Portraits de dictateurs

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Portraits de trois dictateurs La 1ère moitié du XX siècle sous l'emprise du culte de la personnalité

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Contenus Articles Adolf Hitler

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Benito Mussolini

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Joseph Staline

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Adolf Hitler

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Adolf Hitler Adolf Hitler

Adolf Hitler, en 1937. Mandats Führer 2 août 1934 – 30 avril 1945 Élection Chancelier Gouvernement Prédécesseur

Successeur

Par intérim suite à la mort de Paul von Hindenburg lui-même Cabinet Hitler Paul von Hindenburg comme président Karl Dönitz comme président 24e chancelier d'Allemagne 30 janvier 1933 – 30 avril 1945

Président Gouvernement Prédécesseur Successeur

Paul von Hindenburg puis lui-même Cabinet Hitler Kurt von Schleicher Joseph Goebbels Biographie

Date de naissance Lieu de naissance Date de décès Lieu de décès Nationalité

Parti politique Conjoint

20 avril 1889 Braunau am Inn (Autriche-Hongrie) 30 avril 1945 (à 56 ) Berlin (Allemagne) [1] autrichienne jusqu’au 7 avril 1925 allemande à partir du 25 février 1932 NSDAP Eva Braun


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Présidents de la République de Weimar Chancelier d'Allemagne

Adolf Hitler, né le 20 avril 1889 à Braunau am Inn en Autriche (alors en Autriche-Hongrie) et mort par suicide le 30 avril 1945 à Berlin, est un homme politique allemand, fondateur et figure centrale du nazisme, instaurateur de la dictature totalitaire désignée sous le nom de Troisième Reich (1933-1945). Porté à la tête de l’Allemagne par le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) qu’il reprend en 1921, il devient chancelier du Reich le 30 janvier 1933, puis se fait plébisciter en 1934 comme président, titre qu’il délaisse pour celui de Führer (« guide »). Sa politique expansionniste est à l'origine du volet européen de la Seconde Guerre mondiale, pendant lequel il fait perpétrer de très nombreux crimes contre l’humanité, dont la Shoah reste le plus marquant. L’ampleur sans précédent des destructions, des pillages et des crimes de masse dont il est le responsable, tout comme le racisme radical singularisant sa doctrine et l'inhumanité exceptionnelle des traitements infligés à ses victimes lui ont valu d'être considéré de manière particulièrement négative par l'historiographie, par la mémoire collective et par la culture populaire en général. Son nom et sa personne font généralement figure de symboles répulsifs[2] .

Jeunes années Origines et enfance Adolf Hitler naît le 20 avril 1889 à Braunau am Inn, une petite ville de Haute-Autriche près de la frontière austro-allemande dans l’auberge Gasthof zum Pommer, Vorstadt Nr. 219. Il est le quatrième des six enfants d’Alois Hitler et de Klara Pölzl. La plupart des enfants meurent en bas âge ; seule sa sœur cadette Paula († 1960) lui a survécu. Alois Hitler, le père d’Adolf, est douanier. Né hors mariage le 7 juin 1837, Alois porte d’abord le nom de famille de sa mère, Maria Anna Schicklgruber, mais le 6 juin 1876, il est légitimé par le mari de sa mère, et obtient un an plus tard le droit de porter le nom « Hitler ». Adolf n’utilisa jamais d’autre patronyme, et « Schicklgruber » ne resurgit que plus tard chez ses opposants politiques.

Alois, le père d’Adolf Hitler


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3 L’arbre généalogique d’Adolf Hitler laisse cependant planer de fortes suspicions de [réf. nécessaire] consanguinité . L’incertitude relative à ses origines n’est pas sans conséquence. Ainsi après l’Anschluss en 1938, il fait détruire Döllersheim, le village natal de son père, en le transformant en champ de tir.

Klara Pölzl (1860–1907), mère d'Adolf Hitler

L’enfance d’Adolf se passe sous la stricte discipline d’un père âgé, fonctionnaire retraité dès 1895. Le 3 janvier 1903, son père meurt, suivi le 21 décembre 1907 par sa mère, qui succombe à un cancer du sein. Élève médiocre à partir de son entrée à la Realschule (lycée) de Linz, où il croise la route du futur philosophe d'origine juive Ludwig Wittgenstein[3] , Hitler refuse déjà de suivre la voie paternelle.

Bohème à Vienne : les années de formation décisives (1908-1913) Devenu orphelin, vivant d’une petite bourse d'étude, il échoue par deux fois à l’examen d’entrée de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne en 1907 et le 8 octobre 1908. Une rumeur récurrente prétend que Hitler était seulement peintre en bâtiment ; une caricature féroce de Sennep a peut-être contribué à ancrer la légende. Il a en fait laissé des aquarelles, estimées au nombre de 2000, certes sans génie particulier, mais qui témoignent, au moins, du fait qu’il était capable d’en peindre et qu’il possédait en tout cas de très bonnes bases dans cette technique. En revanche, pendant ses années de « galère » après avoir échoué à l’examen d’entrée aux Beaux-Arts, Hitler occupa un emploi de manœuvre, comme il l’a mentionné dans Mein Kampf. Arbre généalogique d’Adolf Hitler

Autodidacte, grand lecteur[4] , et admirateur inconditionnel de la musique de Richard Wagner, tout comme son ami August Kubizek, il développe un intérêt profond pour l’architecture. Il vit de ses peintures, surtout des aquarelles, enchaîne les petits boulots, vivant dans une vie de bohème et de misère constante durant cinq ans, poussant même jusqu'à la mendicité. Plus tard, dans Mein Kampf, il écrit : « Cinq années pendant lesquelles je dus, comme manœuvre d’abord, ensuite comme petit peintre, gagner ma subsistance, maigre subsistance, qui ne pouvait même pas apaiser ma faim chronique. Car la faim était alors le gardien fidèle qui ne m’abandonna jamais, la compagne qui partagea tout avec moi. Chaque livre que j’achetai eut sa participation ; une représentation à l’opéra me valait sa compagnie le jour suivant ; c’était une bataille continuelle avec mon amie impitoyable. J’ai appris cependant alors comme jamais avant. Hors mon architecture, hors les rares visites à l’Opéra, fruit de mes jeûnes, je n’avais d’autre joie que des livres toujours


Adolf Hitler plus nombreux. » Adolf Hitler assiste aux séances du Parlement autrichien, il écrit plus tard son mépris pour la démocratie et le parlementarisme. Il étudie les thèses pangermanistes et observe l’influence de la politique sur les masses. Dans ce bastion de la social-démocratie autrichienne, il forge également son dégoût pour les doctrines marxistes. C'est aussi pendant les années de Vienne que se forge son antisémitisme, même si selon les conclusions de Ian Kershaw, il reste impossible de déterminer le moment exact et les raisons précises pour lesquelles Hitler est devenu antisémite. Il est acquis en effet que de son propre aveu, il n'était pas antisémite en arrivant à Vienne. Mais dans ce foyer de l'antisémitisme politique moderne, dirigé depuis 1897 par le maire populiste Karl Lueger, élu sur son programme foncièrement antisémite, Hitler a sûrement été largement influencé par l'abondante propagande antijuive qui circulait alors, à travers une foule de libelles, de caricatures, de journaux et de discours publics. Au printemps 1913, pour éviter son enrôlement dans l’armée de l’Empire austro-hongrois, État multi-ethnique qu’il exècre, il s’enfuit à Munich et vit en vendant ses peintures de paysages. Sa tentative d’échapper à la conscription est remarquée, mais, après avoir été refusé lors d’un examen médical à son retour en Autriche (pour constitution « trop faible »), il retourne à Munich.

Engagé volontaire dans la Première Guerre mondiale En 1914, exalté par l’entrée en guerre de l’Allemagne[5] , Hitler s’engage comme volontaire. Il se bat sur le front ouest dans le 16e régiment d’infanterie bavarois. Soldat enthousiaste, il est apprécié de ses pairs et supérieurs, qui lui refusent toutefois un avancement, jugeant qu’il ne possède pas les qualités d’un chef. Il remplit pendant presque toute la durée de la guerre la mission d’estafette entre les officiers. Fin septembre 1916, sa division part pour la bataille de la Somme. Hitler est blessé une première fois à la cuisse, le 7 octobre. Il rentre se faire soigner en Allemagne, à l’hôpital de Beelitz, près de Berlin. Après Adolf Hitler (à droite), soldat en 1915. une affectation à Munich, il revient sur le front des Flandres. Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1918, sur une colline au sud de Wervicq, près d’Ypres (Belgique), son unité subit un bombardement britannique au gaz moutarde. Touché aux yeux, il est évacué vers l’hôpital de Pasewalk, en Poméranie. Hitler est décoré de la Croix de fer 1re classe (distinction rarement accordée à un soldat engagé mais facilement octroyée à une estafette, du fait de ses contacts avec les officiers) pour avoir accompli le dangereux transport d’une dépêche. Ironie de l'Histoire, cette décoration lui est remise sur recommandation d’un officier juif[6] . Alors que l’Allemagne est sur le point de capituler, la révolution gagne Berlin et la Kaiserliche Marine se mutine. Le Kaiser Guillaume II abdique et part pour les Pays-Bas avec sa famille. Le socialiste Philipp Scheidemann proclame la République. Deux jours plus tard, le nouveau pouvoir signe l’armistice de 1918. De son lit d’hôpital, Hitler est anéanti par cette annonce. Il affirme dans Mein Kampf y avoir eu une vision patriotique, et d'avoir sur le coup « décidé de faire de la politique ». Toute sa vie, Hitler adhéra au mythe du « coup de poignard dans le dos », diffusé par la caste militaire, selon lequel l'Allemagne n'aurait pas été vaincue militairement, mais trahie de l'intérieur par les Juifs, les forces de gauche, les

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républicains. Jusqu'à ses derniers jours, le futur maître du Troisième Reich resta obsédé par la destruction totale de l'ennemi intérieur. Il voulait à la fois châtier les « criminels de novembre », effacer novembre 1918, et ne jamais voir se reproduire cet évènement traumatique, à l'origine de son engagement en politique.

Le combat politique À sa sortie d’hôpital en novembre 1918, Hitler retourne dans son régiment de Munich. Plus tard, il écrira que la guerre avait été « le temps le plus inoubliable et le plus sublime »[7] .

Hitler en 1919

Carte de membre du NSDAP d'Adolf Hitler, 1920.

Bien qu'Hitler ait écrit dans Mein Kampf avoir décidé de s'engager en politique dès l'annonce de l'armistice de 1918, il s'agit là surtout d'une reconstruction rétrospective. Comme le note Ian Kershaw, Hitler s'abstient encore de s'engager dans les premiers mois de 1919, ne songeant nullement par exemple à rejoindre les nombreux Corps francs — des unités paramilitaires formées par les anciens combattants d'extrême droite pour écraser les insurrections communistes en Allemagne puis la jeune République de Weimar elle-même. Sous l'éphémère République des conseils de Munich, il est resté discret et passif, et a probablement fait extérieurement allégeance

au régime[8] . Depuis le 9 novembre 1918, la Bavière est en effet entre les mains d’un gouvernement révolutionnaire, la Räterepublik ou « République des conseils », proclamée par le socialiste Kurt Eisner et virant de plus en plus à gauche après l'assassinat de ce dernier début 1919. La propre caserne de Hitler est dirigée par un conseil. Dégoûté, Hitler quitte Munich pour Traunstein. Cependant, en 1919, alors que le pouvoir est hésitant entre communistes du KPD et sociaux-démocrates du SPD, il se fait élire délégué de sa caserne, une première fois lorsque le pouvoir en Bavière est aux mains du SPD, puis une seconde fois en tant que délégué adjoint sous l’éphémère régime communiste (avril-mai 1919), juste avant la prise de Munich par les troupes fédérales et les Corps francs. Il n'a pas cherché à combattre ces régimes, sans pour autant avoir adhéré à aucun de ces partis, et il est probable que les soldats connaissaient ses opinions politiques nationalistes[9] ,[10] . Hitler reste théoriquement dans l’armée jusqu’au 31 mars 1921. En juin 1919, alors que la répression de la révolution fait rage en Bavière, son supérieur, le capitaine Karl Mayr[11] , le charge de faire de la propagande anticommuniste auprès de ses camarades. C'est au cours de ses conférences parmi les soldats qu'Hitler découvre ses talents d'orateur et de propagandiste, et que pour la première fois, un public se montre spontanément séduit par son charisme. C'est aussi de cette époque que date le premier écrit antisémite d'Hitler, une lettre qu'il a adressée, le 16 septembre 1919, à un certain Adolf Gemlich, sur l'initiative de son supérieur, le capitaine Karl Mayr[12] . Après une virulente attaque antisémite, dans laquelle il qualifie l'action des Juifs de « tuberculose raciale des peuples », il y oppose « antisémitisme instinctif » et « antisémitisme raisonné » : « L'antisémitisme instinctif s'exprimera en dernier ressort par des pogroms. L'antisémitisme raisonné, par contre, doit conduire à une lutte méthodique sur le plan légal et à l'élimination des privilèges du Juif. Son objectif final doit être cependant, en tout état de cause, leur bannissement »[13] .


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L'orateur charismatique du parti nazi (1919-1922) Début septembre 1919, Hitler est chargé de surveiller un groupuscule politique ultra-nationaliste, le Parti ouvrier allemand, fondé moins d'un an plus tôt par Anton Drexler. À la fin d'une réunion dans une brasserie de Munich, il prend la parole à l'improviste pour fustiger la proposition d'un intervenant. Remarqué par Drexler, il se laisse facilement convaincre d'adhérer et transforme le parti en Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP). Son magnétisme et ses capacités d'orateur en font un personnage prisé Quelques poses d'Adolf Hitler en train de discourir, photos de Heinrich Hoffmann, en des réunions publiques des extrémistes 1930. de brasserie. Ses thèmes favoris — antisémitisme, antibolchevisme, nationalisme — trouvent un auditoire réceptif. Mobilisant de plus en plus de partisans, il se rend indispensable au mouvement pour en exiger la présidence, que le groupe dirigeant initial lui abandonne dès avril 1921 après un ultimatum de sa part. Du fait de ses talents d’agitateur politique, le parti gagne rapidement en popularité, tout en restant très minoritaire. Hitler dote son mouvement d'un journal, le Völkischer Beobachter, lui choisit le drapeau à croix gammée pour emblème, fait adopter un programme en 25 points (en 1920) et le dote d'une milice agressive, les Sturmabteilung (SA). Il change également de style vestimentaire, s'habilla constamment de noir ou en tenue militaire, c'est à cette époque également qu'il se coupe la moustache, qui devient un de ses traits physiques célèbres. Au départ, Hitler se présente comme un simple « tambour » chargé d'ouvrir la voie à un futur sauveur de l'Allemagne encore inconnu. Mais le culte spontanément apparu autour de sa personnalité charismatique dans les rangs des SA et des militants le fait vite se convaincre qu'il est lui-même ce sauveur providentiel. À partir de 1921-1922, la conviction intime qu'il est désigné par le destin pour régénérer et purifier l'Allemagne vaincue ne le quitte plus[14] ,[15] . Son narcissisme et sa mégalomanie ne font en conséquence que s'accentuer, comme sa prédominance absolue au sein du mouvement nazi. C’est ce qui le différencie d'un Mussolini, au départ simple primus inter pares d'une direction collective fasciste, ou d'un Staline, qui ne croit pas lui-même à son propre culte, fabriqué tardivement pour mieux asseoir sa victoire sur Trotski et sur la vieille garde bolchevique. Inspiré par la lecture du psychologue Gustave Le Bon, Hitler met au point une propagande violente mais efficace. « L'idée centrale de Hitler est simple : lorsqu'on s'adresse aux masses, point n'est besoin d'argumenter, il suffit de séduire et de frapper. Les discours passionnés, le refus de toute discussion, la répétition de quelques thèmes assénés à satiété constituent l'essentiel de son arsenal propagandiste, comme le recours aux effets théâtraux, aux affiches criantes, à un expressionnisme outrancier, aux gestes symboliques dont le premier est l'emploi de la force. Ainsi, quand les SA brutalisent leurs adversaires politiques, ce n'est pas sous l'effet de passions déchaînées, mais en application des directives permanentes qui leur sont données. » — Henri Burgelin, « Les succès de la propagande nazie », in L'Allemagne de Hitler, p. 124.

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Adolf Hitler De sa vie, Hitler n'accepta jamais un débat rationnel ni contradictoire et ne parla que devant des auditoires acquis[16] . En janvier 1922, Hitler est condamné à trois mois de prison (dont deux avec sursis) pour « troubles à l’ordre public ». Il purge cette peine à la prison de Stadelheim de Munich entre juin et juillet 1922. Il est même menacé d’être expulsé de Bavière.

Le putsch manqué de Munich (9 novembre 1923) Admirateur fervent de Mussolini (dont un buste ornera durablement son bureau), Hitler rêve d'avoir à son tour sa « marche sur Rome » qui le fasse accéder au pouvoir par la force[17] . En novembre 1923, alors que l'économie s'est effondrée avec l'occupation de la Ruhr, que le Papiermark rongé par l'hyperinflation ne vaut plus rien et que des entreprises séparatistes ou communistes secouent certaines parties de l'Allemagne, Hitler croit le moment venu pour prendre le contrôle de la Bavière avant de marcher sur Berlin et d'en chasser le Les personnalités inculpées lors du procès d'Adolf Hitler en 1924, photo gouvernement élu. Les 8 et 9 novembre 1923, d'Heinrich Hoffmann il conduit avec le maréchal Erich Ludendorff le coup d'État avorté de Munich connu comme le Putsch de la Brasserie. Le complot bâclé est facilement mis en déroute, et lors d'un heurt de ses troupes avec la police devant la Feldherrnhalle, Hitler est lui-même blessé tandis que sont tués 16 de ses partisans, promus ultérieurement « martyrs » du nazisme. Le NSDAP est aussitôt interdit. En fuite, Hitler est arrêté le 11 novembre, inculpé de conspiration contre l’État, et incarcéré à la prison de Landsberg am Lech. À partir de cet instant, il se résoudra à se tourner tactiquement vers la seule voie légale pour arriver à ses fins. Mais dans l'immédiat, il sait exploiter son procès en se servant de la barre comme d'une tribune : la médiatisation de son procès lui permet de se mettre en vedette et de se faire connaître à travers le reste de l'Allemagne. Les magistrats, reflétant l'attitude des élites traditionnelles peu attachées à la République de Weimar, se montrent assez indulgents à son égard. Le 1er avril 1924, il est condamné à cinq ans de réclusion criminelle pour « haute trahison », dont il purgera moins d'une année, à la prison de Landsberg am Lech.

Constitution définitive d'une idéologie (1923-1924) Sa détention à Landsberg est considérée par Hitler comme « son université aux frais de l'État », qui lui permet de lire des ouvrages de Nietzsche, H. S. Chamberlain, Ranke, Treitschke, Karl Marx, et les mémoires de Bismarck et de généraux et hommes d'État alliés ou allemands[18] . Elle lui donne l'occasion de dicter à son secrétaire Rudolf Hess son ouvrage Mein Kampf, récit autobiographique, et surtout manifeste politique, appelé à devenir le manifeste du mouvement nazi. Hitler y dévoile sans fard l’idéologie redoutable qu’il a achevé de se constituer depuis 1919 (Weltanschauung), dont il ne variera plus et qu’il cherchera à mettre en pratique[19] . Outre sa haine de la démocratie, de la France « ennemie mortelle du peuple allemand », du socialisme et du « judéo-bolchevisme », sa doctrine repose sur sa conviction intime à base pseudo-scientifique d’une lutte darwinienne entre différentes « races » foncièrement inégales. Au sommet d’une stricte pyramide, se trouverait la race allemande ou « race des Seigneurs », qualifiée tantôt de « race nordique » et tantôt de « race aryenne » et dont les plus éminents

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Adolf Hitler représentants seraient les grands blonds aux yeux bleus. Cette race supérieure doit être « purifiée » de tous les éléments étrangers, « non-allemands », juifs, homosexuels, ou malades, et doit dominer le monde par la force brute. Au traditionnel pangermanisme visant à regrouper tous les Allemands ethniques dans un même État, Hitler ajoute la conquête d’un Lebensraum indéfini, à arracher notamment à l’Est aux « sous-hommes » polonais et slaves. Enfin, Hitler parle constamment d’« éradiquer » ou d’« anéantir » les Juifs, comparés à des vermines ou des poux, qui ne sont pas seulement pour lui une race radicalement inférieure, mais aussi radicalement dangereuse. Hitler a principalement emprunté sa vision ultra-raciste à Gobineau et à H. S. Chamberlain, son culte du surhomme à Nietzsche, son obsession de la décadence à Oswald Spengler et, enfin, les concepts de race nordique et d'espace vital à Alfred Rosenberg, idéologue du parti. Il puise aussi dans la « révolution conservatrice » animée par Arthur Moeller van den Bruck, dont il a lu l'ouvrage Le Troisième Reich. Selon la fiche signalétique établie par les renseignements français en 1924, le second prénom d'Adolphe (sic) Hitler est Jacob[20] ; Hitler est inscrit comme journaliste et est qualifié de « Mussolini allemand » avec ces notes : « Ne serait que l'instrument de puissances supérieures : n'est pas un imbécile mais très adroit démagogue. Aurait Ludendorf derrière lui. Organise des Sturmtruppen genre fasciste. Condamné à 5 ans de forteresse avec possibilité de sursis après 6 mois de détention[21] . » Après seulement treize mois de détention et malgré l’opposition déterminée du procureur Stenglein, il bénéfice d’une libération anticipée le 20 décembre 1924.

Réorganisation du parti (1925-1928) Craignant d’être expulsé vers l’Autriche, Hitler renonce à la nationalité autrichienne le 30 avril 1925. Devenu apatride et bien qu’il soit interdit de parole en public jusqu’au 5 mars 1927, il reconstruit son parti et retrouve une certaine popularité. Si ses succès électoraux restent modestes avant 1928, le NSDAP rend ses structures plus performantes et s’étend géographiquement. Il diversifie ses organisations de masse en créant des associations qui ciblent chacune une catégorie sociale : étudiants, paysans, ouvriers, femmes, intellectuels, jeunes (Hitlerjugend fondée en 1926), etc. Le Parti nazi constitue ses forces en contre-société et en contre-gouvernement susceptibles, le jour venu, de se substituer de plain-pied au pouvoir en place[22] . Allié à Julius Streicher, un propagandiste antisémite pornographe et très violent, dont la clientèle est centrée sur la ville de Nuremberg, Hitler fait de celle-ci la ville des congrès du parti. Le parti est implanté en Allemagne du Nord par les frères Otto et Gregor Strasser, qui mettent plus qu’Hitler l’accent sur le côté socialiste du nazisme et souhaitent l’alliance avec l’URSS contre les « ploutocraties » occidentales. Face à ces derniers, ses seuls concurrents sérieux pour la direction du parti, Hitler renforce son autorité personnelle. C’est à partir de cette date qu’il impose comme obligatoire dans le parti le salut nazi prononcé bras tendu — Heil Hitler ! ou, si l’on est face à lui, Heil mein Führer ! —, un rappel permanent de sa suprématie. C’est de cette époque aussi que date l’entrée en scène de Joseph Goebbels, Gauleiter de Berlin, l’un de ses plus fidèles soutiens — lequel, proche des frères Strasser au départ, avait d’abord traité Hitler de « petit-bourgeois » et demandé son exclusion du parti, avant de succomber à son charisme en 1926 et de devenir un des hommes clef du système nazi. Les SA, la brutale milice du parti qui s’illustre dans les agressions et les combats de rues, posent plus de problèmes à Hitler par leur recrutement plébéien assez large et par leur discipline souvent incertaine. La base des SA est partisane d'une « seconde révolution » et exaspérée par les compromis que doit faire le Parti nazi dans sa conquête du pouvoir. Leurs sections berlinoises, commandées par Walter Stennes, iront même jusqu'à saccager à plusieurs reprises les locaux du parti nazi entre 1930 et 1931[23] . Dès 1930, confronté à cette grave mutinerie de leur part, Hitler rappelle de Bolivie son ancien complice du putsch de 1923, Ernst Röhm, qu’il avait mis lui-même sur la touche en 1925 : ce dernier reprend leur tête et rétablit en partie l’ordre dans leurs rangs.

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Mais pour permettre à Hitler d’équilibrer la puissance des SA, c’est dès 1925 qu’Heinrich Himmler crée pour lui la SS : chargée de sa garde personnelle, cet « ordre noir », futur instrument de la terreur policière et génocidaire, est une élite beaucoup plus dévouée à la personne même du Führer que les SA. Hitler a toute confiance dans « le fidèle Heinrich », comme il qualifie cet exécutant à l’obéissance aveugle, qui lui voue une admiration notoirement fanatique. Hitler, dont le train de vie personnel ne cesse de s'embourgeoiser, s'attache aussi à se rendre respectable et rassurant aux yeux des élites traditionnelles. Pour rallier celles-ci, mieux se distinguer des frères Strasser et faire oublier son image d'agitateur plébéien et révolutionnaire, il se prononce par exemple pour l'indemnisation des princes allemands expropriés en 1918 au référendum de 1927. Le magnat de la Ruhr, Fritz Thyssen, lui apporte ainsi son soutien public. En 1928, le NSDAP marque le pas et peine à remonter la pente : seuls 2.6 % des votants lui accordent leur confiance aux élections législatives du 28 mai, et il compte moins de 180000 membres. Mais il n’a plus de concurrent sérieux à l’extrême droite, car de multiples groupuscules et petits partis de la mouvance völkisch (« nationale-raciste ») ont périclité après 1924-1925, tandis que le vieux maréchal Ludendorff, ancien participant du putsch de la Brasserie qu’Hitler avait habilement poussé à se présenter à la présidentielle de 1925, s’est disqualifié par son score médiocre. En 1929, pour mieux mener campagne contre le plan Young sur les réparations de guerre dues à la France, le magnat de la presse et chef nationaliste Alfred Hugenberg s'est allié à Hitler, dont il a besoin des talents oratoires, et a financé la campagne de propagande qui a permis au Führer des nazis de se faire connaître dans toute l'Allemagne. Les fruits de la réorganisation portent à partir de cette date, quand le contexte général devient favorable avec le début d'une grave crise politique et économique.

La « résistible ascension » d'Adolf Hitler (1929-1932) Comme le suggérera à raison Bertolt Brecht par le titre célèbre de sa pièce La Résistible Ascension d'Arturo Ui, âpre satire antinazie, la marche au pouvoir d'Adolf Hitler ne fut ni linéaire ni irrésistible. Toutefois, elle fut favorisée après 1929 par un contexte de crise exceptionnel, et par les faiblesses, les erreurs ou le discrédit de ses adversaires et concurrents politiques. L'Allemagne n'avait derrière elle en 1918 qu'une faible tradition démocratique. Née d'une défaite et d'une révolution, la République de Weimar s'était mal enracinée, d'autant que serviteurs et nostalgiques du Kaiser restaient très nombreux dans l'armée, l'administration, l'économie et la population. Le Zentrum catholique, parti membre de la coalition fondatrice de la République, s'engage dans une dérive autoritaire à partir de la fin des années 1920, tandis que communistes, nationalistes du DNVP et nazis continuent de refuser le régime et de le combattre. Enfin, le culte traditionnel des grands chefs et l'attente diffuse d'un sauveur providentiel prédisposaient une bonne part de sa population à s'en remettre à Hitler.

Adolf Hitler en 1932

État-nation très récent et fragile, traversé de multiples clivages géographiques, religieux, politiques et sociaux, l'Allemagne entre en plus dans une nouvelle phase d'instabilité politique à partir de


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1929. Après le décès de Gustav Stresemann, artisan avec Aristide Briand du rapprochement franco-allemand, la chute du chancelier Hermann Müller en 1930 est celle du dernier gouvernement parlementaire. Il est remplacé par le gouvernement conservateur et autoritaire de Heinrich Brüning, du Zentrum. Monarchiste convaincu, le très populaire maréchal Paul von Hindenburg, porté à la présidence de la République en 1925, cesse de jouer le jeu de la démocratie à partir de 1930. Il se met à gouverner par décrets, nommant des cabinets à ses ordres de plus en plus dépourvus de la moindre majorité au Parlement, usant et abusant de son droit de dissolution du Reichstag — utilisé pas moins de quatre fois de 1930 à 1933. Les institutions de Weimar sont donc vidées de leur substance bien avant que Hitler ne leur porte le coup de grâce[24] . Les conséquences catastrophiques de la crise de 1929 sur l’économie allemande, très dépendante des capitaux rapatriés aux États-Unis immédiatement après le krach de Wall Street, apportent bientôt au NSDAP un succès foudroyant et imprévu. Aux élections du 14 septembre 1930, avec 6,5 millions d'électeurs, 18,3 % des voix et 107 sièges, le parti nazi devient le deuxième parti au Reichstag.

Évolution en pourcentage du chômage en Allemagne de 1926 à 1940

La déflation sévère et anachronique menée par Brüning ne fait qu'aggraver la crise économique et précipite de nombreux Allemands inquiets dans les bras de Hitler. En constituant avec ce dernier le « Front de Harzburg » en octobre 1931, dirigé contre le gouvernement et la République, Hugenberg et les autres forces des droites nationalistes font involontairement le jeu de Hitler, dont la puissance électorale et parlementaire fait désormais un personnage de premier plan sur la scène politique[25] . Le septennat du président Hindenburg se terminant le 5 mai 1932, la droite et le Zentrum, afin d’éviter de nouvelles élections, proposent de renouveler tacitement le mandat présidentiel. L’accord des nazis étant nécessaire, Hitler exige la démission du chancelier Brüning et de nouvelles élections parlementaires. Hindenburg refuse, et le 22 février 1932, Joseph Goebbels[26] annonce la candidature d’Adolf Hitler à la présidence de la République. Le 26 février, Hitler est opportunément nommé Regierungsrat, fonctionnaire d’État, ce qui lui confère automatiquement la nationalité allemande.


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Sa campagne électorale est sans précédent sur le plan de la propagande. En particulier, l’usage alors inédit et spectaculaire de l’avion dans ses déplacements électoraux permet à Goebbels de placarder des affiches : « Le Führer vole au-dessus de l’Allemagne ». Hitler obtient 30,1 % des voix au premier tour le 13 mars 1932 et 36,8 % au second tour en avril, soit 13,4 millions de suffrages qui se portent sur sa personne, doublant le score des législatives de 1930. Soutenu en désespoir de cause par les socialistes, La montée du NSDAP au Reichstag. Hindenburg est réélu à 82 ans. Mais lors des scrutins régionaux qui suivent l’élection présidentielle le NSDAP renforce ses positions et arrive partout en tête, sauf dans sa Bavière d'origine. Aux législatives du 31 juillet 1932, il confirme sa position de premier parti d'Allemagne, avec 37,3 % des voix et devient le premier groupe parlementaire. Hermann Göring, bras droit de Hitler depuis 1923, devient président du Reichstag. Né d'un groupuscule, le culte de Hitler est devenu en moins de deux ans un phénomène de masse capable de toucher plus du tiers des Allemands. Hitler réussit à faire l'unité d'un électorat très diversifié. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les chômeurs qui ont mis leur espoir en lui (c'est parmi eux que Hitler fait ses moins bons scores), mais les classes moyennes, qui redoutent d'être les prochaines victimes de la crise[27] . Si l'électorat féminin votait fort peu à l'extrême-droite dans les années 1920, la popularité bien connue du Führer auprès des femmes s'est jointe au rapprochement structurel entre vote féminin et vote masculin pour lui assurer des renforts de voix supplémentaires après 1930. Les protestants ont davantage voté pour lui que les catholiques, mais une bonne part du vote de ces derniers était fixé par le Zentrum. Les campagnes, éprouvées par la crise et soumises en Prusse à la rude exploitation quasi-féodale des Junkers, se sont servies du vote envers Hitler à des fins protestataires. Les ouvriers ont moins voté nazi que la moyenne, même si une part non négligeable a été tentée. Quant aux fonctionnaires, aux étudiants ou aux médecins, leur haut niveau d'instruction ne les a pas empêchés d'être sur-représentés dans le soutien au doctrinaire de Mein Kampf[27] . Allié à la droite nationaliste, bénéficiant du discrédit du Zentrum et de l'obligation pour le SPD de soutenir l'impopulaire Von Papen « pour éviter le pire », Hitler multiplie aussi les déclarations hypocrites où il se pose en démocrate et en modéré, tout en flattant les élites traditionnelles et jusqu'aux Églises par un discours plus traditionaliste qu'avant. Les communistes du KPD, qui réduisent Hitler à un simple pantin du grand capital, lui rendent service en combattant avant tout les socialistes, au nom de la ligne « classe contre classe » dictée par le Komintern stalinien, et en refusant toute action commune avec eux contre le NSDAP. Le KPD va jusqu'à coopérer avec les nazis lors de la grève des transports à Berlin en 1932[28] . Fin 1932, la situation se dégrade encore sur les plans économique et social (plus de 6 millions de chômeurs à la fin de l’année). L’agitation et l’insécurité politique sont à leur comble, les rixes avec implication de SA hitlériens sont permanentes. Le gouvernement très réactionnaire de Franz von Papen est incapable de réunir plus de 10 % des députés et des électeurs. Engagé dans un bras de fer personnel avec Hitler, le président Hindenburg refuse toujours de le nommer chancelier : le vieux maréchal prussien, ancien chef de l’armée allemande pendant la Grande Guerre, affiche son mépris

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Adolf Hitler personnel pour celui qu’il qualifie de « petit caporal bohémien » et dont il affirme qu’il a « tout juste l’envergure pour faire un ministre des Postes ». Toutes les tentatives de conciliation échouent. Fin 1932, le mouvement nazi traverse une phase difficile. Sa crise financière devient aiguë. Les militants et les électeurs se lassent de l’absence de perspectives, des discours à géométrie variable de Hitler et des contradictions internes du programme nazi[29] . Bien des SA parlent de déclencher tout de suite un soulèvement suicidaire dont Hitler ne veut à aucun prix, et Gregor Strasser menace de faire scission avec l’appui du chancelier Kurt von Schleicher. Enfin, les élections législatives de novembre 1932 ont consacré une baisse de popularité du NSDAP qui perd 2 millions de voix et 40 sièges. C’est le moment où Léon Blum, de France, écrit dans Le Populaire que la route du pouvoir est définitivement fermée pour Hitler et que toute espérance d’y accéder est pour lui révolue. Pourtant, ces revers n’entament en rien sa détermination.

L’accession au pouvoir absolu Le 30 janvier 1933 vers midi, Adolf Hitler atteint son but, il est nommé Chancelier de la République de Weimar, suite à un mois d’intrigues au sommet organisées par l’ancien chancelier Franz von Papen, et grâce au soutien de la droite et à l’implication du Parti national du peuple allemand (DNVP). Le soir même, des milliers de SA effectuent un défilé nocturne triomphal sur l'Unter den Linden, sous le regard du nouveau chancelier, marquant ainsi la prise de contrôle de Berlin et le lancement de la chasse aux opposants.

La destruction de la démocratie (1933-1934) Contrairement à une idée reçue fréquente, Hitler n'a jamais été « élu » chancelier par les Allemands, du moins pas directement. Il a néanmoins été nommé chancelier par le président, conformément aux règles de la démocratie, en qualité de leader du parti remportant les élections législatives. Les tractations avec le président qui se sont en fait révélées indispensables à sa nomination amènent certains à considérer qu'il a été « hissé au pouvoir » par une poignée d'industriels et d'hommes de droite[30] ,[31] . Et en dépit de son énorme poids électoral, jamais une majorité absolue des électeurs ne s'est portée sur lui, puisque même en mars 1933, après deux mois de terreur et de propagande, son parti n'obtient « que » 43,9 % des suffrages. Toutefois, il a atteint son objectif poursuivi depuis 1923 : arriver au pouvoir légalement. Et il est hors de doute que le ralliement de la masse des Allemands au nouveau chancelier s'est faite très vite, et moins par la force que par adhésion à sa personne. Lors de la formation du premier gouvernement d'Hitler, le DNVP de Adolf Hitler en 1933 Hugenberg espère être, avec le Zentrum de von Papen, en mesure de contrôler le nouveau chancelier — bien que le DNVP ne représente que 8 % des voix alors que les nazis en ont 33.1 %. De fait, le premier gouvernement d'Hitler ne compte, outre le chancelier lui-même, que deux nazis : Göring, en charge en particulier de la Prusse, et Wilhelm Frick au ministère de l’Intérieur.

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Mais Hitler déborde rapidement ses partenaires et met immédiatement en route la mise au pas de l’Allemagne. Dès le 1er février, il obtient d’Hindenburg la dissolution du Reichstag. Le 3 février, il s’assure le soutien de l’armée. Pendant la campagne électorale, Von Papen, Thyssen et Schacht obtiennent des milieux industriels et financiers, jusque-là plutôt réservés envers Hitler, qu’ils renflouent les caisses du NSDAP et financent sa campagne[32] . La SA et la SS, milices du parti nazi, se voient conférer des pouvoirs d’auxiliaire de police. De nombreux morts marquent les rencontres des partis d’opposition, notamment du Parti socialiste (SPD) et du Parti communiste (KPD). Des opposants sont déjà brutalisés, arrêtés, torturés voire assassinés.

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Incendie du palais du Reichstag le 28 février 1933

L’énigmatique incendie du Reichstag, le 27 février, sert de prétexte à Hitler pour suspendre toutes les libertés civiles garanties par la Constitution de Weimar et de radicaliser l’élimination de ses opposants politiques, notamment des députés communistes du KPD, illégalement arrêtés. Le NSDAP remporte les élections du 5 mars 1933 avec 17 millions de voix, soit 43,9 % des suffrages. Dans les jours qui suivent, dans tous les Länder d’Allemagne, les nazis s’emparent par la force des leviers locaux du pouvoir. Le 20 mars, au cours d’une grandiose cérémonie de propagande sur le tombeau de Frédéric II de Prusse à Potsdam, où il s’affiche en grand costume aux côtés de Hindenburg, Hitler proclame l’avènement du Troisième Reich, auquel il promettra ultérieurement un règne de « mille ans ». Le 23 mars, grâce aux voix du Zentrum auquel le chancelier a promis en échange la signature d'un concordat avec le Vatican, et malgré l'opposition du seul SPD (les députés du KPD étant arrêtés), le Reichstag vote la Loi des pleins pouvoirs qui accorde à Hitler les pouvoirs spéciaux pour quatre ans. Il peut désormais rédiger seul les lois, et celles-ci peuvent s'écarter de la constitution de Weimar que Hitler ne se donna même pas la peine de jamais abolir formellement. C’est une étape décisive du durcissement du régime. Sans même attendre le vote de la loi, les nazis ont ouvert le premier camp de concentration permanent le 20 mars à Dachau, sous la houlette de Himmler. Ce dernier jette en Allemagne du Sud, tout comme Göring en Prusse, les bases de la redoutable police politique nazie, la Gestapo. Le 2 mai, vingt-quatre heures après avoir accepté de défiler devant le chancelier, les syndicats sont dissous et leurs biens saisis. Le 10 mai, le ministre de la Propagande Joseph Goebbels préside à Berlin une nuit d’autodafé où des étudiants nazis brûlent pèle-mêle en public des milliers de « mauvais livres » d’auteurs juifs, pacifistes, marxistes ou Des étudiants nazis brûlent les livres proscrits en public le 10 mai 1933. psychanalystes comme Marx, Freud ou Kant. Des milliers d’opposants, de savants et d’intellectuels fuient l’Allemagne comme Albert Einstein. Le 14 juillet, le NSDAP devient le parti unique. Hitler met fin aussi rapidement aux libertés locales. L’autonomie des Länder est définitivement supprimée le 30 janvier 1934 : un an après son accession à la chancellerie, Hitler devient le chef du premier État centralisé qu’ait connu l’Allemagne. En tout, entre 1933 et 1939, de 150000 à 200000 personnes sont internées, et entre 7000 et 9000 sont tuées par la violence d’État. Des centaines de milliers d’autres doivent fuir l’Allemagne[33] . Les nazis condamnent l’« art dégénéré » et les « sciences juives », et détruisent ou dispersent de nombreuses œuvres des avant-gardes artistiques. Le programme pour « purifier » la race allemande est également très tôt mis en œuvre. Une loi du 7 avril 1933 permet à Hitler de destituer aussitôt des centaines de fonctionnaires et d'universitaires juifs, tandis que les SA déclenchent au même moment une campagne brutale de boycott des magasins juifs. Hitler impose aussi personnellement à l'été 1933 une loi prévoyant la stérilisation forcée des malades et des handicapés : elle est


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appliquée à plus de 350000 personnes[34] . Détestant particulièrement le mélange des populations (qualifié de « honte raciale »), le chef allemand ordonne de stériliser en particulier, en 1937, les 400 enfants nés dans les années 1920 d’Allemandes et de soldats noirs des troupes françaises d’occupation. Les persécutions envers les homosexuels commencent aussi, les bars et les lieux de rassemblement des homosexuels sont fermés. Les homosexuels subissent brutalités, tortures et envois à Dachau. Certains font déjà l'objet[évasif] de castrations forcées. En novembre 1933, le nouveau dictateur fait plébisciter sa politique quand 95 % des votants approuvent le retrait de la Société des Nations et que la liste unique du NSDAP au Reichstag fait 92 % des voix. Les SA de Röhm exigent que la « révolution » nationale-socialiste prenne un tour plus anticapitaliste, et rêvent notamment de prendre le contrôle de l’armée, ce qui compromettrait dangereusement l’alliance nouée entre le chancelier et les élites conservatrices traditionnelles (présidence, militaires, milieux d'affaires). Des faux documents forgés par Heydrich achèvent aussi de persuader Hitler que Röhm complote contre lui. Le 30 juin 1934, durant la Nuit des Longs Couteaux, fort du soutien bienveillant de l’armée et du président Hindenburg, Hitler fait assassiner plusieurs centaines de ses partisans et de ses anciens ennemis politiques. Parmi eux, Gregor Strasser et Ernst Röhm, chef de la SA, mais aussi le docteur Erich Klausener, chef de l’Action catholique, ou encore son prédécesseur à la chancellerie, Von Schleicher, ainsi que Von Kahr, qui lui avait barré la route lors du putsch de 1923. Ne pouvant croire à son élimination, Röhm refuse de se suicider et crie Heil Hitler ! avant d'être abattu dans sa cellule par Theodor Eicke et Michel Lippert[35] .

Le plébiscite de novembre 1933 entérine la fin de la démocratie en Allemagne

Le 2 juillet, le vieil Hindenburg félicite Hitler, qu'il apprécie de plus en plus, pour sa fermeté en cette affaire[réf. nécessaire]. Sa mort le 2 août tranche le dernier lien vivant avec la République de Weimar. En vertu de la constitution, le chancelier exerce temporairement les pouvoirs du président défunt. Le même jour, le Reichstag vote une loi de fusion des deux fonctions en une seule : Hitler devient Führer und Reichskanzler. Un plébiscite du 19 août (90 % de oui) achève de donner au Führer le pouvoir absolu.

Le culte du Führer, pierre angulaire du système totalitaire Entouré d’un culte de la personnalité intense, qui le célèbre comme le sauveur messianique de l’Allemagne, Hitler exige un serment de fidélité à sa propre personne - il est prêté notamment par les militaires, ce qui rendra très difficile les futures conspirations contre lui au sein de l’armée, beaucoup d’officiers rechignant profondément en conscience à le violer. L’ambition totalitaire du régime et la primauté du Führer sont symbolisées par la nouvelle devise du régime : Ein Volk, ein Reich, ein Führer - « un peuple, un empire, un chef », dans laquelle le titre de Hitler prend de façon idolâtre la place de Dieu dans l’ancienne devise du Deuxième Reich : Ein Volk, ein Reich, ein Gott (« Un peuple, un empire, un dieu »). Le Führerprinzip devient le nouveau principe de l’autorité non seulement au sommet de l’État, mais aussi, par délégation, à chaque échelon. La loi proclame par exemple officiellement le patron comme Führer de son entreprise, comme le mari est Führer de sa famille, ou le gauleiter Führer du parti dans sa région.


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15 Hitler entretient son propre culte par ses interventions à la radio : à chaque fois, le pays tout entier doit suspendre son activité et les habitants écouter religieusement dans les rues ou au travail son discours retransmis par les ondes et par les haut-parleurs. À chaque congrès tenu à Nuremberg lors des « grand’messes » du NSDAP, il bénéficie d’une savante mise en scène orchestrée par son confident, l’architecte et technocrate Albert Speer : son talent oratoire électrise l’assistance, avant que les masses rassemblées n’éclatent en applaudissements et en cris frénétiques pour acclamer le génie de leur chef. Inversement, la moindre critique, le moindre doute sur le Führer mettent leur auteur en péril. Sur les milliers de condamnations à mort prononcées par le Tribunal du Peuple du juge Roland Freisler, un bon nombre des personnes envoyées à la guillotine après des parodies de justice l’ont été pour des paroles méprisantes ou sceptiques à l’encontre du dictateur.

En 1935, appel de soldats allemands faisant partie de la SA, de la SS ou de la NSKK. Photo prise à Nuremberg le 9 novembre 1935.

Le salut nazi devient obligatoire pour tous les Allemands. Quiconque essaie, par résistance passive, de ne pas faire le Heil Hitler ! de rigueur est immédiatement singularisé et repéré.

Au printemps 1938, le Führer accentue encore sa prédominance et celle de ses proches dans le régime. Il élimine les généraux Von Fritsch et Von Blomberg, et soumet la Wehrmacht en plaçant à sa tête les serviles Alfred Jodl et Wilhelm Keitel, connus pour lui être aveuglément dévoués. Aux Affaires étrangères, il remplace le conservateur Konstantin von Neurath par le nazi Joachim von Ribbentrop, tandis que Göring, qui s’affirme plus que jamais comme le no 2 officieux du régime, prend en charge l’économie autarcique en évinçant le Dr Hjalmar Schacht. La population allemande est encadrée de la naissance à la mort, soumise à l’intense propagande orchestrée par son fidèle Joseph Goebbels, pour lequel il crée le premier ministère de la Propagande de l'histoire. Les loisirs des travailleurs sont organisés - et surveillés - par la Kraft durch Freude du Dr Robert Ley, également chef du syndicat unique, le DAF. La jeunesse subit obligatoirement un endoctrinement intense au sein de la Hitlerjugend qui porte le nom du Führer, et qui devient le 1er décembre 1936 la seule organisation de jeunesse autorisée.

Le Führer dans le système nazi : interprétations et débats L’école historique allemande dite des « intentionnalistes » insiste sur la primauté de Hitler dans le fonctionnement du régime. La forme extrême de pouvoir personnel et de culte de la personnalité autour du Führer ne serait pas compréhensible sans son « pouvoir charismatique ». Cette notion importante est empruntée au sociologue Max Weber : Hitler se considère depuis 1920 comme investi d’une mission providentielle, et surtout, il est considéré sincèrement comme l’homme providentiel par ses partisans, puis par la masse des Allemands sous le Troisième Reich. Alors que le culte de Staline a été imposé tardivement et artificiellement au parti bolchevik par un apparatchik victorieux, mais dépourvu de talent de tribun comme de rôle de premier plan dans la révolution d'Octobre, le culte de Hitler a existé dès les origines du nazisme, et y occupe une importance primordiale. L’appartenance au Parti nazi signifie avant tout une allégeance absolue à son Führer, et nul n’occupe de place dans le Parti et l’État que dans la mesure où il est plus proche de la personne même de Hitler. Hitler veille d’ailleurs personnellement à renforcer son image de chef inaccessible, solitaire et supérieur, en s’abstenant de toute amitié personnelle, et en interdisant à quiconque de le tutoyer ou de l’appeler par son prénom – même sa maîtresse Eva Braun doit s’adresser à lui en lui


Adolf Hitler disant Mein Führer. D’autre part, pour les intentionnalistes, sans le caractère redoutablement cohérent de l’idéologie (la Weltanschauung) qui anime Hitler, le régime nazi ne se serait pas engagé dans la voie de la guerre et des exterminations de masse, ni dans le reniement de toutes les règles juridiques et administratives élémentaires qui régissent les États modernes et civilisés. Par exemple, sans son pouvoir charismatique d’un genre inédit, Hitler n’aurait pas pu autoriser l’euthanasie massive de plus de 150000 handicapés mentaux allemands par quelques simples mots griffonnés sur papier à en-tête de la chancellerie (opération T4, 3 septembre 1939). De même, Hitler aurait pu encore moins déclencher la Shoah sans jamais rédiger un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide des Juifs ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : un simple ordre du Führer (Führersbefehl) était suffisant pour faire taire toute question, et entraînait l’obéissance quasi-religieuse et aveugle des bourreaux. L’école rivale des « fonctionnalistes » (conduite par Martin Broszat) a cependant nuancé l’idée de la toute-puissance du Führer. Comme elle l’a démontré, le Troisième Reich n’a jamais tranché entre le primat du parti unique et celui de l’État, d’où des rivalités de pouvoir et de compétence interminables entre les hiérarchies doubles du NSDAP et du gouvernement du Reich. Surtout, l’État nazi apparaît comme un singulier enchevêtrement de pouvoirs concurrents aux légitimités comparables. C’est le principe de la « polycratie » (Martin Broszat). Or, entre ces groupes rivaux, Hitler tranche rarement, et décide peu. Fort peu bureaucratique, ayant hérité de sa jeunesse bohème à Vienne un manque total de goût pour le labeur suivi, travaillant de façon très irrégulière (sauf dans la conduite des opérations militaires), le Führer apparaît comme un « dictateur faible » ou encore un « dictateur paresseux » selon Martin Broszat. Il laisse en fait chacun des rivaux libre de se réclamer de lui, et il attend seulement que tous marchent dans le sens de sa volonté. Dès lors, a démontré le biographe Ian Kershaw, dont les travaux font la synthèse des acquis des écoles intentionnalistes et fonctionnnalistes, chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe fait de la surenchère, et essaye d’être le premier à réaliser les projets nazis fixés dans leurs grandes lignes par Adolf Hitler. C’est ainsi que la persécution antisémite va s’emballer et passer graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel. Ce qui explique que le Troisième Reich obéit structurellement à la loi de la « radicalisation cumulative », et que le système hitlérien ne peut en aucun cas se stabiliser. Ce « pouvoir charismatique » de Hitler explique aussi que beaucoup d’Allemands soient spontanément allés au-devant du Führer. Ainsi, en 1933, les organisations d’étudiants organisent d’elles-mêmes les autodafés de livres, tandis que des partis et des syndicats se rallient au chancelier et se sabordent d’eux-mêmes après avoir exclu les Juifs et les opposants au nazisme. L’Allemagne se donne largement au Führer dans lequel elle reconnaît ses rêves et ses ambitions, plus que ce dernier ne s’empare d’elle. Selon Kershaw, le Führer est donc l’homme qui rend possibles les plans caressés de longue date à la « base » : sans qu’il ait nullement besoin de donner d’ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise par exemple les nombreux antisémites d’Allemagne à déclencher boycotts et pogroms, ou les médecins d’extrême-droite, tel Josef Mengele, à pratiquer les atroces expériences pseudo-médicales et les opérations d’euthanasie massive dont l’idée préexistait à 1933. Ce qui explique aussi, toujours selon Ian Kershaw et la plupart des fonctionnalistes, la tendance du régime hitlérien à l’« autodestruction ». Le Troisième Reich, retour à l’« anarchie féodale », se décompose en effet en une multitude chaotique de fiefs rivaux. Hitler ne peut ni ne veut y mettre aucun ordre, car stabiliser le régime selon des règles formelles et fixes rendrait la référence perpétuelle au Führer moins importante. C’est ainsi qu’en 1943, alors que l’existence du Reich est en danger après la bataille de Stalingrad, tous les appareils dirigeants du Troisième Reich se disputent pendant des mois pour savoir s’il faut interdire les courses de chevaux - sans trancher. Le régime substitue donc aux institutions rationnelles modernes le lien féodal d’allégeance personnelle, d’homme à homme, avec le Führer. Or, aucun dirigeant nazi ne dispose du charisme d’Hitler. Le culte de ce dernier existe dès

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Adolf Hitler les origines du nazisme et est consubstantiel au mouvement puis au régime. Chacun ne tire sa légitimité que de son degré de proximité avec le Führer. De ce fait, en l’absence de tout successeur (« En toute modestie, je suis irremplaçable », propos d’Hitler à ses généraux rapporté par Hannah Arendt), la dictature de Hitler n’a aucun avenir et ne peut lui survivre (selon Kershaw). La mort du Troisième Reich et celle de son dictateur se sont d’ailleurs pratiquement confondues.

Les Allemands et Hitler L’adhésion des Allemands à sa politique (et plus encore à sa personne) fut importante, surtout au début. L'« autre Allemagne », « une Allemagne contre Hitler »[36] , a certes existé, mais ces expressions mêmes soulignent après coup son caractère désespérément minoritaire et isolé. Toute opposition a été vite réduite par l'exil, la prison ou l'internement en camp. Démocrates, socialistes et communistes ont payé par milliers le plus lourd tribut, ainsi que les Témoins de Jéhovah qui refusaient la guerre, le salut nazi et tout signe d'allégeance à l'idolâtrie entourant le Führer. La délation de masse a sévi et plongé le pays dans une atmosphère de crainte, où nul ne peut plus s'ouvrir sans risques à son voisin, des enfants endoctrinés allant jusqu'à dénoncer leurs parents. Rares sont ceux qui au nom de leurs principes humanistes, marxistes, libéraux, chrétiens ou patriotiques, ou tout simplement par humanité et au Timbre à l'effigie du Führer publié en 1944. nom de leur conscience, oseront douter du Führer, le braver en s'abstenant du salut nazi, en transgressant les multiples interdits de la société nazie, ou en venant en aide à des persécutés - a fortiori en entrant en résistance active. Par mépris, le très nationaliste écrivain Ernst Jünger appelait Hitler Kniebolo dans son journal de guerre. Le communiste Bertold Brecht le mettra en scène sous les traits du gangster Arturo Ui. Le démocrate Thomas Mann le dénoncera à la radio américaine, tout en reconnaissant que « cet homme est une calamité, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour ne pas trouver son cas intéressant. » Pour les étudiants chrétiens de la Rose Blanche, revenus de leurs illusions initiales, il représentait l'Antéchrist[37] . Mgr Lichtenberg, mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs, dira à la Gestapo: « Je n'ai qu'un seul Führer : Jésus-Christ ». Malgré son interdiction et la violente répression qui s'abat sur ses membres, le KPD parvient à conserver une organisation clandestine organisée autour de l' « Orchestre rouge », qui diffuse tracts et brochures et infiltre les sommets de l'appareil d'État allemand[38] ,[39] . Les autres courants marxistes sont également actifs dans la résistance anti-nazie clandestine (c'est le cas du futur chancelier Willy Brandt), en lien avec leurs directions en exil pour les partis les plus importants (SPD, SAP, KPD-O). La terreur et la répression menée par la gestapo limitèrent l'impact de la résistance allemande au nazisme. L'antisémitisme et le racisme du nazisme faisaient écho à des préjugés très répandus, mais sauf pour une faible minorité, ils ne motivèrent pas le vote Hitler ni le soutien à sa dictature - ils n'eurent guère non plus d'effet dissuasif. La large popularité du Führer avant-guerre provient surtout du rétablissement brutal de l'ordre public, de son anticommunisme, de son opposition au « Diktat » de Versailles, des succès diplomatiques et économiques obtenus (notamment l'importante réduction du chômage) et de sa politique de réarmement. Encore qu’il ne faille pas oublier ni les conditions sociales et politiques dans lesquelles les améliorations économiques ont été obtenues, ni les pénibles situations de pénurie alimentaire, l'imposition d'ersatz de pauvre qualité en remplacement des importations condamnées par l'autarcie, et le manque de devises dès 1935. En particulier, le pouvoir d’achat des ouvriers a baissé entre 1933 et 1939. Les femmes ont été renvoyées de force au foyer (et 200000 de celles ne présentant pas les garanties de pureté raciale exigées par la loi stérilisées)[réf. nécessaire].

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Adolf Hitler L’exode rural s’est accéléré. Et les lois nazies encourageant la concentration des entreprises et du commerce ont conduit à 400000 fermetures de petites entreprises dès avant-guerre[40] . Les catégories sociales qui avaient mis leurs espoirs en Hitler sont donc loin d’avoir toujours été satisfaites. Par ailleurs, beaucoup d’Allemands reprennent au profit de Hitler la distinction ancestrale entre le bon monarque et ses mauvais serviteurs. Alors que les « bonzes », les privilégiés du Parti-État, sont généralement méprisés et haïs pour leurs abus et leur corruption fréquente, on considère spontanément Hitler comme exempt de ces tares, et comme un recours contre eux. Beaucoup d’Allemands ont spontanément cru que le Führer était laissé dans l’ignorance des « excès » de ses hommes ou de son régime[41] . En quelques années, Hitler s'est de fait identifié à la nation, canalisant au profit de sa personne le sentiment patriotique même de citoyens réservés envers le nazisme. L'aspect de « religion civile » revêtu par le nazisme a séduit aussi nombre d'Allemands, et le culte messianique Hitler en parade à Nuremberg, novembre 1935. organisé autour de Hitler a soudé la population autour de lui. Bien des Aux congrès annuels du Parti culmine la ferveur esprits se sont laissés aussi fasciner par l'irrationalisme nazi, avec son populaire à la fois obligatoire et authentique autour de lui. culte néo-romantique de la nuit, du sang, de la nature, son goût des uniformes et des parades, ses rituels et ses cérémonies spectaculaires ressuscitant un univers médiéval ou païen. De même que par l'appel efficace aux héros mythiques du passé national (Arminius, Barberousse, Frédéric II du Saint-Empire, Frédéric II de Prusse, Andreas Hofer, Otto von Bismarck…) mobilisés rétrospectivement comme précurseurs du Führer providentiel[42] . Les Églises en tant qu'institutions ont peu cherché à s'opposer à un chancelier pourtant néo-païen et antichrétien. Malgré maintes tracasseries infligées, Hitler s'est toujours bien gardé de mettre en application les projets d'éradication du christianisme nourris par son bras droit Martin Bormann ou l'idéologue du parti Alfred Rosenberg. Il a joué sur l'anticommunisme, l'antiféminisme et les aspects réactionnaires de son programme pour séduire les électorats religieux. La signature du concordat avec le Vatican, en juin 1933, a été un triomphe personnel, qui a lié les mains à l'épiscopat et renforcé sa stature internationale. Se défendant de « faire de la politique », évêques, curés et pasteurs ne s'opposaient que sur des points matériels ou confessionnels et terminaient leurs sermons en priant « pour la patrie et pour le Führer ». L'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), interdite de diffusion par la Gestapo, ne mentionne pas le nom de Hitler, et ne condamne que partiellement son régime, ni lui ni aucun de ses partisans n'étant jamais menacés d'excommunication. Contrairement à une légende, Hitler n'était avant 1933 ni le candidat ni l'instrument des milieux d'affaires. Mais le grand patronat s'est vite rallié à lui, et a amplement bénéficié de la restauration de l'économie puis du pillage de l'Europe, allant jusqu'à se compromettre souvent dans l'exploitation de la main-d'œuvre concentrationnaire (IG Farben à Auschwitz, Siemens à Ravensbrück)[43] . Alors que tous les éléments conservateurs (militaires, aristocrates, hommes d'Église), ont fourni leur tribut à la (faible) résistance allemande, le patronat y est resté remarquablement peu présent. Une des rares exceptions est paradoxalement celle de son très ancien partisan Fritz Thyssen, qui rompt avec Hitler et fuit le Reich en 1939, avant de lui être livré l'an suivant par l'État français et interné. L'historien Götz Aly, dans Comment Hitler a acheté les Allemands, insiste quant à lui sur le fait que les bénéfices matériels de l'aryanisation et du pillage de l'Europe, plus que l'idéologie, ont rendu maints Allemands redevables et complices de leur Führer. Les centaines de trains de biens volés aux Juifs assassinés n'ont pas été perdus pour tout le monde, ni les milliers de logements vacants qu'ils étaient contraints d'abandonner[44] .

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Politique économique et sociale Hitler rejette dans un même mépris capitalisme et marxisme. Son nationalisme raciste transcende les clivages traditionnels. Un objectif fondamental pour lui est la reconstitution d’une « communauté nationale » (Volksgemeinschaft), unie par une race et une culture communes, débarrassée des divisions démocratiques et de la lutte des classes, tout comme des Juifs et des éléments racialement impurs, et où l'individu enfin n'a aucune valeur et n'existe qu'en fonction de son appartenance à la communauté. Après les divisions civiles des années 1920, beaucoup d'Allemands ne demandent qu'à partager ce rêve. Ayant déjà pris ses distances avec la partie socialiste du programme nazi à la fin des années 1920, Hitler achève de refuser l'idée d'une révolution sociale après la purge de Röhm et la liquidation des SA. Peu doué lui-même en économie, le Führer fait contre la crise le choix très vite d'un pragmatisme brutal, écartant du gouvernement le vieux théoricien économique nazi Gottfried Feder au profit du sympathisant et brillant spécialiste plus classique Hjalmar Schacht, ancien directeur de la Reichsbank. En quelques années, l’économie est remise sur pied entre autres grâce à des emplois publics créés par l’État (autoroutes déjà planifiées sous la République de Weimar, ligne Siegfried, grands travaux spectaculaires de l'ingénieur nazi Fritz Todt, logements également dans la continuité de l'œuvre de Weimar, etc.). Le réarmement n’intervient que plus tard (Plan de quatre ans, 1936), après relance de l’économie, aidée par une conjoncture de reprise mondiale. Dès mai 1933, les syndicats dissous laissent la place au Front allemand du travail (DAF), organisation corporatiste nazie, dirigée par Robert Ley. Le DAF interdit la grève et permet aux patrons d’exiger davantage des salariés, tout en garantissant à ceux-ci une sécurité de l’emploi et une sécurité sociale. Officiellement volontaire, l’adhésion au DAF est de fait obligatoire pour tout Allemand désirant travailler dans l’industrie et le commerce. Plusieurs sous-organisations dépendaient du DAF, dont la Kraft durch Freude chargée d'encadrer les loisirs des travailleurs ou d'embellir leurs cantines et leurs lieux de travail. Entre 1934 et 1937, Schacht a pour mission de soutenir l’intense effort de réarmement du Troisième Reich. Pour atteindre cet objectif, il met en place des montages financiers tantôt ingénieux (comme les bons MEFO), tantôt hasardeux, creusant le déficit de l'État. Par ailleurs, la politique de grands travaux développe une politique keynésienne d’investissements de l’État. D’après William L. Shirer, Hitler diminue également tous les salaires de 5 %, permettant de dégager des ressources pour relancer l’économie, ce qui semble confirmer selon lui la nature interventionniste de ses directives. Le chômage baisse nettement, passant de 6 millions de chômeurs en 1932 à 200000 en 1938. La production industrielle a rattrapé en 1939 son niveau de 1929 en ne la dépassant que légèrement. Cependant, Schacht considère que les investissements dans l’industrie militaire menacent à terme l’économie allemande et souhaite infléchir cette politique. Devant le refus de Hitler qui considère le réarmement comme une priorité absolue, Schacht quitte son poste début 1939 au profit de Göring. Seuls la fuite en avant dans l'expansion, la guerre et le pillage ont sans doute permis à Hitler d'éviter une grave crise financière et économique finale[45] .

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Les rêves d’architecte : Hitler et l’art officiel nazi L’architecture était probablement la plus grande passion de Hitler. S’il se voulait un artiste, il n'avait pas de sensibilité aux courants artistiques qui lui étaient contemporains. À Vienne comme à Munich, foyers actifs de l’art moderne, il ne s'intéressait pas aux avant-gardes, réservant son admiration aux monuments néo-classiques du XIXe siècle. Dès son arrivée au pouvoir, il disperse les avant-gardes artistiques et culturelles, fait brûler de nombreuses œuvres des avant-gardes et contraint des milliers d’artistes à s’enfuir d’Allemagne. Ceux qui demeurent se voient souvent interdire de peindre ou d’écrire, Albert Speer et Adolf Hitler en 1938 et sont placés sous surveillance policière. En 1937, Hitler fait circuler à travers toute l’Allemagne une exposition d’« art dégénéré » visant à tourner en dérision ce qu’il qualifie de « gribouillages juifs et cosmopolites ». Arrivé au pouvoir, il fait surtout valoriser dans les cérémonies nazies la musique de Richard Wagner et celle de Anton Bruckner, ses favorites. Il encourage un « art nazi » conforme aux canons esthétiques et idéologiques du pouvoir au travers des œuvres de son sculpteur préféré Arno Breker, de Leni Riefenstahl au cinéma, ou de Albert Speer, son seul confident personnel, en architecture. Relevant souvent de la propagande monumentale, comme le stade destiné aux Jeux olympiques de Berlin (1936), ces œuvres au style très néo-classique développent aussi souvent l’exaltation de corps « sains », virils et « aryens ». L’une des obsessions d’Hitler était la transformation complète de Berlin. Dès son accession au pouvoir, il travaille sur des plans d’urbanisme avec son architecte Albert Speer. Il était ainsi prévu une série de grands travaux monumentaux à l’ambition démesurée, d’inspiration néo-classique, en vue de réaliser le « nouveau Berlin » ou Welthauptstadt Germania. La guerre contrariera ces projets, et seule la nouvelle chancellerie, inaugurée en 1939, fut achevée. La coupole du Buste d’Hitler réalisé par Arno Breker en 1938. nouveau Palais du Reichstag aurait été 13 fois plus grande que celle de la basilique Saint-Pierre de Rome, l’avenue triomphale deux fois plus large que les Champs-Élysées et l’arche triomphale aurait pu contenir dans son ouverture l’arc de triomphe parisien (40 m de haut). Le biographe de Speer, Joachim Fest, discerne à travers ces projets mégalomanes une « architecture de mort » (Albert Speer, Perrin, 2001). En pleine guerre, Hitler se réjouit que les ravages des bombardements alliés facilitent pour l’après-guerre ses projets grandioses de reconstruction radicale de Berlin, Hambourg, Munich ou Linz. Dans son bunker, il se fait livrer le 9 février 1945 par l'architecte Hermann Giesler une maquette de Linz, montrant les projets de reconstruction de la ville. Cette maquette fait alors l'objet d'un passage obligé de tous les visiteurs du Bunker[46]

La diplomatie hitlérienne La diplomatie du Troisième Reich est essentiellement conçue et dirigée par Hitler en personne. Ses ministres des Affaires étrangères successifs (Konstantin von Neurath puis Joachim von Ribbentrop) relayent ses directives sans faire preuve d’initiatives personnelles. La diplomatie hitlérienne, par son jeu d’alliances, d’audaces, de menaces et de duperies, est un rouage essentiel des buts stratégiques que poursuit le Führer. Ses discours tonitruants au Reichstag ou aux congrès nazis de Nuremberg scandent les crises diplomatiques qu’il provoque successivement ; ils alternent

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Adolf Hitler avec ses interviews hypocritement rassurantes aux journaux étrangers, ou avec ses entretiens accordés aux représentants étrangers. Assimilant complètement son destin personnel au destin de l’Allemagne, et identifiant le cours biologique de sa vie avec la destinée du Reich, Hitler est obsédé par la possibilité de son vieillissement prématuré, et il veut donc pouvoir déclencher sa guerre avant de fêter ses 50 ans. Le regard porté par le dictateur sur lui-même a donc un rôle direct dans l’accélération des événements par lesquels il conduit l’Europe à la Seconde Guerre mondiale.

L’opposition au traité de Versailles Le 14 octobre 1933, Hitler retire l’Allemagne de la Société des Nations et de la Conférence de Genève sur le désarmement, tout en prononçant des discours pacifistes. Le 13 janvier 1935, la Sarre plébiscite massivement (90,8 % de Oui) son rattachement à l’Allemagne. Le 16 mars 1935, Hitler annonce le rétablissement du service militaire obligatoire et décide de porter les effectifs de la Wehrmacht de 100000 à 500000 hommes, par la création de 36 divisions supplémentaires. Il s’agit de la première violation flagrante du traité de Versailles. En juin de la même année, Londres et Berlin signent un accord naval, qui autorise le Reich à devenir une puissance maritime. Hitler lance alors un programme de réarmement massif, créant notamment des forces navales (Kriegsmarine) et aériennes (Luftwaffe). « Voyons ! Réfléchissez ! Rendez-vous compte de ce qui est logique ! » Les Jeux olympiques d'hiver de 1936 à Garmisch-Partenkirchen ont constitué une formidable vitrine pour la propagande, surtout pour faire oublier sa politique du fait accompli et mettre au pied du mur le Royaume-Uni et la France dans ce qu’Hitler projette de faire. En janvier 1936, Bertrand de Jouvenel, jeune journaliste se trouvant aux Jeux d’hiver, prend l’initiative de contacter Otto Abetz, représentant itinérant du Reich, pour lui demander une interview d’Hitler. Abetz y voit une bonne opportunité de communication pour contrecarrer la ratification du pacte franco-soviétique par un vote de la Chambre des députés devant avoir lieu le 27 février. La veille de la publication, le propriétaire de Paris-Soir, Jean Prouvost, interdit la diffusion de l’article, qui est demandée par le président du conseil Albert Sarraut. Finalement, l’article est publié, le lendemain du vote dans le journal Paris-Midi du vendredi 28 février[47] . Quel était le but des Allemands ? Faire retarder la publication pour ensuite dire que les bonnes intentions d’Hitler avaient été cachées aux Français et ainsi adopter des contre-mesures. Pour cette fois-ci, il s’agira de la violation du traité de Versailles et des accords de Locarno par la remilitarisation de la Rhénanie le 7 mars 1936[48] . Ce que dira Hitler dans son interview dans Paris-Midi est calibré pour le public français et représentatif de ses talents de manipulateur. Il dit ainsi sa « sympathie » pour la France et expose ses volontés pacifiques : « La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : “Soyons amis !” »[49] . Les réactions à cette interview sont toutes convergentes à travers l’Europe, de Londres à Rome en passant par Berlin. Tous les commentateurs saluent les paroles de paix d’Hitler et chacun y voit le début d’un rapprochement à quatre[50] . Dès le 7 mars 1936, Hitler revient sur ses paroles de paix en remilitarisant la Rhénanie, violant une nouvelle fois le traité de Versailles ainsi que les accords de Locarno. C’est un coup de bluff typique de sa méthode personnelle. Hitler a donné comme consigne à ses troupes de se retirer en cas de riposte de l’armée française. Cependant, bien que l’armée allemande, à ce moment-là soit bien plus faible que ses adversaires, ni les Français, ni les Britanniques ne jugent utile de s’opposer à la remilitarisation. Le succès est éclatant pour Hitler.

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Complaisances à l’étranger La fascination exercée par Hitler dépasse largement à l’époque les frontières de l’Allemagne. Pour de nombreux sympathisants du fascisme, il incarne l’« ordre nouveau » qui remplacera les sociétés bourgeoises et démocratiques « décadentes ». Certains intellectuels font ainsi le pèlerinage du congrès de Nuremberg, comme le futur collaborationniste Robert Brasillach. Le journaliste Fernand de Brinon, premier Français à interviewer le nouveau chancelier en 1933, sera un militant proche du nazisme, et le représentant du régime de Vichy en zone nord dans Paris occupé. Le 13 juin 1933, le premier ministre fascisant de Hongrie, Gyula Gömbös, est le premier chef de gouvernement étranger à rendre une visite officielle au nouveau chancelier allemand. Chez les conservateurs de toute l’Europe, beaucoup s’obstinent des années à ne voir en Hitler que le rempart contre le bolchevisme ou le restaurateur de l’ordre et de l’économie en Allemagne. La spécificité et la nouveauté radicales de sa pensée et de son régime ne sont pas perçues ; on ne voit en lui qu’un nationaliste allemand classique, guère plus qu’un nouveau Bismarck. On veut souvent croire aussi que l’auteur de Mein Kampf s’est assagi avec l’exercice des responsabilités. Au printemps 1936, Hitler reçoit spectaculairement à sa résidence secondaire de Berchtesgaden le vieil homme d’État britannique David Lloyd George, un des vainqueurs de 1918, qui ne tarit pas d’éloges sur le Führer et les succès de son régime. En 1937, il reçoit de même la visite du duc de Windsor (l’ex-roi d’Angleterre Édouard VIII). À l’été 1936, Hitler inaugure les Jeux olympiques de Berlin. C’est l’occasion d’un étalage à peine voilé de propagande nazie, ainsi que de réceptions grandioses destinées à séduire les représentants des establishments étrangers présents sur place, notamment britannique. Le Grec Spyrídon Loúis, vainqueur du marathon aux premiers jeux de 1896, lui remet un rameau d’olivier venu du bois d’Olympie. La France a renoncé à boycotter les jeux, et ses sportifs font polémique[réf. nécessaire] en défilant devant Hitler le bras tendu (le salut olympique ressemblant au salut nazi). Par contre, la délégation américaine s’est refusée à tout geste ambigu lors de son passage devant le dictateur. Plus tard, pendant les épreuves, Hitler quitte la tribune officielle, mais ce geste n'aurait pas eu pour but, contrairement à une idée répandue, d'éviter d’avoir à serrer la main du champion noir américain Jesse Owens[51] ,[52] ,[53] , mais d'éviter de devoir féliciter tous les vainqueurs, décision qui englobe Owens sans le viser spécifiquement. Le 2 janvier 1939, Hitler est élu Homme de l’année 1938 par le Time Magazine.

Les alliances En juillet 1936, Hitler apporte son soutien aux insurgés nationalistes du général Franco lors de la guerre d’Espagne. Il fait parvenir des avions de transports pour permettre aux troupes coloniales du Maroc espagnol de franchir le détroit de Gibraltar lors des premiers jours cruciaux de l’insurrection. Tout comme Mussolini, il envoie ensuite du matériel militaire ainsi qu’un corps expéditionnaire, la Légion Condor, qui permettra de tester les nouvelles techniques guerrières, notamment les bombardements aériens terroristes sur les populations civiles, lors de la destruction de Guernica en 1937. Timbre à l'effigie d'Hitler et de Mussolini, célébrant

L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, qui ont combattu dans deux l'alliance des deux fascismes. camps différents sous la Grande Guerre, étaient initialement hostiles par désaccord sur l’Anschluss. En juin 1934 à Venise, lors de leur première rencontre, Mussolini a toisé de haut Hitler, vêtu en civil et mal à l'aise face à celui qui lui a longtemps servi


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d'inspirateur. Le dictateur italien empêche en juillet l'annexion de l'Autriche en envoyant des troupes au col du Brenner après l'assassinat du chancelier autoritaire Engelbert Dollfuss par les nazis autrichiens. Mais après le départ de l’Italie de la Société des Nations, suite à son agression contre l’Éthiopie, et avec leur intervention commune en Espagne, les deux fascismes se rapprochent et concluent une alliance, une relation décrite par Benito Mussolini comme l’Axe Rome-Berlin, fondé en octobre 1936. En novembre 1936, l’Allemagne et le Japon signent le pacte anti-Komintern, traité d’assistance mutuelle contre l’URSS, auquel se joint l’Italie en 1937. Cette même année Hitler rencontre à Nuremberg le prince Yasuhito Chichibu, frère cadet de l’empereur Hirohito, afin de raffermir les liens entre les deux États. En septembre 1940, la signature du Pacte tripartite entre le Troisième Reich, l’Italie et l’Empire du Japon, formalise la coopération entre les puissances de l’Axe pour établir un « nouvel ordre ». Ce pacte Hitler et Mussolini durant une visite officielle en Yougoslavie occupée obligera Hitler à déclarer la guerre aux États-Unis après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, sans bénéfice aucun pour l’Allemagne, puisque sous-estimant un pays qu’il ne connaît pas, il fait entrer en lice contre le Reich l’immense potentiel économique de l’Amérique, hors d’atteinte. En mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signent un traité d’alliance militaire inconditionnel, le Pacte d'Acier : l’Italie s’engage à aider l’Allemagne même si celle-ci n’est pas l’agressée.

L’Anschluss Afin de réaliser l’Anschluss, rattachement de l’Autriche au Troisième Reich interdit par le traité de Versailles, Hitler s’appuie sur l’organisation nazie locale. Celle-ci tente de déstabiliser le pouvoir autrichien, notamment par des actes terroristes. Un coup d’État échoue en juin 1934, malgré l’assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss. L’Italie a avancé ses troupes dans les Alpes pour contrer les velléités expansionnistes allemandes, et les nazis autrichiens sont sévèrement réprimés par un régime autrichien de type fasciste. Début 1938, l’Allemagne est davantage en position de force et est alliée avec l’Italie. Hitler exerce alors des pressions sur le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg, le sommant, lors d’une entrevue à Berchtesgaden en février, de faire entrer des nazis dans son gouvernement, dont Arthur Seyss-Inquart au ministère de l’Intérieur. Devant la menace croissante des nazis, Schuschnigg annonce en mars l’organisation d’un référendum pour confirmer l’indépendance de l’Autriche. Hitler lance alors un ultimatum exigeant la remise complète du pouvoir aux nazis autrichiens. Le 12 mars, Seyss-Inquart est nommé chancelier, et la Wehrmacht entre en Autriche. Hitler franchit lui-même la frontière par sa ville natale de Braunau am Inn, puis arrive à Vienne où il est triomphalement acclamé par une foule en délire. Le lendemain, il proclame le rattachement officiel de l’Autriche au Reich, ce qui est approuvé par référendum (99 % de oui) en avril 1938. Le Grossdeutschland (« Grande Allemagne ») était ainsi créé, avec la réunion des deux États à population germanophone. Rares sont alors les Autrichiens à s’opposer à la fin de l’indépendance, à l’image de l’archiduc Otto de Habsbourg, exilé. En Autriche annexée, la terreur s’abat aussitôt sur les Juifs et sur les ennemis du régime. Un camp de concentration est ouvert à Mauthausen près de Linz, qui acquiert vite la réputation méritée d’être l’un des plus terribles du système nazi. Le pays natal de Hitler, qui se targua après la guerre d’avoir été la « première victime du nazisme » et refusa

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Adolf Hitler longtemps toute indemnisation des victimes du régime, s’est en fait surtout distingué par sa forte contribution aux crimes du Troisième Reich. L’historien britannique Paul Johnson[54] souligne que les Autrichiens sont surreprésentés dans les instances supérieures du régime (outre Hitler lui-même, on peut citer Adolf Eichmann, Ernst Kaltenbrunner, Arthur Seyss-Inquart ou Hans Rautter, chef de la Gestapo aux Pays-Bas occupés) et qu’ils ont en proportion beaucoup plus participé à la Shoah que les Allemands. Un tiers des tueurs des Einsatzgruppen étaient ainsi autrichiens, tout comme quatre des six commandants des principaux camps d'extermination et près de 40 % des gardes des camps. Sur 5090 criminels de guerre recensés par la Yougoslavie en 1945, on compte 2499 Autrichiens.

Crise des Sudètes et accords de Munich Poursuivant ses objectifs pangermanistes, Hitler menace ensuite la Tchécoslovaquie. Les régions de la Bohême et de la Moravie situées le long des frontières du Grossdeutschland, appelé Sudètes, sont majoritairement peuplées par la minorité allemande. Comme pour l’Autriche, Hitler affirme ses revendications en s’appuyant sur les agitations de l’organisation nazie locale, menée par Konrad Henlein. Le Führer évoque le « droit des peuples » pour exiger de Prague l’annexion au Reich des Sudètes. Bien qu’alliée à la France (et à l’Union soviétique), la Tchécoslovaquie ne peut compter sur son soutien. Paris veut absolument éviter le conflit militaire, incitée en cela par le refus britannique de participer à une éventuelle intervention. Le souvenir de la Grande Guerre influence également cette attitude : si les Allemands ont développé le désir de revanche, les Français entretiennent quant à eux une ambiance générale résolument pacifiste. Le 29 septembre 1938, conformément à une proposition de Mussolini faite la veille, Adolf Hitler, le président du Conseil français Édouard Daladier, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain et le Duce italien Benito Mussolini, réunis dans la capitale bavaroise, signent les accords de Munich. La France et le Royaume-Uni acceptent que l’Allemagne annexe les Sudètes, pour éviter la guerre. En échange, Hitler, manipulateur, assure que les revendications territoriales du Troisième Reich s'arrêteront là. Le lendemain, la Tchécoslovaquie, qui avait commencé à mobiliser, est obligée de s’incliner. Parallèlement, le Troisième Reich autorise la Pologne et la Hongrie à s’emparer respectivement de la ville de Teschen et du sud de la Tchécoslovaquie. Maître-d’œuvre de la politique d’« apaisement » avec le Reich, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain a alors ce mot fameux : « Hitler est un gentleman ». Mais alors que les opinions publiques française et britannique sont enthousiastes, Winston Churchill commente : « Entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur. Et vous allez avoir la guerre. » De fait, Hitler rompt sa promesse à peine quelques mois plus tard. En mars 1939, la République slovaque, encouragée par Berlin, proclame son indépendance ; son leader, Jozef Tiso place son pays sous l’orbite allemande. Hitler, lors d’une entrevue dramatique à Berlin avec le président tchécoslovaque Emil Hácha (remplaçant le président démissionnaire Edvard Beneš), menace de bombarder Prague si la Bohême et la Moravie ne sont pas incorporées au Reich. Le 15 mars, Hácha cède, et l’armée allemande entre à Prague sans combat le lendemain. La Bohême et la Moravie deviennent le Protectorat de Bohême-Moravie, dirigé par Konstantin von Neurath à partir de novembre 1939, puis de 1941 à son exécution par la résistance tchèque en mai 1942, par le haut chef SS Reinhard Heydrich, surnommé « le boucher de Prague ». En mettant la main sur la Bohême-Moravie, le Reich s’empare par la même occasion d’une importante industrie sidérurgique et notamment des usines Škoda, qui permettent de construire des chars d’assaut. En annexant des populations slaves et non plus allemandes, Hitler a jeté le masque : ce qu'il poursuit n'est plus le pangermanisme classique mais, ainsi qu'il l'avoue sans fard à ses généraux le 23 mai 1939, la conquête d'un espace vital illimité.

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Le Pacte germano-soviétique et l’agression de la Pologne Après l’Autriche et la Tchécoslovaquie, vient le tour de la Pologne. Coincée entre deux nations hostiles, la Pologne de Józef Piłsudski a signé avec le Reich un traité de non-agression en janvier 1934, pensant ainsi se prémunir contre l’Union soviétique. L’influence de la France, alliée traditionnelle de la Pologne, en Europe centrale a ainsi considérablement diminué, tendance qui s’est confirmée ensuite avec le démembrement de la Tchécoslovaquie et la désagrégation de la Petite Entente (Prague, Bucarest, Belgrade), alliance placée sous le patronage de Paris. Au printemps 1939, Hitler revendique l’annexion de la Ville libre de Dantzig. En mars, l’Allemagne a déjà annexé la ville de Memel, possession de la Lituanie. Ensuite, Hitler revendique directement le corridor de Dantzig, territoire polonais perdu par l’Allemagne avec le traité de Versailles en 1919. Cette région donne à la Pologne un accès à la mer Baltique et sépare la Prusse-Orientale du reste du Reich. Le 23 août 1939, Ribbentrop et Molotov, ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et l’Union soviétique signent un pacte de non-agression. Ce pacte est un nouveau revers pour la diplomatie française. En mai 1935, le gouvernement de Pierre Laval avait signé avec l’URSS un traité d’assistance mutuelle, ce qui eut pour conséquence de refroidir les relations de la France avec la Pologne, mais aussi avec les Tories au pouvoir à Londres. Avec le pacte de non-agression germano-soviétique, la France ne peut plus compter sur l’URSS pour menacer une Allemagne expansionniste. En outre, la Pologne est prise en tenaille. L’Allemagne et l’URSS ont convenu d’un partage des pays situés entre elles : Pologne occidentale pour la première, Pologne orientale (Polésie, Volhynie, Galicie orientale) et Pays baltes pour la seconde. Le 30 août 1939, Hitler lance un ultimatum pour la restitution du corridor de Dantzig. La Pologne refuse. Cette fois-ci, la France et le Royaume-Uni sont décidés à soutenir le pays agressé. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale.

La diplomatie hitlérienne pendant la guerre Une fois la France vaincue en 1940, Hitler satellise les pays d’Europe centrale : Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie. Hitler obtient l’adhésion de la Hongrie et de la Bulgarie, anciens vaincus de la Première Guerre mondiale, en leur offrant respectivement la moitié de la Transylvanie et la Dobroudja, cédées par la Roumanie, où le général pro-hitlérien Ion Antonescu prend le pouvoir en septembre 1940. À partir de juin 1941, Hitler entraîne la Slovaquie, la Hongrie, et la Roumanie dans la guerre contre l’URSS, ainsi que la Finlande, qui y voit une occasion de réparer les torts de la guerre russo-finlandaise.

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Cependant, Hitler échoue à faire entrer en guerre l’Espagne franquiste. Comptant sur la reconnaissance du Caudillo qui a gagné la guerre civile espagnole, il le rencontre à Hendaye le 23 octobre 1940. Hitler espère l’autorisation de Franco pour conquérir Gibraltar et couper les voies de communications anglaises en Méditerranée. Prudent, le dictateur espagnol sait que l'Angleterre ne peut plus déjà être envahie ni vaincue avant 1941, et que le jeu reste ouvert. Les contreparties exigées par Franco (notamment des compensations territoriales en Afrique du Nord française), dont le pays est par ailleurs ruiné et dépendant des livraisons américaines, sont irréalisables pour Hitler, qui souhaite ménager quelque peu le régime de Vichy pour l’amener sur la voie de la collaboration. Sorti furieux de l'entrevue au point de qualifier Franco de « porc jésuite »[30] , Hitler a cependant bénéficié plus tard de l'envoi en URSS des "volontaires" espagnols de la division Azul, qui participe jusqu'en 1943 à tous les combats (et à toutes les exactions) de la Wehrmacht, et le Caudillo l'a toujours ravitaillé en minerais stratégiques de première importance.

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Hitler et Carl Gustaf Emil Mannerheim en Finlande le 4 juin 1942

Au lendemain de l'entrevue de Hendaye, le 24 octobre, Hitler s'arrête à Montoire où la collaboration d'État française est officialisée au cours d'une entrevue avec Pétain. La poignée de main symbolique entre le vieux maréchal et le chancelier du Reich frappe de stupeur l'opinion française. En novembre 1941, le Grand Mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, rencontre Adolf Hitler et Heinrich Himmler, souhaitant les amener à soutenir la cause nationaliste arabe. Il obtient d’Hitler la promesse « qu’une fois que la guerre contre la Russie et l’Angleterre sera gagnée, l’Allemagne pourra se concentrer sur l’objectif de détruire l’élément juif demeurant dans la sphère arabe sous la protection britannique»[55] . Amin al-Husseini relaie la propagande nazie en Palestine et dans le monde arabe et participe au recrutement de combattants musulmans, concrétisé par la création des divisions de Waffen-SS Handschar, Kama et Skanderberg, majoritairement formées de musulmans des Balkans. Ce soutien des nazis au Grand Mufti de Jérusalem est contradictoire avec la politique antisémite dans les années 1930, qui a pour conséquence l’émigration d’une grande partie des juifs allemands vers la Palestine. Quant au Grand Mufti, sa stratégie est guidée par le principe selon lequel l’ennemi de ses ennemis (en l’occurrence les Anglais et les Juifs) doit être son allié[56] . Du point de vue hitlérien, il s’agit essentiellement d’ébranler les positions de l’empire britannique au Moyen-Orient devant l’avancée de l’Afrikakorps et de permettre le recrutement d’auxiliaires, notamment pour lutter contre les partisans, alors que l’hémorragie de l’armée allemande devient problématique.

Adolf Hitler en visite à Paris Le 18 juin 1940, Hitler visite Paris pour la première fois, rapidement[réf. nécessaire]. Il passe en revue les troupes des détachements de la Wehrmacht qui défilent devant le maréchal Walther von Brauchitsch et le général Fedor von Bock, commandant en chef du groupe d’armées B. Le soir, il rentre à Munich pour rencontrer Benito Mussolini et examiner la demande de cessation d’hostilités adressée par Philippe Pétain. Le dimanche 23 juin, il visite une deuxième fois la capitale française, toujours de façon brève et discrète (trois véhicules) en compagnie d’Arno Breker et Albert Speer, essentiellement pour s’inspirer de son urbanisme (il avait donné l’ordre d’épargner la ville lors des opérations militaires). Dès six heures du matin, en provenance de l’aérodrome du Bourget, il descend la rue La Fayette, entre à l’Opéra, qu’il visite minutieusement. Il prend le boulevard de la Madeleine et la rue Royale, arrive à la Concorde, puis à l’arc de triomphe. Le cortège descend l’avenue Foch, puis rejoint le Trocadéro. Hitler pose pour les photographes sur l’esplanade du Trocadéro, dos tourné à la tour Eiffel. Ils se dirigent ensuite vers l’École militaire, puis vers les Invalides et il médite longuement devant le tombeau de Napoléon Ier (c'est également aux Invalides qu'il fera transférer les cendres du fils de Napoléon Ier, l’Aiglon). Ensuite, il remonte vers le jardin du Luxembourg qu’il visite, mais ne souhaite pas visiter le Panthéon.


Adolf Hitler Pour finir, il descend le boulevard Saint-Michel à pied, ses deux gardes du corps à distance. Place Saint-Michel, il remonte en voiture. Ils arrivent alors sur l’île de la Cité, où il admire la Sainte-Chapelle et Notre-Dame, puis la rive droite (le Châtelet, l’hôtel de ville, la place des Vosges, les Halles, le Louvre, la place Vendôme). Ils remontent ensuite vers l’Opéra, Pigalle, le Sacré-Cœur, avant de repartir à 8h15. Un survol de la ville complète sa visite. Il ne reviendra plus jamais à Paris[57] ,[58] .

Triomphe à Berlin Le 6 juillet 1940, Hitler revient à Berlin pour célébrer la victoire écrasante de l'Allemagne sur la France : il est reçu en triomphe entre la gare centrale et la chancellerie où il passe en revue quelques divisions revenues du front. C'est sa dernière parade militaire et la dernière fois qu'il est ovationné[59] .

La Seconde Guerre mondiale Hitler a eu de « brillantes » intuitions, lors de la première phase de la Seconde Guerre mondiale. La Wehrmacht applique la Blitzkrieg (guerre éclair, impliquant un emploi massif et concentré des bombardiers et des blindés), qui lui permet d’occuper successivement la Pologne (septembre 1939), le Danemark (avril 1940), la Norvège (avril-mai 1940), les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique (mai 1940), la France (mai-juin 1940), la Yougoslavie (avril 1941) et la Grèce (avril-mai 1941). En juin 1942 avec son État-major En particulier, la défaite rapide de la France en juin 1940 est un véritable triomphe pour Hitler, qui est acclamé par une foule massive à son retour à Berlin en juillet. Cependant, cet éternel joueur de dés remet tout en jeu en agressant l'URSS le 22 juin 1941, décision à terme fatale.

La guerre radicalise son régime et lui fait prendre ses traits les plus meurtriers. De même que l'attaque de la Pologne donne le signal du massacre des handicapés mentaux ou de la répression de masse contre les peuples slaves, c'est dans la guerre d'extermination (Vernichtungskrieg) planifiée contre les populations soviétiques que s'élabore notamment la Solution Finale. Toute l'Europe occupée est livrée à la terreur et au pillage, avec des degrés divers selon le sort qu'Hitler réserve à chaque "race" et à chaque pays.

Les succès et la conquête de l’Europe (1939-1940) Son mépris total du droit international a facilité la tâche à Hitler, tout comme son absence complète de scrupules, ainsi que la passivité frileuse ou la naïveté de nombre de ses victimes. Ainsi, six de ces pays (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Yougoslavie) sont des États neutres, attaqués par surprise, sans même la formalité d’une déclaration de guerre. Hitler a souvent exprimé à ses proches son sentiment selon lequel les traités diplomatiques ou de non-agression qu’il signait au nom de l’Allemagne n’étaient, pour lui, que des papiers sans réelle valeur, uniquement destinés à endormir la méfiance adverse. Au procès de Nuremberg, le Troisième Reich se verra reprocher la violation de 34 traités internationaux. De même, Hitler n’hésite pas à recourir à des méthodes de terreur pour faire plier l’ennemi. Il ordonne ainsi la destruction par les airs du centre de Rotterdam le 14 mai 1940, ou le terrible bombardement de Belgrade (6-9 avril 1941), en représailles à un putsch antihitlérien d’officiers serbes hostiles à l’adhésion à l’Axe. La Wehrmacht s’illustre aussi dans son avancée par un certain nombre de crimes de guerre, ainsi le massacre de 1500 à 3000 soldats noirs des troupes coloniales en France[60] , premières victimes dans ce pays du racisme hitlérien. Autodidacte en matière militaire, Hitler juge que les généraux de la vieille école dominant la Wehrmacht, souvent issus de l’aristocratie prussienne (généralement méprisée par les nazis qui se considèrent révolutionnaires), sont trop

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prudents et dépassés par les conceptions de la guerre moderne (la Blitzkrieg et la guerre psychologique). Les succès sont avant tout ceux de jeunes généraux talentueux tels que Heinz Guderian ou Erwin Rommel, qui savent faire preuve d’audace, d’initiatives, et ont une conception de la guerre plus novatrice que leurs adversaires. Toutefois, Hitler lui-même démontre une certaine habileté et audace stratégique. Il est ainsi persuadé que la France ne bougera pas pendant que la Pologne sera envahie, évitant à l’Allemagne de combattre sur deux fronts, ce qui est effectivement le scénario de la drôle de guerre. Il est également en grande partie à l’origine du plan dit « von Manstein », qui permet, en envahissant la Belgique et la Hollande, de piéger les forces franco-britanniques projetées trop en avant et de les prendre à revers par une percée dans les Ardennes dégarnies, pour isoler le Dans la clairière de Rethondes, juste avant la meilleur des troupes adverses acculées à Dunkerque en mai-juin 1940. signature de l'armistice avec la France, Hitler et Cependant, le 24 mai, Hitler, redoutant qu'une avance trop rapide ne ses généraux contemplent la statue du maréchal fournisse à l'ennemi l'occasion d'une improbable deuxième victoire de Foch (22 juin 1940). la Marne, commet l'erreur d'ordonner à ses troupes de marquer un arrêt devant le port, d’où rembarquent alors 300000 soldats britanniques, ordre qualifié plus tard de « miracle de Dunkerque ». Le 22 juin, dans la clairière de Rethondes, lors de l'Armistice franco-allemand qu'il a symboliquement exigé de voir signer dans la même clairière et le même wagon qu'en 1918, Hitler exulte devant les caméras des actualités allemandes. Avant l’invasion de la Russie un an plus tard, l’Allemagne hitlérienne domine donc l’Europe, ajoutant au printemps 1941 la Yougoslavie et la Grèce à son empire, envahis pour venir en aide à Mussolini, jaloux des succès de Hitler mais lui-même vite empêtré dans les Balkans. Avec ses succès militaires et la disparition de l’influence française en Europe centrale, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie (dont les champs de pétrole sont une obsession continuelle pour Hitler durant la guerre) et la Bulgarie, en adhérant au Pacte tripartite, tombent dans l’orbite de l’Allemagne, mettant à sa disposition des bases pour de futures actions. Entre juin 1940 et juin 1941, le seul adversaire de l’Allemagne nazie reste le Royaume-Uni, appuyé par le Commonwealth. Hitler est plutôt enclin à des relations cordiales avec les Anglais, considérés racialement comme proches des Germaniques. Il espère que le gouvernement britannique finira par négocier la paix et qu’il acceptera de se contenter de son empire colonial et maritime sans plus intervenir sur le continent. Hitler compte sur l’action de la Luftwaffe, puis les attaques des sous-marins contre les convois de marchandises (bataille de l’Atlantique), pour faire plier le Royaume-Uni. Mais sur ce point, la détermination de Winston Churchill, arrivé au pouvoir le 10 mai 1940, contraste avec les atermoiements de ses prédécesseurs. Refusant toute paix de compromis, galvanisant la population britannique, il contrarie les plans du Führer. Dès le 15 septembre 1940, la bataille d'Angleterre (10 juillet au 31 octobre 1940) est virtuellement perdue pour l'Allemagne, l’héroïsme des pilotes de la Royal Air Force ayant fait échec aux rodomontades de Göring, maître de la Luftwaffe, dont la semi-disgrâce auprès du Führer commence. La bataille aérienne a pris fin comme patt militaire, mais elle était une défaite politique et stratégique pour Hitler, qui n'avait pas réussi, pour la première fois, à imposer sa volonté à un pays[61] . Furieux, Hitler ajourne dès le 12 septembre l’opération Seelöwe - son plan de débarquement en Angleterre, au demeurant improvisé trop tardivement à l’été 1940, et irréalisable tant que le Royaume-Uni a encore sa flotte navale et aérienne. Il déchaîne alors les bombardements terroristes sur les populations civiles britanniques

« Hitler ne préviendra pas : aie toujours ton masque à gaz ». Affiche britannique pendant le Blitz.


Adolf Hitler : le Blitz s’abat chaque jour sur les cités anglaises, en particulier sur Coventry, rasée par l’aviation allemande le 26 novembre 1940, ou sur la vieille City de Londres, incendiée notamment dans les nuits de décembre 1940 et du 10-11 mai 1941. Mais la détermination populaire britannique reste intacte. En 1942, en représailles aux premiers grands raids britanniques sur les cités allemandes, Hitler ordonnera encore de détruire une à une les villes d’art britanniques par les airs (les « raids Baedeker », du nom d’un guide touristique célèbre), de même qu’il déchaînera en 1944 les V1 et les V2 sur l’Angleterre. Sans plus de succès. Par ailleurs, la guerre sous-marine à outrance rapproche le Royaume-Uni des États-Unis, soucieux de la liberté de commerce et de navigation. Hitler commence à considérer que la guerre avec l’Amérique, « foyer du capitalisme juif » à ses yeux, devient inéluctable. En juillet 1940, Hitler déclare à Wilhelm Keitel et Alfred Jodl qu'il est nécessaire d'éliminer l'URSS, puisqu’il présume, à tort, qu'aux yeux des Anglais, l’Union soviétique est le dernier soutien militaire de l’Angleterre sur le continent européen[62] . Il décide d’attaquer l'Union soviétique le plus rapidement possible pour gagner la guerre contre la Grande-Bretagne[63] . Pour Hitler, il est important que la guerre en Europe se termine avant que les États-Unis ne puissent intervenir sur le théâtre d'opérations européen[64] .

Erreurs et premiers échecs (1941) Hitler s’avère aussi et surtout être un commandant en chef brouillon et imprévisible, dédaigneux de l’opinion de son état-major. Il peut compter sur la très grande servilité de celui-ci, et en premier lieu du chef de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW, haut commandement des forces armées), Wilhelm Keitel. Chez Hitler, un manque fréquent de réalisme se double souvent d’impairs stratégiques. En outre, le Führer est inconscient de bien des problèmes du front. Comme Adolf Hitler accueille très mal les mauvaises nouvelles et tout ce qui ne correspond pas à ses plans, ses subordonnés hésitent à lui transmettre certaines informations. Sa première grave erreur a été d’ouvrir un deuxième front, en envahissant l’immense Union soviétique sans avoir terminé la guerre contre le Royaume-Uni. Toujours persuadé d’avoir une tâche monumentale qu’il aura du mal à réaliser en une seule vie, il souhaite attaquer l’URSS, principal réservoir d'« espace vital » et ennemi principal doctrinal, dans des délais rapides. À partir de décembre 1940, il planifie une guerre d'extermination terroriste à l'Est : il ne s'agit pas seulement de détruire le bolchevisme, mais au-delà, comme déjà en Pologne asservie, de détruire l'État, de réduire les populations civiles à l'état d'esclaves et de sous-hommes, de vider par les massacres et les déportations les territoires conquis de leurs Juifs et de leurs Tziganes, afin de laisser la place à des colons allemands. Au lancement de l’opération Barbarossa contre l’Union soviétique en juin 1941, Hitler, considérant que l’Armée rouge s’écroulera rapidement, envisage d’atteindre avant la fin de l’année une ligne Arkhangelsk-Astrakhan. Il interdit à ses troupes d'emporter du matériel d'hiver. Il divise son armée en trois groupes : le Groupe d’armée Nord (GAN) ayant pour objectif Leningrad, le Groupe d’armée Centre (GAC) ayant pour objectif Moscou, et le Groupe d’armée Sud (GAS) ayant pour objectif l’Ukraine. À ce dispositif s’ajoutent les alliés finlandais au Nord, hongrois, roumains et italiens au Sud, ces derniers étant considérés comme peu fiables par Hitler et son état-major. En août 1941, Hitler donne la priorité à la conquête de l’Ukraine, objectif économique primordial avec ses terres céréalières et ses mines, par le GAS, mais aussi objectif stratégique, car une très grosse part de l'Armée Rouge est concentrée autour de Kiev : marcher directement sur Moscou avant d'avoir détruit ces réserves, comme le voudraient de nombreux généraux allemands, exposerait dangereusement le flanc de la Wehrmacht aux yeux de Hitler. Ce faisant, le Führer oblige le GAC à stopper, alors qu’il était parvenu à 300 kilomètres de Moscou. L’offensive sur ce secteur reprend en octobre, mais ce contretemps fait intervenir un adversaire redoutable : l’hiver russe.

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Hitler a négligé ce facteur autant qu’il a sous-estimé, par haine des Slaves et du communisme, la qualité et la combativité des « sous-hommes » soviétiques. Son racisme lui fait aussi interdire formellement à l'armée d'invasion de se chercher des alliés parmi les nationalistes locaux et les ennemis du régime stalinien. Au contraire, les déchaînements de cruautés contre les civils et la mise en œuvre des crimes de masse prémédités aliènent très vite à Hitler les populations soviétiques, rejetées dans les bras d'un Staline qui sait Fosse commune de quelques-uns des 3,5 millions proclamer l'union sacrée. L’arrivée de troupes fraîches de Sibérie de prisonniers soviétiques exterminés par les permet de dégager Moscou et de faire reculer des Allemands mal nazis. préparés aux dures conditions climatiques. La Wehrmacht a alors perdu 700000 hommes (tués, blessés, prisonniers), soit un quart de son effectif sur ce front. Le 19 décembre 1941, alors que la retraite menace de se transformer en débacle incontrôlable comme celle qui avait fait disparaître la Grande Armée napoléonienne en 1812, Hitler prend directement le commandement de la Wehrmacht sur le front russe, évinçant le général von Brauchitsch ainsi que Guderian, von Bock et von Rundstedt. Il interdit catégoriquement toute retraite, tout repli même stratégique, allant jusqu'à faire condamner à mort des officiers et des généraux qui en effectuent en lui désobéissant. Les ordres draconiens du Führer parviennent de fait à stabiliser le front à quelque 150 km de Moscou, au prix de terribles souffrances des soldats. Désormais, la guerre-éclair a fait son temps et Hitler a perdu tout espoir d'une guerre courte. De surcroît, c'est au même moment qu'il déclare la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941, peu après l'attaque de Pearl Harbour le 7, dont ses alliés japonais ne l'avaient même pas prévenu, et sans bénéfice aucun pour le Reich, puisque l'empire japonais ne déclare nullement la guerre à l'URSS. Le Führer a fait donc inconsidérément entrer en lice le plus grand potentiel économique du monde, hors d'atteinte de ses Panzer et de ses bombardiers. Hitler est désormais le maître absolu de l'armée et des opérations (même Staline laisse après 1942 la bride sur le cou à ses généraux, tandis que Churchill, Roosevelt et de Gaulle ne prennent guère que des décisions politiques). Si l'échec frustrant devant Moscou radicalise encore ses projets meurtriers (sa décision d'exterminer tous les Juifs d'Europe est prise au moment du ralentissement de l'avancée en Russie[réf. nécessaire]), Hitler dispose encore de forces armées redoutables et reste pour l'heure le maître tout-puissant de l'Europe conquise, des portes de Moscou à l'Atlantique.

Le maître de l'Europe occupée : exploitation et terreur L'« Ordre Nouveau » promis par la propagande nazie n'a jamais signifié pour Hitler que la domination absolue et l'exploitation systématique de son « espace vital » par la « race des Seigneurs ». Partout les économies locales sont donc placées sous tutelle, au profit exclusif du Troisième Reich et de son effort de guerre. Des tributs financiers exorbitants sont exigés des vaincus, les matières premières drainées en Allemagne ainsi que les produits agricoles et industriels (sans oublier les œuvres d'arts, dont des trains entiers sont raflées par Göring et Rosenberg). Le pillage de l'Europe occupée est d'autant plus radical que Hitler tient absolument à maintenir un haut niveau de vie à la population allemande même en pleine guerre, pour éviter que ne se reproduise la révolte de novembre 1918. Le 21 mars 1942, pour pallier la pénurie de main-d'œuvre causée par la mobilisation massive des Allemands sur le front de l'Est, Hitler nomme le gauleiter Fritz Sauckel plénipotentiaire au recrutement des travailleurs. Placé sous l'autorité directe du seul Führer, Sauckel parvient, à force de chasses à l'homme et de rafles massives à l'Est, et en usant à l'Ouest davantage d'intimidations et de mesures coercitives (conscription du travail et STO), à amener en deux ans plus de 8 millions de travailleurs forcés sur le territoire du Grand Reich. Parmi eux, les travailleurs polonais et soviétiques (Ostarbeiter) ont été soumis à un traitement brutal et extrêmement discriminatoire, leur laissant à

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peine le minimum vital pour subsister[65] . Parallèlement, le 8 février 1942, Hitler a chargé son confident et architecte préféré, le jeune technocrate Albert Speer, de réorganiser l'économie de guerre du Reich. Très efficace, Speer obtient des résultats significatifs[évasif] qui prolongent la guerre. Mais il ne met longtemps à vaincre les réticences de Hitler à proclamer la guerre totale voulue par Goebbels, le Führer ne voulant pas imposer aux Allemands des sacrifices susceptibles de nuire à son image et de les pousser à la révolte. Himmler de son côté exploite jusqu'à la mort la main-d'œuvre forcée des camps de concentration, dont le taux de mortalité explose littéralement à partir de début 1942. Le 9 décembre 1941, Hitler a pris personnellement le décret Nacht und Nebel, cosigné par Keitel, qui prévoit de faire littéralement disparaître les résistants déportés « dans la nuit et le brouillard » (expression empruntée par le Führer à un opéra de Wagner). Au sein du système concentrationnaire nazi, ce sont donc les détenus de toute l'Europe classés « NN » qui connaîtront les pires traitements et le taux de mortalité le plus important[réf. nécessaire]. La domination nazie réintroduit largement en Europe des pratiques disparues depuis le XVIIIe siècle : torture, prise d'otages, réduction des populations en esclavage, destruction de villages entiers deviennent des pratiques banales qui signent la brève hégémonie de Hitler. On peut y ajouter l'enrôlement forcé dans les troupes allemandes des Malgré-Nous alsacien-mosellans ou polonais, dont les territoires annexés sont soumis à une intense germanisation forcée, ou l'enlèvement aux mêmes fins de germanisation de centaines de milliers d'enfants européens aux traits « aryens », confiés aux Lebensborn que supervise Martin Bormann, secrétaire du Führer. Hitler a ainsi personnellement fixé le taux de 100 otages à fusiller par soldat allemand tué[66] . Strictement appliqué à l'Est, faisant des victimes par dizaines de milliers, ces représailles massives sur les civils sont plus « modérées » à l'Ouest, où le racisme hitlérien ne méprise pas autant les populations, et où il faut tenir compte du plus haut niveau de développement et d'organisation des sociétés. Elles n'en sont pas moins appliquées. Aussi, après une série d'attentats inauguré par le coup de feu du colonel Fabien contre un officier allemand en plein Paris, Hitler ordonne personnellement l'exécution d'un certain nombre d'otages, qui seront fusillés notamment au camp de Châteaubriant. En mars 1944, lorsque la Résistance italienne tue 35 soldats allemands dans Rome occupée, Hitler exige que cent otages soient fusillés pour chaque tué : le maréchal Kesselring « réduit » le taux au demeurant irréaliste à dix pour un, et ce sont tout de même 355 Italiens qui périssent aux Fosses Ardéatines.

Pendaison de civils polonais, 26 juin 1942

Le 10 juin 1942, suite à l'exécution de son fidèle Heydrich par la résistance tchèque, Hitler ordonne la destruction totale du village de Lidice.


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Des revers à la débacle (1942-1944) Pendant l’offensive d’été en Russie du Sud en 1942, Hitler répète l’erreur de l’année précédente en divisant un groupe d’armée en deux, le rendant ainsi plus vulnérable. Le groupe A se dirige vers le Caucase et ses champs de pétrole, le groupe B se dirige vers Stalingrad. Cette ville industrielle qui porte le nom de son adversaire devient pendant des mois un enjeu symbolique, théâtre d'un duel direct entre Adolf Hitler et Joseph Staline. Après une bataille acharnée rue par rue, maison par maison voire pièce par pièce, la VIe Armée de Friedrich Paulus se retrouve encerclée dans la ville. Hitler interdit toute tentative de sortie qui abandonnerait la ville, et toute capitulation. En janvier 1943, il nomme Paulus maréchal : aucun maréchal allemand n'ayant jamais capitulé, il escompte que Paulus se suicidera plutôt que de se rendre. Peine perdue, la capitulation du nouveau promu à Stalingrad, le 30 janvier 1943, a un retentissement mondial immense et marque le tournant de la guerre à l'Est. Si Hitler a froidement sacrifié une armée de 300000 hommes à Stalingrad, son obsession à maintenir les troupes épuisées dans la ville en ruines n'est cependant pas due qu'à un orgueil insensé de sa part ou qu'à son fanatisme, ainsi qu'il est généralement avancé. Les 100000 Allemands survivants encerclés fixaient aussi plus de 500000 Soviétiques, soulageant d'autant le gros de la Wehrmacht, qui pendant « Nous détruirons l'ennemi sans pitié ». Affiche soviétique, 1943. ce temps se replie en bon ordre en Ukraine, d'où elle peut vite relancer des contre-offensives. Au demeurant, vu les conditions de vie et la mortalité dans une URSS tout entière affamée par l'invasion hitlérienne, les rescapés de Stalingrad n'auraient pas davantage survécu à leur captivité si elle avait commencé plus tôt[67] . Au même moment, Rommel est chassé d'Afrique du Nord par les Alliés, et le refus obstiné de Hitler d'évacuer la Tunisie coûtera encore 250000 prisonniers à l'Axe en mai 1943. Très réservé sur l'offensive de Koursk - sa dernière sur le front de l'Est, et la plus grosse bataille de blindés de l'Histoire - Hitler ne fait aucune difficulté pour l'arrêter, le 13 juillet 1943, quand à son échec flagrant vient s'ajouter le débarquement allié en Italie, qui l'oblige à dégarnir le front russe et qui précipite le renversement de son collègue Mussolini. Ce dernier, l'un des rares hommes pour qui Hitler conserve un sentiment de camaraderie, est libéré par un commando SS sur ses ordres, mais il n'est plus désormais qu'un collaborateur des nazis, à la tête d'une République de Salo fantoche.

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Jusqu’à la défaite de 1945, Hitler continue d'ordonner perpétuellement à ses troupes, sur quelque front que ce soit, de ne pas reculer, en dépit des rapports de force largement en faveur des Soviétiques ou des Alliés, ou des conditions du terrain, qu’il ne constate jamais sur place. Dans la nuit du 6 juin 1944, Jodl refuse de réveiller le Führer alors que les parachutistes sautent sur la Normandie et que 4126 navires alliés prennent d'assaut la « forteresse Europe » et percent le Mur de l'Atlantique construit sur ses ordres. Cependant, la légende répandue qui veut que l'Allemagne ait perdu la guerre à cause des sommifères pris la veille par Hitler est infondée : qu'il ait dormi ou non, il n'aurait pas été question de réagir sans au moins quelques heures de recul pour apprécier la situation[68] . Intoxiqué par les services alliés (opération Fortitude), Hitler retarde l’envoi de Panzerdivisionen pour rejeter les forces débarquées, pensant que l’opération Overlord est une diversion et que le vrai débarquement Affiche américaine ridiculisant Hitler. doit avoir lieu dans le Pas-de-Calais. Il ne changera pas d'avis avant la fin de la bataille de Normandie. En août 1944, il ordonne au général von Kluge d’effectuer une contre-attaque à Mortain pour sectionner la percée des troupes américaines à Avranches. Cependant, les troupes allemandes engagées dans cette opération ne peuvent avancer jusqu’à leurs objectifs en raison des bombardements massifs, et elles sont prises dans une nasse refermée par George Patton et Montgomery, dans la poche de Falaise où 50000 Allemands sont fait prisonniers. Le 25 août 1944, Paris est libérée, intacte, bien que le Führer ait ordonné sa destruction. Le général Dietrich von Choltitz, commandant les troupes allemandes dans la capitale française, a refusé d’obéir à cet ordre au demeurant peu réalisable. La capitale de la Pologne n’a pas la même chance, car après l’insurrection de Varsovie, en août-septembre 1944, la ville, déjà détruite à 50 % par les combats, est rasée ensuite à 90 % sur ordre personnel d’Hitler ; les civils sont déportés et on relève près de 200000 morts. Fin 1944, malgré la perte de la France et de la Belgique à l'Ouest, de la Varsovie insurgée anéantie par les Allemands, été 1944. Grèce et du sud de la Yougoslavie à l'Est, Hitler a réussi à stabiliser les fronts sur le Rhin, la Vistule et le Danube, et se montre encore capable de lancer une offensive dans les Ardennes. En s'emparant de la Hongrie, il a empêché le régent Miklós Horthy de virer de bord comme l'ont fait la Roumanie et la Bulgarie, sans négliger au passage de faire déporter en 56 jours plus de 500000 Juifs hongrois à Auschwitz par Eichmann. Grâce aux millions de travailleurs forcés, l'économie de guerre allemande confiée à Speer continue à produire à plein régime, malgré les bombardements alliés sur les villes du Reich. Hitler parvient donc à retarder sensiblement l'échéance finale et à remporter des succès jusqu'à la fin. S'il est devenu évident pour tous, jusqu'au sein même de ses serviteurs, que la défaite est inéluctable et qu'Hitler mène l'Allemagne à la catastrophe, aucune cessation des combats n'est possible tant qu'il reste en vie. Or en Allemagne même, Hitler exerce une lourde répression après avoir survécu à l'attentat du 20 juillet 1944.

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Attentats contre sa personne et complot du 20 juillet 1944 Le pouvoir absolu de Hitler ne cesse de se renforcer au cours de la guerre. Ainsi en avril 1942, lors d’une cérémonie au Reichstag, il se fait donner officiellement droit de vie et de mort sur chaque citoyen allemand. Tandis que l'étoile de Göring pâlit et que son successeur désigné, Rudolf Hess, s'est mystérieusement enfui en Écosse en mai 1941, son secrétaire particulier Martin Bormann s'affirme de plus en plus comme une éminence grise, filtrant les accès à Hitler, gérant ses biens et jouant un rôle actif dans la mise en œuvre des projets nazis en Europe. Ses victoires de 1939-1941 ont renforcé la croyance de la population dans son infaillibilité, et rendu impossible la tâche de ceux qui auraient voulu le renverser. Même certains futurs résistants comme le pasteur Martin Niemöller, les étudiants martyrs de la Rose blanche à Munich ou le comte de Stauffenberg, héros de l’attentat du 20 juillet 1944, ont été initialement séduits par la personne charismatique du Führer et par ses succès[69] . Cependant, si le soutien au moins passif des masses reste pratiquement acquis jusqu’à la fin, depuis la crise des Sudètes en 1938, des individus ou des groupes isolés ont compris que seule la mort de Hitler peut encore permettre d’éviter un désastre total à l’Allemagne. La « chance du diable »[70] assez peu ordinaire dont bénéficie Adolf Hitler lui a permis d'échapper de peu à plusieurs tentatives d’assassinat. Mais il faut aussi compter avec la difficulté d'accéder à lui puisqu'il se terre dans son QG prussien après 1941, son incapacité à se tenir à des horaires réguliers et prévisibles, la foule ou la garde SS qui l'entourent, et ses précautions prises - ses déplacements de guerre sont secrets, le fond de sa casquette est blindé, il porte un gilet pare-balles et ses aliments sont goûtés préalablement par son médecin[71] . En novembre 1938 à Munich, le catholique suisse Maurice Bavaud a tenté de tirer sur lui, il sera guillotiné. Le 8 novembre 1939, lors de la commémoration annuelle de son putsch manqué à la brasserie Bürgerbräukeller, Hitler échappe à un attentat orchestré par Johann Georg Elser. La bombe explose 20 minutes après le départ d’Hitler qui avait dû écourter son discours à cause des mauvaises conditions climatiques l’obligeant à prendre le train plutôt que l’avion. Au fur et à mesure que l’issue de la guerre se précisait dans le sens d’une défaite, plusieurs gradés ont comploté avec des civils pour éliminer Hitler. Bien que les Alliés aient exprimé le choix d’une reddition sans conditions lors de la conférence d'Anfa, en janvier 1943, les conjurés espèrent renverser le régime afin de négocier un règlement politique du conflit. Parmi eux, l’amiral Wilhelm Canaris, chef de l’Abwehr (services secrets), Carl Friedrich Goerdeler, l’ancien maire de Leipzig, ou encore le général Ludwig Beck. Ce dernier, après la défaite de Stalingrad, met en marche le complot sous le nom d’opération Flash, mais la bombe placée le 13 mars 1943 dans l’avion de Hitler, en visite sur le front de l’Est, n’explose pas. Le 20 juillet 1944 à 12h42, à la Wolfsschanze, Hitler est blessé dans un attentat lors d’une tentative de coup d'État d’officiers organisée par Claus von Stauffenberg, qui est durement réprimée. Compromis, les maréchaux Erwin Rommel et Günther von Kluge sont contraints au suicide, tandis que l’amiral Canaris est envoyé dans un camp de concentration où il sera assassiné par pendaison à l’approche des Alliés, aux côtés du pasteur Dietrich Bonhoeffer. En tout, plus de 5000 personnes sont arrêtées et assassinées au cours de la répression. En vertu du principe totalitaire de la responsabilité collective, et se référant aux antiques coutumes de vengeance des peuplades germaniques (Sippenhaft), Hitler fait envoyer les familles des conjurés dans des camps de concentration. Les conjurés, maltraités et ridiculisés, sont traînés devant le Tribunal du Peuple de Roland Freisler, qui les abreuve d’injures et d’humiliations au cours de parodies de justice n’essayant même pas de respecter les apparences élémentaires du droit, avant de les envoyer à la mort. Beaucoup périssent pendus à des crocs de boucher à la prison berlinoise de Plotzensee. Hitler fit filmer les exécutions pour pouvoir les visionner avec ses fidèles dans sa salle privée, bien qu’il semble que les films ne furent finalement jamais projetés.

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La défaite finale et la mort Aux abois Les ordres de Hitler à ses troupes deviennent de plus en plus irréalistes compte tenu de l’écrasante supériorité de l’Armée rouge et des Alliés. Les réunions entre Hitler et son chef d’état-major (depuis juillet 1944) Heinz Guderian sont de plus en plus houleuses et ce dernier finit par être renvoyé le 28 mars 1945. Devant ses proches, Hitler déclare que les « armes miracles » vont renverser la situation (dont les V1 et V2, les premiers missiles, assemblés notamment dans le tunnel mortifère du camp de concentration de Dora-Mittelbau, ou encore les premiers chasseurs à réaction Messerschmitt Me 262), ou encore que de même que son héros Frédéric II de Prusse avait jadis été sauvé par un retournement d’alliance in extremis, de même les Alliés arrêteront de combattre le Troisième Reich pour s’attaquer à l’Union soviétique. En fait, depuis la conférence de Casablanca en janvier 1943, les Alliés sont sans ambiguïté sur l’exigence d’une capitulation sans condition et « Hitler doit mourir pour que l'Allemagne vive » : graffiti sur une baraque du camp de la mort de sur la dénazification de l’Allemagne et le châtiment des criminels de Buchenwald, libéré par l'armée américaine, avec guerre. Quant aux « armes nouvelles », elles auraient été tout à fait Hitler pendu en effigie (avril 1945). insuffisantes, et Hitler a lui-même gâché ses dernières chances en affichant longtemps son mépris pour les « sciences juives » dont la physique nucléaire (une des causes du retard pris aux recherches sur la bombe atomique), ou encore en exigeant, contre l’avis de tous les experts, de construire les avions à réaction non pas comme chasseurs, ce qui aurait pu faire basculer la guerre aérienne, mais comme bombardiers - pour pouvoir reprendre la destruction des villes anglaises. Dans les derniers mois du conflit, Hitler, dont la santé décline rapidement, n’apparaît plus en public, ne parle plus guère à la radio, et reste la plupart du temps à Berlin. C’est Joseph Goebbels, le chef de la propagande, par ailleurs commissaire à la défense de Berlin et responsable de la Volkssturm, qui se charge d’exhorter les troupes et les foules. Le lien entre les Allemands et le Führer se distend. Hitler n’a jamais visité une ville bombardée ni un hôpital civil, il n’a jamais vu aucun des réfugiés qui fuient l’avancée de l’Armée rouge par millions à partir de janvier 1945, il ne se rend plus de longue date au chevet de soldats blessés, et a cessé depuis fin 1941 de prendre ses repas avec ses officiers ou ses soldats. Sa glissée hors du réel s’accentue. Convaincu que le peuple allemand ne mérite pas de lui survivre puisqu’il ne s’est pas montré le plus fort, Hitler ordonne le 19 mars 1945 une politique de terre brûlée d’une ampleur inégalée, incluant la destruction des industries, des installations militaires, des magasins et des moyens de transport et de communication, mais aussi des stations thermiques et électriques, des stations d’épuration, et de tout ce qui est indispensable à la survie élémentaire de ses concitoyens. Cet ordre ne sera pas respecté. Albert Speer, ministre de l’armement et architecte du Reich, a prétendu devant le tribunal de Nuremberg qu’il avait pris les mesures nécessaires pour que les directives de Hitler ne soient pas accomplies par les gauleiters.

Officier nazi de la Volkssturm suicidé auprès d'un portrait lacéré du Führer, printemps 1945.

En avril 1945, le Reich est aux abois : le Rhin franchi par les Occidentaux le 23 mars, les villes matraquées par des bombardements quotidiens, les réfugiés fuyant en masse de l’Est, les Soviétiques approchant de Vienne et de Berlin. Dans les rues assaillies de ces deux villes, les SS pendront


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encore en public ceux qui parlent de cesser un combat sans espoir. Sur des cadavres de civils pendus à des lampadaires, des pancartes précisent par exemple : « Je pends ici parce que j’ai douté de mon Führer », ou « Je pends ici parce que je suis un traître ». Les dernières images d’Hitler filmées, en pleine bataille de Berlin, le montrent décorant ses derniers défenseurs : des enfants et des pré-adolescents. Les dix derniers jours Le 20 avril, les hauts dirigeants nazis viennent une dernière fois saluer hâtivement leur maître pour son anniversaire, avant de tous s'enfuir précipitamment loin de Berlin, attaquée par l'Armée Rouge. Terré au fond de son Führerbunker, Hitler refuse de partir pour la Bavière et choisit de rester à Berlin pour mieux mettre en scène sa mort. Au cours de séances quotidiennes de plus en plus orageuses, tandis qu'au-dehors la plus grande bataille de la guerre fait rage, il continue à ordonner d'impossibles manœuvres pour délivrer la capitale vite encerclée. Le 22 avril, comprenant la vanité de ces tentatives, il entre dans l'une de ses plus terribles colères, avant de s'effondrer en reconnaissant enfin pour la première fois que « la guerre est perdue » (« Der Krieg ist verloren »). La décision du suicide est prise dans les jours suivants. Le 23, Albert Speer revient en avion dans Berlin assaillie pour refaire ses adieux à Hitler. Il lui avoue avoir saboté la politique de la terre brûlée, sans que le dictateur ne réagisse, et s’en va en n’ayant obtenu qu'une molle poignée de main de son idole.

Journal américain annonçant la mort d’Hitler

Les dernières crises internes du régime ont lieu quand au soir du 25, Hermann Göring, toujours nominalement héritier de Hitler, lui envoie de Bavière un télégramme lui demandant s'il peut prendre la direction du Reich conformément aux dispositions de 1941. Persuadé par Bormann d'y voir à tort un ultimatum et un coup de force du Reichsmarschall, Hitler, furieux, destitue Göring et le fait assigner à résidence par les SS. Sa fureur redouble le 27 quand la radio alliée lui apprend que son fidèle Himmler a tenté à son insu de négocier avec les Occidentaux. Cependant, certaines recherches récentes forment l’hypothèse que Himmler aurait négocié avec les Alliés sur ordre de Hitler lui-même[72] . Il fait fusiller dans les jardins de la chancellerie le beau-frère d’Eva Braun, le dirigeant SS Hermann Fegelein, agent de liaison de Himmler. Dans la nuit du 29 avril, après avoir épousé Eva Braun, Hitler dicte à sa secrétaire Traudl Junge un testament privé puis un testament politique, exercice d'autojustification où il nie sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. Curieusement, le texte ne dit mot du bolchévisme, au moment même où les Soviétiques s'emparent de Berlin. Par contre, l'obsession antisémite de Hitler y apparaît toujours intacte. Il exclut Himmler et Göring du NSDAP, écarte Speer, Ribbentrop et Keitel, promeut Goebbels à la Chancellerie et confie la tête de ce qui reste du Reich au grand amiral Karl Dönitz. Le 30 avril, vers quinze heures trente, alors que l’Armée rouge n’est plus qu’à quelques centaines de mètres du bunker, Adolf Hitler se suicide en compagnie d’Eva Braun. On suppose généralement que le poison utilisé par Eva Braun était du cyanure de potassium, mais Ian Kershaw soutient que le poison fourni à tous les occupants du bunker était de l’acide prussique. Hitler se donne la mort d’une balle dans la bouche. On retrouvera son arme de service à ses pieds. Une affirmation fréquente précise qu’il aurait mordu la capsule juste avant ou presque en même temps qu’il se serait tité une balle dans la tempe[73] , mais Kershaw affirme qu’il est impossible de tirer juste après avoir mordu un tel poison, et que le corps de Hitler n’ayant pas dégagé l’odeur d’amande amère caractéristique de l’acide prussique et


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constatée sur celui d’Eva Braun, il faut conclure à la mort par balle seule ; de nombreuses autres thèses circulent, impliquant parfois qu’un autre ait tiré la balle, mais elles sont considérées comme fantaisistes. Pour ne pas voir son cadavre emporté en trophée par l’ennemi (Mussolini a été fusillé le 28 par les partisans italiens et son corps pendu par les pieds devant la foule à Milan), Hitler a donné l’ordre de l’incinérer. C’est aussitôt chose faite par son chauffeur Erich Kempka et son aide de camp Otto Günsche, dans un cratère de bombe près du bunker. La pluie d’obus soviétiques labourant Berlin a presque certainement détruit l’essentiel des deux corps. Refusant de survivre à son maître malgré ses ordres, et considérant qu’il n’y a plus de vie imaginable dans un monde sans national-socialisme, Goebbels se suicide le lendemain avec sa femme Magda, après avoir empoisonné leurs six enfants. Ce même 1er mai, la radio apprend aux Allemands la mort de leur dictateur, en laissant croire qu’il a été tué le jour même et les armes à la main. Le 2 mai, après avoir signé la capitulation de Berlin, le général Weidling rétablit la vérité au micro et accuse Adolf Hitler d’avoir abandonné « en plan » (im Stich) soldats et civils. Dans les villes ruinées ou sur les routes, la masse des Allemands d’abord soucieuse de survie restera plutôt indifférente à la fin de Hitler[74] .

Découverte du camp de Dachau, 29 avril 1945.

Le 4 mai, la 2e DB du général Leclerc s’empare symboliquement du Berghof, la résidence du Führer à Berchtesgaden. Le 8 mai 1945, le Troisième Reich capitule sans condition. Au même moment, l’ouverture des camps de concentration révèle définitivement l’ampleur de l’œuvre de mort hitlérienne. « La guerre de Hitler était finie. Le traumatisme moral, qui était l’œuvre de Hitler, ne faisait que commencer » (Ian Kershaw). Découverte du corps et rumeurs de fuite Nombre de rumeurs ont circulé sur la possibilité que Hitler ait survécu à la fin de la guerre. Le FBI a mené des enquêtes en ce sens jusqu’en 1956 sur des pistes plus ou moins sérieuses. Mais dès la chute de Berlin, l’unité des services secrets soviétiques chargée de trouver Hitler, le SMERSH, estimait avoir récupéré une grande partie du corps. Le 2 mai 1945, averti du suicide de Hitler, le SMERSH boucle le jardin de la chancellerie et le Führerbunker. Le personnel encore présent est arrêté puis interrogé, Staline étant tenu au courant par un général du NKVD au moyen d’une ligne codée directe[75] . Le 5 mai, Ivan Churakov du 79e corps d’infanterie, auquel le SMERSH est rattaché, découvre le corps de Hitler près de celui d’Eva Braun, dans un cratère d’obus situé dans le jardin de la chancellerie. Conformément aux volontés du Führer, leurs dépouilles ont été brûlées et sont méconnaissables[75] . Le 11 mai, les témoignages concordants de l’assistante du dentiste d’Hitler, Hugo Blaschke, et de son technicien, confirment l’identité du corps. La dentition supérieure de Hitler comporte en effet un bridge récent. Dans un premier temps, Staline impose le silence sur la découverte, allant même jusqu’à réprimander Joukov pour avoir échoué à retrouver Hitler, tandis que la Pravda qualifie les rumeurs de découverte de « provocation fasciste ». Les Soviétiques lancent d’autres rumeurs, affirmant notamment que Hitler se cacherait en Bavière, zone sous contrôle de l’armée américaine, accusant implicitement cette dernière de complicité avec les Nazis[75] . En juin 1946, les derniers témoins du Führerbunker, détenus par le NKVD, sont amenés sur les lieux du suicide. Dans le jardin de la chancellerie, ils indiquent l’endroit où ils ont brûlé puis enterré les corps des époux Hitler. L’emplacement correspond à l’exhumation réalisée par le SMERSH un an plus tôt. De nouvelles fouilles sont entreprises et quatre fragments de crâne sont mis au jour. Le plus grand est transpercé d’une balle. L’autopsie réalisée fin 1945 sur le corps masculin découvert au même endroit se trouve en partie confirmée : les médecins y notaient en effet l’absence d’une pièce du crâne, celle qui devait permettre de conclure que Hitler s’est suicidé par arme à feu.


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Les restes d’Adolf Hitler sont alors enterrés dans le plus grand secret, avec ceux d’Eva Braun, de Joseph et Magda Goebbels et de leurs six enfants, du général Hans Krebs et des deux chiens d’Hitler, dans une tombe près de Rathenow à Brandenburg[76] . En 1970, le KGB doit restituer au gouvernement d’Allemagne de l’Est les lieux qu’il occupe à Brandenburg. Craignant que l’existence de la tombe de Hitler ne soit révélée et que le site ne devienne alors un lieu de pèlerinage néo-nazi, Youri Andropov, chef du KGB, donne son autorisation pour que soient détruits les restes du dictateur et les neuf autres dépouilles[77] ,[78] . Le 4 avril 1970, une équipe du KGB se charge de la crémation des dix corps, et disperse secrètement les cendres dans l’Elbe, à proximité immédiate de Rathenow[79] . Mais le crâne et les dents de Hitler, conservés dans les archives moscovites, échappent à la crémation. On n’en apprend l’existence qu’après la dissolution de l’URSS (1991). Le 26 avril 2000, la partie supérieure du crâne attribué au dictateur devient l’une des curiosités de l’exposition organisée par le Service fédéral des archives russes, marquant le cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre. Mais, en 2009, à la demande de la chaîne de télévision History qui réalise un documentaire intitulé Hitler’s Escape, qui traite de l’hypothèse de la fuite du dictateur, l’Américain Nick Bellantoni découvre que le crâne que l’on attribuait à Hitler est en réalité celui d’une jeune femme. Des tests ADN réalisés aux États-Unis sur les échantillons ramenés par l’archéologue confirment ses dires[80] . Selon Nick Bellantoni, le crâne ne serait pas non plus celui d’Eva Braun. Les témoignages affirment qu’elle se serait suicidée au cyanure, et non par arme à feu. Ce coup de théâtre relance les théories affirmant que Hitler a pu survivre à la chute du Reich. L’historien Antony Beevor regrette ces polémiques, qu’il juge sensationnalistes, rappelant que la dentition, avec son bridge caractéristique, a été formellement reconnue en mai 1945 par Käthe Heusermann, assistante du dentiste de Hitler[75] , et son technicien Fritz Echtmann, arrêtés par les Russes. Mais les archives dentaires de Hitler ayant été détruites sur ordre de Martin Bormann en 1944, donc antérieurement aux investigations russes, le témoignage d’Heusermann n’est basé que sur sa mémoire, comme le souligne le journaliste britannique Gerrard Williams, qui rappelle qu’il n’existe à ce jour aucune expertise médico-légale attestant qu’il s’agisse bien des dents de Hitler[81] . Ces théories de la fuite du Führer restent peu crédibles, se heurtant aux témoignages (parfois contradictoires) des dernières heures, qui concluent à la mort du dictateur nazi. En 2009, le dernier survivant du bunker, Rochus Misch, réaffirme ainsi avoir vu les corps sans vie de Hitler et d’Eva Braun[82] .

Legs historique

Discours d'Adolf Hitler au Reichstag en avril 1941

Personnage impitoyable et déshumanisé, dictateur totalitaire, raciste et eugéniste, Adolf Hitler a été surtout le principal responsable du conflit de loin le plus vaste, le plus destructeur et le plus traumatisant que l'humanité ait jamais connu, à l'origine de près de 40 millions de morts en Europe, dont 26 millions de Soviétiques. Environ 11 millions de personnes ont directement été assassinées sur ses ordres, en raison des pratiques criminelles systématiques de son régime et de ses forces armées, ou en application de ses projets exterminateurs prémédités. Parmi elles, les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée. « Jamais dans l'Histoire, pareille ruine matérielle et morale n'avait été associée au nom d'un seul homme » (Ian Kershaw)[83] .

L'image de Hitler a été définitivement fixée, en particulier, lors de la découverte des camps de la mort en avril-mai 1945, avec leurs monceaux de cadavres décharnés, leurs survivants squelettiques et hagards, leurs expériences pseudo-médicales et leurs chambres à gaz doublées des tristement célèbres fours crématoires. Cette révélation macabre a achevé de trancher les débats antérieurs entre adversaires et partisans du personnage et de son régime[84] . La redécouverte de la Shoah, depuis les années 1970, a recentré l'attention sur la spécificité du judéocide qu'il a


Adolf Hitler inspiré, tout en confirmant la nature intrinsèquement criminelle de son action et de son système.

Bilan Le bilan humain est sans précédent. En trois années d'occupation, la terreur nazie a fait périr près du quart des habitants de la Biélorussie. La Pologne sous Hitler a perdu près de 20 % de sa population totale (dont 97 % de sa communauté juive, jusqu'alors la première du monde). L'URSS, la Grèce et la Yougoslavie ont perdu entre 10 et 15 % de leurs citoyens[85] . À l'Ouest, la terreur et l'exploitation hitlériennes ont été moindres, mais restent éprouvantes. Entre 1940 et 1944, la France gouvernée par le Enfant dans les ruines de Varsovie. Régime de Vichy a été le pays proportionnellement le plus pillé d'Europe, 30000 habitants ont été fusillés sur place, des dizaines de milliers déportés en camps de concentration, un quart de la population juive exterminée, sans oublier les 400000 soldats tombés au combat, ni les deux millions de soldats maintenus indéfiniment en captivité dans le Reich ou plus de 600000 Français du STO obligés d'aller travailler dans les usines allemandes. Les Allemands ne sont pas les derniers à avoir payé chèrement les ambitions démesurées de leur Führer, auquel ils ont toutefois globalement continué d'obéir jusqu'à la fin. Trois millions de soldats sont morts au front, laissant encore davantage de veuves et d'orphelins, et condamnant une génération à subir le déséquilibre durable du sex ratio et de la vie de familles monoparentales. Ainsi, deux tiers des mâles allemands nés en 1918 n'ont-ils pas vu l'issue de la guerre[86] . Toutes les grandes et moyennes villes allemandes ou presque sont en ruines, et 500000 civils ont été tués par les bombes. Des centaines de milliers de femmes allemandes de tous âges ont été exposées aux viols de l'Armée Rouge en 1945. Soldat allemand tué en Italie, fin 1943 L'Allemagne même, dont Hitler avait prétendu faire la raison de son combat politique et de son existence, disparaît en tant qu'État au terme de l'aventure nazie. Elle ne retrouve son indépendance qu'en 1949 (sans la pleine souveraineté au début) et son unité qu'en 1990. Berlin, l'une des villes qui avait le moins voté pour Hitler et que le Führer n'avait jamais aimée, n'en subira pas moins une division de 40 ans, matérialisée après 1961 par le célèbre Mur de Berlin. En représailles aux exactions massives du Troisième Reich, plus de 8 millions d'Allemands présents depuis des siècles ont été chassés en 1945 des Sudètes, des Balkans et de toute l'Europe centrale et orientale. Sans oublier la déportation en Sibérie, en 1941, des Allemands de la Volga vus par Staline comme une cinquième colonne potentielle de Hitler. Le territoire actuel de l'Allemagne est inférieur d'un quart à celui du Reich de 1914.

Le traumatisme hitlérien a aussi valu à l'Allemagne son élimination définitive comme puissance militaire, ses effectifs armés restant strictement limités, et interdits d'opérations hors de ses frontières au moins jusque dans les années 1990. Sur le plan diplomatique, la division d'après-guerre a fermé jusqu'en 1973 les portes de l'ONU à la RDA et à la RFA (« géant économique et nain politique »). En revanche, sur le plan économique, son fidèle Albert Speer a su renouveler les machines et enterrer les usines : le potentiel industriel de l'Allemagne est largement intact après-guerre, ce qui a permis de se demander si Hitler n'était pas le père inavouable du miracle économique allemand d'après-guerre[87] .

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Les pillages, les bombardements, les représailles et la terre brûlée ordonnées par Hitler ont dans l'immédiat largement aggravé le bilan matériel inégalé de la guerre. Des milliers de villes, de bourgs et de villages ont été détruits par la Wehrmacht et les Waffen-SS dans toute l'Europe. Minsk a été ainsi détruite par Hitler à 80 %, Varsovie à 90 %. L'URSS compte au moins 25 millions de sans-abris et l'Allemagne 20 millions[88] . 30 millions de réfugiés et « personnes déplacées » errent sur les routes d'Europe en mai 1945, en majorité en Allemagne. Le combat contre le « bolchevisme », dont Hitler avait fait un fondement de sa mission et un de ses thèmes de propagande les plus porteurs, s'achève sur un fiasco total. C'est en repoussant l'agression Soldat et graffiti de l'Armée Rouge dans le hitlérienne que l'Armée Rouge pousse jusqu'à Berlin et que l'URSS Reichstag en ruines, peu après la mort d’Hitler peut imposer sa domination à la moitié de l'Europe pour plus de 40 ans. Devenu le principal vainqueur de son ancien allié Hitler, Staline retire aussi de sa victoire sur ce dernier un immense prestige dans sa population et dans le monde entier. Dans les pays occupés, en engageant la collaboration avec Hitler, généralement sans obtenir aucune contrepartie du Führer[89] , bien des responsables européens ont causé à leur pays de graves divisions civiles et des compromissions qui reviendront hanter durablement les mémoires nationales. De durs combats traumatisants ont opposé ennemis et alliés de Hitler en France occupée, dans l'Italie en guerre ou, à une échelle bien pire, dans l'État indépendant de Croatie, dirigé par les Oustachis. En Pologne, en Grèce et en Yougoslavie, les résistants au maître du Troisième Reich n'ont même pas pu s'entendre entre eux et se sont violemment combattus : la guerre civile grecque de 1944-1949, par exemple, est aussi un héritage de Hitler.

Hitler reçoit Ante Pavelić, dirigeant de l'État indépendant de Croatie, 1943

Spoliés et exterminés, les Juifs d'Europe ont vu disparaître à jamais les foyers les plus brillants et prospères de leur culture, avec l'éradication sans retour des fortes communautés de Berlin, Vienne, Amsterdam, Vilnius ou Varsovie. Les trois quarts des locuteurs du yiddish ont péri. En Europe de l’Est, les rares survivants des camps sont souvent insultés voire assassinés à leur retour, en particulier par ceux qui ont pris leurs biens en leur absence. Il n'est pas rare alors d'entendre des Polonais ou des Tchécoslovaques se plaindre à haute voix que « Hitler n'a[it] pas fini le travail »[90] .


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Mémoire et traumatisme moral Principal absent du procès de Nuremberg, et malgré le mot d'ordre de Göring « Pas un mot contre Hitler », le Führer a vu la plupart de ses subordonnés rejeter sur lui, à titre posthume, la responsabilité de leurs actes criminels. La plupart prétendirent n'avoir fait qu'obéir à ses ordres, et avoir ignoré l'essentiel de la réalité de son régime de terreur et de génocides[91] . La dénazification d'après-guerre n'empêcha pas maints complices de Hitler de ne jamais être inquiétés, ou de faire des carrières politiques, économiques ou administratives prospères, en RFA comme en RDA. D'autres se sont réfugiés, via des filières d'exfiltration, en Amérique latine ou dans le monde arabe, continuant d'y entretenir le culte nostalgique du Führer, et continuant souvent d'y diffuser l'antisémitisme et le négationnisme, tout en réutilisant les méthodes policières du Troisième Reich au profit de dictatures locales. D'autres furent employés par les services secrets américains, comme Klaus Barbie. Pratiquement aucun ancien responsable nazi n'a jamais fait acte de repentance, ni manifesté le moindre regret d'avoir suivi et servi Hitler.

Procès des principaux complices de Hitler à Nuremberg, 1946.

La seule exception partielle notable est celle de Albert Speer, ancien confident et ministre du dictateur, mais son complexe de culpabilité, exposé dans ses mémoires sur le Troisième Reich, se mêle à une fascination persistante pour Hitler, qui témoigne que le charisme du personnage faisait encore effet bien au-delà de sa mort et de la découverte de ses forfaits[92] . Hitler a brisé la continuité de l'histoire allemande. Il a mis en question jusqu'à la permanence et au sens même de la civilisation. Un des peuples les plus cultivés et les plus développés du monde s'est révélé en effet capable d'engendrer un Hitler, et de le suivre jusqu'au bout sans grande résistance, y compris dans des entreprises d'une barbarie à cette heure unique dans l'Histoire[93] . Dès lors, la conscience allemande et européenne n'a cessé d'interroger les responsabilités du passé allemand dans l'avènement de Hitler, celle de la culpabilité des Allemands ayant vécu sous le Führer (Schuldfrage), mais aussi la responsabilité morale qui échoit en héritage aux générations ne l'ayant pas connu. Selon le mot de Tony Judt, « demander à chaque nouvelle génération d'Allemands de vivre à jamais dans l'ombre de Hitler, exiger qu'ils endossent la responsabilité de la mémoire de la culpabilité unique de l'Allemagne et en faire l'aune même de leur identité nationale était le moins qu'on pût exiger… mais c'était attendre beaucoup trop[94] . »


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En 1952, 25 % des Allemands sondés avouaient avoir une bonne opinion de Hitler et 37 % trouvaient bon de n'avoir plus aucun juif sur leur territoire. En 1955, 48 % considéraient encore que Hitler, sans la guerre, resterait l'un des plus grands hommes d'État que leur pays ait jamais connu. Ils étaient encore 32 % à soutenir cette opinion en 1967, surtout parmi les plus âgés[95] . Encore à partir des années 1980, la résurgence de phénomènes néonazis ultraminoritaires mais très violents a pu aussi inquiéter. Ces groupes sont reconnaissables entre autres à leur pratique du salut nazi ou lorsqu'ils célèbrent bruyamment l'anniversaire de la naissance et de la mort du Führer. Le renouvellement des générations, l'affaiblissement à partir des années 1960 des tabous publics et privés empêchant de parler d'une Hitlerzeit (ou Hitlerdiktatur) traumatisante et compromettante, la « Souviens-toi de cela ! Ne fraternise pas ! » (affiche de l'armée américaine, été 1945) redécouverte de la singularité du génocide des Juifs à partir des années 1970, la lutte contre le négationnisme, ont permis par la suite d'éradiquer en bonne partie les sympathies ou nostalgies latentes pour Hitler et son régime en Allemagne et en Autriche. Hitler est aussi revenu hanter périodiquement les mémoires collectives des autres pays. Surtout à partir des années 1960-1970, on redécouvre un peu partout qu'un des plus grands criminels de l'histoire a bénéficié jusque chez soi de soutiens indispensables, de relais, de délateurs — ou tout simplement d'indifférences, de passivités et de complaisances plus ou moins lourdes de conséquences humaines et morales. La France ne reconnaîtra qu'en 1995 la responsabilité de l'État pétainiste dans les déportations de Juifs. Même des États neutres tels que la Suisse ou le Vatican ont vu mettre âprement en question les ambiguïtés de leur attitude face à l'Allemagne nazie. Même à l'Ouest, la guerre contre Hitler n'avait jamais été conçue comme une guerre pour sauver les Juifs. La spécificité raciste et exterminatrice de son action avait rarement été perçue des contemporains. Les pouvoirs publics et l'opinion s'étaient plus attachés, dans l'après-guerre, à célébrer les résistants et les soldats qui avaient combattu le dictateur (perçu d'abord comme l'agresseur étranger et l'oppresseur de la nation) que ses victimes, souvent réduites au silence. Ce n'est qu'après le procès Eichmann en 1961 et avec la redécouverte de l'unicité de la Shoah, dans les années 1970, que le monde occidental comprend le génocide des Juifs comme le principal crime du Führer[96] . Paradoxalement, l'auteur de Mein Kampf a sans doute été le fossoyeur involontaire du vieil antisémitisme européen : largement répandu avant-guerre comme une opinion parmi d'autres, l'antisémitisme est, après lui, devenu définitivement un tabou dépourvu de tout droit de cité en Occident, ainsi qu'un délit passible des lois. À travers tout l'Occident, un vaste effort de pédagogie à travers l'école, les médias, les productions littéraires et culturelles, les témoignages de survivants, a permis de familiariser le grand public avec l'ampleur des méfaits du Troisième Reich. Aussi le nom de Hitler évoque-t-il spontanément et durablement, dans les masses, l'idée même du criminel absolu. En 1989, pour marquer le centenaire de sa naissance, un Monument contre la guerre et le fascisme a été érigé devant sa maison natale.

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Doctrines raciales et crimes contre l’humanité Parmi les auteurs qui ont le plus influencé Hitler en particulier et le régime nazi en général en matière de doctrines raciales, on trouve l'Américain Madison Grant, dont les idées eurent une « influence énorme » sur sa politique raciale puis ensuite l'Allemand Hans Gunther. Leurs ouvrages furent inclus par Hitler dans liste des ouvrages recommandés aux nazis[97] . Hitler avait présenté ses thèses raciales et antisémites dans son livre Mein Kampf (Mon combat), rédigé en 1924, lors de son incarcération dans la forteresse de Landsberg, après son putsch raté de Munich. Si son succès fut modeste dans un premier temps, il fut tiré à plus de dix millions d’exemplaires et traduit en seize langues jusqu’en 1945 ; il constitue la référence de l’orthodoxie nazie du Troisième Reich. Rien dans sa biographie connue ne permet d'affirmer que l'individu Hitler ait jamais tué ou torturé quelqu'un de ses mains. Il n'a jamais visité un seul de ses camps de concentration, ni assisté à aucun des bombardements ou des fusillades de masse dont lui ou ses subordonnés donnaient l'ordre. Mais chaque exécutant, au premier chef desquels son fidèle Himmler, savait qu'en mettant en pratique les conséquences logiques de la doctrine nazie, il accomplissait loyalement les directives du Führer.

Théories racistes Dans ce livre, Hitler expose ses théories racistes, impliquant une inégalité et une hiérarchie des races[98] , et son aversion particulière pour les Slaves, les Tsiganes, et surtout les Juifs. Présentés comme de races inférieures, ils sont qualifiés d’Untermenschen (« sous-hommes »). Selon Hitler, les Juifs sont une race de « parasites » ou de « vermine » dont il faut débarrasser l’Allemagne. Il les rend responsables des évènements du 9 novembre 1918[99] et donc de la défaite et de la révolution allemandes, ainsi que de ce qu’il considère comme la décadence culturelle, physique et sociale de la prétendue civilisation aryenne. Mein Kampf recycle la théorie du complot juif déjà développée dans les Protocoles des Sages de Sion. Hitler nourrit son antisémitisme et ses théories raciales en se référant à des idéologies en vogue en son temps. À Vienne, durant sa jeunesse, les Juifs, bien intégrés dans l’élite, sont souvent accusés de la décomposition de l’empire d’Autriche-Hongrie. La haine des juifs est exacerbée par la défaite de la Première Guerre mondiale. Quant à ses idées sur les races humaines, Hitler les tient essentiellement de Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (« Genèse du dix-neuvième siècle », 1899) du Britannique d’expression allemande Houston Stewart Chamberlain, dont les thèses reprenaient elles-mêmes celles de l’Essai sur l'inégalité des races humaines (1853) du racialiste français Gobineau. Hitler s’inspire également du darwinisme social de Herbert Spencer tel que le prônait la « Ligue moniste allemande (de) » fondée par Ernst Haeckel. Hitler reprend aussi dans Mein Kampf les vieilles doctrines pangermanistes visant à regrouper dans un seul État les populations allemandes dispersées, mais il y ajoute, notamment sous l'influence du théoricien nazi Alfred Rosenberg, la revendication d’un « espace vital » (Lebensraum) en Europe de l’Est. Selon ces doctrines, les territoires allemands doivent être indéfiniment élargis, surtout en Europe centrale et en Ukraine, territoires déjà convoités par les couches dirigeantes allemandes au temps du Kaiser Guillaume II. Les territoires allemands de l'époque sont, toujours selon cette doctrine jugés trop étroits au regard des besoins matériels de leurs populations et dans une position stratégique inconfortable entre des puissances hostiles à l’ouest et à l’est. Hitler cible enfin deux adversaires fondamentaux : les communistes et la France, considérée comme dégénérescente car dirigée par les Juifs et créant un Empire colonial multiethnique, et contre qui l’Allemagne doit se venger de l’humiliant traité de Versailles. Adolf Hitler est obsédé par l’idée de pureté d’une prétendue race aryenne, la « race supérieure » dont les Allemands sont censés être les dignes représentants, au même titre que les autres peuples nordiques (Norvégiens, Danois, Suédois). Dans le but d’asseoir scientifiquement cette notion de race aryenne, des recherches pseudo-anthropologiques sont entreprises et des cours d’université dispensés. Himmler crée à cette fin un institut

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scientifique, l’Ahnenerbe. En réalité, les Aryens formaient un groupe de peuplades nomades vivant en Asie centrale au IIIe millénaire av. J.-C. et sans liens aucuns avec les Allemands. Toujours est-il que la notion d’« aryen » devient avec Hitler un ensemble de valeurs fantasmagoriques que les scientifiques nazis ont tenté de justifier par de prétendues données objectives. La « race aryenne » est assimilée aux canons esthétiques de l’homme germanique : grand, blond et athlétique, tel que le représente Arno Breker, le sculpteur favori d’Hitler. Parallèlement, Hitler développe un intérêt particulier pour le paganisme nordique pré-chrétien, plus conforme à ses théories raciales qu’un christianisme à racine hébraïque, trop humaniste et trop universaliste. La religion des dieux Wotan et Thor avait notamment été glorifiée par les opéras de Richard Wagner, dont Hitler était un fervent admirateur. Heinrich Himmler fut le fidèle hitlérien qui poussa le plus loin cette passion, et on retrouve ce symbolisme mythologique dans l’uniforme et les rituels des SS, « chevaliers noirs » du Troisième Reich.

Les victimes de l’euthanasie Les doctrines raciales nazies impliquaient également d’« améliorer le sang allemand ». Des stérilisations massives, appliquées avec le concours des médecins, furent ainsi entreprises dès 1934, portant sur près de 400000 « asociaux » et malades héréditaires. Par ailleurs, 5000 enfants trisomiques, hydrocéphales ou handicapés moteurs disparaissent.

Médecin de la mort : Karl Brandt, médecin SS de Hitler et principal maître-d'œuvre de l'aktion T4

Avec la guerre, un vaste programme d’euthanasie des malades mentaux est lancé sous le nom de code « Action T4 », sous la responsabilité directe de la chancellerie du Reich et de Karl Brandt, médecin personnel d’Hitler. Par quelques lignes manuscrites, Hitler assure en septembre 1939 l’impunité totale aux médecins sélectionnant les personnes envoyées à la mort, libérant ainsi des places dans les hôpitaux pour les blessés de guerre. Comme pour les juifs, les victimes sont gazées dans de fausses salles de douche. Malgré le secret entourant ces opérations, l’euthanasie est condamnée publiquement par l’évêque de Münster en août 1941. Elle cesse officiellement, mais continue en fait dans les camps de concentration. Environ 200000 schizophrènes, épileptiques, séniles, paralytiques ont ainsi été exécutés. Par ailleurs, les forces nazies ont systématiquement fusillé les handicapés mentaux trouvés dans les hôpitaux de Pologne et d'Union Soviétique envahies. De nombreux spécialistes de l’euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs : l’aktion T4 aura donc à la fois préparé et précédé chronologiquement la Shoah.

De la persécution antisémite à la « Solution Finale » Le château de Hartheim en Bavière, où furent gazés 18269 malades incurables et 5000 détenus politiques.

Dans l’Allemagne nazie, les juifs étaient exclus de la communauté du peuple allemand (Volksgemeinschaft). Le 1er avril 1933, les docteurs, avocats et commerçants juifs sont l’objet d’une vaste campagne de boycott, mise en œuvre notamment par les SA. Ces milices créées


Adolf Hitler par Hitler avaient déjà perpétré, dès le début des années 1920, des actes de violences contre les juifs. Le 7 avril, deux mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la loi « pour le rétablissement d’une fonction publique professionnelle » exclut les juifs de tout emploi dans les gouvernements (sauf les anciens combattants et ceux qui étaient en service depuis plus de dix ans). Le 15 septembre 1935, Hitler, officialisant et radicalisant l'antisémitisme d’État, proclame les lois de Nuremberg, comprenant les lois « pour la protection du sang et de l’honneur allemand » et « sur la citoyenneté du Reich ». Celles-ci interdisent aux Juifs l’accès aux emplois de la fonction publique et aux postes dans les universités, l’enrôlement dans l’armée ou la pratique de professions libérales. Ils ne peuvent plus avoir de permis de conduire. Les Juifs sont déchus de leur nationalité allemande. Les mariages mixtes ou les relations sexuelles entre juifs et Allemands sont également proscrits. L’objectif est la ségrégation complète entre le peuple allemand et les juifs, ce qui est valable également pour les écoles, le logement ou les transports en commun. En 1937, une « loi d’aryanisation » vise à déposséder les Juifs des entreprises qu’ils possèdent. Lourdement frappés par ces mesures discriminatoires, les Juifs allemands émigrent massivement : environ 400000 départs en 1933-1939 en comptant les Autrichiens (sur Boycott officiel des magasins juifs par les SA, Berlin, 1933. environ 660000), vers les Amériques, la Palestine ou l’Europe de l’Ouest. En général, ces émigrants sont mal accueillis, et parfois internés en tant que ressortissants d'un pays ennemi, ou refoulés par divers pays d'Europe et d'Amérique. Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, Joseph Goebbels organise avec l'approbation du chancelier un vaste pogrom : la nuit de Cristal. Prenant comme prétexte l’assassinat d’un diplomate du Reich à Paris par un Juif allemand. Goebbels semble utiliser cet évènement pour regagner la faveur d'Adolf Hitler, qu'il a partiellement perdue lorsque sa liaison avec une actrice a failli conduire son couple au divorce public. Au cours de cette nuit, des centaines de magasins juifs sont saccagés et la plupart des synagogues d'Allemagne incendiées. Le bilan est de 91 morts et près de 30000 juifs sont internés dans des camps de concentration (Dachau, Buchenwald, Sachsenhausen). À la suite de ces évènements, la communauté juive, tenue pour responsable des violences, est sommée de payer une amende de 1 milliard de marks : les biens des juifs sont massivement spoliés. La population allemande, embrigadée par la propagande de Hitler, Goebbels ou Streicher, était convaincue de l’existence d’une « question juive ». Ce conditionnement favorise la participation de nombre d’entre-eux à l’extermination des juifs.

Accomplir la « prophétie » : la mise à mort industrielle des Juifs d’Europe L’allusion à l’extermination physique des Juifs dans Mein Kampf fait encore l’objet d’un débat d’historiens. Pour une partie d’entre-eux, ce projet n’a pas été explicitement décrit dans ce livre, tandis que l’autre partie estime que l’antisémitisme qui s’y exprime est non seulement alarmant, mais s’appuie sur une terminologie (Ausrottung)[100] significative. Le projet d’extermination totale des Juifs a pu germer dans l’esprit d’Hitler et de ses séides assez tôt, mais il ne semble pas qu’il ait établi de plan précis ou de méthodologie pour passer à l’acte avant la guerre. Rien ne semble indiquer, qu’initialement, les dirigeants nazis aient prévu que les premières mesures antisémites devaient conduire à une conclusion homicide et a fortiori génocidaire.

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Adolf Hitler Cependant, d’après les mots du procureur général américain Robert Jackson lors du procès de Nuremberg, « la détermination à détruire les juifs a été une force qui, à chaque moment, a cimenté les éléments de la conspiration (nazie) ». De fait, les déclarations d’Adolf Hitler sur les Juifs montrent que, dès le début, il nourrissait le projet de destruction physique des Juifs et que la guerre fut pour lui l’occasion d’annoncer cette destruction, puis d’en commenter la mise en œuvre[101] . Le 12 novembre 1938, d'après la nuit de Cristal, Göring convoqua une grande conférence au ministère de l’Air avec le but d’uniformiser les mesures antijuives. Un représentant du ministère des Affaires étrangères nota le résumé de Göring: « Si, dans un proche avenir, le Reich allemand se trouve engagé dans un conflit avec des puissances étrangères, il va sans dire que nous, en Allemagne, nous penserons en tout premier lieu à régler nos comptes avec les Juifs. »[102] Maintenant, Hitler radicalisa pareillement sa rhétorique antisémite. Le 30 janvier 1939, dans un discours retentissant au Reichstag, Hitler a « prophétisé » qu’en cas de guerre, le résultat serait « l’anéantissement de la race juive en Europe ». À cette « prophétie » décisive, lui-même ou Goebbels feront de nombreuses allusions en privé au cours de la guerre : son accomplissement une fois la guerre commencée sera l’une des préoccupations prioritaires. Hitler n’a toutefois nul besoin de s’investir personnellement beaucoup dans la destruction des Juifs, déléguée à Himmler, qui se contente de lui faire des rapports réguliers. Si divers documents secrets nazis planifiant l’extermination font souvent allusion à « l’ordre du Führer », aucune note manuscrite de lui sur la Shoah n’a jamais été retrouvée ni n’a sans doute jamais existé. C'est signe que son pouvoir absolu lui a permis de déclencher l’un des plus grands crimes de l’Histoire sans même besoin d’un ordre écrit. Les dirigeants nazis ont longtemps envisagé, parmi d’autres « solutions » comme la création de zones de relégation, d’expulser l’ensemble de la communauté juive allemande sans l’exterminer, mais aucune phase de réalisation concrète n’a été enclenchée. Des projets d’installation des juifs en Afrique (Plan Madagascar) ont notamment été envisagés. Le déclenchement de la guerre radicalise les persécutions antisémites au sein du Troisième Reich. La prolongation de la guerre contre le Royaume-Uni ne permet plus d’envisager ces déportations, de même qu'est abandonnée l’idée d’un déplacement des juifs d’Europe en Sibérie — qui aurait déjà suffi en lui-même à provoquer une hécatombe en leur sein. L’occupation de la Pologne en septembre 1939 a placé sous contrôle allemand plus de 3000000 de juifs. Ceux-ci sont rapidement parqués dans des ghettos, dans les principales villes polonaises, où ils sont spoliés et affamés, et réduits à une misère inimaginable. L’attaque contre l’Union soviétique, à partir du 22 juin 1941, place sur un même plan la conquête du Lebensraum et l’éradication du « judéo-bolchévisme ». Des unités de la SS, les Einsatzgruppen, souvent secondées par des unités de la Wehrmacht et de la police, Une femme juive et son enfant fusillés par les Einsatzgruppen à Ivangorod, aidées parfois d'habitants et de Ukraine, 1942 collaborateurs locaux, fusilleront sommairement de un et demi à près de deux millions de juifs, femmes, bébés, enfants et vieillards compris, sur le front de l’Est. Le 18 septembre 1941, une circulaire secrète de Himmler annonce que le Führer a décidé de déporter tous les Juifs d'Europe occupée à l'Est, et que l'émigration forcée n'est plus à l'ordre du jour. C'est le premier pas vers un génocide à l'échelle cette fois du continent entier. Fin 1941, les premiers « camions à gaz » sont utilisés à l'est, tandis que les

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Adolf Hitler camps d'extermination de Chelmno et de Belzec sont déjà construits et commencent leur œuvre d'assassinat de masse. La date précise de la décision prise par Hitler n’a jamais été cernée de façon précise puisqu’il n’a jamais formellement écrit un ordre, mais il l'a élaborée au cours de l'automne 1941. En septembre 1941 des conversations personnelles cruciales se tenaient entre Hitler et Himmler, Himmler et Ribbentrop, Ribbentrop et Hitler. Ils discutaient de l'avenir des juifs en Europe tout en considérant l'entrée en guerre des États-Unis[103] . La radicalisation immédiate et préméditée de la violence nazie avec l'invasion de l'Union soviétique, le ralentissement puis l'échec des opérations en URSS, la perspective bientôt concrétisée de l'entrée en guerre contre les États-Unis, ont sans doute précipité la décision de Hitler de réaliser sa « prophétie » de 1939[104] . Le 20 janvier 1942, lors de la conférence de Wannsee, 15 responsables du Troisième Reich, sous la présidence du chef du RSHA Reinhard Heydrich, entérinent la « solution finale au problème juif » (Endlösung der Judenfrage). L’extermination totale des Juifs en Europe va revêtir un caractère bureaucratique, industriel et systématique qui la rendra sans équivalent à cette heure dans l'histoire humaine. Hitler n'est pas là en personne, mais les mesures prises respectent ses objectifs généraux. En été 1942, Himmler a déclaré : „Les secteurs occupés deviennent «judenfrei». Le chef a mis cet ordre très lourd sur mes épaules.“[105] Au sommet de l'État, immédiatement après Hitler, ce sont Himmler, Heydrich et Göring qui ont pris la part la plus importante dans la mise en place administrative de la Shoah au sommet de l’État. Sur le terrain, l’extermination des juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant parfois au devant des attentes et des décisions du Führer. Elles ont été notamment l'œuvre d’officiers de la SS et de gauleiters fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les éléments indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters Albert Forster à Dantzig, Arthur Greiser dans le Warthegau ou Erich Koch en Ukraine ont ainsi particulièrement rivalisé de cruautés et de brutalités, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans[106] . Deux proches collaborateurs d’Hitler, Hans Frank, gouverneur général de la Pologne, et Alfred Rosenberg, ministre des Territoires de l’Est, ont également pris une part active au grand massacre.

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Beaucoup d'« Allemands ordinaires » ont été à peine moins compromis que les SS dans les massacres sur le front de l'Est. Plus d'un policier de réserve, plus d'un jeune soldat ou d'un officier avaient intégré le discours nazi, sans parler des généraux de Hitler. Des milliers donnèrent libre cours à leur violence et à leur sadisme dès qu'ils furent autorisés et encouragés à humilier et à tuer au nom du Führer[107] . À travers toute l'Europe, d'innombrables « criminels de bureaux », à l'image du bureaucrate Adolf Eichmann, exécutèrent sans état d'âme particulier les desseins de leur Führer ou de gouvernements collaborateurs. Dans les camps d'extermination, ainsi que le rappellent les mémoires du commandant d'Auschwitz Rudolf La déportation-extermination planifiée de tous les Juifs d'Europe à Auschwitz-Birkenau. Höss, responsable de la mort de près Musée du camp. d'un million de Juifs, il était impensable à quiconque, du simple garde SS au chef du camp, de désobéir à l'ordre du Führer (Führersbefehl), ou de s'interroger un seul instant sur la justesse de ses ordres. A fortiori, il était hors de question d'éprouver le moindre scrupule moral[108] . Aucun des « bourreaux volontaires de Hitler » (Daniel Goldhagen) n'a jamais été contraint de participer à la Solution Finale : un soldat ou un SS dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou il obtenait facilement sa mutation. Personne au sein de son système ne découragea donc Adolf Hitler de procéder à la Shoah. En 1943, l'épouse de son ancien ministre Konstantin von Neurath, choquée de ce qu'elle avait vu du camp juif de Westerbork en Hollande occupée, osa exceptionnellement s'en ouvrir au Führer : ce dernier la rabroua que l'Allemagne avait assez perdu de soldats pour qu'il soit obligé de se soucier de la vie des Juifs, et la bannit à l'avenir du cercle de ses invités. Dans l'ensemble, les chefs et opinions alliés, le pape Pie XII ou une partie de la Résistance européenne ne prirent pas conscience de la gravité spécifique du sort des Juifs, et gardèrent plutôt le silence sur leur sort, ce qui aida sans doute indirectement Hitler. De même que la non-résistance d'une partie importante des Juifs affamés, désorientés et ignorants du destin qu'il leur réservait. En avril-mai 1943, en revanche, la révolte du ghetto de Varsovie plongea Hitler dans une colère prolongée, mais ses ordres furieux et répétés n'empêchèrent pas une poignée de combattants juifs de faire échec plusieurs semaines à la reconquête SS. Après l’été 1941, Himmler retint le procédé d’exécution massive par les chambres à gaz testé à Auschwitz. Au total, près de 1700000 juifs, surtout d’Europe centrale et orientale, ont été gazés à Sobibor, Treblinka, Belzec, Chelmno et Maïdanek. Dans le seul camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, 1000000 de juifs ont péri. Les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée — 5 à 6 millions d'êtres humains dont 1,5 million d'enfants, tous n'ayant commis que le crime d'être né juif et ne représentant aucune menace sinon imaginaire — ont donc péri dans une entreprise de nature sans précédent. Sur les 189000 Juifs qui vivaient à Vienne avant Hitler, un millier survivent en 1945, tout comme seulement une poignée des Juifs restés en Allemagne en 1940. Les Pays-Bas ont perdu 80 % de leurs Juifs, la Pologne et les pays Baltes plus de 95 %. En deux ou trois ans à peine, l'extermination a fait disparaître des familles entières. Dans une large part de l'Europe, c'est en fait toute une culture, tout un univers qu'Adolf Hitler a

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Adolf Hitler fait assassiner sans retour.

L’extermination des Tsiganes Hitler n'a pas dit un mot des Tziganes dans Mein Kampf et en tout état de cause, il ne nourrit pas pour eux l'obsession qu'il éprouve pour les Juifs[109] . Son régime persécute et interne les 34000 Tziganes du Reich dès avant-guerre, et les prive de leur citoyenneté allemande, mais moins au nom de raisons raciales (les Tziganes sont originaires des mêmes régions que le berceau supposé de la race « aryenne ») qu'en tant qu'« asociaux ». Ce qui n'empêcha d'ailleurs pas de s'en prendre aussi à ceux Tziganes internés par les nazis, 1940. d'entre eux qui sont parfaitement bien intégrés dans la société allemande, dans laquelle beaucoup disposaient de logements, de métiers ou de décorations acquises au front. L’« Office central pour la lutte contre le péril tsigane » fut l'instrument de cette répression. Paradoxalement, la tribu des Sinti, censée ne pas s'être abâtardie, fut épargnée, au contraire des sang-mêlés en partie nés de non-Tziganes « aryens ». L'extermination d'environ un tiers des Tsiganes européens ou Porajmos pendant la guerre n'a pas revêtu le caractère systématique et général du génocide des Juifs. Ainsi, aucun n'a été déporté de France, où ils étaient pourtant des milliers disponibles dans les camps d'internement du régime de Vichy. En Belgique et aux Pays-Bas, les nazis attendirent 1944 pour déporter plusieurs centaines de Gitans à Auschwitz - ce qui fut suffisant toutefois pour décimer sans retour leur communauté. La terreur et les déportations furent plus fortes à l'Est, où beaucoup furent fusillés sur place par les Einsatzgruppen, la Wehrmacht ou par leurs collaborateurs locaux (les Oustachis croates se chargèrent de liquider 99 % des 28700 Tziganes du pays[110] ). Mais s'il a donné le 16 décembre 1942 l'ordre général de déportation des Tziganes européens à Auschwitz, Himmler s'en est désintéressé presque aussitôt, et Hitler ne semble pas avoir accordé une attention particulière à la question. Dans la section spéciale qui leur était réservée à Auschwitz-Birkenau, les familles tziganes n'étaient pas séparées, ni exposées aux sélections régulières pour la chambre à gaz ni soumises au travail forcé, quelques-unes purent même être libérées en échange de leur stérilisation forcée. Mais le médecin SS de leur camp, Josef Mengele, surnommé l'« Archange de la Mort », pratiqua des expériences pseudo-médicales sur un certain nombre d'enfants tziganes, notamment des jumeaux. Après avoir longtemps hésité, puis fait mettre à part plusieurs milliers d'hommes valides pour le travail forcé concentrationnaire, Himmler donna finalement l'ordre au commandant du camp, Rudolf Höss, d'exterminer ce qui restait du « camp des familles ». Du 1er au 3 août 1944, des milliers de Tziganes, hommes, femmes, enfants et vieillards, furent ainsi conduits à la chambre à gaz dans des scènes dramatiques[111] . L'estimation du nombre de Tsiganes victimes des nazis reste l'objet de controverses. Pour les Tsiganes allemands et autrichiens, le chiffre des personnes envoyées dans les camps de concentration, déportées à l'est et gazées, oscille entre 15000 et 20000 sur une population de 29000 Tsiganes en 1942 ; quant au nombre des Tsiganes européens assassinés par les nazis, il a été successivement estimé à 219000 victimes par rapport à une population totale de 1000000 (Kenrick et Puxon, 1972), à 196000 morts sur 831000 personnes (Kenrick, 1989), voire à un demi million de victimes (Rose et Weiss, 1991), cette dernière estimation n'étant pas étayée par une source ou une ventilation par pays[112] . La reconnaissance de leur tragédie fut tardive, et dans l'immédiat, elle ne modifia guère les préjugés et les pratiques publiques courantes à leur encontre.

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Les « sous-hommes » slaves : massacres, famine, stérilisation L’extension du Lebensraum allemand devait fatalement se réaliser aux dépens des populations slaves repoussées vers l’Est. Pour Hitler, la Pologne, les Pays baltes, la Biélorussie et l’Ukraine devaient être traités comme des colonies. À ce sujet, Hitler aurait dit, selon Hermann Rauschning, en 1934 : « Ainsi s’impose à nous le devoir de dépeupler, comme nous avons celui de cultiver méthodiquement l’accroissement de la population allemande. Vous allez me demander ce que signifie « dépeuplement », et si j’ai l’intention de supprimer des nations entières ? Eh bien, oui, c’est à peu près cela. La nature est cruelle, nous avons donc le droit de l’être aussi ». Les populations non germaniques sont expulsées des territoires annexés par le Troisième Reich après 1939, et dirigées vers le Gouvernement général de la Pologne, entité totalement vassalisée et placée par Hitler sous le joug de Hans Frank, le juriste du parti nazi. Dès octobre 1939, le RSHA programme la « liquidation physique de tous les éléments polonais qui ont occupé une quelconque responsabilité en Pologne (ou) qui pourront prendre la tête d’une résistance polonaise ». Sont visés les prêtres, les enseignants, les médecins, les officiers, les fonctionnaires et les commerçants importants, les grands propriétaires fonciers, les écrivains, les journalistes, et de manière générale, toute personne ayant effectué des études supérieures. Des commandos SS sont chargés de cette besogne. Ce traitement extrêmement dur aura causé la mort de près de 2200000 Polonais, dont 50000 membres des élites. C'est ainsi que 30 % des professeurs de l'enseignement supérieur polonais ont péri, ou des milliers d'hommes d'Église, d'aristocrates et d'officiers. En comptant les 3000000 de juifs polonais, exterminés à plus de 90 %, c’est 15 à 20 % de la population civile polonaise qui a disparu. Les nazis firent aussi fermer les théâtres, les journaux, les séminaires, l’enseignement secondaire, technique et supérieur. Du 1er août au 2 octobre 1944, avec l’accord de Hitler, Himmler orchestra la répression de l’insurrection de Varsovie, avec pour but la destruction totale de la capitale, foyer le plus actif de la résistance polonaise. Avec la complicité passive de l’Armée rouge qui, stoppée par les Allemands aux portes de la ville, ne parachuta aucune aide aux insurgés, les nazis détruisirent la ville à 90 %, et la vidèrent de ses derniers civils après avoir causé la mort d’environ 200000 personnes. Avec l’agression de l’URSS, Hitler a prémédité une guerre d’anéantissement contre les populations soviétiques, des experts réunis par Göring ayant notamment prévu que « nos projets devraient entraîner la mort d’environ 10 millions de personnes ». Le but est de piller toutes les ressources du pays, de démanteler toute l’économie, de raser les villes, et de réduire les populations à l’état d’esclavage et de famine. La répression contre les Slaves prend donc une tournure encore plus massive, bien que certaines populations, notamment les nationalistes baltes et ukrainiens aient été initialement disposées à collaborer contre le régime stalinien. Le traitement des prisonniers soviétiques capturés par les Allemands a été particulièrement inhumain : 3700000 d’entre eux sur 5500000 meurent de faim, d’épuisement ou de maladie, parfois après avoir été torturés ou suppliciés ; des milliers d’autres sont conduits dans les camps de concentration du Reich pour y être abattus au cours de fusillades massives. Les commissaires politiques sont systématiquement abattus au nom du « décret des commissaires » (Kommissarbefehl) signé par Keitel dès avant l’invasion. Des millions de femmes et d’hommes, parfois des enfants et des adolescents, sont raflés au cours de chasses à l’homme dramatiques pour être transférés dans le Reich comme main-d’œuvre servile. Les actions des partisans sont l’occasion de représailles impitoyables sur les populations civiles, aussi bien en URSS qu’en Pologne, en Grèce et en Yougoslavie. Environ 11500000 civils soviétiques meurent ainsi pendant la Seconde Guerre mondiale. L’obsession personnelle de Hitler à réduire ces peuples à l’état de sous-hommes a privé la Wehrmacht de nombreuses aides potentielles parmi les populations soumises au joug soviétique. Elle a également eu un rôle mortifère direct, comme lorsque Hitler interdit d’enlever d’assaut la ville de Leningrad, qu’il soumet délibérément à un blocus meurtrier responsable, en mille jours de siège, de plus de 700000 morts de civils. À ses yeux, la ville qui avait vu naître la révolution de 1917 devait être affamée puis rasée au sol.

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De même, Hitler a cautionné les expériences pseudo-médicales visant à mettre au point un programme de stérilisation massive des femmes slaves, perpétré sur des milliers de cobayes humains de Ravensbrück et d’Auschwitz. Et les premières victimes de gazages au Zyklon B à Auschwitz furent des prisonniers soviétiques[113] .

Persécution des homosexuels La déportation méconnue des homosexuels s’estimerait à 75000 victimes[114] . Mais avec la destruction des dossiers, ce chiffre n’est qu’une estimation et peut être plus important. N'ont été déportés que les homosexuels des territoires allemands ou annexés.

Monument dédié aux victimes homosexuelles du nazisme, à Amsterdam.

Vie privée et personnalité Comme son homologue totalitaire Joseph Staline, Hitler vivait, surtout pendant la guerre, en reclus et en décalage temporel, menant dans ses divers QG une vie morne, monotone et essentiellement nocturne, dont il imposait l'ennui à tout son entourage. Avant de s'y terrer après 1941, notamment à la « Tanière du Loup » ou Wolfsschanze vers Rastenburg, il est toujours officiellement domicilié à Munich (il boudera Berlin toute sa vie) et plus encore, il aime à satisfaire son goût romantique pour les montagnes à sa résidence secondaire alpine de Berchtesgaden, le Berghof, doublée du panoramique Nid d'aigle. Sur l'Obersalzberg viennent aussi habiter quelques-uns de ses principaux courtisans et intimes.

Adolf Hitler à son domicile, en 1936.

Selon certaines sources, Hitler ne buvait ni ne fumait (le tabac était rigoureusement proscrit en sa présence), mangeait végétarien au moins depuis 1932[115] ,[116] et sa vie sentimentale et sexuelle était réduite au strict minimum. Se présentant à son peuple comme mystiquement marié à l'Allemagne, pour justifier et instrumentaliser son célibat, il a caché aux Allemands l'existence d'Eva Braun pendant toute la durée du Troisième Reich, négligeant souvent celle-ci et lui interdisant de paraître en public voire de venir à Berlin, et la confinant le plus possible en Bavière. Sa jeune nièce Geli Raubal, avec laquelle il avait eu une liaison, s'était suicidée en 1931 dans sa chambre de Munich. Pour Ian Kershaw, en choisissant des femmes nettement moins âgées que lui (16 ans de moins dans le cas d'Eva Braun), et en conservant la distance (sa future épouse d'un jour ne devait l'appeler que mein Führer), Hitler s'assurait de pouvoir garder intacte sa domination narcissique et égoïste sur elles. De nombreuses rumeurs ont couru sur sa sexualité, du fait notamment de son absence de vie sentimentale officielle, faisant courir le bruit d'une asexualité ou d'une homosexualité. On lui a prêté des pratiques sexuelles déviantes, allant du masochisme à la coprophilie[117] . Otto Strasser, entre autres, explique, qu'il pratiquait l'ondinisme avec sa nièce Geli Raubal[118] ,[119] . D'autres rumeurs le déclaraient impuissant[120] . Après la guerre, la révélation d'un rapport d'autopsie soviétique réalisé en 1945, dont le caractère scientifique a été contesté, a répandu l'histoire qu'il n'avait qu'un testicule[121] . Mais il s'agirait plutôt d'une légende urbaine, car le médecin de famille d'Hitler, le docteur Eduard Bloch, a affirmé


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sans équivoque qu'il avait examiné Hitler pendant son enfance et l'avait trouvé « génitalement normal »[117] .Cette légende n'a cependant aucun rapport avec la chanson anti-allemande « Hitler has only got one ball » (« Hitler n’a qu’une couille », sur l’air de la Marche du Colonel Bogey), populaire pendant la guerre[122] . Solitaire et sans amis, Hitler a toujours été incapable dès sa jeunesse de laisser transparaître le moindre sentiment de compassion ou d'affection réelle pour personne, réservant ses quelques accès de tendresse à sa chienne Blondi, un berger allemand. Son égoïsme sans complexe, sa conviction d'être infaillible et sa soif de domination se traduisaient au quotidien par le refus de toute critique et par ses interminables monologues, ressassant éternellement les mêmes thèmes des heures durant, et épuisant son entourage jusque très tard dans la nuit[réf. nécessaire].

Hitler et les époux Goebbels prennent le thé dans les jardins de la chancellerie, en 1934.

Cela ne l'empêchait pas de régner sur son entourage et sur les masses par son charisme et son indéniable talent de séduction, et d'inspirer des dévouements aveugles allant jusqu'au fanatisme. Les célèbres colères effroyables qu'il pouvait piquer, contre ses généraux notamment, n'étaient en réalité pas très fréquentes, et survenaient surtout quand la situation échappait à son contrôle[123] . Les images célèbres de l'orateur Hitler en train de vociférer ou d'éructer avec force gestes frénétiques ne doivent pas non plus donner une idée réductrice de ses talents propagandistes. En réalité, avant d'en arriver à ces points d'orgue fameux qui électrisaient l'assistance, Hitler savait varier les tons, construire sa progression et doser son débit, lequel ne s'accélérait que graduellement. Autodidacte, son instruction hâtive a toujours laissé à désirer. Ses bibliothèques à Munich, Berlin et Berchtesgaden contenaient plus de 16000 volumes dont peu d'ouvrages authentiquement scientifiques ou philosophiques[124] . Il a persécuté Freud (décimant aussi sa famille), et a déformé grossièrement la pensée de Nietzsche afin de mieux faire cadrer ses lectures avec son idéologie personnelle. Il ne connaissait aucune langue étrangère, son interprète attitré Paul Schmidt se chargeant de lui traduire la presse extérieure ou l'accompagnant dans toutes les rencontres internationales. En outre, des employés devaient présenter des lunettes partout dans la chancellerie du Reich, afin qu'Hitler ait rapidement une à la main[125] . Prompt à exalter et à embrigader le sport, il ne faisait jamais le moindre exercice de culture physique. Incapable de se contraindre au travail régulier et suivi depuis sa jeunesse bohême de Vienne, le « dictateur paresseux » (Martin Broszat) n'avait pas d'horaires de travail fixes, négligeait souvent de réunir ou de présider le conseil des ministres, était parfois longuement introuvable même pour ses secrétaires, et ne faisait le plus souvent que survoler les dossiers et les rapports. Au contraire du très bureaucratique Staline, Hitler détestait la paperasserie, et n'a de sa vie rédigé qu'un seul memorandum, celui sur le Plan de Quatre Ans (1936), qu'il n'a d'ailleurs fait lire qu'à deux ou trois personnes dont Göring et le chef de l'armée Von Blomberg. Ses directives étaient souvent purement verbales ou rédigées en des termes assez généraux pour laisser à ses subordonnés une assez grande marge de manœuvre [126] . Détaché du catholicisme dès son enfance, et devenu un doctrinaire antichrétien, Hitler n'a jamais assisté à une cérémonie religieuse de toute sa vie politique, même s'il faisait souvent référence en public à une vague « Providence » dont il se sentait l'instrument. Malgré des tracasseries et des surveillances, il a toujours eu l'habileté de ménager globalement les Églises allemandes, évitant un conflit ouvert dangereux pour l'adhésion des populations à sa personne. Ni lui ni ses partisans n'ont jamais été excommuniés, et l'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), évite prudemment de mentionner le nom de Hitler. Cyniquement, Hitler n'a jamais rédigé de déclaration de sortie de l'Église catholique et se prêtait à la simagrée de continuer à payer ses impôts d'Église[127] . Sa santé n'a cessé de se dégrader dans les dernières années de la guerre. Déprimé et insomniaque, vieillissant, voûté et tremblant (peut-être atteint sur la fin de la maladie de Parkinson), bourré de médicaments par son médecin le Dr. Theodor Morell, Hitler était surtout absorbé par les opérations militaires et hanté en son sommeil, de son propre


Adolf Hitler aveu, par la position de chacune des unités détruites sur le front de l'Est. C'est bien avant de passer à l'acte qu'il évoquait devant ses proches le suicide comme la solution de facilité qui permettrait d'en finir en un instant avec ses ennuis.

Postérité d'Hitler sur les consciences Une victime onomastique directe de Hitler fut son propre prénom : rien qu'en France, son usage décline dès 1933 pour s'effondrer avec la guerre. Depuis 1945, sous toutes ses variantes, « Adolphe » a pratiquement disparu comme nom de baptême[128] . Outre qu'il a rendu plus difficile et angoissant à la philosophie contemporaine de penser un monde qui a connu Hitler, le personnage, invoqué de façon rhétorique comme le paradigme de la monstruosité et du mal radical, a donné involontairement son nom à un procédé de logique : la reductio ad hitlerum. On parle également de « point Godwin » de la conversation, à partir duquel tout sujet potentiel finit théoriquement par conduire à parler d'Adolf Hitler ou du nazisme.

Les carnets d'Hitler Cinquante faux Carnets d'Hitler sont publiés en Allemagne par le magazine Stern en 1983, alors qu’ils avaient été réalisés par un faussaire, Konrad Kujau. Paris Match acheta à prix d’or l’exclusivité pour la France.

Hitler contre Marx et le socialisme Mein Kampf est un ouvrage violemment antimarxiste. Hitler y qualifie le marxisme de « doctrine juive » et de « peste mondiale ». Sous la dictature nazie, les socialistes furent persécutés, assassinés, enfermés en camps de concentration dès 1933. Les livres de Karl Marx furent interdits et brûlés. L’économiste libéral autrichien Ludwig von Mises estimait en 1944 que le nazisme avait appliqué la plupart des mesures transitoires préconisées par le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels : huit des dix mesures citées en 1848 par Marx et Engels auraient été exécutées par les nazis. Seuls deux points n’auraient pas été complètement adoptés par les nazis, à savoir l’expropriation de la propriété foncière et l’affectation de la rente foncière aux dépenses de l’État (point no 1 du Manifeste) et l’abolition de l’héritage (point no 3). Leurs méthodes de taxation, leur planisme agricole et leur politique concernant la limitation des fermages iraient selon Mises dans le sens du marxisme[129] . Ce point de vue est marginal. En réalité, seuls quatre points ont été appliqués[130] , deux par Hitler lui-même, les autres résultants de la conservation de choix réalisés sous la République de Weimar. Enfin, certaines de ces mesures ont été largement appliquées par tous types de régimes au XXe siècle : « Éducation publique et gratuite de tous les enfants » par exemple. La France appliquait à cette même époque cinq des mesures proposées par Karl Marx. Ce qui ne saurait faire oublier non plus le rejet radical de la notion de lutte des classes par les nazis, leur absence totale de nationalisation et de réforme agraire, leur entente complexe mais durable avec les milieux industriels et financiers[131] ,[132] ,[133] , leur néopaganisme fort éloigné du matérialisme historique, enfin leur haine absolue du marxisme — et le fait que comme le remarque son biographe Ian Kershaw, sur les millions de mots de Hitler conservés pour la postérité, aucun ne permet de conclure qu’il ait jamais lu un seul texte de Marx. Les différents courants socialistes et marxistes ont été très actifs dans la résistance allemande au nazisme[134] .

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Regards de contemporains • Brouillé avec Hitler, le maréchal Ludendorff adresse une lettre prophétique à son ancien collègue Hindenburg, peu après le 30 janvier 1933 : « En nommant Hitler chancelier du Reich, vous avez remis notre sainte patrie allemande entre les mains d’un des plus grands démagogues que nous ayons jamais connus. Je vous prédis solennellement que ce funeste personnage conduira notre Reich dans l’abîme et plongera notre nation dans une misère inconcevable. Les générations à venir vous maudiront dans la tombe pour ce que vous avez fait[135] . » • Benito Mussolini déclara à Ostie, en août 1934 au cours d’un entretien avec la presse et des amis autrichiens : « Hitler est un affreux dégénéré sexuel et un fou dangereux. Le national-socialisme en Allemagne représente la barbarie sauvage et ce serait la fin de notre civilisation européenne si ce pays d’assassins et de pédérastes devait submerger le continent. Toutefois, je ne puis être toujours le seul à marcher sur le Brenner[136] . » • Erwin Rommel en octobre 1938 après avoir accompagné et assuré la sécurité du Führer durant l’annexion des Sudètes : « Hitler possède un pouvoir magnétique sur les foules, qui découle de la foi en une mission qui lui aurait été confiée par Dieu. Il se met à parler sur le ton de la prophétie. Il agit sur l’impulsion et rarement sous l’empire de la raison. Il a l’étonnante faculté de rassembler les points essentiels d’une discussion et de lui donner une solution. Une forte intuition lui permet de deviner la pensée des autres. Il sait manier avec habileté la flatterie. Sa mémoire infaillible m’a beaucoup frappé. Il connaît par cœur des livres qu’il a lus. Des pages entières et des chapitres sont photographiés dans son esprit. Son goût des statistiques est étonnamment développé : il peut aligner des chiffres très précis sur les troupes de l’ennemi, les diverses réserves de munitions, avec une réelle maestria qui impressionne l’état-major de l’Armée. » • Léon Degrelle interviewé en 1981[137] , décrit Hitler qu’il rencontra à l’été 1933 : « Hitler n’était pas un homme comme les autres, il ne ressemblait en rien aux politiciens que j’avais eu l’occasion de rencontrer jusque-là. C’était un homme extrêmement simple, vêtu simplement, parlant simplement, très calme, contrairement à tout ce qu’on a pu raconter. Il était plein d’humour et très drôle dans sa conversation. Sur toutes les questions, politiques, économiques, sociales ou culturelles, il était porteur de vues absolument neuves, qu’il exprimait avec une clarté et une conviction qui entraînaient l’adhésion de ses auditeurs. Il savait conquérir les individus et les foules par le rayonnement étrange de sa personnalité. » • Baldur von Schirach, ancien chef de la Hitlerjugend et gauleiter de Vienne, écrira en 1967, peu après sa sortie de prison : « La catastrophe allemande ne provient pas seulement de ce que Hitler a fait de nous, mais de ce que nous avons fait de Hitler. Hitler n'est pas venu de l'extérieur, il n'était pas, comme beaucoup l'imaginent, une bête démoniaque qui a saisi le pouvoir tout seul. C'était l'homme que le peuple allemand demandait et l'homme que nous avons rendu maître de notre destin en le glorifiant sans limites. Car un Hitler n'apparaît que dans un peuple qui a le désir et la volonté d'avoir un Hitler[138] ».

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Descriptions et représentations culturelles Interprétation psychanalytique Fondateur d’un État totalitaire, doctrinaire raciste et antisémite, responsable de la partie européenne de la Seconde Guerre mondiale ayant fait entre quarante et soixante millions de morts[139] , et inspirateur du génocide des Juifs et de crimes contre l’humanité sans précédent ni équivalent à cette heure dans l’histoire humaine, le personnage d’Hitler a cristallisé une telle animosité qu’il est devenu aux yeux des Occidentaux la figure archétypale du criminel, sinon la figure même du « mal absolu ». Aussi les interprétations de son comportement revêtent-elles nécessairement un enjeu considérable, et aussi est-il nécessaire de les considérer avec beaucoup de recul. Dans son livre de 1983 Am Anfang war Erziehung (traduit en français sous le titre C'est pour ton bien), Alice Miller analyse les liens entre son éducation « répressive » et la suite de sa biographie et avance l’explication que les comportements violents de Hitler trouveraient leur origine dans ses traumatismes infantiles. Sa mère avait épousé un homme plus âgé qu’elle de 23 ans, et qu’elle appelait « oncle Aloïs » ; ses trois enfants moururent en quelques années autour de la naissance d’Adolf, amenant ce dernier à être surprotégé. Il aurait été régulièrement battu et ridiculisé par son père ; après une tentative de fugue, il aurait été presque battu à mort. Adolf haït son père durant toute sa vie et on a rapporté qu’il faisait des cauchemars à son sujet à la fin de son existence. Lorsque l’Allemagne nazie annexa l’Autriche, Hitler fit détruire le village où son père avait grandi.[réf. nécessaire]

Au cinéma Hitler bébé.

• Triumph des Willens (Le Triomphe de la volonté), film datant de l’époque nazie (1935), tourné par Leni Riefenstahl. Film à caractère propagandiste, sans narration, filmé pour donner la meilleure image possible d’Hitler au congrès de Nuremberg, du 30 août au 3 septembre 1933. On y voit des scènes où Hitler est filmé de très bas baignant dans la lumière, lui donnant un air majestueux. Pour l’époque, des innovations y ont été introduites comme les travellings circulaires lors des discours, et de très grands plans lors de parades. Il remporte un prix d’honneur en France comme meilleur documentaire de l’année. Ce film a précédé les lois de Nuremberg et le début de la politique raciale du Troisième Reich, ce qui explique en partie son succès à l’étranger. • Parmi les nombreuses représentations au cinéma, Charlie Chaplin ridiculisa Hitler dans son film de 1940 Le Dictateur (The Great Dictator) : le dictateur en question a en effet pour sosie un petit coiffeur juif qui prendra sa place et terminera le film sur un discours humaniste émouvant. Pour la petite histoire, Hitler fit interdire le film en Allemagne, mais s’en procura une copie qu’il se fit projeter en privé à deux reprises. Chaplin était né la même semaine que le tyran, ce qui le marqua toute sa vie. Aux États-Unis, suite à des pressions de la United Artists, ce film ne put sortir que six mois après la fin de son tournage. • La Fin d'Hitler, un film de Georg Wilhelm Pabst sorti en 1955, (titre original : "Der Letzte Akt"), une reconstitution des derniers moments vécus par Hitler et ses proches dans l'abri souterrain en avril 1945. • Les Dix Derniers Jours d'Hitler, un film de 1973, où le dictateur est incarné par Alec Guinness. • Le Führer en folie, film humoristique de 1974 de Philippe Clair avec Henri Tisot dans le rôle d'un Adolf Hitler footballeur


Adolf Hitler • En 1999, le réalisateur russe Alexandre Sokourov place Hitler au début de sa trilogie sur le pouvoir dans le film Moloch, le récit impressionniste d’un week-end au Berghof du couple Hitler-Eva Braun. • Mrs Meitlemeihr, court métrage de 2002 avec Udo Kier dans lequel Hitler a survécu à la guerre et se cache à Londres déguisé en femme. • En 2003, Hitler - la naissance du mal (Canada / États-Unis), donne un éclairage sur la jeunesse d’Hitler et sa montée au pouvoir (jusqu’en 1934). Ce film, envers lequel les historiens sont critiques[réf. nécessaire], a le mérite de montrer la genèse du dictateur, et l’Allemagne telle qu’il l’a connue au moment où il met en place son « combat », alors qu’il n’est encore qu’un « aspirant » en politique. À noter que le film a été censuré par TF1 (environ quarante minutes de scènes coupées) qui a acquis les droits pour la France. • En 2003 Max, réalisé par Menno Meyjes, narre l’histoire entre Adolf Hitler (joué par Noah Taylor), à l’époque jeune artiste, et Max, artiste juif amputé du bras droit. Max encourage Hitler à exorciser sur la toile ses colères, ses haines et ses peurs. Petit à petit, Hitler devient haineux envers les juifs ce qui conduira à l’horreur que l’on sait. • En 2005 sort La Chute (Der Untergang), réalisé par Oliver Hirschbiegel, avec dans le rôle d’Hitler, l’acteur suisse Bruno Ganz. Ce film narre les derniers jours du Führer dans son bunker. Lors de sa sortie, ce film a attisé la polémique. On lui a notamment reproché de montrer un visage trop humain du dictateur de l’Allemagne. • Mon Führer - La vraie véritable histoire d'Adolf Hitler sorti en 2007 présente Hitler comme un sujet comique. • Walkyrie sorti en 2009 retrace le complot du 20 juillet contre Hitler.

Créations diverses et chroniques • Hitler a souvent été utilisé comme personnage dans des œuvres de fiction. Un exemple précoce en est la description cryptée dans la pièce écrite en 1941 par Bertolt Brecht, La Résistible Ascension d'Arturo Ui, dans laquelle Hitler est transposé en la personne d’un racketteur mafioso sur le marché des choux-fleurs à Chicago. • Roald Dahl a également écrit une petite nouvelle sur Adolf Hitler dans Kiss Kiss, recueil de nouvelles à l’humour noir, elle s’intitule Une histoire vraie. • Une des plus étranges œuvres tardives de Salvador Dali fut Hitler se masturbant, le représentant au centre d’un paysage désolé. • Dans son roman Pompes funèbres, Jean Genet propose une vision homoérotisée du Führer, ainsi qu’un regard poétique sur les rapports qu’entretiennent la violence nazie et l’attirance sexuelle. • Rêve de fer (The Iron Dream, 1972) une uchronie de Norman Spinrad : un certain Adolf Hitler, n’arrivant pas à fonder un mouvement politique, émigre aux États-Unis, écrit des romans d’heroic fantasy, dont un, le Seigneur du Swastika, récit enchâssé dans le livre de Spinrad avec ses préface et postface expliquant un monde n’ayant pas connu le régime nazi. • Ces garçons qui venaient du Brésil, Franklin J. Schaffner (1976), raconte une tentative de clonage du dictateur défunt par le sinistre Docteur Mengele. • Hitlar (aussi connu simplement sous le titre Hitler), est un film pakistanais de 1980 mettant en scène un hypothétique fils caché d'Adolf Hitler vivant en temps que gérant de discothèque a Karachi • Fatherland, de Robert Harris est une uchronie qui met en scène un thriller dans une Europe où le Troisième Reich a triomphé des Alliés en 1944. • La Part de l'autre, d’Éric-Emmanuel Schmitt, est un roman uchronique qui nous montre ce qu’aurait pu devenir le monde si, à cet instant précis du 8 octobre 1908, le jury de l’École des Beaux-Arts de Vienne avait prononcé « Adolf Hitler : admis ». Il écrit en parallèle la vie d’Hitler avec celle qu’il aurait eue s’il avait été admis. • Un Château en Forêt : Le Fantôme de Hitler, de Norman Mailer est une biographie de Hitler, où un SS posséderait des informations secrètes sur l'enfance et la vie du Führer, les livrant ainsi au lecteur. • Lors de l'inauguration du musée de cire Madame Tussauds de Berlin le 5 juillet 2008, un visiteur berlinois a décapité la tête de la statue de cire d'Hitler. Celle-ci sera retirée afin d'être réparée[140] .

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Décorations Décorations militaires • Croix de fer (1ère et 2ème classe) • Insigne des blessés (Allemagne) (noir)

Notes et références Notes (de) Hitler renonce à sa nationalité autrichienne (http://www.ns-archiv.de/personen/hitler/oesterreich/staatsbuergerschaft.php) (7 avril 1925) [2] Son biographe Ian Kershaw, dans la préface à son Hitler (t. I, Flammarion, 2000), analyse ainsi la singularité historique d’Hitler, dont le nom est devenu de fait dans la conscience universelle un synonyme du « Mal » : outre qu’il a sévi bien au-delà des frontières de son pays, il s’agit d’un conquérant qui « n’a laissé que des ruines derrière lui », ainsi qu’un immense traumatisme moral. L’historien note aussi que même les derniers défenseurs d’Hitler n’osent pas assumer frontalement ses actes (négationnisme). L’historiographie contemporaine a enfin amplement démontré et souligné la singularité de la Shoah, génocide mené contre la totalité d’un peuple désarmé et dispersé, selon des méthodes industrielles et bureaucratiques sans équivalent à cette heure dans l’Histoire humaine. De même, il a été régulièrement souligné la spécificité de ses projets d’exterminations racistes ou de la destruction méthodique et radicale de la personne humaine dans les camps de concentration. Cf. p. ex. Henry Rousso, « La violence congénitale du nazisme », in Nazisme et stalinisme. Histoire et Mémoire comparées, Complexes, Bruxelles, 2000. [3] Kimberly Cornish, Wittgenstein contre Hitler. Le Juif de Linz, PUF, 1997. Une photo de classe montre les deux garçons à peu de distance. La thèse très controversée du livre suppose qu'ils se connaissaient et qu'Hitler aurait nourri pour Wittgenstein une aversion à l'origine de son antisémitisme et donc de la Shoah. Elle n'est généralement pas retenue des historiens, pour qui il n'existe d'ailleurs pas de signe d'un antisémitisme familial ni personnel chez Hitler avant qu'il n'arrive à Vienne. [4] Si selon les mémoires d'August Kubizek (The Young Hitler I Knew, Boston, Houghton Mifflin, 1955), Hitler a lu certains ouvrages de Nietzsche avant 1914, cette affirmation est contestée par Asccheim (The Nietzsche Legacy in Germany 1890-1990, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 319), selon lequel les spécialistes s'accordent sur le fait que Hitler n'a pas lu Nietzsche, ou très peu [1]

[5] Un cliché pris sur Odeonplatz à Munich le 2 août 1914 le montre dans la foule assemblée voir (en) Pictures of Hitler - Hitler Celebrating the Declaration of WWI (http:/ / history1900s. about. com/ library/ holocaust/ blhitler14. htm) [6] Lionel Richard (dir.), D’où vient Adolf Hitler ? [7] Mein Kampf, chapitre V "La guerre mondiale". [8] Ian Kershaw, Hitler, tome I, Flammarion, 2000, suppose que Hitler a même très probablement arboré alors le brassard socialiste comme tous les soldats. [9] Cf. Hitler, tome 1 de Ian Kershaw, et 'Hitler de Heiden [10] Dans Mein Kampf, Hitler donne de cet épisode un récit plutôt elliptique, mais assez clair quant à sa vision du monde :

« En mars 1919, nous étions de retour à Munich. La situation était intenable et poussait à la continuation de la révolution. La mort d’Eisner ne fit qu’accélérer l’évolution et conduisit finalement à la dictature des soviets, pour mieux dire, à une souveraineté passagère des Juifs, ce qui avait été originairement le but des promoteurs de la révolution et l’idéal dont ils se berçaient. […] Au cours de cette nouvelle révolution de soviets, je me démasquai pour la première fois de telle façon que je m’attirai le mauvais œil du soviet central. Le 27 avril 1919, je devais être arrêté, mais les trois gaillards n’eurent point le courage nécessaire en présence du fusil braqué sur eux et s’en retournèrent comme ils étaient venus. Quelques jours après la délivrance de Munich, je fus désigné pour faire partie de la Commission chargée de l’enquête sur les événements révolutionnaires dans le 2e régiment d’infanterie. Ce fut ma première fonction active à caractère politique. » [11] L'homme « qui inventa Hitler » mourra résistant socialiste à Buchenwald en février 1945, deux mois avant le suicide du Führer. [12] Voir cette lettre en allemand : Adolf Hitler, « Gutachten über den Antisemitismus 1919 erstellt im Auftrag seiner militärischen Vorgesetzten (http:/ / www. ns-archiv. de/ verfolgung/ antisemitismus/ hitler/ gutachten. php) » sur NS-Archiv - Dokumente zum Nationalsozialismus ou en anglais : Adolf Hitler, « Adolf Hitler's First Antisemitic Writing (http:/ / www. jewishvirtuallibrary. org/ jsource/ Holocaust/ Adolf_Hitler's_First_Antisemitic_Writing. html) » sur Jewish Virtual Library, 16 septembre 1919 [13] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, p. 130 [14] Ian Kershaw, Hitler. Essai sur le charisme en politique

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Adolf Hitler [15] Ian Kershaw, Hitler, tome I. [16] En 1932, de passage à Munich, l'ancien ministre britannique Winston Churchill accepta par curiosité un rendez-vous avec le leader nazi, mais ce dernier annula l'entrevue avec son futur vainqueur quand ce dernier demanda à son intermédiaire pourquoi Hitler en voulait tant à des gens qui n'avaient fait que naître juifs. [17] Pierre Milza, « Hitler et Mussolini », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 112 [18] Kershaw, op. cit., t. 1, p. 354 [19] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide, Pocket, souligne la spécificité de l’idéologie d’Hitler : parfaitement cohérente, sincèrement ressentie, cette Weltanschauung est unique au monde car aucune autre n’a entraîné par son application de crimes aussi vastes et singuliers. [20] « L'étrange fiche de police d'Adolf Hitler », Sciences et Avenir, avril 2009, {{{1}}}.7. [21] « Dans le secret des archives de France : “La fiche des RG sur Hitler” », Sciences et Avenir, mars 2009, p. 17. [22] Serge Berstein, « La prise du pouvoir par Adolf Hitler », in L'Histoire. L'Allemagne de Hitler, Points-Seuil, 1991, p. 26. [23] Robert O. Paxton, Le Fascisme en action, Seuil, p. 173-174. [24] Detlev J. Peukert, La République de Weimar, 1997. [25] Serge Berstein, loc. cit., p. 29. [26] Lionel Richard, Goebbels, Portrait d'un manipulateur, Bruxelles, André Versaille éditeur, 2008. [27] Philippe Burrin, « Qui était nazi? », in L'Allemagne de Hitler, op. cit. [28] Robert O. Paxton, Le Fascisme en action, p.162. [29] « La conquête du pouvoir par Hitler résulte largement de l'usage cynique qu'il sut faire d'une propagande fondée sur le mépris : mépris de ses camarades politiques dont il abandonnait le programme à sa guise et dont il trahit les préoccupations ouvriéristes ; mépris de ses concitoyens auxquels il promet toute chose et son contraire, changeant de style selon les lieux, les moments et les publics. Les seuls constantes des discours hitlériens sont l'antisémitisme et la xénophobie. », Henri Burgelin, Les Succès de la propagande nazi, op. cit., p. 127. [30] Ian Kershaw, Hitler, t. I, op. cit. [31] De même Alan Bullock conclut que Hitler est arrivé au pouvoir par une « conspiration d'escalier de service. » dans Hitler :A Study in Tyranny, Londre, Odhams, 1952, p. 203. [32] Philippe Burrin, « Le Grand capital a-t-il soutenu Hitler ? », in L’Histoire, L’Allemagne de Hitler, Points-Seuil, 1994 [33] J.M. Argelès, « La terreur en Allemagne avant 1939 », in Une si longue nuit, dir. St. Courtois, 2003. [34] Jean-Pierre Azéma, « Les victimes du nazisme », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 312 [35] Heinz Höhne, L'ordre noir. Histoire de la SS, Casterman, Tournai, 1972, p. 84 [36] Günter Weisenborn, Une Allemagne contre Hitler, 1947. [37] Inge Scholl, La Rose blanche. Six Allemands contre le nazisme, éd. de Minuit, 1953, rééd. 1998. [38] Gilles Perrault, L'Orchestre rouge, Fayard, 1989 [39] Léopold Trepper, Le Grand Jeu, Albin Michel, 1993. [40] Atlas du IIIe Reich, coll. Autrement, 1998 [41] Ian Kershaw, Hitler, Flammarion, 2000, passim [42] Peter Reichel, La Fascination du nazisme, Hambourg, 1997 [43] Philippe Burrin, « Le grand capital a-t-il soutenu Hitler ? », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 149-167 [44] Götz Ally, Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2007 [45] Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme ?, 1988, Seuil, coll. Points. (pour les rapports du nazisme à l'économie) [46] L'oeil du IIIe Reich. Walter Frentz, le photographe de Hitler, Préface de Fabrice d'Almeida, Paris, Perrin, 2009, p. 86-87. [47] Barbara Lambauer, Otto Abetz et les Français, Fayard 2001, page 96 [48] Bertrand de Jouvenel, Un voyageur dans le siècle, Robert Laffont 1979, page 256 [49] Extrait plus large de l'interview :

« …Vous vous dites : “Hitler nous fait des déclarations pacifiques, mais est-il de bonne foi ? Est-il sincère ?” N’est-ce pas un point de vue puéril que le vôtre ? Est-ce qu’au lieu de vous livrer à des devinettes psychologiques, vous ne feriez pas mieux de raisonner en usant de cette fameuse logique à laquelle les Français se déclarent si attachés ? N’est-il pas évidemment à l’avantage de nos deux pays d’entretenir de bons rapports ? Ne serait-il pas ruineux pour eux de s’entre-choquer sur de nouveaux champs de bataille ? N’est-il pas logique que je veuille ce qui est le plus avantageux à mon pays, et, ce qui est le plus avantageux, n’est-ce pas évidemment la paix ? … C’est bien étrange que vous jugiez encore possible une agression allemande ! Est-ce que vous ne lisez pas notre presse ? Est-ce que vous ne voyez pas qu’elle s’abstient systématiquement de toute attaque contre la France, qu’elle ne parle de la France qu’avec sympathie ? …Jamais un dirigeant allemand ne vous a fait de telles ouvertures si répétées. Et ces offres émanent de qui donc ? D’un charlatan pacifiste qui s’est fait une spécialité des relations internationales ? Non pas, mais du plus grand nationaliste que l’Allemagne ait jamais eu à sa tête ! Moi, je vous apporte ce que nul

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Adolf Hitler autre n’aurait jamais pu vous apporter : une entente qui sera approuvée par 90 % de la nation allemande, les 90 % qui me suivent ! Je vous prie de prendre garde à ceci : Il y a dans la vie des peuples des occasions décisives. Aujourd’hui la France peut, si elle le veut, mettre fin à tout jamais à ce “péril allemand” que vos enfants de génération en génération, apprennent à redouter. Vous pouvez lever l’hypothèque redoutable qui pèse sur l’histoire de France. La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : “Soyons amis !” » Extrait de l’interview de Bertrand de Jouvenel paru dans le journal Paris-Midi du vendredi 28 février 1936, pages 1 et 3/ Ref. BNF MICR D-uc80 [50] Ibid., samedi 29 février 1936, p. 3. Toutefois, du fait que cette interview intervienne après la ratification du pacte franco-soviétique, certains commentateurs allemands auront des paroles dures à l’égard d’Édouard Herriot, d’Albert Sarraut et de Flandrin, leur reprochant d’avoir signé avec les Soviétiques [51] Les Olympiades: Les Hommes les plus rapides du monde, Greenspan Bub, Cic Vidéo 1987, d'après les archives des JO. [52] Hyde Flippo, The 1936 Berlin Olympics: Hitler and Jesse Owens (http:/ / german. about. com/ library/ blgermyth10. htm) et Rick Shenkman, Adolf Hitler, Jesse Owens and the Olympics Myth of 1936 (http:/ / hnn. us/ articles/ 571. html) [53] Adolf Hitler 'did shake hands with Jesse Owens' (http:/ / www. telegraph. co. uk/ sport/ othersports/ olympics/ 6008196/ Adolf-Hitler-did-shake-hands-with-Jesse-Owens. html), Daily Telegraph [54] Une histoire des Juifs, Robert Laffont, 1986 [55] Cité par K. Timmerman, op. cit., p. 109 [56] Compte rendu de l’entretien entre le Führer et le grand Mufti de Jérusalem le 30 novembre 1941, Documents on German Foreign Policy, 1918-1945, cité dans Walter Laqueur, The Israel-Arab Reader, Penguin Books, 1970, pp. 106-107. [57] Historia hors série N°13, juin 1969 ; Paris ville ouverte par Pierre Bourget / Charles Lacretelle [58] Le choc de 1940 / Jean Cau [59] (de) Dietmar Arnold, Neue Reichskanzlei und "Führerbunker" : Legenden und Wirklichkeit, Berlin, Christoph Links, 2005, 190 p. , p. 115 [60] Une saison noire. Le massacre des tirailleurs sénégalais mai-juin 1940 par Raffael Scheck (http:/ / www. histoforum. org/ histobiblio/ article. php3?id_article=473) [61] Cf. Alexander Lüdeke: Der Zweite Weltkrieg. Ursachen, Ausbruch, Verlauf, Folgen. Berlin 2007, S. 69. [62] Cf. Gerhard L. Weinberg: Der deutsche Entschluss zum Angriff auf die Sowjetunion. (http:/ / www. ifz-muenchen. de/ heftarchiv/ 1953_4_1_weinberg. pdf) In: Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte 1, 1953, S. 301–318, hier S. 310 f. [63] Ian Kershaw: Wendepunkte. Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg 1940/41. DVA, München 2008, S. 96: ”indem man London via Moskau schlug”. En français : « en battant Londres par le détour de Moscou ». (Édition originale : Fateful Choices. Ten Decisions That Changed the World, 1940-1941. London 2007) [64] Cf. Ian Kershaw: Wendepunkte. Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg 1940/41. DVA, München 2008, S. 95 f. und 105 f. [65] Ulrich Herbert, Hitler's foreign workers, Cambridge, 1997 [66] Eberhard Jäckel, Frankreich in Hitlers Europa – Die deutsche Frankreichpolitik im Zweiten Weltkrieg, Deutsche Verlag-Anstalt GmbH, Stuttgart, 1966 ; version en français : La France dans l'Europe de Hitler (préface de Alfred Grosser, traduction de Denise Meunier), éd. Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », 1968, 554 p., p. 273. [67] Larousse de la Seconde Guerre mondiale, dir. Claude Quétel, Mémorial de Caen, 2004, p. 321-322 [68] Olivier Wieviorka, Histoire du Débarquement en Normandie, Perrin, 2007 [69] « Est-ce un hasard si plusieurs de ceux qui allaient en devenir les plus farouches adversaires, un Niemöller, un Stauffenberg, un Hans Scholl, ont commencé par éprouver pour lui de l'attirance avant de s'en détourner avec horreur ? » in L'Allemagne de Hitler, collection L'Histoire, Points-Seuil, 1991, introduction, p. 15 [70] Expression de Kershaw [71] Raymond Cartier, La Seconde Guerre mondiale, Hachette, 1964, t. II, p. 67 [72] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome III, p. 205, et les travaux de François Delpla. [73] Les derniers jours de Hitler, par Édouard Husson (http:/ / www. histoire. presse. fr/ content/ recherche/ article?id=282) ; c’est également ce que laisse entendre le film La Chute, même si le double suicide lui-même, faute de témoin, n'est pas mis en scène. [74] Raymond Cartier, La Seconde Guerre mondiale, Larousse, 1964, t. II, p. 346 [75] Antony Beevor, Hitler’s jaws of death, article paru dans IHT et NYT le 11 octobre 2009, pages op-ed [76] (en) [V.K. Vinogradov and others, Hitler's Death: Russia's Last Great Secret from the Files of the KGB, Chaucer Press 2005, 111. Ces travaux s’appuient sur une carte soviétique, indiquant que les corps se trouvaient dans un champ près du village de Neu Friedrichsdorf, à environ un kilomètre à l'est de Rathenow]. [77] Ada Petrova, The Death of Hitler: The Full Story With New Evidence from Secret Russian Archives, W W Norton & Co Inc, 1995, ISBN 0-393-03914-5. [78] (en) Later Russian disclosures (http:/ / www. spiritus-temporis. com/ hitler-s-death/ later-russian-disclosures. html) (23 novembre 2008). [79] Hans Meissner, Magda Goebbels, First Lady of the Third Reich, 260–277.

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Adolf Hitler [80] (en) Tests on skull fragment cast doubt on Adolf Hitler suicide story (http:/ / www. guardian. co. uk/ world/ 2009/ sep/ 27/ adolf-hitler-suicide-skull-fragment) (27 septembre 2009) [81] (en) 'Hitler’s Skull' Is A Woman’s, Say DNA Tests (http:/ / news. sky. com/ skynews/ Home/ World-News/ Adolf-Hitler-Skull-Not-His-But-A-Womans-Says-US-Bone-Specialist-Nick-Bellantoni/ Article/ 200909415393951?f=rss#comment) (28 septembre 2009). [82] (en) Rochus Misch, I was in Hitler’s suicide bunker, BBC (http:/ / news. bbc. co. uk/ 2/ hi/ europe/ 8234018. stm) (3 septembre 2009). [83] in conclusion finale de Hitler, Flammarion, 2000 [84] François Furet, Le Passé d'une illusion, 1993 [85] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, Armand Colin, 2007, chapitre premier « L'héritage de la guerre ». [86] Tony Judt, op. cit, p. 34 [87] cf. Tony Judt, op. cit., p. 425 [88] Tony Judt, op. cit., p. 30 [89] La France du maréchal Pétain, ainsi, a nourri l'illusion coûteuse que le Führer était prêt à faire de la France un pays partenaire dans sa « nouvelle Europe », d'où une collaboration à sens unique qui a permis à Hitler d'atteindre à moindres frais ses objectifs de pillage, répression ou déportation. Cf. Robert Paxton, La France de Vichy, Seuil, 1973. [90] Cf. par exemple la fin de Maus, d'Art Spiegelman. [91] Éditions Chroniques, conclusion de la Chronique de la Seconde Guerre mondiale, 1987. [92] Albert Speer, Au cœur du IIIe Reich, Fayard, 1971, ou encore Joachim Fest, Albert Speer. Le confident de Hitler, tr. fr. Perrin, 2001. [93] L'ancien chef de la Hitlerjugend et gauleiter de Vienne Baldur von Schirach, condamné à 20 ans de prison à Nuremberg, écrit en 1967 : « La catastrophe allemande ne provient pas seulement de ce que Hitler a fait de nous, mais de ce que nous avons fait de Hitler. Hitler n'est pas venu de l'extérieur, il n'était pas, comme beaucoup l'imaginent, une bête démoniaque qui a saisi le pouvoir tout seul. C'était l'homme que le peuple allemand demandait et l'homme que nous avons rendu maître de notre destin en le glorifiant sans limites. Car un Hitler n'apparaît que dans un peuple qui a le désir et la volonté d'avoir un Hitler. » Cité in L'Histoire, L'Allemagne de Hitler, Points-Seuil, 1991, p. 13 [94] Tony Judt, Après-Guerre, Armand Colin, p. 942 [95] Tony Judt, Après-Guerre. Une Histoire de l'Europe depuis 1945, Armand Colin, 2007, p. 80 et p. 940 [96] Cf. Tony Judt, op. cit., « Épilogue : de la maison des morts ». [97] Thimothy Ryback, Dans la bibliothèque privée d'Hitler : Les livres qui ont modelé sa vie, LGF, 2010, P.175 [98] Adolf Hitler, Mein Kampf, Eher Verlag p.420 [99] Mémorandum de Walter Hevel, fonctionnaire du ministère des affaires étrangères du Reich, 21 janvier 1940. Akten zur deutschen auswärtigen Politik, vol. 158, p. 170., cité par Gerald Fleming, Hitler and the Final Solution, University of California Press, 1994, p. 14. [100] Ausrottung [101] Voir la longue liste des propos d’Hitler rapportés par PHDN : « L’antisémitisme mortifère d’Hitler. Paroles et documents » (http:/ / www. phdn. org/ histgen/ hitler/ declarations. html) [102] Traduction. Cf. Das Auswärtige Amt und der Holocaust. Die drängende Sorge, überflüssig zu werden. (http:/ / www. faz. net/ s/ RubB8A1F85C9BA549618318CE82246337B9/ Doc~E89357E0BDE7241F1896FBA8C64101185~ATpl~Ecommon~Scontent. html) FAZ.NET, 14 novembre 2010. [103] Cf. Spiegel-Gespräch mit Eckart Conze (de) „Verbrecherische Organisation“. In: Der Spiegel, Nr. 43 (2010), p. 45 [104] « Hitler et la Solution Finale : le jour et l'heure », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 269 [105] Himmler à Gottlob Berger, 28. 07. 1942. Cf. Ian Kershaw: Wendepunkte. Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg. 2. Auflage. DVA, München 2008, S. 586: „Die besetzten Gebiete werden judenfrei. Die Durchführung dieses sehr schweren Befehls hat der Führer auf meine Schultern gelegt.“ [106] Ian Kershaw, Hitler, t. II, op. cit., passim [107] Omar Bartov, L'Armée de Hitler, Pluriel, 1999. [108] Rudolf Höss, Le Commandant d'Auschwitz parle [109] Pour tout le passage, Annette Wieviorka, "Les Tziganes aussi…", in Auschwitz, la mémoire d'un lieu, Pluriel, 2005 [110] Jean-Pierre Azéma, "Les victimes du nazisme", in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 321 [111] Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1971, p. 27 sq et p. 49 sq [112] Guenter Lewy, La persécution des tsiganes par les nazis, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 364-365 [113] Le 3 septembre 1941, d’après Rudolf Höss, commandant du camp. Voir Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, 2005, p. 143. [114] Mémorial de la déportation homosexuelle (http:/ / deportation-homosexuelle. org/ histoire. html) [115] Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Paris, Flammarion, 1990, p. 497 [116] ou la fin des années 30, selon Joachim Fest, Hitler. Le Führer, Paris, Gallimard, 1973, p. 193 [117] Ron Rosenbaum, « Pour en finir avec la théorie d'un Adolf Hitler à une seule couille », in Rue89.com, 30 novembre 2008 (http:/ / www. rue89. com/ 2008/ 11/ 30/ pour-en-finir-avec-la-theorie-dun-adolf-hitler-a-une-seule-couille) [118] Bruno Gaudiot, Thierry Féral, Adolf Hitler: l'archaïsme déchaîné, Paris, L'Harmattan, 2001, 187 pages, p. 173 (ISBN 274750610X). [119] Sur l'ondinisme supposé de Hitler, Paul Simelon, Hitler, comprendre une exception historique?, Paris, L'Harmattan, 2004, 156 pages, p. 35-36 (ISBN 2-7475-6272-7), parle d'une rumeur née après le suicide de Geli Raubal, qui le lierait aux « extravagances sexuelles de Hitler », en l'occurrence « l'ondinisme », mais juge qu'elle manque de fondement.

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Adolf Hitler [120] Les affirmations sur l'impuissance de Hitler ont été démenties par Heinz Linge, valet de chambre de Hitler. Voir Michel Beauquey, J. V. Ziegelmeyer, Le disparu du 30 avril, Productions de Paris, 1964, 294 pages, p. 131. [121] Paul Simelon, Hitler, comprendre une exception historique?, Paris, L'Harmattan, 2004, 156 pages, p. 35 (ISBN 2-7475-6272-7), qui s'appuie sur Norman Finkelstein. [122] Kevin Moore, Museums and Popular Culture, Continuum International Publishing Group, 1997, 182 pages (ISBN 0-7185-0227-2), parle, p. 119, d'une « well-known wartime anti-German ditty: "Hitler has only got one ball, Goering has two but very small, Himmler has something similar, but poor old Goebbels has no balls at all." » [123] "Hitler au quotidien", in Larousse de la Seconde Guerre mondiale, dir. Claude Quélen, Mémorial de Caen, 2004, p. 194 [124] Henri Michel, Les Fascismes, Que Sais-je?, PUF, 1977 [125] Cf. Rochus Misch: Der letzte Zeuge. »Ich war Hitlers Telefonist, Kurier und Leibwächter«, München 2008, S. 91. Edition française: Rochus Misch: J'étais Garde du Corps d'Hitler. 1940-1945, Témoignage. Recueilli par Nicolas Baurcier, Cherche-Midi 2006. [126] "Hitler au quotidien", loc. cit. et Ian Kershaw, Hitler, op. cit., passim [127] Jacques Nobécourt, "Mit Brennender Sorge", in Dix leçons sur le nazisme, dir. Alfred Grosser, 1987 [128] Attribution du prénom Adolphe année par année (http:/ / tf1. notrefamille. com/ v2/ services-prenom/ prenom. asp?firstname=adolphe& x=26& y=1) [129] Ludwig von Mises, Omnipotent Government, The Rise of the Total State and Total War. [130] K. Marx, Manifeste du parti communiste, p. 100-101 Texte intégral sur Wikisource [131] « C’est le soutien direct apporté au Führer par les industriels et les milieux d’affaires qui a fait pencher la balance de son côté » (Pierre Milza, Les Fascismes, Imprimerie Nationale, 1985, p. 231). [132] Entente qualifiée de « mythe favori » des marxistes par Claude Polin dans Le totalitarisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1982, 127 pages, p. ? (ISBN 2130376150). [133] « Les milieux d'affaires, jusqu'alors réticents en raison de l'anticapitalisme initial du NSDAP, commencent à voir en lui le rempart le plus sûr contre la poussée révolutionnaire » à la suite des élections présidentielles de 1932. « Les principaux représentants de la grande industrie rhénane (Krupp, Thyssen, Kirdorf) décident de soutenir Hitler pour mettre fin au désordre croissant. Le chef du parti nazi les rassure en leur expliquant que ses diatribes anticapitalistes ne visent que les banquiers juifs en leur promettant une politique d'armement favorable à la grande industrie lourde. Une rencontre avec l'ancien chancelier von Papen et un groupe de banquiers à Cologne, le 4 janvier 1933, achève de sceller l'accord entre les milieux d'affaires et Hitler ». Voir Jean Guiffan, Jean Ruhlmann, Histoire de l'Europe au XXe siècle, Paris, Éditions Complexe, 1995, 252 pages, p. 138-139 (ISBN 287027551X). [134] Voir : Parti social-démocrate d'Allemagne, Parti socialiste ouvrier d'Allemagne, Parti communiste d'Allemagne, Parti communiste d'Allemagne - opposition, Neu Beginnen, Liste de résistants allemands au nazisme. En allemand : Rote Kämpfer (de), Kommunistische Räte-Union (de). [135] In Philippe Bouchet, La république de Weimar, Ellipses, 1999, p. 83. Ian Kershaw met aussi la citation en exergue du chapitre "Hissé au pouvoir" de son Hitler, t. I, op. cit. [136] Chroniques de l’histoire, (ISBN 290596992X) [137] Interview recueillie par Jean Kapel, Histoire magazine, n° 19, septembre 1981. [138] Baldur von Schirach, J'ai cru à Hitler, Hambourg, 1967, cité in L'Allemagne de Hitler, collection « L'Histoire », Points-Seuil, 1991, p. 13. [139] Marc Nouschi, Bilan de la Seconde Guerre mondiale, Le Seuil, 1996 [140] « Décapité au musée de Berlin, le Hitler de cire sera remis sur pied » (http:/ / www. lepoint. fr/ actualites-monde/ decapite-au-musee-de-berlin-le-hitler-de-cire-sera-remis-sur-pied/ 924/ 0/ 258589), Le Point, 7 juillet 2008.

Références

Navigation kbd:Адолф Гитлер

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Benito Mussolini

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Benito Mussolini Benito Mussolini 40e président du Conseil italien

Mandat 31 octobre 1922 - 25 juillet 1943 20 , 8 mois et 24 Monarque(s)

Victor-Emmanuel III d'Italie

Prédécesseur

Luigi Facta

Successeur

Pietro Badoglio

Autres fonctions 44e, 46e et 48e ministre des Affaires étrangères Période 1922 - 1929 Premier ministre

lui même

Prédécesseur

Carlo Schanzer

Successeur

Dino Grandi Période 1932 - 1936

Premier ministre

lui même

Prédécesseur

Dino Grandi

Successeur

Galeazzo Ciano Période 1943 -

Premier ministre

lui même

Prédécesseur

Galeazzo Ciano

Successeur

Raffaele Guariglia

48e et 50e ministre de l'Intérieur Période 31 octobre 1922 - 17 juin 1924 Prédécesseur

Paolino Taddei


Benito Mussolini

63 Successeur

Luigi Federzoni Période 6 novembre 1926 - 25 juillet 1943

Prédécesseur

Luigi Federzoni

Successeur

Bruno Fornaciari

Chef de l'État et du gouvernement (Duce) de la République sociale italienne Période 23 septembre 1943 - 28 avril 1945 Prédécesseur

Poste créé

Successeur

Poste supprimé

Biographie Nom de naissance

Benito Amilcare Andrea Mussolini

Naissance

29 juillet 1883 Predappio

Décès

28 avril 1945 (à 61 ) Giulino di Mezzegra

Nationalité

italienne

Parti politique

Parti socialiste italien (1901-1914) Parti national fasciste (1921-1943) Parti fasciste républicain (1943-1945)

Conjoint

Rachele Guidi

Enfants

Edda Ciano Anna Maria Mussolini Vittorio Mussolini Bruno Mussolini Romano Mussolini

Profession

Journaliste

Signature

Présidents du Conseil italien

Benito Amilcare Andrea Mussolini, (né le 29 juillet 1883 à Dovia di Predappio dans la province de Forlì-Cesena dans la région Émilie-Romagne en Italie, mort le 28 avril 1945 à Giulino di Mezzegra), est un journaliste, homme politique et dictateur italien. Fondateur du fascisme, il est président du Conseil du Royaume d'Italie, avec des pouvoirs dictatoriaux, du 31 octobre 1922 au 25 juillet 1943, premier maréchal d'Empire du 30 mars 1938 au 25 juillet 1943, et président de la


Benito Mussolini République sociale italienne (RSI) de septembre 1943 à avril 1945. Il est couramment désigné du titre de Duce, mot italien dérivé du latin Dux et signifiant « Chef » ou « Guide ». Il est d'abord membre du Parti socialiste italien (PSI) et directeur du quotidien socialiste Avanti! à partir de 1912. Anti-interventionniste convaincu avant la Première Guerre mondiale, il change d'opinion en 1914, se déclarant favorable à l'entrée en guerre de l'Italie. Expulsé du PSI en novembre 1914, il crée son propre journal, Il Popolo d'Italia (Le peuple d'Italie) qui prend des positions nationalistes proches de celles de la petite bourgeoisie. Dans l'immédiat après-guerre, profitant du mécontentement de la « victoire mutilée », il crée le Parti national fasciste (PNF) en 1921 et se présente au pays avec un programme politique nationaliste, autoritaire, antisocialiste et antisyndical, ce qui lui vaut l'appui de la petite bourgeoisie et d'une partie des classes moyennes industrielles et agraires. Dans le contexte de forte instabilité politique et sociale qui suit la Grande Guerre, il vise la prise du pouvoir, en forçant la main aux institutions avec l'aide des actions de squadristi et l'intimidation qui culminent le 28 octobre 1922 avec la Marche sur Rome. Mussolini obtient la charge de constituer le gouvernement le 30 octobre 1922. En 1924, après la victoire contestée des élections et l'assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti, Mussolini assume l'entière responsabilité de la situation et engage l'Italie dans la dictature. Après 1935, il se rapproche du national-socialisme d'Adolf Hitler avec qui il établit le Pacte d'Acier (1939). Convaincu d'un conflit rapide, il entre dans la Seconde Guerre mondiale au côté de l'Allemagne nazie. Après la défaite italienne et sa mise en minorité par le Grand Conseil du fascisme le 24 juillet 1943, il est arrêté par ordre du roi. Libéré par les Allemands, il instaure en Italie septentrionale la République sociale italienne. Le 25 avril 1945, alors qu'il tente de fuir pour la Valteline déguisé en soldat allemand, il est capturé par les partisans qui le fusillent avec sa maîtresse Clara Petacci.

La jeunesse, les premières activités politiques et la grande guerre La naissance et l'origine du prénom Fils du forgeron Alessandro Mussolini et de l'institutrice Rosa Maltoni, il naît le 29 juillet 1883 dans une petite maison à Varani dei Costa, un hameau de la commune de Dovia di Predappio dans la province de Forlì-Césène en Émilie-Romagne. Les prénoms Benito Amilcare Andrea lui sont donnés par son père[1] , socialiste à la limite de l'anarchisme, désireux de rendre hommage à Benito Juárez, héros libéral et républicain face à l'intervention française et ex-président du Mexique, à Amilcare Cipriani patriote italien et socialiste et à Andrea Costa premier député socialiste élu au parlement italien.

Jeunesse et études Le jeune Mussolini fréquente les deux premières classes élémentaires à Dovia, puis à Predappio (1889-1891). Il entre au collège des salésiens de Faenza (1892-1894). C'est un élève turbulent, voire violent : il manque de peu le renvoi en 1893 lorsqu'il blesse un de ses camarades avec un couteau et il est expulsé pour une autre dispute. Il poursuit ses études au collège Carducci de Forlimpopoli, où il obtient en septembre 1898 le diplôme technique inférieur. C'est à Forlimpopoli, sous l'influence de son père que Mussolini se rapproche du militantisme socialiste et s'inscrit en 1900 au parti socialiste italien. Il finit ses études obtenant en 1901 le baccalauréat. Le 13 février 1902, il est nommé maître suppléant à l'école élémentaire de Pieve Saliceto, hameau de Gualtieri. Le 9 juin 1902, il termine l'année scolaire et, pour fuir le service militaire, s'établit à Lausanne, après avoir séjourné dans deux autres villes suisses, Yverdon-les-Bains et Orbe. Il s'inscrit auprès du syndicat des maçons et des manœuvriers et en devient le secrétaire. Il publie son premier article dans L'avvenire del lavoratore (L'avenir du

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Benito Mussolini travailleur). Il est arrêté pour vagabondage par la police dans la matinée du 24 juillet 1902 sous les arches du Grand-Pont à Lausanne, où il avait passé la nuit. Dans ses poches sont trouvés son passeport, son diplôme de l'école normale et 15 centimes.

La Suisse Jusqu'en novembre 1904, Mussolini vit en Suisse, se déplaçant de ville en ville et occupant des emplois occasionnels (maçon, manœuvre, etc.). Il est expulsé d'un canton par deux fois : le 18 juin 1903, il est arrêté comme agitateur socialiste, maintenu en prison douze jours et expulsé le 30 juin ; le 9 avril 1904, il est emprisonné pendant sept jours à Bellinzone à cause d'un faux permis de séjour. Il surmonte ces difficultés grâce à l'aide de socialistes et anarchistes du canton du Tessin. Au cours de ces années, il collabore comme journaliste à des périodiques locaux d'inspiration socialiste, parmi lesquels le Proletario. Il étudie à la faculté des sciences sociales de Lausanne, où il fréquente les cours de l'économiste Vilfredo Pareto[2] , critique acerbe de la démocratie libérale. À cette époque, il se range dans l'aile révolutionnaire du Parti socialiste italien (PSI) dirigée par Arturo Labriola et envoie des articles au journal milanais l'Avangardia socialista. C'est au cours de cette période qu'il fait preuve de la plus grande affinité idéologique avec le syndicalisme révolutionnaire. En 1904, il rencontre l'activiste socialiste Angelica Balabanova. Il rencontre aussi une autre figure du socialisme italien en exil, Giacinto Menotti Serrati[2] . Il discute avec le pasteur évangélique Alfredo Taglialatela sur le thème de l'existence de Dieu[3] .

Le retour en Italie En novembre 1904, en raison de l'amnistie accordée lors de la naissance de l'héritier du royaume, Mussolini revient en Italie alors qu'il est sous le coup d'une condamnation pour refus du service militaire. Il effectue son service militaire, affecté le 30 décembre 1904 au dixième régiment bersaglier de Vérone et il obtient un certificat de bonne conduite. Entre temps, sa mère décède le 19 janvier 1905. Libéré, Mussolini rentre à Dovia di Predappio le 4 septembre 1906 et il est maître suppléant à Tolmezzo du 15 novembre jusqu'à la fin de l'année scolaire. En novembre 1907, il obtient l'habilitation pour l'enseignement du français et en mars 1908, il obtient la charge de professeur de français au collège de Oneglia, où il enseigne aussi l'italien, l'histoire et la géographie. À Oneglia, il dirige l'hebdomadaire socialiste La Lima sous le pseudonyme de « Vero Eretico » (vrai hérétique). Il revient à Predappio, où il dirige la grève des journaliers agricoles. Le 18 juillet 1908, il est arrêté pour menaces envers un dirigeant des organisations patronales. Jugé, il est condamné à trois mois de prison mais il est laissé en liberté provisoire. En septembre, il est de nouveau incarcéré pendant dix jours pour avoir tenu à Meldola une réunion non autorisée. En novembre, il s'installe à Forlì où il vit avec son père qui crée avec sa compagne Anna Lombardi (veuve de Guidi, mère de la future femme du duce) le restaurant Il bersagliere. Au cours de cette période, Mussolini écrit dans Pagine libere (Pages libres), revue du syndicalisme révolutionnaire éditée à Lugano et dirigée par Angelo Oliviero Olivetti, l'article La filosofia della forza (La philosophie de la force) où il fait référence à la pensée de Nietzsche. En février 1909, il s'établit à Trente où il est secrétaire de la chambre du travail et il dirige L'avvenire del lavoratore (L'avenir du travailleur). Le 7 mars, il tient une joute journalistique avec Alcide De Gasperi d'orientation catholique, directeur du périodique Il Trentino. Le 10 septembre, il est emprisonné à Rovereto pour diffusion de journaux instigateurs de violences envers l'Empire d'Autriche et le 29 il est expulsé et retourne à Forlì.

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Au Parti socialiste et à l'Avanti! À partir de janvier 1910, il est secrétaire de la fédération socialiste livournaise et il dirige le périodique officiel L'idea socialista rebaptisé par Mussolini Lotta di classe. Il publie son roman Claudia Particella, l'amante del cardinale Madruzzo, en 1910, dans le journal de Trente de l'irrédentiste Cesare Battisti Il popolo, avec qui il avait collaboré en 1910. L'œuvre contient une satire anti-cléricale. Le 17 janvier, il commence à vivre avec Rachele Guidi, sa future femme. Il commence en outre à collaborer à la revue socialiste Soffitta. Le 23 août il participe au congrès socialiste de Milan. Le 11 avril 1911, la section socialiste de Forlì emmenée par Mussolini vote l'autonomie du PSI. En mai, il fait publier son essai Il Trentino veduto da un socialista (Le Trentino vu par un socialiste) sur le journal Quaderni della Voce. Il est arrêté le 14 octobre, jugé et condamné (23 novembre) à un an de réclusion pour avoir participé le 25 septembre, avec son ami républicain Pietro Nenni, à une manifestation contre la guerre de Libye qui se termine par des affrontements violents avec la police. Les rails sont déboulonnés, les fils télégraphiques coupés et la gare prise d'assaut. Mussolini définit l'aventure coloniale africaine du gouvernement de Giovanni Giolitti d'« acte de brigandage international ». Le 19 février 1912, la cour d'appel de Bologne réduit la peine à cinq mois et demi et le 12 mars suivant, Mussolini est relâché. Le 8 juillet 1912, au congrès du PSI de Reggio d'Émilie, il présente une motion d'expulsion contre les réformistes Leonida Bissolati, Ivanoe Bonomi, Angiolo Cabrini et Guido Podrecca qui est acceptée, les quatre exclus donnèrent vie au Parti Socialiste Réformiste et il entre donc dans la direction nationale du parti. Il collabore à Folla, journal de Paolo Valera signant sous le pseudonyme de « L'homme qui cherche » [4] . Grâce aux évènements de 1912 et à sa qualité d'orateur, Mussolini monte au sommet de la scène politique nationale : en novembre 1912, il devient le membre principal de l'aile maximaliste du socialisme italien et directeur de l'Avanti!, quotidien officiel du Parti socialiste italien. En novembre 1913, il crée la revue Utopia. Au congrès socialiste du PSI d'Ancône de 1914, il présente avec Giovanni Ziboldi une motion qui sera reçue par laquelle l'incompatibilité de la franc-maçonnerie et du socialisme est reconnue. Le 9 juin, il est élu conseiller municipal à Milan et il est un des acteurs de la Semaine Rouge.

La guerre: exclusion du PSI et ralliement à l'interventionnisme Au début de la Première Guerre mondiale, il s'aligne sur les positions de l'Internationale socialiste, se déclarant ouvertement opposé à l'intervention de l'Italie qui, d'après lui, ne servirait que l'intérêt de la bourgeoisie. Il est toutefois forcé à la démission, le 20 octobre 1914, de L'Avanti!, puis expulsé du PSI le 29 novembre 1914, suite à la publication, le 18 octobre, de l'article Dalla neutralità assoluta alla neutralità attiva ed operante (« De la neutralité absolue à la neutralité active et agissante »), qui signe son ralliement à la campagne interventionniste entamée le 5 octobre par le manifeste des Faisceaux d'action internationaliste. Mussolini préconise désormais une politique militariste ainsi que l'entrée en guerre de l'Italie en 1915 aux côtés de l'Entente, notamment à fin d'obtenir de nouveaux territoires (en particulier les terres irredentes). Le 15 novembre 1914, paraît Il Popolo d'Italia (Le Peuple d'Italie), « quotidien socialiste » comme l'annonce le bandeau sous le titre[5] . En décembre, il prend part à Milan à la création des Fasci d'azione rivoluzionaria[6] , participant à leur premier congrès les 24 et 25 janvier 1915 [7] . Après l'entrée en guerre de l'Italie suite au Pacte de Londres (mai 1915), Mussolini est affecté en août 1915 au 11e bersaglier puis envoyé sur le front alpin le 2 septembre 1915. Dans son journal de guerre, outre raconter la vie dans les tranchées, il s'imagine comme héros charismatique dans une communauté nationale guerrière et obéissante. Nommé caporal le 1er mars 1916, ses supérieurs écrivent dans son fascicule militaire : « Activité exemplaire, qualité de combattant, esprit de sérénité, volontaire, zélé, régularité dans la réalisation de ses devoirs ». Blessé par l'explosion d'un mortier pendant un exercice, le 23 février 1917, il est

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Benito Mussolini réformé. De retour du front, en décembre, il publie dans Il Popolo d'Italia l'article Trincerocrazia dans lequel il revendique, pour les futurs anciens combattants, le « droit » de gouverner l'Italie après la fin de la guerre. A partir de l'automne 1917, il reçoit 100 livres sterling par semaine du MI5 (l'équivalent, en 2009, de 6 000 livres) afin non seulement de faire de la propagande militariste, mais aussi de mener les assauts violents contre les manifestants pacifiques, notamment à Milan, afin d'éviter toute paralysie de l'industrie [8] . Après le retrait de la Russie révolutionnaire, Londres craint en effet que l'Italie ne fasse aussi faux bond à l'Entente [9] . Ces paiements, qui ont duré au moins un an, ont été autorisés par le député britannique et homme du M15 en Italie Samuel Hoare (en), qui révéla leur existence dans ses Mémoires publiées en 1954 [9] .

Mussolini en 1918 - 1919 Acheté par les Alliés, il craint en 1918, lors des armistices, de se retrouver seul, sans soutien, sans argent. Le 10 novembre, il participe à Milian au Cortège de la victoire, harangue les Arditi présents et se constitue une garde personnelle[10] . Dans le même temps, il soutient dans son journal l'ensemble des mouvements italiens de grève ou de protestation: • les postiers • les cheminots • les métallurgistes • les émeutiers de mai-juin 1919, contre la cherté de la vie[11]

Le fascisme et la « révolution fasciste » Mussolini crée les Faisceaux de combat, futur noyau de son Parti national fasciste, le 23 mars 1919 à Milan, dans une salle prêtée par le Cercle des intérêts industriels et commerciaux. Les faisceaux de combat sont un amalgame d'ex-syndicalistes révolutionnaires (tel Michele Bianchi) dont Benito Mussolini était lui-même proche, de nationalistes déçus par la non-satisfaction de certaines revendications territoriales à la fin de la guerre et de futuristes tels Mario Carli et Marinetti. Le programme mêle revendications sociales et nationalistes, se déclare en faveur de la Société des Nations (SDN), critique l'impérialisme et exige la dissolution des sociétés anonymes et la suppression de toute spéculation boursière. Le programme hérisse un peu les nationalistes et les patrons du Cercle des intérêts industriels et commerciaux, mais il rassure ceux-ci en disant qu'il ne s'opposera à l'impérialisme et soutiendra la SDN que lorsque les revendications sur Fiume seront satisfaites, ce qui contredit nettement le programme lui-même [12] . Le jour même, il écrit dans Il Popolo d'Italia: « Nous nous permettons le luxe d'être aristocrates et démocrates, conservateurs et progressistes, réactionnaires et révolutionnaires, légalistes et illégalistes, selon les circonstances, le lieu et le cadre dans lequel nous sommes contraints de vivre et d'agir. »[12] Le 12 septembre 1919, devant le siège du Popolo d'Italia, Mussolini appuie une souscription en faveur de l'entreprise de Fiume de Gabriele D'Annunzio après avoir rencontré ce dernier pour la première fois à Rome en juin. Le 7 octobre, il est à Fiume où il discute avec D'Annunzio, les rapports sont extrêmement fugaces en raison d'une réciproque méfiance et peut-être rivalité. Le 9 octobre, à Florence, le premier congrès des Faisceaux de combat se tient et aux élections politiques du 16 novembre, les fascistes, malgré les candidatures de Mussolini et de Filippo Tommaso Marinetti à Milan et dans la province de Milan ne recueillent que 4795 voix. En outre, le 18 novembre, Mussolini est arrêté pendant quelques heures pour détention d'armes et d'explosifs. Il est relâché grâce à l'intervention du sénateur libéral Luigi Albertini qui deviendra quelque temps après un de ses principaux opposants. Les 24 et 25 mai 1920, Mussolini participe au second congrès des Faisceaux de combat qui se tient au théâtre lyrique de Milan. En juin, il se range aux côtés de Giolitti, qu'il rencontre en octobre, pour la résolution de la question de Fiume. Le 12 novembre, avec l'article Rapallo, il commente assez favorablement le traité italo-yougoslave signé par Giolitti qui

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Benito Mussolini permet à Fiume de devenir une ville libre. Le 28 mars 1921, il défile avec les squadristi en chemise noire à l'occasion des funérailles des victimes[13] de l'attentat [14] ,[15] anarchiste du théâtre Diana qui visait le commissaire de police Gasti. En témoignage du rapprochement entre Mussolini et Giolitti, le futur Duce se présente comme allié du parti d'État à Mondovì aux élections du 15 mai 1921 sur la liste "blocs nationaux" anti-socialistes, il obtient 35 sièges et il est élu député.

Vers le pouvoir À partir de ce succès, les chemises noires se rendent coupables de nombreux épisodes de violences et d'agressions physiques et verbales contre les adversaires politiques du fascisme, surtout contre les socialistes, les communistes et les syndicalistes qui organisent les grèves. Ils se font ainsi connaître et bien voir des milieux d'affaires et du patronat (Confindustria et Confagricoltura). Ce phénomène prend le nom de squadrismo (de squadre, escouades), les squadristi se constituent en milices et ils sont issus en grande partie des rangs des arditi, venant des troupes d'élite démobilisées en 1918, dont l'uniforme est la chemise noire — qui deviendra un des symboles du fascisme. De 1919 à 1922, l'Italie est secouée par une grave crise sociale et économique. Le 22 juillet 1921, Mussolini invite les socialistes, dans un article du Il Popolo d'Italia à un pacte de pacification pour la cessation des violences squadristes, signé le 21 août grâce à la médiation du président de la Chambre Enrico De Nicola; la violence ne cesse pas parce que l'exécution de l'accord est laissée à la discrétion des ras [16] locaux. À propos de l'autonomie dont bénéficient les groupes squadristi, Renzo De Felice rapporte que le futur duce entre en désaccord avec certains membres qui mettent en doute son rôle de guide du mouvement et qui n'acceptent pas la volonté mussolinienne de présenter celui-ci comme « normalisateur » de l'ordre public. Emblématique de ce point de vue, selon De Felice, lorsque Mussolini écrit « Le fascisme peut faire sans moi ? mais moi aussi, je peux faire sans le fascisme ». Les divergences sont surmontées et le 7 novembre se tient à Rome le troisième congrès des faisceaux de combat qui sont transformés en Parti national fasciste avec Michele Bianchi comme premier secrétaire. Le 1er janvier 1922, Mussolini crée le mensuel Gerarchia, auquel collabore sa maîtresse Margherita Sarfatti. En août 1922, la gauche lance une grève contre les violences des chemises noires qui interviennent provoquant l'échec du mouvement. Entre temps, entre le 3 août et le 5 septembre, les squadristi fascistes occupent les mairies d'Ancône, Milan, Gênes, Livourne, Parme, Bolzano, Trente, après de violents combats armés. Certaines villes résistent comme Parme. Il s'agit du début de la « révolution fasciste » avec lequel Mussolini tente un ambitieux coup de main pour prendre possession du pouvoir. Le 24 octobre défilent à Naples 40000 chemises noires affirmant le droit du fascisme à gouverner l'Italie.

La marche sur Rome Entre les 27 et 31 octobre 1922, la révolution fasciste atteint son apogée avec la marche sur Rome, opération des groupes de chemises noires provenant de différentes régions d'Italie et commandés par un quadriumvirat (Italo Balbo, Cesare Maria De Vecchi, Emilio De Bono et Michele Bianchi). Le nombre de personnes n'a jamais été établi avec précision, il oscille entre 30000 et 100000. Mussolini ne prend pas part directement à la marche. La décision en est la crainte d'une intervention répressive de l'armée qui aurait provoqué l'échec de l'opération. Il reste à Milan en attendant le développement de l'opération et il se rend à Rome seulement plus tard quand il apprend le bon résultat de l'action. À Milan, le soir du 26 octobre, Mussolini affiche sa tranquillité auprès de l'opinion publique en assistant au Cigne de Molnàr au théâtre Manzoni. Au cours de ces jours, il traite directement avec le gouvernement de Rome sur les concessions que celui-ci est prêt à faire au fascisme et le futur Duce nourrit des incertitudes sur le résultat de la manœuvre.

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Le roi Victor-Emmanuel III, en raison de l'opposition de Mussolini à un compromis (le 28 octobre, il refuse le Ministère des Affaires étrangères) et en raison du soutien dont bénéficie le fascisme auprès des officiers supérieurs et des industriels qui voient en Mussolini l'homme fort qui peut ramener l'ordre dans le pays en « normalisant » la situation sociale italienne, ne proclame pas l'état de siège proposé par le président du conseil Luigi Facta et donne au contraire la charge à Mussolini d'un nouveau gouvernement de coalition (29 octobre).

Trait particulier du fascisme : le corporatisme La principale particularité du fascisme italien est son corporatisme : ministère des Corporations, Conseil national des Corporations, Chambre des Faisceaux et Corporations. Au premier abord, ce corporatisme fait songer à la doctrine de l’Action française, à la théorie des corps intermédiaires ; aussi la doctrine de Mussolini était-elle mentionnée avec éloges par toute une fraction de la droite française qui ne dissimulait pas son hostilité à l’Allemagne hitlérienne. En fait le corporatisme fasciste ne ressemblait que superficiellement au corporatisme de l’Action française, qui était essentiellement un moyen de contrebalancer l’influence de l’État. Les corporations italiennes, au contraire, sont au service de l’État. Comme dit Gaëtan Pirou, « il s’agit beaucoup moins d’un système auto-organisateur des intérêts économiques que d’une ingénieuse présentation derrière laquelle s’aperçoit le pouvoir politique, qui exerce sa dictature sur l’économie comme sur la pensée ». Il s’agit moins d’un corporatisme analogue à celui de l’Ancien Régime que d’une théorie de l’État corporatif. Les institutions corporatives ne font qu’attester la domestication des intérêts économiques. Le mot de corporation, pour Mussolini, doit être pris dans son sens étymologique de « constitution en corps », cette constitution en corps qui est la fonction essentielle de l’État, celle qui assure son unité et sa vie.

Mussolini président du Conseil Cet article fait partie de la série sur le fascisme.

sous-série sur la politique


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70 Types et formes dérivées Intégralisme Austrofascisme En France En Croatie Garde de fer Phalangisme Nazisme Rexisme Dans l'Histoire Histoire de l'Italie fasciste Fascio Marche sur Rome République sociale italienne Sujets connexes Adolf Hitler Corporatisme Parti fasciste russe Benito Mussolini National-syndicalisme National-anarchisme National-bolchevisme Néofascisme Néonazisme [17]

Le 16 novembre Mussolini se présente à la Chambre et obtient la confiance avec 316 voix en sa faveur, 116 contre et seulement 7 abstentions et il tient son premier discours comme président du Conseil dans lequel il déclare : « Je me suis refusé de remporter une victoire éclatante, et je pouvais remporter une victoire éclatante. Je me suis imposé des limites. Je me suis dit que la meilleure sagesse est celle qui ne s'abandonne pas après la victoire. Avec trois cent mille jeunes armés, décidés à tout et presque mystiquement prêts à un de mes ordres, moi, je pouvais punir tous ceux qui ont diffamé ou tenté de salir le fascisme. Je pouvais faire de cette salle sourde et grise un bivouac de pantins : je pouvais barrer le Parlement et constituer un gouvernement exclusivement de fascistes. Je pouvais : mais je n'ai pas, au moins dans ce premier temps, voulu. » Le 24 novembre 1922, il obtient les pleins pouvoirs en matière économique et administrative jusqu'au 31 décembre 1923 afin de rétablir l'ordre. Le 15 décembre 1922, le Grand Conseil du fascisme se réunit pour la première fois. Le 14 janvier 1923, les chemises noires sont institutionnalisées par la création de la Milice volontaire pour la sécurité nationale (MVSN). Le 9 juin, il présente la nouvelle loi Acerbo en matière électorale, approuvée le 21 juillet. Toujours en juillet, grâce à l'appui britannique, à la conférence de Lausanne, la présence italienne en Dodécanèse, occupée depuis 1912 est reconnue. Le 28 août, l'expédition militaire Enrico Tellini, dont l'objectif est de définir la frontière entre la Grèce et l'Albanie est massacrée à Ioannina. Mussolini envoie un ultimatum à la Grèce pour demander réparation et suite au refus du gouvernement grec, la marine italienne reçoit l'ordre d'occuper Corfou. Avec cette action le nouveau président du Conseil démontre vouloir poursuivre une politique extérieure forte et il obtient, grâce à la Société des Nations les réparations demandées après l'abandon de l'île occupée. Le 19 décembre, il préside à la signature de l'accord entre la Confindustria et la Confédération des Corporations fascistes. Le décret royal du 30 décembre 1923 numéro 284 établit la création des agences communales d'assistance (ECA) avec pour objectif la « coordination de toutes les activités, publiques et privées, destinées au secours des indigents, et promouvant l'éducation, l'instruction et l'accès aux métiers et aux arts». Ceux-ci seront unifiés dans deux


Benito Mussolini agences territoriales au sein de l'assistance sanitaire et matérielle des pauvres et de l'enfance abandonnée par le décret royal du 31 mars 1933 numéro 383. Le 27 janvier 1924, le traité de Rome entre l'Italie et la Yougoslavie est signé dans lequel celle-ci reconnaît l’« italianité » de Fiume annexé le 16 février. Le Roi confère à Mussolini le collier de l’ordre suprême de la très Sainte Annunziata. À partir du 7 février, le gouvernement italien établit des rapports diplomatiques avec l'URSS. Un accord avec le Royaume-Uni permet à l'Italie d'acquérir l'autre rive du fleuve Jubba, région qui est annexée à la Somalie italienne. Aux élections du 6 avril 1924, la liste nationale (désignée comme " Listone ") obtient 60,1% des voix et 356 députés et à ceux-ci s'ajoutent 4,8% de voix et 19 sièges correspondant à la " liste bis ". Les deux listes gouvernementales recueillent au total 64,9% des votes élisant 375 parlementaires dont 275 inscrits au parti national fasciste. Dans le " Listone " est entrée la majorité des membres libéraux et démocrates parmi lesquels Vittorio Emanuele Orlando, Antonio Salandra et Enrico De Nicola qui retire sa candidature peu avant les élections, et de nombreuses personnalités de la droite italienne. Les consultations se déroulent dans un climat de violence et d'intimidation, et les abus perpétrés par les fascistes sont dénoncés le 10 mai par le député socialiste Giacomo Matteotti qui par un discours virulent à la chambre demande d'annuler les résultats des élections. Le 11 juin 1924, Matteotti est enlevé et assassiné par des squadristi fascistes. L'évènement provoque la " sécession sur l'Aventin ", c'est-à-dire le départ des députés d'opposition du parlement pour protester contre l'assassinat. Tout cela n'affecte pas le pouvoir de Mussolini car il n'est suivi d'aucune action politique concrète. Fort de l'indécision des opposants, le 3 janvier 1925, le Duce tient un discours au parlement dans lequel l'équilibre effectif des forces présentes dans le pays devient manifeste : afin de démontrer sa propre force, il déclare assumer « toutes les responsabilités historiques, politiques et morales » de l'assassinat. Le discours du 3 janvier 1925 est considéré comme le début du régime fasciste dictatorial : le Duce est né.

Une série d’attentats Après être devenu chef du gouvernement, Mussolini est l’objet d’une série d’attentats. Le premier est conçu, le 4 novembre 1925, par le député socialiste et adhérent à la chambre maçonnique Tito Zaniboni, mais l'OVRA[18] écarte la menace. Le 7 avril 1926 Violet Gibson, une irlandaise présentée comme déséquilibrée tire un coup de feu en direction de Mussolini, le manquant de peu. Le 11 septembre 1926 l'anarchiste Gino Lucetti lance un engin explosif vers la voiture du Premier ministre. La bombe rebondit sur la portière de la voiture et explose dans la rue blessant huit personnes. Le soir du 31 octobre 1926 à Bologne, pendant la commémoration de la marche sur Rome, Anteo Zamboni âgé de 15 ans tire un coup de pistolet vers le chef du gouvernement, effleurant la poitrine. Identifié par les fascistes, il est lynché sur place par les chemises noires de Leandro Arpinati. Selon certaines récentes recherches, l’attentat aurait été le résultat d’une conspiration des fascistes opposés à la «normalisation» mise en œuvre par Mussolini, hostile aux excès révolutionnaires et au pouvoir des formations squadristi. Mussolini échappe à d’autres attentats en 1931 et en 1932, respectivement de la part des anarchistes Michele Schirru et Angelo Pellegrino Sbardellotto, qui sont condamnés à la peine de mort pour avoir comploté contre le chef du gouvernement.

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Mussolini Premier ministre : la dictature fasciste

Mussolini discourant.

Avec la loi du 17 avril 1925 n.473 sont établies les nouvelles normes d’hygiène pour les entreprises et l’obligation de pourvoir au service sanitaire dans l’établissement, de ne pas faire porter des poids excessifs par les femmes et les enfants et signaler et surveiller les substances nocives. Les conventions collectives du travail ont force de loi et les « patrons » peuvent utiliser des contrats individuels différents des conventions collectives seulement si les conditions sont meilleures pour les travailleurs. L’application de ces règles est surveillée par un inspecteur corporatiste.

Par le décret royal du 1er mai n.582 naît l'Œuvre nationale du temps libre (Opera Nazionale Dopolavoro - OND) avec l’objectif de " promouvoir le sain et profitable emploi du temps libre des travailleurs intellectuels et manuels pour développer leur capacité physique, intellectuelle et morale ". L'organisme promeut, au côté des autres organismes concernés, la lutte contre l’alcoolisme et la « bataille contre la malaria », il organise des concerts publics, des représentations théâtrales populaires et des colonies de vacances à la mer et à la montagne pour les enfants de familles nécessiteuses. Le 11 juin 1925, le Président du Conseil annonce la bataille du grain[19] . La campagne a pour objectif d'atteindre l’autosuffisance de l’Italie envers l’étranger en ce qui concerne la production des produits agricoles et particulièrement du blé dont l’importation est à l’origine à 50 % du déficit de la balance des paiements. Le programme qui se termine en 1931 n’a pas le succès escompté, l’objectif n’étant pas atteint. Le projet est réalisé surtout grâce à la bonification, entre 1928 et 1932 des terres paludéennes présentes dans la péninsule italienne parmi lesquelles les marais Pontins[20] . La bonification permet la mise en œuvre d’un programme sanitaire qui permet de vaincre la malaria ainsi que l’obtention de résultats significatifs contre la tuberculose, la variole et la rage. De nouvelles communes naissent, souvent appelées d'après la destination économique qui justifie leur création, par exemple Carbonia pour l’exploitation des gisements de charbon. Le 21 juin 1925 a lieu le quatrième et dernier congrès du PNF. Mussolini invite les chemises noires à abandonner définitivement la violence. Par la réforme du système policier renforçant ainsi le pouvoir exécutif, à la fin de l’année 1925, les éléments squadristi sont rendus inopérants[réf. nécessaire]. Le 18 juillet, l’Italie et la Yougoslavie signent le traité de Neptune qui définit les frontières respectives de la zone dalmatienne. Le 30 août, l’arme de l’aéronautique est créée. Le 20 octobre Mussolini nomme Cesare Mori préfet de Palerme, avec des pouvoirs extraordinaires et des compétences étendues à toute la Sicile, afin de freiner le phénomène mafieux dans l’île. Le « préfet de fer » obtient des résultats significatifs et son action continue pendant les années 1926-1927. Rapidement, les enquêtes montrent des rapports entre la mafia et des hommes d’État. Ainsi Mori est rappelé à Rome par Mussolini et nommé sénateur le 16 juin 1929, alors que la propagande déclare orgueilleusement que la mafia a été vaincue. Entre 1925 et 1926, les lois fascistissimes inspirées par le juriste Alfredo Rocco sont approuvées. La loi du 26 novembre 1925, n. 2029, oblige les organismes collectifs œuvrant en Italie, associations, instituts, sur demande de l’autorité publique de sécurité (autorità di pubblica sicurezza), à déclarer leurs statuts, leurs actes collectifs, leurs règlements intérieurs et la liste des associés et des dirigeants sous peine, en cas de déclaration omise ou incorrecte, de dissolution, de sanctions pénales avec emprisonnement d’une durée indéterminée et de sanctions financières de 2000 à 30000 lires. De cette manière, le gouvernement dispose d’une cartographie du type et du nombre d’associations non gouvernementales présentes sur le sol italien. La loi du 24 décembre 1925, n. 2300, établit que tous les fonctionnaires qui refusent de jurer fidélité à l’État italien seront destitués.


Benito Mussolini La loi du 24 décembre 1925, n. 2263, prévoit que le titre « président du conseil» est transformé en «chef du gouvernement, Premier ministre et secrétaire d’État » ; le «chef du gouvernement » est nommé et révoqué seulement par le roi et il n’est responsable qu’envers lui. Les ministres deviennent responsables aussi bien envers le roi qu’envers Mussolini. La loi sur la presse du 31 décembre 1925 indique que les journaux ne peuvent être dirigés, écrits et imprimés que s'ils ont un responsable accrédité par le préfet et donc indirectement par Mussolini. La loi du 31 janvier 1926, n. 100, attribue à Mussolini, en sa qualité de chef du gouvernement, la possibilité de promulguer des règles juridiques. Avec la loi du 4 février, n. 237, les conseillers municipaux et les maires sont supprimés et remplacés par des podestà nommé par décret royal, qui exercent les fonctions de maire et du conseil municipal. Le 3 avril 1926 le droit de grève est supprimé et il est établi que les conventions collectives ne peuvent être négociées que par les syndicats légalement reconnus par l’État ; pour cela, le 8 juillet 1926, le ministère des corporations est créé et Mussolini en assume la direction. Dans le même temps, Mussolini impose à l’Albanie de Ahmet Zogu une forme non officielle de protectorat. De plus, l'Italie adhère au Pacte de Locarno qui garantit les frontières et la sécurité. En avril 1926, dans un discours à Tripoli, Mussolini avance l’idée d’une mer mare nostrum, avec une thalassocratie italienne sur la Méditerranée, et oppose pour la première fois fascisme et démocratie. Toujours en 1926, les frontières de la Libye sont redéfinies en faveur de l’Italie qui acquiert ainsi le Fezzan. Toujours le 3 avril, l’Opera Nazionale Balilla (ONB) est créé, avec l’objectif de « réorganiser la jeunesse d’un point de vue moral et physique », ainsi qu’à l’éducation spirituelle et culturelle et à l’instruction pré-militaire, des jeunes Italiens de 8 à 18 ans. En 1927, toutes les autres organisations sont dissoutes par décret à l’exception de la jeunesse italienne catholique (Gioventù Italiana Cattolica). En 1937, l’ONB sera remplacé par la Gioventù Italiana del Littorio (GIL). Le 18 août, le duce tient à Pesaro un discours dans lequel il proclame que pour combattre la dévaluation, le taux de change lire-sterling est fixé à la fatidique « cote 90 », objectif qui sera atteint avec de grandes difficultés. Le 8 octobre le Grand Conseil du fascisme promulgue un nouveau statut du PNF par lequel sont abolies les élections internes des membres du parti. Le 12 octobre Mussolini assume la direction de la MVSN. Le 5 novembre 1926 tous les partis hors du PNF sont dissous et la presse est placée sous le contrôle de la censure. La peine de mort[21] et le confinement policier sont introduits [22] pour les attentats perpétrés ou organisés à l’encontre des principaux personnages de l’État [23] et le tribunal spécial pour la sécurité de l’État (Tribunale Speciale per la sicurezza dello Stato) est créé. Le 30 décembre le fascio est déclaré symbole de l’État. Le 15 janvier 1927 Winston Churchill, alors Chancelier de l'Échiquier, est reçu à Rome par Mussolini. Entre temps, Mussolini lance la campagne de soutien de la croissance démographique : les célibataires doivent payer une taxe spéciale et à l’occasion des mariages, l’État offre une prime de mariage aux époux et s’ils prévoient des prêts, des facilités économiques leur sont accordées ainsi que des exemptions de taxes pour les familles nombreuses. Les Gruppi Universitari Fascisti ( " GUF " ) sont créés, pour la formation de la future classe dirigeante. Toujours en 1927, le Comité olympique national italien (CONI) est créé avec l’objectif d’améliorer la compétitivité. Précédemment la gestion de l’activité sportive était confiée à l’initiative privée. Le 21 avril, le Grand Conseil crée la carte du travail. Le 5 juin, s'adressant au sénat, Mussolini affirme la ligne du révisionnisme en matière de politique étrangère, déclarant que les traités signés après la Première Guerre mondiale sont valides mais qu’ils ne sont pas considérés éternels et immuables. Avec la loi du 9 décembre, n. 2693, le Grand Conseil du fascisme est institutionnalisé comme l’organisme principal du PNF, présidé en personne par le duce qui est reconnu comme organisme constitutionnel suprême de l’État.

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Le 15 janvier 1928, l’Agence italienne des diffusions radiophoniques (Ente Italiano Audizioni Radiofoniche - EIA) est créée et est seule compétente pour la gestion publique du service radiophonique sur le territoire national. En 1944, elle sera rebaptisée RAI (Radio Audizioni Italiane). Le 14 mars, Mussolini présente à la chambre un projet de loi de réforme qui sera approuvé, dans lequel il propose la réduction à 400 du nombre des députés, lesquels seront élus dans un unique collège national ; la confédération nationale des syndicats fascistes et les associations culturelles habilitées ont la charge de présenter les candidatures. Le 11 février 1929, Mussolini propose de mettre fin à la question romaine en signant avec le cardinal Pietro Gasparri les accords du Latran, ratifiés par la chambre en mai. Les élections du 24 mars 1929 pour le renouvellement de la chambre des députés, se transforment en plébiscite en faveur de Mussolini. Les électeurs sont appelés à voter sì ou no pour approuver un listone de députés fixé par le Grand Conseil du fascisme. La consultation se tient dans un climat d’intimidation ; la carte pour le oui est tricolore, celle pour le non simplement blanche rendant identifiable le vote exprimé. La participation du vote est de 90 % et les votes favorables au listone atteignent 98,4 %. Le 2 avril, le duce rencontre le ministre des Affaires extérieures britannique Neville Chamberlain. Vers la fin de l’année, le siège du gouvernement est transféré du palazzo Chigi au palazzo Venezia. En 1930, l'Italie signe un traité d’amitié avec l’Autriche. En janvier 1931, Mussolini, dans une interview au Daily Mail, affirme la nécessité d’une révision du traité de paix de la grande guerre. Le 9 juillet il reçoit le secrétaire d’État américain Henry Lewis Stimson, et en octobre il accueille le Mahatma Gandhi au palais Venezia. Entre le 23 mars et le 4 avril 1932, le duce rencontre plusieurs fois Emil Ludwig qui écrira Colloqui con Mussolini. Durant cette période, il s’éloigne de sa maîtresse Margherita Sarfatti en raison de sa liaison avec Clara Petacci. Le 12 avril au salon international de l’automobile de Milan est présentée la nouvelle FIAT Balilla, qui, dans les intentions de Mussolini, doit être l’automobile de tous les Italiens; à partir de cette année, l'attribution des voitures se fait par préférence et n’atteindra jamais les résultats espérés (Adolf Hitler adoptera la même initiative avec la Volkswagen). Le 23 octobre, Mussolini participe aux célébrations de la Fiat avec Giovanni Agnelli et Vittorio Valletta.

Discours enflammé de 1932

En juin, sur l'encyclopédie Treccani, un article Fascismo signé par Mussolini et écrit en collaboration avec Giovanni Gentile est publié ; on y trouve l'explication de la doctrine propre au parti fasciste. À l’occasion du dixième anniversaire de la révolution fasciste, la Via dell'Impero est inaugurée et les inscriptions au PNF sont rouvertes après leurs fermetures de 1928. Le 18 décembre Mussolini inaugure Littoria, la première ville neuve construite dans les Marais Pontins. Le 29 mars 1933, Mussolini rencontre à Rome le ministre allemand de la Propagande Joseph Goebbels. Sur l'initiative de Mussolini, le 7 juin, le Pacte à quatre est signé à Rome par l’Italie, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, les États qui assument la responsabilité de la paix et de l’organisation de l’Europe dans le respect des principes et des procédures prévues par le statut de la Société des Nations. Toujours en 1933, l’Institut national fasciste de la prévoyance sociale (INFPS) est créé, qui prendra en 1943 le nom de INPS, une agence de droit public dotée d’une gestion autonome avec l’objectif de garantir la prévoyance sociale aux travailleurs. C'est le premier vrai système italien de pension qui est créé : l'INFPS a, à sa charge, l’assurance obligatoire étendue des employés du secteur public à ceux du secteur privé. La même année, les caisses d’accidents du travail dont dépendent les travailleurs, et dont les cotisations sont obligatoires dans certains secteurs depuis 1919,


Benito Mussolini sont unifiées dans l’Institut national fasciste pour l’assurance contre les accidents du travail (Istituto Nazionale Fascista per l'Assicurazione contro gli Infortuni sul Lavoro - INFAI), rebaptisé INAIL en 1943. Le 5 février 1934, sont instituées les 22 corporations. Le 14 mars, Mussolini rencontre à Rome le chancelier autrichien Dollfuss et le chef du gouvernement hongrois Gyula Gombos pour discuter d’une révision de l’organisation territoriales dans les Balkans. Le 17 mars, un pacte à trois, anti-allemand et anti-français, est conclu avec la Hongrie et l’Autriche (protocole de Rome). Les élections du 25 mars 1934 pour le renouvellement de la chambre des députés – tenues suivant le schéma du listone unique déjà adopté en 1924, avec carte tricolore pour le oui et blanche pour le non – se transforment en un nouveau plébiscite : le nombre de participants augmente et les votes négatifs atteignent 15201 voix soit 0,15 % des votants. Les loi des 22 mars 1934 n. 654 et 26 avril 1934 n. 653 pour le travail des femmes et des enfants donnent le droit à la conservation du poste de travail pour les travailleuses enceintes, une période d’arrêt avant et après l’accouchement et les permissions obligatoires pour l’allaitement (pour les entreprises de plus de 50 ouvrières, il y a l’obligation de disposer d’un local adapté à cet usage). La loi 24 décembre 1934 n.2316 établit la création de l’ONMI ou Œuvre nationale pour la protection de la maternité et de l’enfance (Opera Nazionale per la Protezione della Maternità e dell'Infanzi) ; l'agence peut financer des institutions privées travaillant dans le même champ d’activité. En 1935, il y a l’instauration du samedi fasciste. Les 14 et 15 juin Mussolini et Hitler se rencontrent à Stra et Venise, les réunions concernent essentiellement la question autrichienne. Le chancelier allemand envisage l’annexion de l’Autriche. Les rapports entre les deux dirigeants restent tendus : le 25 juillet, suite à l’échec du coup d’État en Autriche par lequel l’Allemagne nationale-socialiste espère annexer le pays (Dollfuss est assassiné), Mussolini envoie deux divisions au Brenner (retirées le 16 août) pour défendre l’indépendance autrichienne[24] . La situation se résout lorsque Hitler abandonne la partie. Le 21 août, Mussolini rencontre Kurt von Schuschnigg, successeur de Dollfuss. Le 6 septembre, à Bari, il prend position sur la politique extérieure du national-socialisme et la doctrine raciste hitlérienne, proclamant que « trente siècles d’histoire nous permettent de regarder avec une souveraine pitié certaines doctrines venues de l’autre côté des Alpes » [25] .

La guerre d'Éthiopie et le rapprochement avec l'Allemagne national-socialiste « L'Italie a finalement son empire » — lors de la constitution de l'Afrique Orientale italienne Le 5 décembre 1934, se produit un incident près de Ual Ual, localité entre la Somalie italienne et l'Éthiopie: 1500 soldats éthiopiens agressent un poste frontière italien composé de 200 militaires. Mussolini demande des excuses officielles en plus du paiement d'une indemnité de la part du gouvernement éthiopien, conformément à ce qui est prévu dans un traité signé en 1928 entre l'Italie et l'Éthiopie. Cependant le Negus Haile Selassie a la possibilité, en vertu du même accord, de faire appel à la Société des Nations (SDN) (2 janvier). Pour faire la lumière sur l'évènement, celle-ci s'affaire dans l'arbitrage, temporisant : les rapports italo-éthiopiens sont irrémédiablement compromis et Mussolini fait référence à cet épisode pour déclarer la guerre. Des franchissements de frontière de troupes abyssiniennes se sont déjà produits, par exemple, le 14 novembre 1934, quand le consulat italien à Gondar s'est fait attaquer par un groupe armé éthiopien. La tension italo-éthiopienne est due au dessein italien d'unifier territorialement l'Érythrée et la Somalie et le désir éthiopien de conquérir un débouché sur la mer. Entre les 4 et 7 janvier 1935, Mussolini rencontre à Rome le ministre français des Affaires étrangères Pierre Laval : des accords en vertu de quoi la France cède à l'Italie la Somalie française (actuellement Djibouti) sont signés ainsi que la reconnaissance de la minorité italienne présente en Tunisie (qui avait été l'objet de revendications de la part de l'Italie) et l'engagement d'appuyer diplomatiquement l'Italie en cas de guerre contre l'Éthiopie [26] . Laval espère ainsi

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Benito Mussolini rapprocher Mussolini de la France afin de donner naissance à une alliance anti-nazie. Le 16 janvier, Mussolini prend la direction du ministère des colonies. Le 19 janvier, la SDN reconnaît la « bonne foi » de l'Italie et de l'Éthiopie dans l'incident de Ual Ual et décide que le cas doit être traité par les deux parties. Le 17 mars, les Abyssiniens présentent un nouveau recours, faisant appel à l'article XV de l'organisation. Lors de la conférence de Stresa qui se déroule du 11 au 14 avril, l'Italie, le Royaume-Uni et la France condamnent conjointement les violations allemandes du traité de Versailles. Le 8 juin à Cagliari, Mussolini revendique le droit de l'Italie à avoir sa propre politique coloniale, ce qui indispose le Royaume-Uni. Le 18 septembre, dans un article publié dans le Morning Post, Mussolini garantit que les intérêts français et britanniques en Afrique orientale ne seront pas touchés. Le 2 octobre, il annonce la déclaration de guerre à l'Éthiopie du balcon du palais Venezia[27] . En attaquant ce pays, membre de la SDN, Mussolini viole l'article XVI de l'organisation, qui stipule : « Si un membre de la ligue recourt à la guerre, enfreignant ce qui est indiqué dans les articles XII, XIII et XV, il sera jugé ipso facto comme s'il avait commis un acte de guerre contre tous les membres de la ligue, qui, ici prennent l'engagement de le soumettre à la rupture immédiate de toutes les relations commerciales et financières, à l'interdiction des relations entre les citoyens et ceux de la nation qui enfreint le pacte, à l'abstention de toutes relations financières, commerciales et personnelles entre les citoyens de la nation violatrice du pacte et les citoyens de n'importe quel autre pays, membre de la ligue ou non». Entre temps, il inaugure dans les Marais Pontins les nouvelles villes de Guidonia (27 avril) et Pontinia (13 novembre). Le 18 novembre, l'Italie est frappée par les sanctions économiques de la SDN que 52 états approuvent. L'Autriche, la Hongrie et l'Albanie votent contre. En guise de riposte, l'Italie met en œuvre des programmes économiques autarciques. Les sanctions se montrent en fait inefficaces, parce que de nombreux pays les ayant votées officiellement maintiennent de bons rapports avec l'Italie, l'approvisionnant en matières premières. L'Allemagne nazie est l'un de ceux-ci et la guerre d'Éthiopie est le point de départ du rapprochement entre Mussolini et Hitler.

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La conduite du conflit et les crimes de guerre commis sur ordre de Mussolini La défaite subie par les troupes italiennes à Adoua est toujours en mémoire des Italiens. Mussolini suit en personne les préparatifs ainsi que le déroulement des opérations militaires. En Éthiopie, un embargo sur les armes, imposé en 1918 par les trois puissances coloniales limitrophes (France, Royaume-Uni et Italie), ont fortement limité pendant près de 20 ans l'armement de l'empire. L'armée éthiopienne de l’empereur Haïlé Selassié est composée d’environ 500000 hommes, dont beaucoup ne sont souvent armés que de lances et de boucliers. Seuls quelques soldats disposent d’armes modernes, l'armée éthiopienne dispose de 25000 fusils Mauser FN model 24 carbine[28] , mais certains fusils usagés datent d’avant 1900[29] . Il faudra néanmoins sept mois pour conduire à la destruction des forces armées du dernier état indépendant d'Afrique, l'antique empire éthiopien[30] .

Carte d'Éthiopie

Pour s'assurer une rapide victoire, Mussolini, examinant les demandes des état-majors militaires, triple les moyens en hommes : en mai 1936, presque un demi-million d'hommes est engagé sur le théâtre des opérations dont 87000 askari, 492 tankettes, 18932 véhicules et 350 avions. Dans l'arsenal à disposition des Italiens, il y a aussi des armes chimiques et bactériologiques interdites par la convention de Genève et débarquées en grand secret à Massaoua : 60000 grenades à l'arsine pour l'artillerie, 1000 tonnes de bombes à ypérite pour l'aéronautique et 270 tonnes de produits chimiques agressifs pour l'emploi tactique [31] . Dès le début des opérations, le 3 octobre, Mussolini prend la direction des opérations et envoie presque quotidiennement des ordres radiotélégraphiés à ses généraux présents sur le champ de bataille (Rodolfo Graziani sur le front Sud, Emilio De Bono puis Pietro Badoglio sur celui Nord). Parmi ses ordres, figurent ceux relatifs à l'emploi des armes chimiques[32] ,[33] . Le premier ordre qui concerne l'emploi des armes chimiques arrive de Mussolini à Graziani : le 27 octobre 1935, Graziani prépare l'assaut de la place forte de Gorrahei. Les six tonnes de grenades conventionnelles sont insuffisantes pour avoir raison des défenseurs. Le 29, Graziani demande à Mussolini l'autorisation d'utiliser des armes chimiques pour des " opérations défensives " et il l'obtient rapidement avec le mandat d'exterminer l'entière formation ennemie[34] . Dans la même période, entre le 22 décembre 1935 et les premiers jours de 1936, sur le font Nord, Badoglio reçoit l'ordre d'employer les bombes chimiques contre les Abyssiniens passés à l'offensive dans le Sciré. L'ordre, déjà en cours d'exécution, soumet les civils, le bétail et les récoltes à une importante pluie de gaz. Le bombardement est suspendu pour des raisons politiques en vue d'une réunion de la SDN prévue à Genève le 5 janvier mais Badoglio l'ignore et poursuit les bombardements chimiques jusqu'au 7, puis de nouveau les 12 et 18 janvier[35] . Le 9 janvier, Mussolini autorise la guerre totale avec ces paroles :


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« J'autorise Votre Excellence à employer tous les moyens de guerre, je dis tous, qu'ils soient aériens comme de terre. Décision maximum. » — Télégramme secret de Mussolini à Pietro Badoglio [36] Les bombardements chimiques d'artillerie et par avions se poursuivent aussi bien sur le front Nord (jusqu'au 29 mars 1936) que sur le front Sud (jusqu'au 27 avril), employant un total de 350 tonnes d'armes chimiques. Dans ce contexte, fin janvier, malgré l'emploi massif d'armes chimiques, les armées italiennes du front Nord sont en graves difficultés (harcelé par les troupes du ras Cassa, Badoglio est sur le point d'ordonner l'évacuation de Mékélé). Mussolini n'hésite pas à proposer à son général l'emploi d'armes bactériologiques. Badoglio exprime sa nette divergence d'opinion, mettant en évidence auprès de Mussolini les réactions internationales que ce choix provoquerait et sa propre crainte sur les conséquences incontrôlables d'une arme jamais essayée jusque là. Le duce reçoit ces observations et le 20 février retire sa proposition[37] . L'utilisation des armes chimiques dont Mussolini est directement et pleinement responsable est cachée à l'opinion publique italienne et le duce ordonne le démenti lorsque leur emploi est évoqué dans la presse internationale[38] . La conduite d'une vraie politique d'extermination envers les Éthiopiens ne se limite pas à l'emploi des armes chimiques mais est conduit avec d'autres moyens, comme l'ordre de ne pas respecter les marquages de la Croix rouge ennemie ce qui conduit à la destruction d'au moins 17 hôpitaux (dont un suédois) et installations médicales abyssiniennes ou par l'emploi de troupes askari (libyens de religion musulmane) contre les armées et la population christiano-copte abyssinienne. Les troupes libyennes se rendent coupables de massacres envers les civils et les prisonniers, au point que le général Guglielmo Nasi instaure une prime de cent lires pour tout prisonnier vivant qui lui est confié[39] . Les crimes envers les rebelles, la population et les moines abyssiniens dans les sanctuaires christano-coptes (ils sont tués par centaines à Debra Libanos et ailleurs) se poursuivent même lorsque la guerre est finie et au moins jusqu'en 1940[40] .

La victoire en Éthiopie, l'apogée de Mussolini et du fascisme Le 7 mai 1936, Mussolini reçoit de Victor-Emmanuel III la Grande Croix de l’Ordre militaire de Savoie. Le souverain, par l’attribution de la plus haute décoration militaire du royaume, reconnaît l'implication de Mussolini: « ministre des forces armées, il prépara, conduisit et gagna la plus grande guerre coloniale dont l’histoire se souvienne. » Le 9 mai, toujours du balcon du Palais Venezia, il annonce la fin de la guerre d’Éthiopie et proclame la naissance de l’empire. Le roi d’Italie prend le titre d’empereur d’Éthiopie. La campagne abyssinienne représente le moment du plus fort consensus du peuple italien envers le fascisme. Mussolini impose, pour indiquer la date sur les documents officiels et sur les journaux, d'écrire l’année en commençant le 28 octobre 1922 (une telle mesure est déjà utilisée depuis le 31 décembre 1926) accompagnée de celle de la fondation de l’empire (par exemple, 1936 est indiqué comme « année 1936, XIV de l'ère Fasciste, I de l’Empire »).

Victor-Emmanuel III

Le 4 juillet, la SDN décrète la fin de l’application de l’article XVI et les sanctions cessent le 15 (l’unique pays qui s’y oppose est l’Afrique du Sud) ; Mussolini obtient le titre de maréchal d’Italie le 30 mars 1938. Le 9 juin, il confie à son gendre Galeazzo Ciano le ministère des affaires

étrangères. Le 24 juillet 1936, il se met d’accord avec Hitler pour l’envoi de contingents militaires en Espagne en soutien à Franco dont le coup d’État du 18 juillet a déclenché la guerre civile espagnole. Le fils de Mussolini Bruno participe à


Benito Mussolini la guerre comme chef d’une escadrille aérienne. Le 1er novembre, il annonce dans un discours la création (signé le 24 octobre) de l'Axe Rome-Berlin (il ne s’agit pas encore d’une vraie alliance militaire qui sera scellée seulement avec le Pacte d’acier). Ailleurs en Europe, d'autres partis fascisants voient le jour, notamment le Parti populaire français de Jacques Doriot en 1936. En 1937, Mussolini obtient un Doctorat Honoris Causa décerné par l'Université de Lausanne. Le 2 janvier 1937, un gentlemen's agreement est signé entre l’Italie et le Royaume-Uni par lequel sont définis les droits d’entrée et de sortie de la Méditerranée et il se décide d’éviter de modifier le « statu quo relatif à la souveraineté nationales des territoires du bassin méditerranéen » y compris l’Espagne. Cet accord est confirmé par le Pacte de Pâques du 16 avril 1938. Le 20 mars, dans l’oasis de Bugàra près de Tripoli, Mussolini reçoit du chef berbère Yusuf Kerbisc, l’« épée de l’islam », symbole de l’approbation d’une partie de la société libyenne envers le régime mussolinien. Le 21 avril, il inaugure Cinecittà, conçue comme le siège de l’industrie cinématographique italienne, largement financée par le gouvernement (le premier péplum, Scipion l'Africain, date de 1937). Le 22 avril, il rencontre à Venise le chancelier autrichien Schuschnigg et se déclare opposé à l’Anschluss de l’Autriche avec l’Allemagne. Toujours en avril, il rencontre le ministre allemand de l’Aéronautique Hermann Göring et le ministre des Affaires étrangères Von Neurath. Les 25 et 29 septembre, il rencontre Hitler, d’abord à Munich puis à Berlin. Le 6 novembre l'Italie adhère au Pacte anti-soviétique, dont l’Allemagne et le Japon sont déjà signataires. Le 3 décembre 1937, il signe un traité d’amitié, de commerce à Bangkok avec le Siam, l’actuelle Thaïlande. Le 11 décembre, il annonce la sortie de l’Italie de la Société des Nations. Il accueille, du 3 au 9 mai 1938, Hitler, lequel est en visite en Italie. Mussolini appuie, dans un premier temps, la volonté allemande d'annexer la Tchécoslovaquie avant de soutenir la cause tchécoslovaque&nbsp[41] ;. Face à l’éventualité d’un conflit entre le bloc franco-britannique et l’Allemagne, le 29 septembre se tient la conférence de Munich. À celle-ci sont présents Mussolini, Hitler, Daladier pour la France et Chamberlain pour la Grande-Bretagne : la légitimité sur la politique de l’Allemagne en Tchécoslovaquie est reconnue : la guerre n'aura pas lieu. Mussolini est fêté comme « le sauveur de la paix ». Mussolini, sur la lancée d'Hitler, essaie d'intimider, &nbsp[42] sans succès, les Français. Il cultive l'espoir de forcer les Français à abandonner la Corse et Nice et d'établir un condominium en Tunisie et en Somalie[43] . L'ambassadeur de France en est avisé le 30 novembre après le discours de Ciano devant le parlement italien, rappelé après six mois d'interruption. Une campagne anti-française est organisée par la presse[42] . Entre le 11 et le 14 janvier 1939, à Rome, il rencontre Chamberlain et le ministre britannique des Affaires étrangères Lord Halifax. Le 19 janvier 1939 la Chambre des députés est supprimée et remplacée par la Camera dei Fasci e delle Corporazioni. Fin mars, la guerre d'Espagne prend fin. Elle a coûté à l'Italie le chiffre contradictoire, en raison des désertions, de trois à six mille hommes. Financièrement, l'impact est considérable, il équivaut à plus de la moitié du revenu fiscal annuel, sans compter le matériel abandonné sur place[44] . En mars, Hitler envahit la Tchécoslovaquie sans en aviser Mussolini qui, mécontent[45] , ordonne l’occupation et l’annexion de l’Albanie. L’Italie y bénéficie déjà d’un protectorat non officiel depuis de nombreuses années. L'économie et l'armée sont largement dépendantes de l'Allemagne, et par l’« invasion » Mussolini montre sa volonté de se placer sur un plan d'égalité avec l'Allemagne[45] . Cette annexion rapporte peu à l'Italie et l'éloigne progressivement des démocraties pour la rapprocher toujours plus du régime nazi[46] .

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La création du consensus La stabilité de la dictature fasciste s’inscrit en grande partie dans la capacité de Mussolini à créer autour de sa personne un fort consensus. L'habileté dont il fait preuve pour faire de sa personnalité l'objet d’un véritable culte se reflète non seulement dans l’approbation que la société italienne lui montra longtemps, mais aussi dans l’admiration qu’il réussit à gagner auprès de nombreux chefs d’État étrangers, d’intellectuels et auprès de l’opinion publique internationale, surtout aux États-Unis et au Royaume-Uni. De ce point de vue, Mussolini devient un modèle d’inspiration pour beaucoup de futurs dictateurs, parmi lesquels Hitler et Staline. La popularité de Mussolini trouve certainement son origine dans l’insatisfaction du peuple italien envers les classes dirigeantes libérales en raison des traités de paix, jugés par beaucoup défavorables, que l’Italie a dû accepter à la fin de la Première Guerre mondiale malgré les 650000 morts et les sacrifices énormes supportés par le pays. Gabriele D'Annunzio parle de « victoire mutilée ». L'Italie gagne du territoire, seul engagement qui avait été pris par le pacte de Londres. Le mécontentement général ainsi que la terrible crise économique de l’après-guerre font croître le désir d’un gouvernement fort. Mussolini profite habilement de cette situation : il se présente comme le restaurateur de l’ordre et de la paix sociale. De ce point de vue, beaucoup de squadristi fascistes intransigeants critiquent la collaboration (en 1922-1924) du PNF, au niveau gouvernemental, avec les vieux partis. À partir de 1925, avec la promulgation des lois fascistissimes et le début de la dictature, toute forme de collaboration avec les vieux partis est abandonnée. Le consensus est alors alimenté grâce au contrôle de la presse et du monde culturel italien. En outre, toute forme active de divergence d’opinion est réprimée à travers l'OVRA, le Tribunal Spécial, et l'institut juridique du confinement. Mussolini démontre une personnalité charismatique, comme en témoignent les discours tenus face aux foules et une importante habileté oratoire qui puise en partie ses origines chez D'Annunzio. Mussolini augmente sa popularité en se présentant comme « le fils du peuple », recourant à l’organisation et à l’embrigadement des masses, appelées en permanence à participer à des initiatives de nature variée, mais grâce aussi à l’appui d’intellectuels (Gabriele D'Annunzio, Mario Sironi, le futuriste, Giovanni Gentile). Mussolini profite habilement, comme personne avant lui, des nouveaux moyens de communications (la radio, le cinéma et le cinéjournal) ainsi que des succès sportifs de l'Italie fasciste (comme les Coupe du monde de football de 1934 et de 1938, et le titre mondial de poids lourds conquis par Primo Carnera), qui sont largement utilisés à des fins de propagande. Mussolini réussit souvent à interpréter correctement la volonté de la majorité du peuple italien, réalisant d’importantes réformes sociales, sanitaires, économiques et culturelles. Il faut souligner que la " politique de puissance " inaugurée par l’Italie fasciste est vue favorablement par une grande partie de la population. Mussolini cherche à faire de l’Italie un pays craint et respecté, restaurant les fastes de l’Empire romain, réalisant le contrôle italien sur la Méditerranée (il mare nostro). Cette politique produit peu de résultats et pousse l’Italie vers le désastre de la Seconde Guerre mondiale. Hitler considère Mussolini comme son « maître » ; Churchill, en 1926, le définit comme « le plus grand législateur vivant » et encore en 1940, « un grand homme » ; le Pape l’appelle « l'homme de la providence » et lui confère, en 1932, l’ordre du Speron d'Or ; beaucoup en Europe, en 1933, l’appellent « le sauveur de la paix » ; Franklin Delano Roosevelt lui prodigue des commentaires flatteurs ; Gandhi affirme que « le Duce est un homme d’État de premier plan, complètement désintéressé, un super-homme »[47] .

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Les lois raciales À partir de 1938, le régime fasciste promulgue une série de décrets, dont l’ensemble porte le nom de lois raciales, qui introduisent des mesures de discrimination et de persécution à l’encontre des Juifs italiens[48] . Du 3 au 9 mai 1938 Hitler rend visite officiellement au Duce [49] ,[50] . Parmi les divers documents et mesures législatives qui contribuent aux lois raciales se trouve le Manifeste de la race (Manifesto della razza) ou plus exactement le Manifeste des scientifiques racistes (Manifesto degli scienziati razzisti), publié une première fois d’une manière anonyme dans le Giornale d’Italia le 15 juillet 1938 sous le titre « Le Fascisme et les problèmes de la race » (Il Fascismo e i problemi della razza) et publié de nouveau dans le numéro 1 de la La difesa della razza le 5 août 1938. Le 25 juillet, après une rencontre entre dix rédacteurs de la thèse, le ministre de la Culture populaire Dino Alfieri et le secrétaire du PNF Achille Starace font communiquer le texte définitif, depuis le secrétariat politique du parti, comprenant la liste complète des signataires et des adhésions, adhérents ou sympathisants du PNF. Après le décret royal du 5 septembre 1938 – qui fixe les « mesures pour la défense de la race dans l’école fasciste » - et celui du 7 septembre – qui fixe les « mesures à l’égard des juifs étrangers » - fait suite (6 octobre) une « déclaration sur la race » émise par le Grand Conseil du fascisme ; la déclaration est par la suite adoptée par l’État par un décret royal en date du 17 novembre. Entre 1943 et 1945, le gouvernement de la République sociale italienne se rend complice de la déportation dans les camps de concentration nazis de nombreuses femmes, hommes et enfants de religion juive. En territoire italien, dans la Risiera di San Sabba, près de Trieste, existait un camp de regroupement avant le transport des Juifs vers les camps de concentration allemands. À l’intérieur du camp, les autorités allemandes commirent de nombreux meurtres et elles avaient même installé un four crématoire.

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Le second conflit mondial De la « non belligérance » à la « guerre parallèle » « La déclaration de guerre a déjà été remise aux ambassadeurs de Grande-Bretagne et de France » — L'annonce par Mussolini de l'entrée en guerre de l'Italie Le 6 mai 1939, Mussolini signe le pacte d'Acier[51] avec l'Allemagne, qui scelle officiellement la naissance du pacte italo-allemand et qui, à la demande du Duce, ne se limite pas à une alliance défensive mais aussi offensive[52] . L'invasion de la Pologne se profile. Ciano se rend en Allemagne et tente d'expliquer que l'Italie ne dispose pas des moyens nécessaires pour s'engager aux côtés de l'Allemagne. Les Allemands le rassurent sur une non-intervention anglaise et russe, font miroiter la possibilité d'obtenir la Grèce et la Yougoslavie et indiquent que la participation de l'Italie n'est pas requise. L'Allemagne, en ne consultant pas Rome et par le pacte germano-soviétique (21 août), viole les termes de l'alliance[53] . Le 1er septembre, l'Allemagne envahit la Pologne, mettant en marche la Seconde Guerre mondiale. Mussolini déclare la « non belligérance » et non la neutralité de l'Italie[54] , le terme de « neutre » étant contraire au principe du fascisme[55] , ce qui permet à l'État italien de se maintenir momentanément en dehors du conflit. Le 10 mars 1940, il accueille à Rome le ministre allemand des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop, qui le sollicite pour entrer en guerre[56] . Le 18 mars, il rencontre Hitler au Brenner. Les 16, 22, 24 et 26 avril, il reçoit des Mussolini en Yougoslavie messages de Churchill, de Paul Reynaud, de Pie XII et de Roosevelt, qui lui demandent de rester neutre. La France et la Grande-Bretagne sont prêtes à lui garantir une place à la table des négociations dans le cadre d'un règlement de paix et quelques concessions en Afrique même si l'Italie ne participe pas au conflit, ce que Mussolini refuse[57] . Suite aux extraordinaires et inattendus succès de l'Allemagne nazie entre avril et mai 1940 (chute de Calais, de la Belgique et début de l'évacuation de Dunkerque), Mussolini pense que l'issue de la guerre est désormais décidée et le 10 juin il déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne[58] , ce qui a été qualifié de « coup de poignard dans le dos »[59] par l'« Écho de la Falaise » (13 juin 1940). Face aux contrariétés et aux remontrances de certains collaborateurs importants et de militaires parmi lesquels Dino Grandi, Galeazzo Ciano et le général Enrico Caviglia, Mussolini répond à Badoglio[60] : « J'ai besoin de quelques milliers de morts pour m'asseoir à la table des négociations » . Dans la guerre contre la France, les troupes italiennes prennent au début une attitude défensive[61] en raison d'un matériel inadapté, du temps nécessaire pour mobiliser les moyens qui ne sont pas suffisants et de la réticence à attaquer les « cousins » français. En août 1939, l'armée italienne dispose de 67 divisions composées de 43 divisions classiques très mal équipées en moyens de transport, 24 divisions spéciales dont 3 cuirassées, 2 motorisées, 3 d'intervention rapide et 5 divisions alpines. Après la mobilisation de 1940, les effectifs ne dépassent pas 1600000, moins qu'en 1915 par manque d'équipements[62] . Les moyens italiens sont cependant d'une écrasante supériorité numérique sur les Français, car les exigences du front du Nord-Est et l'expédition de Norvège ont vidé les casernes françaises du Sud-Est. Les premiers à prendre l'initiative sont les alliés : des avions britanniques décollent des aéroports français et bombardent Turin dans la nuit de 11 au 12 juin.

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Benito Mussolini Par mesure de rétorsion, les avions italiens bombardent les bases militaires d'Hyères et de Toulon. Le 14, la zone industrielle de Gênes est bombardée et l'armée italienne reçoit l'ordre de lancer dans les Alpes une offensive, qui est programmée le 18 : Mussolini prend conscience de la nécessité d'occuper des territoires avant la fin du conflit, qui semble inévitable[61] . Les Italiens attaquent aussi Bizerte, Bastia et Calvi. Alors que la France demande un armistice à l'Allemagne le 17 juin[61] , dans les Alpes, une résistance acharnée des Français met en déroute les soldats italiens. Le fort de la Redoute est évacué seulement le 3 juillet. En Briançonnais, en Ubaye, en Maurienne, les Italiens n'ont pas réussi à passer la frontière malgré des pertes importantes. Par endroits, ils perdent même du terrain : le redoutable fort italien du Charberton (3136 m) est réduit au silence le 21 juin en une après-midi par seulement 4 mortiers français[63] . Malgré quelques infiltrations momentanées, les troupes italiennes ne dépassent pas Menton lors de leur offensive sur Nice. La bataille des Alpes met en lumière l'extrême inefficacité de l'armée italienne. Mussolini participe à un sommet à Munich avec Hitler pour discuter de l'inattendue et imprévue reddition française face à la Wehrmacht : les conditions de paix demandées par le Duce[64] sont acceptées partiellement. Le 24 juin, la France signe la paix avec l'Italie, lui reconnaissant en plus de la demande d'occupation, la cession d'une portion du territoire français frontalier et la démilitarisation d'une large bande le long des frontières franco-italienne et libyo-tunisienne. À la nouvelle d'un débarquement allemand imminent au Royaume-Uni (Opération Seelöwe) auquel l'Allemagne ne veut pas associer l'Italie[65] , Graziani et Italo Balbo, gouverneur de Libye, reçoivent l'ordre d'avancer vers l'Égypte qui est un protectorat britannique (25 juin). Mais le 28, alors qu'il survole Tobrouk bombardée par les Britanniques, Balbo est abattu par les batteries anti-aériennes italiennes qui l'ont pris pour un avion ennemi. Les premières victoires se révèlent éphémères parce que la guerre se prolonge au-delà de ce qui est prévu, en raison de l'impréparation, la désorganisation et l'insuffisance de l'armée italienne. Le 27 septembre 1940 l'Italie, l'Allemagne et le Japon s'unissent par le pacte tripartite, auquel adhèrent, dans l'ordre tout au long de la guerre, la Hongrie (20 novembre 1940), la Roumanie (23 novembre), la Slovaquie (24 novembre), la Bulgarie (1er mars 1941) et la Yougoslavie (27 mars). Le 4 octobre 1940, Mussolini rencontre Hitler au Brenner pour établir d'un commun accord une stratégie militaire; le 12 octobre, les Allemands prennent le contrôle de la Roumanie, située dans la zone d'influence italienne et riche de gisements pétrolifères nécessaires à l'Italie[66] , sans prévenir une nouvelle fois les Italiens. En conséquence, Mussolini décide de se lancer dans une « guerre parallèle » à côté de l'allié allemand, afin de ne pas trop dépendre de l'initiative militaire et politique d'Hitler. Il est toujours convaincu que la Grande-Bretagne sera amenée rapidement à pactiser avec le Führer et que le principal front de guerre sera ainsi terminé. Le 15 août 1940, le sous-marin italien « Delfino », torpille près de l'île de Tinos, un vieux croiseur léger grec, l'« Helli », qui participe, à la demande du gouvernement grec, à des festivités. Tout ceci se produit sur ordre précis de Mussolini, transmis par lettre à l'amiral Cavagnari, sous-secrétaire à la marine militaire. Il y a de nombreuses frictions avec les états-majors et avec Pietro Badoglio alors chef d'état-major, en raison du manque d'approvisionnements envoyés dans les îles et de son opposition à une guerre contre la Grèce. Le 19 octobre, Mussolini envoie une lettre dans laquelle il communique l'intention italienne d'attaquer la Grèce. Hitler se rend à Florence, le 28 octobre, pour dissuader le Duce d'entreprendre l'opération, craignant qu'un revers militaire n'affecte les relations avec les États neutres et ne donne une base d'opération aux Britanniques[67] . L'attaque a débuté depuis quelques heures. L'attaque contre la Grèce se conclut par un désastre[68] : l'hiver, le territoire montagneux ainsi qu'un équipement totalement inadapté empêchent toutes les tentatives d'avancées. L'armée grecque, renforcée par l'arrivée de plus de 70000 soldats britanniques, se révèle plus aguerrie et organisée que prévu. L'appui des nombreuses escadrilles aériennes et navales britanniques est déterminant : les Italiens sont obligés de se replier en territoire albanais, transformant le conflit en une guerre de position. Le maréchal Badoglio qui critique ouvertement le Duce pour son amateurisme est limogé[68] . Un autre désastre accable Mussolini : la moitié de la flotte italienne stationnée à Tarente est mise hors de combat le 11 novembre par l'aviation britannique[68] .

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En Afrique, en janvier 1941, les Britanniques procèdent à une vigoureuse contre-offensive qui conduit à la conquête de l'Afrique orientale italienne vers juin 1941[69] . Les dernières troupes italiennes se rendent à Gondar le 21 novembre. La supériorité numérique et technologique des Britanniques[70] et la progressive perte d'initiative de la marine italienne[71] ne peuvent que conduire à la défaite. Par la suite, les combats entre les deux marines ennemies se limitent du côté italien à la guerre sous-marine, à la protection des voies d'approvisionnements entre la Sicile et la Libye, à de sporadiques tentatives d'interceptions de convois britanniques sur la voie Gibraltar-Alexandrie et à des opérations téméraires réalisées par des équipages d'assaut ( les MAS, petites barques chargées de tritole qui causent la destruction de nombreux bateaux britanniques et des sous-marins miniatures).

La guerre « allemande » Les 19 et 20 janvier 1941, à Berchtesgaden, Mussolini rencontre Hitler, lequel lui promet l'envoi de régiments allemands en Grèce et en Afrique du Nord pour soutenir les troupes italiennes, qui peu à peu dépendent toujours plus de l'aide de son puissant allié. Cette rencontre constitue l'abandon définitif, de la part de l'Italie, de la stratégie de la «guerre parallèle» qui s'est révélée un échec. Ceci se traduit par un conflit toujours plus conforme aux directives des intérêts national-socialistes. Le 9 février, la marine britannique bombarde Gênes. Le 11 février, le Duce rencontre Franco à Bordighera pour le convaincre d'entrer en guerre aux côtés des forces de l'Axe, mais c'est un échec. À partir du 12 février, les aides militaires promises par le Führer arrivent en Libye : les Deutsches Afrika Korps, composés principalement de panzers et de renforts aériens sous le commandement de Erwin Rommel. Prenant de facto le rôle de commandant suprême des troupes italiennes de la région (même si officiellement il est sous le commandement du général Italo Gariboldi, commandant supérieur des forces armées en Afrique), le « renard du désert » réussit rapidement à les réorganiser et à mener une offensive qui commence le 24 mars contre les armées britanniques du général major Richard O'Connor, qui, entretemps, a conquis la Cyrénaïque (avec l'opération Compass). En mai, les troupes de l'Axe reprennent le contrôle de la Libye (excepté Tobrouk qui résiste à un long siège, commencé le 10 avril, grâce aux forces d'occupation britanniques), repoussant une tentative de contre-offensive (l'opération Brevity) et elles conquièrent une partie du territoire égyptien. Erwin Rommel pendant la campagne africaine

Suite à la défaite, le commandement des troupes du Royaume-Uni est confié au général Claude Auchinleck : il commande de novembre à décembre une grande offensive, l'opération Battleaxe, avec l'objectif de lever le siège de Tobrouk, mais il échoue. Le 27 mars en Yougoslavie, qui a adhéré deux jours auparavant au pacte tripartite, les Britanniques organisent avec succès un coup d'État par le général nationaliste serbe Dušan Simović (le régent Paul est exilé et son ministre des Affaires étrangères et son Premier ministre sont destitués). Le nouveau gouvernement yougoslave signe un traité d'amitié avec l'Union Soviétique (5 avril).


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Face aux risques de l'excessif renforcement de la présence britannique dans les Balkans et d'une éventuelle alliance de la Yougoslavie et de l'URSS contre l'Axe, l'Allemagne, la Hongrie et la Bulgarie attaquent la Yougoslavie. Le 6 avril, l'Italie lui déclare la guerre. L'avancée italienne se révèle un succès et la Yougoslavie capitule rapidement (17 avril) : Pierre II s'enfuit à Londres. L'Italie obtient des territoires : la plus grande partie de la côte dalmate, la province de Ljubljana et le Kosovo qui est annexé à l'Albanie italienne. Entre-temps, les troupes italiennes, après plusieurs mois d'arrêt, reprennent leur avance en Albanie (13 avril), qui est totalement reconquise en peu de jours, et en Épire. Toujours au mois d'avril, les armées italienne et allemande attaquent conjointement la Grèce qui rapidement signe la reddition avec l'Allemagne (21 avril) et avec l'Italie (23 avril). Le 3 mai, les troupes italo-allemandes défilent à Athènes et le 1er juin la Crète tombe, dernier avant-poste allié resté dans la région. L'Italie obtient le droit d'occuper l'île et la plus grande partie de la Grèce. Le 2 juin 1941, Mussolini rencontre de nouveau Hitler, qui, le 22, ordonne l'attaque de l'Union Soviétique (opération Barbarossa). En juillet, le CSIR (composé de 58800 soldats commandés par le général de corps d'armée Giovanni Messe) est envoyé en Russie en soutien de l'allié allemand. Le 25 août, le chef du gouvernement rencontre Hitler au quartier général allemand de Rastenburg, en Prusse-Orientale. Le 7 décembre, la flotte japonaise attaque Pearl Harbor, base militaire américaine, provoquant l'entrée en guerre des États-Unis. Le 12 décembre 1941, l'Italie déclare la guerre aux États-Unis, suivant l'initiative de son allié allemand qui a procédé de même le jour précédent. Le 18 décembre, une incursion italienne dans le port d'Alexandrie cause d'importants dommages à la marine britannique.

Le début de la fin À partir du 15 février 1942, de nombreux renforts italiens rejoignent la Russie pour soutenir l'avancée allemande. En 5 mois, 160000 soldats sont envoyés sur le front. Le 9 juillet, le CSIR, confié au général Italo Gariboldi (qui remplace le général Giovanni Messe), se transforme en ARMIR ("ARMata Italiana in Russia") et compte 200000 hommes. L'armée italienne participe à la bataille de Stalingrad qui se révèle décisive pour le destin de la campagne de Russie et plus globalement pour le sort de la guerre : entre le 3 janvier et le 2 février 1943, les forces de l’Axe sont battues et repoussées. Les armées italiennes rentrent en Italie entre avril et mai 1943 avec des pertes estimées à 60000 hommes. Les restrictions alimentaires touchent l’Italie : la ration ordinaire de pain est fixée à 150 grammes par jour (250 pour les travailleurs) et la ration semestrielle de pommes de terre établie à quinze kilos par personne. La production agricole italienne s’effondre et la ration en calories des Italiens atteint 50 % de celle des Allemands.

Rencontre avec Hitler en avril 1943

Le 29 avril 1942, Mussolini rencontre Hitler à Salzbourg : pendant cette réunion, les deux chefs de gouvernement se mettent d'accord pour lancer une grande offensive en Afrique septentrionale. Entre le 26 mai et le 21 juin, les troupes de l’Axe réalisent une avancée victorieuse en Libye (bataille de Gazala), qui provoque la chute de Tobrouk (20 juin), assiégée depuis plus d’un an. Le 29 juin, Mussolini part pour la Libye où il reste jusqu'au 20 juillet. Entre le 1er et le 29 juillet, a lieu la première bataille d'El Alamein : les troupes italo-allemandes tentent d'enfoncer les lignes britanniques. Entre le 31 août et le 5 septembre, la dernière tentative de percée par les armées de l’Axe, au cours de la bataille d'Alam el Halfa, est un échec. Pendant la seconde bataille d'El Alamein, (entre le 23 octobre et le 3 novembre), les troupes britanniques du général Bernard Montgomery (qui a remplacé en août le général Claude Auchinleck) battent leurs adversaires, les obligeant à un repli désastreux.


Benito Mussolini L'avancée britannique se révèle impossible à contenir : le 8 novembre, l'Afrique française, administrée jusqu’alors par le régime de Vichy et théoriquement neutre, est conquise par les troupes américano-britanniques (opération Torch). La Libye est rapidement perdue (le 23 janvier 1943, Tripoli tombe), et entre le 19 et le 25 février 1943 les forces italo-allemandes sont de nouveau battues à la Kasserine en Tunisie, que Rommel a fait occuper en janvier. Le 7 mai, les dernières troupes de l’Axe abandonnent l’Afrique. En novembre et en décembre 1942, Mussolini, abattu et dépressif, se laisse remplacer par Ciano à deux réunions avec Hitler. Le 2 décembre, après 18 mois de silence, il revient parler au peuple italien depuis le Palais de Venise. Le 7 avril 1943, il rencontre Hitler à Salzbourg et propose sans succès de négocier un armistice avec les Soviétiques afin de concentrer les forces armées sur les autres fronts de la guerre[72] . Le 9 juillet les Américano-Britanniques débarquent en Sicile, conquérant l’île entière le 17 août. Le 16 juillet, un groupe de dirigeants mené par Dino Grandi demande la réunion du Grand Conseil du fascisme qui n’avait plus été convoqué depuis 1939. Le 19 juillet, Rome est bombardée alors que Mussolini se trouve à Feltre avec Hitler. Les bombardements occasionnent de 2800 à 3000 victimes et 10000 blessés [73] .

L’arrestation et le début de la guerre civile Le 19 juillet 1943, le Duce tient sa dernière réunion avec Hitler à Feltre comme chef du gouvernement italien, il s'efforce d'empêcher l'Italie de signer une paix séparée[74] . Le 24 juillet, dans un climat politique pesant, une session du Grand Conseil du fascisme se tient en présence du Duce. Elle se conclut, aux premières heures du jour suivant (25 juillet), par l’approbation de l'ordre du jour présenté par Dino Grandi[75] : l'abandon des charges du gouvernement par Mussolini est demandé au profit du roi. Mussolini reste apathique, sans réaction. Il avouera par la suite qu'il regrette de ne pas avoir fait arrêter les dix-neuf membres rebelles[76] . Ce vote est réalisé par les hauts représentants du fascisme, dont le gendre de Mussolini, Galeazzo Ciano. Toutefois, le Grand Conseil n'a aucun moyen de faire exécuter sa décision, qui n'a qu'une portée symbolique, mais elle servira de prétexte constitutionnel à l'action du roi. Mussolini, après s'être rendu comme d'habitude à son bureau du palais Venezia, demande au souverain de pouvoir anticiper l'habituelle Benito Mussolini réunion hebdomadaire prévue le jour suivant et arrive à 17 heures à la Villa Savoia. Victor-Emmanuel III informe Mussolini de son remplacement par Pietro Badoglio[77] , lui garantissant l'immunité. Mussolini, abandonné de tous, n'est cependant pas au courant des réelles intentions du monarque, qui place sous escorte le chef du gouvernement et fait encercler le bâtiment par deux cents carabiniers. Le lieutenant-colonel Giovanni Frignani, qui coordonne l'opération, expose téléphoniquement aux capitaines Paolo Vigneri et Raffaele Aversa les modalités d'exécution de l'arrestation. En réalité, Victor-Emmanuel III a ordonné l'arrestation de Mussolini afin de sauver sa dynastie, qui risque d'être considérée comme trop compromise avec le fascisme. Mussolini, tout de suite après son arrestation, est d'abord enfermé dans une caserne de carabiniers à Rome. Il est ensuite détenu à Ponza (à partir du 27 juillet), puis sur l'île de La Maddalena (7 août - 27 août 1943)[78] . Badoglio fait conduire Mussolini dans une ambulance de la Croix rouge à Campo Imperatore sur le Gran Sasso[79] .

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Benito Mussolini L'armistice de Cassibile entre l'Italie et les alliés (8 septembre) est rendu public sans instructions précises aux troupes italiennes, ce qui met le pays, déjà à l'abandon, dans la plus grande confusion. Cet armistice est le prétexte à l'invasion de l'Italie par les troupes allemandes qui occupent rapidement l'Italie septentrionale et centrale[78] . L'Italie se divise pour ce qui a été défini comme une guerre civile, entre ceux qui soutiennent les Alliés, qui contrôlent une partie du sud et la Sicile, et ceux qui acceptent de poursuivre la guerre au côté des Allemands, qui occupent désormais une grande partie de la péninsule. Entre-temps le roi, avec une partie de sa famille, Badoglio et ses principaux collaborateurs réapparaissent dans les Pouilles, se mettant sous la protection de leurs ex-adversaires : Badoglio constitue un gouvernement sous la supervision alliée. L'Italie déclare la guerre à l'Allemagne le 13 octobre 1943. Le gros de l'armée italienne est interné en Allemagne. Fin 1944, il y a encore près d'un million de soldats italiens emprisonnés[80] . Le 12 septembre, les Fallschirmjäger du Lehr-Bataillon Mors menés par le major Harald Mors libèrent Mussolini au cours de l'opération Eiche, placée sous la responsabilité et le contrôle opérationnel du général des parachutistes de la Luftwaffe, Kurt Student. Mussolini est libéré sans l'échange d'un coup de feu entre le commando et les carabinieri chargés de le surveiller[78] ,[81] , puis est emmené en Allemagne par le capitaine SS Otto Skorzeny, dont la propagande SS s'empare de l'image pour lui attribuer à tort tout le mérite [82] ,[83] . Image de la propagande, Mussolini avec Otto Deux jours après l'opération, il rencontre Hitler, le 14 septembre à Skorzeny à Gran Sasso Munich. Le Führer l'« invite » à former une république protégée par les Allemands[80] . Toujours depuis l'Allemagne, le 18 septembre, par un discours à la radio de Munich, Mussolini proclame la reconstruction du parti fasciste avec pour nom le Parti fasciste républicain (Partito Fascista Repubblicano - PFR")[84] Mussolini arrive en Italie le 23 septembre et constitue son nouveau gouvernement qui se réunit pour la première fois le 27 septembre.

La République sociale italienne La nouvelle République sociale italienne est un État fantoche contrôlé par les Allemands[80] ; Hitler a mis sous contrôle direct du Reich l'entière zone nord-orientale de l'Italie (l'Istrie, le Frioul, le Trentin et une partie de la Vénétie). Les troupes allemandes occupent cette zone dans les jours qui suivent l'armistice du 9 septembre sans les annexer officiellement mais seulement de fait. Hitler a de plus fait en sorte que les troupes de la RSI soient directement sous le contrôle et le commandement des officiers allemands et des milliers d'Italiens sont contraints au travail forcé comme dans n'importe quel autre territoire occupé par l'Allemagne[80] . Entre le 23 et le 27 septembre 1943, le gouvernement de la RSI s'installe à Salò (certains bureaux gouvernementaux sont répartis dans les localités limitrophes) d'où le nom non officiel de « République de Salò ». Le 14 novembre, se tient à Vérone la première assemblée nationale du parti fasciste républicain, au cours de laquelle est rédigé le manifeste de Vérone, le programme du gouvernement du PFR. Mussolini, qui a la charge de « chef de la république » comme le prévoit le manifeste, annonce que la convocation d'une assemblée constitutionnelle pour la rédaction de la constitution de la RSI, est renvoyée à la fin du conflit. Le 8 décembre, la garde nationale républicaine (GNR) est constituée par décret et placée sous le commandement de Renato Ricci. Dans celle-ci, affluent les effectifs des carabiniers royaux, corps qui vient d'être dissout, la police d'Afrique italienne et de la MSVN (jamais officiellement dissoute jusqu'à cette date). De plus, quelques milliers de combattants italiens sont envoyés en Allemagne pour y être entraînés. Entre le 8 et le 10 janvier 1944, se tient le procès de Vérone, où sont jugés les dirigeants qui ont « trahi » en s'opposant à Mussolini le 25 juillet 1943 : cinq des six accusés sont condamnés à mort, parmi ceux-ci, le gendre du

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Benito Mussolini Duce, Galeazzo Ciano[85] . Le 21 avril, le Duce rencontre Hitler à Klessheim, et le 15 juillet il se rend en Allemagne pour inspecter les quatre divisions italiennes que les Allemands ont entraînées. Le 16 décembre, au théâtre lyrique de Milan, il prononce son dernier discours public[86] . En avril 1945, toujours plus isolé et impuissant après que le front de la ligne gothique eut cédé, Mussolini, s'installe à Milan où il obtient une rencontre avec le cardinal Ildefonso Schuster, qui, tenant le rôle de médiateur auprès de la CLNAI (Comité de libération nationale Nord Italie)[87] , négocie la reddition des forces fascistes, dans l'espoir d'éviter de futures effusions de sang. L'indécision de Mussolini et l'intransigeance des partis rendent impossible le moindre accord. Les Allemands, peu avant l'arrivée du Duce, font savoir au cardinal qu'ils n'ont plus besoin de lui, ayant entre-temps établi un pacte séparé avec les Alliés (bien évidemment en cachette d'Hitler) et avec des hommes proches de la CLN. Apprenant la nouvelle par Schuster, Mussolini se sent trahi et, définitivement abandonné par les Allemands, il quitte précipitamment l'archevêché[87] . Malgré l'avis contraire de sa suite, Mussolini décide de quitter Milan tôt le matin, juste avant que la ville soit libérée par le CLNAI. Les motifs de sa décision ne sont pas très clairs : dans les jours précédents, une ultime résistance dans le fantomatique « réduit de la Valteline » avait été évoquée[88] . Certains pensent qu'une rencontre secrète aurait été organisée avec des émissaires alliés provenant de Suisse, à qui Mussolini se serait rendu, emmenant avec lui d'importants documents. Certains notent que si l'intention était seulement de fuir, Mussolini aurait pu utiliser le trimoteur SM79 prêt à l'aéroport de Bresso aux portes de Milan. Certains personnages mineurs de la RSI et une partie de la famille Petacci l'utiliseront pour réapparaître en Espagne le 26 avril. En fin d'après-midi du 25 avril, la colonne de Mussolini part de la préfecture en direction de Come, puis poursuit vers Menaggio, le long de la berge occidentale du lac. Mussolini passe sa dernière nuit d'homme libre dans une auberge de la petite commune de Grandola, près de la frontière suisse. Le jour suivant, Mussolini, avec ses fidèles et Clara Petacci, qui l'a entre-temps rejoint, redescend vers le lac. Sur la route nationale Regina, il rejoint une colonne allemande (troupes anti-aériennes) en retraite et la colonne Pavolini (it), qui, arrivée à Come le matin, a immédiatement poursuivi le long du lac. La colonne est arrêtée une première fois à Musso où le lieutenant SS Birzer, chargé peu avant son départ de Gargnano de protéger Mussolini par sa hiérarchie, le convainc de se cacher dans un camion de la colonne allemande en endossant un manteau de sergent de l'aviation allemande[88] ,[89] . Peu de kilomètres après, la colonne est de nouveau arrêtée à Dongo par un petit groupe de partisans de la 52a Brigade Garibaldi[88] sous le commandement du comte florentin Pier Luigi Bellini delle Stelle (it), d'appartenance monarchiste. Pendant l'inspection, Mussolini est reconnu par le partisan « Bill » (Urbano Lazzaro) et il est arrêté. Il est d'abord retenu à Domaso, dans la caserne des guardia di finanza, avant d'être transféré dans la nuit du 27 au 28 avril dans une maison de paysan de Bonzanigo.

La mort de Mussolini « Ici Radio Milan libérée! » — Rapide communiqué de Radio Milan qui par la suite annonce la capture et l'exécution par les Volontaires de la liberté de Benito Mussolini, Clara Petacci et d'autres dignitaires fascistes dans la localité de Giulino di Mezzegra sur le lac de Côme.

Les commandants de la résistance discutent sur ce qu'il y a lieu de faire[90] jusqu'à l'arrivée depuis Rome d'un communiqué du comité de libération national [91] qui exprime la nécessité d'une renaissance sociale, politique et morale de l'Italie au travers de l'exécution de Mussolini et la destruction de tous les symboles du parti fasciste Croix marquant l'emplacement de la fusillade à Mezzegra. présents en Italie. Le document est signé par toutes les composantes du CLN (Parti communiste italien, Parti socialiste italien de l'unité prolétarienne, Démocratie du travail, Parti d'action, Démocratie chrétienne, Parti libéral italien).

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La décision est exécutée le 28 avril 1945 ; Mussolini et Clara Petacci sont fusillés, selon la version officielle à Giulino di Mezzegra, à proximité de Dongo par le Comandante Valerio, nom de guerre de Walter Audisio (it)[92] . Les dépouilles de Mussolini, de Clara Petacci et des seize autres personnes[93] sont transportées à Milan. Les corps subissent des outrages[94] . Afin d'y mettre fin, on les pend par les pieds à la balustrade du distributeur d'essence, et chacun des spectateurs peut s'il le souhaite cracher sur les dépouilles de manière à humilier cette famille et le mouvement fasciste, place Loreto où, l'année précédente, quinze partisans ont été fusillés et exposés en représailles d'un attentat contre les Allemands[95] . Les corps de Mussolini et Clara Petacci exposés Piazzale Loreto.

Mussolini est enterré à Predappio dans le caveau de famille. Chaque année, les nostalgiques du fascisme italien se retrouvent autour de son tombeau.

Les circonstances de la mort de Mussolini restent cependant obscures. Des témoignages racontent que le Comandante Valerio a été remplacé en route par le n°2 du Parti communiste italien, Luigi Longo (it). La « thèse de la correspondance Churchill - Mussolini » est aussi évoquée : l'éxécution du Duce aurait été commandité par des membres de l'Intelligence service qui cherchaient à récupérer la correspondance des deux chefs d'État qui négociaient notamment en ce qui concerne leurs empires coloniaux, ce qui aurait compromis Churchill[96] . Le seul fait certain est qu'on peut observer qu'en Italie il n'y a pas eu de procès à l'encontre des dignitaires fascistes comparable à celui du procès de Nuremberg contre le nazisme.

Pensée politique En 1932, certainement avec Giovanni Gentile sinon sous son influence, Mussolini écrit l'article fascisme de l'encyclopédie Treccani, dans lequel il précise la doctrine de son parti. Mussolini admet qu'il n'y a pas eu de principe inspirateur qui mena à la création du mouvement : à l'origine, il y avait un " besoin d'action et ce fut l'action ". Pour ce motif, pendant vingt ans, le fascisme se caractérisa par la coexistence en son sein d'instances et de courants de pensée minoritaires fortement différents et apparemment peu compatibles entre eux. Emblématique, de ce point de vue, est le programme San Sepolcro par lequel le mouvement des faisceaux de combat se présente aux élections de 1919. Dans celui-ci sont exprimées des propositions fortement progressistes, mais beaucoup de celles-ci sont progressivement abandonnées par le mouvement et cela jusqu'en octobre 1922 (parmi celles-ci, le caractère anti-monarchique et anti-clérical du fascisme qui aurait empêché tout compromis avec la monarchie italienne et le clergé). Elles seront réaffirmées seulement au titre de la propagande par le Parti fasciste républicain. Le fascisme sansepolcrain demande la consécration du suffrage universel, une réforme électorale qui introduise le vote proportionnel, l'abaissement du droit de vote à 18 ans, l'horaire journalier du travail à 8 heures, les salaires minimums garantis, la gestion de l'État (ou mieux de la part de coopératives des travailleurs), des services publics, la progressivité de l'impôt, la nationalisation des usines d'armes, la suppression de la nomination des Sénateurs par le Roi et la convocation d'une assemblée qui permette aux citoyens de choisir si l'Italie doit être une monarchie ou une république. Reprenant ce qui est dit au-dessus, la note dominante de la pensée mussolinienne est l'activisme, ceci est l'une des principales raisons qui exalta la vitalité de la jeunesse faisant de Giovinezza l'hymne du parti, et l'idée d'un homme actif et préparé: " ne compte pas ce qui s'est fait, mais ce qui est encore à faire ". Les principales ambitions du fascisme furent : • la refondation de l'Empire romain, à travers une politique agressive de puissance (la guerre est «positive» parce qu'elle « imprime un sceau de noblesse au peuple qui l'affronte ») par laquelle l'Italie aurait assumé le rôle de guide et de modèle pour les autres nations d'un point de vue politique, économique et spirituel. Dans cet objectif,


Benito Mussolini il y a nécessité d'une armée forte et bien structurée. • la création d'un « italien neuf », héroïque, doté du sens d'appartenir à la nation, en mesure par sa propre action de forger l'histoire, inséré dans un État qui en réassume les aspirations. Cela aurait dû se réaliser au travers du complet surpassement de l'individualisme et la connexe concession individuelle de la liberté : l'individu doit expliquer sa propre liberté non pas de manière égoïste, dans une perspective concurrentielle avec les autres sujets, mais de manière ordonnée et disciplinée s'acceptant comme une partie de la collectivité (la nation italienne incarnée dans l'État fasciste) adressée vers une fin commune et non divisée par la haine des classes ((le concept socialiste de « lutte des classes » est abandonné). À cette fin, la nécessité de raffermir le sentiment d'appartenance nationale à travers l'exaltation de l'esprit patriotique italien et de l'histoire italienne s'affirme. Dans un tel contexte idéologique, l'État est hégélianement conçu comme éthique donc comme fin et non comme moyen. L'intérêt de l'État prévaut sur celui du particulier au nom du bien commun. Émerge donc comment le fascisme s'est caractérisé, dans sa réalisation concrète historique, comme un mouvement autoritaire, nationaliste et anti-démocratique. En 1931, Mussolini explique son refus de la démocratie, définissant l'inégalité comme « féconde et bénéfique ». Enfin, il faut souligner que le fascisme fut toujours considéré par ses adhérents comme un mouvement révolutionnaire, transgresseur et rebelle. Emblématique est la devise « je m'en fous » (« me ne frego »), en radicale opposition avec le libéralisme de l'Italie pré-fasciste.

Famille • Officiellement, Mussolini était marié civilement depuis 1915 (puis religieusement en 1925) à Rachele Guidi avec laquelle il eut cinq enfants : • Edda Mussolini (1910-1995), devenue Edda Ciano comtesse de Cortellazzo et de Buccari à la suite de son mariage avec comte Galeazzo Ciano ; • Vittorio Mussolini (1916-1997), scénariste et producteur de cinéma ; • Bruno Mussolini (1918-1941), aviateur dans l'armée de l'air ; • Romano Mussolini (1927-2006), pianiste de jazz, qui épousa Anna Maria Scicolone, la sœur cadette de l'actrice Sophia Loren, dont il eut une fille Alessandra Mussolini, actuellement députée au Parlement européen ; • Anna Maria Mussolini (1929-1968), présentatrice de télévision. • S'il exalte la famille traditionnelle, Mussolini n'en est pas moins adepte de l'union libre, n'hésitant pas à sacrifier ses proches. Ainsi, au milieu des années 1910, il rencontre Ida Dalser (originaire du village de Sopramonte, près de Trente), alors qu'il a déjà une liaison avec Rachele. On prétend même que Benito et Ida se seraient mariés religieusement en 1914. Ida lui donne même un fils, Benito Albino un an après. Le futur Duce aurait accepté de reconnaître ce dernier. Néanmoins, tous les documents officiels relatifs à ce mariage et la reconnaissance de paternité ont disparu. La même année que la naissance de Benito Albino, en 1915, il finit par abandonner Ida et son fils pour se marier avec Rachele. Ida tente alors désespérément de faire valoir ses droits de première épouse légitime (du moins au regard de l'Église). Souhaitant la réduire au silence, Mussolini cherche à soustraire l'enfant à sa mère. Pour y parvenir, il essaye en vain de faire emprisonner Ida en raison de sa nationalité autrichienne (un « corbeau » l'ayant accusée d'espionnage au profit des autro-hongrois), alors que l'Italie est engagée contre ces derniers dans le premier conflit mondial. Quand il arrive au pouvoir en 1922, plus rien ne résiste à Mussolini. Ida est internée dans un asile d'aliénés dès 1926 où elle meurt onze ans plus tard d'une hémorragie cérébrale. C'est alors Albino, télégraphiste dans la marine de guerre italienne, qui est à son tour interné et décède en 1942. • Mussolini eut aussi plusieurs maîtresses : • Margherita Sarfatti, issue d'une grande famille juive, journaliste qui lui inspira certaines idées du fascisme et qui écrivit la biographie du Duce.

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Benito Mussolini • Madeleine Coraboeuf alias Magda Fontanges, fille du peintre Jean Coraboeuf, journaliste, espionne pour le compte de l'Abwehr, le service de renseignements de l'état-major de l'armée allemande[97] . • Clara Petacci, femme divorcée d'un officier de l'armée de l'air italienne, elle-même issue de la haute bourgeoisie romaine, elle devint la compagne du Duce à partir de 1932 et partagea ses derniers moments jusqu'à la mort en 1945.

Ouvrages • La filosofia della forza (1908) • La santa di Susà (opuscule d'une interview recueillit comme journaliste et publié le 12 juin 1909) • Claudia Particella, l'amante del Cardinal Madruzzo (roman paru par épisodes sur le Il Popolo pendant 57 jours à partir du 20 janvier 1910); • La tragedia di Mayerling (1910) non publié • Il Trentino veduto da un socialista (1911) • L'amante del cardinale(1911) • La mia vita (1911-12); • Giovanni Huss il veridico (1913); • Vita di Arnaldo (1932); • Scritti e discorsi (1914-39, 12 vol.); • Parlo con Bruno ou Je parle avec Bruno, publié par Il populo d'Italia soit Le Peuple de l'Italie, 1941 • Il tempo del bastone e della carota (1944 - Recueil d'articles publiés dans le Corriere della Sera entre 1940 et 1943); • Pensieri pontini e sardi (1943) • Storia di un anno (il tempo del bastone e della carota) (1944)

Notes et références Notes [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]

[réf. incomplète]

De nombreux ouvrages, Renzo De Felice, et Denis Mack Smith, Mussolini. Pierre Milza et Serge Berstein, Le Fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980, p.92. Les opinions exprimées par Mussolini seront recueillies par Taglialatela dans l'opuscule L'uomo e la divinità (L'Homme et la divinité). en français Angelo Tasca, Naissance du Fascisme, Gallimard 1938, p.29 (éd de 2003) The Birth of Fascist Ideology, Zeev Sternhell, pg 303. Fascism, Noël O'Sullivan, J. M. Dent & Sons, Londres, 1983. pg 207 En 1917, Mussolini était un agent des services secrets de Sa Majesté (http:/ / www. lemonde. fr/ europe/ article/ 2009/ 10/ 15/ en-1917-mussolini-etait-un-agent-des-services-secrets-de-sa-majeste_1254353_3214. html), Le Monde, 15 octobre 2009. [9] Tom Kington, Recruited by MI5: the name's Mussolini. Benito Mussolini (http:/ / www. guardian. co. uk/ world/ 2009/ oct/ 13/ benito-mussolini-recruited-mi5-italy), The Guardian, 13 octobre 2009 [10] A. Tasca, Naissance du Fascisme, Gallimard, coll. Tel, p.53. [11] A. Tasca, Naissance du Fascisme, p.54.55 [12] Pierre Milza et Serge Berstein, Le fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980, p.90 [13] 21 morts et 80 blessés parmi les spectateurs [14] [Dictionnaire international des militants anarchistes (http:/ / militants-anarchistes. info/ spip. php?article1171) AGUGGINI, Ettore] [15] « Les victimes m'importent peu, c'est l'objectif qui compte » [[Voltaire (http:/ / www. voltairenet. org/ article16618. html)] [16] les ras sont les chefs locaux traditionnels éthiopiens. Après la conquête de l'Éthiopie par l'Italie, ce nom est utilisé pour désigner certains responsables fascistes. [17] http:/ / fr. wikipedia. org/ w/ wiki. phtml?title=Template:Fascisme& action=edit [18] la signification de ce sigle est inconnue par manque de document. Selon certains historiens, il signifierait Organisation de Vigilance et de Répression de l’Antifascisme « Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell'Antifascismo », alors que d’autres pensent que le sigle était privé de sens. [19]

(it) La bataille du grain (http://www.youtube.com/watch?v=w0UZz64CMbQ)

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Benito Mussolini [20] [21] [22] [23] [24]

(it) Discours sur la bonification des marais Pontins (http://www.youtube.com/watch?v=ILH2QWzvvyw) Loi du 25 novembre 1926, n. 2008. Décret royal 6 novembre 1926, n. 1848. Roi, reine, régent, prince héritier et Premier ministre. Au moment de l’assassinat de Dollfuss, sa femme et ses enfants sont les hôtes de Mussolini dans une de ses résidences balnéaires

[25] (it) Le discours de Bari (http:/ / www. youtube. com/ watch?v=ifFPsaPeocI) [26] William L. An Encyclopaedia of World History, Houghton Mifflin Company, Boston, 1948, pag. 990. [27] (it) Les crimes de l'impérialisme italien en Éthiopie, 1935/1937. (http:/ / www. youtube. com/ watch?v=UVVdHQ_MyfA& feature=related) [28] Mauser Military Rifles of the World: Military Rifles of the World De Robert W. D. Ball Publié par Gun Digest, 2006 (http:/ / books. google. it/ books?id=KlReVu0HziIC& printsec=frontcover& dq=Mauser+ M1933+ Ethiopia& source=gbs_summary_s& cad=0#PPA134,M1) [29] The condition of the Ethiopian Army on the eve of the war is discussed by Richard Pankhurst, Economic History of Ethiopia (Addis Ababa: Haile Selassie I University, 1968), pp. 605-608. [30] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 192. [31] Ministère de la Guerre, Relazione dell'attività svolta per l'esigenza A.O., Istituto Poligrafico dello Stato, Roma, 1936, allegato n. 76. [32] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 193. [33] Pour une étude complète, étude systématique des armes chimiques pendant la période 1935-1940 sur le font Éthiopien, voir Angelo Del Boca, I gas id Mussolini, Il fascismo e la guerra d'Etiopia, Editori Riuniti, Roma, 1996. [34] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 194. [35] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 194-195. [36] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 196. [37] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 196-197. [38] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 197. [39] Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 198-200. [40] (it) Évocation des massacres (http:/ / ilblogdilameduck. blogspot. com/ search/ label/ debra libanos)) Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 200-201 e 205-224 [41] Mussolini de Denis Mack Smith p.278,279 [42] Mussolini de Denis Mack Smith p.282 [43] Mussolini de Denis Mack Smith p.281 [44] Mussolini de Denis Mack Smith p.287 [45] Mussolini de Denis Mack Smith p.285 [46] Mussolini de Denis Mack Smith p.289 [47] Pierre Milza et Serge Berstein, Le Fascisme italien. 1919-1945, éd. du Seuil, « Points »-histoire, p. 322 qui mentionne « Dans les années 1933-1935, on peut citer parmi les témoignages admiratifs les plus vibrants ceux de Winston Churchill, de Lloyd George, de G.B. Shaw, de Gandhi qui voit en Mussolini le sauveur de l'Italie et de l'Europe, après l'avoir rencontré en 1931… » [48] [49] [50] [51] [52] [53] [54] [55] [56] [57]

(it) Discours sur les lois raciales (http://www.youtube.com/watch?v=lzMINKMgB-A) Cette journée est évoquée dans le film Une journée particulière (1977) d'Ettore Scola où apparaissent des images d'archive. Site de la société historique de [[Civitavecchia (http:/ / www. societastoricacivitavecchiese. it/ ?p=177)] qui évoque la venue d'Hitler.] Les termes d'« Axe » et de « pacte d'Acier» sont inventés par Mussolini, Mussolini de Denis Mack Smith p.289 Mussolini de Denis Mack Smith p.289 Mussolini de Denis Mack Smith p.292, 293, 294 Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 45 Mussolini de Denis Mack Smith p.296 Mussolini de Denis Mack Smith p.307 Mussolini de Denis Mack Smith p.311

[58] (it) Déclaration de la guerre (http:/ / www. youtube. com/ watch?v=og0EinKrAVE) [59] L'expression serait de Roosevelt, Mussolini de Denis Mack Smith p.312 [60] Pierre Milza et Serge Berstein, Le Fascisme italien. 1919-1945, éd. du Seuil, « Points »-histoire, p. 398 [61] Mussolini de Denis Mack Smith p.314 [62] Pierre Milza et Serge Berstein, Le Fascisme italien. 1919-1945, éd. du Seuil, « Points »-histoire, p. 396 [63] Les fortifications des Alpes de Vauban à Maginot, Éditions du Dauphiné Libéré [64] Occupation et administration de la Corse, Tunisie, Somalie française et du territoire français jusqu'au Rhin, concession de bases militaire à Oran, Alger et Casablanca, confiscation de la flotte et de l'aviation, dénonciation de l'alliance avec le Royaume-uni. [65] Mussolini de Denis Mack Smith p.316 [66] L'Italie, fin 1941 ne dispose que d'un stock de 220000 tonnes de pétrole, soit l’équivalent d'un mois de consommation, la Roumanie assurant l'approvisionnement de 60000 tonnes de pétrole, Pierre Milza et Serge Berstein, Le Fascisme italien. 1919-1945, éd. du Seuil, « Points »-histoire, p. 395 [67] Mussolini de Denis Mack Smith p.323 [68] Mussolini de Denis Mack Smith p.324 [69] Notamment bataille d'Amba Alagi (1941)

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Benito Mussolini [70] Des milliers de soldats qu'il n'avait pas été possible de mobiliser plus tôt arrivent des colonies britanniques, en particulier de l'Inde. [71] déjà au Cap Spada, le 19 juillet, un croiseur italien a été coulé et le 11 novembre 1940, plusieurs bateaux italiens sont coulés dans le port de Tarente. Le dernier combat a lieu au Cap Matapan, le 28 mars 1941. De plus, en raison du manque de carburant, les unités sont immobilisées dans les ports. Pierre Milza et Serge Berstein, Le Fascisme italien. 1919-1945, éd. du Seuil, « Points »-histoire, p. 395 [72] Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 209. [73] Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 210 [74] Mussolini de Denis Mack Smith p.363 [75] Mussolini de Denis Mack Smith p.365-368 [76] Mussolini de Denis Mack Smith p.368 [77] Mussolini de Denis Mack Smith p.369 [78] Mussolini de Denis Mack Smith p.370 [79] Mussolini de Denis Mack Smith p.371 [80] Mussolini de Denis Mack Smith p.380 [81] Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 212 [82] Fallschirmjager, German Paratroopers from Glory to Defeat 1939-1945, page 34, Concord Publications Company [83] Fallschirmjager in Action, page 42, Squadron/Signal Publications [84] Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 277. [85] Mussolini de Denis Mack Smith p.375 [86] (it) Le dernier discours de Mussolini (http:/ / www. youtube. com/ watch?v=gX0Q81whs5k) [87] Mussolini de Denis Mack Smith p.393 [88] Mussolini de Denis Mack Smith p.394 [89] Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 285 [90] Une clause de l'Armistice de Cassibile prévoit toutefois qu'en cas d'arrestation de dirigeants fascistes (dont Mussolini), ils soient livré aux Alliés. [91] suite à l'armistice, la CNL a par décret pris tous les pouvoirs constitutionnels [92] Valerio modifie plusieurs fois la version de cette exécution dans ses articles de L'Unità, pour aboutir à ses mémoires In nome del popolo italianoen 1975. [93] parmi lesquels un inconnu jamais identifié, le frère de Clara Petacci, le recteur de l'université Bologne (le philologue Goffredo Coppola) et Nicola Bombacci, qui est un des fondateurs du Parti communiste d'Italie. [94] Parmi les nombreux témoins, le journaliste Indro Montanelli est présent. [95] Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre, Histoire parallèle, éd. Robert Lafont, 2007 p. 287 [96] Pierre Milza, Les derniers jours de Mussolini, éd. Fayard, 2010 [97] Magda Fontanges, maîtresse du Duce, écrouée à Mauzac (http:/ / www. arkheia-revue. org/ Magda-Fontanges-maitresse-du-Duce. html), Arkheia. Revue d'histoire, Montauban, n°17-18, 2007.

Références

Bibliographie : source utilisée pour la rédaction de cet article • Pierre Milza, Mussolini, Fayard, 1999 • Serge Berstein et Pierre Milza, Le Fascisme italien, Seuil, Points Histoire, octobre 1998. ISBN 2-02-005513-9 • Didier Musiedlak, Mussolini, Presses de Sciences Po, 2004, 436 pages. ISBN 2-7246-0806-2 • Margherita Sarfatti, Mussolini, L'Homme et le Chef, traduit de l'italien par Maria Croci et Eugène Marsan, 365 pages, Éditions Albin Michel, Paris, 1927 • Mussolini, de Christopher Hibber paru aux Éditions " J'ai lu leur aventure " n°A106/107 • Mussolini de Denis Mack Smith paru chez Flammarion, traduit de l'anglais 1981 495 pages. ISBN 2-08-064655-9

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Cinématographie • • • • • • • • • • •

Benito Mussolini (1962) Documentaire. De Pasquale Prunas All'armi siam fascisti (1962) Documentaire. De Lino Del Fra, Lino Miccichè et Cecilia Mangini Il mio amico Benito (1962) di Giorgio Bianchi. avec Peppino De Filippo Men of our time: Mussolini (1970) Documentaire. De Alan J. P. Taylor Mussolini ultimo atto (1974) de Carlo Lizzani avec Rod Steiger Quando c'era lui...caro lei! (1978) de Giancarlo Santi Io e il Duce (1985) d'Alberto Negrin Mussolini: the Untold story (1985) Minisérie. De William A. Graham Fascist Legacy (1989) Ken Kirby, Royaume-Uni, 2x50min (it) Fascist Legacy (http://www.youtube.com/watch?v=QBZT-9f-bIk) sur YouTube [vidéo] Il giovane Mussolini (in inglese: Benito: the rise and fall of Mussolini) (1993) de Gianluigi Calderone avec Antonio Banderas. • Mussolini, Churchill e cartoline (2004) Documentaire. De Villi Hermann • Vincere film de Marco Bellocchio en 2009

Sources • (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « Benito Mussolini (http://en.wikipedia.org/wiki/It:benito_mussolini?oldid=12560712) » (voir la liste des auteurs (http://en. wikipedia.org/wiki/It:benito_mussolini?action=history)) du 28.10.2007

Joseph Staline Joseph Staline Иосиф Сталин

Staline, en 1942. Mandats Secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique 30 décembre 1922 – 5 mars 1953 Président

présidence collective (1922-1938) Mikhaïl Kalinine (1938-1946) Nikolaï Chvernik (1946-1953)

Président du Conseil

Lénine (1922-1924) Alexeï Rykov (1924-1930) Viatcheslav Molotov (1930-1941) lui-même (1941-1953)


Joseph Staline

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poste créé

Successeur

Gueorgui Malenkov Président du Conseil des ministres d'URSS 19 mars 1946 – 5 mars 1953

Prédécesseur

poste créé

Successeur

Gueorgui Malenkov Président du Conseil des commissaires du Peuple d'URSS 6 mai 1941 – 15 mars 1946

Prédécesseur

Viatcheslav Molotov

Successeur

poste aboli Secrétaire général du Parti bolchevik de RSFS de Russie 3 avril 1922 – 29 décembre 1922

Prédécesseur

poste créé

Successeur

poste aboli Biographie

Date de naissance

6 décembre 1878 (calendrier julien) 18 décembre 1878

Lieu de naissance

Gori, Géorgie Empire russe

Date de décès

5 mars 1953 (à 74 )

Lieu de décès

Moscou, RSFSR Union soviétique

Nationalité

Parti politique

Géorgien (de 1878 à 1917) Russe (de 1917 à 1922) Soviétique (de 1922 à 1953) POSDR (1898-1903) POSDR(b) (1903-1918) PCP(b) (1918-1952) PCUS (1952-1953)

Père

Vissarion Djougachvili (père, né en 1850, décédé en 1910)

Mère

Ekaterina Gueladzé (mère, née en 1858, décédé en 1937)

Conjoint

Ekaterina Svanidze (née en 1885, mariés de 1906 à 1907, décédée en 1907) Nadejda Allilouïeva (née en 1901, mariés de 1919 à 1932, décédée en 1932)

Enfants

Iakov (fils, avec Ekaterina, né en 1907 et décédé en 1943) Vassili (fils, avec Nadejda, né en 1921 et décédé en 1962) Svetlana (fille, avec Nadejda, née en 1926)

Diplômé(e) de

Séminaire de Tiflis

Religion

Aucune (athéisme)

Résidence Signature

Kremlin


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Présidents du Conseil des Ministres d'URSS Dirigeants du Parti communiste de l'Union soviétique

Joseph (Iossif) Vissarionovitch Djougachvili (en russe : Иосиф Виссарионович Джугашвилиprononciation ; en géorgien : იოსებ ბესარიონის ძე ჯუღაშვილი, Iosseb Bessarionis dze Djoughachvili), connu sous le nom de Joseph Staline (Иосиф Сталин), né à Gori le 18 décembre 1878 — officiellement le 21 décembre 1879[1] — et mort à Moscou le 5 mars 1953, est un révolutionnaire, un homme politique et un dirigeant soviétique d'origine géorgienne. Il établit en Union soviétique un régime de dictature personnelle[2] , période pendant laquelle les historiens lui attribuent, à des degrés divers, la responsabilité de la mort d'environ 15 millions de personnes[3] . Il fut secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique de 1922 à 1953 et dirigea l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) à partir de la fin des années 1920 jusqu'à sa mort. D'abord surnommé Sosso (diminutif de Iossif) pendant son enfance, il se fit ensuite appeler Koba (d'après un héros populaire géorgien) dans ses premières années de militantisme clandestin et par ses amis proches. Il utilisa ensuite le pseudonyme de Staline, formé sur le mot russe сталь (stal), qui signifie acier. Par un jeu patient d'intrigues souterraines et d'alliances successives avec les diverses factions du parti unique bolchevik, et en s'appuyant sur la toute-puissante police politique et sur la bureaucratisation croissante du régime, il imposa progressivement un pouvoir personnel absolu et transforma l'URSS en un régime de type totalitaire dont le culte obligatoire rendu à sa propre personne fut un des traits les plus marquants. Il fit nationaliser intégralement les terres, et industrialisa l'Union soviétique à marche forcée par des plans quinquennaux, au prix d'un lourd coût humain et social. Son long règne fut marqué par un régime de terreur et de délation paroxystique et par la mise à mort ou l'envoi aux camps de travail du Goulag de millions de personnes, notamment au cours de la collectivisation des campagnes et des Grandes Purges de 1937. Il pratiqua aussi bien des déplacements de population massifs, dont la déportation intégrale d'une quinzaine de minorités nationales, que la sédentarisation forcée non moins désastreuse de nomades d'Asie centrale. Il nia aussi l'existence des famines meurtrières de 1932-1933 (Holodomor) et de 1946-1947 après les avoir en partie provoquées par sa politique brutale. Le secret et la propagande systématiquement entretenus autour de ses actes firent du travestissement de la réalité et de la réécriture du passé une caractéristique permanente de son pouvoir absolu. Son souvenir est aussi associé à la victoire militaire de l'Union soviétique contre l'Allemagne nazie, dont la Russie soviétique fut le principal artisan après la rupture en juin 1941 du pacte de non-agression conclu en août 1939. La Seconde Guerre mondiale, après avoir mis l'URSS au bord du gouffre, apporta à Staline un très grand prestige dans le monde entier, et permit au successeur de Lénine d'étendre son emprise sur un empire s'étendant de Berlin-Est à l'océan Pacifique. Joseph Staline est également l'auteur de textes exposant sa propre conception du marxisme et du léninisme (réunis ensuite sous le vocable de marxisme-léninisme). Sa pratique politique et ses conceptions idéologiques sont désignées sous le terme de stalinisme. Après la mort de Staline, ses pratiques furent dénoncées par Nikita Khrouchtchev au cours du XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique de 1956 : la déstalinisation et la relative détente qui s'ensuivirent n'entrainèrent cependant pas une démocratisation en profondeur du bloc de l'Est. Ce n'est qu'à l'époque de la perestroïka mise en place par Mikhaïl Gorbatchev que les crimes de Staline ont été dénoncés dans toute leur ampleur en URSS[4] ,[5] .


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Biographie Jeunesse et formation Iossif Vissarionovitch Djougachvili est né dans la ville géorgienne de Gori, alors dans le gouvernement de Tiflis (Empire russe), le 18 décembre 1878 — officiellement le 21 décembre 1879[1] —, troisième enfant et seul survivant de sa fratrie. Le père[6] de Staline, Vissarion Djougachvili, était un cordonnier gagnant bien sa vie mais qui devint rapidement alcoolique. Il était originaire d'un village du nord de la Géorgie, Djougha (d'où son nom) ; on dit qu'il avait des origines ossètes. Sa mère, Ekaterina Gavrilovna Gueladzé, était une couturière d'Ossétie. Fervente orthodoxe, abandonnée par son mari, elle pousse son fils vers la prêtrise et finance difficilement ses études. Après avoir brillamment réussi ses examens, Iossif entre en 1894[7] au séminaire de Tiflis et y reste jusqu'à vingt ans. Il y suit un enseignement secondaire général avec une forte connotation religieuse. Surnommée le « Sac de pierre », l'école a sinistre réputation[8] . Rapidement, le jeune Djougachvili devient athée[9] et commence à se montrer rebelle à l'autorité du séminaire. Il reçoit de nombreuses Joseph Staline, en 1894. punitions pour lecture de livres interdits (entre autres, Les Travailleurs de la Mer de Victor Hugo[10] ) et en août 1898 s'inscrit à la branche locale du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR)[11] . Malgré les faveurs que lui accorde le recteur du séminaire, il en est expulsé en mai 1899, officiellement pour absence à l'examen de lectures bibliques. « Je fus renvoyé pour propagande marxiste[12] », se vanta ensuite l'ex-séminariste.

Révolution et clandestinité Iossif Djougachvili commence alors sa carrière de révolutionnaire sous le surnom de Koba[13] . Il se fait arrêter à de nombreuses reprises. En 1907, il est impliqué dans des braquages de banques sanglants[14] servant à financer le Parti[15] ,[16] , comme le hold-up commis à Tbilissi, en juin, qui rapporte 250000 ou 350000 roubles[17] . Il est déporté plusieurs fois en Sibérie et s'évade à chaque fois. Il s'évade notamment en 1904 et adhère alors à la fraction bolchevique du P.O.S.D.R.. C'est à cette époque qu'il rencontre pour la première fois Lénine. Il fait un récit élogieux ce cette rencontre en 1924, une semaine après la mort de ce dernier :

Pavel Axelrod (à gauche), Julius Martov et Alexandre Martynov à Stockholm

« Lorsque je le comparais aux autres dirigeants de notre Parti, il me semble toujours que les compagnons de lutte de Lénine – Plekhanov, Martov, Axelrod et d’autres encore – étaient moins grands que lui d’une tête ; que Lénine comparé à eux, n’était pas simplement un des dirigeants, mais un dirigeant de type supérieur, un aigle des montagnes, sans peur dans la lutte et menant hardiment le Parti en avant, dans les chemins inexplorés du mouvement révolutionnaire russe […] » En 1911, Lénine parle de lui comme du « merveilleux Géorgien », mais en 1915, dans une lettre à Maxime Gorki, il a oublié son nom[18] .


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L'accès au pouvoir suprême (1917-1929) Après la chute du tsarisme et l'abdication de Nicolas II lors de la Révolution de février 1917, Staline, à peine de retour d'une longue déportation en Sibérie, prend en main la direction du Parti à Pétrograd. Il prône alors la politique du « soutien critique » au gouvernement provisoire réformiste bourgeois d'Alexandre Kerensky. Néanmoins, dès le retour d'exil de Lénine, il se range très rapidement aux Thèses d'avril. Celles-ci avancent l'idée que la tâche des bolcheviks est de préparer la révolution socialiste, seule à même, selon Lénine, de donner le pouvoir au peuple et d'arrêter la guerre. À l'été 1917, il est membre fondateur du Politburo. Exécutant dévoué, Staline ne joue aucun rôle de premier plan dans la Révolution d'Octobre mais il a l'habileté, comme toujours depuis qu'il est membre du Parti, de s'aligner systématiquement sur les positions de Lénine. Cela lui permettra bien plus tard de reprocher comme des crimes à ses camarades la moindre divergence antérieure avec le défunt Lénine.

Staline en exil, 1915

Staline, d'origine géorgienne, est nommé commissaire aux Nationalités dans le Conseil des commissaires du Peuple issu de la révolution. Pendant la guerre civile russe, il est commissaire bolchevique à Tsaritsyne (future Stalingrad). Il s'y fait remarquer par sa propension à attribuer à des « saboteurs » tous les problèmes rencontrés, par sa méfiance viscérale des « experts » et autres « spécialistes bourgeois » recyclés par le nouveau régime, méfiance qui ne le quittera jamais, et par son absence complète de sentiment lorsqu'il prend des mesures radicales et ordonne des exécutions en nombre. Il s'y heurte déjà à Léon Trotski, chef suprême de l'Armée rouge[19] . C'est aussi à Tsaritsyne qu'il se forge un clan de fidèles qui l'aideront vers la marche au pouvoir : les chefs de la cavalerie rouge Kliment Vorochilov et Semion Boudienny en premier lieu, bientôt rejoints par des compatriotes du Caucase (Grigory Ordjonikidze) puis des hommes unis par la détestation de Trotski. C'est aussi pendant la guerre civile Staline, commissaire bolchevique à Tsaritsyne à que Staline noue des relations étroites avec la police politique, la l’été 1918, au début la guerre civile russe. redoutable Tcheka, et son fondateur et chef suprême Félix Dzerjinski. Cette alliance avec la police, qui sera la clé du futur régime stalinien, ira en se renforçant d'année en année, au point que Staline confiera aux tchékistes la gestion et l'éducation de sa propre famille[20] .


Joseph Staline

En 1920, une désobéissance de Staline aux ordres du général Toukhatchevski est une des causes importantes de l'échec de la marche sur Varsovie et de la défaite dans la guerre russo-polonaise. Bureaucrate laborieux et discret, Staline gravit silencieusement les échelons et devient Secrétaire général du parti le 3 avril 1922, fonction qu'il transforme rapidement en poste le plus important du pays. La même année, avec son compatriote Grigory Ordjonikidze, Staline Staline (au centre) lors du VIIIe congrès du Parti planifie l'invasion de leur pays d'origine, la Géorgie, dont le communiste, mars 1919. gouvernement menchevik était régulièrement élu et l'indépendance internationalement reconnue, y compris par Moscou. Les violences qui accompagnent ce rattachement forcé à l'Union soviétique provoquent la colère impuissante de Lénine, déjà malade. Pour parvenir au pouvoir suprême, Staline s'appuie sur la bureaucratie naissante, sur la police, sur son clan de fidèles et sur un jeu habile d'alliances successives avec les diverses factions au sein du Parti. Pendant la guerre civile, Lénine apprécie Staline comme un exécutant efficace et discipliné, qui lui a assuré que « [sa] main ne tremble[rait] pas », mais leurs relations politiques et personnelles se dégradent sensiblement en 1922-1923. Avant la mort de Lénine en janvier 1924, Staline exerce déjà une autorité considérable. Personnage en apparence terne et peu porté aux discours théoriques brillants, c'est un génie de l'intrigue souterraine. Il joue pendant des années au modéré, et laisse aux divers groupes le soin de s'invectiver et de se discréditer les uns les autres, tout en tissant sa toile. Maints vétérans du Parti, mais plus encore les nouveaux bureaucrates d'origine plébéienne qu'il promeut en nombre se reconnaissent facilement en ce personnage d'apparence bonhomme, bon vulgarisateur, qui se tait à la plupart des réunions et fume tranquillement sa pipe entre deux paroles apaisantes[21] . Il leur convient mieux qu'un Trotski solitaire et trop brillant, qui les critique âprement, et qui n'a pas su se tisser de réseaux dans un Parti qu'il n'a rejoint qu'en 1917. Cependant, Lénine redoute le clivage entre Staline et Trotski, qui pourrait mettre à mal le Parti. Après la mort de Lénine, Staline empêchera la publication du « testament de Lénine », dans le post-scriptum celui-ci affirmait son hostilité à son égard : « Staline est trop brutal, et ce défaut parfaitement tolérable dans notre milieu et dans les relations entre nous, communistes, ne l’est pas dans les fonctions de secrétaire général. Je propose donc aux camarades d’étudier un moyen pour démettre Staline de ce poste et pour nommer à sa place une autre personne qui n’aurait en toutes choses sur le camarade Staline qu’un seul avantage, celui d’être plus tolérant, plus loyal, plus poli et plus attentif envers les camarades, d’humeur moins capricieuse, etc…[22] » En 1924-1925, allié de Kamenev et de Zinoviev, Staline évince Trotski du gouvernement. En 1926, allié à la droite de Boukharine, il fait écarter du Politburo et du Komintern Trotski, Zinoviev et Kamenev, réconciliés entre-temps. Ayant battu l'Opposition de gauche, il se retourne en 1928-1929 contre l'opposition de droite de Boukharine et Rykov, chassés respectivement de la tête du Komintern et du gouvernement. En 1929, Staline fait exiler Trotski d'URSS et achève d'installer ses hommes à tous les postes-clés. La célébration en grande pompe de ses 50 ans, le 21 décembre 1929, marque aussi les débuts du culte autour de sa personnalité.

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Le stalinisme La prise de pouvoir et le « Grand Tournant » Staline ayant pris la succession de Lénine, il abandonne peu à peu la direction collégiale pour progressivement imposer, en s'appuyant sur la bureaucratie née lors de la guerre civile, un régime totalitaire. Le pouvoir oligarchique absolu est mis en place progressivement[23] , processus achevé à la fin des années 1930. Peu porté à l'internationalisme inhérent au communisme, Staline désigne sa politique sous le nom de « marxisme-léninisme » et de « socialisme dans un seul pays ». Presque jamais sorti de Russie, méprisant envers le Komintern (« la boutique »[24] ), il ne croit pas à une révolution mondiale qui n'en finit pas de se faire attendre et veut compter sur les seules forces de l'Union Soviétique. Il ne croit plus non plus à une NEP à bout de souffle (rétablissement du rationnement, 1928) et qui exige du temps pour moderniser l'URSS. Hanté comme tous les bolcheviks par la possibilité d'une prochaine confrontation avec les pays capitalistes, il veut accélérer à tout prix la modernisation industrielle pour s'y préparer. C'est le sens de son fameux discours au XVIe congrès du Parti (juin 1930) où il martèle que « chaque fois que la Russie a été en retard, nous avons été battus ». D'où, à partir de fin 1928, la priorité absolue que Staline accorde à l'accumulation du capital par pressurisation de la paysannerie (jusque-là ménagée par la NEP), au développement « à toute vapeur » des moyens de production et de l'industrie lourde. De 1929 à 1933, Staline met en place la « collectivisation » des terres. Il livre en fait ce qui est peut être considéré comme la dernière guerre paysanne de l'histoire européenne. En 1934, l'objectif est atteint, mais à un prix exorbitant : la moitié du cheptel abattu sur place par les paysans, les riches terres à blé d'Ukraine et d'autres régions ravagées par la famine de 1932-1933 (entre quatre et dix millions de morts selon les estimations[25] ,[26] ) que Staline n'a rien fait pour empêcher même en admettant qu'il ne l'a pas délibérément provoquée, d'innombrables violences, morts ou destructions, fuite anarchique de 25 millions de campagnards vers des villes vite surpeuplées, plus de deux millions de prétendus koulaks (paysans supposés « riches ») déportés par familles entières en Sibérie et abandonnés sur place à leur sort[27] ... Le système des kolkhozes et des sovkhozes permet à l'État d'acheter à vil prix les récoltes et de financer l'industrialisation. Mais devant la résistance passive des paysans (sous-productivité systématique), Staline leur concède un lopin privé de terre en 1935 : à la fin de la décennie, ces Staline en 1936 derniers produisent 25 % des récoltes sur 3 % des terres, la majorité des fruits et légumes d'URSS ainsi que 72 % du lait et de la viande[28] . La Russie, premier exportateur de céréales du monde sous les tsars, devient définitivement pays importateur. À Winston Churchill, Staline dira que la collectivisation représenta pour lui une épreuve « pire que la guerre ». Selon Anne Applebaum, si Staline a brisé la continuité de l'histoire russe, c'est bien dans les campagnes. Parallèlement, en 1928, Staline crée le Gosplan, organisme d'État rigide chargé de veiller au bon fonctionnement d'une planification impérative et très ambitieuse. Le premier plan quinquennal (1928-1933) fait de l'URSS de Staline un pays productiviste vivant dans l'obsession d'accomplir et de dépasser des normes de production toujours rehaussées. Staline rétablit le salaire aux pièces et le livret ouvrier, allonge la journée de travail, encourage la naissance d'une nouvelle aristocratie ouvrière en patronnant le mouvement stakhanoviste (1935) et fait punir d'envoi au Goulag tout retard répété de plus de 10 minutes. En quelques années, le pays change radicalement d'aspect et se couvre de grands travaux en partie réalisés par la main-d'œuvre servile du Goulag : métro de Moscou, villes nouvelles, canaux, barrages, énormes usines… Mais le prix est tout autant démesuré : gouffre financier, inflation, gaspillages, travaux bâclés à l'origine du « mal-développement » dont l'URSS périra en 1991. Le sacrifice délibéré

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des industries de consommation et la pression exercée sur la classe ouvrière font que sous le Premier Plan, le niveau de vie des ouvriers soviétiques baisse de 40 %[29] . À partir de 1934, un tournant réactionnaire est également effectué dans le domaine des mœurs : culte de la « famille socialiste », retour de l'interdiction de l'avortement et de la répression de l'homosexualité (alors que la Révolution avait apporté dans ces domaines une libéralisation tant par rapport à la situation antérieure que par rapport aux pays occidentaux). Staline restaure aussi le titre de maréchal, revient au nationalisme grand-russe, à l'académisme dans l'art, à la libre consommation de la vodka. Enfin, en 1935, Staline ramène l'âge limite pour la condamnation à mort à 12 ans. Certains marxistes se réclamant de Lénine s'opposent alors au « marxisme-léninisme » de Staline : les trotskistes dénoncent la dictature à l'intérieur du Parti, les bordiguistes dénoncent la politique économique de Staline comme une forme de capitalisme d'État (analyse partagée par les « décistes » du groupe Sapronov). Des organisations communistes anti-staliniennes se créent à partir des années 1920. L’Opposition communiste internationale est créée en 1930. Au XVIIe Congrès du PCUS, dit Congrès des Vainqueurs (février 1934), les pires difficultés du Grand Tournant semblent passées. Le nom de Staline est acclamé et cité plusieurs dizaines de fois dans chaque discours. Lui-même multiplie les signes d'apaisement envers les anciens opposants et de libéralisation pour la société soviétique. Mais il mesure aussi la persistance sourde des critiques à son encontre : il n'est réélu au Comité Central qu'en dernier de la liste, son nom étant rayé plus d'une centaine de fois[30] . Le but des Grandes Purges sera notamment d'anéantir les dernières potentialités de résistance au sein du Parti et de la population. De 1936 à 1938, les Procès de Moscou sont montés pour éliminer les vieux bolcheviks opposants ou s’étant opposés à Staline. Trostski sera par ailleurs assassiné par Ramon Mercader en 1940 au Mexique. Les Grandes Purges, refondation définitive du pouvoir de Staline En décembre 1934, Sergueï Kirov, chef du Parti à Léningrad, est assassiné. Or Kirov était alors le plus populaire des dirigeants soviétiques et, élu avec le plus grand nombre de voix au Comité central, constituait dès lors une alternative potentiel au poste de Secrétaire générale occupé par Staline (le plus mal élu de tous les candidats). Par cette élimination, ce dernier faisait d'une pierre deux coups: il éliminait son concurrent le plus plausible et pouvait se servir de la réprobation publique pour monter une campagne de purges dans le Parti et à l'extérieur dans les années suivantes. La grande terreur stalinienne commence le soir même alors qu'il fait promulguer un décret suspendant toutes les garanties de droit et rendant sans appel les sentences de mort prononcées par les juridictions spéciales du NKVD. Il débarque en personne à Leningrad et en fait déporter des milliers d'habitants. Staline en 1935

En août 1936, le premier des trois procès de Moscou engage la liquidation physique de la vieille garde bolchevique. Staline se débarrasse définitivement de ses anciens rivaux des années 1920, déjà vaincus politiquement depuis longtemps. Au-delà, il entreprend de remplacer ceux qui l'ont soutenu et aidé dans les années 1920-1930 par une nouvelle génération de cadres. Les jeunes promus de la « génération de 1937 » (Khrouchtchev, Beria, Malenkov, Jdanov, Brejnev, etc.) n'ont connu que Staline et lui doivent tout. Ils lui vouent un culte sans réserve, là où la précédente génération voyait davantage en Staline son patron ou un primus inter pares qu'un dieu vivant, et n'hésitait pas à le critiquer parfois avec loyauté mais franchise[31] . Entre 1937 et 1939, Staline planifie l'élimination de la moitié du Politburo, des trois quarts des membres du Parti ayant adhéré entre 1920 et 1935, etc. La Terreur n'épargne aucun


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organisme : des coupes claires frappent les divers ministères, Gosplan, Komintern, Armée rouge et même à terme l'encadrement du Goulag et les policiers du NKVD.

Nikolaï Iejov, chef suprême du NKVD est tué en 1940. Il est alors effacé des archives par la censure

Les Grandes Purges permettent également à Staline d'éliminer radicalement tous les éléments socialement suspects et tous les mécontents suscités par sa politique. Alors que les tensions diplomatiques s'accumulent en Europe depuis l'avènement d'Adolf Hitler, et que le déclenchement de la guerre d'Espagne en juillet 1936 fait craindre l'irruption d'un nouveau conflit général, Staline entend éliminer tout ce qui pourrait constituer une « cinquième colonne » de l'ennemi en cas d'invasion. Une série d'opérations frappent par centaines de milliers les dékoulakisés appauvris par la collectivisation, les vagabonds et marginaux engendrés par cette dernière, les anciens membres des classes dirigeantes et leurs enfants, tous les individus entretenant ou ayant entretenu des relations avec l'étranger (corps diplomatique, anciens combattants d'Espagne, agents du Komintern, et, ainsi que le montre Robert Conquest, jusqu'aux espérantistes[32] , aux philatélistes et aux astronomes ![réf. souhaitée]). À plus court terme, Staline fournit aussi à la population des boucs émissaires aux difficultés du quotidien, en rejetant tout le mal sur une pléthore de « saboteurs ». Il règle ses comptes avec les techniciens et les spécialistes compétents, qui ont souvent osé contredire ses directives et ses objectifs irréalistes et dont il se méfie depuis toujours en raison de leur faible présence au Parti ; il les remplace par une génération de nouveaux spécialistes issus des couches populaires et qui, formés sous le Ier Plan, n'ont connu que la révolution et son régime. Il brise aussi les réseaux clientélistes et les fiefs géographiques ou ministériels que se sont constitués les membres du gouvernement et du Politburo, ou bien, à tous les échelons, les responsables du Parti et les chefs de Goulag. Il entretient plus largement une atmosphère de suspicion généralisée qui brise les solidarités amicales, familiales ou professionnelles[33] . Pareillement, Staline considère que les minorités nationales frontalières sont par définition suspectes : aussi ordonne-t-il la déportation de centaines de milliers de Polonais et de Baltes, ou le transfert en Asie centrale de 170000 Coréens. Mais c'est aussi la sédentarisation forcée des populations nomades, notamment au Kazakhstan, qui se solde par un désastre démographique et la perte de nombreuses traditions culturelles[34] . Le principe totalitaire de la responsabilité collective défendu par Staline fait que la « faute » d'un individu s'étend à son conjoint, à ses enfants, à sa famille entière, à tout son réseau d'amis et de relations. Par exemple, le 5 juillet 1937, le Politburo ordonne au NKVD d'interner toutes les épouses de « traîtres » en camp pour 5 à 8 ans, et de placer leurs enfants de moins de 15 ans « sous protection de l’État ». Ordre qui conduit à arrêter 18000 épouses et 25000 enfants, et à placer près d'un million d’enfants de moins de 3 ans dans des orphelinats[35] . Par ailleurs, les familles des plus proches hommes de confiance de Staline (Molotov, Kaganovitch, Kalinine, etc.) sont elles-mêmes frappées par les purges. Le meilleur ami de Staline, Grigory Ordjonikidze, qui s'est montré hostile devant lui à la purge des cadres de l'industrie, voit son frère fusillé et se suicide en signe de protestation (février


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1937)[36] . La famille même de Staline n'est pas épargnée par la Terreur, avec la disparition et l'exécution de ses proches parents Maria Svanidze, Pavel Allilouiev, Stanislas Redens[37] ... En 1939, à l'arrêt des Grandes Purges — autrement appelée la Grande Terreur d'autant que, selon les calculs de Nicolas Werth, elles ont frappé à 94 % des non-communistes — Staline a éliminé les dernières sphères d'autonomie dans le parti et la société, et imposé définitivement son culte et son pouvoir absolu. Il a pris ce faisant le risque de désorganiser gravement son armée et son pays, alors même que la guerre approche. Politique extérieure Dans les années 1930, la politique extérieure de Staline est à géométrie variable.

Molotov et Staline

Tout d’abord, lors du VIIe congrès du Komintern en août 1928, il impose la politique « classe contre classe » aux partis communistes. La social-démocratie, qu'il a qualifiée d'« aile modérée du fascisme », est considérée comme l'ennemi prioritaire, et toute entente même tactique avec elle est prohibée. Cette politique conduit le Parti communiste français à son pire isolement de l'Entre-deux-Guerres et à une chute électorale notable. Elle facilite surtout l'accès au pouvoir d'Adolf Hitler en Allemagne. En mars 1933, alors que la destruction de la République de Weimar est presque achevée et que les communistes allemands prennent en nombre le chemin des camps de concentration, le KPD clandestin et le Komintern répètent inlassablement que les événements démontrent la justesse des attaques contre la social-démocratie et la nécessité de les poursuivre sans changement[38] .

Staline pensait d'abord que l'expérience Hitler ne durerait pas : « Après lui, ce sera nous ». Mais le régime nazi se consolide, et une menace militaire réelle plane désormais sur l'URSS. Dès lors, à partir de juin 1934, Staline se ravise et lance une politique d’alliance des partis communistes avec des « partis bourgeois » pour tenter de faire reculer le fascisme et le nationalisme. Il rapproche parallèlement l'Union soviétique des États occidentaux, ce qui a pour conséquence l’entrée tardive de l’URSS dans la SDN (1934) ou la conclusion du pacte d'assistance franco-soviétique lors de l'entrevue Laval-Staline (mai 1935). C’est ainsi que le Front populaire peut se constituer en France et en Espagne et qu’en Chine, le 22 septembre 1937, Tchang Kaï-chek s’accorde avec Mao Zedong contre l'impérialisme du Japon et signe un pacte de non-agression avec l’URSS. Au niveau intérieur, Staline s'efforce de se montrer plus libéral en faisant promulguer la « constitution stalinienne » de 1936, annoncée comme « la plus démocratique du monde », en signe d'ouverture envers l'Occident. Pendant la guerre d'Espagne Staline est à partir de fin octobre 1936 le seul chef d'État à intervenir officiellement aux côtés de la République espagnole, menacée par Franco aidé de Hitler et Mussolini. Mais s'il envoie des chars, des avions et des conseillers, il en profite aussi pour faire main basse sur l'or de la banque d'Espagne, freiner sur place le mouvement révolutionnaire tout en satellisant le gouvernement espagnol, et faire liquider physiquement de nombreux anarchistes, trotskistes et marxistes dissidents du POUM[39] .


Joseph Staline

Des documents du Komintern montrent cependant que même dans ces années où il fait figure d'allié des démocraties, Staline n'a pas renoncé à l'espoir secret d'un pacte avec Hitler, qui mettrait à l'abri l'URSS et lui garantirait en outre des bénéfices territoriaux. Il fait régulièrement modérer les attaques de la presse contre le régime nazi, ou tente quelques sondages secrets à Berlin[40] . Les procès de Moscou et les purges qui meurtrissent l'Armée rouge troublent les démocraties occidentales, où l'anticommunisme reste très fort, et les font douter des capacités militaires soviétiques. En 1938, Staline est furieux que son pays n'ait pas été convié à la conférence qui décide des accords de Munich (30 septembre) et craint une entente des Occidentaux avec Hitler contre l'URSS. Staline fait clairement savoir à Berlin, début 1939, que Moscou se liera au plus offrant. Mais persuadé que la guerre avec les nazis est inévitable, il décide le transfert des usines d'armement vers l'est (au delà de Moscou) et arrête la stratégie de l'Armée rouge pour cette confrontation. Ce sera Ribbentrop et Staline lors de la signature du Pacte une posture défensive, copie de celle de Mikhaïl Koutouzov devant de non-agression Napoléon en 1812 et qui prend en compte la possibilité d'une invasion en profondeur. La prise des capitales, Moscou et Léningrad, qui seront protégées par des troupes d'élites, est, cette fois, exclue. Staline table sur l'usure des troupes d'élite allemandes qu'Hitler devra engager dès le début de l'attaque, scénario qui se vérifiera complètement devant Moscou et partiellement devant Léningrad. Le 12 août 1939, les plénipotentiaires de la France et du Royaume-Uni sont en visite en URSS afin de tenter – bien tardivement et sans conviction – de refonder l’alliance de 1914, après avoir refusé à de nombreuses reprises des propositions similaires faites auparavant par Staline[41] . Staline dénonce une absence de réelle volonté des démocraties occidentales de combattre Hitler et signe, le 23 août 1939, le pacte germano-soviétique. Un protocole secret prévoit le partage de l'Europe centrale en « zones d'influences » et les relations économiques entre l'Union Soviétique et l'Allemagne nazie sont très fortement accrues permettant à Berlin d'accumuler des stocks vitaux de matières premiéres. Il gagne alors de l'espace et du temps, mais moins que prévu du fait de la rapide défaite de la France à l'Ouest, qu'il interprète comme l'intégration de celle-ci à la puissance nazie. La Seconde Guerre mondiale Avant le début de la Seconde Guerre mondiale en Europe, l'URSS gagne deux batailles de frontières contre le Japon : la bataille du lac Khassan en 1938, puis la bataille de Halhin Gol en Mongolie en 1939. Le 17 septembre 1939, les troupes de Staline entrent en Pologne (jusqu'à sa frontière Est actuelle) et prennent à revers l'armée de ce pays envahi par Hitler deux semaines auparavant. Le 30 novembre, elles attaquent la Finlande, et enregistrent des revers spectaculaires et inquiétants, avant de faire plier ce petit État d'Europe septentrionale sous le nombre en mars 1940. En juin, Staline annexe les États baltes, puis en août la Bessarabie roumaine, érigée en République socialiste soviétique de Moldavie. La terreur et la soviétisation accélérée s'abattent aussitôt sur ces territoires. Elles se traduisent par la déportation de plusieurs centaines de milliers d'habitants et le meurtre d'une partie des élites locales[42] . Le 5 mars 1940, Staline fait contresigner par le Politburo son ordre d'exécuter près de 20000 officiers polonais capturés, qui seront en particulier enterrés près de Katyń. Staline respecte scrupuleusement le Pacte germano-soviétique. Jusqu'à la nuit du 21 au 22 juin 1941, il livre ponctuellement et à crédit à l'Allemagne les céréales et des matières premières dont le Reich a besoin. Il livre aussi à la Gestapo plusieurs dizaines de communistes allemands réfugiés à Moscou. Le pacte prend fin le 22 juin 1941 avec l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht.

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Joseph Staline Contrairement à la légende longtemps répandue, Staline ne s'est pas effondré psychologiquement devant la trahison d'Hitler, ni n'est resté plusieurs jours prostré et incapable de réagir. Les archives et les témoignages concordent aujourd'hui à prouver qu'il fut à son poste nuit et jour pendant la première semaine d'invasion, et qu'il prit aussitôt des mesures radicales, avec un bonheur très inégal[43] . Ce n'est que le 28 juin, après cinq jours et cinq nuits sans presque aucun repos, et un heurt mémorable avec le général Joukov, que Staline partit brusquement se retirer dans sa datcha pour préparer son discours radiodiffusé du 3 juillet. Il n'en reste pas moins vrai que Staline refusa jusqu'au dernier moment de réagir aux rapports (de Trepper, Sorge et même Churchill) qui le prévenaient depuis de longs mois de l'imminence d'une invasion, allant même jusqu'à menacer de liquider ceux qui s'en faisaient écho avec trop d'insistance. Il semble s'être laissé paralyser par la hantise d'une provocation allemande, jugeant qu'une réaction préventive serait politiquement contre-productive: il se raccrochait désespérément à l'idée que l'année était trop avancée pour que Hitler commette la même erreur que Napoléon. De ce fait, les troupes furent mises en alerte très tard (le 22 juin à 0 h suite à l'ultime désertion d'un soldat allemand) et incomplètement, permettant par exemple que l'aviation soit partiellement détruite au sol. Le matin même du 22 juin, une partie de l'Armée rouge n'ose toujours pas ouvrir le feu, alors qu'une autre résiste déjà âprement (pendant six semaines à Brest-Litovsk). Les purges de l'avant-guerre, en particulier celle de 1937, ont profondément affaibli l'Armée rouge, puisque la quasi-totalité des généraux modernisateurs et compétents avaient disparu (environ 90 % des cadres supérieurs de l'armée furent éliminés, tandis que 11 000 officiers sur 70 000 étaient fusillés et 20 000 autres internés dans les camps du Goulag). De même, sur cinq maréchaux, seuls avaient survécu les deux tenants inconditionnels de la cavalerie, amis de toujours de Staline, ennemis jurés des tanks. L'effort de modernisation tenté in extremis avant l'invasion, de même que la réintégration de milliers d'officiers purgés sortis en loques du Goulag (comme le futur maréchal Rokossovki) ne purent empêcher les désastres initiaux. Dans les premiers mois, Staline perd des milliers de chars et d'avions, et laisse encercler d'immenses armées. L'URSS perd un million de km² et plusieurs millions de prisonniers, exterminés par les nazis. Cependant, l'invasion nazie, commencée trop tard, est dès le début inférieure aux attentes, même si la Wehrmacht avance très loin et avec des pertes limitées. De l'avis de ses historiens même les plus critiques, Staline démontra son sang-froid et son génie politique en s'adressant, dès le 3 juillet 1941 à ses « frères-et-sœurs » soviétiques, pour proclamer l'union sacrée dans la « Grande Guerre patriotique » et, surtout, en décidant de rester dans Moscou menacée, à la surprise de ses proches. Sa présence galvanisa les énergies et enraya un début de panique. D'autre part, l'armée japonaise avait abandonné toute idée d'attaquer la Russie après ses défaites contre elle en 1939; l'URSS en eut confirmation par Richard Sorge. Ne craignant plus l'ouverture d'un second front en Extrême-Orient, les troupes sibériennes purent être disponibles face aux allemands au moment crucial de l'hiver 1941. Le 6 décembre 1941, l'Armée rouge stoppe des Allemands à bout de souffle à 22 km de la capitale ; pendant l'hiver elle les repousse de plus de 200 km. Après cet échec, l'armée nazie change d'objectif principal pour sa campagne de 1942 : prendre le contrôle du pétrole du Caucase, voire, ensuite, celui du Moyen-Orient. Après un court succès, la Wehrmacht sort vaincue de la bataille de Stalingrad. La ville, au nom symbolique, devient l'objet de l'attention universelle. Entièrement détruite sous les bombes et par les combats de rue, 300000 Allemands y périssent ou y sont faits prisonniers. La VIe Armée encerclée capitule les 30 janvier-2 février 1943. C'est le début du recul allemand. À la bataille de Koursk, la plus grande confrontation de blindés de l'histoire, 500000 hommes et 1500 chars sont mis hors de combat. Après ses erreurs dramatiques de 1941, Staline a su faire progressivement un réel apprentissage militaire, et surtout accepter de laisser une plus large autonomie à ses généraux. S'il ne s'est jamais rendu au front, il desserre l'emprise du gouvernement sur la société, noue une trêve avec les Églises, met l'accent sur la défense de la patrie et non plus sur la Révolution. Cependant, son pouvoir absolu reste intact et même renforcé : chef du gouvernement depuis mai 1941, Staline se fait nommer commissaire à la Défense en août, commandant en chef suprême en juillet 1942,

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Joseph Staline maréchal en 1943, généralissime en 1945. L'Internationale cesse d'être l'hymne soviétique pour être remplacée par un chant patriotique qui mentionne son nom. C'est aussi la nature totalitaire du gouvernement qui lui permet d'imposer une stratégie d'offensive à tout prix et d'attaque frontale de l'ennemi, très coûteuse en hommes et abandonnée en Occident depuis la Grande Guerre. Des équipes spéciales du NKVD se chargent à Stalingrad de mitrailler les soldats qui refluent vers l'arrière. De même, les prisonniers et leurs familles sont officiellement reniés et considérés comme des traîtres, tandis que des généraux et officiers de tout rang sont fusillés dès les premiers jours, boucs émissaires des erreurs du chef suprême[44] . En pleine avance allemande de 1941, Staline détourne aussi des forces importantes du front pour faire déporter intégralement les Allemands de la Volga, descendants de colons installés au XVIIIe siècle. En 1944, il fait déporter en totalité une dizaine de peuples (soldats décorés et militants communistes compris) sous la fausse accusation de collaboration avec les Allemands. En mars 1944, 600000 Tchétchènes hommes, femmes, enfants et vieillards sont déportés en six jours seulement, un record historique jamais égalé[45] . En 1944, Staline reconquiert le territoire national. Arrivé devant Varsovie, il laisse les Allemands, regroupés autour de la capitale polonaise après l'offensive soviétique, écraser l'insurrection de la capitale polonaise (1er août-2 octobre 1944). S'il est vrai que l'offensive soviétique était à bout de souffle et que Staline n'avait plus les moyens de franchir la Vistule, il refusa aussi de parachuter des armes et de laisser les avions occidentaux atterrir sur les aérodromes de l'Armée rouge voisins de la capitale. Des centaines d'aviateurs alliés tentant Les trois Grands Winston Churchill, Roosevelt et désespérément de parachuter des armes aux insurgés périrent lors Staline à la Conférence de Yalta d'allers-retours longs et coûteux entre l'Italie et la Pologne. C'était assez dire la volonté de Staline de laisser écraser une insurrection nationaliste qu'il ne contrôlait pas et qui visait à contrarier l'installation d'un gouvernement communiste proche de Moscou après la guerre[46] . Alors que les Alliés débarquent en Normandie, les Soviétiques qui affrontent dix fois plus de divisions à l'Est progressent déjà en Europe de l’Est. Au total, de source sûre[Qui ?], ils écraseront 80 % des effectifs de la Wehrmacht : sur 783 divisions disséminées sur tous les fronts, 607 tombent sous les feux soviétiques. Goebbels avait énoncé l'un des buts idéologique de la guerre à l'Est : « La lutte contre le bolchevisme mondial est le but principal de la politique allemande ». Il faut ajouter à ces buts la volonté allemande de reconquérir ce qu'ils considèrent comme leur « espace vital » (Lebensraum) et de réduire en esclavage les peuples slaves considérés comme des sous-hommes. En pratiquant une politique d'extermination contre les populations slaves et surtout juives, les nazis se privèrent eux-mêmes de tout soutien parmi la population soviétique alors que les mécontents du gouvernement de Staline ne manquaient pas à leur arrivée. Ils parviendront quand même à recruter un certain nombre de partisans (armée Vlassov, existence de maquis anti-communistes en Ukraine jusqu'en été 1946). La victoire se paye au prix de millions de morts : 21300000 morts (civils et militaires) selon certaines sources 27 millions dira-t-on sous Gorbatchev, à ajouter bien sûr à tout ce qui avait précédé : pertes de 1914-1918, guerre civile et famines. Soit 12 à 20 % de la population soviétique. En comparaison les États-Unis ne perdirent que 0,2 %, la France 1,5 % de leurs populations respectives. Les destructions matérielles sont gigantesques, les pires subies par un belligérant dans ce conflit.

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L'après-guerre Tous les témoignages concourent à montrer que lors de la victoire de 1945, la population espère conserver les espaces de liberté concédés pendant la guerre et ne pas revenir au système d'avant 1941. Mais au cours de l'été, Staline prend la décision de rétablir ce dernier à l'identique.

La conférence de Potsdam en juillet 1945

Joseph Staline en 1949

Les pays d'Europe de l'Est traversés sont placés sous le contrôle de l'URSS et y restent après la conférence de Yalta. Staline leur impose le modèle soviétique, notamment par le coup de Prague en 1948 et par la mise en place de gouvernements pro-soviétiques. En Tchécoslovaquie, le seul pays de la sphère soviétique dotée d'une tradition démocratique, le parti communiste prend le pouvoir avec la bénédiction de Staline. Il crée en 1947 le Kominform, un rassemblement de partis communistes européens à l'image de l'Internationale et dirigée par le PCUS. Impuissant à empêcher la rupture soviéto-yougoslave (1948), Staline développe une campagne intense contre Tito, qu'il avait épargné au moment des Grandes Purges, et multiplie les procès truqués de communistes disgraciés en Europe de l’Est, notamment à Prague où la plupart des accusés sont choisis parmi des Juifs (procès de Prague contre Rudolf Slánský et d'autres hauts dignitaires du parti communiste tchécoslovaque, 1952). En 1949, il fait accéder son pays à l'arme atomique, en partie grâce à ses réseaux d'espionage aux États-Unis et aux prisonniers du Goulag et des charachka. En Asie, la politique stalinienne de l'après-guerre suit un cours sinueux : soutien au sionisme entre 1946 et 1950, suivi d'un net revirement anti-israélien et même antisémite[47] , accueil très réservé fait à la révolution chinoise, politique prudente en Corée.

À l'intérieur, le culte de la personnalité du Vojd (« Guide ») atteint son ampleur maximale, culminant à son 70e anniversaire en 1949. Des dizaines de villes, des milliers de rues, de fermes, d'usines, etc. portent le nom de Staline, qui refuse la proposition de renommer la capitale Moscou « Stalinodar ». Le point culminant de l'URSS reçoit le nom de « pic Staline ». Des « prix Staline » décernés depuis 1941 deviennent les équivalents soviétiques des prix Nobel. Le système se reproduit dans certains partis communistes des pays frères, dont les dirigeants sont qualifiés de « meilleurs staliniens » de France, d'Italie, etc. (Maurice Thorez, Palmiro Togliatti, Georgi Dimitrov…). Probablement repris de l'appellation d'Abraham, le titre de « Père des peuples »[48] (Отец народов) ou encore de « Grand guide des peuples » (Великий вождь народов) signale que Staline a réussi à s'identifier non seulement à la nation soviétique mais aussi à d'autres nations du monde grâce à sa victoire sur le nazisme qui lui confère un réel prestige dans le monde bien au-delà des seuls cercles communistes. Le « second stalinisme » se caractérise aussi par un retour encore plus affirmé au nationalisme et au chauvinisme, un renforcement de la russification et de la répression des minorités, une campagne antisémite contre le « cosmopolitisme »[49] . L'emprise de Staline sur le champ culturel et scientifique s'alourdit aussi considérablement. Il fit réécrire en permanence l'histoire, notamment pour apparaître comme le coauteur de la Révolution russe, pour gommer le rôle de ses opposants et victimes, ou pour attribuer à des Russes la paternité de toutes les grandes inventions contemporaines. Il accentua son soutien aux théories charlatanesques du biologiste Trofim Lyssenko, et ravagea ainsi la génétique soviétique. Il se mêla même d'intervenir dans les débats linguistiques (Le Marxisme dans les


Joseph Staline questions linguistiques, 1951) et prétendit que la manipulation du langage permettrait l'avènement de « l'homme nouveau », prétention qui inspira à George Orwell la satire de la novlangue. Quant aux écrivains, musiciens et artistes, leur création fut soumise étroitement au réalisme socialiste, et Staline chargea son protégé Andreï Jdanov de les remettre au pas par une violente campagne doctrinaire (Jdanovtchina). Accentuant une tendance autocratique déjà nette avant la guerre, Staline ne réunit pratiquement plus le Politburo et espace à l'extrême les congrès du Parti : cinq seulement de 1927 à 1953, dont aucun entre 1939 et 1952, alors qu'il s'en tenait un par an même en pleine guerre civile russe. S'il ne pratique plus de grandes purges comme avant-guerre, il terrorise son propre entourage, humiliant souvent en public ses plus fidèles serviteurs, les frappant à travers leurs épouses, leurs frères, etc. et leur faisant miroiter à toute occasion la possibilité d'une disgrâce fatale. Il s'apprête notamment à éliminer le chef de la police Lavrenti Beria lorsque la mort le saisit[50] .

Mort Le soir du 28 février 1953, Staline emprunte une des trois voitures devant le mener à sa datcha de Kountsevo, près de Moscou, les deux autres étant des leurres : chaque voiture prend un itinéraire différent chaque soir. Il passe la soirée à sa datcha, puis monte se coucher dans une de ses sept chambres, toutes fermées par une porte blindée. Staline ne se manifeste pas pendant toute la journée du 1er mars et ne commande aucun de ses repas, contrairement à son habitude. Dans la nuit du 1er au 2 mars, le chef de la garde convoque les principaux collaborateurs de Staline à la datcha (Khrouchtchev, Boulganine, Masque mortuaire de Staline, musée Staline à Béria, Malenkov, et alii) qui décident de forcer les portes. Ils Gori (Géorgie) découvrent alors Staline tout habillé, allongé sur le tapis, inconscient, frappé par une attaque cérébrale, vraisemblablement peu de temps après le départ de ses collaborateurs, mais pas encore mort. Ils déplacent Staline sur le canapé du salon avant de décider ce qu'il convient de faire. Ayant peur de son courroux s'ils lui faisaient mal (Staline soupçonnait ses médecins de vouloir le tuer), ils attendent plusieurs heures avant d'appeler un médecin, alors que Staline avait déjà été frappé par cette attaque depuis plus de 24 heures. Selon certains témoignages, Béria s'opposa à la convocation de médecins, sachant que Staline préparait une purge qui le concernait ; il avait donc tout intérêt à ce que Staline meure. Lorsque le médecin arrive, il est trop tard, Staline est déclaré mort le 5 mars à 6h du matin[51] . Selon le témoignage de sa fille Svetlana, Staline aurait manifesté des moments de conscience avant de mourir. L'aura de Staline est telle que les autorités font en sorte de passer sous silence, pendant près d'une semaine, la mort du compositeur Sergueï Prokofiev dont le décès est survenu le même jour, 50 minutes avant celle du « Petit père des peuples ». Les funérailles de Joseph Staline se tiennent le 9 mars 1953 à Moscou. Elles sont marquées par une terrible bousculade qui fait des centaines de victimes. Dans le monde socialiste, dans le mouvement communiste international et chez les anciens Alliés de la Seconde Guerre mondiale, le chagrin et la déférence semblent alors les sentiments dominants, au moins en public, ainsi que la peur devant un avenir désormais incertain. Exposé aux côtés de Lénine dans le mausolée de la place Rouge, il en est déplacé en 1961 pour être enterré entre le mausolée et le mur du Kremlin, dans ce qui deviendra un petit cimetière des hauts personnages de l'URSS.

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« Legs politique » Le décès de Staline marque la confirmation de la « coexistence pacifique » au plan international, tout comme elle entraîne vite une vague d'événements en URSS et dans le bloc soviétique. En Union Soviétique, une direction collégiale se met en place, dominée un temps par Lavrenti Beria qui contrôle toujours l'appareil policier et certains ministères stratégiques. Beria se transforme paradoxalement en champion de la libéralisation : il relâche les accusés du « complot des blouses blanches » en reconnaissant que leurs « aveux » ont été extorqués par la torture, et amnistie dès le mois de mars près d'un million de condamnés de droit commun qui sortent alors du Goulag. Le stalinisme n'est pas pour autant renié encore officiellement. Dans le bloc de l'Est, la mort de Staline entraîne un soulèvement contre le régime à Berlin-Est et en RDA à partir du 16 juin, donnant l'espoir d'une réunification allemande rapide, mais le mouvement est sévèrement réprimé. Après une longue période de flottement, qui se solde entre autres par l'exécution du chef du KGB Lavrenti Beria, Nikita Khrouchtchev arrive à la tête du pays. En 1956, l'URSS rompt officiellement avec le stalinisme au cours du XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique. En 1961, le corps embaumé de Staline est retiré du mausolée de Lénine et Stalingrad devient Volgograd. Les rescapés du régime stalinien sont libérés du Goulag et la réhabilitation globale des victimes de Staline, initiée par Khrouchtchev, stoppée sous Brejnev, est relancée sous Gorbatchev et achevée après la dislocation de l'URSS. Hélène Carrère d'Encausse a qualifié la déstalinisation enclenchée en 1956 à la lecture du « rapport secret » de Khrouchtchev de « deuxième mort de Staline ». En revanche, les successeurs de Staline ne réforment pas le système économique et social hérité de son règne, malgré ses défauts de plus en plus évidents (bureaucratisme, pénuries chroniques, sous-productivité, absence d'initiative personnelle, coût écologique, déséquilibre des branches au profit d'une industrie lourde de moins en moins adaptée à l'évolution historique, etc.). L'effondrement des régimes d'Europe de l’Est (1989) et la désintégration de l'URSS (1991) achèveront l'agonie de la structure du système économique soviétique près de 35 ans plus tard. Après 1961, seules la République populaire de Chine de Mao Zedong, la Corée du Nord de Kim Il-sung et l'Albanie de Enver Hodja continuent à se réclamer ouvertement de Staline, et ce jusqu'à la mort de Mao Zedong en 1976. Même aujourd'hui, la critique de Staline n'est pas à l'ordre du jour en Chine populaire et encore moins en Corée du Nord, souvent considérée comme « le dernier régime stalinien de la planète ». À l'heure actuelle, sur le plan international, plusieurs partis Mao Zedong et Staline, en 1949. communistes de faible importance (PC de Grèce (KKE), Parti communiste bolchevik de Nina Andreeva, Russie laborieuse de Viktor Anpilov, Parti communiste ouvrier de Russie de Viktor Tioulkine, Union des PC russe/biélorusse de Chénine, Parti du travail de Belgique, entre autres) ont annoncé avoir réévalué positivement l'œuvre et les mérites de Staline. D'autres groupes parfois maoïstes continuent à se réclamer plus ou moins directement de Staline : Parti communiste du Népal, Sentier lumineux au Pérou, ou en France un groupuscule comme l'Union des révolutionnaires communistes de France. Ces organisations affirment incarner le « marxisme-léninisme véritable ». Quelques rares auteurs staliniens très controversés développent également une vision encore très favorable de Staline et de son action, dont ils passent sous silence ou minimisent les nombreuses zones d'ombre : ainsi le Belge Ludo Martens ou l'historienne française Annie Lacroix-Riz, qui s'appuient surtout sur l'ouverture des archives soviétiques et européennes pour relativiser la critique antistalinienne, encore dominante, déclenchée par le rapport Kroutchev de 1956. En Russie, le culte de Staline n'est pas exclusivement le fait de nostalgiques du régime. Il est également propagé par des milieux ultra-nationalistes qui considèrent que le mérite essentiel de Staline a été de créer un État fort incarnant le destin de la nation russe. Ce culte est généralement associé à l'antisémitisme. La plupart des staliniens considèrent que ce sont des Juifs qui ont incarné les tendances les plus internationalistes du marxisme (Trotsky, Rosa

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Joseph Staline Luxemburg, Zinoviev, Kamenev, etc.) — Karl Marx étant lui-même d'origine juive.

Controverses De nombreuses interprétations contradictoires ont été suscitées par l'ampleur des crimes de Staline, mais aussi par celle des mutations qu'il a fait connaître à la Russie. Selon le mot de Churchill, « Staline a hérité d'une Russie à la charrue, et l'a laissée avec l'arme atomique »[52] . Pendant les Grandes Purges, de nombreux Soviétiques, dans les villes surtout, étaient sincèrement convaincus que Staline ignorait ce qui se passait dans le pays et qu'on lui cachait la vérité. C'était là la reprise du très vieux thème du bon tsar victime de ses mauvais ministres. De même, de très nombreux communistes, envoyés brusquement en prison ou au Goulag sans pouvoir comprendre ce qu'on pouvait bien leur reprocher, persistaient de toutes leurs forces à défendre Staline et à lui faire appel, croyant avoir en lui leur recours. Jusqu'au seuil de leur exécution, des condamnés à mort protestaient de leur amour pour lui et de leur dévouement total à sa personne et au Parti, écrivant et déclarant qu'ils mourraient avec le nom de Staline sur les lèvres. En réalité, Staline était parfaitement au courant et pilotait en personne toutes les opérations de la Grande Terreur. Les archives de Moscou ont levé les derniers doutes, et mis à jour 383 listes de condamnations à mort signées de la main de Staline (soit 44000 exécutions) ou les injures qu'il griffonnait parfois sur les lettres de dévouement ultimes de ses victimes[53] . Du vivant même de Staline, on glosa sans fin à l'étranger et jusqu'au sein du Parti sur ses origines caucasiennes, et on fut tenté d'expliquer ses crimes comme une manifestation de « barbarie asiatique ». Ossip Mandelstam fut déporté sans retour pour avoir stigmatisé dans une pièce de vers « le montagnard du Kremlin », « l'homme au large poitrail d'Ossète ». Armés de leurs préjugés racistes, les nazis et leurs collaborateurs poussèrent ad nauseam l'assimilation de Staline, russe ou caucasien, à l'Asiatique dégénéré et cruel — bien qu'Hitler n'ait jamais caché en privé son admiration pour Staline, seul homme à ses yeux à avoir su faire marcher au pas les « sous-hommes » slaves, et dont il enviait sa capacité de faire fusiller ses généraux contestataires. Les parentés mais aussi les différences tout aussi notables des deux dictateurs totalitaires restent un sujet de discussion inépuisable, notamment depuis les travaux de Hannah Arendt (Les Origines du totalitarisme, 1951) et la double biographie pionnière d'Alan Bullock (Hitler et Staline : vies parallèles, Paris, Albin Michel, 1993). D'autres voient Staline avant tout comme un chef d'État russe, continuateur des tsars et incarnation des ambitions nationales de l'ancienne Russie. Il n'aurait conservé que pour la forme un vernis de discours révolutionnaire. C'était en gros la vision du général de Gaulle, ou celle des nationaux-bolcheviks allemands. Staline a lui-même invité à interroger sa place dans la continuité de l'histoire russe, en se comparant volontiers aux despotes modernisateurs Ivan le Terrible et Pierre le Grand. Néanmoins, il reste difficile de concevoir, par exemple, pourquoi Staline aurait tant tenu à aligner les pays de l'Est, déjà sous sa coupe, sur le modèle soviétique, si ses ambitions impériales avaient été étrangères à toute adhésion profonde au projet révolutionnaire hérité du parti bolchevique. Le rapport de Staline à la Révolution russe est pareillement controversé. Pour Nikita Khrouchtchev en 1956, la dérive de Staline n'aurait commencé qu'en 1934, ce qui permettait de ne pas remettre en cause la collectivisation désastreuse ni les choix d'industrialisation forcenée, encore moins l'œuvre de Lénine. Les communistes furent à ses yeux les principales victimes de Staline, et les Grandes Purges, tombées sur un Parti présenté comme innocent, ne seraient dus qu'à sa « paranoïa » personnelle — explication intenable aujourd'hui, et au demeurant fort peu marxiste. Pour Trotski et les trotskistes, Staline est d'abord le représentant de la bureaucratie, qui a « trahi la révolution » en la privant de sa dimension internationale au profit du « socialisme dans un seul pays », et qui a liquidé l'héritage de Lénine ainsi que la vieille garde. Aux yeux de Trotski, Staline représentait le « Thermidor » de la révolution russe (bien qu'au contraire du Thermidor français, celui-ci ait relancé la transformation sociale et la terreur à un degré que nul n'aurait osé prévoir)[54] .

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Pour de nombreux anarchistes ou sociaux-démocrates, ainsi que pour la plupart des historiens actuels, il n'y a pas au contraire de discontinuité entre Lénine et Staline. Nul n'avance certes que Lénine aurait été du genre à promouvoir la bureaucratie, le nationalisme, l'antisémitisme, l'académisme, les théories de Lyssenko ou un culte de sa personnalité. Mais dans la lignée de la biographie pionnière et toujours utilisable de Boris Souvarine[55] , les historiens soulignent qu'il a laissé à Staline la dictature du parti-guide infaillible, le centralisme démocratique interdisant les tendances, le culte du secret, l'apologie de la violence « nécessaire » et de l'absence de scrupules moraux au nom de la révolution, ainsi qu'un État policier déjà tout-puissant ayant liquidé toutes les oppositions et employant un certain nombre de pratiques perfectionnées ultérieurement par Staline (responsabilité collective des familles, stigmatisation-discrimination collective de groupes sociaux, procès truqués, censure, persécutions religieuses, massacres, premiers camps de travail, etc.). En tout état de cause, Staline lui-même était militant bolchevique depuis trop longtemps pour qu'on puisse exonérer raisonnablement le Parti de toute responsabilité dans la formation de sa personnalité et de ses méthodes. La récente biographie de Simon Sebag Montefiore, par exemple, met fréquemment en parallèle les comportements et la sociabilité du Staline des années 1930-1950 (et de ses amis) avec ceux hérités de la guerre civile. De très nombreux bolcheviks entrés au Parti dès l'adolescence, souvent bien avant la révolution, ont d’ailleurs servi la politique (et les crimes) de Staline sans état d'âme (Molotov, Kliment Vorochilov, Boudienny, Grigory Ordjonikidze, Kirov, Iagoda, Iejov, etc.). Par ailleurs, s'il est certain aujourd'hui que Staline est responsable de la mort de plus de communistes qu'aucun dictateur anticommuniste au monde (même Hitler a, comparativement, tué moins de dirigeants du KPD), la thématique faisant des communistes les « premières victimes de Staline » est relativisée fortement. Nicolas Werth montre ainsi que 94 % des victimes des Grandes Purges de 1937-1939 n'étaient pas communistes. Enfin, aujourd'hui, le jugement du peuple russe, pourtant parmi les premiers à avoir souffert des méfaits de Staline, est loin d'être unanime. Ainsi, un sondage[56] réalisé par l'institut Youri Levada en mai 2006 révèle que les avis favorables et défavorables des Russes envers la personnalité de dirigeant de Joseph Staline s'équilibrent à peu près (différence des pourcentages favorables moins défavorables égale à -2). Si l'on compare au même jugement porté par exemple sur Mikhaïl Gorbatchev (-24), on constate une forte inversion par rapport au jugement généralement porté par l'Occident. L'écrivain Alexandre Zinoviev est passé d'une critique sans concession du stalinisme à une critique non moins mordante de l'antistalinisme.

Bilan des assassinats de masse et déportations commis sous Staline

À gauche : lettre de Beria à Staline en janvier 1940, demandant l'execution de 346 ennemis du peuple Au milieu : note de Staline : "за" (approbation). À droite : la décision du politburo signée par Staline.

La déportation continue de centaines de milliers d'opposants réels ou supposés, les emprisonnements arbitraires, et l'interdiction de toute contestation de la personne de Staline sont emblématiques de la période 1922-1953. L'historienne Anne Applebaum estime que 18 millions de Soviétiques ont connu le Goulag sous Staline et six autres millions l'exil forcé au-delà de l'Oural ; un à deux millions de personnes y décédèrent. En tout, un Soviétique adulte sur cinq connut le Goulag de par la politique stalinienne[57] . Des gens disparurent pour avoir mal orthographié le


Joseph Staline nom de Staline ou pour avoir enveloppé un pot de fleurs avec une page de journal comprenant sa photo. On distingue cependant plusieurs épisodes marquants : 1930-1932 : « déportation-abandon » (Nicolas Werth) de deux millions de koulaks au-delà de l'Oural, où ils sont laissés à eux-mêmes sans les moindres structures ni habitations pour les accueillir. Beaucoup périrent de faim et de dénuement. 1932-1933 : résultante de la collectivisation forcée des terres, la famine ravage les riches terres à blé ukrainiennes, et fait entre 4,5 et 7 millions de morts. Si l'Holodomor n'est pas le génocide que certains ont voulu voir (les Ukrainiens sont même surreprésentés au Parti et dans l'entourage de Staline), Staline a refusé d'écouter les avertissements nombreux qui lui parvenaient, et qui démontraient que la poursuite des collectes forcées conduirait au désastre[58] . Il a nié l'existence même de la famine. Cependant, selon certains chercheurs (notamment Mark Tauger ou Stephen Wheatcroft), les exportations soviétiques en 1932 et 1933 étaient inférieures à deux millions de tonnes, soit moins que la moyenne des années précédentes et suivantes. Pour eux, la famine est due à une très mauvaise récolte en 1932 et à l’abandon partiel des populations par le régime. La famine était probablement évitable, mais Staline semble l'avoir laissé se produire plus qu'il ne l'a délibérément organisée. 1937-1938 : les Grandes Purges conduisent à l'exécution de 750000 personnes et à l'envoi au Goulag d'un nombre à peu près équivalent. De nombreuses minorités frontalières sont aussi déplacées de force, comme les 170000 Coréens qui se retrouvent en Asie centrale, ou de très nombreux Baltes et Polonais. À l'été 1937, Staline lève personnellement l'interdiction de la torture dans les prisons, et ne la rétablit que fin 1938. Staline a personnellement signé 383 listes de condamnations à mort collectives représentant un total de 44000 individus. Rayant tout au plus un nom de temps à autres, quelques mots en marge voire un simple signe d'approbation lui suffisait pour mettre fin en bloc et sans appel à plusieurs centaines d'existences. Dans la soirée du 25 novembre 1938, il signe ainsi avec Molotov l'arrêt de mort de 3173 personnes, un record, puis va voir un film avec lui. 1939-1941 : dans la partie orientale de la Pologne (revenue à l'URSS à la suite du pacte germano-soviétique), 2 millions de personnes sont déportées par trains entiers de septembre 1939 au 22 juin 1941. Des centaines de milliers de ces déportés périrent soit dans les trains, soit dans les camps de Russie septentrionale, de Sibérie ou du Kazakhstan, où beaucoup succombèrent au froid ou à la faim. En mars 1940 y a lieu le massacre de Katyń : 14736 officiers et fonctionnaires polonais ainsi que 10685 de leurs concitoyens déjà détenus par le NKVD sont exécutés dans la forêt de Katyn (près de Smolensk), sur ordre de Staline et en raison de leur statut social dans la société polonaise. Katyn ne fut d'ailleurs pas un lieu d'exécution spécifiquement réservé aux Polonais[59] . En 1944, déportation en six jours de l'ensemble du peuple tchétchène, soit 600000 personnes, en Sibérie orientale, ainsi que d'autres peuples Allemands de la Volga (en 1941), Tatars de Crimée, Kalmouks, Coréens de Vladivostok (avant 1944) ; ou en partie : Ukrainiens, Estoniens, Lettons, Lituaniens). Un consensus semble se dessiner parmi plusieurs historiens pour estimer que quelques 20 à 30 millions de soviétiques seraient morts de manière non naturelle sous le régime stalinien, victimes directes de la Seconde Guerre mondiale exclues[60] .

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Famille La mère de Staline meurt en 1937. Staline ne vint pas aux funérailles, mais envoya une couronne. Il a eu deux épouses : Ekaterina Svanidze et Nadejda Alliloueva-Staline. On lui a aussi parfois prêté une maîtresse ou épouse nommée Rosa Kaganovitch, présentée comme sœur de Lazare Kaganovitch[61] . Néanmoins, une telle relation a été niée par Svetlana Allilouïeva[62] . La famille Kaganovitch a également démenti l’existence de cette Rosa[63] . • La première femme de Staline, Ekaterina Svanidze, dite « Kato », meurt du typhus en 1907, quatre ans seulement après leur mariage. À ses funérailles, Staline aurait confié à un ami que tout sentiment chaleureux qu'il avait eu pour le peuple était mort avec elle, car elle seule pouvait soigner son cœur. Pendant les Grandes Purges, la belle-famille de Staline, après avoir partagé des années son quotidien au Kremlin, est arrêtée puis exécutée avec son accord : Aliocha Svanidze et sa femme Maria Svanidze seront fusillés en 1941. Kato avait eu un fils, Iakov Djougachvili, que Staline ne vit pas avant son adolescence. L'attitude de Iakov était insupportable aux yeux de Staline, qui n'éprouvait que du mépris et de la colère envers lui[64] . Iakov tenta même de se suicider avec une arme à feu à cause de l'incroyable dureté de son père envers lui, mais il survécut. Après cet épisode, Staline se contenta de déclarer : « Il ne peut même pas tirer droit ». Iakov servit dans l'Armée rouge et fut capturé par les Allemands en juillet 1941. En vertu de ses dispositions répressives contre les prisonniers, considérés comme des traîtres et qui exposaient leurs familles à des représailles, Staline fit arrêter quelque temps la jeune femme de son fils. En 1943, Staline refusa de l'échanger contre le Maréchal Friedrich Paulus, capturé par l'Armée rouge lors de la bataille de Stalingrad : « un lieutenant ne vaut pas un général », aurait-il dit ; selon d'autres sources, il aurait répondu à cette offre « je n'ai pas de fils ». Le rapport officiel indique que Iakov s'est suicidé en se jetant contre une barrière électrique du camp de concentration de Sachsenhausen. Si les circonstances exactes de sa mort n'ont pas été toutes élucidées, la thèse du suicide n'est cependant guère controversée. • La seconde femme de Staline, Nadejda Alliloueva-Staline, meurt le 9 novembre 1932. Elle se suicida au moyen d'une arme à feu (une balle dans le cœur) après une querelle avec Staline, laissant une lettre qui selon sa fille était « en partie personnelle, en partie politique ». Officiellement, elle mourut de maladie. Le dossier médical de Nadia, disponible aujourd'hui, révèle qu'elle souffrait de dépression et de solitude, son mari n'ayant plus guère de temps libre à lui consacrer. Militante bolchévique fervente, et bien que des amis fréquentés à l'université l'aient mise au courant des horreurs de la dékoulakisation et de la famine sévissant en Ukraine, il n'est plus certain aujourd'hui qu'une opposition à la politique de son mari ait été la raison principale de son suicide, comme on le supposait traditionnellement[65] . Le couple avait deux enfants : un fils, Vassili, et une fille, Svetlana Allilouieva. Choqué par le suicide de sa mère (il avait 13 ans), et marqué par son enfance très particulière dans un foyer familial que gardaient les agents du NKVD, Vassili fut un adolescent dissolu et fugueur, travaillant mal à l'école puis s'adonnant vite à l'alcoolisme. Il s'éleva dans les rangs de l'armée de l'air soviétique où son père l'avait poussé à s'engager, bien que Vassili n'avait pas de réel intérêt à intégrer les forces aériennes de l'armée rouge[66] . Il se battit — plutôt bien — pendant la guerre et grâce à son père obtint d'importantes promotions. À la mort de son père, Vassili fut interné quelque temps par Beria[66] . Il mourut officiellement d'alcoolisme en 1962 ; ce point est cependant parfois débattu. Svetlana eut une relation privilégiée avec son père, celui-ci étant très attentionné vis-à-vis d'elle pendant son enfance, au contraire des sentiments qu'il manifestait envers ses fils. Les amis qu'eut Svetlana en grandissant étant pour certains d'origine juive, ce qui put confirmer Staline dans son idée d'infiltration de son entourage par les milieux sionistes. En 1943, il l'oblige à rompre sa relation avec un Israélite, Kapler, certes de 24 ans plus âgé qu'elle, et envoie celui-ci au goulag. Conséquence de la dégradation croissante de leurs relations personnelles, Svetlana critiquera durement la politique de l'État et donc de son propre père après la fin de l'ère stalinienne[67] .

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Joseph Staline Une descendance de Staline subsiste aujourd'hui[68] . En mars 2001, la chaîne russe privée NTV découvrit un petit-fils auparavant inconnu vivant à Novokouznetsk. Iouri Davydov raconta à la NTV que son père l'avait informé de son lignage mais, parce que la campagne contre le culte de la personnalité de Staline était à son apogée, lui avait dit de se taire. L'écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne avait effectivement mentionné l'existence d'un fils de Staline né en 1918 durant l'exil de Staline en Sibérie du nord.

Vie privée et personnalité « Tout petit, cauteleux, peu sûr de lui, cruel, nocturne et d'une méfiance perpétuelle, Staline paraît tout droit sortir de la Vie des douze César de Suétone, plutôt qu'appartenir à la vie politique moderne. » C'est ainsi que l'historien Eric Hobsbawm présente Staline dans son livre consacré à l'histoire du « court vingtième siècle »[69] . Staline n'a quitté la Russie qu'exceptionnellement et ne connaissait que le géorgien et le russe. Après 1929, il vit cloîtré au Kremlin, dirigeant invisible qu'on ne voit en public qu'à de rares occasions. Son temps s'écoule entre son bureau et sa datcha de Kountsevo près de la capitale, avec l'été des vacances à Sotchi au bord de la mer Noire. Staline vit en décalage temporel, utilisant la soirée et la nuit pour travailler — puis festoyer avec ses courtisans[70] — se couchant à l'aube et se levant l'après-midi. Il impose dès lors son rythme d'existence à ses proches collaborateurs, et de là à d'innombrables fonctionnaires de Moscou et d'URSS, à tous les échelons. Soucieux de tout contrôler dans les moindres détails, il pratique l'intervention directe dans des affaires de tout degré d'importance. Le moindre général au front, le moindre directeur d'usine ou de kolkhoze, le moindre écrivain pouvait un jour entendre son téléphone sonner avec Staline en personne au bout du fil. La moindre lettre de citoyen soviétique, la moindre demande d'aide — ou la moindre dénonciation — pouvait obtenir une réponse manuscrite de Staline en personne, ce qui contribuait à renforcer l'image d'un dirigeant omnipotent et proche des gens, mais aussi à tenir en inquiétude les responsables de tout ordre. Bourreau de travail, Staline avait conservé de son passé de conspirateur une mémoire prodigieuse et travaillait fréquemment jusqu'à 16 heures par jour. Dévoré de la passion du pouvoir, il mène un train de vie spartiate et n'a jamais semblé intéressé par le luxe et l'argent que ce pouvoir absolu pouvait lui offrir. S'il saoule fréquemment son entourage au cours de nuits festives parfois quasi-orgiaques, lui-même reste en réalité fort sobre et se sert de ces banquets comme moyen de contrôle politique, l'alcool déliant les langues. Ainsi, en 1935, le diplomate français Alexis Léger, secrétaire général du Quai d'Orsay, alors présent à Moscou avec Pierre Laval, le président du Conseil français, constate que Staline se fait verser de la vodka depuis un carafon personnel qui, en réalité, contient de l'eau. Les travaux récents ont fait justice de la représentation traditionnelle d'un Staline grossier et inculte, terrorisant ses proches à coup de colères menaçantes. Comme le montre notamment la synthèse récente de Simon Sebag Montefiore[71] , la « plus éminente médiocrité du Parti » (dixit Trotski) était en réalité un autodidacte passionné et un dévoreur de livres. Sa bibliothèque comportait 20000 volumes dont beaucoup soigneusement annotés et fichés. Il possédait tous les ouvrages de référence du marxisme, mais aussi toutes les œuvres de ses ennemis tels Trotski ou Souvarine. Il connaissait tous les grands classiques géorgiens, russes et européens. Il appréciait le ballet et la musique, allant revoir une vingtaine de fois incognito Le Lac des Cygnes. Tel jadis le tsar Nicolas Ier censurant en personne Alexandre Pouchkine, il lisait lui-même de nombreux manuscrits de poètes et romanciers, et visionnait pratiquement tous les films (il raffolait des westerns et des films policiers américains et était un admirateur de Spencer Tracy et Clark Gable[72] ) qui sortaient en URSS. S'il fit éliminer sans états d'âme tous les écrivains qui avaient un jour pu le critiquer (Boris Pilniak, Ossip Mandelstam, Isaac Babel, etc.) il laissa vivre Mikhaïl Boulgakov, ou Boris Pasternak qu'il jugeait un « doux rêveur » inoffensif, et se limita à brimer Anna Akhmatova. L'ouvrage de Montefiore, appuyé sur une masse de nouveaux documents et témoignages, démontre aussi la part d'humanité troublante que l'un des pires despotes du XXe siècle pouvait conserver. Comme le décrit l'historien britannique, le même homme qui détruisit froidement des millions d'existences savait aussi être un très bon mari sincèrement accablé par l'énigmatique suicide de sa femme, un père attentionné et un ami chaleureux. Surtout jusqu'aux Grandes Purges de 1937, il règne sur son entourage plus par ses capacités de charme que par ses colères ou

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Joseph Staline la terreur qu'il inspirera surtout sur la fin. Ni fou ni paranoïaque, Staline suit toujours une réelle rationalité politique même dans ses plans répressifs ou son appui aux théories les plus démentes (lyssenkisme, réalisme socialiste dans l'art) pour peu qu'ils puissent renforcer son pouvoir.

Notes et références [1] Quoiqu'il y ait des informations contradictoires dans les sources au sujet de la date de naissance de Staline, le registre des naissances de l'église Ouspensky à Gori mentionne la naissance de Iossif Djougachvili le 18 décembre 1878 (6 décembre en calendrier julien) (http:/ / state. rin. ru/ cgi-bin/ persona_e. pl?id=4140& id_subcat=6& r=8). Cette date est également mentionnée sur son diplôme scolaire, sa fiche signalétique de la police tsariste, un procès verbal d'une arrestation datée du 18 avril 1902 où il affirme avoir 23 ans, ainsi que dans tous les documents pré-révolutionnaires existants. Staline lui-même mentionne le 18 décembre 1878 dans un curriculum vitae rédigé de sa main en 1921. Cependant, à partir de 1922, cette date de naissance est changée pour le 21 décembre 1879 (9 décembre en calendrier julien), date à laquelle sera fêté son anniversaire en Union soviétique. Le dramaturge Edvard Radzinsky suggère que ce changement fut opéré afin que la célébration du 50e anniversaire de Staline puisse se dérouler à travers tout le pays, mais qu'en 1928 son pouvoir n'était pas encore suffisamment assis pour ce faire. Dans son ouvrage Staline (éd.Fayard, 2001), l'historien Jean-Jacques Marie montre en revanche qu'il avait déjà modifié sa date de naissance bien avant 1914. [2] Henry Rousso, Nicolas Werth, Stalinisme et nazisme, histoire et mémoires comparées (http:/ / books. google. fr/ books?id=SzUUNUTAn1MC& pg=PA61& dq=staline+ dictature& cd=2#v=onepage& q=staline dictature& f=false), Editions Complexe, 1999, p. 61 [3] Robert Conquest, The Great Terror: A Reassessment, 40th Anniversary Edition, Oxford University Press, 2007, in Preface, p. xvi: "Exact numbers may never be known with complete certainty, but the total of deaths caused by the whole range of Soviet regime's terrors can hardly be lower than some fifteen million." [4] Archie Brown, The Rise and fall of communism, Vintage Books, 2009, pages 493-494 [5] Nicolas Werth, La Leçon d'histoire de Vladimir Poutine, L'Histoire, n°324, octobre 2007 [6] La paternité discutée de Vissarion est étudiée dans Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline, p. 57. [7] Son inscription remonterait aux alentours du 15 août 1894 (>Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline,p. 86) [8] Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline,p. 89 [9] Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline, p. 100 [10] Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline, p. 98 [11] Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline, p. 103 [12] Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline, p. 108 [13] Koba (Ours) : héros du Patricide, roman de de l'écrivain géorgien Alexandre Kazebegui, qui a une forte influence sur Staline, qui l'avait découvert au séminaire (JS Montefiore, Le jeune Staline, p. 99). [14] Le 13 juin 1907 (calendrier julien), plus de 40 personnes sont tuées lors de l'attaque de la banque d'État de Tbilissi. (Simon Sebag Montefiore, Le jeune Staline, p. 31, (en) « prologue : the bank-robbery » (http:/ / www. simonsebagmontefiore. com/ Young-Stalin-Extract. pdf), p. 10, et la recension d'Andrew Nagorski, « (en) New Stalin, Old Stalin, Same Stalin (http:/ / www. newsweek. com/ id/ 62037?tid=relatedcl) », Newsweek, 25 octobre 2007. [15] Dominique Venner, Le Siècle de 1914 : utopies, guerres et révolutions en Europe au XXe siècle, Pygmalion, 2006, 408 pages, p. 125 (ISBN 2857048327). [16] Stéphane Courtois, « Comment comprendre Staline (http:/ / www. asmp. fr/ travaux/ communications/ 2003/ courtois. htm) », Académie des sciences morales et politiques, séance du lundi 24 février 2003. [17] Jean Benoît, Staline, Resma, 1969, 301 pages, p. 46, qui précise qu'un « autre eut pour théâtre le vapeur Nicolas-II, ancré à Bakou » et que « le vrai rôle de Staline dans ces coups de force fut longtemps dissimulé ». [18] Chronique de Joseph Staline, Éditions Chroniques, 1995. [19] Pierre Broué, Trotski, Fayard, 1986, p. 260-261. [20] Sur la naissance du groupe de Tsaritsyne et son importance cruciale par la suite, Pierre Broué, ibidem, p. 261. Sur les liens personnels de Staline avec la police politique, Simon Sebag Montefiore, Staline, la cour du tsar rouge, Éd. des Syrtes, 2005, passim. [21] Sur cette « plébéinaisation du Parti » et son rôle dans l'ascension de Staline, Marc Ferro, Naissance et effondrement du régime soviétique, Hachette Pluriel, 1997. [22] Post-scriptum du Testament de Lénine (http:/ / marxists. org/ francais/ rosmer/ works/ msl/ msl00c. htm) (4 janvier 1923) [23] Boris Souvarine, dans sa biographie pionnière de Staline, utilise longuement le concept d'« oligarchie » dirigeante pour décrire le régime bolchevique né dès la révolution d'Octobre, auquel Staline substitue son pouvoir personnel en s'appuyant sur la bureaucratie née par la suite. Staline. Aperçu historique du bolchevisme, Plon, 1935. [24] L'agent du NKVD Krivitsky, passé à l'Ouest à la fin des années 1930, a appris à Boris Souvarine que telle était la dénomination méprisante dont Staline affublait en privé la IIIe Internationale. Cf. Sophie Cœuré, La Grande lueur à l'Est. Les Français et la révolution russe 1917-1939 Seuil, 1998. [25] Le chiffre de six millions de morts semble cependant être plus proche de la réalité.

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Joseph Staline [26] Sergueï Skliarov, « Grande Famine : un silence de mort à Moscou » dans Nezavissimaïa Gazeta, cité dans Courrier international du 23 novembre 2007, [27] Nicolas Werth, « Un État contre son peuple », in Le Livre Noir du Communisme, Robert Laffont, 1997. [28] Oleg Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin, Seuil, 1996. [29] Sur le Ier plan, Allessandro Monigli, Staline et le Stalinisme, Casterman, 1995. [30] Selon Jean-Jacques Marie, Staline, op. cit. Les vrais résultats furent dissimulés et Staline officiellement réélu avec seulement trois bulletins contre lui. La commission de dépouillement fut presque intégralement assassinée pendant les Grandes Purges. [31] Nombreux exemples de la relative distanciation que ses premiers fidèles conservaient envers Staline et son culte dans Simon Sebag Montefiore, Staline. La Cour du Tsar Rouge, op. cit., ou encore Oleg Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin, op. cit. [32] Voir l'étude historique La Danĝera Lingvo d'Ulrich Lins [33] Ces mécanismes et objectifs de la Grande Terreur ont été analysés par Oleg Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin, op. cit., ou encore par Nicolas Werth, La terreur et le désarroi. Staline et son système, Perrin, 2007. [34] Anne Applebaum, Goulag, une histoire, Grasset, 2003. Voir aussi Robert Conquest, La Grande Terreur, Robert Laffont, 1977. [35] Anne Applebaum, Goulag, Grasset, 2005. [36] Oleg Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin, op. cit., détaille longuement le conflit Staline-Ordjonikidzé. [37] Simon S. Montefiore, Staline. La Cour du Tsar Rouge, op. cit. [38] Pierre Broué, Histoire de la IIIe Internationale, Paris, Fayard, 1999, en particulier le chapitre : « Ils ont livré la citadelle ». [39] Bartolomé Bennassar, La Guerre d'Espagne et ses lendemains, Perrin, 2004. Voir aussi Pierre Broué, Staline et la révolution : le cas espagnol, Fayard, 1996. [40] Jean-Jacques Marie, Staline, Fayard, 2001. [41] Churchill écrit à ce sujet : « L'offre des Soviétiques fut de fait ignorée. Il ne furent pas mis à peser sur la balance contre Hitler et furent traités avec une indifférence, pour ne pas dire un dédain, qui marqua l'esprit de Staline. Les événements se déroulèrent comme si la Russie soviétique n'existait pas. Nous avons après-coup terriblement payé pour cela. » (The Second World War, vol. 1, p. 104). [42] Les déportations massives et brutales sont décrites par Anne Applebaum, Goulag, op. cit. [43] Jean-Jacques Marie, Staline, op. cit., ou encore Simon S. Montefiore, Staline, La Cour du Tsar Rouge, op. cit., décrivent avec précision les faits et gestes de Staline durant les premières heures et les premiers jours de l'invasion. [44] Anthony Beevor, Stalingrad, Le Livre de Poche, 2003, et le film de Jean-Jacques Annaud du même nom qui en est inspiré. Aussi Montefiore, La Cour du Tsar Rouge, op. cit. [45] Jean-Jacques Marie, Peuples déportés d'Union Soviétique, Casterman, 1996. [46] Alexandra Kwiatkowska Viatteau, 1944, Varsovie insurgée, Complexes, 1984. [47] Arkadi Vaksberg, Staline et les Juifs, Robert Laffont, 2003. [48] en français, la traduction la plus courante est « Petit père des peuples », avec un diminutif, la même que pour les tsars, qu'on appelait littéralement Tsar-petit-père en russe. [49] Roy Medvedev, Le Stalinisme, 1971 [50] Jean-Jacques Marie, Les Derniers Complots de Staline, Complexe, 1997. [51] L'Histoire en questions (http:/ / www. histoire-en-questions. fr/ personnages/ stalinemort. html) [52] Winston Churchill, discours du 21 décembre 1959 à l'occasion du 80e anniversaire de la naissance de Staline. [53] Quelques exemples donnés dans Jean-Jacques Marie, Staline, Fayard, 2001. [54] Voir Tamara Kondratieva, Bolcheviks et jacobins, Payot, 1989, sur la façon dont les acteurs de la révolution d'Octobre ont interprété son évolution au prisme du précédent de la Grande Révolution. [55] Staline. Aperçu historique du bolchevisme, Plon, 1935. [56] Comment les Russes jugent ceux qui ont dirigé leur pays au XXe siècle (http:/ / fr. rian. ru/ russia/ 20060511/ 47976094. html) [57] Goulag, une histoire, tr. Grasset, 2005 [58] Voir par exemple la correspondance entre l'écrivain Mikhaïl Cholokhov et Staline, publiée par Nicolas Werth dans Le Livre noir du Communisme, p. 193. [59] C'est en 1928 que la forêt de Katyn a été allouée au commissariat du Peuple aux Affaires intérieures. Le NKVD y dispose d'une spacieuse datcha de repos près des rives du Dniepr. Les 100 hectares qui l'entourent vont devenir, au fil des années de terreur stalinienne, un gigantesque ossuaire. 300 fosses communes y ont été creusées. Plus de 8000 Russes et ressortissants de l'Union soviétique y ont été ensevelis par le NKVD. [60] (en) Twentieth Century Atlas - Death Tolls (http:/ / users. erols. com/ mwhite28/ warstat1. htm#Stalin) [61] Life, 1er janvier 1945 lire en ligne (http:/ / books. google. com/ books?id=VFMEAAAAMBAJ& pg=PA65& lpg=PA65& dq=rosa+ kaganovitch& source=bl& ots=EE0eVubEZ0& sig=b20ur9N7eSwhSEeUJWrRJpgwpZg& hl=fr& ei=s7M0S-_JKY3s7AOcrMyHBg& sa=X& oi=book_result& ct=result& resnum=4& ved=0CBUQ6AEwAzgo#v=onepage& q=rosa kaganovitch& f=false) [62] Svetlana Alliluyeva Only One Year Harper & Row, c1969, p. 382 [63] Lettre de la famille Kaganovitch au journal Nedyelya No5, 1991 - site de la revue Revolutionary Democracy (http:/ / www. revolutionarydemocracy. org/ rdv1n2/ kaganfam. htm) [64] Jean-Jacques Marie, Staline [65] Sur le suicide de Nadia, l'ensemble du début du livre de Simon Sebag Montefiore, Staline. La Cour du Tsar Rouge, Éd. des Syrtes, 2005, le plus complet aussi sur la vie et la mort des autres membres de sa famille.

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Joseph Staline [66] Staline, Jean-Jacques Marie, Fayard 2001 [67] Jean-Jacques Marie, Staline, Fayard, 2001. [68] En particulier un petit-fils, Evgueni Djougachvili, colonel en retraite, qui s'est manifesté en juillet 2009 en assignant un journal de Moscou auquel il reproche d'offenser la mémoire de son grand-père en affirmant qu'il a ordonné en 1939 l'exécution des officiers polonais prisonniers à Katyn. Evgueni Djougachvili, le petit-fils de Staline offensé (http:/ / www. liberation. fr/ monde/ 0101583349-evgueni-djougachvili-le-pe) [69] Eric Hobsbawm, L'Âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, 1914-1991, Complexe, 2003, p. 504. [70] Simon Sebag Montefiore, Staline - La cour du tsar rouge, Éditions des Syrtes, 2005, p. 23, parle de « banquets impériaux ». [71] Staline. La Cour du Tsar Rouge [72] Cité dans Le fantôme de Staline de Vladimir Fédorovski, éditions du Livre de Poche, p. 104

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Sources et contributeurs de l’article Adolf Hitler Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=64119463 Contributeurs: 0000, 307sw136, ?renommé20080528814, A.D.O.L.F. 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