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Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 60 Juillet/Août/Septembre 2017

Oscar Wilde par Marlène Dumas


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm

et les numéros 42 à 55 ici.


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1 – Éditorial La consigne de Victoria Station

Il y a, dans la plus éblouissante pièce de Wilde « The importance of being Earnest » l’anecdote fameuse du sac de voyage contenant le bébé échangé par erreur avec le roman en trois volumes composé par la gouvernante, Miss Prism, et laissé en consigne à la gare de Victoria. On peut dès lors suggérer que ce célèbre « handbag» oublié en consigne, devient en quelque sorte le métonyme de tous les enfants perdus, illégitimes, abandonnés, élevés sans père (et parfois sans mère), si nombreux dans l’œuvre de Wilde. Et pas seulement dans son œuvre, mais dans la famille même de Wilde.


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Il est intéressant de voir combien, dans un milieu artiste et bohême, mais disposant d’une position sociale enviable, les enfants, pour la plupart, se trouvent en position instable, soit qu’ils soient de naissance mystérieuse et donc suspecte, soit qu’ils soient déracinés, exilés, ostracisés, ou encore qu’ils soient mal aimés, poussés à une existence marginale qui finira mal. Avant même la naissance d’Oscar, le désordre préside à sa généalogie. Le futur père d’Oscar, le docteur Wilde, nonobstant ses nombreuses qualités intellectuelles et humaines, est un fieffé coureur de jupons qui sème partout des enfants illégitimes. « Partout » est sans doute un terme excessif, mais on lui en connait au moins trois - un garçon et deux filles - nés probablement de deux mères différentes. William Wilde, s’il n’épousa aucune des deux mères, dont on ignore d’ailleurs totalement l’identité, se conduisit cependant en honnête homme, en assurant l’éducation des trois petits. Il confia les deux sœurs à son frère, le révérend Ralph Wilde, et fit faire des études de médecine au garçon, qu’il prit ensuite à l’Hôpital St Mark, dont il était le fondateur, pour travailler sous son égide, avant qu’il ne devienne son successeur. Cependant, l’accomplissement de son devoir ne poussa pas le docteur Wilde à reconnaître officiellement ses enfants, qui restèrent constamment dans une position difficile vis-à-vis d’une société victorienne sourcilleuse sur les valeurs morales et familiales. Peut-être la situation était-elle encore plus périlleuse pour les deux filles, Emily et Mary, que pour leur frère, Henry Wilson, quand on sait combien il était important pour les jeunes-filles de cette époque de trouver un bon parti. Comment, quand on traîne derrière soi une naissance entachée par de


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lourds secrets de famille, peut-on espérer faire un beau mariage et avoir une vie de famille accomplie ? Le destin leur évita d’affronter ce problème, puisqu’elles moururent toutes deux jeunes, et de façon tragique, brûlées dans leur robe de bal. Deux jeunes filles sacrifiées, dont la pierre tombale ne portait pas même leurs vrais noms. Henry Wilson, quant à lui, ne se maria pas. Cela lui évita les questionnaires gênants comme celui que Lady Bracknell fait subir à Jack Worthing qui prétend épouser sa fille Gwendolen. -« Vos parents sont toujours en vie ? - J’ai perdu mes deux parents. - Tous les deux ? Perdre un parent peut être considéré comme un malheur… en perdre deux s’apparente à de la négligence. C’est pourtant ce qui va arriver à Cyril et Vyvyan, les fils d’Oscar Wilde, enfants d’abord choyés et heureux, puis arrachés à leur école, jetés hors de leur maison, hors de leur pays, avec la honte au ventre, parce qu’ils pressentent qu’il se passe quelque chose de terrible, qu’ils n’ont plus le droit de porter leur nom, et qu’ils sont devenus des exilés, des enfants errants, brusquement privés de père et de repaires. Ballotés, déchus, frappés par le même anathème, et bientôt séparés de leur mère qui meurt, solitaire, alors qu’ils n’ont que douze et treize ans. Leur père, qu’est-il devenu ? Ils ne le savent pas. D’ailleurs, très vite, ils le croient mort. Leur famille maternelle le leur a fait croire. C’est plus facile d’effacer d’un trait de la carte des vivants un homme qui gêne, qui encombre avec sa monstrueuse indignité. Voici donc Cyril et Vyvyan orphelins. Du moins, ils le croient. De toute façon, qu’estce que ça change : ils ne reverront jamais leur père. Leur vie


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dorée a déraillé sur le mauvais aiguillage, les laissant en rade, à la consigne d’une gare où les trains n’arrivent nulle part. Leur jeune tante Isola n’a pas eu plus de chance. La bonne étoile sous laquelle elle était née – enfant ardemment désirée par des parents adorants, deux frères intelligents et aimants – vacille en haut du ciel et s’éteint très vite. En convalescence chez un oncle et une tante, elle est seule quand la maladie l’emporte, au sens où ses proches ne sont pas là. Ses parents, prévenus de son état critique, n’ont pas eu le temps d’arriver. S’est-elle sentie abandonnée, elle aussi, dans une maison étrangère, où ceux qu’elle aime sont absents ? Son père, sa mère, Willie et Oscar, qui l’ont toujours entourée, qui ont toujours veillé sur elle, sont à Dublin, loin d’elle, qui se meurt, petite fée blonde, gracieuse et gracile, arrêtée en plein vol, et dont l’image émouvante suivra Oscar jusqu’au bout de sa nuit. Une autre des descendantes Wilde, Dorothy Ierne, dite Dolly, la fille de Willie, est elle aussi une enfant perdue. De sa seconde femme Lily Lees, le frère ainé d’Oscar n’a eu qu’une fille, née quand Oscar était en prison (c’est d’ailleurs lui qui a payé les frais de l’accouchement). Son père est un alcoolique, un homme qui a raté sa vie, et il meurt alors que l’enfant est encore en bas âge. Dolly ne connaîtra pas son père. Esprit brillant, elle n’exploitera pas ses dons et mènera une vie marginale et décousue. En exil à Paris, amoureuse de la poétesse Nathalie Barney avec laquelle elle a une liaison, mais qui lui préfère Romaine Brooks et Djuna Barnes, elle finira sa vie seule, à Londres, minée par la drogue et par un cancer qu’elle n’a pas voulu soigner. Il se peut qu’elle se


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soit suicidée. Elle avait quarante-six ans, le même âge de son père et que son oncle Oscar au moment de leur disparition. Dernière existence extravagante et instable, celle d’Arthur Cravan, né Fabian Lloyd. C’est une branche rapportée de la famille, une branche collatérale. Aucun sang Wilde ne court dans ses veines (même s’il a pu prétendre parfois qu’Oscar était son véritable père). Mais il est le fils du frère de Constance, et donc le neveu par alliance d’Oscar Wilde. Dans son enfance, il est le malaimé, le vilain petit canard, auquel on préfère le frère Otho (il porte le prénom de son père). Il ne s’entend pas avec sa famille qu’il quitte très tôt pour mener à Paris une vie de bric et de broc. C’est un homme flamboyant, extrêmement doué, mais outrancier, bagarreur, invivable. Boxeur, poète, ami des surréalistes, il ne tient pas en place, créé scandale sur scandale par ses constantes provocations. Au moment où il semble avoir trouvé un peu de stabilité, où sa femme, la poétesse Mina Loy attend leur premier enfant, il disparait, sans doute noyé, perdu en mer, au large des côtes mexicaines. On n’a jamais retrouvé son corps et sa mort reste mystérieuse, au point que certains prétendront l’avoir revu vivant en différents points du monde. Sa fille Fabienne sera elle aussi une enfant sans père. C’est ainsi qu’une famille aisée, douée de tous les dons, bien assise socialement et pourvue de multiples talents, qui était faite pour croître et prospérer, s’est désagrégée peu à peu, comme coupée à la racine, laissant, derrière elle des enfants au destin funeste, la plupart sans descendance. Seul, Vyvyan, le second fils d’Oscar fera souche, avec la naissance de son fils Merlin, qui aura lui-même un fils. Seul, Vyvyan brisera la malédiction qui avait fait


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des enfants Wilde des enfants perdus, comme le fut par un malheureux concours de circonstances, le petit Jack Worthing, abandonné dans un sac de voyage, à la consigne de Victoria Station. Danielle Guérin-Rose


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2 – Publications

Oscar Wilde – Canterville’s ghost Folio Junior – juin 2017 Folio junior, version originale ISBN 978-2075085304 Gyles Brandreth – Oscar Wilde et l’assassin de la Tamise Terra Nova – Août 2017 ISBN 978-2824610405 Mathieu Metayer – Une lecture maçonnique du Portrait de Dorian Gray. Dervy éditions – mai 2017 FM Essais ISBN 978 1024201918

Et ailleurs…


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Gyles Brandreth – Jack the Ripper – Case Closed Corsair – juin 2017 ISBN - 978-1472152329 La dernière en date des aventures d’Oscar Wilde détective.


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3- Expositions Queer British Art – 1861 – 1967

Nous revenons sur cette exposition, la première consacrée à Londres à l’art LGBT, bien que nous l’ayons déjà annoncée dans le numéro précédent, pour préciser qu’y siège en bonne place le portrait en pied d’Oscar Wilde peint par Robert Harper Pennington, œuvre qu’on a pu également admirer lors de l’exposition parisienne du Petit Palais. Ce portrait était un cadeau de mariage de Constance et il trônait au-dessus de la cheminée de leur maison de Tite-Street. Mais Wilde avait été obligé de le vendre pour payer ses dettes au moment du procès. À côté, on trouve la porte de la cellule qu’occupait Wilde à Reading.


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5 avril au 1er octobre 2017 Tate Gallery – Londres

Parallèlement à cette exposition, la National Portrait Gallery expose deux œuvres de Marlène Dumas, une artiste sud-africaine qui vit et travaille à Amsterdam. Il s’agit de deux portraits à l’huile, l’un de Bosie et l’autre de Wilde, qui avaient été montrés pour la première fois dans l’exposition Artangel de Reading en 2016 : Inside: Artists and Writers in Reading Prison.


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Les deux œuvres ont été prêtées à la National Portrait Gallery pour célébrer le cinquantième anniversaire de la décriminilisation partielle de l’homosexualité masculine en Angleterre et au Pays de Galles. La Gallery possédait déjà des photographies des deux modèles, mais aucune peinture à l’huile.

Marlene Dumas: Oscar Wilde and Bosie 29 mars au 30 octobre 2017 Victorian Galleries – National Portrait Gallery - Londres


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4. Opéra et Musiques,

Dorian Gray Un désir de jeunesse éternelle

The importance of being Earnest Cet été, à Vadstena, en Suède, sera créé un nouvel opéra basé sur le chef d’œuvre théâtral d’Oscar Wilde : « The Importance of being Earnest » - Musique de B. Tommy Anderson. Livret de William Relton. Avec Ingrid Tobiasson dans le rôle de Lady Bracknell.


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Direction musicale : B. Tommy Anderson Avec : Sebastian Durán

Jack

Hannes Öberg

Algernon

Ingrid Tobiasson

Lady Bracknell

Francine Vis

Gwendolen

Vivianne Holmberg

Cecily

Emma Sventelius

Miss Prism

Nils Hubinette

Révérend Chasuble

Richard Hamrin

Lane & Merriman

21 juillet au 9 Août 2017 Vadsana Castle – Suède


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5 – Théâtre L’Âme Humaine Sous le Régime Socialiste [Extraits] 16 Juillet à 12h30 / Rencontre, Pique-Nique Conception Séverine Astel, Céline Champinot, Gérald Kurdian, Geoffroy rondeau Création 2018 Céline Champinot, Séverine Astel, Geoffroy Rondeau et Gérald Kurdian nous invitent à partager le temps d’une rencontre les pistes de ce que sera leur Âme Humaine sous le régime socialiste. Un « album spectaculaire » : 8 chansons, 8 tableaux adaptés du texte d’Oscar Wilde qui, en 1891, fait le rêve pamphlétaire d’une société néo-hellénique de purs artistes. Exploration naïve et musicale, avec masques et tubas, de cette ode à l’individualisme et au vernis du XIXe siècle, destination : le pays de l’utopie. Coproductions Production : Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis. Avignon, le Off La Belle Scène Saint-Denis Le Théâtre Louis Aragon et le Théâtre Gérard Philipe en Avignon


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Le Portrait de Dorian Gray

Compagnie Thomas le Douarec Après ses succès parisiens, la Compagnie Thomas le Douarec s’installe à Avignon pendant toute la durée du festival 6 au 30 juillet 2017 – relâche le 18 juillet Condition des Soies 13, rue de la Croix - 84000 Avignon

Salomé La troupe

Les Enfants Terribles est une

troupe

composée

d’adolescents issus des ateliers de théâtre que Numa Sadoul anime


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à Nice et à Saint Paul de Vence. Pour le dixième anniversaire de cette troupe hors norme qui joue des pièces pour les adultes comme des adultes, Irina Brook leur ouvre les portes du Théâtre National de Nice pour une représentation du

Salomé d’Oscar Wilde.

La troupe se produira en outre dans le festival off d’Avignon.

Mise en scène Numa Sadoul Avec : Lola Letarouilly (Salomé) -

Paul Brouet (Hérodias) – Louis

Longeray (Hérode) – Julien Nacache (Iokanaan)- Lô Bouzige (Narraboth /un soldat) – Jean Cheminet

(un soldat/un Juif/un

esclave) 14 juin à 20 h 30. Théâtre National de Nice, salle Michel Simon 8 au 30 juillet à 20 h 30. Festival OFF d’Avignon, Collège de la Salle


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1er août à 21 h. Nuits de la Courtine, Saint-Paul de Vence 4 novembre à 20 h 30. Théâtre de Ménilmontant, Paris 9 décembre à 21 h Théâtre de la Semeuse, Nice

Et ailleurs… Bosie De Rik Barnett


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Mise en scène : Luke Fredericks 8 et 9 juin 2017 Mill Theatre – Manchester - England


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6 - Handbag de Mark Ravenhill (1998) : réincarnation de The Importance of Being Earnest à la fin des années 1990 Par Xavier Giudicelli

The Importance of Being Earnest (1895), dernière pièce écrite par Oscar Wilde, est une œuvre qui s’apparente à un jeu verbal, comme de nombreuses lectures le soulignent. Dans « An Improbable Life », W. H. Auden écrit : ...in The Importance of Being Earnest, Wilde succeeded [...] in writing what is perhaps the only pure verbal opera in English. The solution that, deliberately or accidentally, he found was to subordinate every other dramatic element to dialogue for its own sake and create a verbal universe in which the characters are determined by the kinds of things they say, and the plot is nothing but a succession of opportunities to say them. (Auden 322-323). Il suggère ici que le plaisir que procure le texte wildien provient essentiellement du libre jeu des signifiants. Par le truchement de la métaphore musicale, il met en évidence le fait que, dans la pièce, les mots valent davantage pour eux-mêmes que pour ce à quoi ils renvoient. De même, dans sa présentation pour l’édition bilingue de The Importance of Being Earnest publiée par Garnier-Flammarion en 2000, Pascal Aquien qualifie la pièce de « festin de mots » et insiste sur sa « qualité autoréférentielle » (35). Tenant du nonsense


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tel que le pratiquait Lewis Carroll 1 et préfigurant le théâtre de l’absurde de Samuel Beckett (1906-1989) ou d’Eugène Ionesco (1912-1994), l’œuvre de Wilde offrirait une réflexion ludique sur le langage et la logique (Aquien 8). Comme peut l’indiquer son titre, inspiré d’une des répliques les plus célèbres de l’œuvre de Wilde (Wilde 1895, I, 86), Handbag de Mark Ravenhill, pièce jouée pour la première fois au Lyric Theatre (Hammersmith, Londres) le 14 septembre 1998, constitue une reprise de The Importance of Being Earnest. Or ce qui frappe d’emblée dans cette réécriture, c’est que, loin des jeux de langage et des abstractions qui caractérisent le texte de Wilde, Ravenhill place l’accent sur le corps dans toute sa matérialité. Handbag se construit autour de deux intrigues juxtaposées : la première, située à l’époque contemporaine, met en scène deux couples homosexuels, Tom et David et Mauretta et Suzanne, qui conçoivent ensemble un enfant ; la deuxième, située à l’époque victorienne, se lit comme un récit des origines de The Importance of Being Earnest : elle décrit la naissance de Jack et la jeunesse de certains des personnages de la pièce de Wilde, comme Lady Bracknell. L’esthétique du choc et de la provocation qui sous-tend Handbag, œuvre d’un des auteurs emblématiques du théâtre in-yerface, paraît à première vue aux antipodes de celle de The Importance of Being Earnest. On verra cependant que cette réincarnation de la pièce de Wilde jette un éclairage nouveau sur 1

Voir Lewis CARROLL, Alice’s Adentures in Wonderland (1865) et Through the Looking Glass (1871), Oxford, New York, Oxford UP/World’s Classics, 1982, 278 p.


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l’œuvre et tend au lecteur/spectateur contemporain un miroir qui lui renvoie un reflet des autres mais aussi de lui-même. On replacera dans un premier temps Handbag dans le contexte esthétique et critique qui l’a vu naître. On étudiera ensuite les différents procédés d’adaptation utilisés par Ravenhill dans le cadre de sa reprise de The Importance of Being Earnest : si, comme la pièce de Wilde, Handbag se fonde sur le motif de la dualité, la pièce de 1998 propose également une explicitation des allusions codées qui figurent dans l’original. On soulignera enfin que Handbag fait dialoguer le passé et le présent et constitue une « création critique » qui offre une lecture de la pièce de Wilde et interroge l’écart ou la proximité entre notre société et l’époque victorienne. Contextes

Mark Ravenhill, né en 1966, est une des figures centrales de ce qu’Alex Sierz a appelé le théâtre in-yer-face, ou théâtre « coup de poing », qui a vu le jour en Grande-Bretagne dans les années 1990. Cette

décennie

se

caractérise

dans

le

domaine

du

théâtre

britannique par un sentiment de liberté renouvelé. Dans son ouvrage In-Yer-Face Theatre. British Drama Today, Alex Sierz explique ce phénomène par le contexte politique, à la fois national (le départ de Downing Street de Margaret Thatcher en 1991) et international (la chute du mur de Berlin en 1989 marquant la fin de la guerre froide) (36). La pièce de Ravenhill Shopping and Fucking (1996) a été considérée, au même titre que Blasted (1995) de Sarah Kane (1971-1999), comme une des œuvres emblématiques de cette mouvance. Cet opus, inspiré des romans du Canadien Douglas


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Coupland (Generation X, 1991, par exemple) et de l’Américain Bret Easton Ellis (en particulier American Psycho, publié en 1991), offre une réflexion sur la société « post-moderne » où tout repose sur l’échange monnayé des marchandises et des corps. Le théâtre « coup de poing » s’appuie en outre sur une « logique de la sensation », il a pour but de susciter chez le spectateur une réaction viscérale : « The widest definition of in-yer-face theatre is any drama that takes the audience by the scruff of the neck and shakes it until it gets the message. It is a theatre of sensation : it jolts both actors and spectators out of conventional responses, touching nerves and provoking alarm » (Sierz 4). Une telle définition place donc a priori le théâtre in-yer-face, et les pièces de Ravenhill, aux antipodes de The Importance of Being Earnest et du « festin de mots » auquel elle convie le spectateur. Si l’œuvre de Wilde invite à une réflexion sur le langage et la nature du réel, elle procède, pour ce faire, à la manière d’un tableau de René Magritte comme La Condition humaine (1933, huile sur toile, 100 x 81 cm, National Gallery of Art, Washington) : sur un chevalet est placé un tableau représentant exactement la partie du paysage extérieur qu’il masque, faisant osciller la limite entre intérieur et extérieur et interrogeant ainsi la nature de la perception du réel. Les pièces de Ravenhill analysent elles aussi le rapport au réel et s’interprètent comme une variation autour de la notion de « simulacre » théorisée par Jean Baudrillard (la représentation devient simulation, la « génération d’un réel sans origine et sans réalité », 10). Toutefois, du point de vue de la démarche, elles s’apparenteraient davantage aux toiles de Francis Bacon : chez


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Ravenhill, le mot cède le pas aux corps exhibés, aux chairs meurtries et le but du dramaturge, comme celui de Bacon tel que Gilles Deleuze l’envisage, est de toucher le système nerveux du spectateur (Deleuze, 40). En ce sens, les pièces de Ravenhill sont également à rapprocher des œuvres des « Young British Artists », comme celles présentées dans le cadre de l’exposition « Sensation » (« Sensation, Young British Artists from the Saatchi Collection », 18 septembre 1997-28 décembre 1997). Celle-ci s’est tenue à la Royal Academy peu de temps avant la première représentation de Handbag. Elle rassemblait des réalisations de jeunes artistes de la même génération que Ravenhill, comme Sarah Lucas (née en 1962), Tracey Emin (née en 1963), Rachel Whiteread (née en 1963), Damien Hirst (né en 1965), ou encore Jake et Dinos Chapman (nés respectivement en 1966 et 1962). Great Deeds Against the Dead (1994)1, de ces derniers, offre un exemple du « choc » que le visiteur de

l’exposition

pouvait

éprouver.

Il

s’agit

d’une

sculpture

directement inspirée d’une gravure de Francisco Goya dépeignant les horreurs de la guerre de 1808 dans la péninsule ibérique (Desastres de la guerra, v. 1810). Elle représente trois corps d’hommes mutilés et démembrés, en utilisant des mannequins grandeur nature, tels qu’on en trouve dans les vitrines des magasins. Ces mannequins de vitrine renvoient à la société de consommation contemporaine et constituent peut-être en ce sens ce qu’il y a de plus choquant dans cette sculpture. Dans Handbag, le regard du spectateur est également mis à l’épreuve : il assiste en voyeur à une scène de fellation (156), de sodomie (172), à une injection d’héroïne (193) et à des tortures infligées à un bébé, brûlé 1

On peut voir cette œuvre dans l’ouvrage de Matthew COLLINGS, This is Modern Art [1999], Londres, Seven Dials, 2000, p. 70.


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avec une cigarette (223). Aussi peut-on, en première analyse, souligner l’écart qui existe entre l’esthétique de la comédie de Wilde et celle du théâtre « coup de poing » de Ravenhill, et donc l’apparente incongruité du choix opéré par le dramaturge de soumettre The Importance of Being Earnest à une réécriture. Handbag peut également se lire comme le produit d’une décennie de réflexion, de ré-évaluation et de réhabilitation des œuvres et de la figure d’Oscar Wilde. Wilde a en effet été fondamental dans le cadre de l’émergence des Gay Studies et de la Queer Theory à la fin des années 1980 et au début des années 1990 aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il a sans doute été l’auteur autour duquel s’est construit ce courant critique, comme en témoignent trois des ouvrages clefs qui ont ouvert la voie à de très nombreuses études critiques. Epistemology of the Closet de l’Américaine Eve Kosofsky Sedgwick (1991) s’emploie à déconstruire l’opposition binaire entre homosexualité et hétérosexualité et à dissocier genre sexué (gender) et sexualité en s’appuyant notamment sur des analyses de The Picture of Dorian Gray, The Ballad of Reading Gaol et The Importance of Being Earnest (Sedgwick, 131-181). Dans son ouvrage Sexual Dissidence. Augustine to Wilde, Freud to Foucault (1991), Jonathan Dollimore, alors professeur de littérature à l’Université de Sussex, analyse le potentiel transgressif et subversif de l’identité queer et, s’il cite de nombreux auteurs au cours de son étude (parmi lesquels Saint Augustin, William Shakespeare, Frantz Fanon, Jean Genet), l’écrivain anglo-irlandais oriente toute sa démarche. Ainsi, le prologue de cet essai (« An Encounter ») décrit la rencontre entre Wilde et Gide à Alger en 1895 et souligne le contraste entre la


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position « essentialiste » de l’écrivain français et celle de Wilde, qu’on pourrait qualifier de constructionniste avant l’heure 1 : l’inauthenticité, l’artificialité deviennent chez Wilde les attributs libérateurs d’une identité et d’un désir décentrés (Dollimore 14). Cette image de Wilde comme parangon de la « dissidence sexuelle » apparaît également dans l’ouvrage d’Alan Sinfield The Wilde Century : Effeminacy, Oscar Wilde and the Queer Movement (1994). À la

différence

de

Sedgwick

ou

de

Dollimore,

son

approche

s’apparente au matérialisme culturel : c’est en termes historiques qu’il envisage la notion de dissidence. Dans The Wilde Century, il montre que l’équivalence entre caractère efféminé et homosexualité est une construction idéologique assez récente datant des procès d’Oscar Wilde. Dans Handbag, Ravenhill, qui est homosexuel et a fait des études d’anglais et de théâtre à l’Université de Bristol (1984-1987), se positionne par rapport à ces débats critiques et théoriques qui ont agité le monde universitaire dans les années 1990. La réflexion de Moncrieff sur le caractère « efféminé » d’un des protégés de Cardew (« I found him to be a little too... effeminate », Ravenhill 1998, 166), manière à peine voilée de désigner l’homosexualité du jeune garçon et de Cardew, évoque les thèses de Sinfield sur la corrélation présumée entre caractère efféminé et homosexualité. Par ailleurs, comme le montre Anja Müller-Muth (225), Ravenhill établit dans sa pièce un parallèle entre le personnage d’Augusta (la future Lady 1

Cette idée évoque les théories de Judith Butler, autre figure importante de la Queer Theory, et notamment le concept de genre sexué (gender) comme « performance » qu’elle formule dans Gender Trouble, publié en 1990.


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Bracknell) et Oscar Wilde1. Augusta est ainsi d’origine irlandaise (151) ; elle répond au patronyme de O’Flaherty (151, le nom complet de Wilde était Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde) ; sa mère a, comme Lady Jane Wilde, des sympathies nationalistes (202) ; enfin, ses répliques abondent de traits d’esprit. Or l’obsession d’Augusta dans la pièce est de perdre son accent irlandais (167), de perdre son nom et de se forger une nouvelle identité sans aucun rapport avec ses origines : « I am not Irish. Except by birth and upbringing [...]. O’Flaherty does make me sound a little Irish but I shall lose the name O’Flaherty very soon. I shall be married before the season is quite over » (151). Dans la scène 14, elle prend une part active à la chasse à l’homme organisée contre le personnage de Cardew (221), soupçonné d’être pédophile, dans un passage qui n’est pas sans évoquer la chute de Wilde et son arrestation le 5 avril 1895 (alors que The Importance of Being Earnest rencontrait un franc succès au Haymarket Theatre). Ravenhill écorne ainsi l’image de Wilde comme héros national irlandais2, mais peut-être aussi comme martyr de la cause homosexuelle. Par le biais du personnage d’Augusta, en passe de devenir l’incarnation même de la répression victorienne, le dramaturge

atteste

sa

distance

critique

vis-à-vis

de

la

représentation de Wilde comme « dissident ».

1

Une autre référence à la biographie de Wilde est le prénom de la femme de Moncrieff dans Handbag, Constance, qui est celui de la jeune femme que Wilde épouse en 1882, Constance Lloyd. 2

Dans les années 1990, plusieurs ouvrages consacrés à l’Irishness de Wilde ont été publiés. On peut citer par exemple les études de Davis COAKLEY (Oscar Wilde, The Importance of Being Irish, Dublin, Town House, 1995, 246 p.) et de Jerusha McCormack (Jerusha MCCORMACK, éd., Wilde the Irishman, New Haven et Londres, Yale UP, 1998, 224 p.).


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La distance critique est au cœur même de la démarche de Mark Ravenhill. Sa reprise de la pièce de Wilde s’apparente en effet à une explicitation de celle-ci. Duplication et explicitation

The Importance of Being Earnest s’organise autour de la figure du double, tant au niveau thématique (Jack et Algernon mènent tous deux une double vie) qu’aux niveaux spatial (la pièce repose sur la répartition binaire ville/campagne) et structurel (de nombreuses scènes se répondent, comme par exemple celles entre Jack et Gwendolen à l’acte I, 76, et entre Algernon et Cecily à l’acte III, 168). Handbag, re-présentation de la pièce de Wilde, se caractérise également par un jeu autour de la notion de dualité. En premier lieu, cette œuvre juxtapose deux intrigues et fait alterner des scènes situées à l’époque contemporaine (scènes 1, 3, 4, 6, 7, 8, 11, 12, 13) et d’autres se déroulant à l’époque victorienne (scènes 2, 5, 10). Ces deux intrigues se croisent aux scènes 9 et 14. Chacun des acteurs, à l’exception du comédien interprétant le personnage de Phil, incarne

deux

rôles

(Tom/Cardew,

Lorraine/Prism,

Suzanne/Constance, Mauretta/Augusta, David/Moncrieff). Comme dans The Importance of Being Earnest, plusieurs scènes se répondent, comme par exemple les scènes 3 et 4, évoquant les aventures extra-conjugales de David (scène 3) et de Suzanne (scène 4) et renvoyant donc également au thème de la double vie que l’on trouve chez Wilde. Le principe de duplication apparaît également chez Ravenhill à travers l’utilisation d’images vidéo enchâssées dans la pièce. Un des exemples les plus frappants est la scène 11 entre Lorraine et Phil qui est présentée de nouveau au


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spectateur dans la scène 13 sous la forme d’une vidéo que regardent Lorraine, Mauretta et David (204-206 et 213-214 1). La réflexion, à laquelle invite Handbag, sur l’omniprésence des images dans la société contemporaine, et sur le fait que la réalité est filtrée au travers d’écrans, que nous sommes renvoyés d’image en image sans jamais pouvoir atteindre le réel, peut se lire comme une illustration du principe énoncé par Lady Bracknell à l’acte IV de The Importance of Being Earnest : « We live [...] in an age of surfaces » (2082). À l’échelle des scènes, Ravenhill adopte également une construction en miroir, comme par exemple à la fin de la scène 1, où les répliques de David et Tom (« David : I love you. Tom : And... I 1

La question de la vidéo et de la vidéo-surveillance est également évoquée dans la scène 3 (« Phil: Should be police everywhere with cunts around like that. They should have cameras up. Watching them », 152), dans la scène 4 (Suzanne filme Lorraine en train de manger une pizza dans le cadre d’une enquête de consommation, Ravenhill 1998, 160-163), dans la scène 7 (175176), dans la scène 12 (Mauretta et Suzanne disent à Lorraine qu’elles l’ont filmée à son insu alors qu’elle s’occupait de leur enfant, « Mauretta: We’ve been monitoring your activities », 210211) et dans la scène 13 (David prend Suzanne à partie « David: [...] Coming home to watch eight hours of video just so we can feel like Mummy ? », 215). La surveillance de Lorraine par le biais d’une caméra vidéo évoque le dispositif du « panopticon » tel que le décrit Michel Foucault dans Surveiller et punir (Michel FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, 228264). De façon plus anecdotique, ce détail rappelle la prolifération des « nannycams », à la suite de l’affaire Louise Woodward, jeune fille au pair britannique mise en examen en 1997 pour le meurtre de l’enfant dont elle avait la charge. 2

On peut également citer la scène 11, où Phil porte le masque de Tinky Winky, personnage des Teletubbies, émission pour enfants diffusée sur la BBC de 1997 à 2001. Outre le fait qu’elle préfigure la controverse autour du personnage de Tinky Winky (qui porte un sac à main rouge dans l’émission de la BBC), censément crypto-gay selon l’Américain Jerry Falwell en 1999, cette scène met en évidence, selon l’analyse de Jozef de Vos, le fait que les personnages ont perdu prise avec la réalité et ne peuvent l’appréhender qu’à travers le prisme d’images (54). De nombreux critiques ont noté que Wilde annonce l’esthétique postmoderniste, comme par exemple Richard Ellmann (passim). On notera également que la critique sociale, qui prend pour cible l’hypocrisie et le cynisme de la classe dominante dans The Importance of Being Earnest, n’est pas absente de la pièce de Ravenhill, mais cette dernière met davantage l’accent sur les rapports entre classes sociales, thème esquissé chez Wilde, par exemple à travers le personnage de Lane, valet obséquieux d’Algernon. L’intrigue contemporaine de Handbag oppose les personnages bourgeois de Suzanne, Mauretta, David et Tom aux marginaux que sont Lorraine et Phil. Ni chez Wilde, ni chez Ravenhill, la philanthropie ne semble de mise et, dans les deux cas, la hiérarchie sociale semble tout aussi rigide.


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love you. Daddy. David: Daddy », 149) font écho à celles de Suzanne et Mauretta (« Mauretta: I love you. Suzanne : Mummy. Mauretta: Mummy », 147). La figure du chiasme, dont le principe est la disposition en miroir de termes, apparaît dans certaines répliques de la pièce de Wilde (par exemple, « Algernon : My dear fellow, the way you flirt with Gwendolen is perfectly disgraceful. It is almost as bad as the way Gwendolen flirts with you », 54) comme de celle de Ravenhill, par exemple dans la scène 8 (« David : Listen, me and Tom. Tom and me », 184). Les scènes victoriennes de la pièce de Ravenhill résonnent en outre d’échos de The Importance of Being Earnest. Elles sont en effet émaillées de citations qui renvoient au texte de Wilde. Ces références à l’hypotexte peuvent prendre la forme de courtes citations verbatim (« A handbag ? » 150, Wilde 1895, I, 86, « An ordinary handbag », 150, Wilde 1895, I, 86). Toutefois, il s’agit plus fréquemment de phrases légèrement modifiées (« Augusta : You understand me already [...]. I like you a great deal », 153 rappelle fortement la réplique de Gwendolen à l’adresse de Cecily à l’acte III de The Importance of Being Earnest : « I like you already more than I can say », 172). On trouve enfin chez Ravenhill de simples lexèmes, comme les termes « lose » (171, 175, 211) ou « mislay » (165) qui constituent une isotopie lexicale renvoyant à la dyade lost/found, centrale dans la pièce de Wilde (I, 58, 86 ; IV, 224, par exemple1). 1

Parmi les autres échos de la pièce de Wilde que l’on trouve chez Ravenhill, on peut citer: « Augusta: I never make mistakes » (149, qui rappelle « Gwendolen: In fact, I am never wrong », Wilde 1895, I, 74); « Augusta: Pray don’t talk to me about Ireland » (151, qui évoque « Gwendolen: Pray don’t talk to me about the weather », Wilde 1895, I, 74); « Augusta: I shall be married before the season is quite over » (Ravenhill 1998, 151), rappelle « Lady Bracknell: I would certainly advise you, Mr Worthing [...] to make a definite effort to produce either one parent, of either sex, before the season is quite over » (Wilde 1895, I, 88); la référence à Willis’s et au Savoy, lieux également fréquentés par Wilde, apparaît dans les deux pièces


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L’adaptation de The Importance of Being Earnest que réalise Ravenhill dans Handbag se caractérise en outre par un passage de l’implicite à l’explicite. Alors qu’un des traits de l’écriture de Wilde est le non-dit, la rhétorique du secret, Ravenhill procède à un « dévoilement » de ce qui était caché ou suggéré dans la pièce de 1895. Là où l’homosexualité s’avançait masquée, sous le couvert de codes, elle se dit à présent en toutes lettres. Dans The Importance of Being Earnest, il existe un sous-texte qui, selon Pascal Aquien, opère une mise en place d’un discours sur l’homosexualité (43).

Par

exemple,

les

allusions

à

Bunbury — ami

malade

(Ravenhill 1998, 165, Wilde, 1895, I, 64, 66; II, 134); « Kind and charitable » (Ravenhill 1998, 170) fait écho à « Jack: The late Thomas Cardew, an old gentleman of a very charitable and kindly disposition » (Wilde 1895, I, 86); les questions d’Augusta dans la scène 5 (« Augusta: You have a town house, I know. But a country house ? How many bedrooms ? Are both your parents still living ? Do you smoke ? ») rassemblent plusieurs des thèmes abordés dans le véritable interrogatoire que Lady Bracknell fait subir à Jack à l’acte I de The Importance of Being Earnest (82-86); « Cardew: Oh Eustace. Not the gutter. The Stars » (Ravenhill 1998, 194) évoque une réplique de Lord Darlington dans Lady Windermere’s Fan « We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars » (Wilde 1893, 451); « Cardew: Well that can be changed » (Ravenhill 1998, 195) évoque la réplique de Lady Bracknell au sujet de l’adresse de Jack à Londres « that could easily be altered », (Wilde 1895, I, 84); la réplique de Phil « My guardian. I always knew I had a guardian. Didn’t I always say I had a guardian. My unfortunate guardian » (Ravenhill 1998, 196) rappelle celle de Jack à l’acte IV de The Importance of Being Earnest: « Algy’s elder brother ! [...] I knew I had a brother ! I always said I had a brother ! [...] My unfortunate brother » (226); « Cardew: Well, it is not accurate but then anyone can sing accurately. But it is sung with great feeling... » (Ravenhill 1998, 197) est une variation sur la réplique d’Algernon à l’acte I « Algernon: [...] I don’t play accurately — any one can play accurately — but I play with wonderful expression » (Wilde 1895, 50); « Cardew: [...] The chin just a little higher » (Ravenhill 1998, 198): chez Wilde, c’est Lady Bracknell qui dit cela à Cecily à l’acte IV « Lady Bracknell: [...] The chin a little higher, dear » (208); « Phil: Horrid postures. Horrid chins and horrid, horrid music » (Ravenhill 1998, 198) fait écho à la réplique de Cecily à l’acte II de The Importance of Being Earnest (« Cecily: Horrid Political Economy ! Horrid Geography ! Horrid, horrid German ! », 112); « Prism: A temperance beverage, which I bought in a moment of extravagance, has exploded in the upset » (Ravenhill 1998, 199) rappelle « Prism: [...] Here is the stain on the lining caused by the explosion of a temperance beverage, an incident that occurred in Leamington » (Wilde 1895, IV, 224); « Augusta: Unreliable creature. I knew from the moment I saw her on the platform she was not to be trusted » (Ravenhill 1998, 201) rappelle la remarque de Gwendolen au sujet de Cecily « Gwendolen: From the moment I saw you I distrusted you » (Wilde 1895, III, 182).


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qu’Algernon a inventé pour couvrir ses frasques (Wilde 1895, I, 6264) —, ou le prénom de « Earnest », paronyme de uranist (uraniste, c’est-à-dire homosexuel) ont été interprétés comme des références codées à l’homosexualité (Aquien 44-45 ; Craft 118-119). De même, la consommation vorace de « cucumber sandwiches » au premier acte de The Importance of Being Earnest (52-56, 70), ou de muffins à l’acte III (190-196), peut certainement s’interpréter comme la transposition d’autres appétits et d’autres plaisirs (Craft 118). Dans la pièce de Ravenhill, les deux couples de l’intrigue contemporaine, David et Tom, Suzanne et Mauretta, vivent leur homosexualité au grand jour1. La démarche de Ravenhill pourrait s’apparenter à celle d’Aubrey Beardsley dans les illustrations qu’il réalise pour la version anglaise de Salomé (publiée par John Lane, The Bodley Head en 1894). Sur l’exemplaire de la pièce qu’il offre à Aubrey Beardsley, futur illustrateur de cette œuvre, Wilde inscrit cette dédicace : « To Aubrey, the only artist who, besides myself, knows what the dance of the seven veils is, and can see that invisible dance2. » Voir cette danse mystérieuse, lui donner corps, tel est le défi que lance Wilde à Beardsley, défi difficile à relever, car cette danse est de l’ordre du pur fantasme. Elle est ce moment où les mots achoppent : dans la pièce, elle n’apparaît que sous la forme d’une brève didascalie : « Salomé dances the dance of the seven veils » (Wilde 1893-1894, 140). L’illustration que Beardsley réalise 1

On retrouve ce procédé d’explicitation dans Dorian. An Imitation (2002) de Will Self, reprise de The Picture of Dorian Gray, où le personnage principal devient, selon Baz Hallward (avatar du peintre Basil Hallward dans le roman de Wilde) l’incarnation d’une nouvelle génération gay: « He’s unashamed — not like us. He belongs to a totally new generation, the first generation to come out of the shadows » (Will SELF, Dorian. An Imitation, Londres, Viking, 2002, p. 12) 2

Cité par Stanley WEINTRAUB, Aubrey Beardsley. Imp of the Perverse, University Park, Londres, Pennsylvania State University, 1976, p. 55.


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ne s’intitule d’ailleurs pas « The Dance of the Seven Veils », mais « The Stomach Dance1 », ce qui contribue à faire perdre sa dimension mythique à cette danse. En d’autres termes, Beardsley, comme Ravenhill dans Handbag, opère une démétaphorisation du texte wildien. La « danse des mots » qu’évoque Pascal Aquien au sujet de The Importance of Being Earnest (il parle de Wilde comme « chorégraphe des mots », 17) cède le pas, sous la plume de Ravenhill, à une réinscription du corps dans toute sa matérialité : corps souffrant (celui de Phil, dont le visage est ensanglanté dans la troisième scène, 155), corps dévoilé (Phil se dénude au cours de la scène 9, 190-192), corps désirant (Phil faisant une fellation à David, 157, le sodomisant, 172-173, ou masturbant Lorraine, 204-205). Christopher Craft souligne le fait que, dans The Importance of Being Earnest,

« the

materiality

of

the

flesh

is

retracted

into

the

sumptuousness of the signifier » (118). Handbag, à l’inverse, place la chair sur le devant de la scène. La mise en scène de The Importance of Being Earnest réalisée par la compagnie britannique Kaos Theatre (dirigée par Xavier Leret) en 1999, quelques mois après la première représentation de Handbag, participe de la même logique : elle repose sur un style de jeu très physique, les pirouettes verbales des personnages de la pièce trouvent un équivalent dans les acrobaties des acteurs sur scène. Le spectacle s’ouvre sur la chute d’Algernon, en sousvêtement, rattrapé puis habillé par ses domestiques. Au moment où Lady Bracknell s’exclame « A hand-bag ? » (Wilde 1895, 86), elle est soulevée par d’autres acteurs au-dessus de la tête de Jack. La 1

On peut trouver une reproduction de cette illustration dans l’ouvrage de Brian READE, Aubrey Beardsley [1967], Woodbridge, Suffolk, Antique Collectors’ Club, 1987, p. 280


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scène de dispute entre Cecily et Gwendolen à l’acte III (Wilde 1895, 176-182) prend des allures de match de catch féminin. Cet écart entre le texte et sa mise en scène contribue à renouveler la perception de la pièce de Wilde. En outre, cette version de The Importance of Being Earnest opère une recontextualisation de la pièce,

qui

se

voit

transposée

dans

la

Grande-Bretagne

contemporaine. Lady Bracknell, en mini-jupe et talons aiguilles, fait son entrée chargée de sacs de boutiques de grands couturiers et ne tarde pas à consommer la cocaïne que lui offre Lane, le domestique d’Algernon.

Interrogé

par

Lady

Bracknell

sur

ses

opinions

politiques, Jack répond, dans la production de Leret : « Well I am afraid I really have none. I am New Labour. » La substitution de « Liberal Unionists » dans le texte original (Wilde 1895, I, 84) par « New Labour » constitue un exemple d’adaptation, ainsi qu’une critique du flou idéologique qui caractérise le nouveau parti travailliste de Tony Blair, alors premier ministre. Et ce d’autant que Lady Bracknell commente la réponse de Jack en déclarant « Oh, they count as Tories » (Wilde 1895, I, 84). Dans un entretien publié dans The Independent du 27 août 1999, le metteur en scène Xavier Leret déclare éprouver une relation d’amour-haine pour la pièce et mépriser profondément les personnages et les valeurs qu’ils représentent : « I despise what they represent because they are so prevalent in our society — the world, it seems, has not changed from Wilde’s to ours. » Tel semble être également ce qu’a voulu montrer Mark Ravenhill dans Handbag. L’entrelacs du passé et du présent


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« ...Criticism [...] is in its way more creative than creation », affirme Gilbert,

porte-parole

de

Wilde

dans

« The

Critic

as

Artist » (Wilde 1891, 1125). Handbag relève de la paradoxale création critique qu’évoque l’essai de Wilde. La pièce de Ravenhill offre un commentaire de The Importance of Being Earnest ; l’intertextualité se fait ici métatextualité (définie par Gérard Genette comme « relation de commentaire » unissant deux œuvres, 10). Ravenhill s’emploie à mettre en lumière la noirceur qui sous-tend la comédie de Wilde: « I was [...] attracted to the emotional darkness that underlies the laughter », a-t-il déclaré (cité par Sierz, 140). Il se distingue ainsi d’autres dramaturges ayant réalisé des réécritures de The Importance of Being Earnest, comme par exemple Tom Stoppard (Travesties, 1974). Tirant peut-être son inspiration de la didascalie précédant le début de la pièce de Wilde (« Time : The present », 50), Ravenhill joue avec la chronologie et instaure un dialogue entre le passé et le présent. En choisissant de retracer, dans les scènes victoriennes de sa pièce, un récit des origines de The Importance of Being Earnest plutôt qu’une

suite

de

l’œuvre,

Ravenhill

opère

un

renversement

s’apparentant à la logique du paradoxe sur laquelle la pièce de Wilde se fonde. Dans cette dernière, le prénom d’Ernest à partir duquel Jack Worthing a construit sa double identité et qui est le moteur de la pièce et la source de toutes les péripéties, s’avère en un retournement final être son véritable prénom : le mensonge était donc vérité, la fiction, réalité. Le dramaturge contemporain met également en évidence la conception souple et personnelle du temps, comme arraché à la loi de la linéarité, qui se fait jour dans The Importance of Being Earnest. De façon significative, Gwendolen


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dit à Jack à l’acte I « Even before I met you I was far from indifferent to you » (76). La comédie de Wilde s’apparente, selon Pascal Aquien, à une « machine à remonter le temps » (33) : le déroulement temporel rapproche Jack non de la mort, mais du baptême, « moment fondateur où il acquiert un nom » (Aquien 33). Chez Ravenhill, il est intéressant de noter que l’on trouve dans la bouche d’Augusta, future Lady Bracknell, de nombreuses répliques faisant écho à celles prononcées par sa fille Gwendolen dans la pièce de Wilde, illustrant l’idée selon laquelle « All women become like their mothers » formulée par Algernon (I, 92). C’est le cas par exemple dans la scène 2 de Handbag, où l’adjectif « plain » utilisé à plusieurs reprises par Augusta pour qualifier Prism (« You are rather plain to be a novelist, are you not ? », 151, « I am not quite sure it is proper to talk to a nanny. Particularly such a very plain one », 152) rappelle une des remarques de Gwendolen à l’adresse de Cecily à l’acte III de The Importance of Being Earnest (« I wish that you were [...] more than usually plain for your age », 1741). Sur un mode plus tragique, le personnage de Lorraine, dans l’intrigue contemporaine, s’identifie à sa mère récemment décédée (« [...] But now... now... I... I go down the shops the same time as her. I watch her programmes. I wear her clothes. I put on her clothes and I watch her programmes and I eat pizza like she used to eat pizza », 163). Par ailleurs, les deux intrigues que juxtapose la pièce de Ravenhill se trouvent placées dans un rapport de similitude plus que 1

Voir également les lunettes que chausse Augusta à la scène 2 (« I shall use my glasses », Ravenhill 1998, 150) qui rappellent celles qu’utilise Gwendolen pour regarder Cecily (« Do you mind my looking at you through my glasses », III, 172), ou l’expression « Pray don’t talk to me » que l’on trouve dans les deux pièces (« Pray don’t talk to me about Ireland », Ravenhill 1998, 150; « Pray don’t talk to me about the weather », Wilde 1895, 74).


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d’opposition. À deux reprises, les fils narratifs se croisent. C’est Phil, seul personnage dans la pièce à ne pas être dédoublé, qui sert d’intermédiaire entre le passé et le présent. À la scène 10, le jeune homme, après avoir constitué l’objet d’une dispute entre Tom et David (189-192), se trouve assimilé par Cardew à Eustace (193196), jeune garçon qui s’est enfui de l’orphelinat tenu par celui qui est le père adoptif de Jack dans la pièce de Wilde (« Mr Thomas Cardew, an old gentleman of a very charitable and kindly disposition », 86). La scène finale de Handbag (scène 14) constitue un autre point de rencontre des deux intrigues. Cet épilogue tragique, très éloigné de la scène de reconnaissance qui conclut The Importance of Being Earnest, repose sur un jeu de scène autour du bébé que les personnages s’échangent (« Constance hands the baby to Prism », « Phil takes the baby », 224). Cet échange évoque le « handbag » du titre, qui passe de main en main tout au long de la pièce : il apparaît dès la scène 2 (150-151) et il y est fait référence tout au long de l’œuvre (154, 199, 219, 226). Comme dans The Caretaker d’Harold Pinter, où le sac perdu de Davies constitue une métonymie de son identité (voir Pinter I, 7 ou II, 57-60), ce « handbag » renvoie au thème de la quête identitaire, central dans la pièce de Ravenhill (qui, lors de sa création en 1998, avait pour sous-titre « The Importance of Being Someone »), comme dans celle de Wilde1. Dans la scène 14 de Handbag, le bébé « contemporain » (que Lorraine et Phil ont enlevé à Mauretta et Suzanne) meurt, après avoir été brûlé à plusieurs reprises par la cigarette de Phil (223, 1

Voir par exemple le personnage de Lorraine, dans Handbag, qui se trouve incapable de se forger une identité propre mais emprunte d’abord les vêtements et l’identité de sa mère décédée (« I wear her clothes », scène 4, 163), puis de Suzanne (voir scène 12, 206-207).


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226) et se trouve placé dans un sac poubelle (« He puts the baby in a bin bag », 226). Quelques instants plus tard, un bébé « victorien » apparaît dans un sac de voyage, où il vient remplacer le manuscrit de Prism (« Enter Cardew with handbag. Sets it down carefully. Opens it. Brings out a baby », 226). Ainsi, il apparaît que dans les deux intrigues, l’enfant est réifié : il est un enjeu de pouvoir, un « autre » nécessaire pour jouer un rôle social, combler un manque ou développer sa propre identité. Dans les deux intrigues, les personnages

constituent

des

figures

parentales

indifférentes,

incompétentes, voire dénaturées : si Prism s’intéresse davantage à son manuscrit qu’au bébé (« Because, really, you are a single infant. You really won’t make one bit of difference to the world. Whereas this is a novel. Think of the emotion and instruction contained in a threevolume novel and think of the thousands of readers », dit-elle, s’adressant à l’enfant, à la scène 14), David se trouve incapable d’assumer ses responsabilités de père ; si Constance n’éprouve aucun sentiment maternel pour son fils (« Constance : [...] She picks up the baby. Nothing. I feel nothing », 202), Phil confesse avoir prostitué sa fille de cinq ans pour obtenir de la drogue (200). En somme, Ravenhill souligne dans Handbag le peu d’écart qui existe entre la société contemporaine et la société victorienne. La libération des corps et des discours ne serait qu’une illusion masquant le cynisme et la froideur des personnages contemporains, bien proches, en ce sens, de leurs homologues victoriens dans la pièce. Handbag met en place un dispositif complexe et plonge le lecteur/spectateur dans une véritable galerie des glaces, dans


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laquelle les deux intrigues qui composent la pièce se reflètent et renvoient un reflet de The Importance of Being Earnest. Ce jeu de regards, cet entrelacs du passé et du présent, contribuent à renouveler la perception de l’œuvre de Wilde. Si la question de la paternité et de la filiation est au cœur de la pièce de Ravenhill, elle est aussi à envisager du point de vue littéraire. Faisant désormais partie du « canon » de la littérature du

XIXe

siècle, Oscar Wilde est

devenu une figure tutélaire à laquelle il convient de rendre hommage, mais par rapport à laquelle il convient également de prendre ses distances. C’est bien cette ambivalence qui se fait jour dans Handbag de Mark Ravenhill. Xavier Giudicelli

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WEINTRAUB Stanley, Aubrey Beardsley. Imp of the Perverse, University Park, Londres, Pennsylvania State University, 1976, 306 p. WILDE Oscar, « The Critic as Artist » [1891], dans Complete Works of Oscar Wilde [1948], Glasgow, HarperCollins Publishers, 1994, p. 1108-1155. WILDE Oscar, Salomé [1893-1894], édition bilingue présentée et annotée par Pascal Aquien, Paris, GF-Flammarion, 1996, 211 p. WILDE Oscar, Lady Windermere’s Fan [1893], dans Complete Works of Oscar Wilde [1948], Glasgow, HarperCollins Publishers, 1994, p. 420-464

Cet article est paru dans Cahiers victoriens et édouardiens, 72 Automne | 2010, 99-114". Il est republié avec leur aimable permission.

Xavier Giudicelli Université de Reims Champagne-Ardenne. Xavier Giudicelli est Agrégé d’anglais et ancien élève de l’École Normale Supérieure de Fontenay-St Cloud. Maître de Conférences à l’Université de Reims. Auteur d’une thèse de doctorat consacrée aux éditions illustrées de The Picture of Dorian Gray, soutenue en novembre 2006, il poursuit des recherches sur l’illustration des textes littéraires, ainsi que sur la réception d’Oscar Wilde au XXe siècle. Il a rédigé plusieurs articles, parus ou à paraître, sur ces sujets, dont « Illustrer The Picture of Dorian Gray : Les paradoxes de la représentation » (Études anglaises, 62-1 (2009) : 28-41).


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

7 – Les représentations françaises de l’Importance d’être Constant Titre

Date

Il importe d’être Constant

1942

-

1952

Il est important 1954 d’être Aimé Adaptation Jean Anouilh et Claude Vincent L’Important, c’est d’être fidèle

1954

Adaptation de Charles Cambillard The Importance 1963 of being Earnest Il est important 1971 d’être Aimé

Théâtre Théâtre de L’Humour – Paris (actuelle Comédie De Paris.) Vieux Colombier Comédie des ChampsElysées

Théâtre en rond (actuel Européen)

Mise en

Acteurs

Scène Paul Reynal

photos

Paul Reynal Claude Sainval Scénographie Et décors Léonor Fini

Françoise Rosay Claude Sainval Yves Robert

André Villiers

Gaîté Gary Belkin Montparnasse Abbaye de L’Épau – La Baule

Jean Guichard Scénographie Robert Cavin

Affiche ou

Denise Gray Robert Cavin Jean-Luc Tardieu


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

Il est important 1980 D’être Aimé

Marigny – Paris

Jacques François

Jacques François Nicole Jamet Katia Tchenko France Delahalle Henri Garcin

1982

Mathurins Paris

Pierre Boutron Décors Agostino Pace

Françoise Christophe Bernard Alane Patrick Chesnais

1983

Célestins Lyon

Pierre Boutron

Françoise Christophe Jean Barney Patrick Raynal Jacqueline Jolivet Sophie Amaury

Adaptation Jean Et Nicole Anouilh

L’avantage d’être Constant Adaptation Pierre Boutron L’avantage d’être Constant Adaptation Pierre Boutron

Il est important 1994 d’être Désiré 1995 Adaptation Samantha Wiggins L’Importance d’être Constant Adaptation Jean-Michel Desprats

1996

BâteauSamantha Théâtre Wiggins Mistral - Paris

Denis Baudry Nicolas Bonnefous Katy Carré Cécile Chavel

Théâtre National De Chaillot Paris

Danièle Lebrun Rupert Everett Samuel Labarthe Clotilde Courau Claire Keim

Jérôme Savary Scénographie Ezio Toffolutti


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Il est important 1998 d’être Fidèle Traduction de Jean-Luc Tardieu

Il est important 2000 d’être Aimable

Maison de la Culture de Loire Atlantique Nantes (mars) Puis Comédie des ChampsElysées (août) Déchargeurs (juillet 2000) Puis Cinq Diamants (août 2000) Paris

Jean-Luc Tardieu

Annick Alane Francis Lemaire Maïa Simon Stéphane Boutet Ludivine Sagnier Chloé Lambert

Astrid de Courvois Ivola Poumenbetti

Nicolas Beaucaire Astrid de Courvois Benoit Decerisy Ivola Poumenbetti

The Importance 2000 of being Earnest

Salle Thélème Karine Romer Tours Et Trevor Harris

Il est important 2000 d’être aimé (fév)

Salle Jean Dame Paris

Denis de Rauglaudre Laurent de Vivis Isabelle Paulhiac

The Kaos Importance of being Earnest

Théâtre Sylvia Xavier Leret Montfort Paris

Jack Corcoran Jane Hartley Ralph Higgins Jill Norman

2000 mars

, The Importance 2000 of being Earnest

Théâtre de Didier Braun Ménilmontant Et Andrew Paris Wilson


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

Il est important 2001 d’être Aimable

Comédie de Paris

The Importance 2001 of being Earnest L’importance 2006 d’être Constant

Théâtre de Andrew Ménilmontant Wilson

L’importance d’être Constant

Théâtre Antoine Paris

2007

Astrid de Courvois Ivola Poumenbetti

Essec (Cergy) Guillaume Cour du Palais Hlavacek Du Tau (Reims) Pierre Laville

Adaptation Pierre Laville

The Importance 2007 Of being Earnest

Marie-Brigitte Andrei Nicolas Beaucaire Astrid de Courvois Benoit Decerisy Ivola Poumenbetti

Droit au Benedicte Théâtre – Wray Collège FrancoBritannique et Fondation BiermansLapôtre Cité Internationale Universitaire Paris

Macha Méril Laurent Deutsch Frédéric Diefenthal Gwendoline Hamon Marie-Julie Baup


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

The Importance 2008 of Being Earnest

Montfort Theâtre Paris

Lucille O’Flanagan

Barnaby Apps Gala Besson Sophie Namhias Michaël Rickwood Ginnie Watson , ,

L’importance d’être Constant

2008

Traduction Astrid Hauschild et Magali Prampolini The importance 2008 of Being Earnest

L’importance d’être Constant

2009

Théâtre Pixel Théâtre du Lucernaire

Astrid Hauschild

Présenté par le Alain Bariou groupe de et Hélène théâtre de la Blasco section britannique du Lycée Grand Air de la Baule. Maison des jeunes et de la culture La Baule Le Laussy Fabien Escalona

Jean-Hugues Courtassol Boris Ravaine Nathalie Moreau Claire Chauchat Astrid Hauschild

Les aériens du spectacle


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

L’importance 2009 d’être Constant

Théâtre de Mathieu L’Anagramme Rousset Lyon

Compagnie Kapibara

L’importance 2011 d’être Constant (mai Traduction Juin) Angeline Tomi

Théâtre du temps Paris

Les Framboisiers

L’Importance 2011 d’être Constant

Théâtre de la Nicolas Reine Blanche Petitjean Paris

L’importance 2012 d’être Constant (Oct)

Palais des Congrès La Grande Motte

Imago

Christine Bergerac

Morgane Berthelot Sébastien Giuge Julien Brajard Ou J.B Chevé Laurence Rayot Charlotte Sérès Comédiens du Masque des Pyramides


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

L’Importance 2012 d’être Constant (nov)

Laval

The importance 2013 of being Earnest

Opéra de Lorraine Nancy

Livret Gerald Barry

L’Importance d’être Sérieux

2013

Théâtre des 13 Vents Montpellier

2013 (nov)

Théâtre de l’Ouest Parisien Boulogne Billancourt

Adaptation JeanMarie Besset

L’importance d’être Sérieux

Musique Gerald Barry Mise en scène Sam Brown Scénographie Anne-Marie Wood Gilles Désveaux Scénographie Gérard Espinoza

Alan Ewing Chad Shelton Philipp Addis Ida FalkWindland Wendy DawnThompson Claude Aufaure Mathieu Bisson Arnaud Denis Mathilde Bisson Maryline Fontaine

Gilles Désveaux

Claude Aufaure Mathieu Bisson Arnaud Denis Mathilde Bisson Maryline Fontaine

Scénographie Gérard Espinoza


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L’Importance d’être Constant

2013 (mars)

Théâtre de Belleville

Erick Desmarestz

L’importance d’être Sérieux

2014

Théâtre Gilles Montparnasse Désveaux Scénographie Gérard Espinoza

L’Importance d’être Constant

2015

Palais des Beaux Arts de Lille

Elodie Roumagne

L’importance d’être Constant

2015 (mars)

Passage vers Les Etoiles Paris

Simon Gelbart Sophie Guyot-Walser

L’importance d’être Constant

2015 (janv. à Mars)

Théâtre Darius Milhaud Paris

Paul BrunaRosso-Carré

Jean Bechetoille, Erick Desmarestz, Flore Friedman, Guillaume Gras, Eurialle Livaudais, etc… Claude Aufaure Mathieu Bisson Arnaud Denis Mathilde Bisson Maryline Fontaine M. Lamaison B. Catrix I. Becuwe N. Aubert E. Roumagne

Paul BrunaRosso-Carré Mathieu Duhazet Charlotte Gouillon Anaïs Jean Etc…


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L’importance 2015 d’être Constant (mars)

Auditorium Armand Peugeot

Compagnie Jean-Louis Vidal

Poissy

L’importance d’être Constant

2015

Théâtre du Jour Agen

Agnès François Olivier Dumas

L’importance d’être Constant

2015 (Juin)

Théâtre du Rocher – Cotignac

Jean-Luc Bonnard

L’importance d’être Constant

2016

Théâtre Darius Milhaud Paris (Octobre à Décembre)

Laura Gallery De la Tremblaye

Léa Arson Gaël Berthier Xavier Bril Dan Cohen Pauline Jonniaux Etc…

Paroisse Ste Cécile Boulogne

Indiana Loessin

Xavier de Calan Olivier de la Houplière Philippe Lanquest Christine Charbonnier Marie Steblein

L’importance 2016 d’être Constant

Décors Catherine Dosseur

Simon Altérac Pierrick Vaneuville Françoise Danell Compagnie du Rocher


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

L’importance d’être Constant

2016 (juin)

Espace Bernanos Paris

L’importance d’être Constant

2016 (Janv à mai)

Laurette Théâtre Paris

L’importance D’être Constant

2016 (Mai)

Auditorium de L’Edhec Roubaix

L’importance d’être Constant

2017 (Janv)

MJC de Villeurbanne

Troupe Replic’Pus

Imago

Les Framboisiers

La Clef des planches


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L’Importance d’être Constant

2017

Auditorium de Bernard L’Ecole Walser St Michel Annecy

L’importance d’être Constant

2017 (avril)

Bureau des arts de l’IEP Strasbourg

The real Importance Of being Earnest

2017

Théâtre du Lucille O’ Pari Flanagan (Tarbes) (février) Espace Rohan (Saverne) (mars) Alhambra – Paris (mai)

Adaptation Andrew Loudon

L’importance 2017 d’être Constant (mai) (lecture)

Les Déchargeurs

Serge O’Sullivan Rose Romain Theo Agate Georgina Leeming (février et mars) Rebecca James (mai)


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8 - La vie, l’œuvre : quelques considérations sur les échanges entre Oscar Wilde et André Gide. David Charles Rose (traduit de l’anglais par Danielle Guérin-Rose)

2e Partie1

S’il est légitime de s’interroger sur ce que Wilde entendait par « genius », il est également légitime d’examiner ce que Gide voulait dire en employant ce terme. On peut supposer que Gide aurait rejeté une définition transcendantale, impliquant que le génie était quelque chose comme un don de Dieu, sans accepter entièrement une déconstruction matérialiste comme elle a été plus tard formulée par Roland Barthes, quelques années après la mort de Gide. Gide était certainement conscient de la charge que le concept portait à l’époque2, compte-tenu des travaux d’Alfred Binet (1857-1911) et d’Edouard Toulouse (1865 – 1947), et on peut regretter qu’il se soit contenté de répéter le mot sans tenter d’analyser le sens dans lequel Wilde l’a utilisé. Il aurait pu facilement le faire dans ses remaniements. Les versions d’Ermitage et de Prétextes étaient toutes deux autocensurées, les noms de Frits Thaulow et Bosie Douglas étant désignés par des initiales.3 Lorsque Mason le contacta pour obtenir sa permission de 1

On trouvera la première partie dans le numéro 58 de « Rue des Beaux-Arts »

Voir Ann Jefferson: Genius in France, An Idea and its Uses. Princeton, NJ: Princeton University Press 2014. 3 Gide et Douglas étaient beaucoup plus amis à cette époque qu’on ne le réalise généralement. Je suis reconnaissant à Caspar Wintermans d’avoir attiré mon attention sur l’ouvrage de François J-L. Mouret: ‘Quatorze lettres et billets inédits de Lord Alfred Douglas à André Gide, 2


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traduire ‘In Memoriam’ elle devait être basée sur l’édition du Mercure (i.e. Prétextes) et non sur celle de L’Ermitage, dont le texte était fautif, quoique les fautes n’aient pas été spécifiées. 1

Gide

exprime

dans

sa

consternation

face

aux

erreurs

commises

L’Ermitage dans une lettre à Henri Ghéon du 12 Juin1902: ‘[Ducoté]

m’a-t-il

assez

salement

imprimé

mon

Wilde

dans

L’Ermitage. On n’y a absolument tenu compte de mes corrections des épreuves.

Par endroits le texte est incompréhensible’. [Gide

1999 pp.1212-1214.] Il s’agit ici de (Charles) Edouard Ducoté, le principal bailleur de fonds du journal, qui l’édita de 1896 à 1898, où il devint un des membres du duodecemvirate, composé de Gide, Adolphe Retté, Francis Jammes, Henri Ghéon, Paul Fort, Stuart Merrill and Francis Vielé-Griffin. INCLUDEPICTURE "http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8577683r/f6.highres" \* MERGEFORMATINET INCLUDEPICTURE "http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8577683r/f6.highres" \* MERGEFORMATINET

1895-1929’. Revue de la littérature comparée XLIX No. 3, juillet-septembre 1995 pp.487-8. Plus tard, en 1918, Gide écrira à propos de ‘l’abominable livre’ de Douglas Oscar Wilde and Myself, ‘L’hypocrisie ne saurait être poussée plus loin, ni le mensonge avec tant d’impudence. C’est un monstrueux travestissement de la vérité, qui me remplit de dégoût [...] J’espère ne pas mourir avant de l’avoir démasqué”. Ce livre est une vilénie.’ Gide 1967 p.307. 1 André Gide à Stuart Mason 9 et 14 Septembre 1904. Gide/ Mason 1905 pp.12, 13.


Rue des Beaux-Arts n°60 – Juillet/Août/Septembre 2017

INCLUDEPICTURE "http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8577683r/f6.highres" \*

MERGEFORMATINET

Wilde

dina

avec

l’éditeur

de

L’Ermitage

début

juin

1898,

prétendument Ducoté si l’on en croit Holland et Hart-Davis [Holland

et

Hart-Davis

2000

p.1079n.]

mais

il

s’agissait

probablement de son prédécesseur Henri Mazel, qui laissa divers souvenirs de Wilde.1 Ainsi, le récit public Anglais de l’effondrement final de Wilde, commence par la version que donne Mason de la vision revisitée de Wilde par Gide, vision qualifiée de « mémoire malveillante » par Robert Sherard. [Sherard 1906 p.412]. Ce livre, limité à 500 copies, avec une édition encore plus limitée de 50 copies, contient deux lettres de Gide à Mason (en français); la traduction de In Memoriam par Mason, une dédicace doucereuse à Donald Wallace, un poème de Wilde, un autre sur Wilde par Augustus le frère de George Henri Mazel: ‘My Recollections of Oscar Wilde’, Everyman Volume I : 1 18th October 1912, réimprimé dans E.H. Mikhail (ed.): Oscar Wilde, Interviews and Recollections. Volume II. London: Macmillan 1979. Pendant ses dix ans d’existence, L’Ermitage rivalisa comme journal littéraire avec La Revue Blanche et Le Mercure de France. 1


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Moore, des illustrations, la première bibliographie de Wilde par Mason, ainsi qu’une introduction et des notes par Mason. En fait, Mason s’est approprié Gide afin de pouvoir publier le livre qu’il désirait sur Wilde, en y intégrant Gide.

Gide considérait ses

mémoires comme l’enregistrement de souvenirs personnels par « un de ceux qui l’auront (Wilde) le plus avidement écouté » [Gide 1989 p.13]), et Mason l’investit d’une plus grande importance que son auteur avait voulu: de toute évidence, dans sa traduction, Mason a ajouté à l’édition de Gide qui se trouvait dans le Mercure de France. L’édition de Mason fut suivie d’une autre publiée à Londres par William Kimber en 1951.

Cette édition contient ‘In Memoriam’

(traduction Bernard Frechtman), ‘Le “De Profundis”’ (traduction Dorothy Bussy), un essai sur ‘Wilde en Algérie’ (traduction Justin O’Brien), et des extraits du journal de Gide. Elle diffère aussi de celle de Mason par l’ajout d’un avant-propos et d’une postface par Gide (l’édition du Mercure de France n’inclut pas ‘Wilde en Algérie’ ou les extraits).

Frechtman nuance aussi un certain nombre

d’emphases: La phrase de Mason’s ‘[Wilde] was great’ devient, par exemple, ‘[Wilde] was tall’ chez Frechtman. [Gide / Mason 1905 p.23; Gide: / Wilde 1951 p.15.] Etant donné sa date, trois semaines et demie avant la première d’Un mari idéal, trois semaines avant celle de L’importance d’être Constant, le cri de Gide : ‘Wilde! Wilde! Quelle vie plus tragique que la sienne!’, est un cri extraordinaire, mais qui témoigne aussi du conflit que ses contacts avec Wilde provoquèrent toujours. [Fryer 1997 p.115.] Notre compréhension de ce conflit est influencée par les différents points de vue exprimés sur Gide, par exemple celui de


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George Woodcock qui affirme que ‘Gide nous narre des histoires à propos de Wilde qui semblent plus tenir de la fantaisie que de la réalité’, et celui de Dorothy Bussy qui assure ‘On ne peut pas dire que Wilde ait eu une influence morale ou intellectuelle sur Gide’. 1 L’empressement de Hesketh Pearson à douter des dires de Gide vient de ce qu’il accepte sans réserves « l’analyse impitoyable » opérée par Robert Sherard de la description Gidienne de l’épisode algérien. Sherard, dit Pearson, ‘a prouvé de façon concluante que les déclarations sur Wilde et Douglas dans le livre de Gide Si le Grain ne Meurt sont totalement fausses […] Il faut par conséquent regarder le récit que Gide fait de leur visite uniquement comme un problème se posant au pathologiste qui étudie l’état mental de Gide’. [Pearson 1960 p.276.] Comme nous l’avons vu, Pearson luimême exempte la remarque spécifique « génie/talent » - qui n’apparait pas dans Si le Grain ne Meurt - de cette attaque grossière et quelque peu gratuite. Dans l’ensemble, Pearson reprend le point de vue de Sherard sur Wilde, qui tente toujours de trouver des explications convaincantes à son homosexualité, un état que les deux

hommes

trouvaient

affligeant

chez

un

homme

qu’ils

admiraient beaucoup. Gide a attiré de nombreuses critiques pour avoir témoigné sa répugnance à être vu en compagnie de Wilde après 1898, mais la relation de Gide avec Wilde était complexe. Il s’y mêlait son propre George Woodcock: The Paradox of Oscar Wilde. London & New York: T.V. Boardman & Co 1949 p.8; André Gide: La Porte Étroite. Paris: Mercure de France 1909. Traduit par Dorothy Bussy comme Strait is the Gate 1924. Citation tirée de l’édition Harmondsworth: Penguin Books 1952 p.xi. Elle ajoute ‘Sans aucun doute, la tragique situation de l’Anglais [sic] l’a beaucoup touché’. Woodcock n’est pas un spécialiste de Gide, mais Dorothy Bussy, une sœur de Lytton Strachey qui épousa le peintre français Simon Bussy, était la principale traductrice de Gide en Angleterre. Bussy était particulièrement proche de Gide, nourrissant à son égard une passion non partagée. 1


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combat pour s’accommoder de sa sexualité : on peut sans doute effectuer un parallèle avec E.M. Forster et son évocation de Wilde dans Maurice. Alan Sheridan n’entretient aucun doute sur le fait que ‘Wilde a eu sur Gide un effet immédiat, puissant et durable’, une opinion entièrement partagée par Jonathan Fryer, qui voit Gide travailler et retravailler son évaluation de leur relation pendant plus d’un demi-siècle. [Sheridan 1998 p.76; Fryer 1997 p.225 et passim.] Les remarques de Sheridan suggèrent que l’influence de Wilde sur Gide à Paris, en 1891, n’était pas seulement profonde mais néfaste. Ceci explique certainement la réaction attraction/répulsion de Gide envers Wilde, à Paris en 1891, et à Florence en 1894, puis à Berneval en 1897, et encore à Paris après 1898, tout comme sa répugnance initiale à rencontrer Wilde quand ils se trouvaient tous deux en Algérie en 1895.1 C’était, après tout, le jeune Gide peu sûr de lui, aux prises avec le Calvinisme et l’homosexualité, pas l’auteur athée et confiant qui écrivit la version finale de Corydon, mais, même rétrospectivement, Gide a continué de juger complexe sa relation avec Wilde. On voit que si le message du Gide évolué était que le monde est vaste et qu’on devait échapper aux frontières tracées par l’hérédité (notamment celles qui circonscrivent la littérature française), l’application qu’il faisait de ce principe à luimême était sporadique et malaisé. Gide prenait déjà ses distances vis-à-vis

de

Wilde

métamorphoser

en

quand, matériau

en

1894,

littéraire,

il

commença

Ménalque

dans

à

le Les

Nourritures Terrestres, tout comme, plus tard, il tentera de manière Gide écrivit trois versions de l’évènement, et l’histoire de son arrivée au Grand Hôtel de l’Orient à Blida (ou Blidah) se trouve dans presque toutes les biographies. Il écrivit son nom sur le tableau, une espèce de livre d’or assez étrange, y découvrit le nom de Wilde, effaça son propre nom, et s’en alla. Puis, embarrassé par sa lâcheté, il revint. Alan Sheridan, corrigeant Ellmann sur ce point particulier, fait remarquer que cet incident a eu lieu alors que Gide s’en allait après trois jours de séjour, et que c’était Wilde qui arrivait. Sheridan 1998 pp.116-7. 1


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quelque peu improbable de fusionner Wilde et lui-même dans le personnage du Roi Saul.1 L’attitude de Gide envers Wilde devint de plus en plus ambigüe ; il ne lui apporta aucun soutien public, jugeant toutes les tentatives destinées à le soutenir comme malvenues, et leur dernière rencontre fut embarrassée et due au hasard. Comme Wilde, Gide était souvent absent de Paris, et il se trouvait en Algérie lorsque Wilde mourut. ‘Un tourmenté peu sûr de lui-même’’, c’est ainsi que G.W. Ireland définit cet aspect du caractère de Gide, et Ireland se demande si Eric, le tueur de cygnes, dans Le Voyage d’Urien, est Wilde. Ireland poursuit en se référant au remplacement du « Goethe Apollonien » par le « Rimbaud Dionysiaque » dans un conflit psychosomatique.2 Saül était la première œuvre où Gide libérait le thème de l’homosexualité de son imaginaire secret: ‘il éclate si violemment qu’il n’éclipse pas seulement les autres questions morales qui sont en jeu, mais aussi […] il brouille les lignes de la structure dramatique de la pièce.’ [Ireland 1970 p.150]

La situation dans

Philoctète peut – et sans doute doit – être lue dans ce sens, mais ce n’est qu’en 1924 que Gide finit par briser le silence avec la publication d’une édition commerciale de Corydon, après trentetrois ans de gestation.3 À la période où il vit le plus Wilde, à Paris en 1891, il raconta probablement ces rencontres dans son journal. Il a détruit ces pages. En 1914, Gide s’était suffisamment révélé Fryer 1997 p.214. Saül, dédié à Edouard de Max, fut publié par le Mercure de France en 1903. On peut ajouter que le surnom d’Alfred Taylor, le co-accusé de Wilde, a été donné par Gide à son personnage bisexuel Lord Gravensdale dans Les Caves du Vatican (1914). 2 G.W. Ireland: André Gide, A study of his creative writings. Oxford: Oxford University Press 1970 pp.20, 79, 99. La remarque sur Eric n’a pas été reprise par Fryer et Ireland n’est pas cité dans la bibliographie de Fryer. 1

3

La première édition (1911) fut une édition privée, la seconde (1920) se limita à vingt-et-une copies.


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pour que l’homophobe Claudel l’accuse de recouvrir les murs de Paris de son aveu, ce qu’‘aucun écrivain, pas même Wilde, n’avait fait’, et la référence à Wilde apparait aussi chez Roger Martin du Gard huit ans plus tard, quand il se demande si Corydon ne représente pas une recherche du martyr, inspirée par Wilde. [Sheridan 1998 pp.275, 352]. L’histoire des différentes versions de la confession de Wilde ajoute au débat: nous avons à la fois ce qui est certainement l’ipsissima verba de Wilde, et la version de Gide révisée et publiée. Ceci est significatif à la fois pour notre compréhension de Wilde (étant donné l’usage qui a été fait des mots), et de Gide. Richard Pine, qui utilise l’édition Mason, n’entretient aucun doute sur l’importance de la phrase, même s’il la réduit à ‘J’ai mis tout mon génie dans ma vie; Je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres’. [Pine 1995 pp.109-10]. De l’édition 1910 de Gide, Fryer écrit ‘Le style était anecdotique et la plus grande partie du discours attribué à Oscar et Bosie doit avoir été reconstituée de mémoire’, un commentaire aimablement ambigu. [Fryer 2000 p.211.] Dans la version de son Prétextes, Gide écrit ‘je n’ai rien inventé, rien arrangé, dans les derniers propos que je cite. Les paroles de Wilde sont présentes à mon esprit, et j’allais dire à mon oreille’. Il suffira de souligner que Gide

confond

essence

and

existence.

Tout

en

affirmant

l’authenticité de son témoignage, Gide admet qu’il donne un sens aux mots de Wilde : en fait, le sens que Gide souhaite leur donner. En 1920, réécrivant les escapades Algéroises pour Si le Grain ne Meurt, Gide, tout en reproduisant une grande partie de la conversation de Wilde, a totalement abandonné la phrase opposant


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vie

et

œuvre.

Gide

nourrit

clairement

des

arrière-pensées

substantielles à propos du côté Grec de Wilde (même dans Prétextes, l’échange est consigné dans une note de bas de page), cependant, étant donné toute la relation du passage en question avec les idées Grecques d’hubris et de nemesis, soulignées par la prescience de Gide et la chute de Wilde, il aurait pu sans nul doute le maintenir. Il revient encore une fois sur ce sujet quand il consacre un texte à l’essai d’André Maurois ‘De Ruskin à Wilde’. À nouveau sans le citer, Gide utilise la dichotomie entre vie et œuvre chez Wilde pour exprimer sa propre opinion, pas totalement logique, qu’il n’existe aucune dichotomie. Maurois parle de Wilde avec élégance : les aphorismes qu’il cite sont bien choisis; mais cette petite étude – très conférence ‘devant un club de dames’ – nous laisse insatisfait. On sent qu’il ne possède pas son sujet.

Le

‘dessin dans le tapis’ lui échappe; ou bien prétend-t-il ne pas le voir?

Je crois totalement faux ce qu’il répète après

beaucoup d’autres, ou ce qu’il laisse supposer : que le mode de vie de Wilde était une dépendance à son esthétisme, et qu’il a simplement transposé dans ses habitudes son goût pour l’artificiel. Je crois au contraire que cette affectation d’esthétisme n’était pour lui qu’un manteau ingénieux sous lequel se cacher tout en révélant à demi ce qu’il ne pouvait pas laisser voir ouvertement ; excuser, fournir un prétexte, et même apparemment motiver; mais cette motivation même n’est qu’un prétexte; ici, plus que jamais, et même souvent à


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l’insu de l’artiste, c’est le secret des profondeurs de la chair qui invite, inspire et décide. Vues sous cet angle, et comme par en-dessous, les pièces de Wilde révèlent, sous la surface des mots d’esprit, qui étincellent comme de faux joyaux, de nombreuses phrases significatives d’un grand intérêt psychologique.

Et c’est à

partir de celles-ci, n’en doutons pas, que Wilde construit toute sa pièce. Laissez deviner ce que l’on a intérêt à cacher. Pour ma part, j’ai toujours préféré la franchise. Mais Wilde a pris le parti de faire du mensonge une œuvre d’art. Rien n’est plus précieux, plus tentant, plus flatteur, que de voir une œuvre d’art comme un mensonge, et, réciproquement, de regarder un mensonge comme une œuvre d’art. C’est ce qui l’incite à recommander ‘ne dites jamais “Je”. Le “je” appartient à la face-même, et l’art de Wilde tient du masque, insiste sur le masque. Jamais, il n’a voulu dire par là : soyez ‘objectif’.

Il réussit toujours à ce que

le lecteur éclairé puisse soulever le masque et saisisse, audessous, le vrai visage (que Wilde avait de bonnes raisons de cacher).

Cette hypocrisie artistique lui est imposée par le

respect, qui était très vif en lui, pour les convenances; et par la nécessité de se protéger lui-même. Tout comme Proust, le grand maître en dissimulation. [André Maurois: Études anglaises. Paris: Bernard Grasset 1927; Gide 1967 pp.405-6.] Gide accroche une lourde charge à un crochet léger. Pour Maurois, qui était en connexion étroite avec les cercles où Wilde était connu (il avait épousé la fille de Madame Arman de Caillavet), Wilde ‘a été


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un grand poète au sens le plus complet du mot, c’est-à-dire un créateur de mythes’, dont l’un était Wilde lui-même, bien entendu. Laissant de côté la référence à l’ ‘ingénieux manteau’ de Wilde, qui nous renvoie à la distinction entre génie et ingéniosité, Gide ne spécule pas plus longtemps sur la différenciation entre la vie et l’art, ni entre le génie et le talent, pas plus qu’il ne se demande si la vie de Wilde était dramatique ou tragique.

La vie de Wilde – insiste

Gide - n’était pas l’application de ses idées, et l’œuvre de Wilde est devenue pour Gide la couverture existentielle de son moi essentiel. Fin de la deuxième partie


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9 – Mad Scarlet Music L’opéra Lord Arthur Savile’s Crime

1

de Geoffrey Bush par Tine Englebert C’est toujours un grand plaisir de découvrir un enregistrement d’un opéra inspiré par une œuvre d’Oscar Wilde. En février,

le label

Lyrita, qui se concentre sur des compositeurs britanniques injustement oubliés, nous a présenté un court opéra tiré de la nouvelle

Lord

Arthur

Savile’s

Crime

de

Geoffrey

Bush,

un

compositeur britannique, organiste et musicologue spécialiste de la musique anglaise du XXe siècle.

Lyrita REAM.1131

Geoffrey Bush 1

Pour tout renseignement sur Lord Arthur Savile’s Crime,

veuillez cliquer

ici.

On peut y trouver aussi un résumé par

Danielle-Guérin Rose de Le Crime du comte Neville by Amélie Nothomb (Paris: Albin Michel 2015). Pour un entretien avec Amélie Nothomb à propos de ce livre, veuillez cliquer

ici.


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Geoffrey Bush naquit à Londres le 23 mars 1920, devint choriste à la Cathédrale de Salisbury à l’âge de huit ans, et étudia de manière informelle avec le compositeur John Ireland (1879-1962). Il étudia au Lancing College, termina ses études au Balliol College et en sortit diplômé d’Oxford en 1946. Il obtint aussi une maîtrise universitaire en lettres classiques en 1947. Bush enseigna d’abord la musique à l’Université d’Oxford, puis à l’Université de Londres, de 1952 jusqu’à la fin de sa carrière. Il écrivit beaucoup sur la musique anglaise, eut un intérêt marqué pour l'édition de

Mise en scène : Luke Fredericks 8 et 9 juin 2017 Mill Theatre – Manchester - England For the Annotated Lord Arthur Savile’s Crime, please click here. This includes a resumé by Danielle-Guérin Rose of Le Crime du comte Neville by Amélie Nothomb (Paris: Albin Michel 2015). For an interview with Amélie Nothomb about the book, please click here.


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compositeurs anglais, notamment les compositeurs négligés, et s’intéressa en particulier aux œuvres et à l’influence du pianiste, chef d’orchestre et compositeur anglais William Sterndale Bennett (1816-1875). Il contribua régulièrement aux programmes de BBC Radio 3, comme ‘Music Magazine’ et ‘Music Weekly’. Il mourut dans sa ville natale le 24 février 1998.

Geoffrey Bush

Œuvres de Geoffrey Bush Son catalogue riche et divers comprend six opéras de chambre, écrits entre 1952 et 1988 (The Blind Beggar's Daughter, opéra pour enfants (1954), If the Cap Fits (1956), The Equation (1968), Lord Arthur Savile’s Crime (1972), The Cat who Went to Heaven (1976) et Love’s Labour’s Lost (1988)), de la musique symphonique (par exemple Symphonie no. 1 (1954), Symphonie no. 2: ‘The Guildford’ (1957, commandé pour le 700e anniversaire de la ville de Guildford) et un Concerto pour piano, trompette et cordes (1962)), de la musique de chambre, des œuvres chorales et de nombreux chants en solo. La musique la plus caractéristique de Geoffrey Bush est composée pour les voix: le compositeur avait une affinité naturelle pour un large éventail de textes (de Geoffrey Chaucer à Stevie Smith par William Shakespeare, Ben Jonson, Molière, Oscar Wilde et Virginia Woolf).


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Parmi les titres les plus populaires de Geoffrey Bush on trouve le Concerto for Light Orchestra (1958) et ses deux œuvres chorales A Christmas Cantata (1947) et In Praise of Mary (1955). Sa musique pour le théâtre est souvent pleine d’esprit, comme le démontre l’opéra basé sur Lord Arthur Savile’s Crime (1972). Ce travail révèle un talent pour la parodie et l’épigramme qui correspondent bien à l’humeur et au style de la nouvelle de Wilde. Lord Arthur Savile’s Crime de Geoffrey Bush Lord Arthur Savile’s Crime, opéra en un acte, fut commandé pour les élèves de la Guildhall School of Music, qui le créèrent le 5 décembre 1972. Cette première avec Richard Justyn Lewis (Lord Savile), Graham Trewe (Podgers) et Patricia Cope (Sybil) était placée sous la direction de Vilem Tausky. Même si Lord Arthur Savile’s Crime n’est pas le chef-d'œuvre d’Oscar Wilde, c’est une nouvelle douée de beaucoup de possibilités théâtrales. L’adaptation musicale sous forme d’un opéra de cinquante

minutes,

a

été

inspirée

par

une

dramatisation

radiophonique. Le compositeur a conçu son propre livret, qui condense très soigneusement l’action en trois scènes et conserve beaucoup d’aphorismes mémorables de Wilde. Dans la première scène (‘An evening party at Lady Windermere’s: the drawing room’) le personnage principal, Lord Arthur Savile, est présenté, à l’occasion d’une soirée donnée par Lady Windermere, à


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un chiromancien, Septimus R. Podgers. Ce dernier lit dans la paume de la main de Lord Arthur et lui annonce qu’il va commettre un crime. Savile voulait épouser Sybil Merton, mais décide qu’il n'a pas le droit de le faire avant d’avoir réalisé la prédiction en commettant ce meurtre. La deuxième scène (‘A few weeks later: the shop of a well-known anarchist in Soho’) a lieu dans la boutique tenue par un anarchiste où le héros vient se procurer une bombe. Après que toutes ses tentatives aient échoué, il rencontre Septimus R. Podgers, dans la dernière scène (‘A few days later: the Embankment near Blackfriars Bridge’) en pleine nuit sur les bords de la Tamise et le pousse dans la rivière, accomplissant ainsi la prophétie. La langue musicale de Bush est traditionnelle et semble se concentrer sur le respect pour la richesse de la prose de Wilde. Une grande partie de la musique est écrite dans un récit délicat, et les quelques sections arioso sont presque entièrement occultées par le texte lui-même. Parmi les passages saillants on retrouve une aria dans le style de Gilbert & Sullivan dans la première scène et les deux interludes d’orchestre: la première, invention Bartókienne en deux parties, la seconde, un prélude de chorale dans le style de J.S. Bach.

La

composition

n’appelle

aucune

prouesse

vocale

particulière. L’enregistrement réalisé et enregistré par la BBC, le 27 juillet 1986, dans les studios de la BBC, nous donne un échantillon de ce que l’école de chant britannique avait de mieux à offrir à l’époque. A tout juste trente ans, Lynne Dawson n’était alors qu’à l’aube d’une belle carrière surtout consacrée à la musique des XVII e


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et XVIIIe siècles. On citera le somptueux contralto d’Anne Collins, très réputée en Grande-Bretagne pour ses incarnations mémorables dans les opérettes de Gilbert et Sullivan, la mezzo Eirian James, les barytons Donald Maxwell et Alan Watt et le ténor David Johnson,

très

demandé

dans

les

années

1970-80

Evangéliste des Passions de Bach. Distribution : David Johnston (ten) Lord Arthur Savile Lynne Dawson (sop) Miss Sybil Merton Alan Watt (bar) Septimus R Podgers Donald Maxwell (bar) The Anarchist Anne Pashley (sop) Lady Windermere Eirian James (mez) Lady Flora Anne Collins (Contralto) Duchess of Paisley John Winfield (ten) Lane Philip Riley (bar) Merriman Geoffrey Moses (bbar) Sir Thomas; Police Sergeant Musicians of London dirigés par Simon Joly

comme


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Le concerto pour trompette, piano et cordes (1962) est ajouté en complément de programme, d’une vingtaine de minutes. Avec Patrick

Addinall,

trompette,

Hamish

Milne,

piano,

BBC

Philharmonic Orchestra, dirigé par Bryden Thomson, diffusé par la BBC le 8 mai 1986. Quelques critiques: https://www.forumopera.com/cd/lord-arthur-saviles-crime-non-ilny-a-pas-quernest-dans-la-vie http://www.musicwebinternational.com/classrev/2017/Feb/Bush_Savile_REAM1131.ht m https://www.gramophone.co.uk/review/bush-lord-arthur-savile %E2%80%99s-crime


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Ce CD constitue une belle addition à notre discographie dédiée à Oscar Wilde. Espérons que cet enregistrement fera de nombreux adeptes. Tine Englebert


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10 – Santé, cher Oscar !

Plusieurs établissements (hôtels ou bars), à travers le monde, portent le nom d’Oscar Wilde. Nous en avons répertorié quelquesuns pour vous, à l’occasion de l’ouverture toute fraiche de l’OSCAR WILDE à New York.

 A New York – Oscar Wilde – 45 West 27th Street 10001 New York


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 A Chicago – Wilde, bar and restaurant 3110 N Broadway, Chicago IL 60 657


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 A Los Angeles – Wilde, wine bar and restaurant


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 A Londres - Oscar Wilde Bar – Hôtel Café Royal - 68 Regent Street, Londres W1B 4DY, Au sein du célèbre Café Royal de Regent Street, jadis fréquenté par Wilde et Bosie, se trouve aujourd’hui


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 A Paris – L’Hôtel 13, rue des Beaux-Arts - Paris Il n’y a pas, à proprement parler, d’établissement portant le nom d’Oscar Wilde, mais il y en a un dont l’histoire est indissociable de celle d’Oscar Wilde. Il s’agit de l’Hôtel, ancien Hôtel d’Alsace, où Wilde est mort sous le pseudonyme de Sebastian Melmoth.

 Porté disparu… Il y avait jadis à Paris un pub Irlandais appellé « The Oscar Wilde ». On pouvait le trouver au 25, rue des Halles, dans le 1 er arrondissement. Il a malheureusement fermé il y a quelques années.


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 A Dublin – Wilde Restaurant Grafton Street, Dublin Dublin 2


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 A Berlin – The Oscar Wilde Pub Friedrichstraße 112, 10117 Berlin

 A Chilliwack (Canada) - Wilde Oscar's at the Wellington 45886 Wellington Ave, Chilliwack, BC V2P 2C7, Canada


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 A Beyrouth – Oscar Wilde Bar (fermé) 78 Street | Hamra, Beyrouth


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The Happy Prince Alexander Flemming Str, Beyrouth, Liban

 A Turin – Oscar Wilde Piazza Moncenisio, 7, 10143 Torino, Italy


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 A Grenade

 A Dockland (Australie) – Oscar’s Table Docklands 50 New Quay Promenade -VIC 3008 Australie


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 A Petah Tikva (Israël) Shaham 36, Kiryat Matalon, Petah Tikva Israel


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 A Telese Terme (Italie) – Oscar Wilde Irish Pub Largo Mercato Est, 82037 Telese Terme (BN)

 A Suceava (Roumanie) – Oscar Wilde Pub Restaurant str. Ştefan cel Mare, Nr. 26 * On trouve aussi des établissements portant le nom de Dorian Gray, comme ceux de New York (205 East 4th Street New York, NY 10009)


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ou de Belgrade (kralja petra, Belgrade, Serbia)

Ou encore celui de Ligure (Via Roma 51, 15067 Novi Ligure, Italie),

de

Moscou

(6/1

Kadashevskaya

Embankment-

Moscou), ou The Dorian Gray (Via Ca' Magre' 32, 37063 Isola della Scala, Italie), de Riga (Mazā Muzeja iela 1-1 , Riga) et de Turin (via Tunisi 61, Turin, Italy), de Denia (C/ de la Mar, 14, Dénia, Valencian Community, Spain, 03700)


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11 – Wilde au théâtre Handbag, Or the importance of being someone

De Mark Ravenhill 14 Scènes - 11 Rôles: 5 hommes et 6 femmes – 7 acteurs Handbag est une pièce en colère, satirique et pénétrante, qui parle de la parenté, et qui catapulte les intrigues de l’œuvre de Wilde « The Importance of being Earnest » en les ré-imaginant, à travers la vie d’un bébé dans les années 90, l’enfant né d’un couple lesbien et d’un couple homosexuel. Son

auteur,

Mark Ravenhill

est un dramaturge, acteur

et

journaliste, lui-même homosexuel, dont les pièces s’efforcent de


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représenter la société britannique contemporaine. Il a écrit « Handbag » en 1998. La pièce a été donnée à plusieurs reprises.

 Septembre 1998 – Londres Mise en scène : Nick Philippou Distribution : Tom/Cardew - Tim Crouch Lorraine/Prism - Faith Flint Phil - Paul Rattray Suzanne/Constance - Julie Riley Mauretta/Augusta - Celia Robertson David/Moncrieff - Andrew Scarborough

Lyric Studio, Hammersmith – Londres

 Février 2004 – Rude Guerilla theater Compagny - USA Mise en scène : Dan Barton


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 Juin 2012 – Roumanie

Distribution :


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Lorraine/ Prism – Marina Panainte Phil – Lucian Ionescu Mauretta/ Constance – Bianca Popescu Suzanne / Augusta – Laura Marin David/Cardew – George Rotaru Tom/ Moncrieff – Alexandru Ştefănescu

 6 au 30 novembre 2014 – Washington

Anacostia Playhouse

- Washington

Mise en scène : Robert McNamara Avec : Anne Nottage, Amanda Forstrom, Gray West, Edward C.Nagel, Robert Sheire, et Haely Jardas


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L’œuvre a été publiée en décembre 1998 chez Bloomsbury Methuen Drama.


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12 – Cinéma Un nouveau film sur les procès d’Oscar Wilde Le magazine « Le Film Français » annonce le tournage d’un long métrage consacré aux procès d’Oscar Wilde. Réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, ce nouveau biopic offre au comédien et humoriste Alex Lutz le rôle de l’auteur irlandais. La distribution sera complétée par Mathieu Spinosi, qui jouera Lord Alfred Douglas, Charles Berling (Sir Edward Carson), Raphaël Personnaz et Gregory Gadebois. Scénario de Philippe Besson. Le tournage commencera à Bruxelles le 28 août prochain.

Alex Lutz


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Rappelons également que « The Happy Prince », le film de Rupert Everett sur les dernières années d’Oscar Wilde, est en attente de sortie. Rupert Everett (Oscar) et Colin Morgan (Bosie)


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13 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle. Le rédacteur en chef en était David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal / site de web international en ligne publié par D.C. Rose, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs milliers de lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007 jusqu’à Juillet 2010. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site www.irishdiaspora.net.

Vous y découvrirez une variété

d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies, chronologies, liens etc.

L’appendice ‘LIBRARY’ contient des articles sur Wilde

republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 étaient en ligne

ici,

mais plusieurs pages ont été détruites par le ci-devant

webmaster, et l’accès est interdit. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse :

http://oscholars-oscholars.com/

sont en train d’être y republier.

et toutes les éditions


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14. Signé Oscar Wilde Je n’approuve point ce qui dégrade l’ignorance naturelle. L’ignorance est telle un délicat fruit exotique : touchez-y et c’en est fait de son éclat. Toute cette théorie actuelle sur l’éducation est profondément malsaine. Par bonheur, en Angleterre du moins, l’éducation n’est suivie d’aucun effet. (L’importance d’être Constant – Lady Bracknell – acte 1)

I do not approve of anything that tampers with natural ignorance. Ignorance is like a delicate exotic fruit : touch it and the bloom is gone. The whole theory of modern education is radically unsound. Fortunately in England, at any rate, education produces no effect whatsoever. (The importance of being Earnest – Lady Bracknell – act 1)


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