Les nuits de Cabiria de Federico Fellini

DOMINIQUE DELOUCHE

LES NUITS DE CABIRIA de

FEDERICO FELLINI

Les Films

sélec

tion

« On s’est perdus. On ne retrouve plus le chemin »

´ nes

LES FILMS SÉLECTIONNÉS Collection dirigée par CAROLE AUROUET

LES NUITS DE CABIRIA [ Le notti di Cabiria, 1957 ] de

FEDERICO FELLINI

DOMINIQUE DELOUCHE

LA CARTE D’IDENTITÉ DU RÉALISATEUR

Fellini

Nom

Federico

Prénom Né le À

20 janvier 1920

Rimini

Marié à Mort le À De

Giulietta Masina 31 octobre 1993

Rome accident vasculaire cérébral

Enterré à

Rimini, cimetière de Rimini

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LES NUITS DE CABIRIA DE FEDERICO FELLINI

Filmographie Les feux du Music-Hall (Luci del varietà, 1950), coréalisation avec Alberto Lattuada Le Cheik blanc ou Courrier du cœur (Lo sceicco bianco, 1952) Les Vitelloni ou Les Inutiles (I Vitelloni, 1953) Une agence matrimoniale (Agenzia matrimoniale) sketch de L’amour à la ville (L’amore in città, 1953) La Strada (La strada, 1954) Il Bidone (Il bidone, 1955) Les nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria, 1957) La dolce vita ou La Douceur de vie (La dolce vita, 1960) Les Tentations du docteur Antonio (Le tentazioni del dottor Antonio) sketch de Boccace 70 (Boccaccio ‘70, 1962) Huit et demi (8½, 1963) Juliette des esprits (Giulietta degli spiriti, 1965) Il ne faut jamais parier sa tête avec le diable (Toby Dammit), sketch de Histoires extraordinaires (Tre passi nel delirio, 1968) Bloc-notes d’un cinéaste (Block-notes di un regista, 1969), documentaire TV Satyricon (Fellini Satyricon, 1969) Les Clowns (I clowns, 1970), documentaire TV Fellini Roma (Roma, 1972) Amarcord (Amarcord, 1973) Le Casanova de Fellini (Il Casanova di Federico Fellini, 1976) Répétition d’orchestre (Prova d’orchestra, 1979) La Cité des femmes (La città delle donne, 1980) Et vogue le navire… (E la nave va…, 1983) Ginger et Fred (Ginger e Fred, 1986) Intervista (Intervista, 1987), documentaire TV La Voix de la lune (La voce della luna, 1987)

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LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

LES NUITS DE CABIRIA (Le notti di Cabiria, 1957)

réalisation : Federico Fellini ; SCÉNARIO : Federico Fellini, Tullio Pinelli, Ennio Flaiano, avec l’assistance de Brunello Rondi ; IMAGES : Aldo Tonti (A.I.C.), Otello Martelli ; CAMERAMAN : Goffredo Belisario ; ASSISTANT OPÉRATEUR : Arturo Zavattini ; DÉCORS ET COSTUMES : Piero Gherardi ; HABILLEUSE : Claretta ; MAQUILLAGES : Eligio Trani ; ASSISTANTS RÉALISATEURS : Moraldo Rossi, Paolo Nuzzi, Dominique Delouche ; SCRIPTE : Narciso Vicario ; INGÉNIEUR DU SON : Roy Mangano, Son Western Electric ; MUSIQUE : Nino Rota, dirigée par Franco Ferrara ; EDITIONS MUSICALES : Dino, Roma ; MONTAGE : Leo Catozzo, assisté d’Adriana Olassio ; PRODUCTEUR : Dino De Laurentiis ; DIRECTEUR DE PRODUCTION : Luigi De Laurentiis ; INSPECTEUR DE PRODUCTION : Emimmo Salvi, assisté de Nando Bolognini. interprètes et personnages : Giulietta Masina (Cabiria) ; François Périer (Oscar) ; Amedeo Nazzari (Alberto Lazzari. l’acteur) ; Franca Marzi (Wanda) ; Dorian Gray (Jessy) ; Aldo Silvan(le magicien) ; Mario Passante (le Boiteux) ; Léo Catozzo (l’Homme au sac) ; Pina Gualandri (Matilda) ; Polidor (le Moine mendiant) ; Franco Fabrizi (Giorgio) ; Maria Luisa Rolando (Luisella) ; Loretta Capitoli (Loretta) ; Sandro Moretti (le «Mac») ; Ennio Girolami (Amleto), Christian Tassou (Christian). origine : France - Italie prises de vues : Extérieurs, les environs de Rome interieurs : Studios Carlo Ponti (Rome) pellicule : Ferrania Pancro c7 - Son Western Electric production : Dino De Laurentiis (Rome) coproduite par : Les Films Marceau (Paris) distributeur d’origine : Les films Marceau distributeur actuel : Tamasa Production duree cinematographique : 113 minutes premiere projection : 10 mai 1957 (Festival de Cannes)

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LES NUITS DE CABIRIA DE FEDERICO FELLINI

Cabiria

L’acteur

Oscar

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LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

Wanda

L’homme au sac

Le Moine

Le Magicien

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LES NUITS DE CABIRIA DE FEDERICO FELLINI

synopsis Encore aujourd’hui, Cabiria est un nom propre qui intrigue. Peu de gens savent en effet que Fellini l’a emprunté à l’un des péplums qu’il a visionnés enfant : Cabiria réalisé en 1914 par Giovanni Pastrone1. C’est l’écrivain Gabriele d’Annunzio qui inventa ce prénom aux allures carthaginoises ; celui de Maciste aussi d’ailleurs.

Chez Fellini, Cabiria s’appelle en fait Maria Ceccarelli. Parallèlement à sa vie de prostituée de bas étage, elle poursuit son rêve de midinette : trouver l’homme de sa vie qui la sortira du trottoir. Parcours picaresque, fait de rencontres dangereuses ou burlesques, d’alternance de caresses et de mauvais coups de la vie, de gémissements et d’éclats de rires.

Dès la première séquence, le spectateur fait la connaissance de son dernier « fiancé » qui tente de la noyer dans le Tibre pour s’accaparer son magot. Mais Cabiria a l’espérance virée au cœur, tout en fragilité et vaillance. Le film se clôt par une expérience rappelant son ouverture. Cabiria frôlera encore une fois la mort, victime de la férocité des hommes. Cependant, dans sa déréliction, elle croisera un groupe de jeunes musiciens qui lui feront une place dans leur cortège angélique.

Les rencontres éprouvantes ou consolantes de cet itinéraire constitueront les épisodes successifs du long métrage, s’ouvrant comme les tiroirs d’un semainier. Ainsi se succèdent ces rencontres comme autant de séquences ; les plus importantes ponctuées par un fondu au noir, les scènes intermédiaires par un fondu enchaîné. On notera que les fondus sont moins nombreux qu’on ne les attendrait. Contrairement à la ponctuation traditionnelle qui « fond » lorsqu’on passe à un autre jour, Fellini construit ainsi de vastes « actes » dans lesquels il englobe des scènes qui n’ont pas de continuité chronologique mais qu’il estime avoir une continuité d’action : Extérieur jour : Les bords du Tibre.

Jeu amoureux entre Cabiria et Giorgio. Il la jette à l’eau. La noyade. Les enfants la repêchent. Elle reprend vie. Fondu-enchaîné.

Extérieur-Extérieur jour : Acilia.

Banlieue de Rome. La baraque de Cabiria. Le retour à la maison où elle cache à son amie Wanda sa mésaventure ; Cabiria jette au feu les souvenirs de Giorgio. Fondu.

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Reconnu par l’histoire du cinéma comme le précurseur de Griffith, on doit à Giovanni Pastrone (1883-1959) les réalisations suivantes : Giordano Bruno (1908), Cabiria (1914) et Tigresse royale (1917).

GALERIE PHOTOGRAPHIQUE DES ACTEURS

Extérieur nuit : Promenade archéologique.

Cabiria reprend le métier. Algarade avec Matilda, sa rivale de trottoir.

Fondu enchaîné.

Extérieur nuit : via Veneto.

Cabiria tombe, médusée, sur l’acteur de ses rêves, Amedeo Lazzari. Dispute du « divo » avec sa compagne Jessy. Pour donner le change, il emmène Cabiria dans un dancing puis l’embarque en voiture chez lui. Fondu enchaîné.

Intérieur nuit : Villa de l’acteur.

Dans sa chambre le face à face est tout autre qu’érotique. Survient en trombe soudain Jessy qui supplie l’acteur de renouer avec elle. Tendre réconciliation. Cabiria est reléguée dans la salle de bains. Fondu enchaîné. À l’aube, Cabiria est chassée de la ville. Fondu.

Extérieur nuit : Promenade archéologique.

Cabiria a retrouvé ses « collègues » de trottoir. Elles émettent le vœu d’un pèlerinage collectif au sanctuaire miraculeux du «Divino Amore » pour obtenir la guérison du Boiteux, leur vieux maquereau estropié. Fondu.

(N’existe que dans le bonus du DVD) : Extérieur nuit : les Grottes Cabiria fait la rencontre de l’Homme au sac qui fait sa tournée pour pourvoir les pauvres de vivres et de réconfort. Dans ce taudis Cabiria retrouve d’anciennes prostituées vouées à la charité publique.

Extérieur-Intérieur jour : Sanctuaire du Divino Amore.

Les prostituées se mêlent à la foule en prière. Cabiria supplie la Vierge de guérir le Boiteux et en même temps de la sortir de sa misère morale.

Hystérie collective. Échec du miracle attendu. Fondu.

Extérieur-Intérieur nuit : Cinéma de quartier.

Cabiria se laisse tenter et pénètre dans la salle. Pendant les « attractions », elle est invitée à participer à une séance de magie. Cabiria sur scène, envoutée, semble se dédoubler et révèle devant une assistance goguenarde son âme d’enfant ainsi que la pureté de sa vraie nature. Elle sort brutalement de sa transe pour se retrouver en proie à la raillerie sauvage du public.

Extérieur nuit : Café.

Rencontre avec Oscar qui l’avait observée de la salle pendant la séance de spiritisme. Il lui propose une amitié candide. Fondu enchaîné.

Extérieur jour : Gare centrale de Rome.

Premier rendez-vous entre Cabiria et Oscar. Fondu enchaîné.

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LES NUITS DE CABIRIA DE FEDERICO FELLINI

Extérieur nuit : Promenade archéologique.

Auprès de ses compagnes, Cabiria se vante de sa nouvelle rencontre.

Extérieur jour : Porte Saint-Laurent, Janicule.

Nouveau rendez-vous avec Oscar. Sur le mode tendre, ils s’inventent chacun une identité pour se rendre présentable l’un à l’autre. Fondu enchaîné.

Extérieur jour : Acilia.

Maison de Cabiria. Rencontre avec le moine-mendiant. Fondu-enchaîné.

Extérieur nuit : Promenade archéologique.

Cabiria fait part à ses amies de sa rencontre avec Oscar. Fondu enchaîné.

Extérieur jour : Place déserte devant une église.

Nouvelle rencontre avec Oscar qui propose à Cabiria de l’épouser. Fondu enchaîné.

Extérieur jour : Acilia. Maison de Cabiria.

Cabiria confie à Wanda son projet amoureux avec Oscar. Fondu enchaîné.

Intérieur-Extérieur jour : Couvent Saint Grégoire.

Cabiria veut retrouver le moine-mendiant. Il est absent. Fondu.

Extérieur soir : Acilia.

Cabiria brade ses meubles. Elle a vendu sa maison à des va-nu-pieds qui attendent dehors d’occuper les lieux. Adieux définitifs avec Wanda. Fondu enchaîné.

Extérieur jour : Lac de Castel Gandolfo.

Restaurant-guinguette. Cabiria, en gage d’amour offre toutes ses économies à Oscar. Elle fait à mots couverts à son fiancé les aveux de sa vie passée ; ceux qu’elle aurait voulu confesser au moine. Fondu enchaîné.

Extérieur-nuit : Le lac.

Cabiria comprend qu’Oscar veut la précipiter dans le ravin. Oscar n’avoue ni ne nie son intention criminelle. Il fuit avec le sac et l’argent.

Désespoir de Cabiria.

Extérieur-nuit : Une route forestière.

Cabiria avance dans la nuit. Rencontre avec des jeunes musiciens qui l’invitent à se joindre à leur cortège. Cabiria retrouve son immarcescible sourire. Fondu.

FIN Générique de fin

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INTRODUCTION

J’ai deux raisons essentielles d’élire Les Nuits de Cabiria comme le film de ma vie : d’une part il tient une place particulière dans mes prédilections de cinéphile et d’autre part il constitue un tournant dans mon existence. En effet, j’ai eu la grande chance de participer à son tournage comme assistant de Fellini, celui que j’évoquerai ici successivement suivant les circonstances sous les vocables de Maestro, Le Phare (Il Faro), le Sultan, Dottore ou Federico qui devint Fefè. L’assistant, ce n’est pas la personne la plus importante d’une équipe mais c’est la plus proche du réalisateur.

Celle qui ne doit jamais quitter son regard afin de devancer ses désirs. Celle qui observe le plus de choses, par devoir ou par curiosité, quand d’autres collaborateurs, dans leur apport à l’œuvre commune doivent se concentrer sur une participation très compartimentée. Celle qui est en somme une sorte de majordome, inféodé inconditionnel de son Maître.

Un coup de foudre préside à ma rencontre avec Fellini.

C’était en septembre 1964 à Venise, le soir de la première de La Strada. Cette projection fut désastreuse, on le sait et elle a suscité chez moi le reflexe du sapeur-pompier, de celui qui intervient pour une réanimation. J’ai raconté ailleurs1 l’épisode au cours duquel je 1

Fellini, six années auprès du Maestro, La Tour verte, 2019.

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LES NUITS DE CABIRIA DE FEDERICO FELLINI

me suis jeté sur Fellini, seul et déconfit sur le trottoir désert où il rejoignait son hôtel. Personne pour raccompagner ce couple dépité, Federico et Giulietta qui rejoignaient l’un derrière l’autre, tels des malpropres, leur hôtel. Encore maintenant, ils m’évoquent Adam et Ève chassés du Paradis2. Avec l’audace des timides, il fallait que je fasse savoir à ce cinéaste que je découvrais, qu’au moins une personne avait aimé son œuvre. Les années passant, Fefè racontait cette histoire à qui voulait l’entendre, avec des variantes. Dans l’une de ces versions, il avait vu surgir de l’obscurité un jeune homme hirsute qui l’avait attrapé par les revers de son smoking, secoué et invectivé d’un discours en chinois, puis, avait soudain disparu dans la nuit. Fellini en aurait été tellement traumatisé qu’après ma disparition, il se serait cogné la tête dans le premier réverbère du trottoir. Un petit sketch fellinien, en somme.

De ce choc en tout cas étaient nés une amitié et le privilège de devenir pendant cinq ans son assistant, pour Il Bidone, Les Nuits de Cabiria et La Dolce vita.

En dehors de tout ce contexte affectif, l’autre raison de ma prédilection pour ce film est bien d’ordre cinéphilique. Elle réside dans le fait que je voyais alors, et que je vois toujours Les Nuits de Cabiria comme un tournant, la fin d’une époque bien précise de la filmographie de son auteur. Ce que j’ai appelé plus tard la Trilogie de la Rédemption, incorporant outre Cabiria, les deux précédents opus, La Strada et Les Vitelloni. Cette sorte de thèse n’a pas convaincu tout le monde et je suis heureux de la bran2

C’est la fresque de Masaccio « Adam et Ève chassés du Paradis » de la chapelle du Carmine de Florence qui me sautait aux yeux.

Ce film où misère et luxe se côtoient illustre la transformation rapide de l’Italie. Sortant d’un sous-développement moral et économique qu’illustra Fellini lui-même dans sa période néoréaliste, l’Italie voit poindre son « miracle économique » avec une souplesse d’adaptation propre à son génie. Régionaliste et datée, cette œuvre atteint l’universel par l’humanité de regard de son auteur et cette agilité psychologique à passer des rires aux larmes.

Dans l’évolution du cinéaste, Les Nuits de Cabiria est un adieu à ce qu’on pourrait appeler la Trilogie de la Rédemption : La strada, Les Vitelloni, Les Nuits de Cabiria. Fellini, jusqu’ici cinéaste-romancier, quittera la narration pour devenir, à partir de La dolce vita, cinéastepeintre, illustrateur d’une société qu’il voue à l’Enfer.

18,00 ¤ (T.T.C.)

DOMINIQUE DELOUCHE a été l’assistant de Federico Fellini de 1954 à 1960 (Il bidone, Les Nuits de Cabiria, La dolce vita). Cinéaste, il a réalisé 24 Heures de la vie d’une femme (1968), L’Homme de désir (1971), Divine (1975) et plusieurs films-essais sur la Danse. Scénographe et metteur en scène, il travaille à l’Opéra de Paris, de Stockholm et à la Comédie-Française. Il a signé plusieurs livres sur le cinéma consacrés à Max Ophuls, Luchino Visconti, Giulietta Masina et Federico Fellini.

ISBN 978-2-36677-227-2