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Rue des Beaux-Arts n°62 – Janvier/Février/Mars 2018

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 62 Janvier/Février/Mars 2018

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Rue des Beaux-Arts n°62 – Janvier/Février/Mars 2018

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm

et les numéros 42 à 62 ici.

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1 – Éditorial Par Danielle Guérin-Rose

Portraits d’artiste Le premier portrait que l’on ait de l’artiste, c’est la photo d’un petit garçon en robe de velours bleu et dentelles (colorisée après coup), coiffé avec ce qui ressemble à des anglaises. Wilde a deux ans, et cette

photo

sur

plaque

de

verre

devait

susciter

bien

des

commentaires, comme si la postérité y voyait en filigrane l’image de l’homme futur, celui qui aimait les garçons. Peut-être même une incitation au travestissement. De sorte de beaucoup acceptèrent sans broncher des années plus tard d’identifier Oscar Wilde dans la photo de la chanteuse hongroise Alice Guszalewisz costumée en Salomé, comme s’il était un adepte du travestissement, ce qui n’était pas le cas. Sur cette photo de petite jeunesse, l’enfant mâle porte en effet des vêtements réservés au sexe féminin, et les analystes de tout poil eurent beau jeu de voir là la semence de l’homosexualité de Wilde, sa mère, qui désirait une fille, l’ayant habillé comme telle jusqu’à presque dix ans.

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Dans son « Album Wilde »1, paru en France pour le centenaire de son grand-père, Merlin Holland tord le cou à cette légende en rappelant qu’il était alors courant d’habiller en robe les enfants des deux sexes jusqu’à l’âge de trois ans, et que, d’ailleurs, une photo d’Oscar prise à l’âge de sept ou huit ans, prouve qu’il suivit la même mode vestimentaire que les autres garçons. Le port de la robe ne dépassa pas chez lui la limite de temps appliquée à ses congénères. Il est facile de retoucher le passé à la lumière de ce que l’on sait du futur, quitte à en tirer des conclusions hâtives. Il n’en est pas moins vrai que plusieurs des portraits d’Oscar sont révélateurs, soit de l’image qu’il désirait donner de lui-même, soit des interprétations qu’on a pu en faire ultérieurement. Ils ne sont que rarement neutres.

Passons rapidement sur la période Oxfordienne, où Wilde commence pourtant déjà à soigner sa réputation d’élégance (complet à carreaux, col cassé, gilet, petit chapeau melon légèrement incliné sur le côté, 1

Album Wilde, Merlin Holland – Anatolia, éditions du Rocher, 2000, pour l’édition française. P.20. 4


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attitude chic et décontractée, où un pied est nonchalamment posé sur l’assise d’un fauteuil), pour arriver à la fameuse série des clichés pris à New York par Napoleon Sarony. Ils illustrent parfaitement la mise en scène à laquelle s’est soumis Oscar, mise en scène qu’il a sans doute désirée et suggérée pour asseoir son look de « professeur d’esthétique ». Ces photos pourraient être l’équivalent des « books » présentés aujourd’hui par les jeunes acteurs aux directeurs de casting pour décrocher un rôle. Le rôle dans lequel Oscar voulait alors s’imposer était celui d’esthète et de dandy, et il y réussit parfaitement

puisqu’aujourd’hui

encore,

ce

sont

souvent

les

photographies de Napoleon Sarony qui le représentent dans l’imaginaire collectif. Il est vrai que Wilde et Sarony n’avaient rien négligé pour réussir leur coup. De la fameuse pelisse ornée d’un collet de fourrure verte, au stick tenu dans la main droite tandis que la main gauche enserre des gants, du veston de velours gansé aux culottes à la française et aux bas de soie, chaque détail a été étudié, pesé, théâtralisé. Ils sont le viatique dont Oscar se munit pour se présenter au monde et lui offrir son meilleur profil.

Ce n’est pas un hasard s’il les a fait réaliser juste après son arrivée à New York par le plus célèbre photographe de l’époque, le photographe des stars (comme Nadar à Paris ou Harcourt un peu 5


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plus tard). Il lui fallait ce sésame pour se lancer dans le Nouveau Monde, cette carte de visite à déposer aux bonnes adresses, ce portfolio à exhiber, pour décrocher le premier rôle. Portrait de jeune homme en conquérant. C’est ce que proclame toute son attitude et aussi ce regard, tantôt rêveur et perdu, tantôt hypnotique et séduisant. Cet homme-là n’est pas ordinaire, c’est un artiste, un prince, un maître en art, qui vous arrive en Amérique, et va vous civiliser, bonnes gens. Il a débarqué sur des terres vierges à qui il compte enseigner la beauté. Et c’est la beauté que représentent ces photos, le raffinement d’un esprit supérieur, qui va révéler des merveilles à son audience, réveiller son intelligence et son goût en brandissant le flambeau de l’esthétisme. Ainsi ces photos ne relèvent-elle pas seulement du désir de fixer un évènement (l’arrivée de Wilde aux Etats-Unis), mais sont aussi un message appuyé adressé à son futur public, à la presse, au monde, à la postérité. Il y a, dans ces photos, tout le Wilde en devenir, celui qu’il va patiemment construire, qu’il veut graver au fronton de l’avenir. On peut bien écrire que, devant l’objectif de Sarony, il prend la pause pour l’Histoire. Il s’imprime dans les mémoires, il laisse sa trace indélébile – pas seulement sur la plaque de verre – mais sur les temps qui viennent. Ces photographies sont un pari sur l’avenir. Il y a en elles une flamboyance, une superbe, une confiance en soi, qui montrent à quel point le jeune exilé de vingt-sept ans, ce voyageur sans bagages, croyait en sa destinée. Bien d’autres suivront, mais aucune n’aura l’impact de cette série américaine de 27 clichés qui resteront dans les annales. Il y aura d’autres photos en effet, plus tardives, prises en 1883, lors du retour 6


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d’Oscar à New York pour sa malheureuse pièce Véra. Entre temps, il sera passé entre les mains d’un coiffeur parisien qui aura coupé ses boucles. Cet Oscar de la seconde période a un peu perdu de son éclat, comme si le sacrifice de sa longue chevelure l’avait, tel Sanson, privé de sa force, avec cette coupe à la Néron qui lui va si mal (« une sorte de caricature de Dyonisos » dira Richard Le Gallienne).

Sa force créatrice, certainement pas, car son plus beau chemin vers la célébrité l’attend encore, mais on pourrait penser qu’un peu de magie s’est enfuie, qu’il a descendu une marche, que la merveilleuse évanescence de la jeunesse hardie s’est ternie. L’âge adulte a étouffé en lui le jeune homme étincelant. Il y aura encore d’autres photos, d’autres photographes : Henry Van der Weyde à New York, pendant l’été 82 – Jabez, Hughes et Mullins, sur l’île de Wight, en 1884 – costume blanc et camélia à la boutonnière - Robert W. Trupp, en novembre 1884 (pelisse et large lavallière) à Birmingham, où il vient de faire une conférence – Debenham and Gould, Bournemouth, en 1887 (tenue sobre et 7


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sombre, presque pastorale)– H.H.H Cameron, en 1889, époque où il était rédacteur en chef de The Woman World –

Debenham and Gould – 1887

Sur le cliché de W & D Downey, Londres, en1889, l’année où il commence à écrire Le Portrait de Dorian Gray, il arbore une élégance sobre et de bon aloi. Toute extravagance a disparu et les seuls signes esthétiques encore visibles sont la paire de gants tenue dans la main droite et la fleur à la boutonnière (une fleur de chrysanthème ou une orchidée ?)

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Le dandy ressort du bois cependant en 1892 devant l’objectif des photographes londoniens Ellis & Walery, dont le cliché à la cigarette est demeuré très célèbre.

C’est un homme arrivé qui pose là, un homme qui n’est pas loin d’atteindre le faîte de sa gloire, à qui la haute société a ouvert ses salons (du moins pour un temps). Il est plein d’assurance, voire d’un peu de morgue. La façon dont il tient sa cigarette atteste de son élégance et de son aisance. C’est là le véritable portrait du « Roi de la Vie », de celui qui se définissait lui-même comme « le seigneur du langage. Un artiste comblé, dans toute sa royauté. Il ne sait pas qu’il n’a plus que trois ans à triompher, et pourtant, sur les photos suivantes, s’il est toujours élégant, quelque chose a disparu de sa sérénité magnifique. D’abord, il n’est plus seul. Sur les photos de 1893 prises par Gillman and Co, un jeune homme partage avec lui la vedette. Il passe son bras derrière lui. Bosie (puisque c’est 9


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de lui qu’il s’agit), ressemble à un jeune élève bien sage. Sur une autre, Oscar, debout, regarde devant lui, vers l’objectif, tandis que Bosie, toujours assis, jambes croisées, pantalon blanc, semble un peu absent, comme perdu dans un rêve. Puis, les positions sont inversées. Oscar, chapeau sur la tête est assis, tandis que Bosie semble à demi juché sur quelque chose. Ils n’ont pas l’air particulièrement intimes. On pense plutôt à un maître et son disciple, à une relation née, comme la décrira Oscar au cours de son procès de « la noble affection d’un aîné pour un homme plus jeune » - « une affection profonde et spirituelle, aussi pure qu’elle est parfaite ».

Les photos prises à Naples à l’automne 1897, où on voit à nouveau les deux hommes ensemble, peuvent difficilement répondre à cette définition, étant donné qu’un tremblement de terre s’est produit entre temps, jetant à bas toutes les apparences, que Wilde est allé en prison, et que, de l’Europe à l’Amérique, on connait à présent la vérité à propos de la relation qu’ils entretiennent. Qui a pris ces photos de Naples ? Robbie Ross ? Une de leurs jeunes conquêtes ? C’en est en tout cas fini des studios de renom, des grands photographes chargés d’immortaliser les « beautiful people ». Les 10


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photos sont assez médiocres. Il y a des ombres sur le visage de Bosie. Les deux hommes, installés derrière une table où on voit des verres et une bouteille, ont presque l’air en rade, à la dérive. Le visage de Wilde, qui essaie encore de porter beau, est triste. Celui de Bosie, soucieux. Ce n’est certes pas le bonheur que reflète cette scène qui semble se situer en plein air, dans une sorte de paillotte, un établissement de plage de seconde classe.

Ce seront là les dernières photos des deux hommes ensemble. Presque les dernières photos de Wilde. Il y aura encore celles de Rome, puis celle prise sur son lit de mort. À Rome, il est seul à nouveau. C’est un monsieur un peu fort, campé sur les

ruines du Forum, et sur les marches de Saint-Pierre de

Rome. Au pied de la statue de Marc-Aurèle, au Capitole, il affiche encore une certaine élégance, appuyé sur son parapluie, comme autrefois sur sa canne de dandy. On sent qu’il se tient, il n’a pas totalement renoncé à une certaine classe, qu’un souci de dignité, de représentation, le garde droit. On dit que les photos ont été prises par l’appareil de Wilde lui-même, Oscar s’étant pris d’intérêt pour la photographie. Mais là encore, qui se trouvait derrière l’objectif ? Les 11


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ruines de Rome, en tout cas, conviennent bien à Oscar dont la propre vie est en ruines. Ce sera son dernier voyage, les dernières images que l’on verra de lui vivant.

Si on compare ces photos aux caricatures et portraits que certains artistes ont pu tracer de lui, on est frappé par l’accentuation, pour ne pas dire par la déformation imposée au physique d’Oscar. Sans parler des caricatures que Max Beerbohm fit après sa mort (par définition, les caricatures grossissent toujours exagérément le trait), des peintres comme Opisso l’ont représenté en homme obèse, éléphantesque, enlaidi par des bajoues. Il est vrai que, pour Opisso, il s’agissait d’un travail de pure imagination. Mais il est justement intéressant de voir que dans l’imaginaire de ce peintre, comme dans celui de bien d’autres, Oscar se réduit à cette représentation un peu grotesque d’un être monstrueux, voire légèrement répugnant, de sorte qu’on peut se demander si, dans certaines mémoires, ce n’est pas l’homme intime qui parait monstrueux, l’être scandaleux et perdu de réputation qui a violé tous les codes et fait voler en éclats la bienséance victorienne.

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De même, la représentation d’Oscar par Henri de Toulouse-Lautrec (dont on n’est pas sûr qu’il ait rencontré son modèle) donne-t-elle de Wilde une image assez orientée, celle d’un vieil homosexuel dont le visage parait fardé, presque poudré, la bouche maquillée de rouge, et qui se rapproche beaucoup du Gustav von Aschenbach naufragé de la fin du film de Visconti, Mort à Venise.

On ne peut pas soupçonner Toulouse-Lautrec d’être un parangon de vertu, ni un ardent défenseur de la moralité bourgeoise, lui qui côtoyait volontiers les danseuses de bastringue et les prostituées. Il n’empêche que le portrait d’Oscar Wilde qu’il fixe pour l’éternité est 13


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celui d’un archétype qui ne correspond pas tout à fait au personnage réel et que, par-là même, il contribue à ancrer dans la légende une image relativement négative non seulement du modèle mais de la communauté à laquelle il appartient, et dont les prétendues caractéristiques finissent par prédominer sur tout le reste. Danielle Guérin-Rose

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2 – Publications Oscar Wilde – Le portrait de Dorian Gray Lu par Denis Podalydès CD – Editions Thélème – nov 2017

Et ailleurs… John Vanderslice – The last days of Oscar Wilde Burlesque Press, LLC - Janvier 2018) ISBN 978-0996485098

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Jorge Claudio Morhain – The picture of Dorian Gray – a graphic Novel Stone Arch Books – Janvier 2018 ISBN 978-1496564092

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3- Expositions From decadence to despair La première exposition majeure Consacrée à Oscar Wilde par Trinity College - Dublin

Dublin n’avait jamais consacré d’exposition importante à un de ses fils les plus célèbres : Oscar Wilde. Il est vrai qu’Oscar a quitté l’Irlande à 20 ans pour Oxford, et que sa carrière s’est faite essentiellement à Londres. Cependant, Wilde s’est toujours réclamé de ses origines irlandaises et il était temps que Trinity College, célèbre établissement dont il fut l’élève, se décide à lui rende hommage avec cette exposition qui s’est ouverte le 12 octobre 2017, quatre jours avant la date anniversaire de l’écrivain. L’évènement a été marqué par une interview publique du comédien Rupert Everett, wildien de longue date, par l’écrivain irlandais Carlo Gebler. L’exposition

présente

des

lettres, 17

des

photographies,

des


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programmes de théâtre, des livres qui proviennent de collection Oscar Wilde qui a été achetée par Trinity en 2011 à Julia Rosenthal, une collectionneuse londonienne qui acheta son premier autographe d’Oscar Wilde en 1976. Rosenthal continua de collecter les souvenirs wildiens pendant les décades suivantes, rassemblant quelque 150 objets qui constituent une des plus importantes collections privées au monde.

L’acteur Rupert Everett, Caoimhe Ní Ghormáin, curatrice de l’exposition et le sénateur David Norris

On y trouve, par exemple, une lettre de Wilde à son amie, l’écrivaine Eliza Stannard, rédigée peu après sa sortie de prison en mai 1897. Ecrite depuis un hôtel normand, Wilde confie avoir « bien sûr été soumis à une terrible punition, et avoir atteint des sommets d’angoisse et de désespoir ». Ou encore un étui en argent pour cartes de visites offert par Sphinx (Ada Leverson) (Wilde) après son exil en France.

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à Sebastian Melmoth


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Une lettre touchante à son fils Cyril, une autre à son professeur de Trinity, John Pentland Mahaffy, où il le complimente d’être « l’enseignant qui m’apprit à aimer le choses grecques », ou un reçu d’une somme de 25£ versée par ami More Adey figurent également dans

la

collection

qui

s’enrichit

aussi

de

publicitaires inspirées de sa tournée américaine.

19

plusieurs

cartes


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La collection Oscar Wilde acquise par la bibliothèque de Trinity constitue

les

seules

archives

wildiennes

possédées

institution publique en Irlande.

Jusqu’au 3 janvier 2018 Bibliothèque de Trinity College - Dublin

20

par

une


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4. Opéra et Musiques, Le Nain De Zemlinski Der Zwerg, opéra en un acte, livret de Georg C. Klaren d’après la nouvelle L’anniversaire de l’infante d’Oscar Wilde Arrangement pour orchestre de chambre de Jan-Benjamin

Mise en scène et scénographie Daniel Jeanneteau Costumes Olga Karpinsky Lumières Marie-Christine Soma Chef de chant et assistant à la direction musicale Nicolas Chesneau Assistant mise en scène et scénographie Olivier Brichet Orchestre Symphonique de Bretagne (Directeur Musical Grant Llewellyn)

Direction musicale Franck Ollu

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Le Nain Mathias Vidal Donna Clara Infante d’Espagne Jennifer Courcier Ghita, sa camériste Julie Robard-Gendre Don Estoban, chambellan Christian Helmer Trois Caméristes Laura Holm, Marielou Jacquard, Fiona McGown

« L’anniversaire de l’infante » - Illustration Nika Goltz

Je 16, Sa 18 et Lu 20 Novembre 2017 Opéra de Lille 25 Mars (16H), 27 mars et 28 Mars 2018 (20H) Opéra de Rennes Une coproduction Fondation Royaumont, Opéra de Lille, Opéra de Rennes, Théâtre de Caen

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Salomé à Londres

Mise en scène

David McVicar

Décors

Es Devlin

Lumières

Wolfgang Göbbel

Choreographie

Andrew George

Le premier tableau de la production 2008 de David McVicar pour The Royal Opera introduit un monde de décadence et d'injustice. À l'étage supérieur, il y a un banquet pour l'élite, tandis que dans la cuisine crasseuse, les domestiques, les gardiens et les prostituées attendent d'être convoqués. La désintégration morale et physique est renforcée par les conceptions inspirées de l'art déco d'Es Devlin. Direction musicale : Henrik Nánási

   

Distribution : Malin Byström (Salome) Michael Volle (Jochanaan) John Daszak (Herodes) Michaela Schuster (Herodias) 23


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David Butt Phillip

(Narraboth)

Du 8 au 30 janvier 2018 Covent Garden – Londres

Les 28 janvier et 3 février 2018, Salomé sera également donnée au Deutche Opera de Berlin, dans une mise en scène de Claus Guth, sous la direction musicale d’Evan Rogister. Avec Catherine Naglestad dans le rôle de Salomé, Burkhard Ulrich dans celui d’Hérode, et Gabriele Schnaut dans celuis d’Hérodias.

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5 – Théâtre L’Âme humaine sous le socialisme Conception Séverine Astel, Céline Champinot, Gérald Kurdian, Geoffroy Rondeau Avec Séverine Astel, Gérald Kurdian, Geoffroy Rondeau Dramaturgie Séverine Astel Composition musicale Gérald Kurdian Conseil artistique Emmanuel Daumas Scénographie Margot Clavières Lumière Jean Bellorini Iconographie et vidéo Guillaume Cassar

L’Âme humaine sous le socialisme est un essai d’Oscar Wilde publié en 1891. Dans cette utopie, les hommes confient aux machines toutes les tâches économiques pour éradiquer la misère et se consacrer uniquement à la réalisation du beau. Cette société d’artistes, à la fois anarchique et spirituelle, a inspiré les artistes qui questionnent, à travers la transposition scénique, l’individualisme 25


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contemporain, le consumérisme exacerbé et la place de l’art dans le monde

actuel.

Hybridités,

design,

musique

pop

et

identités

fluctuantes construiront et déconstruiront les codes web-culturels de notre début de millénaire dans un hommage à l’excentricité visionnaire d’Oscar Wilde, son indépendance d’esprit et son esthétisme farouche

Du 3 janvier 2018 au 17 février 2018 Théâtre Gérard Phillipe – Saint Denis 20 au 23 février 2018 La criée – Théâtre National de Marseille Le 21 février, rencontre avec l’équipe artistique, à l’issue de la représentation.

Le Fantôme de Canterville

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Adaptation Leïla Moguez Mise en scène Leïla Moguez Avec : Antoine Brin - Leïla Moguez

Du 10 janvier au 1er avril 2018 – les me, sa et di à 14H30 Théâtre de l’Essaion - Paris

Un Mari Idéal

Mise en scène : Cathy Guillemin 27


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Avec : Edouard Licoys, Audrey Morin, Maxime Seynave, Laure Loaëc, Cédric Obstoy et Aurélie Campovecchio, Vincent Germain, Laurent Dubesset, Victoria Blanc, Isabelle Duvernois, Pavlina Novotny, Oscar Voisin, Aila Navidi. Du 22 septembre 2017 au 19 janvier 2018 – les jeudis (21H30) et vendredis (19H45) La Comédie Saint-Michel – Grande Salle

Salomé

Par la compagnie Diversités Avec : Camille Timmerman (Salomé 1), Axelle Delisle (Salomé 2), Léa Malassenet (Salomé 3), Jean-Marc Dethoret (Hérode), Philippe Le Gall (Iokanaan), Rita Neminadad (Hérodias) Mise en scène : Leonardo Alejandro Hincapie Musique : Vincent Feuillet A propos de la mise en scène :

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S’emparant du mythe de Salomé, notre mise en scène part de l’idée d’un éternel féminin, d’un archétype de la Femme qui attire et trouble le monde occidental depuis des siècles. C’est pour cette raison que notre Salomé sera à visage multiple, pour faire grandir ce personnage en puissance, pour lui faire occuper la place centrale que nous lui avons enlevée : une déesse antique de l’amour qui utilise son pouvoir de séduction pour résister et conquérir. Nous croyons que c’est aussi une manière de souligner le trait original de la version d’Oscar Wilde : Salomé, et surtout son désir, ne dépend de personne. Deux éléments symboliques, choix d’un espace non-conventionnel et actualisation de la pièce, viennent éclairer notre parti pris de mise en scène. Le lieu de la représentation évoque un salon de réception. L’action se déroule de nos jours. Hérode, ambassadeur, reçoit ses invités (le public), lors d’un vernissage ou d’un cocktail. Nous avons fusionné les petits personnages, présents tout au long de la pièce de Wilde, en deux gardes du corps de l’ambassadeur. L’objectif était de rendre la pièce encore plus percutante, pour que le drame décrit par l’auteur soit, si c’est encore possible, plus efficace. Mais nous avons tenu à ne pas toucher (ou presque) au texte. Il était important de garder l’exercice d’écriture en langue française auquel Wilde s’était consacré avec tant d’enthousiasme. Son résultat est étonnant. Salomé devient, dans notre mise en scène, une chanteuse-danseuse qui offre à son beau-père, Monsieur l’Ambassadeur, et en même 29


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temps au public, un numéro que nous voulons troublant : sensuel et burlesque à la fois. Un musicien sur scène l’aidera à subjuguer les coeurs et à achever sa parade. Nous voudrions faire régner l’atmosphère obsessionnelle du désir et du pouvoir. Si cette pièce nous touche encore de nos jours, c’est parce qu’elle décrit la fin d’une époque, un monde en décadence, en changement. Un monde qui a perdu ses anciennes valeurs et qui tâtonne, dans l’obscurité, un nouvel espace de construction, une nouvelle forme de vie qui donne sens et espoir à un futur partagé. Par sa jeunesse, Salomé incarne l’avenir, les prémices d’une société où les valeurs patriarcales n’ont plus leur place. Mais qui, d’entre nous, peut affirmer de quoi demain sera fait ?

Les 15 et 16 mars 2018 – 94 Rue de Charonne. 75011 Paris. 30 – 31 mars – 1er et 2 avril 2018 – Théâtre de verre - 12 Rue Henri Ribière 75019 Paris 30


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Une lecture du Fantôme de Canterville

Dans le cadre de la nuit de la lecture, le comédien Théophile Choquet donnera une lecture du Fantôme de Canterville à la Chapelle Saint-Patrick du Centre Culturel Irlandais.

20 janvier 2018 à 19H30 – en français. Centre Culturel Irlandais – 5, Rue des Irlandais – 75005 Paris

Et ailleurs…

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Mise en scène : Kathy Burke Avec : Samantha Spiro, Kevin Bishop, Jennifer Saunders 12 janvier au 7 avril 1018 Vaudeville Theatre à Londres Retransmission cinématographique le 20 mars.

3 au 6 janvier 2018 Vaudeville Theatre – Londres

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Gross Indecency, The three trials of Oscar Wilde

17 février au 17 mars 2018 John Hand Theatre – Denver - Colorado

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6 - Salomé de Wilde et le Cantique des cantiques : de l’orientalisme à la subversion par Jean-Baptiste Amadieu

La seule pièce de théâtre composée par Wilde en langue française, Salomé (1891-1893), reprend et transforme la célèbre scène lors de laquelle la fille d’Hérodiade danse devant le tétrarque Hérode. La modification la plus frappante que Wilde fait subir au récit évangélique porte sur le personnage de la jeune fille, nommée Salomé dans l’histoire de Flavius Josèphe. L’héroïne de Wilde demande de sa propre initiative la tête de Iokanaan dont elle est éprise d’une passion non réciproque. Après qu’on lui a présenté la tête sur un plateau d’argent, elle baise la bouche du prophète 34


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décapité. Si l’amour de la fille d’Hérodiade pour Iokanaan est étranger au Nouveau Testament, Wilde se sert pourtant d’un autre livre de la Bible pour mettre en scène la convoitise de Salomé. La célébration du corps du prophète et l’expression du désir de la jeune fille reprennent des expressions du Cantique des cantiques. Mais les réminiscences du poème biblique ne concernent pas seulement la concupiscence de Salomé ; les échos du Cantique affectent la plupart des personnages, y compris sur des sujets sans rapport avec la passion amoureuse. L’imprégnation du Cantique dans Salomé ne va pas de soi. Quel est le sens produit par la confrontation inattendue entre les récits néotestamentaires de la décollation de Jean-Baptiste et le poème érotique de l’Ancien Testament longtemps interprété comme une allégorie mystique de l’amour de Dieu envers Israël ou l’Église ? Les images et les expressions du Cantique imprègnent la pièce dans la bouche des personnages amoureux, mais encore dans l’évocation de la divinité. Si, à première vue, la reprise de tours donne au texte un style oriental, les échos capitaux invitent à une comparaison entre

les

deux

textes,

tant

le

drame

subvertit

les

versets

fondamentaux du Cantique. Au-delà du Cantique lui-même, la pièce interroge la tradition herméneutique du texte biblique qui descelle une interprétation spirituelle sous le sens érotique littéral. * *

*

I. PRÉSENCE DU CANTIQUE DANS SALOMÉ 35


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De nombreuses images du Cantique des cantiques apparaissent dans Salomé de Wilde. Le Jeune Syrien s’adresse ainsi à Salomé : « Princesse, princesse, toi qui es comme un bouquet de myrrhe, toi qui est la colombe des colombes, ne regarde pas cet homme, ne le regarde pas 1! » Les images renvoient au Cantique : « Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe » (I, 13) ; la bien-aimée est comparée régulièrement à une colombe : « ma colombe » (II, 14 ; V, 2 ; VI, 9). L’expression « colombe des colombes » renvoie au superlatif oriental à la manière de « cantique des cantiques ». Hérode s’adresse à Salomé : « vous qui êtes la plus belle de toutes les filles de Judée »2, reprenant le même éloge de l’époux du Cantique à sa bien-aimée : « ô la plus belle des femmes » (I, 8 ; V, 9 ; VI, 1). Les échos ne se limitent pas aux reprises littérales ; le spectateur ou le lecteur trouve des formulations qui condensent plusieurs images éparses du Cantique. La princesse Salomé s’adresse ainsi au prophète : Je n’aime pas tes cheveux... C’est de ta bouche que je suis amoureuse, Iokanaan. Ta bouche est comme une bande d’écarlate sur une tour d’ivoire. Elle est comme une pomme de grenade coupée par un couteau d’ivoire3. Le propos rapproche diverses expressions éparses dans le poème biblique :

1

Wilde, Salomé, éd. Pascal Aquien, Paris, Flammarion, coll. GF, 2006, p. 87. Les traductions françaises du Cantique proviennent de Lemaistre de Sacy et de Renan. Il est difficile de déterminer l’édition consultée par Wilde : les échos s’approchent alternativement de chacune des versions. 2 Ibid., p. 143. 3 Ibid., p. 83-85. 36


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Salomé de Wilde Cantique des cantiques Ta bouche est comme une bande Comme un fil d’écarlate sont d’écarlate sur une tour d’ivoire

tes lèvres. (IV, 3.) Ton cou est comme une tour

d’ivoire (VII, 5.) Elle est comme une pomme de Le parfum de grenade

ton

souffle

comme celui des pommes (VII, 9.) Ta joue est comme une moitié de grenade (IV, 3.) Comme la tour de David est ton cou. Comme une tranche de grenade est ton cou. (IV, 4.)

Si le langage imagé du Cantique s’applique presque exclusivement à l’amour, au point d’avoir marqué la topique amoureuse occidentale, les reprises par Wilde concernent d’autres sujets. Le Cappadocien utilise des images du Cantique pour parler de ses dieux chassés par les romains : Il y en a qui disent qu’ils se sont réfugiés dans les montagnes, mais je ne les crois pas. Moi, j’ai passé trois nuits sur les montagnes, les cherchant partout. Je ne les ai pas trouvés. Enfin, je les ai appelés par leurs noms et ils n’ont pas paru 1. La réplique condense là-encore des images tirées du Cantique, pour les appliquer à une autre réalité que l’amour : Sois semblable, mon bien-aimé, à la gazelle ou au faon des biches, sur les montagnes qui nous séparent. / Sur ma couche, pendant les nuits, j’ai cherché celui que mon cœur aime ; je l’ai cherché, et je ne l’ai point trouvé... (II-17 – III, 1.)

1

Ibid., p. 53. 37


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mon bien-aimé s’en était allé, il avait disparu. [...] Je l’ai cherché, et je ne l’ai point trouvé; Je l’ai appelé, et il ne m’a point répondu. (V, 6.) Fuis, mon bien-aimé! Sois semblable à la gazelle ou au faon des biches, Sur les montagnes des aromates ! (VIII, 14.) Wilde déplace les images amoureuses à la question des dieux cachés ; le transfert, s’il semble trahir le Cantique, n’est cependant pas infidèle à la tradition interprétative du Cantique qui voit dans le poème érotique une allégorie des rapports entre l’humanité et la divinité.

II. SENS ET USAGES DU CANTIQUE DANS SALOMÉ A. Le choix d’un langage orientaliste Wilde puise dans le Cantique des expressions et des tours particulièrement imagés (double ou triple comparaison), propres à un style jugé oriental, au sens où il décrirait de façon analogique en multipliant les comparaisons, plutôt qu’il ne définirait directement et de manière immédiate. Cette domination de la sensation et de la poésie sur la pensée rationnelle, propre au Cantique, incarnerait un langage orientaliste idoine pour le drame biblique. L’orientalisme à l’âge romantique et postromantique (ou encore décadent) repose sur un ensemble de thèmes : ressourcement initiatique, exotisme, couleur locale, Orient comme lieu de fantasmes où la tyrannie se mêle à l’érotisme, la pourpre au sang, lieu fascinant et redoutable, lieu de volupté, de bizarrerie et d’ivresse. L’orientalisme ne se limite pas seulement à des thèmes, il existe aussi un style oriental, non 38


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sans lien avec les motifs eux-mêmes. La volupté et la sensualité attribuées à l’Orient supposent en effet une acuité des cinq sens : musique, parfum de fleurs et d’encens, goût de fruit, de miel, de vin, caresses, beauté plastique, couleurs chatoyantes. Le Cantique fournit une sorte de répertoire d’images dans lequel l’écriture orientaliste peut puiser. Ces images servent à étoffer les blasons de l’être aimé : Salomé de Wilde Tes cheveux ressemblent à des

dans le pays des Édomites. Tes cheveux sont comme les

Cantique des cantiques Ta taille ressemble au palmier, et tes seins à des grappes. [...] Que tes seins soient comme les grappes de la vigne (VII, 8-9.) Mon bien-aimé est pour moi une grappe de troëne des vignes d’En-Guédi. (I, 14.) Son visage est comme le Liban,

cèdres du Liban, comme les

distingué comme les cèdres (V,

grands cèdres du Liban1

15.)

grappes de raisins, à des grappes de raisins noirs qui pendent des vignes d’Édom

En outre, le langage imagé du Cantique est dépaysant et mystérieux, et d’une profonde étrangeté. Il accumule les comparaisons et métaphores, les polysémies, les dissymétries et les questions sans réponses. De ce point de vue, il offre un modèle pour l’imaginaire de l’Orient pénétré de mystères. Il fournit des images inattendues et surprenantes caractéristiques d’un style exotique, par exemple la comparaison du corps de l’être aimé à une tour où sont suspendus les boucliers de guerriers. Salomé décrit de la sorte le corps de Iokanaan : « C’était une tour d’argent ornée de boucliers d’ivoire 2 », en écho à un verset du Cantique : « Ton cou est comme la tour de 1 2

Ibid., p. 83-85. Ibid., p. 163. 39


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David,

bâtie

pour

être

un

arsenal ;

mille

boucliers

y

sont

suspendus » (IV, 4). À l’étrangeté des comparaisons, s’ajoute leur superposition à d’autres traits d’écriture. L’éloge de l’être aimé passe par une comparaison doublée d’un comparatif. Le Cantique abonde en formulations de ce genre : « Comme un lis au milieu des épines, telle est mon amie parmi les jeunes filles » (II, 2), se réjouit le bien-aimé. La Sulamite, de son côté, parle un langage similaire : « Mon bienaimé est blanc et vermeil ; il se distingue entre dix mille. Sa tête est de l’or pur ; ses boucles sont flottantes, noires comme le corbeau. » (V, 10-11.) Wilde utilise des procédés stylistiques semblables, telle cette contemplation du corps de Iokanaan par Salomé : Ton corps est blanc comme le lys d’un pré que le faucheur n’a jamais fauché. Ton corps est blanc comme les neiges qui couchent sur les montagnes, comme les neiges qui couchent sur les montagnes de Judée, et descendent dans les vallées. Les roses du jardin de la reine d’Arabie ne sont pas aussi blanches que ton corps. Ni les roses du jardin d’Arabie, du jardin parfumé de la reine d’Arabie, ni les pieds de l’aurore qui trépignent sur les feuilles, ni le sein de la lune quand elle couche sur le sein de la mer... Il n’y a rien au monde d’aussi blanc que ton corps1. Outre les comparaisons-comparatifs,

l’imagerie puise dans le

Cantique les métaphores du jardin parfumé (VI, 11 et IV, 16), de l’aurore (VI, 10), du lys, de la descente dans les vallées. Cependant, les tours et les images du Cantique ne se limitent pas au seul rôle de dictionnaire pour une composition orientaliste. B. Le choix de la subversion : Salomé comme anti-Sulamite 1

Ibid., p. 83. 40


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Dans le Cantique, la bien-aimée célèbre le corps du bien-aimé : « Ses jambes sont des colonnes de marbre blanc, posées sur des bases d’or pur. » (V, 15.) L’image est reprise mais travestie chez Wilde dans une célébration du corps de Iokanaan par Salomé : « Ton corps était une colonne d’ivoire sur un socle d’argent. » (p. 163) L’héroïne compare le corps à une colonne posée sur un socle. Mais le matériau diffère : l’ivoire se substitue au marbre blanc ; cette différence reste minime dans la mesure où elle maintient la blancheur. Plus significative est la modification du socle : l’or du Cantique cède à l’argent chez Wilde. Ce détail est révélateur de la transformation subie par le Cantique dans Salomé. L’imaginaire solaire du chant biblique disparaît dans le drame au profit d’un imaginaire lunaire. Cette subversion

du solaire en lunaire concerne surtout

le

personnage central féminin. La Sulamite du Cantique se décrit en ouverture du premier chant comme noire, selon le fameux Nigra sum sed formosa : « Je suis noire, mais je suis belle [...] Ne prenez pas garde à mon teint noir : c’est le soleil qui m’a brûlée » (I, 5-6). À l’éclat solaire et brun de la Sulamite, s’oppose la pâleur lunaire de Salomé. Elle entretient en effet un rapport déterminant avec l’astre de la nuit. La pièce annonce dès l’exposition cette proximité entre la jeune fille et la lune, selon un rapprochement commun dans la littérature fin-de-siècle : LE JEUNE SYRIEN Comme la princesse Salomé est belle ce soir ! LE PAGE D’HÉRODIAS

41


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Regardez la lune. La lune a l’air étrange. On dirait une femme qui sort d’un tombeau. Elle ressemble à une femme morte. On dirait qu’elle cherche des morts. LE JEUNE SYRIEN Elle a l’air très étrange. Elle ressemble à une petite princesse qui porte un voile jaune et a des pieds d’argent. Elle ressemble à une princesse qui a des pieds comme des petites colombes blanches... On dirait qu’elle danse1. Outre la beauté, Salomé est décrite d’emblée comme pâle, comme le constate le jeune Syrien : « Comme la princesse est pâle ! Jamais je ne l’ai vue si pâle. Elle ressemble au reflet d’une rose blanche dans un miroir d’argent2. » De même Hérode confie plus tard à Hérodias : « Elle a l’air très malade, votre fille. Jamais je ne l’ai vue si pâle 3. » D’une certaine manière, Salomé pourrait dire, à l’inverse de la Sulamite : « Je suis pâle, mais je suis belle. » Mais est-ce la lune qui l’a ternie ? La comparaison par le jeune Syrien de la lune à une princesse voilée dont les pieds ressemblent à de petites colombes blanches et qui danserait correspond à la description de Salomé s’apprêtant à danser devant Hérode : SALOMÉ J’attends que mes esclaves m’apportent les parfums et les sept voiles et m’ôtent les sandales. Les esclaves apportent des parfums et les sept voiles et ôtent les sandales de Salomé. HÉRODE Ah ! vous allez danser pied nu ! C’est bien ! Vos petits pieds seront comme des colombes blanches. Ils ressembleront à des petites fleurs blanches qui dansent sur un arbre 4... 1 2 3 4

Ibid., Ibid., Ibid., Ibid.,

p. p. p. p.

45. 51. 101. 139. 42


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L’analogie entre Salomé et la lune se prolonge dans la suite immédiate

de

ce

dialogue.

Tout

changement

chez

Salomé

s’accompagne d’une modification de la lune : HÉRODE [...] Elle va danser dans le sang ! Il y a du sang par terre. Je ne veux pas qu’elle danse dans le sang. Ce serait un très mauvais présage. HÉRODIAS Qu’est ce que cela vous fait qu’elle danse dans le sang ? Vous avez bien marché dedans, vous... HÉRODE Qu’est-ce que cela me fait ? Ah ! regardez la lune ! Elle est devenue rouge. Elle est devenue rouge comme du sang 1. Comme

dans

le

Cantique,

le

drame

de

Wilde

établit

une

correspondance entre le personnage féminin central et un astre dont il est le reflet. Alors que le soleil irradie la Sulamite du Cantique, la lune devient l’astre emblématique de Salomé. Sa pâleur s’oppose au hâle de la Sulamite, comme l’argent se substitue à l’or. L’imaginaire éclatant du Cantique est ainsi subverti, ou perverti dans la mesure où la pâleur est le versant morbide de la blancheur. Le désir luimême de Salomé pour Iokanaan vire à la perversité. La passion charnelle de la jeune fille se mêle à une haine mortifère à l’égard de l’être aimé. La subversion du Cantique tient aussi aux rapports amoureux. Alors que le Cantique célèbre l’amour réciproque et partagé, les relations amoureuses dans Salomé sont unilatérales. Hérode poursuit de ses ardeurs la princesse Salomé ; cette dernière, indifférente à l’amour du roi, brûle pour le seul Iokanaan ; mais le prophète ne partage pas 1

Ibid. 43


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cet amour, lui dont les affections sont consacrées à Dieu seul. Dans ce trio, Salomé est le personnage central : elle est aimée par celui qu’elle n’aime pas ; elle aime qui ne l’aime pas. C’est elle qui emploie le plus le langage amoureux du Cantique pour témoigner de sa passion pour Iokanaan. Cette reprise pervertie du chant biblique par Salomé s’applique aux deux moments-clés du Cantique : l’ouverture du premier chant et l’envolée du chant final. Le premier vers du Cantique exprime le désir de la bien-aimée : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! » Salomé reprend le même désir ; mais le simple souhait de la Sulamite devient chez Salomé une injonction et une prophétie menaçante : « Laisse-moi baiser ta bouche »1 (par trois fois) et « Je baiserai ta bouche, Iokanaan »2 (six fois). La prophétie se réalise après la décollation du prophète : Salomé embrasse la bouche de la tête décapitée de Iokanaan : « J’ai baisé ta bouche, Iokanaan, j’ai baisé ta bouche. » Le monologue de Salomé, avant ces derniers mots, reprend aussi les versets du dernier chant du Cantique. Elle saisit la tête de Iokanaan présentée sur un plateau d’argent et déclare sa flamme au cadavre : Et ni le vin ni les fruits ne peuvent apaiser mon désir. Que ferais-je, Iokanaan, maintenant ? Ni les fleuves ni les grandes eaux ne pourraient éteindre ma passion. [...] le mystère de l’amour est plus grand que le mystère de la mort. Il ne faut regarder que l’amour3. Ce monologue final de Salomé reprend l’envolée lyrique du dernier chant du Cantique : Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l’amour est fort comme la mort, la jalousie est inflexible comme le séjour des morts ; ses ardeurs sont des 1 2 3

Ibid., p. 89. Ibid., p. 87 à 91. Ibid., p. 163. 44


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ardeurs de feu, une flamme de l’Éternel. Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeraient pas (VIII, 6-7.) Il reprend aussi la seconde partie du premier verset : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! Car ton amour vaut mieux que le vin » (répété dans IV, 10) et du verset 4 : « Nous célébrerons ton amour plus que le vin » (I, 4). La présence de versets fondamentaux du Cantique au sein des moments capitaux de l’intrigue, notamment les échos entre les deux dénouements, invitent à une lecture comparée des deux textes. L’expression « l’amour est plus fort que la mort » acquiert une signification particulière dans le contexte de Salomé et de l’exécution du prophète. Ne serait-ce pas une interprétation perverse de l’expression ? La subversion du Cantique repose sur un débat interprétatif. Or le Cantique est le texte biblique qui a soulevé le plus de commentaires et d’interprétations. Le poème charrie avec lui des strates d’interprétations rabbiniques et ecclésiastiques, qui lui sont devenues indissociables.

III. LA TRADITION INTERPRÉTATIVE DU CANTIQUE DANS SALOMÉ A. Coprésence du Cantique et de sa tradition interprétative en littérature La présence du Cantique dans des œuvres littéraires s’accompagne parfois d’une présence de la tradition interprétative du poème 45


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biblique, des hésitations sur le sens de l’œuvre, en particulier de l’hésitation entre une lecture littérale et érotique et une lecture allégorique et spirituelle. Dominique Millet-Gérard a montré, dans Le Signe et le sceau1, une telle présence de la tradition interprétative dans Le Lys dans la vallée de Balzac. Le roman ne doit pas seulement au Cantique son titre (« lilium convallium » de II, 1), des citations

et

des

réminiscences,

mais

une

part

du

ressort

romanesque. Il ne suffit pas de percevoir les échos du Cantique dans Le Lys dans la vallée ; il faut aussi considérer l’héritage interprétatif de l’hésitation entre la lecture charnelle et la spirituelle. Grâce à cette perspective, le tiraillement d’Henriette entre un amour physique et un amour angélique, et la conversion de l’attirance sexuelle qu’éveille en elle Félix en amour chaste, presque mystique, prennent une profondeur inédite. De même, il est possible de voir dans Salomé non seulement une réécriture partielle et subvertie du Cantique, mais une présence des débats herméneutiques autour du Cantique.

B. Débat entre compréhension sensuelle et compréhension spirituelle Le

débat

herméneutique

entre

compréhension

sensuelle

et

interprétation spirituelle tient à la fois à l’usage des citations du Cantique par le personnage de Salomé et au sens que les divers personnages donnent aux paroles sibyllines du prophète Iokanaan. 1

Dominique Millet-Gérard, Le Signe et le sceau. Variations littéraires sur le « Cantique des cantiques », Genève, Librairie Droz, coll. Histoire des idées et critique littéraire (Vol. 460), 2010. La méthode du présent article doit beaucoup à cette étude magistrale. L’idée de ce travail me vint à l’occasion de la direction d’un mémoire de Gerrard Carter à Columbia University. 46


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Les

reprises

du

Cantique

par

Salomé

prennent

toutes

une

signification littérale et érotique, parfois même « hyper-littérale ». Ainsi, « l’amour est plus fort que la mort » est à entendre dans un sens particulier, plus que littéral voire nécrophilique : le cadavre de Iokanaan ne décourage pas Salomé de baiser la bouche d’un mort. Cependant le débat herméneutique, tel qu’il est verbalisé dans la pièce, porte sur l’interprétation des paroles du prophète, dont le sens n’est pas immédiat, tout comme le Cantique. Le chant est sans doute le plus déroutant des livres de la Bible, bien sûr par son érotisme inattendu entre l’Ecclésiaste et le livre de la Sagesse, mais surtout par sa composition propre à embarrasser les lecteurs cartésiens. Deux amants s’appellent, se parlent, se perdent et se cherchent sans qu’on sache exactement qui ils sont, où ils sont, de quoi ils parlent, ni même lequel des deux parle. Ce dialogue, ce double soliloque ou cette compilation de poèmes, rencontre des difficultés de syntaxe ; la construction ne permet pas toujours de discerner les changements de voix, peut passer du masculin au féminin au sein de la phrase et brouiller l’harmonie temporelle du texte par le mélange du passé et du futur, de l’accompli et de l’inaccompli. Le sens littéral n’est pas transparent. À cette difficulté première s’ajoute la variété des commentaires allégoriques. Depuis le Midrash jusqu’à Claudel, les glosateurs

religieux

ont

proposé

toutes

sortes

de

lectures

symboliques du Cantique, qui figurerait tour-à-tour l’amour de Yahvé pour Israël, l’amour de Dieu pour l’Église, l’amour divin pour la Vierge, l’amour du Christ pour l’âme humaine, l’amour trinitaire, l’amour béatifique et eschatologique du Créateur pour ses saints,

47


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etc. De la sorte, l’héritage interprétatif complique le sens d’un texte déjà littéralement difficile à saisir. Dans la pièce de Wilde, le même problème se pose au sujet de Iokanaan. On ne sait ni qui il est, ni ce qu’il raconte. Certains personnages voient en lui « un saint homme »1, « un prophète »2, un envoyé de Dieu3 ou le prophète Élie lui-même4. L’incertitude sur son identité se double d’une incertitude sur le sens de son propos. Hérodias est persuadée que les paroles de malédiction proférées par Iokanaan concernent son mari et elle ; Hérode ne partage pas son point de vue, puisque le prophète ne cite aucun nom 5. Face aux énigmes du langage prophétique, trois attitudes interprétatives sont possibles : - une interprétation sacrée : par exemple, celle d’Hérode : « Je ne comprends pas ce qu’il a dit, mais cela peut être un présage »6 ; - une interprétation absurde : celle d’Hérodias : « Ce prophète parle comme un homme ivre7... » ; - une interprétation sensuelle : celle de Salomé : « Parle encore, Iokanaan. Ta voix m’enivre8. » À l’inverse de la tradition interprétative du Cantique, qui lit dans un poème érotique une parole prophétique, Salomé saisit la parole prophétique de Iokanaan comme une musique érotique. Lorsque le 1

Wilde, Salomé, éd. cit., p. 55. Le second soldat, ibid., p. 55. 3 Hérode à Salomé : « Je suis sûr qu’il vient de Dieu. C’est un saint homme. Le doigt de Dieu l’a touché. [...] Dans le palais, comme dans le désert, Dieu est toujours avec lui. » (Ibid., p. 153) 4 Le second soldat explique ainsi : « On ne le sait pas. Il y en a qui disent que c’est Élie. » (Ibid., p. 67) Pour le Nazaréen, l’identification à Élie ne fait aucun doute : « [Hérode] Il y en a qui disent que c’est le prophète Élie. – [Un Nazaréen] Moi je suis sûr que c’est le prophète Élie. – [Le Juif] Mais non ce n’est pas le prophète Élie. » (Ibid., p. 109). 5 Voir ibid., p. 105 et 119. 6 Ibid., p. 125. 7 Ibid., p. 125. 8 Ibid., p. 81. 2

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prophète l’invite à trouver la guérison et le salut auprès du Fils de l’homme, loin de se repentir, Salomé se montre attirée par le sauveur : « Qui est-ce, le Fils de l’homme ? Est-il aussi beau que toi, Iokanaan1 ? » Salomé ne pervertit pas seulement le Cantique, elle subvertit aussi la tradition interprétative du poème.

C. Légitimité des compréhensions allégoriques : images du sens scellé La réflexion sur la compréhension allégorique du Cantique s’est appuyée sur les versets 6 et 7 du chant final, cités plus haut au sujet de leur perversion par Salomé : Mets-moi comme un sceau [signaculum] sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l’amour est fort comme la mort, la jalousie est inflexible comme le séjour des morts ; ses ardeurs sont des ardeurs de feu, une flamme de l’Éternel. Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeraient pas. Selon Dominique Millet-Gérard, ce verset contiendrait la clé du Cantique et de ses interprétations. Le suffixe du dernier terme dans la version hébraïque, explique-t-elle, est la forme abrégée du tétragramme

imprononçable

YHWH.

Cette

unique

et

discrète

apparition du nom de Dieu dans le poème concorde avec l’image du sceau sur le cœur et sur la main, à la manière des phylactères. Au sens littéral et amoureux, le sceau est le pacte qui unit les amants. Signaculum

est

aussi

un

indice

d’allégorie,

ainsi

que

les

commentateurs l’ont compris, par exemple Bossuet selon qui « Dieu 1

Ibid., p. 81. 49


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ne se communique qu’en se cachant », ou Claudel écrivant au sujet du verset en question : « Curieux mot que ce cachet qui vient de cacher et qui sert au contraire à montrer, à authentifier ». Dans la continuité de la lecture métalittéraire que propose Claudel du Cantique et de l’interrogation de Ricœur se demandant « si la véritable consommation [de cet amour] n’est pas dans le chant luimême », Dominique Millet-Gérard voit dans le signaculum l’image du livre poétique et une indication herméneutique cryptée : « il faut d’abord que le cœur du lecteur ait été marqué du sceau de l’amour divin pour que son ardeur intérieure puisse, à ce contact, être illuminée et ainsi entrevoir le sens du texte »1. Le sceau ou cachet du verset représente à la fois la rencontre des deux amants, le baiser qui scelle la rencontre de l’âme et du Seigneur, le pacte de compréhension entre le lecteur et le livre énigmatique, dont la signature est littéralement le tétragramme abrégé final. La mention du sceau est une invitation à découvrir le sens mystique caché et cacheté par le signaculum. Au sceau concret, s’ajoute le signum abstrait propre à l’écriture poético-métaphorique. Le monologue final de Salomé chargé de la tête de Iokanaan reprend les versets, à l’exception de la proposition sur le sceau. Mais l’image de ce qui est scellé, cacheté ou caché est pourtant présente dans la pièce, en amont, comme elle apparaît aussi dans le Cantique « Tu es un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée. » (IV, 12.) Le lieu fermé et scellé dans le drame est le puits, la citerne ou le tombeau dans lequel est emprisonné Iokanaan et d’où sort sa parole prophétique. Hérode a interdit l’ouverture du lieu scellé. La demande de Salomé au jeune Syrien d’ouvrir la geôle 1

Dominique Millet-Gérard, Le Signe et le sceau, op. cit., 2010, p. 340. 50


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de Iokanaan pour voir le prisonnier lui attire un rappel de la défense formulée par Hérode : « Mais le tétrarque a formellement défendu qu’on lève le couvercle de ce puits2. » Le mythe de Pandore s’ajoute aux éventuelles analogies avec le Cantique. Comme dans la tradition allégorique, ce qui est cacheté, c’est la parole sacrée au sein d’un univers sensuel. Les paroles de Iokanaan, usant de périphrases sibyllines dans le style imagé du Cantique, d’Isaïe et de l’Apocalypse, font l’objet de débats interprétatifs par la cour d’Hérode. L’un de ces débats porte précisément sur Dieu, afin de déterminer s’il se cache ou s’il se manifeste : LA VOIX D’IOKANAAN Voici le temps ! Ce que j’ai prédit est arrivé, dit le Seigneur Dieu. Voici le jour dont j’avais parlé. HÉRODIAS Faites-le taire. Je ne veux pas entendre sa voix. Cet homme vomit toujours des injures contre moi. HÉRODE. Il n’a rien dit contre vous. Aussi, c’est un très grand prophète. [...] C’est un homme qui a vu Dieu. UN JUIF Cela, c’est impossible. Personne n’a vu Dieu depuis le prophète Élie. Lui c’est le dernier qui ait vu Dieu. En ce tempsci, Dieu ne se montre pas. Il se cache. Et par conséquent il y a de grands malheurs dans le pays. UN AUTRE JUIF Enfin, on ne sait pas si le prophète Élie a réellement vu Dieu. C’était plutôt l’ombre de Dieu qu’il a vue. UN TROISIÈME JUIF Dieu ne se cache jamais. Il se montre toujours et dans toute chose. Dieu est dans le mal comme dans le bien1. 2 1

Wilde, Salomé, éd. cit., p. 71. Ibid., p. 103-105. 51


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Le débat, représentatif des discussions consécutives aux paroles de Iokanaan, se poursuit au-delà de cet extrait. Il fait écho au propos du Cappadocien sur ses dieux ayant fui dans les montagnes, dans une réplique composée d’expressions du Cantique. Le débat suivant met en scène, autour d’Hérode, un pharisien, un saducéen et deux Nazaréens. Il est lancé par une nouvelle déclaration énigmatique sortie de la citerne fermée : « Le jour est venu, le jour du Seigneur, et j’entends sur les montagnes les pieds de Celui qui sera le Sauveur du monde1. » Après avoir écarté l’hypothèse qu’il s’agisse de César, la discussion porte sur Jésus. Le second Nazaréen dit à son sujet : « Il est partout, seigneur, mais il est très difficile de le trouver 2. » Dans la forme et dans le fond, ces passages font écho à la tradition interprétative du Cantique : - dans la forme, par les débats, discussions et hypothèses contradictoires entre les commentateurs de Iokanaan ; - dans le fond, au sujet de la présence divine cachée ou manifeste. Médusé par le baiser blasphématoire de Salomé, Hérode conclut les réflexions sur la divinité cachée : « Je suis sûr que c’est un crime contre un dieu inconnu3. » Les évocations régulières de la divinité cachée, en particulier dans les montagnes, présente partout mais difficile à trouver, en lien avec la position du prophète enfermé dans une citerne, peuvent renvoyer au texte du Cantique (les expressions dans la réplique du Cappadocien, les images du sceau) comme aux interprétations allégoriques du Cantique, lisant le poème érotique comme une parole prophétique, scellée au sens difficile et incertain. 1 2 3

Ibid., p. 109. Ibid., p. 117. Ibid., p. 163. 52


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Cette lecture n’est ni immédiate ni évidente. Elle est un second degré de lecture, appelé, me semble-t-il, par le choix et la place des échos au Cantique des cantiques dans la pièce. * *

*

Quel est le sens de la présence du Cantique des cantiques dans Salomé de Wilde ? Pour répondre à la question, une dissociation entre l’ordre textuel et l’ordre structurel est nécessaire. Du point de vue textuel ou stylistique, le Cantique fournit à la pièce de Wilde un langage convenant au sujet : une langue orientale imagée, une expression biblique de l’amour. Les échos du Cantique dépassent néanmoins la simple ornementation « couleur locale ». Dans l’ordre structurel de la composition, la construction de Salomé se définit en partie par comparaison, opposition ou subversion du poème biblique, tant dans son sens littéral que dans les allégories spirituelles. Par rapport au sens littéral du Cantique, la pièce se différencie par la rupture de réciprocité entre l’amant et l’aimé (Hérode aime Salomé ; Salomé aime Iokanaan ; Iokanaan se tourne vers Dieu), et par la transformation de l’imaginaire solaire en imaginaire lunaire. Le sens spirituel est, quant à lui, nié ou mis en échec.

L’association

du

Cantique

avec

ses

commentaires

interprétatifs invite à une nouvelle lecture de Salomé. Les nombreux débats insolubles entre les écoles juives renvoient, dans la pièce, à la variété des interprétations du Cantique ; la parole divine est énigmatique, sujette à interprétation et toujours incertaine. Mais le débat herméneutique est inversé : alors que la tradition allégorique 53


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de lecture du Cantique cherche un sens spirituel dans un chant érotique, les propos dont le sens se dérobe dans Salomé sont ceux du prophète sacré, dont l’héroïne éponyme ne voit que sensualité. Lire

Salomé

à

la

lumière

du

Cantique

et

de

sa

tradition

herméneutique fournit ainsi au drame une nouvelle profondeur polysémique. Jean-Baptiste Amadieu

Jean-Baptiste Amadieu est chercheur au CNRS en littérature française, membre de République des Savoirs (CNRS / Collège de France / École normale supérieure). Ses travaux portent sur les relations de la littérature avec la religion, les institutions et le droit.

« Salomé de Wilde et le Cantique des cantiques : de l’orientalisme à la subversion », Wilde, Waugh, Chesterton, trois humeurs britanniques, actes des journées d’études (23 et 24 avril 2012), La Roche-sur-Yon, Presses Universitaires de l’ICES, coll. Colloques, 2014, p. 11-26

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- Propos sur Wilde : Julien Green

Dans le 18e et dernier volume de son journal, Julien Green, voyant son fils adoptif lire le compte-rendu du procès d’Oscar Wilde 1, livre les réflexions suivantes : « Que cachait sous les perruques le crâne des juges, en fait de complaisance? Queensbury (le père de l'amant de Wilde) ressemblait à un gros cocher, avec ses côtelettes encadrant une face vulgaire. (...) Les amis de Wilde, Robert Ross et More Adey, ont essayé de faire circuler une pétition pour que le poète retrouve vite la liberté. Peines perdues. Toutes les raisons étaient réunies cependant : l'éclat qu'il avait apporté à la scène et à la littérature anglaise, et sa chute, en soi une épreuve et une punition. Qui signa? Qui refusa? Je veux dresser la liste d'infamie car ce sont des bassesses que le temps n'efface pas. Les femmes ont été admirables, on peut toujours compter sur elles, elles sont au-dessus de leur réputation. Sa femme en premier lieu, qui n'en finissait pas d'aimer ce mari-enfant. Puis il y eut des amis qui effacèrent autant qu'ils le purent les deux années d'horreur. J'aime qu'André Gide et Pierre Louÿs se soient bien conduits, et aussi les jeunes, poètes ou non, anglais comme français. (...) » * On peut sans doute émettre quelques réserves quant à la bonne conduite de Gide et de Louÿs après que Wilde fut sorti de prison. 1

Vyvyan Holland, le fils cadet d’Oscar Wilde, a été le traducteur de Julien Green 55


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Gide eut honte d’être vu en sa compagnie à la table d’un café, et Louÿs ne lui avait plus adressé la parole depuis la scène qui les avait opposés à l’hôtel des Deux mondes en 1893. Contrairement à Gide, qui se trouvait dans le sud algérien à ce moment-là, il assista néanmoins aux obsèques de Wilde, mais c’était un hommage bien tardif pour être pleinement porté à son crédit.

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8 - Les illustrateurs de « Salomé » Illustrateurs Hans Henning Alastair

Nationalité Allemande

Edition G. Crès et Cie., Paris, 1922

Boris Artzybasheff

Américaine

Peter Pauper Press (1935)

Aubrey Beardsley

Anglaise

London Bodley Head 1894 et 1907 Boston Copeland and Day 1894

Marcus Behmer

Allemande

Leipzig: InselVerlag, 1903

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Illustrations


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Corneille (Guillaume Cornelis Beverloo)

Néerlandais

Nico Koster / Vincent Vlasblom 2001

André Derain

Française

Limited Editions Club, Paris & London, 1938 Les Fermiers Généraux 1955

Henri Heran (Paul Herrmann)

Allemande

Reclam, Stuttgart - 1993

Issaïv

Russe

Georges Crès & Cie, Paris 1917

Modest Alexandrovich Durnov

Russe

Бальмонта Моscou 1904

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Almery Lobel Riche (Almeric Riche)

Française

édition d'art Devambez, Paris1930

Louis Jou (Luis FelipeVicente Jou i Senabre)

Espagnole

Georges Crès /Le Théâtre d’Art 1917 Frontispice et illustrations dessinés et gravés sur bois

Molly Kiely

Canadienne

Graphic Classics Oscar Wilde n°16 (BD)

Julius Klinger

Autrichienne

Jugend

Yves Marie de Malleray

Française

Compagnie des Bibliophiles de l'Automobile-Club, Paris 2002

Frank Martin

Anglaise

Folio press J.M Dent London 1974

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magazine


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Barry Moser

Américaine

University of Virginia Press 2011

Donia Nachshen

Anglaise

London Collins Cir 1920

Manuel Orazi

Italienne

Société des amis du livre moderne 1930

Colette Richarme

Française

Editions des cent regards – Montpellier 2010

Helmut Rieger

Polonaise

Typo-Edition, Reutlingen -1976

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Gino Rupert

Espagnole

P. Craig Russel

Américaine

Emil Sarkadi

Hongroise

David Shenton

Anglaise

Digitalia

NBM Publishing 2004

Budapest: Révai és Salamon. 1907

London, Quartet Books Ltd

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Tavik Frantisek Simon

Tchèque

Jarmil Krecar. Vinohrady, Bradáč, 1921.

Otakar Stafl

Tchèque

Circa 1910

Renata Szuryga

Polonaise

Sentis - 1997

Angelo Valenti

Italienne

Heritage Press New York 1945

John Vassos

Américaine

E.P Dutton & Compagny 1927

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Wilhelm Volz

Allemande

Pan 1896

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9 – Mad Scarlett Music Une tragédie florentine de Zemlinsky face au Gianni Schicchi de Puccini à Amsterdam Par Tine Englebert

Zemlinsky: Eine florentinische Tragödie, Nikolai Schukoff (Guido Bardi), John Lundgren (Simone), Ausrine Stundyte (Bianca) Nederlands Philharmonisch Orkest Conducteur : Marc Albrecht Mise en scène: Jan Philipp Gloger Vu à Amsterdam, le 26 novembre 2017. http://www.operaballet.nl/nl/doublebill/2017-2018/voorstelling/florentinische-tragodie

En novembre 2017, l’Opéra National d’Amsterdam proposait Eine florentinische Tragödie [Une tragédie florentine], opéra en un acte d’après Oscar Wilde, d’Alexander Zemlinsky, à mettre en regard avec Gianni Schicchi, troisième volet d’Il Trittico de Giacomo Puccini, connu surtout par l’aria “O moi Bambino Caro”. Les deux opéras en un acte ont été écrits à la même période.

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Eine florentinische Tragödie est créée le 30 janvier 1917 au Hoftheater de Stuttgart sous la direction de Max von Schillings et célèbre donc son centenaire cette année. Gianni Schicchi, avec un livret italien fondé sur une histoire racontée dans la Divine Comédie de Dante (Enfer, XXX, 22-48) fut représenté pour la première fois au Metropolitan Opera de New York le 14 décembre 1918 sous la direction de Roberto Moranzoni. Les Wildiens préfèrent bien-sûr voir couplés Der Zwerg (d’après L’anniversaire de l’infante) et Eine florentinische Tragödie, comme ce fut le cas à Bruxelles en 2003, à Düsseldorf en 2013 et sur d’autres scènes encore. Les deux forment une paire d’ouvrages siamois, mais quelques réalisateurs aiment chercher d’autres combinaisons, avec des actes venant d’autres plumes, comme il fut fait avec Il segreto di Susanna (1909) de Ermanno Wolf-Ferrari (Opéra de Montpellier, 2007) ou avec Luci mie traditrici (1998) de Salvatore Sciarrino (Opéra de Lyon, 2007). L’association d’Une tragédie florentine, un drame passionnel, et de Gianni Schicchi, une comédie macabre pleine d’enseignements sur les travers de la nature humaine, comme l’Opéra de Lyon l’avait présenté en 2012, offre un doublé judicieux, à la fois pertinent et équilibré. C’était une bonne idée d’en avoir confié la réalisation scénique à Jan Philipp Gloger, pour lequel la combinaison était assez intéressante car le contraste entre les deux œuvres ne peut être plus grand. En même temps existent des similitudes très intéressantes : l’unité de lieu (Florence), de temps (deux œuvres contemporaines situant leur intrigue dans un jadis enluminé) et d’action (la mort comme issue cathartique du premier et préalable cocasse au 65


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second.) En plus, les deux opéras montrent comment les relations entre

les

personnes

peuvent

être

perturbées,

modifiées

ou

influencées par l’économie. Ce qui rend l’association si efficace, c’est l’énorme contraste entre ce qu’on voit sur scène: avant la pause, un drame noir se termine par un meurtre, après la pause une comédie aérée dans laquelle les tricheurs sont trompés. Avant la pause l’opéra de Zemlinsky donne un rôle important à l’orchestre; il diffère musicalement de l’opéra de Puccini après la pause, qui attache beaucoup plus de valeur aux lignes vocales. Le résultat ? Une belle réussite ! La curiosité, c’est qu’en 1906, Puccini avait lui aussi songé à mettre en musique La tragédie florentine. L’oeuvre plaisait beaucoup à Puccini, qui la trouvait “belle, inspirée, forte et tragique [...] plus humaine, plus vraie que Salomé.”1 Il fut le premier compositeur à considérer le fragment dramatique comme la base d’un livret, mais il finit par en abandonner l’idée. En 1913, le compositeur Ferruccio Busoni a envisagé une adaptation, avant d’y renoncer, lui aussi. Eine florentinische Tragödie

1

Wolfgang Marggraf, Giaccomo Puccini, New York, Heinrichshofen Edition, 1984, p. 131: “beautiful, inspired, strong and tragic ... it would be a counterpart to “Salome,” yet more human, more real and nearer the feelings of the man in the street!” 66


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Simone, opulant négociant, rentre de voyage et trouve son épouse Bianca en compagnie du prince Guido Bardi. Il flatte d’abord le prince pour le retenir chez lui, en lui proposant de faire commerce avec lui. À force d’empressement, il mène son rival jusqu’au duel au cours duquel Guido perdra sa vie. Bianca, après avoir dit à Simone le mépris que sa conduite lui inspire, assiste au combat avec passion. Devant la déchéance de son amant, elle conçoit la force de l’amour de son mari dans une fin surprenante: Bianca: “Warum hast du mir nicht gesagt, daß du so stark ?” [Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu étais si fort ?], puis Simone: “Warum hast du mir nicht gesagt, daß du so schön !” [Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu étais si belle ?] Eine florentinische Tragödie, loin d’être un simple drame d’amour, est une incursion dans les troubles et les arcanes insaisissables de l’âme humaine. La première scène entre Guido et Bianca manque dans A florentine Tragedy d’Oscar Wilde. L’orchestre y pourvoit en se faisant un merveilleux conteur: une fanfare de cuivres pour l’acte charnel et des thèmes pour chacun des protagonistes. Peu d’opéras commencent sur un tel étalage de puissance. Simone et Bianca vivent l’un à côté de l’autre, mais en s’ignorant. Lui, l’homme pratique, ne voit pas la beauté ni les qualités de la femme qui est à son côté. Elle se voit frustrée, devient malheureuse et apparemment remplie de haine. Une catastrophe est nécessaire pour que ces deux êtres en prennent conscience. C’est tragique car il faut sacrifier une vie humaine pour en sauver deux autres. À Amsterdam, la tragédie de Zemlinsky est traitée par l’abstraction nue. On ne voit qu’une scène vide et un grand espace noir. Le grand 67


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plateau rectangulaire (décors de Raimund Orfeo Voigt) flotte deux mètres au-dessus de la scène grâce à un vérin central masqué dans l’ombre. C’est le lieu des amours de Bianca et Guido et du meurtre par Simone. Le double mouvement perpétuel du plateau (de la rotation

et

des

inclinaisons)

fait

ressentir

physiquement

au

spectateur le danger et la mort qui guettent. Les interprètes, avec des costumes historiques, sont partie prenante de cette sensation de péril partagé. On est frappé par la distribution exemplaire, où chacun est à sa place, dans le jeu comme dans la voix : l’aura de John Lundgren (Simone), l’arrogance de Nikolai Schukoff (Guido) et l’exaltation d’Ausrine Stundyte (Bianca). Le baryton John Lundgren produit une grande impression. Sa maîtrise de la voix puissante requise pour ce rôle est exemplaire; son intelligibilité est excellente. Sa voix au timbre agréable est homogène, sa technique vocale lui permet de jolis phrasés nuancés. Il sait traduire intensément la honte, l’humiliation, la colère puis la domination rogue de son personnage. Il se révèle manipulateur et féroce à la fin. La soprano lituanienne Ausrine Stundyte arrive à rendre sa prestation intéressante. Elle évolue avec aisance et chante avec musicalité, en plus elle est une bonne actrice. Le ténor Nikolai Schukoff campe un Guido Bardi magnifiquement interprété et chanté. Les caractères dramatiques reposent sur la musique superbement interprétée par un orchestre qui a su trouver les sonorités fortes ou suaves voulues par le compositeur. Le maestro Marc Albrecht a donné à cette partition la force et le souffle nécessaires sans jamais 68


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oublier cette élégance qui le caractérise, nous laissant apprécier les multiples facettes de cette musique. L'Orchestre Philharmonique Néerlandais a joué en même temps avec un grand sens du détail, avec une attention à la légèreté et à la profondeur. Jan Philipp Gloger offre une mise en scène étonnante. Le plateau rectangulaire, flottant et inclinable, joue un rôle majeur à cet égard. Comme

le

moment

soudainement

dans

menaçant

sur

lequel le

le

mari

plateau

Simone

tournant

et

apparaît regarde

l’adultère. Quand il chante “Ist die ganze mächtige Welt in dieses Zimmers Umfang eingeengt, und hat drei Seelen als Bewohner nur?” [Le puissant univers se restreint-il à la circonférence de cette pièce et n’a-t-il que trois âmes pour habitants?] Ce plateau est en effet un globe tournant. C'est une vraie trouvaille spectaculaire.

Après la pause, changement de décor mais surtout d’ambiance puisque la tragédie de Zemlinsky fera place à l’humour de Gianni Schicchi. Cet opéra raconte l’histoire des héritiers du riche Buoso Donati qui vient de mourir à Florence au XIIIe siècle. Parce que Donati a légué tous ses biens au Clergé, sa famille est prête à tout pour s’emparer de ses possessions. Elle fait appel à Gianni Schicchi 69


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pour mettre au point un stratagème et contourner le testament du vieux Buoso. La mise en scène est très humoristique, garantissant au public de nombreux rires. Les personnages de Gianni Schicchi, en vêtements contemporains, se trouvent dans une villa italienne, où il y a un lit d’hôpital. Ici, le metteur en scène montre une production pleine d’esprit. Gloger relie les deux opéras de Florence et porte à l’attention la gourmandise des personnages dans les deux œuvres. Dans la finale de Gianni Schicchi, Simone et une Bianca étourdie se retrouvent sur le plateau entre les corps de Guido Bardi et Buoso Donato, une tentative pour reconnecter les deux œuvres l’une avec l’autre. L’Opéra

National

a

réussi

à

présenter

une

double

affiche

extrêmement réussie et originale, dans laquelle la musique se joue excellemment. C’est, en outre, une excellente occasion d’assister à l’opéra

magnifique,

Eine

florentinische

Tragödie,

d’Alexander

Zemlinsky. Photos Eine florentinische Tragödie, Amsterdam: Clärchen & Matthias Baus.

70


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10 – Personnages Secondaires Violet Hunt

Après l’amère déception qu’éprouva Oscar Wilde à la suite de sa rupture avec Florence Balcombe, Violet Hunt fait partie des jeunes filles vers lesquelles il tourna ses regards. Elle était la fille du peintre préraphaëlite Alfred William Hunt et d’une romancière à succès, Margaret Raine Hunt.

.

Le couple Hunt offrit à leur trois filles une

éducation non-conventionnelle : un court passage à l’école, des notions de langues étrangères glanées auprès des gouvernantes, et un bain

d’esthétique,

une

athmosphère

artistique

permanente

(le

préraphaélite Dante Gabriel Rossetti, par exemple, fréquentait régulièrement la demeure familiale). Le jeune Oscar rencontra probablement Violet en 1879, peu après son arrivée à Londres, chez le peintre William Bell Scott. Elle est alors 71


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âgée de 17 ans. Peu de temps après, la future romancière écrit qu’«il lui a complètement tourné la tête ». Elle aura d’ailleurs le projet d’écrire un texte intitulé « Mon Oscar ». De son côté, Wilde n’est pas insensible au charme de celle qu’il surnommera « la plus douce violette d’Angleterre ». Il lui dira : « Les jolies femmes comme vous tiennent la fortune du monde entre leurs mains ». Elle est originale, intelligente, impétueuse, ce qui ne saurait lui déplaire. À l’époque où Oscar loue avec son ami le peintre Frank Miles un appartement surnommé Thames House, Mme Hunt et sa fille Violette leur font de fréquentes visites. Par la suite, quand ils déménageront pour s’installer Keats House, dans Tite Street, les Hunt seront leurs proches voisins. Et en 1880, Wilde adresse à Violet la première strophe de son poème « Ave Imperatrix ». La grande comédienne Ellen Terry la décrivait comme une « sorte de Boticelli, peinte par BurneJones ».

On ne sait jusqu’où ira leur flirt, et s’il fut question de mariage. Violet affirmera qu’Oscar aurait dit à Alice Corkran : « Maintenant, je vais 72


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aller voir M. Hunt et lui demander de me donner ma petite Violet ». Toujours est-il que lorsqu’Oscar quitta Londres pour sa tounée américaine, il la voyait chaque semaine, et que, pendant son absence, elle se rendait régulièrement chez sa mère pour qu’elle lui donne des nouvelles de celui dont elle disait qu’il avait « des manières courtoises et de splendides péchés. » Elle écrira beaucoup plus tard dans ses mémoires1 qu’elle avait été « aussi près que possible d’échapper à l’honneur d’être Madame Oscar Wilde ». Qu’est-ce qui empêcha leur relation d’aboutir ? Oscar, au fond, n’était pas fait pour la vie conjugale (même s’il allait épouser Constance). Et Violet non plus. Elle fut courtisée par beaucoup d’hommes, par John Ruskin, qui préférait les jeunes filles à peine pubères, par George Boughton, un confrère de son père, qui fut son premier amant, mais ne l’épousa point, par H.G Wells et Somerset Maugham, par Ford Madox Hueffer, avec lequel elle vécut de 1909 à 1914 une longue liaison illégitime. Depuis longtemps, elle s’était résignée à n’avoir que des “lovers” anglais et français, à l’instar de son héroine Miss Alice Dammer dans son roman Le Télégramme. Elle ne se maria donc jamais, préférant voyager, écrire et tenir salon, où elle recevait des hôtes illustres, comme Joseph Conrad, D.H Lawrence ou Henry James. Oscar l’avait encouragée à écrire, et elle fut, à l’époque, une romancière à succès. Violet eut une vie teintée de scandale, une vie libre et passionnée, comme celui qui, jadis, lui avait tourné la tête, et comme lui, elle mourut seule, emportée par une pneumonie, à l’âge de 79 ans. Bien des années plus tôt, elle avait écrit dans son journal : « Je crois 1

The Flurried Years (1926) 73


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qu’Oscar est vraiment amoureux de moi ». Et en réalité, ces deux esprits aventureux et libres étaient bien faits pour s’entendre.

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11 – Wilde au théâtre A man of no importance À l’origine était un film, sorti en septembre 1994, dans une mise en scène de

Suri Krishnamma,

avec Albert Finney dans le rôle principal.

L’intrigue raconte l’histoire d’un chauffeur d’autobus dublinois, Alfie Byrne, que sa soeur veut absolument marier. Mais Alfie est homosexuel, et il nourrit une passion secrète: celle de monter en amateur les pièces d’Oscar Wilde, et tout spécialement Salomé.

Affiche anglaise

Afficher américaine

Affiche espagnole

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Au cinéma, les rôles principaux étaient les suivants: (Alfred Byrne) - Brenda Fricker (Lily Byrne) - Michael Gambon (Ivor J. Carney) - David Kelly (Baldy) - Tara FitzGerald (Adele Rice) - Rufus Sewell (Robbie Fay) - Patrick Malahide (Inspector Carson) - Mick Lally (Father Ignatius Kenny). Albert Finney

Huit ans plus tard, en 2002, avait lieu la première d’un spectacle musical au Lincoln Center de New York, tiré du film, et qui raconte l’histoire d’un groupe de théâtre amateur dirigé par le même Alfie Byrne, conducteur d’autobus à Dublin, qui rêve de mettre en scène dans son église la Salomé d’Oscar Wilde. Le livret est signé Terrence McNally, la musique Stephen Flaherty, les lyriques Lynn Arhens.

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Le spectacle tint l’affiche du 12 septembre au 29 décembre 2002, au Mitzi E. Newhouse Theater, Lincolm Center de New York, sous la direction de Joe Mantello, avec une chorégraphie Jonathan Butterell. Il remporta le Outer Critics Circle Award 2001 pour le meilleur spectacle musical hors Broadway. La distribution originale incluait Roger Rees comme Alfie Byrne, Jarlath Controy comme Père Kenny, Jessica Molaskey comme Mrs Patrick, Sean McCourt comme Sully O’Hara, Luther Creek comme Peter/Breton Beret, Faith Prince 77


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comme Lily Byrne, Sally Murphy comme Adèle, Ronn Carroll comme Baldy, Charles Keating comme Carney/Oscar Wilde et Steven Pasquale comme Robbie Fay. La production fut reprise de nombreuses fois :  en 2008 -

du 7 au 22 mars, au Berkeley Street theatre de Toronto

Acting Up Stage Theatre Company Dirigé par Lezlie Wade Avec : Douglas E. Hughes, Patty Jamieson, Liz Best, Kyle Blair, Christopher Darroch, Ian Deakin, Susan Henley, Bethany Jillard, Gary Krawford, Megan Powell, Nora Sheehan, Barrie Wood  en 2009 - du 11 novembre au 5 décembre 2009, à l’Union Theatre de Southwark, la production affichait Paul Clarkson dans le rôle d’Alfie et Paul Monaghan dans celuis de Carney/Oscar Wilde.

Paul Clarkson (Alfie)

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 en 2010 Le spectacle fut transféré à l’Art Theatre, dans le West end londonien, du 10 au 27 février.

-

du 12 juin au 11 juillet 2010, la pièce est donnée au Keegan Theatre de Washington, sous la direction de Mark A. Ruza et Christina Coakley.

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 En 2012 Au Gallery Players Theatre de Brooklyn, New York, du 28 Janvier au 19 février 2012.

Mise en scène – Hans Friedrichs Direction musicale - Julianne Merrill Avec : Charlie Owens (Alfie Byrne) – Renee Claire Bergeron (Lily Byrne)– Eric Morris(Robbie Faye)– Julianne Katz (Adele Rice)  en 2013 -

Du 25 avril au 18 mai, le musical est repris au Salisbury Playhouse, sous la direction de Gareth Machin, avec Mark Meadows comme Alfie and Fra Fee comme Robbie.

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- Et en Juillet 2013, au Lillian Theatre d’Hollywood sous la direction de Janet Miller.

-

Puis du 23 au 27 juillet 2013, au Bridewell Theatre – Londres, sous la direction de Matt Gould. Avec James Franey (Alfie Byrne), Chloë Faine (Lily Byrne), Rick Woska (Robbie Fay), Sarah Shepart (Adèle Rice), Paul Cozens (Carney) 81


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 En 2014 -

5 au 13 mai 2014 - The Cox Playhouse in Plano,

Mise en scène : Noelle Chesney – Direction musicale: Rebecca Lowrey – Chorégraphie: Christopher West Avec : B.J. Cleveland (Alfie) - Jennifer Kuenzer (Lily Byrne), Stan Graner (Carney), Michael McCray (Robbie), Shannon Conboy (Adele)

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- 8 au 11 mai 2014 à Winnipeg – Shaw performing Art Centre

Direction : Donna Fletcher – Direction musicale : Joseph Tritt Avec : Arne Macpherson (Alfie) - Melanie Whyte (Lily)- Matthew Fletcher (Robbie) - Laura Olafson (Adele) - Cory Wojcik (Carney/Oscar Wilde)  En 2015 -

Du 5 au 9 février 2015 - Frederic Loewe Theatre – New York

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Direction musicale: James Cunningham – chorégraphie: Jennifer Werner – mise en scène: E Sara Barnes - 19 février au 1er mars 2015 – Studio Theatre - Sheridan – Canada

Direction: Keith Pike – Direction musicale: Adam White Avec : Colin Simmons (Alfie) - Lucas Popowich (Robbie) - Robyn Harrison (Adele) - Teale Poirier (Lily) - Gavin Bowerman (Carney) Tom Davis (Oscar Wilde) -

4 au 8 mars 2015 – Eastern Washington University – USA

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Mise en scène : Jadd Davis – Direction musicale : Carolyn Jess – chorégraphie : Kasey Nusbickel Davis Avec : Chris Hansen (Alfie) - Haliey Gilbert (Adele) – -

5 au 8 août 2015 – King Street Theatre – Newtown – Australie

Mise en scène: Curtis Goding – Direction musicale: Douglas Emery Avec : Aidan Kane (Alfie) - Daniel Cullen (Robbie) - Georgia Melville (Alice) - Natasha Stanton (Lily) - Robert Boddington (Carney – Oscar Wilde) -

2 au 12 Juillet 2015 – Walterdale Theatre – Ottawa - Canada

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Mise en scène: Lauren Boyd Avec: Morgan Smith (Alfie) – Athena Gordon (Lily)- Phillip Zyp (Carney) -

A partir du 10 juillet 2015 – Nebraska – Post PlayHouse

- 20 novembre au 5 décembre 2015 – Playlovers Theatre – Hackett Hall –Floreat -Australie.

Mise en scène : Andrew Baker 86


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 En 2016 - 21 janvier 8 février 2016 – RedHouse – Syracuse

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4 au 7 Mai 2016 UNSV Musical Theatre Society – Kensington Australie.

Mise en scène Alexandra Black – Direction musicale : Alexander Mau Avec : Nic Savage (Alfie) - Matt McEwen (Robbie) - Lily Stokes (Lily Byrne) – Annabelle Keaneu (Adele Rice) – Ciaran O’Riordan (Carney/Oscar Wilde) 87


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- 10 au 19 juin 2016 Farmers Alley Theatre Kalamazoo Michigan

Mise en scène : Kathy Mulay Direction Musicale : Catherine A. Walker Avec : Dirk Lumbard (Alfie)- Denene Mulay Koch (Lily)- Michael Ehlers (Robbie) - Natalie Burdick(Adele) - Jeremy Koch (Carney) - 21 au 25 juin 2016 – The Spring – Havant – Hampshire

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- 26 août au 3 septembre 2016 – Phoenix Stage Compagny – Oakville

Avec : Ed Bassett (Alfie) – Ian Diedrich (Robbie) – Jane Coughlin (Lily) - Leah Nashel (Adele) - Chuck Stango (Carney/Oscar Wilde)  En 2017 - 21 au 25 Mars 2017 – Gladstone Théâtre – Ottawa – Canada

- 19 au 23 mai 2017 - Civic Theatre – Dublin – Irlande 89


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Mise en scène: Neville Carlyle Style, Direction Musicale: Brian Daly, Chorégraphie: Nicole McDonald - Mai 2016 – Talking Horse Theatre – Columbia

Mise en scène : Luke Tudball Avec : Ed Hanson (Alfie) - Luke Tudball, Heather Bagnall, Nora Dietzel, Meg Phillips Crespy, Meredith Shaw, Richard Hinschberger 90


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27 au 28 Octobre 2016 - Stansbury Theatre – Appleton – Wisconsin

Mise en scène: Timothy X. Troy Avec: Matt Kierzek (Alfie) - Kara Taft (Lily) - Annie Penner (Adele) -Alex Iglinski (Robbie) - Kip Hathaway (Carney)  Annoncé en 2018 - 2 au 9 mars 2018 – University of Southern Maine – Russel Hall – Gorham – United States

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Mise en scène Cary Libkin – Direction musicale : Edward Reichert - 20 Juillet 26 Août 2018 - Coronado PlayHouse – Canada

Mise en scène : Manny Bejarano

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12 – Handbag La légende du design, Milton Glaser a créé trois nouvelles affiches qui seront aposées dans de nombreuses stations du métro New Yorkais. L’une des trois, intitulée “Give Help”, est illustrée par une citation d’Oscar Wilde: “Le plus petit acte de bonté vaut mieux que la plus grande des intentions”.

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13 – Cinéma Des nouvelles de « The Happy Prince », le film de Rupert Everett qui retrace les dernières années d’Oscar Wilde, dont la sortie sur les écrans est (enfin) annoncée pour 2018.

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Colin Firth (Reginald Turner) – Rupert Everett (Oscar Wilde)

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On annonce la sortie d’un premier long métrage signé du jeune cinéaste canadien Stephen Dunn, intitulé « Closet Monster », qui met en scène un jeune gay refoulé, témoin dans son enfance d’un crime homophobe. Le héros, Oscar Madly, interprété par Conor Jessup, se débat avec son identité sexuelle et le traumatisme enfantin d’un crime qui le hante. Il se réfugie dans sa passion de la photographie et

la

création

de

costumes,

n’ayant

que

peu

d’amis

ou

d’interlocuteurs. Tout va changer avec la rencontre d’un jeune homme ambigü et mystérieux, appelé Wilder (Aliocha Schneider). Oscar d’un côté, Wilder de l’autre, la référence est transparente ! L’ombre d’Oscar Wilde plane sur « Closet Monster », clairement assumée par le metteur en scène.

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13 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle. Le rédacteur en chef en était David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal / site de web international en ligne publié par D.C. Rose, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs milliers de lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007 jusqu’à Juillet 2010.

Les numéros de juin 2002 à

octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site

www.irishdiaspora.net.

Vous

y

découvrirez

une

variété

d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies, chronologies, liens etc.

L’appendice ‘LIBRARY’ contient des articles sur Wilde

republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 étaient en ligne

ici,

mais plusieurs pages ont été détruites par le ci-devant

webmaster, et l’accès est interdit. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse :

http://oscholars-oscholars.com/

en train d’y être republiées.

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et toutes les éditions sont


Rue des Beaux-Arts n°62 – Janvier/Février/Mars 2018

14. Signé Oscar Wilde Ah, tu n’as pas voulu me laisser baiser ta bouche, Iokanaan. Eh bien je la baiserai maintenant. Je la mordrai avec mes dents comme on mord un fruit mûr. Oui, je baiserai ta bouche, Iokanaan. (Salomé)

Ah ! thou wouldst not suffer me to kiss thy mouth, Iakanaan. Well ! I will kiss it now. I will bite it with my teeth as one bites a ripe fruit. Yes, I will kiss your mouth, Iokanaan. (Salome)

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