la la land

Page 1

SIMONE TARDITI ROBERTO LASAGNA

2001: ODISSEA LA LA LAND NELLO SPAZIO DE DAMIEN CHAZELLE di STANLEY KUBRICK

Hol’on paura, Davidpas » de se rencontrer ? » « N’est-ce pas étrange«que n’arrête


LES MEILLEURS FILMS DE NOTRE VIE Collection dirigée par Enrico GiacovElli

Aux amours perdues, où qu’elles soient et quoi qu’elles fassent.


LA LA LAND [2016] de

DAMIEN CHAZELLE SIMONE TARDITI


4

LA LA LAND DE DAMIEN CHAZELLE

Nom

Chazelle

Prénom Né le À

Damien

19 janvier 1985

Providence, Rhode Island (États-Unis)

Filmographie Guy and Madeline on a Park Bench (2009) Whiplash (2013, court métrage) Whiplash (2014) La La Land (2016) First Man – Le Premier homme sur la Lune (First Man, 2018)


5

LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

LA LA LAND (2016)

réalisation : Damien Chazelle ; Sujet et Scénario : Damien Chazelle ; PhotograPhie : Linus Sandgren ; DécorS : David Wasco (Direction artiStique : Austin Gorg ; Ensemblier : Sandy Reynolds-Wasco) ; coStumeS : Mary Zophres ; montage : Tom Cross ; muSique originale : Justin Hurwitz ; caSting : Deborah Aquila, Tricia Wood. interprètes et personnages : Ryan Gosling (Sebastian Wilder), Emma Stone (Mia Dolan), John Legend (Keith), J. K. Simmons (Bill), Rosemarie DeWitt (Laura Wilder), Finn Wittrock (Greg Earnest), Sonoya Mizuno (Caitlin), Jessica Rothe (Alexis), Callie Hernandez (Tracy), Tom Everett Scott (David), Damon Gupton (Harry), Josh Pence (Josh), Nicole Coulon (fiancée de Josh), Jason Fuchs (Carlo), Miles Anderson (Alistar), Olivia Hamilton (Bree), Anna Chazelle (Sarah), Marius De Vries (Clyde), Meagen Fay (mère de Mia), Bruce Davison (père de Mia), John Hindman (Frank), Valarie Rae Miller (Amy Brandt), Zoe Hall (Chelsea), Bunny Levine (caissière du cinéma Rialto). origine : États-Unis. production : Summit Entertainment, Black Label Media, Marc Platt Productions, Impostor Pictures, Gilbert Films, TIK Films. distribution : Lionsgate (USA), SND (France). première projection : 25 janvier 2017. durée cinématographique : 128 minutes. Format : 2.55:1 (CinemaScope).


6

LA LA LAND DE DAMIEN CHAZELLE

synopsis Los Angeles, première décennie du XXIe siècle. Dans un bouchon autoroutier, deux jeunes artistes en herbe se rencontrent et s’envoient réciproquement balader : l’actrice Mia Dolan [Emma Stone] et le pianiste Sebastian Wilder [Ryan Gosling]. Partis du mauvais pied, ils se retrouveront face à face encore et encore. Après l’une des mauvaises journées habituelles passées à la cafétéria où elle travaille, Mia se rend à une énième audition pour obtenir un rôle qu’elle n’aura pas. Malgré son moral en berne, elle est convaincue par ses colocataires d’aller à une fête privée où elle pourra rencontrer des gens du monde hollywoodien. L’opération échoue et Mia, lorsqu’elle quitte la fête, est obligée de rentrer chez elle à pied après que sa voiture a été enlevée par la fourrière. Mais sur le chemin du retour, elle est littéralement conquise par le son d’un piano provenant d’un restaurant : c’est Sebastian qui joue, le garçon que quelques scènes auparavant, doigt d’honneur à l’appui, elle a élégamment envoyé au diable. Nous en découvrons plus sur le musicien et sa frustration de devoir jouer des chansonnettes de Noël pour joindre les deux bouts. Les notes qui ont ravi Mia ont cependant une nuance de jazz, la musique que Bill [J. K. Simmons], le propriétaire du local, a interdit de jouer à Seb. Par conséquent, Seb est licencié. Lorsque Mia s’approche de lui pour le complimenter, il lui donne un coup d’épaule et s’éloigne à grands pas. Tous deux se sont reconnus, mais ne se sont pas encore parlé. Il faudra attendre encore quelques mois pour une nouvelle rencontre fortuite, cette fois à une fête au bord d’une piscine où Seb joue dans un groupe et Mia tente en vain de tisser des liens avec des personnes importantes. Vers le soir, Seb et Mia se promènent sur la colline, continuant de se provoquer mais désireux de se revoir dès que possible. Le lendemain, Seb fait une surprise à Mia sur son lieu de travail et ils passent ensemble les heures suivantes, en approfondissant leur connaissance réciproque : il lui avoue sa passion absolue pour le jazz (il voudrait ouvrir un club), elle lui dit qu’elle rêve de devenir une star de cinéma. Ils se donnent rendez-vous pour une projection de La Fureur de vivre, mais ils doivent quitter la salle en raison d’un problème technique et se retrouvent à l’observatoire Griffith, où ils échangent leur premier baiser. Maintenant, ils vivent ensemble et s’encouragent l’un l’autre : elle quitte son travail de serveuse et se consacre à l’écriture d’un spectacle théâtral, tandis qu’il travaille pour un club de jazz. C’est là qu’il rencontre Keith


LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

[John Legend], qui lui propose de rejoindre un groupe sur le point d’enregistrer un album et de partir en tournée. Seb refuse dans un premier temps, puis finalement accepte, afin de pouvoir mettre de côté un peu d’argent pour lui et pour Mia. Mais l’éloignement qui en résulte provoque une coupure dans leur relation. Aussi, après une grosse dispute, ils se séparent. Suite à l’échec apparent de son spectacle finalement mis en scène, Mia retourne chez ses parents dans le Nevada. Seb reçoit un appel d’un agent de casting : son ex-petite amie a été choisie pour un rôle cinématographique important, mais personne n’arrive à la joindre. Seb y réussit, la convainc de revenir avec lui à Los Angeles pour l’audition qui déterminera un tournant dans sa carrière. Tous deux savent que leur histoire est finie, mais aussi qu’ils s’aimeront toujours. Cinq ans plus tard, Mia est devenue une actrice au succès international et elle a épousé un autre homme, David [Tom Everett Scott], dont elle a eu une petite fille. Un soir, mari et femme se retrouvent par hasard dans le club de jazz que Seb a réussi à ouvrir et lorsque le musicien reconnaît Mia dans la foule, il joue au piano, pour la dernière fois peut-être, la chanson qui l’a fait tomber amoureuse de lui. Nous revoyons le temps qu’ils ont passé ensemble et ce qu’ils auraient pu vivre s’ils s’étaient concentrés davantage sur leur bonheur que sur la réalisation de leurs objectifs professionnels. Finalement, ils se saluent, peut-être pour toujours, par un échange muet de regards et de sourires.

Il est conseillé de regarder ce film, comme n’importe quel film, en langue originale, avec ou sans sous-titres, pour pouvoir apprécier les voix, les musiques et les dialogues originaux, presque toujours trahis par les versions doublées.

Le symbole [ dans les légendes des illustrations ou, en l’absence de légendes, sur les illustrations elles-mêmes, signale qu’un photogramme du film, à l’origine en couleurs, a été reproduit en noir et blanc pour des raisons éditoriales.

7



9

INTRODUCTION

Entre la lagune et les étoiles

J’ai toujours pensé que l’ego de celui qui écrit un livre non autobiographique doit être confiné dans l’introduction et ne pas en sortir. Ces premières pages doivent donc constituer un enclos dans lequel l’auteur peut se repaître, en se concédant le luxe – qui serait intolérable par la suite – d’utiliser la première personne du singulier. Un souvenir important me lie à La La Land depuis que je l’ai vu en avant-première mondiale à la Mostra de Venise en 2016. Film d’ouverture. Ce n’était pas seulement ma première visite au festival, c’était aussi mon premier banc d’essai pour « Vero Cinema », le projet de critique cinématographique que j’ai fondé en 2014. Ainsi, à l’aide d’un vieil agenda, je peux facilement retrouver le jour exact où j’ai vu le film : le 31 août au matin, dans la salle Darsena, lors de la deuxième projection presse. Au cours des semaines précédentes, il s’était bien vendu en tant qu’hommage aux comédies musicales en Technicolor et la réception au Lido avait été tout à fait chaleureuse. La conférence de presse de Damien Chazelle, Emma Stone et des producteurs (apparemment Ryan Gosling, absent, était occupé par le tournage de Blade Runner 2049, qui se déroulait en Hongrie), a en quelque sorte lancé le succès commercial du film : sympathie, sourires, journalistes enthousiastes et critiques positives qui se sont propagées comme une onde médiatique à travers les réseaux sociaux. Cela n’arrive pas toujours. Sans vouloir dépasser les vieux classiques, La La Land est un acte d’amour envers l’art – et l’industrie – du cinéma ; sur ce point, ses partisans comme ses détracteurs peuvent s’accorder.


10

LA LA LAND DE DAMIEN CHAZELLE

Après Venise, je n’ai plus repensé à La La Land et lors de sa sortie en Italie en janvier 2017, je ne suis pas retourné le voir, même s’il m’avait plu. Cependant, je me rappelle parfaitement la façon dont les gens en parlaient. Et pas seulement sur internet. Je me souviens de quelqu’un dans un bar, qui avait conseillé à quelqu’un d’autre de se procurer le film coûte que coûte et quelques jours plus tard, de deux autres personnes, en train de faire du jogging, qui parlaient de la scène finale comme de l’une des plus belles qu’ils aient jamais vues. Aucune analyse, seulement des suggestions et des discussions libres. Là encore, en dehors des circuits fréquentés par les cinéphiles, il n’arrive pas toujours que l’on entende parler de cinéma avec enthousiasme, surtout de nos jours. C’est un mérite que l’on doit reconnaître à ce film. Je me souviens aussi que La La Land était de loin le titre le plus demandé par les passagers de mon vol pour les États-Unis, cet été-là. Une expérience étrange, presque godardienne : de nombreux petits moniteurs pour le même film, dont les scènes ne se déroulaient pourtant pas simultanément. Un collage de scènes différentes d’un siège à l’autre. Scènes silencieuses, car chaque spectateur était isolé des autres, grâce aux écouteurs. Les protagonistes qui dansent sur les collines de Los Angeles et simultanément, ces mêmes personnages en train de parler dans un club de jazz, ou de se disputer lors d’un dîner. Comme si La La Land avait été décomposé, séquence par séquence, siège par siège, et que quiconque en se levant pour faire quelques pas et se dégourdir les jambes, pouvait le remonter mètre par mètre, image par image, en en assemblant les différentes parties. Peut-être que l’avenir du cinéma sera celui-là : dans la dernière tentative désespérée d’avoir l’illusion d’être en contact avec les autres, il n’y aura plus de grands écrans, mais des bornes vidéo, une par fauteuil, dans lesquels se caler et partager ses moments préférés avec notre monde intérieur et le monde extérieur. Écrire un volume entier sur La La Land a été également l’occasion de s’attaquer à une première étude sur Damien Chazelle, un réalisateur que j’apprécie beaucoup. Après l’avoir manqué (qui sait pour quelle raison absurde) lors de la 32e édition du Festival du film de Turin, le premier film de lui que j’ai vu quelques mois plus tard a été Whiplash. Depuis lors, je l’ai vu des di-


INTRODUCTION

zaines de fois et je le considère de loin comme l’un de mes préférés. Plus tard, j’ai vu son premier long métrage, Guy and Madeline on a Park Bench, qui m’avait plu avec quelques réserves, même s’il était loin de Whiplash (quitte à l’apprécier pleinement une fois clarifiée sa continuité avec La La Land). Enfin, en 2018, j’ai raté à quelques heures seulement la projection de First Man : Le Premier homme sur la Lune à la Mostra de Venise, car j’avais décidé de différer mon départ d’un jour. Je me suis alors précipité pour le voir le premier jour de la programmation (le 31 octobre, c’était Halloween) : j’eus droit à une salle semi-déserte, un silence tombal, et dehors une pluie battante. Magnifique. Quatre longs métrages avec de nombreux éléments communs. Si La La Land rend hommage au classique hollywoodien sans essayer de le copier, mais bien plutôt en tentant de se greffer sur cette tradition pour raconter une histoire réaliste et actuelle, alors peut-être peut-il être le point de contact entre une époque passée et le public d’aujourd’hui qui en ignore l’existence ? Oui, certainement. En un moment historique où la référence au cinéma joue un rôle de premier plan, le fait que ce film puisse en faire découvrir d’autres explique pourquoi il est l’un des plus importants parmi les grandes productions américaines les plus récentes. La majeure partie des billets a été vendue en raison de l’histoire d’amour et de l’atmosphère onirique qui habite le film, c’est incontestable, mais La La Land jouera encore longtemps un rôle de premier plan pour rendre accessible au public un monde inconnu (celui des vieux films) et pour avoir renouvelé l’intérêt lié au genre musical. La La Land est-il uniquement un container dans lequel suggestions, hommages et références sont mélangés et reproposés sous un nouvel aspect ? Est-ce un film de citations destiné au public d’aujourd’hui, qui aime les clins d’œil et les liens avec d’autres produits de divertissement ? Non. En dépouillant La La Land de tous ses oripeaux, il reste l’histoire de deux personnages qui « réussissent » et ont du succès, non pas pour leurs capacités particulières, ni parce qu’ils sont les meilleurs dans leur domaine, mais parce qu’ils ont eu une influence l’un sur l’autre et se sont fortifiés dans un monde sans pitié, où seuls comptent ceux qui font carrière. Un monde où règne un individualisme qui, qu’on le veuille ou non, est le miroir du présent.

11


12

KILL BILL DI QUENTIN TARANTINO


13

PROLOGUE

Pas de géant : Guy and Madeline on a Park Bench Aucun grand producteur n’aurait peut-être parié sur Chazelle, 24 ans, mais déjà en 2009, le magazine « Variety » avait fait une critique positive de son premier film. Guy and Madeline on a Park Bench fut salué comme un bon hybride entre le cinéma de John Cassavetes et les comédies musicales de Jacques Demy. Avec le recul, l’influence du réalisateur français se manifestera davantage dans La La Land, mais pour se faire une idée des éléments qui ont vraiment conflué vers son premier film, nous devons revenir sur ses années universitaires. Né en 1985 à Providence, Rhode Island, de parents enseignants

(son père, né en France, enseigne l’informatique et sa mère, l’histoire médiévale), Chazelle emménage à Paris pour un an à la fin des années 90 avec sa famille et pendant son temps libre, il part à la découverte de la ville et trouve souvent refuge dans les salles de cinéma. C’est ainsi qu’il découvre les films de Kurosawa, Truffaut, Lang, mais aussi ceux de Wilder et de Kazan. Son amour pour le septième art est né là : si quelqu’un lui avait demandé ce qu’il voulait faire quand il serait grand, il n’aurait pas dit astronaute, mais réalisateur. Après son retour aux États-Unis, bien qu’il n’aspire pas à devenir un professionnel de la musique, Chazelle se consacre pendant quatre ans à jouer de la batterie dans le groupe du lycée. Le professeur qui


14

LA LA LAND DE DAMIEN CHAZELLE

est aussi chef d’orchestre est si sévère et exigeant qu’il impose une discipline quasi militaire à ses élèves et, de divertissement qu’elle était, cette expérience devient une affaire sérieuse, aux limites de la santé mentale. Tout cela sera réélaboré de manière cathartique dans Whiplash. En arrivant à Harvard, Chazelle se passionne pour la comédie musicale par un chemin détourné. En fait,

a

c

ce sont les films expérimentaux des années 20, 30 et 40, réalisés par des auteurs tels que Fernand Léger, Man Ray, Maya Deren et Dudley Murphy, qui lui montreront sous un angle différent les films de Fred Astaire et Ginger Rogers, dont les numéros de danse et de chant intègrent souvent des solutions de direction audacieuses, en particulier si elles sont contextualisées dans

b

d

En amont de La La Land : Maya Deren (At Land, 1944) [a] et Jacques Demy (Lola, 1961) [b], Man Ray (L’Étoile de mer, 1928) [c] et Busby Berkeley (Dames, 1934) [d].


Avant même qu’il ne rencontre un succès international (7 récompenses aux Golden Globes, 6 Oscars et plus de 400 millions de dollars au box-office), La La Land a tout de suite été accueilli comme un grand hommage au cinéma classique hollywoodien. Un hommage rendu non pas par un vieux réalisateur en fin de carrière, mais par un cinéaste d’à peine 32 ans qui y a insufflé une modernité multicolore et fascinante. Ce livre parle de ce film mais lorgne aussi du côté des deux longs métrages précédents de Chazelle et du suivant, First Man : le Premier Homme sur la Lune, sur le thème de l’espace, et décortique pour les lecteurs son travail et l’immense passion pour le cinéma qui le distingue.

TTC

19,50 ¤ ( . . .)

SIMONE TARDITI (1990) est le fondateur du site de critique « Vero Cinema » où il écrit depuis 2015. Il collabore avec certains des plus grands festivals européens et a interviewé de nombreuses personnalités du monde du cinéma. Comme les protagonistes de La La Land, il aime le jazz et les vieux films.

978-2-36677-208-1


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.