. Les victimes sont tuées au monoxyde de carbone (au zyklon B à Maidanek) dans les chambres à gaz où elles sont conduites dès leur descente de train. Treblinka est surtout destiné aux Juifs de Varsovie, Maidanek à ceux de Lublin, Belzec et Sobibor assumant le massacre industriel des Juifs d'autres régions polonaises. Le but est de liquider une à une les populations des différents ghettos. Le 19 juillet 1942, Himmler a ordonné la liquidation sous un an de tous les Juifs du gouvernement général de Pologne. C'est le début de l’« action Reinhardt » - qui aurait reçu ce nom en hommage à Reinhard Heydrich, abattu par la résistance tchèque fin mai 1942. Elle va faire deux millions de victimes et signifier la mort de plus de 90 % de la communauté juive de Pologne, jusque-là la première du monde. De ce fait, l'année 1942 est de loin l'année la plus meurtrière dans les centres d'extermination (hors Auschwitz). Au 31 décembre 1942, 1449000 êtres humains ont trouvé la mort dans les camps à monoxyde de carbone. À leur démantèlement en 1943-1944, 1750000 personnes y auront en tout trouvé la mort[61] .

Liquidation du ghetto de Cracovie par les Allemands, 13 mars 1943.

La centralité du camp d'Auschwitz-Birkenau (1942-1944) À Auschwitz-Birkenau, l'emploi de zyklon B (qui tue 36 fois plus rapidement que le monoxyde de carbone) est testé sur des prisonniers soviétiques dès le 3 septembre 1941. Début 1942, le commandant du camp, Rudolf Höß, reçoit verbalement l'ordre de Himmler de faire du camp, idéalement situé à un nœud ferroviaire, le principal centre de l'extermination des Juifs déportés de toute l'Europe. Plusieurs Krematorium y sont construits, associant les chambres à gaz à des fours crématoires de grande capacité destinés à faire disparaître les corps. Le premier train de victimes françaises part ainsi pour Auschwitz le 28 mars 1942, le premier transport de Juifs de Salonique le 20 mars 1943, le premier de Rome le 16 octobre 1943, cinq semaines après l'occupation de l'Italie, et le premier convoi de Hongrie le 15 mai 1944.

La tour de la Mort à l'entrée de Birkenau.

Avec le démantèlement des autres camps d'extermination fin 1943, Auschwitz devient le principal lieu d'accomplissement du génocide. Sur plus de un million de personnes qui y sont assassinées, 90 % sont juives, de tous les pays.

Même si seul un sixième des victimes de la Shoah y a trouvé la mort, c'est donc à bon droit qu’« Auschwitz » en est venu à désigner par métonymie l'ensemble du génocide. D'autant que ce camp de concentration et d'extermination, le plus vaste de tous, a laissé des vestiges importants et un certain nombre de survivants, au contraire des principaux camps d'extermination, démantelés et rasés, qui ne comptent aucun survivant hors quelques évadés et miraculés (deux rescapés contre plus de 150000 gazés à Chelmno, quatre contre 650000 morts à Belzec).


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À partir de juillet 1942, une « sélection » a lieu à l'arrivée de chaque nouveau convoi de déportés. Sur un geste de la main des SS préposés au tri, les déportés valides sont réservés au travail forcé. Ceux jugés inaptes au travail sont immédiatement conduits à la chambre à gaz : bébés, enfants, vieillards, infirmes, femmes enceintes, personnes trop âgées, ou simplement celles qui portent des lunettes ou avouent exercer une profession intellectuelle voire un métier non manuel. Dans ses mémoires, Rudolf Höss estime qu'au moins les trois quarts des déportés périssaient dès l'arrivée, dans la chambre à gaz, dont la majorité des femmes, et la totalité des enfants, vieillards et handicapés. À l'en croire, plus de gens étaient sélectionnés pour le gazage pendant l'hiver, où le camp de concentration avait besoin de moins de main-d'œuvre[62] .

La déportation-extermination planifiée de tous les Juifs d'Europe à Auschwitz-Birkenau. Musée du camp.

Franciszek Piper, historien du camp d'Auschwitz, estime que 65 % des déportés (soit 97000 sur 150000 Juifs occidentaux) ont été gazés à l’arrivée. Il confirme la différenciation sexuelle de la mise à mort : 77,5 % des femmes et filles belges ont été gazées dès l'arrivée, mais 51 % des hommes, soit 49 % d’hommes mis à part et recensés par le service du travail (Arbeitstatistik) d’Auschwitz[63] .

Selon Georges Wellers, sur 61098 Juifs déportés de France entre les 29 juillet 1942 et 11 août 1944, 78,5 % ont été gazés à l’arrivée. Pour l'historienne Danuta Czech, 76,6 % des Juifs grecs ont dû l’être aussi. Quant aux Juifs de Hollande, entre le 17 juillet 1942 et le 5 septembre 1944, 57 convois de Westerbork ont apporté 51130 victimes, dont 18408 ont été désignées aptes au travail, les 64 % autres gazées immédiatement[64] . De façon perverse, les déportés sélectionnés sont conduits aux chambres à gaz sur des paroles rassurantes, et sont persuadés de se déshabiller et d'entrer dans la pièce pour y prendre une douche – mais à la moindre tentative de résistance ou au moindre doute, c'est avec la dernière brutalité qu'ils sont forcés d'y entrer et de s'y entasser. Les victimes meurent en quelques minutes après la fermeture des portes et la diffusion du gaz mortel. Celles qui se trouvent le plus près de l'endroit par où sort le gaz périssent les premières. Beaucoup sont gravement blessées ou meurent piétinées dans les bousculades vaines au cours desquelles les victimes cherchent généralement à forcer les portes ou se disputent les coins où il reste encore un peu d'air[65] . Le Sonderkommando, composé de détenus en majorité juifs et périodiquement liquidés, est chargé d'incinérer les cadavres après avoir récupéré les cheveux et les dents en or. La réduction des victimes en cendres aussitôt dispersées traduit le souci des nazis de dissimuler les preuves de leur crime et symbolise leur volonté d'effacer jusqu'à la dernière trace l'existence des Juifs sur la terre. Des centaines de trains conduisent dans le Reich les biens volés aux assassinés, après stockage à la section dite « Canada » du camp. Les cheveux des victimes sont utilisés pour faire des vêtements. En revanche, la confection de savon à partir de la graisse humaine des incinérés relève de la légende.

Alliances volées aux Juifs tués.


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La destruction des Juifs de Hongrie (1944) L'industrie de la mort atteint son apogée à Auschwitz avec la liquidation en août 1944 des 67000 dernières victimes du ghetto de Lodz, le dernier subsistant encore en Pologne, et surtout avec la déportation en 56 jours de plus de 435000 Juifs hongrois par Adolf Eichmann, du 15 mai au 8 juillet 1944. Plus du tiers des victimes juives d'Auschwitz sont hongroises.

Sélection de Juifs hongrois par les SS à leur arrivée sur la nouvelle rampe de Birkenau, 1944.

La Hongrie connaissait un fort antisémitisme depuis la fin du XIXe siècle, aggravé par la participation de nombreux Juifs à l'éphémère « République des conseils » fondée en 1919 par Béla Kun. En septembre 1919, 3000 Israélites avaient trouvé la mort dans les pogroms de la terreur blanche, et dès 1920, Miklós Horthy, régent du Royaume de Hongrie, édictait la plus précoce législation antisémite d'Europe, radicalisée en 1938-1939 puis en 1941. Depuis 1939, la définition légale du Juif était même raciale, les 100000 Juifs de confession catholique étant donc également victimes des discriminations.

A l'été 1941, Budapest fait déporter 18000 Juifs de Hongrie "apatrides" en Ukraine, sur les arrières du front russe. Les 27 et 28 août, plus de 10000 d'entre eux sont exterminés par l'Einsatzgruppen C à Kamianets-Podilskyï, premier massacre de Juifs à atteindre les cinq chiffres, et étape-clé dans le passage à l'extermination à grande échelle. Seuls 2000 à 3000 de ces premiers déportés hongrois survivent à l'été. À la suite de cet épisode, le gouvernement suspend les expulsions en zone allemande. Mais l'armée hongroise exécute de son côté un millier de Juifs dans les territoires annexés à la Serbie, et surtout, elle impose aux Juifs de Hongrie un "Service du Travail" aux armées particulièrement meurtrier: les victimes de ce service ne sont pas officiellement des déportés, et elles conservent par exemple leurs biens et leurs domiciles en leur absence, mais de fait, plus de 42000 personnes emmenées ainsi travailler en Ukraine occupée y décèdent dès avant le tournant de mars 1944[66] .. Certes, à plusieurs reprises, le régent Horthy se refuse à éliminer totalement les Juifs de la vie du pays, pas plus qu'il n'accepte les demandes répétées de Hitler de les déporter ou de leur faire porter l'étoile jaune. La Hongrie fait de ce fait figure d'asile relatif dans l'Europe de la Shoah, certains Juifs venant même y trouver refuge depuis des pays voisins. Bien que 63000 Juifs hongrois et apatrides aient perdu la vie dès avant mars 1944, tout ne change vraiment de façon brutale et radicale qu'avec l'irruption des troupes allemandes, appuyées par les collaborationnistes fascistes, les Croix fléchées. Le 19 mars 1944, en effet, les nazis envahissent leur allié hongrois, qui songe à virer de bord à l'approche de l'Armée rouge. Le nouveau premier ministre, Döme Sztójay, collabore pleinement avec les Allemands. Le processus de concentration et de déportation des Juifs s'y répète sur le même schéma qu'ailleurs depuis 1939 mais de manière particulièrement accélérée : étoile jaune obligatoire, constitution de conseils juifs, enfermement en ghettos, puis déportations. Celles-ci ne concernent que les Juifs des provinces et de la banlieue de Budapest, ceux de la capitale restant pour le moment épargnés. Sur ces 435000 Juifs provinciaux rapidement déportés du 15 mai au 8 juillet 1944, avec l'aide des forces de l'ordre hongroises, seuls 10 % ont été mis au travail forcé, les autres étant exterminés à l'arrivée à Birkenau[67] . Pour accélérer la cadence de mise à mort, une nouvelle rampe d'accès est même construite, qui emmène directement les trains jusqu'à l'intérieur du camp, derrière la "Tour de la Mort", à proximité immédiate des chambres à gaz. Cette rampe deviendra l'un des symboles les plus connus d'Auschwitz et du génocide. Les crématoires n'absorbant plus les cadavres à un rythme suffisant, des milliers sont incinérés à l'air libre sur d'énormes bûchers. À cette période, Auschwitz reçoit jusqu'à quatre trains quotidiens, et ses gazages tuent jusqu'à 10000 personnes par jour.


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L'amiral Horthy, qui avait autorisé les transports dans un premier temps, retire son autorisation le 9 juillet, alors que des informations sur l'extermination parviennent en Hongrie et que le Vatican ou les États-Unis multiplient les pressions. Sztójay est limogé par Horthy en août. Les déportations sont suspendues jusqu'au 15 octobre, alors que 150000 Juifs demeurent encore domiciliés ou réfugiés à Budapest, où ils survivent tant bien que mal dans le ghetto, spoliés de tout. Entre mars et octobre 1944, par ailleurs, 150000 Juifs sont encore envoyés au "Service du Travail" sous l'égide de l'armée hongroise, dont seulement 20000 reviendront[68] .. Le 15 octobre, Horthy est arrêté par les nazis et remplacé par les collaborationnistes des Croix fléchées, qui instaurent un gouvernement fasciste hongrois. Sous la conduite de leur chef, le nouveau Premier Ministre Ferenc Szálasi, les Croix fléchées relancent la persécution, et multiplient, sur place, les massacres désordonnés de Juifs et les marches de la mort. Un certain nombre de Juifs restés à Budapest sont sauvés par des protections diplomatiques, en particulier grâce à l'action de Raoul Wallenberg. En 1941, 825000 Juifs vivaient sur le territoire hongrois, dont 100000 convertis ou chrétiens d'ascendance juive. 63000 ont perdu la vie dès avant le 19 mars 1944. Après cette date, 618000 ont été victimes de la déportation à Auschwitz, des marches de la mort ou de l'envoi au Service du Travail aux armées : 501500 y ont perdu la vie. 116500 Juifs de Hongrie sont revenus de déportation, 20000 du Service du Travail, et 119000 autres restés à Budapest ont survécu[69] . Au total, si 225000 Juifs de Hongrie ont survécu (soit 31 %), une proportion très forte à l'échelle de l'Europe centrale et orientale, leur communauté a perdu 569507 membres dont 564507 assassinés et 5000 autres exilés.

L'extermination par le travail forcé Les camps de concentration nazis ont été un enfer rarement égalé dans l'histoire humaine. Par un processus systématique et pervers de déshumanisation de leurs victimes, les SS et les kapo visaient à détruire leur personnalité et leur vie en un temps très bref, au moyen de la sous-alimentation, des coups, de l'absence d'hygiène et du travail forcé. Les traitements inhumains ne laissaient aux déportés qu'un laps très court à vivre : en 1942, un déporté d'Auschwitz a trois mois en moyenne d'espérance de survie. Sur quatre trains de plus de 1000 Juifs tchèques chacun arrivés du 17 au 25 avril, et qui n'ont pas connu de sélection pour les gaz à l'arrivée, on ne compte pourtant au 15 août que 182 survivants.

« Le travail rend libre » : la devise cynique du portail du camp d'Auschwitz I.

Raul Hilberg note que l'extermination par le travail, avec ses sommets de cruauté, n'a cependant constitué qu'une part réduite de la Shoah. Même à Auschwitz, sur 200000 internés juifs, il n’a été enregistré « que » 90000 décès. L’extermination par le travail forcé a donc dix fois moins tué que le gazage de 865000 personnes dans le même camp[70] .


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Séparés de leurs familles (souvent seuls survivants ou presque si les autres membres ont été déjà tués par gazage), les déportés juifs qui ont échappé à la première sélection à l'arrivée sont spoliés de tous leurs biens et de tout souvenir personnel, intégralement tondus, privés de leur nom et affublés d'un uniforme rayé et d'un matricule par lequel ils seront seul appelés. Ils sont exploités dans des usines de guerre au profit de la SS qui les « loue » aux entrepreneurs à des prix dérisoires : c'est ainsi que le géant chimique IG Farben par exemple se compromet gravement dans l'exploitation des déportés d'Auschwitz. Ils peuvent aussi être employés à des travaux absurdement inutiles (creuser des trous rebouchés chaque soir, porter et rapporter des pierres d'un endroit à l'autre…). Ils sont exposés à la sous-alimentation systématique et aux traitements sauvages de kapos souvent recrutés parmi les criminels de droit commun. Esclaves du Reich à Buchenwald.

Ceux qui faiblissent deviennent des « musulmans[71] » rejetés par leurs codétenus et exposés à la liquidation par les médecins SS au Revier (infirmerie) du camp ou à la sélection pour la chambre à gaz. Les rares survivants (en général ceux qui ont été déportés dans les derniers, à un moment où le Reich en péril prolonge un peu plus la vie de sa main-d'œuvre servile) doivent pour s'en sortir s'endurcir moralement, passer inaperçus, avoir beaucoup de chance, travailler dans des kommandos moins pénibles et moins périlleux.

Les marches de la mort (1945) Les derniers gazages ont lieu fin novembre 1944 à Auschwitz, alors que les nazis aux abois commencent à détruire les installations et les preuves du génocide. L'extermination ne s'arrête pas pour autant. Ainsi à partir du 8 novembre 1944, Adolf Eichmann soumet des dizaines de milliers de Juifs hongrois à une « marche de la mort » éprouvante de Budapest à la frontière du Reich. Le 20 janvier 1945, un peu moins de 60000 survivants d'Auschwitz sont évacués à pied vers l'Allemagne à l'approche des Soviétiques. L'évacuation est généralement dépeinte par les survivants comme l'un de leurs pires souvenirs de déportation : sans vêtements ni chaussures appropriés dans l'hiver très rigoureux, épuisés et sous-alimentés, ils doivent marcher jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres par jour. Ceux qui ne peuvent plus suivre sont abattus immédiatement par l'escorte SS. D'autres détenus sont aussi entassés dans des trains qui les transfèrent d'un camp à un autre au prix d'une mortalité considérable. À Ravensbrück, Dachau ou Bergen-Belsen, où échouent nombre d'anciens détenus d'Auschwitz à bout de force, l'épidémie de typhus provoque une hécatombe. La maladie emporte notamment Anne Frank le 12 mars 1945 à Bergen-Belsen. En avril, à l'approche des Alliés, de nouvelles marches de la mort et de nouveaux trains meurtriers évacuent les déportés.

Survivants du génocide découverts par l'Armée rouge à Auschwitz, 27 janvier 1945.

En tout, de janvier à mai 1945, « autour de 250000 Juifs moururent d'épuisement ou de froid au cours de ces marches, quand ils ne furent pas abattus sur place ou brûlés vifs[72] ». Ce sont des survivants hagards et traumatisés, ainsi que des monceaux de cadavres squelettiques, que découvrent généralement des soldats alliés incrédules. 40 % des Juifs libérés seraient morts dans les semaines suivantes : « leur


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état sortait du domaine de compétence de la médecine occidentale[73] ». Avec les tonnes de biens volés aux Juifs assassinés, les fours crématoires ou les vestiges des chambres à gaz, le monde se retrouve en 1945 devant les preuves d'un crime de masse qui devait conduire au procès de Nuremberg à la naissance du concept de crime contre l'humanité.

Trois cas particuliers La Serbie Soumise à l'autorité militaire allemande, la Serbie connaît la Shoah selon des modalités particulières. Les différents responsables allemands (SS, Wehrmacht) de ce territoire mettent un zèle tout particulier à éliminer physiquement les Juifs — et les Tziganes — présents sur le territoire qu'ils administrent. La définition et la concentration des Juifs s'effectuent en quelques mois. Le général Franz Böhme fait exécuter par fusillade l'ensemble des Juifs et des Tziganes de sexe masculin, entre l'automne 1941 et le printemps 1942, reproduisant les ordres donnés aux Einsatzgruppen. Les femmes et les enfants sont raflés et internés dans des camps en novembre et décembre 1941. Ils sont tous assassinés par gazage au monoxyde de carbone entre janvier et mai 1942. En août 1942, le chef d’état-major administratif en Serbie écrit une note pour son nouveau supérieur, mentionnant en particulier ceci : « Serbie, seul pays où question juive et question tzigane résolues. » (« Serbien einziges Land in dem Judenfrage und Zigeunerfrage gelöst. ») Les seize mille Juifs de Serbie ont été anéantis jusqu’au dernier. Si la rapidité et la relative originalité de la destruction des Juifs de Serbie sont dues à l'initiative des officiers locaux, les dirigeants nazis n'ont en rien entravé leur action, bien au contraire : l'idée de fusiller des hommes juifs est suggérée en premier par Adolf Eichmann, et le camion de gazage est fourni par les autorités de Berlin[74] .

La Croatie Après l'invasion de la Yougoslavie par l'Allemagne, Hitler autorise la création de l'État indépendant de Croatie, satellite de l'Allemagne, dirigé par l'organisation fasciste des Oustachis. L'extermination des Juifs, des Serbes et des Tziganes est assurée principalement par les autorités croates, dans des camps de concentration tels que Jasenovac, et ce jusqu'en 1942. Les nazis obtiennent alors l'autorisation du gouvernement croate de déporter les survivants vers les camps d'extermination.

Victimes du camp de Jasenovac.


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La Roumanie Membre de l'Axe, la Roumanie du dictateur Antonescu est responsable de la mort d'environ 200000 Juifs, ce qui fait des collaborateurs roumains les plus importants participants de la Shoah après les nazis et devant les Oustachis croates. La Roumanie abritait avant-guerre la troisième communauté juive d'Europe, selon le recensement de décembre 1930. Une tradition antisémite y était solidement établie : la Roumanie fut le dernier pays à émanciper ses Juifs, en 1919. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement entreprend une politique antisémite, excluant les Juifs des chemins de fer, imposant des quotas dans la main-d'œuvre industrielle et révoquant une partie des fonctionnaires de confession israélite[75] . Le 8 août 1940, la persécution prend une dimension raciste : les Juifs convertis au christianisme sont considérés comme juifs au même titre que les personnes de religion juive. Toutefois, les Juifs qui possédaient la nationalité roumaine au 30 décembre 1918, leurs descendants, les Juifs qui avaient combattu pendant la Première Guerre mondiale (soit environ dix mille personnes) étaient exemptés de certaines discriminations[76] .

Le Pogrom de Iaşi - Juifs massacrés par l'armée roumaine à Iassy, 26 juin 1941.

En février 1941, les fascistes de la Garde de fer perpètrent un pogrom « Le Train du mort » Iaşi, 27 juin 1941 sanglant à Bucarest. 118 morts sont identifiés. Les cadavres sont atrocement mutilés[77] . Après l'invasion de l'URSS, l'armée roumaine, alliée de la Wehrmacht, participe activement au massacre massif des Juifs. Le 25 juin 1941, l'armée, le gendarmerie e la police roumaine assassine 7000 Juifs à Iassy. Les massacres d'Odessa Six jours après l'entrée des troupes roumaines à Odessa, un attentat tue le général Glogojanu, commandant d'Odessa et 40 autres militaires[78] . Le soir même, le gouvernement roumain ordonne des représailles implacables. Aussitôt, le nouveau commandant d'Odessa, le général Trestioreanu annonce qu'il va prendre des mesures pour pendre les Juifs et les communistes sur les places publiques. Durant la nuit 5000 personnes sont exécutées. Le 23 octobre, 19000 Juifs sont exécutés et leurs cadavres arrosés d'essence et brûlés[79] . Des milliers d'autres sont emprisonnés comme otages. Le 24 octobre, les Juifs emprisonnés sont transportés en dehors de la ville et fusillés devant des fossés anti-chars par groupes de 40 ou 50. L'opération se révélant trop lente, les 5000 Juifs restants sont enfermés dans trois entrepôts, mitraillés puis les entrepôts sont incendiés. 40000 Juifs sont ainsi tués ce jour-là[80] . Le 24 au soir, le maréchal Antonescu demande que les otages qui ne sont pas encore morts connaissent les mêmes souffrances que les Roumains morts dans l'explosion. Les victimes sont amenées dans un entrepôt, fusillées. L'entrepôt est dynamité le 25 octobre, jour de l'enterrement des Roumains victimes de l'attentat du 22 octobre[81] . Le premier novembre, la ville ne compte plus que 33885 Juifs, essentiellement des femmes et des enfants qui vivent terrorisés dans le ghetto[82] . Les Juifs d'Odessa et de sa région sont ensuite déportés vers la Roumanie à Bogdanovca, Domanevka et Acmecetca. Ils sont logés dans des conditions déplorables, entassés dans des ruines, des étables ou des porcheries. Ils souffrent de nombreuses maladies avant d'être massacrés à partir du mois de décembre[83] .


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La Transnistrie, une région pour l'extermination Cas particulier dans l'Europe du génocide, c'est un territoire entier, la Transnistrie, qui est transformé en territoire d’extermination. 217757 Juifs y meurent, dont 130000 de nationalité soviétique et 87757 Roumains. 139957 des victimes ont été tuées par des Roumains[84] . En revanche, les Juifs vivant dans les frontières de 1940 n'ont été ni fusillés ni déportés. Le gouvernement roumain pense initialement les déporter, mais y renonce ensuite brusquement[85] , sans doute pour ne pas apparaître comme un pur satellite du IIIe Reich.

Déportation des Juifs par l'armée roumaine, Transnistrie, 1941

Le comportement des Juifs pendant la Shoah Raul Hilberg et Hannah Arendt en particulier ont voulu éclairer la responsabilité des victimes elles-mêmes, qui souvent, par leur attitude passive et soumise, ont facilité la tâche des bourreaux[53] . Ainsi, la mise à mort de 1.5 million de Juifs soviétiques n'a pas coûté ne serait-ce qu'un seul blessé aux bourreaux, de même que par exemple, 300000 Juifs du ghetto de Varsovie ont été déportés sans heurts et sans résistance à Treblinka à l'été 1942. La question de la « collaboration » de certains Juifs à la déportation de leur propre peuple a également suscité dès l'époque de dures divisions au sein même des victimes, et des controverses douloureuses après la guerre.

Vivre et mourir au temps de la Catastrophe Les Juifs pensent avant tout à survivre et notamment à se nourrir. Ils connaissent en permanence la peur et la terreur. Chassés de leurs emplois voire de leurs domiciles, privés de tous leurs droits et de leurs moyens de subsistance par l'aryanisation et les lois antisémites, ils sont exclus de toute vie normale par un arsenal sans cesse plus complet d'interdits les plus mesquins. Ils ne peuvent par exemple emprunter certaines rues ni sortir de leur ghetto quand il en existe un, ils ne peuvent pénétrer dans certains magasins ni faire jouer leurs enfants dans les jardins publics, ils ne peuvent faire les courses qu'à certaines heures défavorables, ils sont astreints à des travaux forcés humiliants (balayer les rues, faire des terrassements, etc.), ils ne peuvent posséder de radio ni de bicyclette, ils doivent monter à l'arrière des tramways et des métros (quand ils peuvent encore les emprunter), parfois ils ne sont même pas autorisés à s'asseoir sur les bancs publics ou à utiliser les cabines téléphoniques. Lorsqu'ils se cachent, c'est dans des conditions plus ou moins difficiles, plus ou moins précaires. Certains survivent jusqu'à des années dans des caves, des pièces cachées ou des greniers étroits, ou encore dans des forêts. Visitée aujourd'hui par des millions de personnes, « l'Annexe » où 8 personnes dont Anne Frank vécurent cachés deux ans est en fait relativement confortable par comparaison avec le lot commun de la plupart des Juifs camouflés. Dans des conditions tragiques, les ghettos ont lutté pour maintenir jusqu'au bout une vie culturelle, musicale et artistique riche et remarquable.

Reconstitution de la cachette d'Anne Frank à Amsterdam.

Conscients que leur communauté était vouée à l'anéantissement total et que nul ne pourrait témoigner un jour de leur sort, des archivistes comme Emanuel Ringelblum à Varsovie ont partout tenu chronique de la vie des ghettos, et enterré régulièrement des documents et des objets relatifs au quotidien des futurs assassinés. De nombreux Juifs d'Europe occupée tenaient des journaux au cœur de la


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persécution, telles à Amsterdam la jeune Anne Frank, ou encore Etty Hillesum, connue pour la haute spiritualité qu'elle développa dans l'épreuve. Le Centre de documentation juive contemporaine et le Conseil représentatif des institutions juives de France ont été fondés en 1943 en pleine clandestinité. Sous le Régime de Vichy notamment, le légalisme, l’obéissance traditionnelle à l’autorité et le désir de se montrer bons citoyens ont poussé beaucoup de Juifs à se soumettre aux lois discriminatrices, et à se laisser recenser. Bien d’autres, par fierté, ont refusé de cacher leur judéité, acceptant de se déclarer juifs ou de porter sans rougir l’étoile jaune, et refusant de fuir devant l'ennemi. Beaucoup de futurs déportés croyaient impossible une trahison de leur propre gouvernement, espérant vainement jusqu’au bout qu’ils seraient protégés des Allemands par le prestigieux et charismatique maréchal Pétain. Le patriotisme voire le nationalisme de nombreux Juifs allemands n'a pas moins freiné l'émigration hors du Reich avant-guerre. Malgré les informations et les rumeurs contradictoires qui circulent régulièrement sur les massacres, l'incertitude est complète sur leur destin final, difficilement imaginable ou difficilement crédible, et alors que se mentir à soi-même est parfois tout simplement nécessaire à la survie psychique. Il n'est pas rare que l'on refuse de croire aux fusillades de masses ou aux gazages même en Pologne alors qu'ils se tiennent à quelques dizaines de kilomètres de là. Même l'arrivée à Auschwitz ne suffit pas toujours à en déciller certains. Les nazis savent en outre duper leurs victimes jusqu'aux derniers instants. À l'arrivée à Treblinka, l'illusion d'une gare normale est entretenue aussi par la présence d'un faux guichet, d'une pancarte « destination Byalistock » et d'une fausse horloge dont les aiguilles sont peintes. À Auschwitz, certaines chambres à gaz ont été ornées un temps de faux pommeaux de douche. Beaucoup de Juifs périssent aussi parce qu'ils refusent en connaissance de cause de se séparer de leurs familles, ou parce qu'ils veulent partager le sort de leurs amis, de leur communauté, de leur peuple. Ainsi, malgré l'avertissement que constitue le massacre de 14000 Juifs à Riga le 30 novembre 1941, le grand historien Simon Dubnow refuse de se cacher, et fait partie des 27000 autres Juifs de la ville assassinés le 8 décembre 1941. À Varsovie, le Dr Janusz Korczak, que sa renommée mondiale mettait à l'abri, part volontairement avec les enfants de son orphelinat et meurt avec eux dans les chambres à gaz de Treblinka (5 août 1942). Le chantage n'était pas non plus absent des refus de chercher à s'échapper. Les lettres écrites par Etty Hillesum depuis Westerbork, l'antichambre néerlandaise d'Auschwitz, décrivent comment les candidats à l'évasion étaient découragés par les chefs juifs du camp qui les accusaient de mettre égoïstement en danger la vie d'autres qui seraient déportés à leur place.

Dernière lettre d'une Italienne juive, jetée du train pour Auschwitz.


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Lors de la « Shoah par balles » Étudiant le comportement des Juifs lors de l'invasion allemande de l'URSS en 1941, Raul Hilberg note que les Juifs ne sont pas préparés à se battre contre les Allemands, ni même à fuir. Les autorités soviétiques ont évacué toutes les personnes des zones menacées nécessaires à l'économie du pays. Beaucoup de Juifs figurent parmi elles, ou parmi les mobilisés de l'Armée rouge. Par contre, les moins formés, les plus fragiles, les vieillards, les femmes, les enfants, doivent se débrouiller par eux-mêmes[87] . Or ces Juifs n'ont pas été informés de ce qui se passait pour les Juifs dans l'Europe occupée. Ils ne savent donc pas quels dangers les menacent[88] . Les Einsatzgruppen ont tôt fait de repérer les faiblesses de leurs proies. Ils ne se gênent pas pour utiliser les Juifs afin de mener à bien leurs traques. À Vinnitsa, le chef de l'Einsatzgruppe utilise le rabbin de la communauté. Il lui demande de réunir les Juifs de la ville à des fins d'enregistrement. Après la réunion de tous les Juifs, il les fait fusiller[89] . Ailleurs des affiches sont collées pour rassembler les Juifs à des fins de « réinstallation ». Beaucoup de Juifs qui s'étaient enfuis dans les campagnes avant l'arrivée des nazis, sont obligés de revenir chez eux parce qu'ils ne trouvent aucune aide et aucun refuge. Là, ils sont pris et tués[90] .

Konrads Kalejs, l'un des officiers du sonderkommando Arājs, mort en 2001 sans avoir été en prison. En janvier 1942, il ne restait plus que 4 000 des 70 000 Juifs résidant en Lettonie, le kommando de Viktor Arājs étant responsable [86] de la moitié de ces morts .

Raul Hilberg souligne aussi que dans les actions de l’Einsatzgruppe, il y a en général, entre 10 et 50 victimes pour un tueur. Mais ces tueurs sont bien armés et décidés. Les Juifs ne peuvent pas exploiter leur supériorité numérique[91] . Les Juifs désorientés, sont habitués à obéir. Les exécutions menées par les Einsaztgruppen ne coûtent pas une seule vie aux Allemands[36] .

Le rôle controversé des Conseils juifs Dès l'époque, puis surtout dans les années 1960-1970, de dures controverses ont entouré le rôle des Conseils juifs (Jüdenrate) installés sur une idée d'Eichmann à la tête de tous les ghettos d'Europe, ainsi que celui des forces de polices juives agissant sur leurs ordres. Les associations obligatoires créées sur ordre des nazis pour organiser les communautés des pays occupés (l'Union générale des israélites de France, l'Association des Juifs de Belgique) ont pareillement été accusées d'avoir servi de relais aux nazis. Il a existé en Europe environ un millier de Jüdenrate, dont quelques 10000 personnes ont été membres[92] . D'une collaboration d'abord purement technique et administrative, beaucoup de conseils sont passés à une collaboration à la déportation en elle-même, par illusion qu'une politique de concessions permettrait de sauver « l'essentiel » en sacrifiant une partie des leurs, mais aussi, à terme, pour sauvegarder leurs positions de pouvoir et leurs privilèges, ou tout simplement pour sauver leur propre vie et celle de leurs protégés en démontrant leur bonne volonté et leur efficacité. Héritage de siècles de persécutions, beaucoup de Juifs avaient plus l’habitude de négocier et de plier l'échine silencieusement que de se battre. En Russie et en Pologne, les pogroms du passé leur avaient démontré leur isolement dans une société très antisémite, et ces violences ne tournaient au meurtre que s'il y avait tentative de résistance. Le passé avait aussi habitué les notables juifs à chercher à sauver « l'essentiel » tout en attendant la fin de l'orage, les plus cruelles persécutions ayant toujours eu une fin. Il n'était guère facile de soupçonner voire de penser qu'ils étaient cette fois face à un ennemi résolu à les détruire jusqu'au dernier.


Shoah Assez représentatif de ces illusions est le discours tenu à Vilna par le responsable juif Jacob Gens : « Quand ils me demandent mille juifs, je les donne. Car si nous, les Juifs, nous ne donnons pas de notre propre gré, les Allemands viendront et prendront ce qu’ils veulent par la force. Alors, ils ne prendront pas mille personnes, mais des milliers et des milliers. En en livrant des centaines, j’en sauve un millier. En en livrant un millier, j’en sauve dix mille[93] . » En URSS, les représentants les plus courageux des communautés ont été liquidés avant même l'arrivée des Allemands, qui achèvent de purger l'élite juive de ses représentants les moins dociles. Celle qui reste « tend à être soumise, craintive et délatrice » (Paul Johnston)[94] , d'autant que les responsables recevaient des privilèges alimentaires et matériels, et elle coopère dès lors aux recensements, aux spoliations, aux déportations. À Lodz en Pologne, le très controversé Chaim Rumkovski se comporte en véritable dictateur des quelques 200000 Juifs entassés dans le ghetto, allant jusqu'à faire imprimer un timbre à son effigie. Il choisit d'emblée de mettre le ghetto au service de l'effort de guerre allemand, fournissant la main-d'œuvre de 117 petites usines de textile fabriquant des uniformes pour la Wehrmacht. Sa police participe aux arrestations et aux déportations, des Juifs allant arrêter ainsi leurs propres coreligionnaires, parfois sans ménagement, et traquant ceux qui se Les polices allemande et juive gardent ensemble l'une des entrées du ghetto de Łódź. cachaient ou se montraient réfractaires au départ. Vidé progressivement par les déportations, le ghetto de Lodz survit toutefois jusqu'à aussi tard qu'août 1944. Rumkovski et sa famille furent déportés dans le dernier convoi, et l’homme fut peut-être tué par les déportés eux-mêmes pendant le trajet[95] . De même, le conseil juif d'Amsterdam fut déporté en dernier une fois la ville « nettoyée » de tous ses Juifs. Tous les conseils juifs n'ont pas accepté de se compromettre. Le 30 septembre 1942, le Jüdenrat de Ternopil refuse ainsi de participer à l'organisation des transports vers les camps. À Minsk et à Białystok, les conseils sont même très proches de la Résistance juive et agissent en symbiose avec elle[96] . Symbole de l'impasse tragique où se sont retrouvés beaucoup d'entre eux, le doyen du ghetto de Varsovie, Adam Czerniaków, se donne la mort en juillet 1942 pour ne pas devoir collaborer à la déportation d'enfants et de vieillards. Son geste n'empêchera pas les nazis de vider le ghetto de 300000 de ses habitants dans les semaines suivantes.

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Juifs dans la Résistance, résistances juives et révoltes armées Tous les Juifs n'ont pas passivement accepté leur destin. Un certain nombre se sont suicidés, parfois par familles entières, plutôt que de se laisser déporter. Des Juifs ont refusé d'embarquer lors de transports, ainsi à Przemyśl, à Białystok, etc. En général, ils l'ont payé aussitôt de leur vie[97] . Au rebours des légendes antisémites sur la « lâcheté juive », les israélites sont surreprésentés dans les mouvements de la Résistance intérieure et extérieure, et ce à travers toute l'Europe occupée. Ainsi, les Juifs de France comptent pour 5 % des compagnons de la Libération, alors qu'ils sont moins de 1 % de la population. Des milliers ont laissé la vie dans les Résistances de chaque pays. Toutefois, surtout en Occident, beaucoup de ces résistants juifs sont des « assimilés » qui ne se considèrent pas ou plus comme juifs, et qui ne résistent pas en tant que Juifs. De ce fait, ils se refusent fréquemment à porter une attention particulière au sort des Juifs, de crainte d'être accusés de privilégier un groupe de victimes par rapport aux autres, et de ne se soucier que de leurs coreligionnaires. Généralement, ils ont cru qu'il fallait avant tout se préoccuper de gagner la guerre, et que la victoire arrêterait la persécution et ferait revenir les déportés. Ils n'ont pas eu conscience de l'anéantissement spécifique - et difficilement imaginable - qui attendait leur propre peuple.

Combattantes du ghetto de Varsovie insurgé.

Une Résistance spécifiquement juive a aussi existé, mais elle n'a pas nécessairement non plus fait pour autant de la lutte contre la déportation une priorité. Ainsi les bataillons juifs de la MOI en France, liés au PCF, se sont-ils avant tout investis dans le sabotage ou les attentats contre les forces d'occupation. La résistance armée juive notamment en Europe de l'Est se heurte à d'importants obstacles structurels. Dépourvus d'expérience des armes par des siècles de discrimination, la plupart des Juifs ignorent leur usage, ni ne peuvent souvent se résoudre à briser le tabou culturel et religieux de la violence. Le fatalisme d'inspiration religieuse a parfois pu jouer son rôle. Les éléments les plus susceptibles de se battre ont émigré en Palestine avant-guerre ou, en URSS, sont mobilisés dans l'Armée rouge. Les armes sont extrêmement difficiles à se procurer. On ne peut souvent escompter de l'aide de mouvements de résistance locaux, pas toujours exempts eux-mêmes de préjugés voire de violences antisémites. La terreur permanente fait que beaucoup préfèrent négocier ou plier l'échine que tenter une lutte isolée, sans espoir, radicalement inégale, qui précipiterait des représailles meurtrières. La grande majorité des Juifs cherche d'abord à survivre et à se nourrir. Enfin, les divisions politiques, sociales et religieuses traditionnellement vivaces au sein des communautés n'arrangent rien. En Europe de l'Est, dans les ghettos, la résistance finit cependant par s'organiser : c'est le cas en URSS à Riga, à Kaunas, et même à Vilnius. Dès décembre 1941, l'Organisation des combattants de Minsk rejoint les rangs des premiers partisans soviétiques. Un soulèvement armé est signalé dès le 20 juillet 1942 à Nesvizh en Biélorussie, et plusieurs autres ghettos se révoltent également cet été-là. En général, ces soulèvements s'accompagnent de fuites de masse, mais la plupart sont rattrapés et tués. À l'intérieur même du ghetto de Kaunas (Kovno), une véritable guérilla permanente sévit contre les Allemands. À Varsovie, les débats sont rudes entre ceux qui jugent toute résistance armée suicidaire, et ceux qui veulent témoigner au monde et à la postérité que les Juifs ne se sont pas laissés exterminer sans combat. Le 28 juillet 1942 est fondée l’Organisation juive de combat qui, fait exceptionnel, parvient à regrouper aussi bien les sionistes que les communistes et les bundistes, seuls les sionistes « révisionnistes » (de droite) faisant encore bande à part.


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Soldats nazis lors de la répression du soulèvement du ghetto de Varsovie (avril 1943).

Alors que sur plus de 500000 habitants initiaux du ghetto, il n'en reste que moins de 90000 au printemps 1943, un millier de combattants sous les ordres du jeune et charismatique Mordechaj Anielewicz déclenchent le 19 avril 1943 le soulèvement du ghetto de Varsovie. Sans illusions sur la fin qui les attend tous, ils entendent explicitement démontrer à la postérité qu'une résistance juive a existé. De fait, à la grande fureur de Hitler lui-même, le ghetto insurgé parvient à tenir au moins cinq semaines contre les SS du général Jürgen Stroop. Malgré ses moyens dérisoires, il n'est submergé qu'après une lutte acharnée, là où des États européens entiers avaient capitulé sans combat ou avaient combattu moins longtemps.

Des révoltes armées ont aussi eu lieu en 1943 dans les ghettos de Sosnowiec, Białystok, Czenstochow, Tarnów, Vilnius. Le Chant de Vilnius du poète yiddish et chef partisan Aba Kovner est resté l'hymne des résistants juifs de la Shoah. Les révoltes les plus improbables et les plus spectaculaires ont eu lieu au cœur même des camps d'extermination. Le 2 août 1943, les détenus de Treblinka se soulèvent et une partie parvient à s'enfuir. L'épisode accélère la décision de démanteler ce centre de mise à mort. L'événement se reproduit le 14 octobre 1943 à Sobibor, théâtre d'une révolte remarquablement bien préparée, synchronisée à travers tout le camp. À Auschwitz-Birkenau, le 7 octobre 1944, les détenus du Sonderkommando chargés d'incinérer les gazés parviennent à dynamiter le Krematorium no IV et abattent quelques gardiens avant d'être tous tués.

Le destin des survivants après 1945 Les Juifs rescapés n'ont pas seulement traversé des épreuves traumatisantes, qu'ils aient ou non subi la déportation. Ils ont généralement perdu leur famille, en totalité ou en partie. Souvent ils ont été dépossédés sans pouvoir toujours retrouver leurs biens. À l'Est ou en Hollande, c'est pratiquement toute leur communauté qui a été éradiquée : leur monde même n'existe plus, une culture et un univers ont disparu sans retour. Le « massacre des survivants » en Europe de l'Est En Europe de l'Est, la Shoah n'a pas fait disparaître l'antisémitisme, et les survivants sont souvent insultés à leur retour, voire maltraités ou assassinés s'ils tentent de reprendre les biens qui leur ont été volés en leur absence. Pas moins de 150 Juifs sont assassinés en Pologne libérée dans les quatre premiers mois de 1945, et 1200 avant avril 1946. Le pays voit même se produire de nouveaux pogroms. À Kielce le 4 juillet 1946, le mensonge d'un gamin fugueur accusant les Juifs de l'avoir enlevé à des fins de meurtre rituel provoque le massacre de 42 Israélites par la foule. Ces tragédies accélèrent l'émigration des survivants hors de Pologne, et souvent hors d'Europe. Ainsi, plus de 60000 Juifs polonais se réfugient en Allemagne occupée en 1946-1947. Un pogrom survient aussi en septembre 1945 à Velké Topolcany en Slovaquie, ou en mai 1946 à Kunmadaras en Hongrie[98] . Souvent très nombreux au sein des forces communistes, les Juifs sont facilement assimilés dans leur ensemble par les populations aux régimes qui se mettent en place sous l'égide du nouvel occupant soviétique. Dans les 18 mois qui suivent la fin de la guerre, on tue plus de Juifs en Pologne, en Hongrie et en Tchécoslovaquie que dans les 10 années qui ont précédé le conflit. « Ceux qui ont perdu plus que quiconque se voit blâmer pour la souffrance des autres »[99] . À partir de 1948, Staline cherche à exploiter le ressentiment antijuif populaire en déclenchant en URSS dans tout le bloc de l'Est une campagne antisémite. Dès 1946, il avait fait censurer le Livre noir écrit par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman sur les massacres nazis de Juifs en Union soviétique. La judéité des victimes de Babi Yar et autres


Shoah lieux de massacres est gommée, et le principal crime de Hitler sera dissimulé aux populations jusqu'à la fin du monde communiste. Émigration hors d'Europe Si les survivants d'Europe occidentale sont généralement rentrés chez eux et y sont restés, il n'en est pas de même pour ceux d'Europe de l'Est, dont pas grand monde ne veut, et qui se retrouve en plus en butte à la campagne antisémite qui se développe dans le bloc communiste à partir de 1948. Les « DP » (Displaced Persons) juifs sont d’abord traités comme les autres réfugiés et déplacés, sans égards particulier pour la tragédie qu'ils ont traversée. Ce qui veut dire qu'ils sont souvent mis dans les mêmes camps que leurs anciens persécuteurs ukrainiens, baltes, russes, etc., du moins jusqu'en août 1945, où le président américain Truman les fait mettre à part. Un certain nombre de survivants parviennent à émigrer aux États-Unis ou en Europe de l'Ouest. Cependant, si certains aident à combler le besoin de bras, ceux des Juifs orientaux qui ont fait des études ou exercent une profession non-manuelle ne sont pas les bienvenus. Quant aux Britanniques, ils continuent à fermer la Palestine à l'émigration juive, interceptant les clandestins pour les interner à Chypre et à Rhodes. En 1947, le sort de l’Exodus choque l'opinion internationale : ce navire parti de Sète avec plus de 4500 survivants est en effet refoulé par les Britanniques, qui finissent par débarquer de force les passagers, de surcroît dans un port allemand, indélicatesse ultime. Le scandale contribue en partie à la décision de l'ONU de partager la Palestine et d'autoriser la naissance d'un État juif, censé servir notamment de refuge et de nouvelle patrie aux survivants. Entre 1948 et 1951, 332000 Juifs européens partent pour Israël depuis les camps d'Allemagne ou l'Europe de l'Est. 165000 autres iront en France, en Grande-Bretagne, Australie ou en Amérique[100] . Ainsi, 90000 des 200000 Juifs roumains partent entre 1948 et 1951, de même que 39000 des 55000 Juifs slovaques survivants, ou la moitié des 15000 derniers Juifs yougoslaves[101] . Paradoxalement, ce sont des communautés épargnées par le génocide comme celles de Bulgarie ou a fortiori de la Turquie neutre qui connaissent l'émigration la plus massive pour Israël. La disparition de l'aire culturelle séfarade, commencée avec la Shoah, devient ainsi irréversible, ne laissant que quelques milliers de Juifs dans ces pays[102] . De même, la campagne antisémite qui sévit en Pologne communiste après la guerre des Six Jours (1967) acheva de faire partir la quasi-totalité des 300000 Juifs encore présents dans le pays. L'émigration massive acheva donc en bonne partie ce que la Shoah avait poursuivi et accompli par le meurtre : vider l'Europe de l'Est de ses Juifs. Traumatismes, silences et témoignages En général, les survivants de la Shoah n'ont pas été écoutés à leur retour, même lorsqu'ils ont eu le désir ou la force de parler. Peu nombreux et noyés dans la masse des rapatriés ou des victimes de guerre, ils étaient aussi le rappel vivant des compromissions de leurs gouvernements dans la déportation et l'extermination. De surcroît, le moment était à la célébration de l'héroïsme des résistants et des soldats, et non à la valorisation de la souffrance et des victimes. Simone Veil a ainsi témoigné de l'impossibilité pour les témoins de se faire entendre, d'autant qu'il était difficile de regarder en face les atrocités inimaginables dont ils faisaient le récit. Même en Israël, comme l'a établi l'historien Tom Segev (Le Septième Million, 1993), les survivants du génocide se voyaient souvent soupçonnés d'avoir collaboré pour survivre, ils se voyaient reprochés d'être allés dans les camps « comme des moutons à l'abattoir » ou de ne pas avoir émigré en Palestine avant la guerre. L'État hébreu, fondateur dès 1953 de Yad Vashem, se focalisait avant tout sur la célébration des quelques héros du soulèvement du ghetto de Varsovie plutôt que d'insister sur la masse des femmes, des enfants ou des vieillards assassinés.

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Shoah Jusqu'à la redécouverte de la Shoah en Occident dans les années 1970, beaucoup de survivants ont donc préféré garder le silence, ne s'ouvrant souvent même pas de leur passé à leurs propres enfants, amis ou collègues. Plus d'un a été taraudé par la « culpabilité du survivant ». Incapables de surmonter les séquelles psychologiques et morales de leur passé, certains survivants de la Shoah se sont suicidés, devenant ainsi les victimes, parfois des décennies après, d’« assassinats différés » (François Bédarida). Parmi les plus connus figurent le poète Paul Celan, l'écrivain Primo Levi, ou la mère du dessinateur Art Spiegelman. Toutefois, rien n'indique que le suicide ait été particulièrement répandu parmi les survivants de la Shoah. Le devoir de mémoire développé en Occident depuis les années 1970, « Marche des vivants » à Auschwitz-Birkenau, en réaction notamment à la menace négationniste, a souvent permis à 2004 nombre d'anciens déportés de sortir de leur silence et d'aller témoigner devant les médias, dans les écoles et les lycées, ou encore en écrivant leurs souvenirs. Certains sont retournés régulièrement sur les lieux du massacre pour accompagner comme guides des groupes de visiteurs, en particulier jeunes, notamment à Auschwitz. Ce lieu crucial et symbolique a reçu ainsi 25 millions de visiteurs depuis 1945.

Bourreaux, bureaucrates et complices La Shoah constitue un crime d'autant plus déconcertant et traumatisant qu'elle a été perpétrée à l'instigation d'un des pays les plus modernes du monde, célèbre pour ses réussites scientifiques et techniques et pour son abondance d'artistes, de philosophes et d'écrivains. Le haut niveau culturel et intellectuel de maints participants dépourvus d'états d'âme a également frappé la postérité. Les bourreaux de la Shoah sont ainsi devenus le symbole de l'échec de la culture à empêcher l'horreur, et de la remise en question de l'idée même de civilisation. De surcroît, aucun tortionnaire nazi n'a été obligé de participer à la Shoah. Un soldat des Einsatzgruppen ou un garde de camp dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou bien il obtenait facilement sa mutation. En cas de procès après-guerre, tout en cherchant à minimiser son rôle, aucun n'a nié la réalité de l'extermination. Pratiquement aucun non plus n'a jamais fait acte de regrets ou de repentir. Dans tous les pays d'Europe, il s'est trouvé également des institutions, des groupes ou des individus pour relayer les initiatives nazies et permettre l'accomplissement du génocide. D’autres enfin les ont aidés de leur silence, de leur passivité, ou de leur indifférence et de leur refus de savoir.

Les tortionnaires : identité et mentalités Les fusillades massives sont nerveusement éprouvantes pour des hommes qui finissent par craquer, par se saouler ou par devenir dangereux pour leurs propres complices. Le recours aux camions à gaz puis aux chambres à gaz vise à mettre entre bourreaux et victimes une distance suffisante pour permettre aux premiers de poursuivre plus tranquillement leur besogne jusqu'au bout. À Auschwitz, la division des tâches dilue le sentiment de responsabilité individuel, puisque chacun n’est qu'un maillon du processus complet d'extermination - chargé uniquement qui de la sélection, qui de conduire les victimes aux gaz, qui d'apporter le poison mortel ou qui de le verser. Les euphémismes du langage officiel (« traitement spécial » pour gazage, « évacuation » pour déportation) permettent aussi un peu plus aux criminels de ne pas regarder leurs actes en face. Comme l'a rappelé le personnage de Max Aue dans Les Bienveillantes de Jonathan Littell, beaucoup des tortionnaires n'ont rien de brutes incultes. Les chefs des Einsatzgruppen (1000 hommes chacun en moyenne) comptent en leur rang de nombreux intellectuels ou encore des avocats. Otto Ohlendorf était docteur en histoire du droit et diplômé de trois universités. Un commandant du bataillon C, Ernst Biberstein, est un théologien protestant. La plupart des

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Shoah médecins de la mort nazis, à l'instar de Josef Mengele, sont des praticiens très diplômés et respectés dans leur ordre. Beaucoup de SS en poste dans les camps se montrent des amateurs raffinés de musique ou de peinture. Mais beaucoup ont aussi profité de la pleine licence que l’autorité leur donnait d’humilier et de tuer les Juifs pour donner libre cours à leur sadisme et à leur sauvagerie – tout en s’enrichissant personnellement sans vergogne de leurs dépouilles matérielles. Qu’il s’agisse de SS, de policiers, de soldats « ordinaires », de collaborationnistes ou encore de kapo des camps recrutés parmi les criminels de droit commun, d’innombrables photos ou récits démontrent le plaisir souvent pris à faire souffrir leurs victimes par les humiliations les plus perverses, ou en imaginant les supplices les plus cruels. Couper en public la barbe des vieux Juifs religieux, les forcer à des danses grotesques et épuisantes avant de les abattre, prolonger ou aggraver délibérément la souffrance et l’agonie de victimes, poser hilare avec le dernier Juif vivant de telle ville nettoyée avant d’envoyer la photo à sa famille en Allemagne comme une curiosité, sont ainsi pendant la Shoah des pratiques courantes parmi bien d’autres. Dans les camps de concentration, des commandants et des gardes se livrent au quotidien à des pratiques gratuites et non moins barbares. Ainsi, lâcher les chiens policiers sur des détenus (à Sobibor, le sergent SS Paul Grot dresse même son chien à arracher les testicules de ses victimes dès qu’il l’entend crier : « Jude [103] ! »), précipiter certains détenus du haut de l’escalier de la carrière de Mauthausen, en obliger d’autres à s’approcher des barbelés pour mieux les abattre pour « tentative d’évasion ». Les coups de fouet et de gummi (matraques en caoutchouc) pleuvent en permanence, et bien des détenus sont tués pour les prétextes les plus futiles, et par n’importe quel moyen. Cependant, comme le relève une ancienne déportée d’Auschwitz citée Arrestation des gardiennes SS de Bergen-Belsen, par l’historien-témoin Herman Langbein, « tous ceux qui étaient là-bas avril 1945. ont fait aussi une fois ou l’autre quelque chose de bien. C’est ça qui est terrible[104] . » Plus d’un bourreau s’est aussi montré ponctuellement capable d’un attendrissement inattendu, d’un geste d’aide ou de clémence, ou d’une modération épargnant (provisoirement) des vies. Le commandant Rudolf Höß expose dans ses mémoires que pour le bon accomplissement de la tâche confiée par le Führer, il devait refouler sa sensibilité, présenter malgré lui un visage impassible et donner l’exemple de l’endurcissement à tous ses subordonnés[réf. nécessaire]. La culture d’obéissance inconditionnelle à l’autorité a été une condition indispensable du génocide. Doublée d’une absence totale d’interrogation morale et d’une incapacité à recourir à la conscience personnelle, elle a permis à la machine de mort du IIIe Reich de fonctionner sans accroc sérieux et d’atteindre rapidement une bonne part de ses objectifs. Au-delà de la haine antisémite, le culte quasi-religieux voué par les nazis à l’ordre du Führer (Führersbefehl) suffisait à faire taire toute interrogation personnelle sur la légitimité du meurtre de masse.

Allemands et Autrichiens « ordinaires »

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Des enquêtes d'historiens européens ou américains ont d'autre part montré les nombreuses complicités existant dans la société allemande pour la mise en œuvre de la Shoah. Christopher Browning et Daniel Jonah Goldhagen ont par exemple analysé le comportement de bataillons de police composés « d'hommes ordinaires » envoyés en Pologne et qui se comportent en bourreaux consciencieux, et parfois Le médecin SS de la mort Fritz Klein au milieu même zélés, lors des massacres et des déportations. Daniel J. de la fosse commune de Bergen-Belsen. Goldhagen en conclut que les Allemands étaient les « bourreaux volontaires d'Hitler[105] (titre de son ouvrage[106] ). » Cette thèse est critiquée par d'autres historiens, en particulier pour son manque de nuance, car elle présente le défaut de mettre sur le même plan « l'antisémitisme ordinaire » et les manipulations qu'en font les « antisémites radicaux ». Les débats portent aussi sur le rôle des Allemands ordinaires. Au fur et à mesure que l'on se rapproche du front, l'implication de la société n'est pas contestable. La Wehrmacht et la police des zones d'occupation ont participé à la Shoah. Sans l'aide de l'armée, les 3000 hommes des Einsatzgruppen n'auraient pas pu massacrer un million d'hommes. De nombreux soldats venaient regarder les exécutions en voyeurs et y ont même participé[107] . Beaucoup d'Allemands avaient plus ou moins conscience des atrocités que subissaient les Juifs. Les soldats du front Est rapportaient des récits des massacres des Einsatzgruppen lors de leurs permissions dans le Reich. Dans la dernière partie de la guerre, des rumeurs sur le gazage des Juifs circulaient. L'attitude générale a été le repli sur soi et la volonté de ne pas savoir sur ce qui se cachait derrière les rumeurs[108] . Les Autrichiens ont participé au génocide en proportion encore bien plus grande que les Allemands, et ont peut-être tué plus de Juifs que ces derniers. Parmi les chefs nazis, outre Hitler lui-même, on peut citer Eichmann, Kaltenbrunner, Seyss-Inquart. Les Autrichiens ont fourni un tiers des tueurs des Einsatzgruppen, environ 40 % des gardes des camps de concentration, les commandants de quatre des six camps d'extermination, ou encore commandants, ou les chefs de la Gestapo tant aux Pays-Bas (Hans Rautter) qu'en Pologne (Grabner)[109] ,[110] . C'est un policier autrichien, Karl Silberbauer, qui arrêta le 4 août 1944 Anne Frank et sa famille à Amsterdam. Ne s'en posant pas moins après la guerre en « première victime du nazisme », l'Autriche refusera durablement toute responsabilité et toute indemnisation des victimes juives.

Fonctionnaires et « criminels de bureau » Même sans être antisémites, de nombreux Européens des pays occupés ont pris part à la Solution finale en exécutant les ordres du gouvernement en fonctionnaires consciencieux ou zélés dépourvus d’états d’âmes. À travers l’Europe, d’innombrables politiciens, bureaucrates et policiers ont un jour ou l’autre sauvé ponctuellement des Juifs ou sont intervenus en faveur certains d’entre eux, ce qui ne les empêchait pas pour autant de continuer à participer à la Solution finale. À l’approche des Alliés, il devenait banal, surtout parmi les opportunistes et les carriéristes, d’avoir « son » Juif pour se dédouaner lors des futures procédures d’épuration. Selon Raul Hilberg, sauver quelques Juifs d’une main tout en contribuant à la mort de bon nombre d’autres permettaient aussi aux « assassins de bureau » de garder la conscience tranquille et de continuer leur tâche. Sans commettre personnellement de cruautés ni de meurtres, et sans être forcément antisémites ni adhérer nécessairement à l’idéologie nazie, de nombreux hommes politiques, bureaucrates et fonctionnaires du Reich et des États collaborateurs se sont faits les rouages de la Solution finale. Ils ont pu agir avec plus ou moins de zèle selon les individus, les lieux et les moments. Ils ont pu avoir des raisons diverses, ainsi la conviction du régime de Vichy qu'il fallait à tout prix maintenir l'illusion d'une souveraineté française en procédant soi-même aux arrestations et l'illusion qu'en allant de bonne grâce au-devant des volontés allemandes, on obtiendrait une place de choix pour la France dans la nouvelle Europe nazie.

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Le débat sur les responsabilités Pendant longtemps les historiens occidentaux ont attribué la responsabilité des crimes nazis au petit groupe des dirigeants du Reich. Dans les années 1950, seule l'historiographie marxiste posait la question de la responsabilité du peuple allemand dans la mise en œuvre de la violence nazie. Elle pointait du doigt le rôle de l'aristocratie de la bourgeoisie et de l'appareil industriel, mais n'étendait pas les responsabilités au-delà de ce cercle. À partir des années 1960, l'école historique « fonctionnaliste », majoritairement allemande, montre que les questions soulevées par l'origine de la Shoah sont très complexes. Un autre courant historiographique, nommé intentionnaliste, leur reprochera de diluer ce faisant les responsabilités dans l'organisation et la mise en œuvre de la Shoah[111] . Selon les fonctionnalistes, donc, le génocide est le résultat d'un processus décisionnel et organisationnel étalé dans le temps, entre l'été 1941 et l'automne 1942, dans lequel Hitler s'est contenté de donner de vagues directives[112] . Leurs travaux montrent qu'un grand nombre d'acteurs ont pris part à la Shoah, et ils ont renouvelé la recherche en suscitant de nouvelles études. Ian Kershaw explique dans son livre, Hitler, que le Führer a toujours été au centre des décisions, même s'il ne donnait pas tous les ordres lui-même. Göte Aly décrit la marche au génocide des années 1939-1941. Ils montrent que non seulement les SS, mais aussi les Gauleiter ou encore les experts de Berlin, ont joué un rôle dans le déplacement et le massacre des populations juives. D'autres historiens pointent les initiatives locales comme celles qui furent prises en Pologne en 1941. Elles permettent de mieux comprendre l'importance de « l'expérimentation » des méthodes d'assassinat sur le terrain. Par contre, elles ont le défaut de faire croire que les hauts dirigeants du IIIe Reich comme Himmler, Heydrich et Hitler n'auraient pas été indispensables au processus du génocide. Cependant, il ne faut pas oublier qu'Hitler est maître d'un bout à l'autre du processus. Il suggère plus qu'il ne dicte mais cela fait partie de ses méthodes. Saul Friedländer insiste sur ce point. Il raconte que quand l'Allemagne envahit l'URSS, Goebbels et Heydrich se demandent si les Juifs russes doivent porter l'étoile jaune. Ils vont voir Göring : « Trop important, allons en parler à Hitler. » Il reçoit tous les chiffres sur le nombre de juifs assassinés. Après Stalingrad, il insiste auprès de Goebbels pour revenir à la centralité de la question juive[113] . De plus l'intention de tuer est présente dès le début de la guerre. Même les projets de déportation dans la région de Lublin, à Madagascar ou en Sibérie auraient eu comme conséquences la mort de millions de Juifs. Enfin la mise en œuvre de la Shoah se caractérise par des échanges nombreux entre Berlin et les responsables locaux. La somme des initiatives locales n'aurait pas abouti à la Shoah sans coordination au sommet d'hommes comme Göring, Himmler, Heydrich et bien sûr Hitler[108] .

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Traques, procès et fuites des responsables de l'extermination Le suicide de Hitler le 30 avril 1945 et celui de Himmler le 23 mai ont privé le tribunal de Nuremberg de la comparution des deux principaux responsables de l'Holocauste. Nombre de criminels de tout rang ont aussi échappé à la justice en se donnant la mort, à l'image le 1er mai de Goebbels, instigateur de la propagande antisémite, de la nuit de Cristal et de la déportation des Juifs de son fief de Berlin. Se sont aussi tués en 1945 le haut chef SS Odilo Globocnik, ou encore l'organisateur des déportations de France et de plusieurs autres pays Theodor Dannecker. D'autres maîtres-d'œuvre de premier plan ont été abattus pendant la guerre par des résistants, ainsi Heydrich à Prague en mai 1942. Dans les Balkans, des partisans ont aussi tué l'ancien commandant de Belzec Le corps de Himmler, qui se suicide à sa capture Christian Wirth. D'autres ont littéralement disparu dans la tourmente. par les Britanniques, 23 mai 1945. Martin Bormann périt par exemple probablement le 1er mai 1945 au cours de la bataille de Berlin, de même que le chef de la Gestapo pour le territoire allemand Hermann Müller. Les Alliés avaient prévenu dès 1941-1942 que les criminels de guerre seraient poursuivis et punis. Dès 1943-1944, à mesure de la libération de l'URSS, les Soviétiques lancèrent des enquêtes approfondies. Ils jugèrent et condamnèrent des Allemands responsables de massacres et nombre de leurs complices locaux. Les épurations menées dans les différents pays libérés ont permis de juger une partie des responsables de la Solution finale, même si la spécificité et l’ampleur de celle-ci restaient encore floues pour les contemporains, et même si la déportation des Juifs ne constitua pas un problème central pour l’accusation ni pour l’opinion. Certains criminels ayant sévi sur plusieurs pays furent cependant jugés par un État en particulier. Les Slovaques se chargèrent par exemple de condamner à mort Dieter Wisliceny, l’un des bras droits d'Eichmann. Les 16 principaux dirigeants nazis jugés au procès de Nuremberg ont du répondre notamment des chefs de génocide et de crime contre l'humanité. La Shoah a été amplement évoquée par les juges, les victimes et les bourreaux cités à témoin, dont le commandant d'Auschwitz Rudolf Höß, le responsable d'unités mobile de tuerie Otto Ohlendorf ou le général SS Erich von dem Bach-Zelewski. Elle n'occupa pas non plus une place centrale, et aucun Juif ne fut par exemple cité comme témoin. Une série d'autres procès, toujours à Nuremberg, visa entre 1946 et 1951 les chefs des Einsatzgruppen, des industriels responsables de l'exploitation de main-d'œuvre concentrationnaire, ou des médecins nazis criminels. Les tribunaux militaires alliés jugèrent aussi plusieurs dizaines de gardes et certains commandants des camps de concentration, au cours de procès comme ceux de Dachau, Buchenwald ou Ravensbrück. Le premier et principal commandant d'Auschwitz, Rudolf Höß, jugé par les Polonais, fut exécuté en 1947 sur le lieu de ses crimes. Son successeur moins extrémiste, Arthur Liebehenschel, connut le même sort. Le troisième et dernier commandant, Richard Baer, ne fut retrouvé que tardivement, et mourut en prison en 1963 avant son procès. Dans les années 1960, l'Allemagne de l'Ouest jugea à son tour, en trois procès tenus à Francfort, plusieurs anciens gardiens du plus important lieu du génocide. Mais sur 7000 gardes SS passés par Auschwitz, seuls 10 % ont été retrouvés et jugés.

Un détenu identifie un SS arrêté, 1945.

Des criminels nazis en fuite seront traqués et retrouvés. L'ancien commandant de Treblinka, Franz Stangl, fut ainsi extradé du Brésil et mourut en prison à Düsseldorf en 1971[114] . Adolf Eichmann, organisateur des déportations, fut


Shoah enlevé par le Mossad en Argentine et jugé à Jérusalem par la cour suprême de l'État d'Israël. Son procès retentissant en 1961 marqua le début du réveil de la mémoire de la Shoah. Pour la première fois de l'Histoire, par ailleurs, il était rendu compte devant un tribunal juif de « crimes contre le peuple juif ». Parfaitement régulier (Israël alla jusqu'à payer les frais de l'avocat allemand d'Eichmann, après lui avoir permis de s'inscrire exceptionnellement au barreau de l'État hébreu), le procès fut marqué par la présentation d'abondants documents accablants et le témoignage de nombreux survivants. Condamné à mort et pendu en 1962, Eichmann apparut comme un homme terne et ordinaire, incapable du moindre regret ni de la moindre réflexion morale sur ses actes. Il se présenta comme un bureaucrate méticuleux et consciencieux, préoccupé uniquement de l'aspect technique de sa tâche. Son attitude inspira à Hannah Arendt des réflexions célèbres sur la « banalité du mal ». Nombre d'exécutants de la Shoah ne furent jamais inquiétés, et firent de prospères carrières administratives, politiques ou économiques en RFA et en RDA. Ou bien, ils virent les poursuites à leur encontre abandonnées avec le temps, à moins de s'en tirer avec des peines légères et tardives. Bien d'autres sont morts libres après s'être réfugiés en Amérique latine (tels Josef Mengele, le « médecin de la mort » d'Auschwitz) ou dans le monde arabe, par exemple Alois Brunner. Des filières liées à des personnalités du Vatican aidèrent certains criminels de masse à s'enfuir, tels le sanguinaire dictateur croate Ante Pavelić, tandis qu'avec la guerre froide, Soviétiques et Américains ralentirent les poursuites et recyclèrent nombre d'anciens nazis en Europe ou dans leurs services secrets. Klaus Barbie, un des principaux chefs de la Gestapo lyonnaise, entra ainsi au service de la CIA et put se réfugier en Bolivie ; enfin extradé en 1983, il fut jugé à Lyon en 1987 et condamné à perpétuité pour crimes contre l'humanité, en particulier pour la rafle des 44 enfants orphelins d'Izieu. L’imprescriptibilité des crimes contre l’Humanité (intégrée par exemple dans le droit français en 1964), le réveil de la mémoire de la Shoah et l’action tenace de « chasseurs de nazis » tels que Simon Wiesenthal ou encore Serge Klarsfeld ont permis dans les années 1980-1990 la tenue d’une nouvelle série de procès. En particulier, René Bousquet, ancien chef de la police de Vichy et responsable de la majorité des déportations de France, fut abattu par un déséquilibré en 1993 à la veille d’être jugé. Son adjoint Jean Leguay était décédé avant procès. Le milicien Paul Touvier en 1994 et l’ancien haut fonctionnaire Maurice Papon en 1998 furent les premiers Français spécifiquement condamnés pour complicités de crimes contre l’humanité.

Attitude du monde extérieur « Comment tout un peuple en voie d’être exterminé a-t-il pu subir pareil destin ? Comment le monde entier a-t-il pu laisser s’accomplir pareille monstruosité sans tenter d’intervenir pour l’arrêter ou au moins pour la freiner ? Comment l’Europe chrétienne a-t-elle pu laisser périr le peuple d’Israël quand elle n’a pas contribué elle-même à leur massacre ? ». L'historien et ancien résistant catholique François Bédarida résumait en ces termes les questions angoissantes posées à l'humanité par la Shoah[115] . De manière générale, « sauf dans l’esprit d’une poignée de dirigeants nazis, les Juifs n’avaient pas été l’enjeu de la Seconde Guerre mondiale » (Tony Judt)[116] .

L'avant-guerre : frontières fermées et réfugiés refoulés Dans les années 1930, la plupart des pays occidentaux ont fermé leurs frontières aux victimes des persécutions antisémites en Allemagne et en Europe centrale. De 1939 à 1940, bien des Juifs autrichiens et allemands réfugiés ont même été internés comme « ressortissants ennemis » par la Grande-Bretagne et la France. De peur que le monde arabe et ses ressources pétrolifères ne basculent du côté du IIIe Reich, les Britanniques ferment la Palestine à l'émigration juive, et renouvellent sa limitation drastique par le Livre Blanc de 1939, pour la maintenir sans discontinuer pendant la guerre et jusqu'en 1948. En 1939, un navire chargé de réfugiés parti d'Europe, le Saint-Louis, est refoulé par les États-Unis et plusieurs États de l'aire caraïbe avant de devoir repartir pour les Pays-Bas. Les passagers y seront surpris par l'invasion allemande de

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Shoah mai 1940 et les trois quarts d'entre eux exterminés. La conférence d'Évian sur les réfugiés, tenue du 6 au 15 juillet 1938, a constitué la démonstration publique la plus lamentable du refus général d'accueillir les Juifs. L'URSS, l'Italie fasciste et la Tchécoslovaquie n'ont même pas daigné envoyer un représentant. Les observateurs délégués par la Hongrie, la Pologne ou la Roumanie veulent juste savoir si l'on pourrait les aider à se débarrasser de leurs propres Juifs. Les autres pays ne veulent pas accueillir plus de réfugiés. C'est l'époque où le Canada explique qu'aucun réfugié serait encore trop (« none is too many »), où les États-Unis et l'Amérique latine pas encore remis de la Grande Dépression restreignent encore plus les entrées. La Suisse, jugeant par la bouche d'un conseiller fédéral que « la barque est pleine » (« Das Boot ist vol »), négocie avec les nazis pour refouler les réfugiés de son territoire : la Confédération demande elle-même à Berlin, et obtient en octobre 1938, que les passeports des Juifs allemands expulsés soient marqués de la lettre J à l'encre rouge indélébile[117] . Assuré que l’étranger ne portera aucun secours aux Juifs, Hitler peut renforcer sa politique raciste et, parallèlement au succès de Munich, lancer la nuit de Cristal, puis le génocide lui-même.

Les Alliés et la Solution finale Des hommes courageux ont bravé toutes les difficultés pour tenter de prévenir les Alliés. Ainsi le résistant chrétien Kurt Gerstein, entré dans la SS pour la combattre de l'intérieur, qui tente d'alerter le monde dès l'été 1942 sur les gazages qu'il a vu en personne à Belzec, et qui se suicide en 1945. Ainsi Jan Karski, délégué à Londres par la résistance polonaise. Depuis la Suisse, le télégramme Riegner du 8 août 1942 informe Londres et Washington de la Solution finale en cours. De façon générale, ces informations n'ont pas ou peu été crues, et n'ont suscité aucune réaction particulière des gouvernements et des opinions des pays alliés. Même des organisations juives ont refusé de croire les chiffres et les descriptions qui leur étaient faites de la machine de mort nazie[118] . Samuel Zygelbojm, représentant du Bund auprès du gouvernement polonais en exil à Londres, se donne la mort le 11 mai 1943 : « Par ma mort, je voudrais, pour la dernière fois, protester contre la passivité d’un monde qui assiste à l’extermination du peuple juif et l’admet ». L'incrédulité pouvait s'expliquer par le souvenir des excès de la propagande et du « bourrage de crâne » sous la Grande Guerre. Au-delà, elle a été encouragée par l'absence de précédent comparable et par le caractère inouï et impensable du crime. Les informations sur l'extermination des Juifs ont aussi circulé dès 1941 et surtout 1942 à la BBC, dans la presse anglo-saxonne et jusque dans une partie de la presse clandestine des pays occupés. Mais elles se mêlaient sans traitement spécifique à d'autres récits d'atrocités et à l'évocation d'autres enjeux et problèmes[119] . Les Alliés n'ont pas non plus toujours conscience de la spécificité du sort qui frappait le peuple juif. Ils n'ont dès lors pas voulu donner l'impression qu'ils privilégiaient une catégorie de victime par rapport à une autre. Winston Churchill, dont les services pouvaient déchiffrer les messages codés allemands grâce au système Enigma, savait dès l'été 1941 que les Einsatzgruppen massacraient systématiquement les Juifs soviétiques, mais dans ses discours publics, il dénonça ces horreurs sans jamais mentionner le caractère juif des victimes. Les Anglo-Saxons, sans parler des Soviétiques, n'ont pas non plus voulu donner l'impression qu'ils faisaient la guerre pour les Juifs, de peur notamment des réactions antisémites d'une partie de leur population. En URSS, l'antisémitisme traditionnel et le regain de nationalisme voire de chauvinisme suscité par la lutte contre l'Allemagne ne laissait guère de place à l'évocation spécifique du sort des Juifs. Aux États-Unis, une poussée d'antisémitisme dans l'opinion (certains taxaient le New Deal de Roosevelt de Jew Deal). Mais de manière plus générale, c'est aussi que l'attention des populations, attachés à survivre ou à gagner la guerre, n'était pas disposée à faire une priorité du sort d'une minorité (1 % de la population de France, 10 % de celle de Pologne). « Sauf dans l’esprit d’une poignée de dirigeants nazis, les Juifs n'[ont] pas été l’enjeu de la Seconde Guerre mondiale[116] . »

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Shoah En décembre 1942, la quasi-totalité des gouvernements alliés font une déclaration commune solennelle contre le massacre des Juifs en Europe, et préviennent les responsables qu'ils seront poursuivis. Moins explicitement, le pape Pie XII dénonce dans son message radio de Noël la mort des innocents qui ont été voués à la mort en raison de leur seule race. Mais en 1943-1944, ces déclarations sont beaucoup plus rares ou inexistantes, alors que l'extermination continue à battre son plein. D'abord absorbés par la poursuite d'objectifs militaires, les Alliés semblent avoir pensé que la fin rapide de la guerre était la meilleure manière d'arrêter la persécution, sans saisir que le rythme industriel du massacre risquait de ne laisser que peu de Juifs encore en vie à la victoire. En 1944, au plus fort de la déportation des Juifs de Hongrie, Churchill se montre favorable à un bombardement sur les rails et les chambres à gaz d'Auschwitz, mais veut consulter d'abord les Américains : le projet est facilement bloqué à un niveau gouvernemental inférieur, sans même parvenir à Roosevelt. Que le bombardement d'Auschwitz ait pu ou non changer quoi que ce soit au sort des victimes, le fait est que son enjeu moral intrinsèque n'a guère été perçu, ni le silence des Alliés rompu[120] . Dans l'ensemble, la passivité et l'indifférence ont prévalu, sans conscience de la gravité exceptionnelle du crime en cours. Du 19 au 30 avril 1943, ainsi, la conférence qui se tient aux Bermudes sur l’aide possible aux Juifs d’Europe a lieu loin de tout et de tous, sans qu'aucune organisation juive ne soit représentée, ni les conférenciers aucun pouvoir de décision mais juste de recommandation. Elle s'en tient à des paroles. Le département d'État américain, dirigé par Cordell Hull, se montre d'une passivité particulièrement accablante, alors que les rapports officiels et officieux lui parviennent depuis 1942. Le ministre Henry Morgenthau, lui-même d'origine juive, n'ose pas intervenir longtemps en faveur des Juifs d'Europe, de peur d’être taxé de partialité. Mais c'est son rapport explosif de janvier 1944 contre l'inaction du département d'État qui fait tardivement réagir Roosevelt : le 22 janvier 1944, le président américain fonde le War Refugee Board (Bureau des réfugiés de guerre), dirigé par John Pehle. En 18 mois, le WRB sauvera des dizaines de milliers de personnes. Son envoyé en Roumanie, Ira Hirschmann, réussit à faire libérer les 48000 Juifs survivants de Transnistrie et à les faire partir en Turquie. Iver Olsen depuis la Suède ft sauver de nombreux survivants des pays Baltes et dépêche à Budapest Raoul Wallenberg. Il reste permis de se demander combien d'autres personnes auraient pu être sauvées si la prise de conscience et la volonté d'agir avaient été plus précoce[121] .

Les Églises et le Vatican du pape Pie XII Les chrétiens ont été l'un des plus importants groupes à fournir des Juste parmi les nations. Mais sur le plan institutionnel, l'attitude des Églises d'Europe face à la Shoah a été contrastée en fonction des pays, des hommes et des dignitaires. Des Églises nationales ont fermement protesté en tant que telles contre la persécution des Juifs : ainsi l'Église d'État luthérienne en Norvège, dont les évêques démissionnent collectivement en 1942 par rejet du gouvernement collaborateur de Quisling, ou encore les hiérarchies catholiques et protestantes des Pays-Bas en juillet 1942. Dans la France du régime de Vichy, le loyalisme de l'épiscopat envers le régime réactionnaire du maréchal Pétain a fait taire bien des langues. Seuls cinq évêques sur plus d'une centaine ont publiquement protesté contre les rafles de l'été 1942, dont l'archevêque de Marseille Mgr Delay, le cardinal Gerlier, primat des Gaules, à Lyon, Mgr Moussaron à Albi, Mgr Pierre-Marie Théas à Montauban, et surtout Mgr Jules Saliège à Toulouse. Toutefois, la peur d'un conflit avec l'Église a joué son rôle dans la décision de Pierre Laval de diminuer les déportations à partir de l'automne 1942[122] . Dans le Reich, où le concordat de 1933, le patriotisme en pleine guerre et le respect de l'ordre établi lient les mains à l'épiscopat national, les mêmes personnalités qui avaient condamné en chaire l'extermination des handicapés mentaux, à l'image de Mgr Clement von Galen, n'ont pas eu un mot en public sur le sort des Juifs. Les prêtres, pasteurs ou évêques qui se sont engagés dans le secours aux Juifs voire dans la Résistance l'ont généralement fait de leur seule initiative et sans encouragement aucun de leur hiérarchie.

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Shoah Le pape Pie XII était sans doute le chef d'État le mieux informé sur le génocide, grâce aux informations qui pouvaient remonter à Rome depuis de multiples paroisses et diocèses de toute l'Europe. Son silence officiel lui a toutefois été beaucoup reproché, surtout à partir des années 1960.[réf. souhaitée] Les institutions religieuses de Rome ont abrité de nombreux Juifs, et le Saint-Siège, soutenue par l'épiscopat local, est intervenue par exemple pour obtenir l'arrêt des déportations dans la Slovaquie de Mgr Tiso, ou encore en Hongrie. Mais aucune protestation officielle ni aucune dénonciation publique claire du sort des Juifs n'a eu lieue, en dépit de l'immense prestige moral et diplomatique du Saint-Siège, et même lorsqu'une rafle eut lieu dans l'ancien ghetto de Rome « sous les fenêtres du pape » le 16 octobre 1943. Nul historien n'a jamais soupçonné le Pape d'hostilité quelconque aux Juifs. Les raisons de son silence énigmatique semblent avoir été complexes, et restent difficile à cerner tant que toutes les archives vaticanes relatives à ce pontificat ne seront pas disponibles. Parmi les raisons les plus fréquemment avancées par les historiens figurent la sous-estimation du sort qui attendait les Juifs et le refus de faire de leur sort une question prioritaire (ce qui fut le cas de tous les dirigeants alliés ou clandestins de la Seconde Guerre mondiale), le choix par tempérament de la diplomatie sur la confrontation et sur la parole de dénonciation, la peur d'attirer des représailles sur une Église allemande qu'il connaissait bien comme ancien nonce à Berlin, la focalisation sur le danger d'expansion du communisme athée (même si le pape refusa toujours de soutenir la « croisade » nazie contre l'URSS), l'espérance (finalement illusoire) enfin de servir d'intermédiaire dans de futures négociations de paix entre Alliés et Axe[123] [réf. insuffisante] .. À cette heure, la polémique qui entoure le « silence de Pie XII » n'est toujours pas éteinte[124] .

Les pays neutres L'Espagne du dictateur Franco, allié non-belligérant de Hitler, a tantôt accepté tantôt refoulé les réfugiés juifs. En 1926, le dictateur Primo de Rivera avait annulé le décret d'expulsion de 1492 à l'origine de la diaspora séfarade, et restitué la nationalité espagnole aux descendants qui en faisaient la demande, sous condition qu'ils ne reviennent pas vivre dans la péninsule. Cette disposition a permis à certains Sépharades des pays occupés de survivre à la Shoah. Par ailleurs, des diplomates et consuls espagnols ont ponctuellement secouru des descendants de Juifs d'Espagne là où ils étaient en poste, même si aucun ordre ne leur a jamais été donné en ce sens depuis Madrid. De nombreux espagnols ne se rendaient pas compte qu'une grande partie des réfugiés traversant les Pyrénées étaient Juifs. Le nombre de Juifs ayant échappé au génocide en passant par l'Espagne à partir de 1940 est estimé entre 20000 et 35000[125] . Au Portugal, 40000 Juifs étaient réfugiés dès 1940. Seuls 10000 parviendront à partir en Amérique, les États-Unis se refusant à desserrer les quotas. A Bordeaux et Bayonne, pendant l'exode de juin 1940, le consul portugais Aristides de Sousa Mendes désobéit à son gouvernement en délivrant des milliers de visa transit à des réfugiés notamment juifs. Sa carrière fut aussitôt brisée, et le dictateur Salazar devait s'acharner sur lui et sur sa famille bien après la guerre, le contraignant à mourir dans la misère. La Suisse affirmera pendant un demi-siècle avoir accueilli les réfugiés qu'elle pouvait et s'être tenue prête à se battre en cas d'invasion nazie. Mais les Helvètes ont dû faire face dans les années 1990 à la redécouverte d'une réalité historique en demi-teinte.[précision nécessaire] De fait, le pays n’a accueilli en réalité que 30000 Juifs[126] , dont 7000 seulement avant la guerre, et il a refoulé en pleine guerre ceux qui cherchaient secours chez elle, notamment les Juifs non accompagnés de leurs enfants - c'est ainsi que les parents de Saul Friedländer furent refoulés à l'été 1942 : retombés aux mains de Vichy, ils périrent déportés en octobre. Les réfugiés juifs acceptés n'avaient pas le droit de travailler, et devaient vivre sur les taxes spéciales prélevées par la Confédération sur ses riches résidents juifs. Elle en refoula 20000[126] . Par contre, Carl Lutz, un diplomate suisse, délivra 50000 certificats d'immigration permettant de mettre 50000 Juifs sous la protection suisse à Budapest[127] .

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Shoah Les banques du pays ont aussi abrité et recyclé en connaissance de cause l’or pillé aux Juifs déportés, contribuant ainsi substantiellement à financer l’effort de guerre allemand. En revanche, contrairement à une légende, aucun train de déportés n'a transité par la Suisse[128] . La Suède a accueilli des milliers de réfugiés juifs et résistants, dont l'intégralité de la communauté danoise évacuée en septembre 1943. Toutefois, son gouvernement social-démocrate a continué jusqu'au bout à fournir le Reich en minerai de fer. La Turquie n'a jamais connu de son histoire de persécution des Juifs en tant que juifs, et elle sera l'un des rares pays musulmans à reconnaître Israël dès sa fondation. Si des milliers de Juifs ont trouvé asile en Turquie pendant la guerre, d'autres ont été refoulés. Ainsi, en février 1942, les 769 passagers roumains du Struma, qui espéraient passer en Palestine, sont refoulés d'Istanbul en accord avec les Britanniques et périssent noyés dans la mer Noire lors du torpillage accidentel de leur navire par un sous-marin soviétique[129] . Par ailleurs, dans le cadre d'une politique nationaliste de turquification forcée des minorités, la Turquie en guerre a lourdement taxé de 1942 à 1944 les non-musulmans et envoyé ceux d'entre eux incapables d’acquitter l’exorbitant impôt (jusqu'au double ou à plusieurs fois le revenu annuel de nombreuses personnes) dans des camps de travail, parmi lesquels un certain nombre de Juifs. Ce qui n'a pas empêché la communauté turque d'être intacte en 1945, même si, éprouvée, elle sera l'une des premières à émigrer en masse en Israël[130] .

Les communautés juives d'Amérique et de Palestine En mars 1943, Stephan Wise, ami personnel du président Roosevelt qu’il tente régulièrement d’alerter sur le sort des Juifs, rassemble 75000 manifestants à Madison Square Garden, à New York, contre le massacre en cours. Mais ce genre de démonstration reste exceptionnel pendant la guerre. Dans l'ensemble, la communauté juive américaine réputée si puissante n'a que peu poussé son gouvernement à agir en faveur des coreligionnaires d'Europe, par peur de favoriser une poussée d’antisémitisme aux États-Unis[131] . Un des derniers messages du ghetto de Varsovie insurgé, en avril 1943, s'adresse aux Juifs d'Amérique pour déplorer le silence et la passivité dont ils ont fait preuve au moment de la mort de leurs frères d'Europe. Dans son ouvrage Le Septième Million, paru en 1993 en Israël, l'historien Tom Seguev a montré que pour les dirigeants du Yichouv (la communauté juive de Palestine) et futurs fondateurs d'Israël, le sort des Juifs d'Europe n'avait constitué pendant la guerre qu'un problème secondaire. Les futurs fondateurs d'Israël, à commencer par David Ben Gourion, étaient plus soucieux de préparer l'après-guerre et la création de l'État juif, et se sentaient au demeurant impuissants à changer la situation en Europe. En 1944, le Congrès juif mondial a appelé à bombarder les chambres à gaz et les rails menant à Auschwitz, mais assez mollement, Chaim Weizmann se montrant favorables à la requête mais sans insister, et Ben Gourion hostile.

Sauvetages et Justes des nations La tragédie des Juifs a été généralement proportionnelle à leur degré d’isolement dans la société.

Les populations face à la Shoah À l’Est, ils ont d’autant plus presque tous péri qu’ils étaient abandonnés, ignorés ou méprisés par des populations largement antisémites. Par ailleurs, celles-ci étaient soumises elles-mêmes à une terreur de masse permanente qui mettait en danger de mort immédiat tout auteur d’un geste de compassion ainsi que sa propre famille. Des Polonais ou des Ukrainiens furent sauvagement suppliciés en public pour avoir donné un morceau de pain ou un asile à des Juifs, des familles entières pendues, fusillées ou déportées pour leur être venues en aide. Mais malgré le contentieux antisémite et la terreur nazie, la Pologne compte aussi plus de 5000 Justes des nations reconnus à cette heure par Yad Vashem, soit le plus grand nombre en Europe.

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Shoah En Allemagne, les dénégations d'après-guerre (« Nous ne savions pas ») ne recouvrent pas la réalité historique : lettres du front, journaux intimes, rapports de police (sans oublier en 1945 le spectacle des marches de la mort), permettent d'établir qu'entre la moitié et les deux tiers de la population adulte du Reich ont su que les Juifs étaient non seulement déportés mais exterminés, même si les modalités précises de la mise à mort étaient plus rarement connus, et même si beaucoup ont préféré détourner les yeux par indifférence, par peur, par conformisme, par incrédulité ou par intérêt[132] . La résistance allemande au nazisme n'a pas toujours perçu l'antisémitisme comme une question centrale, et certains conjurés du complot du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler restaient convaincus de l'existence d'une « question juive » voire de la nécessité d'une législation restreignant « l'influence juive ». Mais le programme des comploteurs prévoyait explicitement l'arrêt des persécutions et la restitution des biens volés, et l'échec de la tentative pour renverser Hitler a bien empêché l'arrêt immédiat de la Shoah. Dans le Reich, des individualités courageuses ont fait preuve de compassion, comme Mgr Lichtenberg, mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs. En 1943, dans la Rosenstrasse à Berlin, des conjointes de Juifs manifestent avec succès pour obtenir la libération de leurs maris, un épisode resté toutefois exceptionnel. Malgré les risques et la surveillance totalitaire de la Gestapo, quelques rares milliers de Juifs ont réussi à survivre clandestinement dans les villes allemandes jusqu'à la fin (surnommés les U-Boat ou « sous-marins ») grâce à l'aide d'Allemands « aryens » dévoués. Aux Pays-Bas, pays sans tradition antisémite, une grève générale de solidarité paralyse Amsterdam pour plusieurs jours lorsqu’en février 1941, les Allemands déportent 365 Juifs à Mauthausen et Buchenwald[133] . Cette première grève antiraciste de l’Histoire échoue à sauver les victimes, mais manifeste un refus collectif de la persécution peu fréquent dans l’Europe du temps. La Résistance locale et de nombreux individus viendront en aide à des Israélites, sans toutefois empêcher la mort de 80 % de la communauté. Contrairement à une idée reçue, ce bilan d’échec n’est pas dû à l’absence de montagnes et de forêts pour cacher les persécutés hollandais[134] . En effet, des centaines de milliers de résistants, de réfractaires au STO et de Juifs ont réussi à se cacher dans les villes jusqu’en 1945. Le problème a surtout tenu dans la division traditionnelle de la société néerlandaise en communautés politiques et religieuses très cloisonnées (la « pilarisation », c'est-à-dire les piliers[135] ) : sans relations suffisantes en dehors de leur propre communauté, ghettoïsée puis anéantie, les Juifs hollandais ne pouvaient espérer trouver d’aide extérieure salvatrice. En France et en Belgique, la mise en œuvre de la Shoah prend une dimension éminemment xénophobe, car le régime de Vichy apporte l'aide de sa police à la déportation de Juifs étrangers, en croyant à tort que les Allemands épargneront ainsi les Juifs français (alors même qu’ils n’avaient jamais reçu la moindre promesse ne serait-ce que verbale en ce sens). En Belgique, où la très grande majorité des Juifs n'a pas la nationalité belge, les Allemands ont l’habileté d’exempter les Juifs de nationalité belge des premières déportations[136] . De ce fait, l’administration ne protestera pas, et les seules interventions tardives, comme celles de la reine-mère Élisabeth, ne concerneront que les Juifs belges. 44 % des Juifs du royaume trouveront la mort. Toutefois, la Belgique compte aussi plus de 1500 Justes. Et dans l’Hexagone, la mobilisation de nombreux inconnus, d’hommes d’Église, de couvents, de filières de résistance ou de réseaux de solidarité (tout comme le relatif désintérêt des Allemands pour la France en tant que pays de déportation) a permis aux trois quarts des Juifs de France de voir la fin de la guerre, une proportion exceptionnelle en Occident.

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Les sauvetages collectifs : Bulgarie et Danemark En Bulgarie en mars 1943, un vaste mouvement d'opinion oblige le roi et le Parlement à reculer et à refuser de livrer les Juifs nationaux aux nazis. Malgré la présence de la Wehrmacht sur le sol de son allié, la communauté bulgare survit intégralement à la guerre. En revanche, Sofia accepte d’arrêter et de déporter plus de 13000 Juifs de la Thrace et de la Macédoine occupés par ses troupes. Au Danemark, le roi Christian X menace de porter lui-même l'étoile jaune si les Allemands cherchent à l'imposer. En septembre 1943, lorsqu'une indiscrétion volontaire d'un diplomate allemand fait connaître le projet de déportation des quelques 7000 Juifs, la population se mobilise pour faire passer la communauté en Suède neutre à travers le détroit de Copenhague. En plusieurs nuits, avec la bienveillance de la police et de l'administration, une flottille de petits navires conduit à bon port ceux qu'une chaîne de complicités a permis d'acheminer en cachette jusqu’aux quais.

Des alliés de Hitler entre compromissions et réticences La Finlande, suite au scandale dans l'opinion, n'a finalement livré que 9 des 34 Juifs étrangers prévus, mais un seul de ces neuf survivra. Les Japonais, qui se sont illustrés par d'innombrables crimes de guerre en Asie, ne donnent pas suite pour autant aux demandes de leur allié Hitler de s'en prendre aux 20000 Juifs allemands réfugiés à Shanghai après 1933. L'antisémitisme idéologique des nazis leur reste incompréhensible, et par le plan Fugu, ils tentent au contraire d'utiliser ces réfugiés souvent hautement qualifiés pour mettre en valeur la Mandchourie occupée. D’autres alliés de Hitler se sont arrêtés à mi-chemin dans leur participation active à la Shoah. En Hongrie, bien que soumis à une législation antisémite depuis l'entre-deux-guerres, les Juifs hongrois ne sont pas livrés à la déportation tant que la Wehrmacht n’envahit pas le pays en mars 1944. L’amiral Horthy s’oppose à nouveau aux déportations, qui sont suspendues en juillet, mais elles reprennent à l’automne quand il est évincé par les nazis au profit des collaborationnistes fascistes, les Croix fléchées. La Roumanie, qui a massacré plus de 200000 Juifs hors de ses frontières, a refusé de livrer ses Juifs nationaux, qui ont survécu. État antisémite, la Slovaquie de Mgr Tiso, satellite du Reich, a d'abord livré par dizaines de milliers ses ressortissants Juifs au début de l'année 1942, avant de se raviser, notamment sous la pression du Vatican, et de suspendre les déportations. Après l’écrasement du soulèvement national slovaque d’août 1944, les nazis et les collaborationnistes reprennent les déportations racistes. L'Italie fasciste de Mussolini se voit généralement gratifiée d'avoir protégé les Juifs dans ses zones d'occupation. Ainsi, dans les sept départements français occupés par l'armée italienne entre novembre 1942 et le 8 septembre 1943, l'administration militaire a refusé toute déportation et n'a pas hésité à rappeler à l'ordre les autorités du régime de Vichy quand elles s'en prenaient à des Israélites. De ce fait, de nombreux Juifs de France affluent dans la zone italienne, où les rafles et les déportations commencent en revanche à leur tour dès l’arrivée des Allemands.

Camp d'internement pour Juifs italiens à Fossoli, une des antichambres d'Auschwitz.

Toutefois, l'historiographie récente a nuancé fortement cette représentation d'un fascisme protecteur des Juifs. Ainsi qu'elle l'a démontré, Mussolini était devenu personnellement raciste et antisémite au moment de la conquête de l'Éthiopie (1935-1936) puis avec la radicalisation de son régime dans un sens totalitaire, à la fin des années 1930. De ce fait, les lois antijuives adoptées en Italie en 1938 ne doivent rien à une volonté d'imiter son allié Hitler, et répondent à une conversion réelle du régime à l'antisémitisme. Plus appliquées que ce que l'on a longtemps cru, elles ont fragilisé les Juifs italiens et préparé en partie le terrain aux Allemands. Elles étaient d’autant plus graves que l’Italie n’avait pas de tradition antisémite et que les Juifs étaient traditionnellement nombreux et bien acceptés dans l’armée, dans l’administration ou dans le mouvement fasciste


Shoah lui-même. D'autre part, le refus des Italiens de livrer les Juifs doit beaucoup plus à une volonté de se saisir de l'occasion pour montrer aux Allemands qu'ils étaient les maîtres dans leurs zones eux qu'à une quelconque sympathie pour les Juifs, selon les historiens actuels. Aucune instruction de protéger les Juifs ne fut jamais donnée par le gouvernement de Rome, et il arriva même que les troupes italiennes livrent en certains endroits des Juifs aux nazis, ainsi lors de la déportation des Juifs de Tirana en Albanie. Après l'invasion de l'Italie en septembre 1943, les très violentes milices fascistes de la République de Salo collaborent activement à la traque et à l'assassinat des Juifs. Près de 9000 Juifs italiens ont été déportés.

Dévouements individuels et organisés Décerné par Yad Vashem, le titre de « Juste parmi les nations » honore les non-Juifs qui ont sauvé des Juifs de la Shoah pour des motifs désintéressés. Ne sont donc pas abordés ici ceux qui ont vendu des faux papiers aux Juifs parfois à prix d’or, ou qui en ont fait passer en Espagne ou en Suisse contre de l’argent - certains passeurs peu scrupuleux vendaient même leurs clients aux nazis après avoir touché la somme due ; la plupart des passeurs, bénévoles et courageux, ont offert leur aide au risque de leur vie ou de leur liberté. À Marseille, l'Américain Varian Fry parvient en 1940 à faire sortir plus de 2000 intellectuels et artistes d'Europe dont de nombreux Juifs. En 1944 à Budapest, le diplomate suédois Raoul Wallenberg sauve plus de 20000 israélites hongrois, notamment en distribuant des passeports de complaisance. Les institutions religieuses sont sur-représentées dans l’aide aux Juifs, souvent dissimulés dans des couvents ou des pensionnats religieux. Des faux certificats de baptême ont été délivrés par d’innombrables curés et pasteurs. Malgré leurs sympathies pétainistes, un grand nombre d’évêques français ont fait donner asile à des Juifs. À Rome, le silence officiel du pape Pie XII n’empêcha nullement les institutions Un des nombreux passeports suédois délivrés par religieuses liées au Vatican d’abriter et de sauver des milliers de Raoul Wallenberg à des Juifs de Budapest en pourchassés. D’autres organisations d’inspiration religieuse étaient plus 1944. proches de la Résistance spirituelle. Ainsi de nombreux enfants raflés à Lyon ont-ils été sortis en une nuit du camp de Villeurbanne (28 août 1942) par l’Amitié chrétienne de l’abbé Glasberg et du R.P. Pierre Chaillet, fondateur de Témoignage chrétien.

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87 Des villages entiers sont parfois venus au secours des persécutés, comme les villages protestants de Nieuwlande en Hollande, de Dieulefit dans la Drôme et du Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire, ce dernier étant collectivement reconnu comme Juste. Minorité jadis persécutée par le pouvoir royal, les protestants français ont été particulièrement nombreux à se dévouer aux nouveaux proscrits.

Des fonctionnaires, des policiers, des soldats, des entreprises ont refusé de participer à la persécution, à la spoliation ou à la déportation. Quelques policiers échappés de la préfecture où ils étaient consignés réussissent à avertir et sauver des Juifs parisiens à la veille de la rafle Une rescapée de la Shoah montre le nom du Juste du Vel’ d’Hiv’. Des responsables de la préfecture, le 18 juillet 1942, ont qui l'a sauvée, Yad Vashem, Jérusalem. sauvé la quasi-totalité des centaines de Juifs visés par la rafle manquée de Nancy. Oskar Schindler, employeur allemand de main-d’œuvre forcée juive à Cracovie, sauve 1200 d’entre eux de la mort lorsqu’il comprend le sort qui leur est réservé. Surtout à l’Ouest, beaucoup d’Européens sont venus en aide aux Juifs comme à une catégorie de parias parmi d’autres, sans avoir conscience eux-mêmes du sort spécifique qui les attendait par rapport aux prisonniers évadés, aux résistants ou aux réfractaires au STO. Même lorsqu’ils sauvaient des gens de l’extermination, peu d’individus et de mouvements ont été à l’époque particulièrement conscients des projets réels de Hitler et de la centralité du racisme et de l’antisémitisme dans l’idéologie nazie.

Bilan Culturel La Shoah est, entre autres, un anéantissement culturel. Le yiddishland d'Europe centrale et orientale a pratiquement disparu, et l'on estime que les trois quarts des locuteurs du yiddish ont disparu pendant la guerre. La France a perdu le quart de sa population juive, même si le monde israélite français en tant que tel continue d'exister (des synagogues et des écoles juives sont même restées ouvertes à Paris toute l'Occupation), en revanche, les communautés juives d'Amsterdam, Berlin, Vienne, Budapest ou Vilnius ont été éradiquées à plus de 80 ou 90 %. À Vilnius, ce sont 32000 Juifs qui sont assassinés lors des pogroms du début du conflit[137] . Les nazis ont aussi cherché à effacer toute trace du passé juif multiséculaire en spoliant leurs victimes de tous leurs biens et œuvres d'art, en détruisant les synagogues, en brûlant des livres de prières, en retournant les cimetières. Ce n'est pas le peuple juif qui a perdu un grand nombre de ses enfants, mais les rares survivants qui ont perdu leur peuple et leur univers, sans Restes du ghetto de Varsovie en 1945. retour possible[138] .[réf. incomplète]. Marek Edelman, un des rares chefs survivants du soulèvement du ghetto de Varsovie, déclarera ainsi devant la destruction de 97 % de la communauté polonaise : « Dans le monde, il n'y a plus de Juifs. Ce peuple n'existe pas. Et il n'y en aura pas[139] . »


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Bilans chiffrés des victimes Les estimations du nombre de Juifs tués lors de l'Holocauste varient pour les spécialistes entre 5.1 millions (l'historien Raul Hilberg) et 6 millions (l'économiste et statisticien Jacob Lestchinsky). On parle de 6 millions de victimes en référence au chiffre cité dès le procès de Nuremberg, justifié dans Le Bréviaire de la Haine de Léon Poliakov[140] et repris au procès d'Adolf Eichmann. Le Yad Vashem a pu retrouver le nom d'un peu plus de 4 millions d'entre elles[141] , selon ses propres estimations.

L'Europe du génocide.

À la fin de son ouvrage La Destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg tente de chiffrer globalement les victimes. Il répartit les chiffres en trois catégories[142] : 1. Morts consécutives aux privations, en particulier, la faim et la maladie dans les ghettos. 2. Morts par fusillades. 3. Morts consécutives aux déportations vers les camps d'extermination. Les estimations proviennent de rapports émanant notamment des services allemands, des autorités satellites et des conseils juifs. Ils ont ensuite été affinés grâce aux comparaisons entre les statistiques d'avant-guerre et celles d'après-guerre. Hilberg s'efforce de faire des corrections pour ne prendre en compte que les Juifs victimes de la Shoah et écarter ceux dont la mort peut être imputée à la guerre. Cette dissociation est souvent délicate. Ainsi, lorsque l'Allemagne envahit l'URSS, un million et demi de Juifs quittent leur domicile, au même titre qu'un nombre plus important de non-juifs parmi lesquels la mortalité est supérieure à la normale. Un autre problème dans l'estimation du nombre de victimes tient au fait que 70 % des victimes proviennent de la Pologne et de l'URSS et que les frontières de ces deux pays ne cessent d'évoluer tout au long de la guerre si bien que les statistiques de la bureaucratie nazie se réfèrent souvent à des territoires dont les frontières sont mouvantes[143] . En résumé, l'ampleur du génocide lui-même, les circonstances de la persécution et de la guerre, l'ambiguïté même de la qualité de Juif rendent impossible de chiffrer précisément le nombre de victimes, encore moins de les catégoriser : Hilberg donne finalement l'estimation de 5.1 millions de victimes juives.


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Les victimes par pays D’après Raul Hilberg dans Selon les frontières d’avant guerre[144] . Les quelques pourcentages indiqués sont tirés du site du CCLJ[145] : • Pologne : plus de 3000000 (8 % de survivants) • URSS : plus de 700000 • Roumanie : 270000 • Tchécoslovaquie : 260000 • Hongrie : plus de 180000 • Lituanie : jusqu'à 130000 • Allemagne : 130000 • Pays-Bas : plus de 100000 (25 % de survivants)

• • • • • • • • • • •

La proportion des morts de l'Holocauste sur l'ensemble des crimes nazis.

France : 75000 Lettonie : 70000 Yougoslavie : 60000 Grèce : 60000 Autriche : plus de 50000 Belgique : 24000 Italie (Rhodes comprise) : 9000 Estonie : 1000 Norvège : moins de 1000 Luxembourg : moins de 1000 Ville libre de Dantzig : moins de 1000

Total : Environ 5122000 Le tableau se réfère aux frontières de 1937. Les Juifs convertis au christianisme sont compris dans ces chiffres et les réfugiés sont comptés dans les pays à partir desquels ils ont été déportés. Selon Jacob Robinson[146] : • Pologne et URSS : 4565000 • Allemagne : 125000 • Autriche : 65000 • Tchécoslovaquie (dans les frontières de 1937) : 277000 • Hongrie (dans les frontières de 1942) : 402000 • France : 83000 • Belgique : 24000 • Luxembourg : 700 • Italie : 7500 • Pays-Bas : 106000 • Norvège : 760 • Roumanie : 40000 • Yougoslavie : 60000 Les noms des victimes sur les murs de la synagogue Pinkasova à Prague.

• Grèce : 65000 Total : 5820960


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Les victimes par année D'après Hilberg[144] • • • • • •

1933-1940 : < 100000 1941 : 1100000 1942 : 2600000 1943 : 600000 1944 : 600000 1945 : > 100000

Total : 5100000

Nombre de victimes selon la cause du décès D'après Hilberg[147] . • Constitution de ghettos et privations : plus de 800000 • Ghettos de l'Europe de l’Est sous occupation allemande : plus de 600000 • Theresienstadt et privations à l'extérieur des Ghettos : 100000 • Colonies de Transnistrie (Juifs roumains et soviétiques) : 100000 • Fusillades à ciel ouvert : 1400000 • Camps : 2900000 • Camps d'extermination créés par l'Allemagne • Auschwitz : jusqu'à 1000000 • Treblinka : jusqu'à 800000 • Belzec : 434508

Charnier de Bergen-Belsen, avril 1945.

• Sobibor : plus de 150000 • Chełmno (Kulmhof) : 150000 • Majdanek (Lublin) : 50000 • Camps responsables de quelques dizaines de milliers de victimes ou moins : 150000 • Camps créés par la Roumanie : 100000 • Camps créés par la Croatie et autres : moins de 50000 Total : 5100000, dont 2700000 dans les chambres à gaz.

Les victimes françaises Selon des chiffres établis par l'association des Fils et filles de déportés juifs de France présidée par Serge Klarsfeld et publiés en 1985 • 75721 Juifs, dont près de 11000 enfants, ont été déportés de France de mars 1942 à août 1944, la plupart vers le camp d'Auschwitz. • 74 convois au total sont partis en direction des camps de concentration ou d'extermination, le premier de Compiègne le 27 mars 1942 et le dernier de Clermont-Ferrand le 18 août 1944. • Près de 90 % de ces 76000 Juifs ont été déportés de France vers Auschwitz. Les 43 convois déportés en 1942, l'ont été en direction d'Auschwitz-Birkenau. En 1943, sur 17 convois de déportés, 13 étaient à destination d'Auschwitz et 4 de Sobibor. En 1944, les 14 convois étaient aussi à destination d'Auschwitz, sauf un parti pour Kaunas et Reval(voir convoi 73). • 2566 survivants étaient comptabilisés à la Libération en 1945, soit environ 3 % des déportés.


Shoah • Avec les 3000 morts dans les camps d'internement avant la déportation et le millier d'exécutions de Juifs, le bilan de la « solution finale » en France a atteint 80000 victimes. • Les nationalités les plus touchées parmi les Juifs déportés de France ont été les Polonais (environ 26000), les Français (24000 dont plus de 7000 sont des enfants nés en France de parents étrangers), les Allemands (7000), les Russes (4500), les Roumains (3300), les Autrichiens (2500), les Grecs (1500), les Turcs (1300), les Hongrois (1200). • Au moins 85 % des Juifs déportés de France ont été arrêtés par les forces de police françaises.

Conséquences et mémoire de la Shoah L’importance centrale de la Shoah dans la mémoire occidentale ne fut acquise qu’à partir de sa redécouverte dans les années 1970, et d’une meilleure compréhension de sa spécificité[148] . À l’heure actuelle, comme le note l’historien Tony Judt, la Shoah est devenue une pierre angulaire de l’identité européenne : « nier ou rabaisser la Shoah, c’est s’exclure soi-même du champ du discours public civilisé. (…) Sa mémoire est devenue la définition et la garantie même de l’humanité restaurée du continent[149] . »

Impact sur le droit international La Shoah marque un tournant historique car elle est l'occasion d'une prise de conscience internationale amenant plusieurs faits majeurs : • la création d'un tribunal international pour juger les crimes nazis, qui a servi de modèle au Tribunal de Tokyo, et à la cour pénale internationale de La Haye ; • la création de la notion juridique de crime contre l'humanité, imprescriptible ; • un mouvement de sympathie pour la création d'un État juif, Israël, au Proche-Orient ; • la proscription de l'antisémitisme en Occident : très répandu et considéré comme une opinion parmi d'autres avant la Shoah, il est désormais un tabou dans la sphère publique et un délit passible des lois, de même que dans certains pays la négation du judéocide ; • la création du concept de génocide, appliqué a posteriori à des phénomènes antérieurs (génocide arménien, génocide des Hereros), puis postérieurs (génocide au Rwanda, massacre de Srebrenica, etc.). Ce concept ne figure pas dans l'acte final du procès de Nuremberg, afin d'éviter des critiques juridiques sur la non-rétroactivité des lois pénales.

Réparations morales et reconnaissance du passé Les pays communistes refusèrent longtemps toute indemnisation des victimes juives, gommèrent l’identité juive des victimes du nazisme et n’admirent aucunement la responsabilité de leurs États dans les crimes passés. La RDA rejeta ainsi la responsabilité du crime sur les capitalistes ouest-allemands, et ne reconnut la responsabilité du peuple allemand dans la Shoah qu’après les premières élections libres de 1990, à la veille de disparaître. Après-guerre, le procureur de Hesse Fritz Bauer ne fut pas avare de ses efforts afin d'obtenir justice et compensations aux victimes du régime nazi. En 1958, il réussit à obtenir qu'un procès en action collective certifié ait lieu; le recueil des nombreuses réclamations individuelles de victimes aboutira aux procès dits “d'Auschwitz” de Francfort, dont la procédure débuta en 1963. Bauer fonda également, avec Gerhard Szczesny, le Syndicat Humaniste, une organisation des droits de l'Homme, en 1961. Après la mort de Bauer, l'Union fit un don pour financer le Prix Fritz Bauer. De plus, l'Institut Fritz Bauer, fut fondé en 1995, une organisation à but non lucratif consacrée aux droits civils, qui se concentre sur l'histoire et les conséquences de l'Holocauste. En 1970, le chancelier ouest-allemand Willy Brandt s’agenouilla spectaculairement devant le monument à la mémoire du ghetto de Varsovie.

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En 1995, lors d'un voyage en Israël, la reine Beatrix des Pays-Bas évoqua publiquement le sort des Juifs du pays, exterminés à 80 %. L'État avait attendu 1972 pour accepter de verser une indemnité aux rescapés[150] . En juillet 1995, le président Jacques Chirac reconnut la responsabilité de l’État français dans la rafle du Vel’ d’Hiv’ et la déportation des Juifs, évoquant la « dette imprescriptible » à leur égard. Dès sa première élection en 1990, le président polonais Lech Wałęsa s'est rendu en Israël pour dénoncer devant la Knesset l'antisémitisme passé et présent en Pologne, message confirmé en juillet 1991 pour l'anniversaire du pogrome de Kielce (juillet 1946). Néanmoins, il ne prononce pas une seule fois le mot « juif » lors de son discours au 50e anniversaire de la libération d’Auschwitz en 1995. Son successeur Aleksander Kwaśniewski a prononcé en juillet 2001 un discours solennel à l'occasion de l'anniversaire du massacre, à Jedwabne en 1941, d'un millier de Juifs par leurs voisins polonais, et a reconnu la responsabilité des Polonais dans ce crime et fait acte de repentance. Ces prises de position font suite à d'intenses débats publics dans le pays, notamment à propos du pogrome de Jedwabne[151] , au développement de la recherche historique et des actions associatives et éducatives depuis l'avènement de la démocratie[152] . En 2005, à la veille de l’entrée de son pays dans l’union européenne, le président Ion Iliescu reconnaît que la Roumanie a participé à la Shoah[153] . Le rapprochement judéo-chrétien conduit depuis l'entre-deux-guerres et relancé par le concile de Vatican II (1962-1965) (où la Shoah, encore peu redécouverte en Europe, n'a pas été évoquée) a parfois butté sur la question de l'attitude de la Papauté et d'une partie du clergé et des fidèles pendant le génocide. L'installation du carmel d'Auschwitz dans l'enceinte du camp, dans les années 1980, a provoqué une controverse longue de dix ans, les organisations juives dénonçant une tentative de gommer la spécificité juive du lieu au profit d'une « christianisation » et d'une récupération de la Shoah. Jean-Paul II, ancien archevêque de Cracovie et qui s'est rendu plusieurs fois à Auschwitz, mit fin à la polémique en 1993 en ordonnant le départ des carmélites. En septembre 1997, l'épiscopat français publiait à Drancy une déclaration de repentance pour les réactions insuffisantes de l'Église de France pendant la persécution raciale. En 1998, après plus de dix ans de travaux d'une commission d'historiens et d'hommes d'Église, la publication par le Vatican du document Souvenons-nous : une réflexion sur la Shoah n'apporta pas pleine satisfaction aux représentants juifs. Toutefois, la condamnation répétée de l'antisémitisme par Rome et par les Églises nationales (y compris polonaise), les demandes de pardon pour le long antijudaïsme du passé et les voyages de Jean-Paul II et Benoït XVI à Auschwitz ont démontré la rupture officielle de l'Église avec toute tentation antisémite. En mars 2008, la chancelière allemande Angela Merkel a évoqué la Shoah dans un discours devant la Knesset. « Nous autres, Allemands, la Shoah nous emplit de honte. Je m’incline devant ses victimes, ses survivants et ceux qui les ont aidés à survivre[154] ».

Réparations financières et restitutions des biens volés Dès l'après-guerre, une partie des biens volés aux Juifs ont pu être restitués. Mais c'est dans les années 1990 que l'aryanisation a commencé à faire l'objet d'études historiques spécifiques et d'enquêtes publiques approfondies, ainsi avec la mission Mattéoli mise en place en 1997 par le gouvernement français. En 1953, un traité signé entre la RFA et Israël prévoie le versement par Bonn d'une importante indemnité. Il est ratifié malgré l'opposition d'une partie de la classe politique allemande et de certains Israéliens choqués que Ben Gourion ait négocié directement avec les Allemands

Chaussures récupérées par les nazis sur les déportés gazés, Maidanek.


Shoah et Adenauer. Le traité sera scrupuleusement appliqué, avec 845 millions de dollars versés en 1965, 5000 employés fédéraux occupés à traiter 4276000 demandes. En 1973, le travail est considéré comme achevé à 95 %. Les réparations ont occupé jusqu'à 5 % du budget fédéral de l'Allemagne de l'Ouest[155] . À la fin des années 1980, près de 30 milliards de dollars d'indemnisations ont été versés, ce qui était conforme et même supérieur aux attentes des signataires du texte de 1953[156] . Les industries qui avaient exploité la main-d'œuvre concentrationnaire juive ont refusé après-guerre de reconnaître la moindre responsabilité morale et de verser la moindre indemnité. Selon Paul Johston, les grandes entreprises allemandes « ont résisté pied à pied à toute demande d’indemnisation dans un étonnant mélange de mesquinerie et d’arrogance ». 13 millions de dollars avaient été versés au milieu des années 1980 à moins de 15000 Juifs rescapés (les anciens esclaves d'IG Farben touchant 1700 $ chacun, ceux d'AEG Telefunken 500 $, d'autres encore moins) et rien n'avait été versé aux familles de ceux morts d’épuisement. Ce n'est qu'en 1999 qu'un fonds de compensation sera mis en place en Allemagne et en Autriche pour les anciens travailleurs forcés juifs des camps de la mort et des camps de travail, voire pour une partie des travailleurs civils amenés de force en Allemagne. Les États communistes refuseront de reconnaître la moindre responsabilité dans un crime attribué au capitalisme occidental, et a fortiori de verser la moindre indemnité jusqu'à leur disparition. L'Autriche, dont les foules avaient réservé un accueil triomphal à Hitler en 1938 et qui a fourni de loin la plus forte proportion de militants du NSDAP et de tueurs de la Shoah, se présentera comme « première victime du nazisme » et refusera durablement toute reconnaissance morale et financière.

Mémoire de la Shoah De l'occultation... Dans les premières années de l'après-guerre, la notion récente de génocide est loin d'être comprise par tout le monde, et beaucoup de contemporains n'ont pas conscience de la spécificité du sort qui a frappé le peuple juif, quand ils ne refusent pas de croire ou d'écouter les survivants, ou quand ils ne soupçonnent pas ceux-ci d'exagérer ou d'avoir collaboré pour survivre. Bien des rescapés, déjà fort peu nombreux, n'ont aucune envie d'insister eux-mêmes sur leur particularité, et préfèrent afficher leur appartenance retrouvée à la communauté nationale. C'est ainsi qu'en France, les victimes des déportations sont souvent absurdement déclarées « mortes pour la France », comme si enfants, vieillards et femmes étaient morts au champ d’honneur[157] . Le camp paradigmatique de l'enfer nazi n'est pas alors Auschwitz, lointain et maintenant inaccessible derrière le rideau de fer, mais Buchenwald, haut-lieu du martyre de la Résistance européenne. Antisémitisme officiel à l'Est oblige, rien sur le monument de Babi Yar en URSS ou de Birkenau en Pologne n'indique le caractère juif des victimes, et le musée national d'Auschwitz présente le camp comme le lieu de martyre des résistants de Pologne et d'Europe. Birkenau, où se trouvaient les chambres à gaz, est délaissé par les guides et les visiteurs jusqu'aux années 1990, et livré aux mauvaises herbes et à l'abandon relatif, après avoir été déjà saccagé en partie à la libération par des civils polonais à la recherche de « l'or juif » et de matériaux à récupérer. L'occultation se retrouve aussi de l'autre côté de l'Europe. C'est l'époque où Nuit et brouillard d'Alain Resnais (1955) peut montrer les chambres à gaz sans parler des Juifs. À la fin des années 1970, lors de l'élaboration du pavillon français à Auschwitz, un fonctionnaire obtient encore qu'il ne soit pas fait plus mention des Juifs que d'autres catégories, et que la collaboration et les divisions civiles françaises soient escamotées[158] . Le chef-d'œuvre de Primo Levi, Si c'est un homme (1945), a eu le plus grand mal à trouver un éditeur puis un public jusqu'aux années 1970. Le succès mondial dès les années 1950 du Journal d'Anne Frank et de ses adaptations théâtrale et filmique fait exception, en partie parce qu'il s'arrête à l'arrestation de la jeune fille et ne décrit ni la déportation ni l'extermination. En France, dès 1951, Léon Poliakov publie la première grande étude de la politique d'extermination des Juifs menée par les nazis dans son ouvrage Le Bréviaire de la Haine, préfacé par François Mauriac.

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Globalement, les États et les peuples préfèrent après-guerre mettre l'accent sur l'héroïsme des résistants et des combattants, plutôt que sur la souffrance et les victimes. Implicitement, ceux qui ont enduré la déportation sans avoir rien fait sinon naître juifs sont perçus comme forcément moins méritants que les résistants qui savent pourquoi ils ont été déportés[157] . Même Israël ne se référa pas à sa naissance à la Shoah, et préféra insister sur les quelques héros qui ont combattu les nazis les armes à la main plutôt que sur la masse de ceux tués sans pouvoir se défendre. Significativement, le génocide est commémoré le 19 avril, anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, et sous le nom de « Jour des Héros ». ...à la centralité La perspective ne se renverse qu'à partir du procès d'Adolf Eichmann en 1961, de la guerre des Six Jours (1967) avant laquelle l'opinion mondiale a sincèrement craint un « nouvel Auschwitz » en cas de victoire arabe, du réveil de la mémoire juive avec le changement de génération, et surtout des années 1970, où la spécificité de l'Holocauste et sa centralité sont désormais mieux établis par les historiens et mieux portés à connaissance d'un large public. La diffusion de la série télévisée Holocauste (1979) eut ainsi un énorme impact sur le public notamment américain ou allemand, comme ultérieurement les succès de La Liste de Schindler de Steven Spielberg ou de La Vie est belle de Roberto Benigni. En 1985, le documentaire Shoah de Claude Lanzmann eut un impact tel que le mot servit désormais à désigner le judéocide dans la plupart des langues, sauf les pays-anglo-saxons restés fidèles au terme d'Holocauste (cf. infra pour précisions). La nécessité de lutter contre les faussaires négationnistes à partir des années 1970 a également stimulé les travaux historiques et poussé de nombreux témoins à sortir de leur silence. Aucun nazi n'a jamais nié le crime lors de son procès, confirmé par les témoignages des victimes et de maints bourreaux, et les preuves matérielles et documentaires surabondaient, y compris de la main même des plus hauts responsables (journal de Goebbels, rapports et discours secrets de Himmler, testament de Hitler). Mais à partir des années 1970, dans le sillage de pionniers tels que les écrivains Maurice Bardèche (fasciste revendiqué) ou Paul Rassinier (ancien élu SFIO ensuite passé à l'extrême droite), de pseudo-historiens dont l'un des chefs de file est Robert Faurisson ont entrepris, notamment en France, de nier la réalité du génocide des Juifs. Leurs attaques se sont portées notamment sur l'existence des chambres à gaz (bien qu'au demeurant, celles-ci n'aient tué qu'un peu moins de la moitié des victimes, les autres ayant été affamées ou fusillées).

L'une des chambres à gaz d'origine, intacte, à Maidanek.

Selon les hommes et les groupes, leurs motivations premières ont pu être l'antisémitisme, la réhabilitation du nazisme, l'antisionisme radical (la Shoah présentée comme mensonge pour légitimer l'État d'Israël), ou un anticommunisme fanatique désireux en niant les crimes nazis et en gommant la spécificité de la Shoah de prouver que rien n'avait été pire que le communisme[159] . La contre-attaque menée par les historiens, les témoins et les pouvoirs publics a définitivement fait litière de leurs thèses. Elles continuent toutefois à trouver une audience favorable dans certains mouvements de l'extrême-droite européenne (plusieurs cadres du Front national, dont Jean-Marie Le Pen, ont régulièrement défrayé la chronique et été condamnés en justice pour des propos pour le moins ambigus sur la Shoah). À la faveur du conflit israélo-palestinien, elles sont très répandues dans le monde arabe et musulman. Élu en 2005, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a particulièrement multiplié les provocations sur la Shoah, qu'il a qualifié plusieurs fois de mythe, lançant un concours de caricatures sur l'Holocauste ou convoquant en 2007 une conférence négationniste à Téhéran. Malgré l'opposition d'une partie des historiens de la Shoah, certains États occidentaux ont adopté des lois


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contre la négation des crimes contre l'humanité nazis, ainsi Israël, l'Allemagne, l'Autriche ou encore la France avec la loi Gayssot de 1990. En réaction aux négationnistes, le président américain Jimmy Carter lance à Washington, en 1979, la construction de l'United States Holocaust Memorial Museum, le plus grand musée de l'Holocauste du monde. Inauguré en 1993, il avait été précédé en 1951 par le mémorial du martyr juif inconnu à Paris, ancêtre du mémorial de la Shoah ouvert en 2005, ou encore en 1953 par Yad Vashem à Jérusalem. Le phénomène récent de l'« américanisation de la Shoah » a été noté par les historiens de la mémoire telle Annette Wieviorka. Le terme désigne la place considérable prise par l'Holocauste dans la vie Mémorial des Juifs européens assassinés, ouvert publique américaine, l'importance du cinéma hollywoodien dans la au cœur de Berlin en 2005. mise à portée du génocide à un vaste public, le rôle de plus en plus grand de l'historiographie américaine, soutenue par les abondants moyens difficilement égalables des universités locales (les États-Unis sont un des rares pays où existent des chaires d'histoire de la Shoah)[160] . Controverses contemporaines et avenir d'une mémoire Largement reconnue comme le principal crime des nazis et, au-delà, comme l'un des plus grands crimes de l'Histoire, la Shoah, par son exceptionnalité même, a parfois aussi à son tour occulté ou renvoyé au second plan d'autres crimes des hitlériens[161] . La « querelle des historiens » (Historikerstreit), dans la RFA des années 1980, a tourné autour des propos controversés de quelques historiens conservateurs et nationalistes tels Ernst Nolte, accusés par d'autres tels Jürgen Habermas de vouloir « banaliser » la Shoah et « normaliser » le passé nazi, en gommant la spécificité génocidaire du judéocide, afin de mieux mettre en équivalent les crimes nazis et ceux du communisme et dédouaner à terme l'Allemagne des premiers au profit d'une dénonciation des seconds. Dans les pays de l'Est ex-communistes, la fin du système ancien s'est souvent accompagnée de résurgences publiques d'antisémitisme et de tentatives ouvertes de réhabilitation des anciens collaborateurs de Hitler. De surcroît, l'autovictimisation et la dénonciation virulente des décennies passées sous le communisme risque de laisser peu de place à la mémoire de la Shoah ni des compromissions de chaque pays dans la persécution[162] . La culpabilité liée à la Shoah en Allemagne a aussi pu être ressentie comme une impossibilité à parler des souffrances endurées par la population civile. Il est significatif que ce soit un historien de la Shoah, Jörg Friedrich, qui se soit senti autorisé à publier aussi la première somme sur les bombardements alliés sur le Reich[163] , ou un écrivain peu suspect de complaisance pour le nazisme, Günter Grass, qui ait pu évoquer dans un roman le torpillage du Wilhelm Gustloff et de ses milliers de réfugiés. La centralité prise par la question du génocide se reflète aussi par la multiplication des polémiques autour d'hommes et d'institutions accusés de complicité. Parmi les cas célèbres, le président autrichien et ancien secrétaire général de l'ONU Kurt Waldheim, les procès intentés par certains anciens déportés à des compagnies nationales de chemins de fer dont la SNCF, l'ouvrage retentissant démontrant qu'IBM a vendu aux nazis un système très perfectionné de fichage[164] , etc. D'autres controverses ont entouré les silences et les passivités d'acteurs accusés d'avoir négligé le sort des Juifs. On ne compte plus aujourd'hui les ouvrages et les discussions autour du silence du pape Pie XII, de celui du Comité international de la Croix-Rouge, de l'enlèvement de Raoul Wallenberg par les Soviétiques (sans grande réaction de sa Suède natale), du refus des Anglo-Saxons de bombarder Auschwitz, de la lenteur des États-Unis ou des responsables sionistes de Palestine à se préoccuper des déportations en Europe, de l'absence de toute action de la Résistance française pour arrêter les trains de déportation…


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Après l'Allemagne, chaque pays a eu aussi à redécouvrir son propre passé et ses propres compromissions dans le génocide, ou tout simplement ses passivités. La Suisse a ainsi redécouvert dans les années 1990 l'époque où elle refoulait les réfugiés juifs et acceptait d'abriter l'or volé dans les camps. La Belgique a redécouvert la compromission des autorités communales d'Anvers, là où celles de Bruxelles s'étaient refusé à coopérer. La France a redécouvert l'ampleur des compromissions du régime de Vichy dans la Solution Finale depuis les travaux de Robert Paxton (La France de Vichy, 1973) et d'une nouvelle génération d'historiens, qui ont démontré que les lois antisémites avaient été adoptées sans pression des Allemands, que les pouvoirs publics français étaient allés souvent spontanément au-devant de leurs exigences, que la police française a participé seule à la rafle du Vel’ d’Hiv’ ou que Pierre Laval a insisté pour que les Allemands emmènent les Juifs de moins de 16 ans dont ils ne voulaient pas au départ. Toutefois, ont été aussi redécouvert les efforts de nombreux inconnus pour sauver les Juifs : en témoigne l'inauguration au Panthéon, en janvier 2007, d'une inscription à la gloire des Justes de France. À l'heure de la disparition des derniers témoins de la Shoah, la question de la transmission de la mémoire aux futures générations est posée. En France, après une proposition controversée[165] du président Nicolas Sarkozy[166] , le 13 février 2008, de confier la mémoire d'un enfant juif déporté à chaque enfant élève de CM2, qui n'a pas été mise en application, le ministère de l'Éducation nationale a ouvert le 5 décembre 2008 un site web dédié à l'enseignement de la Shoah[167] . Il comprend une brochure et plusieurs documents pédagogiques et fait suite aux propositions d'un rapport[168] .

Condamnation de la négation de la Shoah par l'ONU Le 23 janvier 2007, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a adopté la résolution 61/L.53 condamnant la négation de l'Holocauste en ces termes : L’Assemblée générale, […] Notant que le 27 janvier a été désigné par l’Organisation des Nations unies Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste, 1. Condamne sans réserve tout déni de l’Holocauste ; 2. Engage vivement tous les États membres à rejeter sans réserve tout déni de l’Holocauste en tant qu’événement historique, que ce déni soit total ou partiel, ou toute activité menée en ce sens[169] .

Évocation de la Shoah dans les arts L'ampleur de l'atrocité révélée au monde à la libération des camps et au cours du procès de Nuremberg marque profondément les esprits. Ce sentiment d'horreur ou de désolation s'exprime dans la production artistique de le seconde moitié du XXe siècle, d'abord par la publication de témoignages de victimes puis par la représentation explicite ou métaphorique de la Shoah.

Musique • A Survivor from Warsaw, oratorio d'Arnold Schönberg (1947) • Different Trains, pièce pour quatuor à cordes et bande de Steve Reich (1988)


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Historiographie du génocide Tendances générales Les ouvrages pionniers entre tous furent le Bréviaire de la Haine de Léon Poliakov, publié pour la première fois en 1951, et La Destruction des Juifs d'Europe publié dès 1955 par l'historien américain Raul Hilberg ; ces deux ouvrages ont connu plusieurs rééditions à chaque fois enrichies par leur auteur. À partir du réveil des années 1970, la Shoah est devenue de loin l'un des événements les plus étudiés de l'Histoire contemporaine, sinon de l'Histoire universelle. Traditionnellement, deux historiographies parallèles étaient consacrées l'une à l'étude des bourreaux, l'autre à celle des victimes. Au premier courant peuvent se rapporter les travaux de Omer Bartov, Philippe Burrin, Christopher Browning, Daniel Goldhagen, Jean-Claude Pressac, Ian Kershaw, Christian Gerlach, ou encore Léon Poliakov. Au second se rattacheraient plutôt les ouvrages, pour la France, de Anne Grynberg, Serge Klarsfeld, Michael Marrus, ou Renée Poznanski. La somme de Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs (1997-2007), dresse la première synthèse des deux courants, en intégrant et en articulant à la fois de très nombreux témoignages personnels de victimes, des aperçus généraux et les points de vue des décideurs et des exécutants. Ces dernières années, les travaux historiques les plus neufs ont porté sur la mémoire de la Shoah (Annette Wieviorka notamment), sur l'aryanisation (Philippe Verheyde, Jean-Marc Dreyfus, Florent Le Bot, etc.), sur la redécouverte des crimes de guerre de la Wehrmacht (une exposition itinérante allemande démontrant la compromission des officiers et des soldats allemands dans les massacres de Juifs et autres atrocités à l'Est a considérablement contribué à détruire, à partir de 1997, le mythe d'après-guerre d'une « Wehrmacht aux mains propres » qui aurait mené une guerre honorable au contraire des SS). Une autre tendance importante est le regain d'intérêt pour la « Shoah par balles », mise en lumière auprès du grand public par les efforts du père Patrick Desbois et de son équipe, dans les années 2000, pour retrouver et ouvrir en ex-URSS les fosses communes des Juifs fusillés par les Einsatzgruppen, et pour mettre à profit les paroles des derniers témoins, ainsi que les archives soviétiques désormais accessibles plus facilement aux chercheurs occidentaux. Il faut cependant remarquer que cette « Shoah par balles » était déjà connue et étudiée par les historiens[170] .

Le débat sur la genèse de la Shoah Dans les années 1980 surtout, la discussion sur la genèse précise du génocide a opposé intentionnalistes et fonctionnalistes. Pour les premiers, l'intention d'exterminer les Juifs d'Europe a précédé la déclaration de guerre. C'est le cas, notamment, de Léon Poliakov, de Saul Friedländer, d'Eberhard Jäckel, de Lucy S. Dawidowicz, ou de Daniel Jonah Goldhagen. Ils s'appuient sur plusieurs textes de Hitler, notamment des lettres de 1919 et 1920[171] . Dans un premier texte antisémite de 1919, Hitler développe un « antisémitisme rationnel ». Dès cette époque, il explique qu'on « doit faire des Juifs des étrangers par la loi » et que le but ultime est « l'expulsion des Juifs » du corps social[172] . Le schéma des persécutions des Juifs du IIIe Reich est déjà tracé. Curieusement, l'antisémitisme rationnel s'oppose aux pogroms. À la violence populaire, il préfère la solution de la loi ce qui sera appliqué à partir de son arrivée au pouvoir[173] . Les historiens s'appuient aussi sur des passages de Mein Kampf[174] , ou le discours du 30 janvier 1939, selon lequel une nouvelle guerre mondiale conduirait à « l'anéantissement de la race juive en Europe »[175] . En opposition à cette thèse, plusieurs historiens, en particulier Martin Broszat, Arno Mayer et Philippe Burrin, pensent que les nazis n'avaient pas choisi la Solution finale avant 1941. L'antisémitisme extrême des nazis est, d'après cette thèse, la condition nécessaire de la Shoah plutôt que sa cause directe. Les nazis auraient décidé d'exterminer seulement après que l'invasion de la Pologne et de l'URSS a placé des masses considérables de Juifs sous leur autorité, et après une émulation au sein de la « polycratie nazie » (Martin Broszat). Après le début de la guerre, Himmler écrit dans son

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Shoah journal, à la suite d'une rencontre avec Hitler le 18 décembre 1939 : « Question juive ! À exterminer comme des partisans. » Il s'agit de ce qui se rapproche le plus, en langue codée, d'un ordre du Führer pour éliminer tous les Juifs d'Europe[176] . Dans les années 1990 et 2000, d'autres historiens, tels Ian Kershaw, ont tenté de dépasser ce débat[177] . Selon Kershaw, le Führer, doté de son « pouvoir charismatique » d'un genre inédit, est l’homme qui rend possible les plans caressés de longue date à la « base » : sans qu’il ait nullement besoin de donner d’ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise les nombreux antisémites d’Allemagne à déclencher boycotts et pogroms, ou les médecins d’extrême-droite tels Josef Mengele à pratiquer les atroces expériences pseudo-médicales et les opérations d’euthanasie massive dont l’idée préexistait à 1933. C'est ainsi aussi que sur le terrain, l’extermination des juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant souvent au-devant des décisions du Führer. Ces dernières ont été notamment l'œuvre d’officiers de la SS et de gauleiters fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters Albert Forster à Dantzig, Arthur Greiser dans le Warthegau ou Erich Koch en Ukraine ont ainsi particulièrement rivalisé de cruautés et de brutalités, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans[178] . Au-delà, Adolf Hitler, personnage fort peu bureaucratique et dépourvu de tout goût pour le travail suivi, laisse chacun libre de se réclamer de lui et d'agir à sa guise pour peu qu'il aille dans le sens global de ses volontés (ce qu'un fonctionnaire nazi résuma de la formule : « marcher en direction du Führer »). Chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe rivaux font de la surenchère, et essayent d’être les premiers à réaliser les projets fixés dans leurs grandes lignes par Hitler. C’est ainsi que la persécution antisémite va s’emballer et passer graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel[179] . Sans son pouvoir charismatique, Hitler n'aurait jamais pu lancer la Shoah sans rédiger un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : le simple Führersbefehl (ordre du Führer) était suffisant pour faire taire toute question, et entraînait l’obéissance quasi-religieuse et aveugle des bourreaux. Mais sans maints « Allemands ordinaires », SS ou généraux ayant intégré un discours hitlérien que beaucoup ne demandaient qu'à entendre, jamais les massacres des Einsatzgruppen ni Auschwitz ou Treblinka n'aurait été possible.

Archives de la Shoah Les archives de la Shoah sont conservées dans plusieurs établissements, notamment[180] : • En Allemagne, à Bad Arolsen, Potsdam, Coblence et (depuis 1996) Berlin. Ces centres ont récupéré la plupart des documents conservés, jusqu’à la fin des années 1960, les Archives nationales des États-Unis. • Au Centre de conservation des documents historiques de Moscou. • Au Yiddish Institute for Jewish Research (YIVO) et au Leo Abeck Institut, tous deux établis à New York. • Dans les archives de la police israélienne (documents produits pour le procès d’Adolf Eichmann) et à l’Institut de Yad Vashem (documents écrits et témoignages oraux de survivants). • Au Centre de documentation juive contemporaine, de Paris (documents nazis et juifs). Les débats tenus lors du procès de Nuremberg, ainsi que les documents utilisés à cette occasion, ont été intégralement reproduits dans Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international : Nuremberg, 14 novembre 1945-1er octobre 1946, ouvrage en 25 volumes publié à Nuremberg de 1947 à 1949 et réimprimé en 1993. Peu de collectes systématiques des témoignages oraux ont été faites. La Fondation Spielberg a toutefois entrepris depuis 1997 d'interroger tous les survivants possibles, chacun se voyant demander deux heures d'entretien sur la vie avant, pendant et après la Shoah[181] .

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Origine du mot Shoah Shoah est un mot hébreu qui signifie « anéantissement », « cataclysme », « catastrophe », « ruine », « désolation ». Il n’apparaît pas dans la Torah, mais trois fois dans les Prophètes (Isaïe, 10, 3[182] et 47, 11 Sophonie 1, 15) et trois fois dans les Autres Écrits (Psaumes 35, 8 et 63, 10, Job, 30, 3). Il est désormais préféré en France à « Holocauste », connoté religieusement et signifiant « sacrifice ne laissant subsister aucune trace de la victime ». D'autres pays, dont les pays anglo-saxons, continuent d'employer de préférence le terme d'Holocauste, ainsi que l'Organisation des Nations unies. C'est dans le quotidien Haaretz que le mot hébreu Shoah a été employé pour la première fois pour désigner les crimes nazis[183] . La Shoah est un génocide, terme initialement formé en 1944 par le juriste Raphael Lemkin afin de désigner l'extermination des Juifs d'Europe. Le terme français d’Holocauste est également utilisé et l’a précédé. L’utilisation du terme Shoah a surtout été constatée depuis les années 1990, consécutivement à la sortie du film de Claude Lanzmann, Shoah, en 1985. Il s'agit d'un film documentaire de neuf heures trente composé de témoignages. Ce film est exempt de tout document d'archives. C'est ce documentaire qui a imposé en français l'usage du nom Shoah après le choix par le réalisateur du mot hébreu qu'on trouvait déjà, par exemple, dans le texte hébreu de la Déclaration d'indépendance de l'État d'Israël de 1948. Claude Lanzmann justifie dans son film le titre de la façon suivante : « Si j’avais pu ne pas nommer ce film, je l’aurais fait. Comment aurait-il pu y avoir un nom pour nommer un événement sans précédent dans l’histoire ? Je disais la chose. Ce sont des rabbins qui ont trouvé le nom de Shoah. Mais cela veut dire anéantissement, cataclysme, catastrophe naturelle. Shoah, c’est un mot hébreu que je n’entendais pas, que je ne comprends pas. C’est un mot court, infracassable. Un mot opaque que personne ne comprendra. Un acte de nomination radicale. Un nom qui est passé dans la langue, sauf aux États-Unis[184] [réf. incomplète]. » Si le génocide juif perpétré pendant la Seconde Guerre mondiale est aujourd'hui communément appelé Shoah, certains récusent l'emploi de ce terme. C'est le cas du linguiste et traducteur Henri Meschonnic. Il précise que le terme shoah signifie « catastrophe naturelle » et ajoute : « Le mot "Shoah", avec sa majuscule qui l'essentialise, contient et maintient l'accomplissement du théologico-politique, la solution finale du "peuple déicide" pour être le vrai peuple élu. Il serait plus sain pour le langage que ce mot ne soit plus un jour que le titre d'un film »[185] . Le terme « Holocauste » est encore moins juste puisque il désigne un sacrifice rituel (ce qui n’a pas empêché les Américains de baptiser en 1993 leur musée United States Holocaust Memorial). Elie Wiesel conteste aussi ce terme autant que celui d'« holocauste » même s'il l'emploie également. Dans ses entretiens avec Michaël de Saint Cheron, en 1988, il dit lui préférer le terme hourban, qui, dans la littérature yiddish portant sur l'événement, signifie également « destruction » et se réfère à celle du Temple de Jérusalem. Par leur origine, ces trois termes soulignent la spécificité juive de l'événement[186] . Le terme « judéocide » est, aussi, employé, notamment par l'historien Arno Mayer dans La « Solution finale » dans l'histoire[187] .

Bibliographie Ouvrages généraux • François Bédarida (dir.), La Politique nazie d'extermination, éd. Albin Michel, 1989 • Id., Le Nazisme et le Génocide. Histoire et enjeux, éd. Nathan, 1989 • Georges Bensoussan, Histoire de la Shoah, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » 2006 (1re éd., 1996) • Colloque de l’École des hautes études en sciences sociales, L’Allemagne nazie et le génocide juif, coéd. Gallimard/Le Seuil, 1985 • Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, 1977 • Saul Friedländer, L’Allemagne nazie et les Juifs, éd. du Seuil, 1997, 2007 • Tome 1 : Les années de persécution : L'Allemagne nazie et les Juifs, 1933-1939


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100 • Tome 2 : Les années d'extermination : L'Allemagne nazie et les Juifs : 1939-1945 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, 2006, coll. « Folio »-histoire, trois vol. Id., Exécuteurs, victimes, témoins, éd. Gallimard, coll. « NRF »-essais, 1994 et « Folio »-histoire, 2004 Léon Poliakov, Bréviaire de la haine : le IIIe Reich et les Juifs, Presses pocket, 1993 (1re éd., Calmann-Lévy, 1951) Gerald Reitlinger, The Final Solution, New York, éd. Vallentine, Mitchell & Co, 1968

Historiographie • • • • • • • •

Christopher R. Browning, Des hommes ordinaires, Les Belles Lettres, 1994. Philippe Burrin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide, éd. du Seuil, 1989, et « Points »-histoire, 1995. Philippe Burrin, Ressentiment et apocalypse. Essai sur l’antisémitisme nazi, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 2007. Collectif, Devant l’histoire. Les documents de la controverse sur la singularité de l’extermination des juifs par le régime nazi, éd. du Cerf, 1988. Lucy S. Dawidowicz, A Holocaust Reader, New York, Behram House, 1976. Id., The Holocaust and The Historians, Harvard University Press, 1981, rééd., 1983. Id., “Perversions of The Holocaust”, Commentary, octobre 1989, p. 56-61. Gerald Fleming, Hitler et la Solution finale, éd. Julliard, 1988.

• Saul Friedländer, From Antisemitism to Extermination : A Historiographical Studie of Nazi Policies Toward the Jews, Yad Vashem Studies, XVI, 1984, p. 1-50. • Daniel Jonah Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler, éd. du Seuil, 1997 et « Points », 1998. • Édouard Husson, Une culpabilité ordinaire ? Hitler, les Allemands et la Shoah. Les enjeux de la controverse Goldhagen, éd. François-Xavier de Guibert, 1997. • Id., Comprendre Hitler et la Shoah. Les historiens de la République Fédérale d'Allemagne et l'identité allemande depuis 1949, Presses universitaires de France, coll. « Perspectives germaniques », 2000, rééd., 2002 (préface de Ian Kershaw). • Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, éd. Calmann-Lévy, 1973, rééd. Gallimard, « Tel », 1995. • Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme ? Problèmes et perspectives d'interprétation, éd. Gallimard, coll. « Folio » histoire, 1997, chapitre 5, « Hitler et l'Holocauste ». • Peter Longerich, « Nous ne savions pas ». Les Allemands et la Solution finale 1933-1945, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2008, 596 p. • Arno J. Mayer, La « Solution finale » dans l’histoire, éd. La Découverte, 1990 et 2002. • Kevin P. Spicer, Antisemitism, Christian Ambivalence, and the Holocaust, Indiana University Press, 2007. • (en)Dean, Martin: Robbing the Jews - The Confiscation of Jewish Property in the Holocaust, 1935 - 1945, Cambridge University Press, 2008.

Monographies • Danutha Czech et alii, Auschwitz. Geshichte und Wirkilchkeit der Vernichtungslager, Hambourg, 1980 • Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, éd. Fayard, 1996 (1re éd. 1963) • Tuwia Friedman, Sobibór, ein NS-Vernichtungslager im Rahmen der "Aktion Reinhard" : eine dokumentarische Sammlung von SS-Dokumenten, Haïfa, Institute of documentation in Israel for the investigation of nazi war crimes, 1998 • Eugen Kogon, Hermann Langbein et Aldabert Rückel, Les Chambres à gaz, secret d'État, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 2000 (1re éd., 1987) • Raul Hilberg et Joël Kotek (dir.), L'Insurrection du ghetto de Varsovie, éd. Complexe, 1994 • Eberhard Jäckel et Lea Rosch, »Der Tod ist ein Meister aus Deutschland«. Deportation und Ermordung der Juden, Kollaboration und Verweigerung in Europa, éd. Komet, 1990 • Helmut Krausnick et Hans-Heinrich Wilhem, Die Truppe des Weltanschauungskrieges, Stuttgart, 1981


Shoah • Ralf Ogorreck, Les Einsatzgruppen. Les groupes d’intervention et la genèse de la solution finale, Calmann-Lévy, 2007 • Léon Poliakov, Auschwitz, éd. Gallimard, 1973 ; rééd., 2006 • Jean-Claude Pressac, Auschwitz. Technique and operation of the gas chambers, The Beate Klarsfeld Foundation, New York, 1989 • Id., Les Crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, éd. du CNRS, 1993 • Richard Rhodes, Extermination, la machine nazie. Einsatzgruppen, à l'Est, 1941-1943, éd. Autrement, 2004 • Annette Wieviorka, Auschwitz, soixante ans après, éd. Robert Laffont, 2004 • Georges Wellers, Les chambres à gaz ont existé : des documents, des témoignages, des chiffres, éd. Gallimard, 1981 • Frédéric Rousseau, L'enfant juif de Varsovie. Histoire d'une photographie, Paris, Éditions du Seuil, 2009 (collection "L'Univers historique") (ouvrage primé par la Fondation Auschwitz (Bruxelles)" [188] au printemps 2009)

La Shoah dans les pays satellites • Frederick B. Chary, The Bulgarian Jews and the Final Solution, Pittsburg, 1972 • Carol Iancu, La Shoah en Roumanie, Publications de l'université de Montpellier, 2000 • Roanid Iadu, La Roumanie et la Shoah. Destruction et survie des juifs et des Tsiganes sous le régime Antonescu, 1940-1944, Maison des sciences de l'homme, 2003 • Ladislaus Hory et Martin Broszat, Der Kroatische Ustacha-Staat. 1941-1945, Stuttgart, 1964 • Laurent Joly, Vichy dans la Solution finale. Histoire du commissariat général aux questions juives (1941-1944), éd. Grasset, 2006 (ouvrage issu d'une thèse de doctorat en histoire) • Ladislav Lipscher, Die Juden im Slowakischen Staat. 1939-1945, Munich, 1980 • Michael Marrus et Robert Paxton, Vichy et les Juifs, éd. Calmann-Lévy, 1981, rééd. Librairie générale française, « Le Livre de poche », 1990 et 2004 • Marie-Anne Matard-Bonucci, L'Italie fasciste et la persécution des Juifs, éd. Perrin, 2007 • Edmond Paris, Genocide in Satellite Croatia. A Record of Racial and Religious Persecutions and massacres, Translated from the French by Louis Perkins, American Institute for Balkan Affaires, Chicago 1961

Victimes et témoins de la Shoah Un grand nombre d'œuvres a été recensé dans les articles suivants : Liste de témoignages et journaux intimes écrits pendant la Shoah et Liste de récits de rescapés de la Shoah. Le lecteur peut aussi consulter utilement. • Primo Levi, Si c'est un homme, traduction de Martine Schruoffeneger, Julliard, 1987; puis réédition en 2002, augmentée d'une interview de l'auteur par Philip Roth et deux autres textes inédits • Schlomo Venezia, Sonderkommando, ed. Albin michel 2007. • Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1975. • Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman (dir.), Le Livre noir sur l’extermination scélérate des juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l’URSS et dans les camps d’extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945 : textes et témoignages, éd. Actes sud, 1995, rééd. Librairie générale française, « Le Livre de poche », deux volumes, 2001 • Saul Friedländer, Kurt Gerstein ou l'ambiguïté du bien, Tournai, éd. Casterman, 1967 • Itzhok Noborski et Annette Wieviorka (éd.), Les Livres du souvenir : mémoriaux juifs de Pologne, éd. Julliard, coll. « Archives », 1983 • Georges Gheldman, 16 juillet 1942, 2005, Berg International. On trouve en annexe de cet ouvrage la retranscription intégrale du témoignage de Georges Gheldman lors du procès de Maurice Papon. • Les Disparus de Daniel Mendelsohn, la recherche par l'auteur de témoins du destin de partie de sa famille disparue dans la Shoah en Ukraine

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La Shoah, les grandes puissances et les pays neutres • • • • • • • •

Carlo Falconi, Le Silence de Pie XII, éd. du Rocher, 1965 Saul Friedländer, Pie XII et le IIIe Reich, éd. du Seuil, 1964 Guenter Lewy, L'Église catholique et l'Allemagne nazie, éd. Stock, 1965 Michael Fayer, L’Église et les Nazis. 1930-1965, Liana Levi, 2002 (traduit de l’anglais des États-Unis par Claude Bonnafont) Martin Gilbert, Auschwitz and the Allies: A Devastating Account of How the Allies Responded to the News of Hitler's Mass Murder, Owl Books, 1990 Jean-Pierre Richardot, Une autre Suisse, 1940–1944, éditions du Félin, 2002 Stanford Jay Shaw, Turkey and the Holocaust: Turkey's Role in Rescuing Turkish and European Jewry from Nazi Persecution, 1933-1945, New York University Press, 1993 David S. Wyman, L'Abandon des Juifs. Les Américains et la solution finale, éd. Flammarion, 1987

Voir aussi Liens internes • Littérature de la Shoah • • • • • •

Cinéma et Shoah Système de marquage nazi des prisonniers Négation de la Shoah | Négationnisme | Révisionnisme Devoir de mémoire Histoire des Juifs en Allemagne Porajmos | Programme Aktion T4

Liens externes Sites généraux • Chronologie de la Shoah, des origines à Nuremberg [189] : les dates qui comptent dans la montée en puissance de l'antisémitisme nazi. • Chronologie [190], sur Akadem • Encyclopédie multimédia de la Shoah (en français) [191] USHMM • Le site du mémorial de la Shoah [192] : archives, documents pédagogiques, témoignages. • Le site de la Fondation pour la mémoire de la Shoah [193] : La Fondation pour la Mémoire de la Shoah est créée par décret du gouvernement français le 26 décembre 2000. Présidente d'honneur Simone Veil. • Une approche thématique et chronologique de la Shoah sur Histoire des Juifs.com [194]. • Association Fond Mémoire d'Auschwitz [195] : Chronologie et explications : pourquoi, comment ? • Ressources documentaires sur le génocide nazi et sa négation [196].


Shoah La Shoah par balles • La Shoah par balles, les victimes juives des Einsatzgruppen en Europe de l'Est [197] : recherches de l'équipe du Père Patrick Desbois, président de Yahad In Unum [198] • Exposition « La Shoah par balles » [199] au Mémorial de la Shoah Les victimes • Exil ordinaire [200] Les réfugiés juifs autrichiens et allemands en France et en Belgique, avant la déportation, une vie d'exil • Extermination par fusillade en Lettonie [201] • La musique dans les camps de concentration [pdf] [202] • Sonderkommando.info (en français) [203] Un site consacré aux prisonniers des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau Les bourreaux • Les Einsatzgruppen, une introduction [204] • L'Extermination au jour le jour dans les documents allemands [205]

Références [1] En France, l'usage a consacré l'usage du terme « Shoah », de préférence à celui d'« Holocauste ». Ainsi Le Petit Larousse (2004) précise-t-il à l'entrée « Holocauste » : « génocide des Juifs d'Europe perpétré par les nazis et leurs auxiliaires de 1939 à 1945 […]. On dit plus couramment Shoah. » Et à l'entrée « Shoah » : « mot hébreu signifiant "anéantissement" et par lequel on désigne l'extermination systématique de plus de cinq millions de Juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. » De même, l’Encyclopædia Universalis indique à l'entrée « Shoah » : « En hébreu, shoah signifie catastrophe. Ce terme est de plus en plus employé, de préférence à holocauste, pour désigner l'extermination des juifs réalisée par le régime nazi. » Cf. Encyclopædia Universalis, extrait en ligne (http:/ / www. universalis. fr/ encyclopedie/ C010055/ SHOAH. htm). [2] Donald Niewyk et Francis Nicosia, The Columbia Guide to the Holocaust, Columbia University Press, 2000, p. 45 : « The Holocaust is commonly defined as the murder of more than 5000000 Jews by the Germans in World War II » : « Le mot "Holocauste" désigne communément l'assassinat de plus de 5000000 Juifs par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. » The Columbia Guide to the Holocaust (http:/ / books. google. ca/ books?id=lpDTIUklB2MC& pg=PP1& dq=Niewyk,+ Donald+ L. + The+ Columbia+ Guide+ to+ the+ Holocaust& sig=4igufxQHRCNrkjwRuMt1if_mf5M#PPA45,M1), extraits en ligne. [3] Le chiffre de six millions de victimes a été présenté lors du procès de Nuremberg (Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, éd. La Découverte, 2005, p. 27). L'historien Raul Hilberg, dans son ouvrage La Destruction des Juifs d'Europe (éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2251), arrive au chiffre de 5.1 millions de morts, au minimum, après avoir dépouillé les archives du IIIe Reich . [4] « Comme le crime en question est aussi énorme que complexe, qu’il supposait la participation d’un grand nombre de personnes, à différents niveaux et de différentes manières — les auteurs des plans, les organisateurs, les exécutants, chacun selon son rang — il n’y a pas grand intérêt à faire appel aux notions ordinaires de conseils donnés ou sollicités dans l’accomplissement du crime. Car ces crimes furent commis en masse, non seulement du point de vue du nombre des victimes, mais aussi du point de vue de ceux qui perpétrèrent le crime et, pour ce qui est du degré de responsabilité d’un de ces nombreux criminels quel qu’il soit, sa plus ou moins grande distance par rapport à celui qui tuait effectivement la victime ne veut rien dire. Au contraire, en général le degré de responsabilité augmente à mesure qu’on s’éloigne de l’homme qui manie l’instrument fatal de ses propres mains. » Jugement de la Cour israélienne au terme du procès d'Adolf Eichmann, cité par Hannah Arendt in Eichmann à Jérusalem (Gallimard, 1966 ; Folio histoire traduction révisée 2002, p. 431) [5] voir la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, adoptée par les Nations unies en 1968 Texte de la Convention (http:/ / www. cicr. org/ dih. nsf/ FULL/ 435?OpenDocument). [6] voir la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par des Nations unies en 1948. [7] Les précédentes Conventions de Genève (de 1929), en vigueur durant la Deuxième Guerre mondiale, concernaient uniquement les combattants blessés ou malades (sur terre et sur mer) ou faits prisonniers. [8] Voir à ce sujet la querelle des historiens allemands et par exemple les réflexions de Zygmunt Bauman dans Modernité et Holocauste [9] [réf. incomplète]Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Seuil, 1992 [10] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006 Tome I, chapitre 3, Les Structures de la destruction, p. 100-113 [11] Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe Folio, 2006 Tome I, chapitre 3, Définition par décret, p. 114-142 [12] Pour la définition des Mischlinge, Voir Hilberg, Folio 2006, p. 121-142 [13] Hilberg, Folio 2006, p. 127 [14] Daniel Bovy, Dictionnaire de la barbarie nazie et de la Shoah, Éditions Luc Pire, Liège, 2006, p. 75

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Shoah [15] Hilberg, Folio 2006, T2, p. 1134-1135 [16] Pour la seule Allemagne, voir Hilberg, Folio, 2006, p. 143-274 [17] C'est ce que montre Hilberg dans le tome 2 de La Destruction des juifs d'Europe lorsqu'il passe en revue les pays sous domination nazie [18] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide. [19] Marc Mazower, Le Continent des ténèbres. Une histoire de l'Europe au XXe siècle, p. 186 [20] Raul Hiberg, La Destruction des Juifs d'Europe, T.2, Foliohistoire, 2006, p. 718 [21] Ian Kershaw, Hitler, t. II, Flammarion, 2000 [22] Adolf Eichmann, Ich, Adolf Eichmann, p. 178-179, cité dans Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, 2006, tome II, p. 726 [23] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 331/334 [24] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 394/395 [25] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 398/399 [26] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 448 [27] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 481/487 [28] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 647/648 [29] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, 1977, p. 197. [30] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 198. [31] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 521/522. [32] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 524/542. [33] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 525/534. [34] Raul Hilberg, T.1, p. 570 [35] Raul Hilberg, T.1, p. 571 [36] Raul Hilberg, T.1, p. 572 [37] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 553/563. [38] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 650/653 [39] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 653/654 [40] Raul Hilberg, T.1, p. 597-598 [41] Raul Hilberg, T.1, p. 601 [42] Raul Hilberg, T.1, p. 602 [43] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 209 [44] Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, 1993, tome II, p. 526. [45] Raul Hilberg, T. 1, p. 663 [46] Raul Hilberg, T. 1, p. 664 [47] Raul Hilberg, T. 1, p. 665 [48] Raul Hilberg, T. 1, p. 666 [49] Raul Hilberg, T. 1, p. 686-688 [50] Raul Hilberg, T. 1, p. 706 [51] Article "Génocide", in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, Éd. Verlag, 2008 [52] Joël Kotek, Les origines de la solution finale, in Une si longue nuit. L'apogée des régimes totalitaires en Europe, dirigé par St. Courtois, Éd. du Globe, 2000 [53] Philippe Burrin, article Shoah, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007 [54] Joël Kotek, op. cit. [55] Ce point est analysé par Raul Hilberg dans le film Shoah de Claude Lanzmann, 1985. [56] Chronique de l'Humanité, Éditions Chronique, 1986, rééd. 1996, p. 1076 [57] Lucy S. Dawidowicz, La guerre contre les Juifs, Hachette, 1975, p. 612 [58] François Bédarida,Le Nazisme et le génocide. [59] Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, op. cit. [60] Elie Barnavi (dir.), Histoire universelle des Juifs, Hachette, 2002, p. 233 [61] Article « Génocide », in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, op. cit. [62] Le commandant d'Auschwitz parle, La Découverte, 1988. [63] Article « Génocide », in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, éd. Verlag, 2008. [64] Chiffres cités par Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1975, p. 59. [65] Des Voix sous la cendre. Manuscrits des Sonderkommados d'Auschwitz-Birkenau, présentés par Georges Bensoussan, Calmann-Lévy, 2005. [66] Paul Gradvohl, "Les déportations de Hongrie", in Laurent Joly, Tal Brutmann et Annette Wieviorka, Qu'est-ce qu'un déporté ?, CNRS Editions, 2009, p. 236-237 et p. 244 [67] Ibidem, p. 236 [68] Ibidem, p. 240 et p. 244 [69] ibidem, p. 245 [70] Cité par l'article « Génocide », in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, op. cit.

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Shoah [71] [72] [73] [74] [75] [76] [77] [78] [79] [80] [81] [82] [83] [84] [85] [86] [87] [88] [89] [90] [91] [92]

105 Dans l'argot des camps, ce jeu de mots à partir de l'allemand signifie : détenus mentalement et physiquement épuisés. Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs. Les années d'extermination, Seuil, 2008, p. 793 Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007, p. 40 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1264/1284 Raul Hilberg, T. 2, p. 1409-1410 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1410/1411 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1414/1415 Raul Hilberg, T. 1, p. 545 Raul Hilberg, T. 1, p. 546 Raul Hilberg, T. 1, p. 547 Raul Hilberg, T. 1, p. 548 Raul Hilberg, T. 1, p. 549 Raul Hilberg, T. 1, p. 676 Paul Johnson, Une histoire des Juifs, Robert Laffont, 1986 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1406 et 1409 Raul Hilberg cité in Konrad Kalejs: Target for Nazi hunters (http:/ / news. bbc. co. uk/ 2/ hi/ uk_news/ 589304. stm), BBC, 3 janvier 2000 Raul Hilberg, T. 1, p. 563 Raul Hilberg, T. 1, p. 566 Raul Hilberg, T. 1, p. 567 Raul Hilberg, T. 1, p. 568 Raul Hilberg, T. 1, p. 569 Paul Johnston, Une histoire des Juifs, 1986, p. 546

[93] Paul Johston, ibidem, p. 547 [94] Paul Johston, ibidem [95] Paul Johston, ibidem, p. 537 [96] Elie Barnavi (dir.), Histoire universelle des Juifs [97] Élie Barnavi (dir.), Histoire universelle des Juifs, op. cit. [98] Tony Judt, op. cit., p. 60 [99] Tony Judt, Après-Guerre, op. cit., p. 230 [100] Tony Judt, Après-Guerre, op. cit., p. 50 [101] Tony Judt, op. cit., p. 43 [102] Esther Benbassa, Histoire des Juifs sépharades, Points-Seuil, 1989, p. 389 [103] Chronique de la Seconde Guerre mondiale, Éditions Chronique, 1990, p. 291 [104] Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1975, p. 313. [105] Édouard Husson, p. 88. [106] Traduction française parue aux Éditions du Seuil en 1997 (ISBN 978-2020289825). [107] Raul Hilberg, p. 584-585 [108] Édouard Husson, p. 90 [109] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007, p. 73 [110] Paul Johnston, Une histoire des Juifs, 1986 [111] Voir : Querelle des historiens. [112] Édouard Husson, p. 86. [113] Laurent Theis, « L'industrie de mort nazie », Le Point, 21 février 2008 [114] Richard J. Evans, Le IIIe Reich 1939-1945, Flammarion, p. 864 [115] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide, introduction [116] Tony Judt, Après-Guerre, 2007, p. 952 [117] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide, Pockett, 1997 [118] L’attitude des alliés pendant le génocide (http:/ / pagesperso-orange. fr/ d-d. natanson/ allies. htm) [119] Stéphane Courtois et Adam Rayski, Qui savait quoi ? L'extermination des Juifs 1941-1945, La Découverte, 1987 [120] Élie Barnavi (dir), Histoire universelle des Juifs, op. cit., « Bombarder Auschwitz ? » [121] Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Points-Seuil, 1992, p. 1180 sq [122] Serge Klarsfeld, in Vichy-Auschwitz, bien que Michael Marrus et Robert Paxton, in Vichy et les Juifs, 1982, accordent moins d'importance au rôle de l'Église. [123] Pour Saül Fridelander, in Les Années d'extermination, Seuil, p. ?? [124] « Un rabbin dénonce le silence de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale », 6 octobre 2008, lire en ligne (http:/ / fr. news. yahoo. com/ rtrs/ 20081006/ twl-vatican-synode-rabbin-bd5ae06. html) [125] (es) El Holocausto pasó por España (http:/ / www. elpais. com/ articulo/ espana/ Holocausto/ paso/ Espana/ elpepuesp/ 20090131elpepunac_6/ Tes), article del País du 31 janvier 2009


Shoah [126] Site internet « Mémorial de la Shoah » in « La fuite hors de l'Europe occupée » http:/ / memorial-wlc. recette. lbn. fr/ wlc/ article. php?lang=fr& ModuleId=218 [127] Site internet « Mémorial de la Shoah » in « Raoul Wallenberg et le Sauvetage des Juifs à Budapest » http:/ / memorial-wlc. recette. lbn. fr/ wlc/ article. php?lang=fr& ModuleId=68 [128] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007, in « Épilogue : de la maison des morts ». [129] Saül Friedlander. Les Années d'extermination, Seuil, 2008, p. 417-418 [130] Esther Benbassa, Histoire des Juifs sépharades, Points-Seuil, 2002 [131] Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Points-Seuil, 1992, p. 1180 [132] Peter Longerich, Nous ne savions pas. Les Allemands et la Solution finale. Un aveuglement assassin, tr. fr. Éd. Héloïse d'Ormesson, 2008 [133] Hilberg, éd. 2006, tome 2, p. 1068 [134] Robert Paxton évoque cette question dans la comparaison entre la situation en France et la situation en Hollande, La France de Vichy, édition du Seuil, 1997, p. 426 [135] Dans le tome 2 de la Destruction des Juifs d'Europe, p. 1045-100 de l'édition de 2006, Hilberg cite L'ouvrage de référence , Louis de Jong, Het Koninkrijk der Nederlangen, vol. 8, non traduit en anglais [136] Raul Hilberg, T.2, p. 1108 (nationalité), p. 1118 (premières déportations juillet 42), p. 1120 (directive déporter aussi nationalité belge, déc. 1942) [137] (de)Norbert Elias, Studien über die Deutschen, Suhrkamp, 1992, p. 399. [138] Annette Wieviorka, L'Ère du Témoin, Hachette, Pluriel [139] Cité par Annette Wieviorka, L'Ère du Témoin, Hachette, Pluriel, p. 78 [140] Calmann-Lévy, 1951, rééd. 1974, p. 491-505. [141] (en) How many Jews were murdered in the Holocaust? (http:/ / www1. yadvashem. org/ about_holocaust/ faqs/ answers/ faq_3. html), FAQs au sujet de l'Holocauste, Yad Vashem [142] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2251. [143] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006, tome III, p. 2258. [144] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2273. [145] Les différentes formes de l'antisémitisme occidental [pdf] (http:/ / www. cclj. be/ regards/ img/ etudes/ etude_73. pdf) [146] Encyclopædia Judaica, vol. VIII, p. 890, repris dans Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, 1993, tome 2, p. 527 [147] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006, tome III, p. 2272. [148] Annette Wieviorka, « Comment la Shoah est entrée dans l'histoire », dans L'Histoire, no 294, Janvier 2005 [149] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007 [150] Tony Judt, op. cit., p. 941 [151] Jan T Gross, Sasziedzi [Voisins],Sejny, 2000 ; Pawel Machcewicz, Krzysztof Persak, Wokol Jedwabnego [Autour de Jedwabne], 2 volumes, Warszawa, IPN,2002 [152] Jean-Yves Potel, La fin de l'innocence,Paris, Editions Autrement, 2009, p. 29-63 [153] Tony Judt, ibidem [154] 18 mars 2008 M.B. (lefigaro.fr) avec AFP (http:/ / www. lefigaro. fr/ international/ 2008/ 03/ 18/ 01003-20080318ARTFIG00560-le-discours-historique-d-angela-merkel-a-la-knesset. php) [155] Paul Johnston, Une histoire des Juifs, 1986, p. 554 [156] Ibidem [157] Annette Wieviorka, Déportation et génocide, Hachette, 1995 [158] Annette Wieviorka, Auschwitz. La mémoire d'un lieu, Hachette, Pluriel, 2005 [159] Henry Rousso, Le Syndrôme de Vichy de 1945 à nos jours, Points-Seuil, 1996. Voir aussi Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, 2001, ou encore Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite, sur l'itinéraire de Paul Rassinier, résistant d'extrême-gauche rescapé de Buchenwald et devenu le père paradoxal du négationnisme. [160] Annette Wieviorka, L'Ère du Témoin, Hachette, 1991 [161] Ainsi le sort des déportés non-juifs dans les camps de concentration (résistants, Témoins de Jéhovah, homosexuels allemands, etc.), l'extermination des Tziganes (Porajmos), des handicapés mentaux ou des prisonniers de guerre soviétiques, la réduction des Polonais et des Soviétiques en « peuples de sous-hommes », ou encore le travail forcé auxquels furent soumis des millions de prisonniers de guerre et de travailleurs du STO et des pays de l'Est. [162] Tony Judt, Après-Guerre, op. cit., p. 960 [163] Jörg Friedrich, L'Incendie. L'Allemagne sous les bombes, 2004 [164] Edwin Black, IBM et l'Holocauste - L'alliance stratégique entre l'Allemagne nazie et la plus puissante multinationale américaine, Robert Laffont, 2001 [165] Shoah : confusion autour de la question des parrainages (http:/ / tempsreel. nouvelobs. com/ actualites/ politique/ 20080227. OBS2459/ shoah__confusion_autour_de_la_question_des_parrainages. html), Nouvelobs.com [166] Discours de M. le président de la République (http:/ / www. elysee. fr/ documents/ index. php?mode=cview& press_id=1043& cat_id=7& lang=fr) lors du dîner annuel du CRIF, 13 février 2008 [167] Mémoire et histoire de la Shoah à l'école (http:/ / www. shoah. education. fr/ )

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Shoah [168] Rapport sur l'enseignement de la Shoah à l'école primaire (http:/ / www. education. gouv. fr/ cid21471/ rapport-sur-l-enseignement-de-la-shoah-a-l-ecole-primaire. html), Hélène Waysbord-Loing, juin 2008 [169] Voir Texte de la Résolution sur le site de l'ONU [pdf] (http:/ / daccessdds. un. org/ doc/ UNDOC/ LTD/ N07/ 218/ 57/ PDF/ N0721857. pdf?OpenElement) [170] Voir C. Ingrao et J. Solchany, La Shoah par balles : les historiens oubliés, le 5 juin 2008 sur nonfiction.fr (http:/ / www. nonfiction. fr/ article-1172-la_shoah_par_balles__les_historiens_oublies. htm) ; consulté le 23 décembre 2008. Voir également l' exposition virtuelle (http:/ / www. memorialdelashoah. org/ upload/ minisites/ ukraine/ index. htm#) montée par le Mémorial de la Shoah de Paris. [171] « L’antisémitisme fondé sur des motifs purement sentimentaux, trouvera son expression ultime sous forme de pogroms. L’antisémitisme selon la raison doit, lui, conduire au combat législatif contre les privilèges des Juifs et à l’élimination de ces privilèges… Son but ultime doit, immuablement, être l’élimination des Juifs en général. » (lettre du 16 septembre 1919, Adolf Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen. 1905-1924, textes édités par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart, 1980, Doc 61, p. 88 et sqq., passage cité dans G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, Frison Roche édition, 1994, p. 13) ; « Le Juif en tant que ferment de décomposition (selon Mommsen) n’est pas à envisager comme individu particulier, bon ou méchant, [il est] la cause absolue de l’effondrement intérieur de toutes les races, dans lesquelles il pénètre en tant que parasite. Son action est déterminée par sa race. Autant je ne peux faire reproche à un bacille de tuberculose, à cause d’une action qui, pour les hommes signifie la destruction, mais pour lui la vie, autant suis-je cependant obligé et justifié, en vue de mon existence personnelle, de mener le combat contre la tuberculose par l’extermination de ses agents. Le Juif devient et devint au travers des milliers d’années en son action une tuberculose de race des peuples. Le combattre signifie l’éliminer. » (lettre du 3 juillet 1920, Hitler, op. cit., Doc 116, p. 15, cité dans G. Miedzianagora et G. Jofer, op. cit., p. 14). Voir aussi Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, p. 39 et sqq. [172] Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen, 1905-1925, Stuttgart, 1980, p. 88-90 [173] Lire dans l'article Histoire des Juifs en Allemagne, le paragraphe Discriminations et persécutions. [174] En particulier celui-ci : « Si l'on avait, au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d'hommes n'eût pas été vain. Au contraire, si l'on s'était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins on aurait peut-être sauvé l'existence d'un million de bons et braves Allemands pleins d'avenir. » (Adolf Hitler, Mon combat, Nouvelles éditions latines, 1934, p. 677-678) [175] Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, éd. Gallimard, coll. « Tel », 1995, p. 83 [176] Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, de la décision d'exterminer les Juifs d'Europe, Liana Levi, 1999, p. 53-69 [177] Dominique Vidal, Les Historiens allemands relisent la Shoah, éd. Complexe, 2002 [178] Ian Kershaw, Hitler, t. II, op. cit., passim [179] Ian Kershaw, Hitler, 2 vol. , Flammarion, 2000 [180] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 2275/2287 [181] Annette Wieviorka, L'Ère du témoin [182] Texte hébreu (http:/ / sefarim. fr/ ?Library=Prophètes& Book=Isaïe& Chapter=10& Verse=3) et traduction du Rabbinat dans Sefarim [183] Benny Ziffer, rédacteur en chef d’Haaretz, Interview sur le site nonfiction.fr (http:/ / www. nonfiction. fr/ article-781-polemique_sur_la_presence_disrael_au_salon_du_livre_un_entretien_exclusif_avec_benny_ziffer. htm), 1er mars 2008, consulté le 8 mars 2008. [184] Site en travaux (http:/ / www. humanite. presse. fr/ journal/ 2005-01-22/ 2005-01-22-455189) [185] Henri Meschonnic, « Israël : Pour en finir avec le mot "Shoah" » (http:/ / www. voxdei. org/ afficher_info. php?id=12902. 214), Le Monde, 24 février 2005. [186] Vincent Engel dans « Holocauste, Shoah ou judéocide ? » - Le Nouvel Observateur Hors-Série de janvier 2003 - décembre 2004 [187] La Découverte, 2002, 568 p. 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