

Tout est possible avec le VIH

‘Here we are’ est le journal sur le VIH avec des histoires pour tous. Première édition, automne
« Ma mère était séropositive depuis des années et menait pourtant une vie normale. Cela m'a rassurée »
Sarah l’aînée de Laurence
« Je vis avec le VIH depuis huit ans », m'a dit ma mère. Je ne m'attendais pas du tout à cette révélation. J'avais dix-huit ans quand elle m'a parlé de son diagnostic.
Cette nouvelle m'a bouleversée et a déclenché une tempête émotionnelle. Pourquoi avait-elle gardé ce secret si longtemps ? Va-t-elle tomber malade ? Combien de temps lui reste-t-il à vivre ? Va-t-elle voir mes sœurs cadettes et moi grandir ? Je ne savais pas grand-chose sur le VIH. Et ce que je pensais savoir me faisait peur.
J’étais aussi en colère contre son ex-partenaire, qui avait caché qu'il était séropositif. Et je m'inquiétais pour moi-même : j'avais une vie sexuelle active, pas toujours de manière protégée. Pouvais-je moi aussi attraper le VIH ? Qu'est-ce que cela signifierait pour ma vie ?
Heureusement, j'ai une relation de confiance avec ma mère. Elle a immédiatement répondu à toutes mes questions et m'a rassurée avec des faits. Elle était séropositive depuis huit ans, et je ne m'en étais jamais rendue compte. Cela m'a prouvé qu'on peut bien vivre avec le VIH.
Un exemple pour les autres
Avec le temps, mes sentiments ont évolué. J'avais surtout peur des conséquences des préjugés. À part moi, seuls quelques proches étaient au courant de son diagnostic. Ma mère me demandait d'être prudente avec qui je partageais cette information, mais que se passerait-il si mes sœurs cadettes ou ses collègues l'apprenaient ? Comment réagiraient-ils ?
En cherchant beaucoup d'informations, j'ai peu à peu calmé mes inquiétudes. Finalement, j'ai partagé l’état de ma mère avec quelques amis, qui ont réagi avec compréhension, sans jugement. Mais ce processus a pris du temps.
Aujourd'hui, presque dix ans se sont écoulés. La plupart des gens connaissent désormais l'histoire de ma mère. Elle ne s'inquiète plus de ce que les autres pensent. Elle est devenue un exemple pour les autres, un soutien qu'elle n'avait pas à l'époque. Je pense qu'elle en aurait parlé plus tôt si cela avait été le cas. J'espère que ce magazine servira d'inspiration et de soutien pour encourager à parler ouvertement du VIH.
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Laurence conseillère politique UGent
Depuis combien de temps avez-vous le VIH ?
Hany professeur néerlandais
Depuis combien de temps avez-vous le VIH ?
Depuis mes 19 ans. Je venais juste de terminer mes études secondaires et je découvrais la vie étudiante.
Comment avez-vous reçu le diagnostic ?
Depuis l’âge de 12 ans, j’avais de nombreux rapports sexuels. Ces rapports n’étaient pas protégés, c’est pourquoi je me faisais tester tous les trois mois. Après un test de routine, j’ai reçu un appel avec une mauvaise nouvelle.
Pourquoi partagez-vous votre histoire ?
Ces conversations m’aident à structurer mes pensées. Je pensais avoir accepté l’impact du diagnostic, mais le processus d’acceptation durera toute ma vie.
J’ai reçu le diagnostic le jour de mon 39ième anniversaire, il y a 17 ans. À l’époque, je vivais au Mozambique avec mes filles et je travaillais pour le gouvernement flamand.
Comment avez-vous reçu le diagnostic ?
À ce moment-là, j’étais séparée de mon ex-mari flamand avec qui j’avais deux filles de 10 et 6 ans. J’étais dans une relation stable avec un Mozambicain et nous voulions des enfants. Je suis rapidement tombée enceinte, mais j’ai reçu une autre nouvelle chez le médecin : j’avais le VIH.
Pourquoi partagez-vous votre histoire ?
J’ai caché mon diagnostic à mes enfants pendant longtemps, jusqu’à ce que ma fille aînée ait 18 ans. J’avais assez gardé le silence. En 2023, j’ai également réalisé un podcast sur le VIH pour Radio 1.
Helen à la recherche d'un nouveau défi professionnel
Depuis combien de temps avez-vous le VIH ?
Depuis 2001. Je vivais et travaillais en Ouganda pour une organisation internationale et je suis arrivée en Belgique pour le traitement de mon pied gauche. Comment avez-vous reçu le diagnostic ?
Pendant des années, j'ai eu des problèmes avec mon pied, qui enflait chaque mois. Cela a conduit à plusieurs opérations. Finalement, c'est un médecin en Belgique qui a diagnostiqué le VIH, sans lien avec mon problème de pied. La transmission a probablement eu lieu lors des soins de ma blessure en Ouganda.
Pourquoi partagez-vous votre histoire ?
Je veux montrer qu'on peut vivre parfaitement avec le VIH. Le traitement fonctionne, donc il n'y a aucune raison de stigmatisation ou de discrimination. Je vis depuis des années avec mon fils, et il ne l'a pas, même si nous partageons tout : des câlins, des bisous sur la joue, les mêmes assiettes et tasses… Le VIH n’a aucun impact là-dessus.
« Le VIH est une infection chronique, pour laquelle il est important de se sentir soutenu »
Que signifie vivre avec le VIH aujourd'hui ? Quel impact cela a-t-il sur votre entourage et comment le monde extérieur réagit-il ? Trois personnes vivant avec le VIH se réunissent pour partager leurs expériences, leurs inquiétudes et leurs rêves. Ils s'accordent tous sur un point : on peut vivre normalement avec le VIH, mais la société ne semble pas le savoir.
Lors de la séance photos pour ce journal, nous rassemblons trois personnes ne s'étant jamais rencontrées auparavant. Elles ont un point en commun : elles sont séropositives. Ce lien immédiat crée une connexion, ce qui n'est pas surprenant. Les trois posent en souriant, parfois un peu nerveusement mais avec beaucoup de douceur. Pourtant, à la fin de la séance, la première question suit : « Comment as-tu appris ton diagnostic ? ». Ils se demandent cela à voix basse, sachant que plus tard, nous parlerons ouvertement de ce que cela signifie de vivre avec le VIH au quotidien.
Laurence, vous avez gardé votre diagnostic secret pendant des années. Même vos filles ne le savaient pas. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps ?
Laurence : « Quand j'ai reçu mon diagnostic, je travaillais et vivais au Mozambique. À part deux amies, personne ne savait que j'étais séropositive, ni ma famille ni mes collègues. J'avais ce besoin de cacher mon diagnostic pour protéger mes enfants. Quand je l'ai finalement dit à ma fille aînée, elle a apprécié la confiance que je lui témoignais. Quelques années plus tard, j'ai informé mes autres filles. » Hany : « Comment ont-elles réagi face au fait que tu
« Mon diagnostic a été un double choc : pour moi et pour le bébé »
C’était exactement le jour de mes 39 ans, en 2007, que j’ai reçu le diagnostic. Je vivais et travaillais au Mozambique avec mes deux filles. À l’époque, j’étais en couple avec un Mozambicain. Nous voulions des enfants. J’étais sur un petit nuage quand le médecin m’a annoncé que j’étais enceinte, mais il y avait une autre nouvelle qui était positive …
Le diagnostic était un double choc : pour moi et pour le bébé dans mon ventre. Est-ce qu’il allait être lui aussi séropositif ? A l’époque, je n’ai reçu aucun soutien. C’était très différent du soutien qu’on reçoit aujourd’hui, avec les centres de référence pour le VIH. Heureusement, j’ai pu accoucher en Afrique du Sud, où les hôpitaux privés traitent le VIH de la même manière que chez nous. Ils m’ont rassurée : avec un traitement approprié, le bébé pourrait rester séronégatif. J’ai accouché par césarienne et je n’ai pas pu allaiter. Chaque jour, je devais donner un sirop à Maya avant son biberon. C’était éprouvant. Ce n’est qu’après 18 mois que le test définitif a confirmé qu’elle était séronégative.
Un sentiment qui persiste
Rapidement, la culpabilité m’a envahie. J’étais bien informée, j’avais déjà vu l’impact du sida au Malawi. Un an avant le diagnostic, j’avais même fait un test. Mon partenaire m’avait assuré qu’il était négatif, mais nous aurions dû faire un test ensemble... Ce regret me ronge encore.
Peu après la naissance de Maya, je travaillais dans un programme universitaire de coopération au développement sur le VIH. C’était fou ! Chaque jour, je participais à des recherches sur le VIH, alors que j’étais moi-même séropositive en secret. Cela montre à quel point la peur était profonde : il ne s’agissait pas seulement de moi, je voulais aussi protéger mes enfants et mon partenaire.
Pendant des années, j’ai attendu le bon moment pour en parler à mes filles. Cela a renforcé notre lien. Pour Maya, c’était plus délicat, car j’avais contracté le VIH de son père. Il n’a jamais vécu avec nous et, notre relation a pris fin après quatre ans sans garde partagée. En 2017, nous sommes rentrées en Belgique et grâce au podcast « Positief », j’ai rendu mon statut public. Aujourd’hui, je sais que je peux être un modèle. Une femme de mon âge découvre son VIH pendant sa grossesse… C’est rare d’en parler. Si je peux inspirer ou aider quelqu’un, j’en suis heureuse.
« Après le diagnostic, j’ai frotté tout mon corps avec une éponge.
Le VIH devait sortir »
Invincible. C'est ainsi que je me sentais à cette époque. J'avais 19 ans, je venais de terminer les secondaires et je profitais d'une vie étudiante débridée. J’étais déjà sexuellement actif depuis très jeune. Je me faisais tester régulièrement et, malgré des rapports non protégés, je n'avais jamais contracté le VIH. Jusqu'à ce test de routine en janvier de cette année-là, qui a été un énorme choc.
De retour chez moi, je me suis lavé frénétiquement, comme pour me débarrasser de ce virus. Comme une crotte de chien qui ne veut pas se détacher de ta chaussure, c'est ce que je ressentais. Ensuite, je demandais souvent aux médecins : « Comment éliminer le VIH ? » Ils pouvaient rendre le virus indétectable, mais pas l'éliminer. Il n'existe pas encore de pilule pour ça.
Aujourd’hui, je réalise que cet épisode était mon point le plus bas. Surtout parce qu'il était accompagné de culpabilité. Je me disais que je n'aurais jamais dû contracter le VIH. Je vivais dans un environnement où la sexualité était abordée ouvertement. Ma mère déposait des boîtes de préservatifs sur ma table de chevet, et je connaissais des proches vivant avec le VIH.
Me justifier toute ma vie ?
Selon moi, la seule chose que peuvent faire les personnes séropositives après le diagnostic, c'est de commencer rapidement leur traitement et d'être adhérent. Cette boîte de pilules a été une étape importante dans mon processus d'acceptation. Une étape aussi vers I = I (Indétectable = Intransmissible), ce qui a été un vrai soulagement et qui m’a permis d’avoir à nouveau des relations. Une fois que le virus est devenu indétectable et donc non transmissible, j'ai su que je porterais le VIH comme mon propre stigmate.
Quand j’ai annoncé mon diagnostic à ma meilleure amie (qui était la première à le savoir), sa réaction était violente : « Merde, Hany, j'ai bu dans ta gourde la semaine dernière. Est-ce que je vais l’avoir aussi ? » Je me suis dit : est-ce que je vais devoir me justifier toute ma vie ? J’ai donc décidé de ne plus jamais cacher mon histoire. La transparence est essentielle pour briser le tabou. Mais pour vraiment lutter contre ce stigmate, il faut parler du VIH dans une vision plus large de la santé sexuelle. »
ne leur en avais pas parlé plus tôt ? »
Laurence : « Elles comprenaient mes préoccupations. Nous avions déjà traversé beaucoup de choses : une séparation, la garde alternée à l'étranger. Mes enfants ont dû mûrir très vite. »
Helen : « Mon plus grand souci était aussi de savoir ce qu'il allait advenir de mon fils. Après mon diagnostic, je voulais immédiatement retourner en Ouganda, mais on m'a conseillé : 'Si tu veux revoir ton fils, tu dois vivre. Et pour cela, il vaut mieux rester en Belgique.' Finalement, je n'ai revu mon fils qu'après cinq ans. Au début, il était en colère de m'avoir vue partir, d'autant plus qu'il ne savait pas pourquoi. »
Laurence : « Je craignais que mon ex-mari m'enlève mes filles. Les six premières semaines après mon accouchement au Mozambique étaient insupportables. Je devais régulièrement aller en consultation pour protéger mon bébé du VIH, mais tout le monde savait évidemment pourquoi j'étais là. En tant que femme blanche, je ne passais pas inaperçue. Je vivais dans un état de stress constant que les gens finiraient par découvrir. »
Hany, avez-vous aussi eu peur que les gens découvrent votre statut ?
Hany : « Je me suis surtout inquiété pour mes futures relations. Dans la communauté gay, il y a cette question récurrente et stigmatisante de savoir si tu es 'clean'. J'avais peur d'être moins désirable : pourquoi choisir quelqu'un avec le VIH si tu peux avoir quelqu'un sans ? Je redoutais de devoir sans cesse me justifier. »
Laurence : « J'ai ressenti la même chose. Je pensais que je ne trouverais plus jamais quelqu’un. Tout le monde a ses bagages, mais le mien semblait bien lourd pour un partenaire. »
« Certains m'admirent pour mon courage. Alors que je suis simplement soutenue par un réseau social solide »
— Laurence
Helen : « Je suis mère célibataire depuis longtemps. Après deux ans de mariage, mon mari est mort dans un accident. Je crois encore à l'amour, mais à chaque clin d'œil d'un homme, je me demande s'il accepterait mon statut VIH. J'ai essayé d'entamer de nouvelles relations en parlant ouvertement de mon diagnostic. Les réactions ont souvent été négatives. Un homme m'a même ridiculisée devant tout le café, en criant que nous avions bu dans le même verre, ce qui était faux. Il buvait un soda et moi du thé. Le VIH m'a privé de l'amour. »
Laurence : « C'est vraiment dur. Mais au moins, tu sais tout de suite à qui tu as affaire. J'ai eu la chance de rencontrer un homme bien via Tinder. Après notre premier rendez-vous, je lui ai parlé de mon diagnostic, et il l'a accepté immédiatement. L'homme qui t'a ridiculisée : ciao ! »
Hany : « Quand je parle de mon diagnostic à un par-
tenaire potentiel, j'apporte toujours mes résultats de tests et des informations. La plupart du temps, ils veulent en savoir plus. Pour ceux qui réagissent négativement, je me dis après coup : 'Ouf, ça n'aurait pas marché de toute façon.' Même si c'est toujours une expérience difficile. »
Pourquoi les gens réagissent-ils parfois négativement ? Est-ce dû à un manque de connaissances ?
Helen : « En Ouganda, c’est certainement le cas. Quand j'ai voulu dire à mon fils que j'avais le VIH, je lui ai d'abord demandé ce qu'il savait à ce sujet. Il avait appris à l'école que c'était une maladie mortelle que seules les personnes dévergondées attrapaient. Ce qui n'est bien sûr pas du tout le cas. Il existe d'autres façons de transmettre le VIH. »
Laurence : « C’est pourquoi je raconte mon histoire publiquement. Une information correcte est tellement importante. »
Hany : « Je le remarque également en tant qu’enseignant. Les jeunes sexuellement actifs ne savent parfois même pas ce qu'est le VIH. Par exemple, en classe, j'ai entendu dire que le SIDA était assimilé aux IST. L'éducation sexuelle est extrêmement importante, et l'éducation est l’endroit idéal pour aborder ce sujet. Les jeunes sexuellement actifs doivent
savoir qu'ils peuvent se faire tester. »
Helen : « Il y a trop peu de sensibilisation au VIH. On en entend à peine parler dans les médias. Ou peutêtre une fois par an, par exemple lors de la Journée mondiale du sida. Mais les gens vivent avec le VIH tous les jours. »
Hany : « C’est pourquoi le concept I=I (Indétectable = Intransmissible1) devrait être largement compris. Les personnes qui savent qu’elles sont porteuses du VIH se protègent mieux et ne transmettent pas l’infection. »
Laurence : « Pour moi aussi, ce concept d’I=I a tout changé. Je pouvais à nouveau rêver d'une relation avec des rapports non protégés, sans craindre d’infecter quelqu'un. »
Helen : « Je me demande parfois si les gens voient encore l'utilité de la prévention, puisqu'il existe des médicaments. »
Hany : « Cela donne effectivement un sentiment d'invincibilité chez les jeunes. Surtout si vous continuez à avoir des relations non protégées et que vous ne l’attrapez toujours pas. Mais tout commence par une détection et un traitement à temps. Se protéger ne concerne pas seulement le VIH, mais aussi, par exemple, le consentement, les IST et le développement sexuel. »
Comment vivez-vous le traitement ?
Helen : « Beaucoup de choses ont changé en très peu de temps. Au début de mon traitement en 2001, je prenais neuf pilules par jour. Aujourd'hui, il n'y en a plus qu'une. Ce n’est pas toujours agréable de prendre cette pilule, mais la vie continue. Je n'ai jamais pris une pilule contre le VIH, je prends une pilule chaque jour pour vivre. »
« Je n'ai jamais pris une pilule contre le VIH, je prends chaque jour une pilule pour vivre » — Helen
Laurence : « Je ne mourrai pas du VIH, mais bien de quelque chose dont beaucoup d’autres personnes meurent aussi. Je mène une vie assez saine, avec beaucoup d'exercice et une bonne alimentation.
Tous les six mois, je fais un bilan de santé complet. Au début, je prenais une pilule toutes les 12 heures. Ce n'était pas facile lorsque je voyageais entre différents fuseaux horaires. J'y pensais chaque jour. Maintenant, avec une seule pilule, c'est complètement différent. Plus vous vivez longtemps, moins vous pensez au VIH au quotidien. Un jour viendra où vous prendrez cette pilule sans vous poser la question du pourquoi. Mais il faut du temps pour en arriver là. »
Hany : « Prendre cette pilule tous les jours … En tant
qu'étudiant, la discipline thérapeutique était un cauchemar pour moi. Je n'arrivais pas à la concilier avec le chaos de la vie étudiante. Heureusement, j'étais bien suivi et nous avons cherché ensemble des solutions. C’est important, sinon je n'aurais pas pu avoir de rapports non protégés. »
Avez-vous encore du mal à faire face au stigmate lié au VIH ?
Helen : « Cela commence déjà avec cette grosse étiquette en haut de votre dossier médical : VIH+. Une telle mention n'apparaît pas pour quelqu'un qui a des maux de tête chroniques, n'est-ce pas ? Pour moi, le plus gros problème, c'est que la société considère toujours le VIH comme une maladie africaine. J'ai participé à un documentaire télévisé pour briser ce cliché, mais j'ai reçu des commentaires négatifs de la part de migrants. Ils pensaient que je renforçais justement le cliché selon lequel le VIH est principalement une maladie africaine. »
Laurence : « Et ce n'est jamais la faute des hommes. Toujours celle des femmes. »
Hany : « Ce n'est pas comme ça chez nous. (rires) Mais malgré ce cliché, je remarque que la communauté LGBT et noire restent des groupes vulnérables. C'est pourquoi il est important de montrer que nous sommes là. Qu’il est possible d’obtenir des informations correctes et d’avoir accès aux moyens de prévention. De préférence dans un contexte mo-
derne, avec des personnes représentatives : des jeunes de vingt ans qui ont aujourd'hui accès à la PrEP (traitement préventif contre le VIH) et à des préservatifs gratuits. »
Laurence : « Je remarque aussi cette différence de génération. Quand je l'ai dit à ma plus jeune fille, elle a réagi en disant : ‘Et alors ?’. Alors que des personnes de mon âge m’admiraient pour mon courage. Je ne pense pas du tout que je suis courageuse. J'ai simplement un réseau social solide qui me soutient. »
Hany : « C’est vrai que nous avons la chance d'avoir ce soutien. Mais il faut quand même du courage pour parler du VIH, car ce n’est pas évident. Il faut lutter contre tous ces préjugés dans la société. Certaines personnes s'inquiètent surtout pour moi, tandis que d'autres veulent immédiatement savoir comment je l'ai attrapé. Peu importe. Je l'ai, donc je dois faire avec. Après mon diagnostic, j'ai voyagé seul à travers la France. Au début, je disais que j'avais un cancer, simplement par peur de la réaction. Ensuite, lors de conversations plus longues, je disais que j'avais le VIH. »
« Après mon diagnostic, j'étais en colère contre tout et tout le monde. Mais en réalité, je cherchais surtout de l'amour »
— Hany
Laurence : « Il est frappant de voir que les gens réagissent au cancer avec ‘le pauvre’ et au VIH avec ‘C'est de ta faute’. Tu n’es pas obligé de le dire non plus. C’est toi qui choisis quand tu es prêt. »
Helen : « Et ton entourage. Le VIH a également un impact sur eux. À un moment donné, j'ai ouvert mon cœur dans un e-mail adressé à mes amis et à ma famille. Ma sœur m'a immédiatement appelé en disant : ‘Qu'est-ce que tu as fait ? As-tu pensé à nous ? Et si ton fils n’était plus accepté à l’école ?’ À cause de cette réaction, j'ai gardé mon diagnostic secret pendant des années, même pour mes parents. »
Laurence : « Finalement, je ne l’ai pas dit à ma mère non plus. Juste avant sa mort, alors que nous parlions de sédation palliative, elle m’a dit soudainement : ‘Je ne savais pas que tu étais si forte’. J’ai eu envie de lui dire que c’était peut-être à cause de ce VIH. Mais je me suis tue. »
Helen : « C’est pour ça que le soutien psychologique est tellement important. Comment vas-tu le dire ? Quels sont les avantages et les inconvénients d’en parler ouvertement ? Tout le monde n'est pas aussi fort. »
Hany : « Pour moi, chercher de l’aide psychologique fait partie de la force. Après mon diagnostic, j’étais en colère contre tout et tout le monde, mais en réalité, je cherchais surtout de l’amour. Le soutien psychologique m’a énormément aidé. Et pourtant, je n'aime pas faire partie des ‘compagnons de route’. Chaque infection, chaque traitement et chaque expérience sont individuels. Pour moi, le VIH reste une infection chronique, pour laquelle il est essentiel de se sentir soutenu. J'espère que nos histoires offriront suffisamment de reconnaissance et de visibilité. »
« Le VIH n’est pas seulement une maladie.
J’ai dû quitter mon pays, mon travail et, surtout, mon fils »
En 2001, je suis venue de l’Ouganda en Belgique pour un second avis médical après plusieurs opérations au pied. Après quelques tests, le médecin m’a dit : « J'ai une mauvaise nouvelle pour vous. » J'ai pensé à une amputation ou à un cancer, mais c’était le VIH.
Je ne le croyais pas. J'avais déjà fait des tests VIH et je n’avais plus eu d’activité sexuelle après la mort de mon mari. J'ai demandé à trois reprises un nouveau test. Ce n’est qu’après une discussion entre mon médecin et une amie médecin que j’ai accepté la réalité. Leur conclusion : l'infection avait probablement eu lieu lors des soins de mes plaies après une opération. À cette époque, les hôpitaux africains manquaient de matériel. Les infirmières utilisaient les mêmes instruments pour différents patients. À ce moment-là, en Afrique, être séropositif signifiait souvent la mort. J'avais peur que mon fils de six ans se retrouve seul. En tant que veuve, je vivais pour lui. L'idée était de retourner en Ouganda, mais le diagnostic a tout changé. Mon amie m’a conseillé de rester en Belgique pour avoir accès à de meilleurs traitements et pouvoir m’occuper de mon fils plus tard.
J’ai eu cette chance
Pour moi, le VIH n’est pas qu’une maladie avec laquelle on vit. J’ai dû quitter mon pays, un bon travail international, ma famille, mes amis et surtout mon fils. Mais j’ai eu la chance de recevoir des soins. J’ai vu comment les personnes séropositives étaient traitées en Afrique : la plupart ne vivaient pas longtemps après le diagnostic. Cinq ans plus tard, après ma naturalisation, mon fils a pu me rejoindre en Belgique. J’ai traversé des moments difficiles, mais je regarde toujours vers l’avenir. Après mon diagnostic, j’ai obtenu deux masters et travaillé en Belgique et en Angleterre. Je veux prouver qu’on peut faire des projets et être accepté, même avec le VIH. Les gens ne doivent pas avoir peur. Mon fils et moi mangeons ensemble, partageons la même serviette, je l’embrasse sur la joue... Je ne vais pas le transmettre. Je veux combattre cette ignorance et sensibiliser les gens à l’importance de se faire tester à temps. Si j’y parviens, j’aurai accompli quelque chose d’important. »
Faut-il annoncer dès le premier rendez-vous que l’on vit avec le VIH ? Ou faut-il d'abord apprendre à mieux se connaître ? Comment aborder ce genre de conversation ? Et comment votre partenaire peut-il vous soutenir ? Nous avons demandé quelques conseils à Maegan Fargeat, sexologue clinicienne au CHU Saint-Pierre à Bruxelles. Son conseil est clair : tout dépend de ce que vous voulez.
« Vous n'êtes certainement pas obligé·e de parler de votre diagnostic, même légalement. C'est un choix individuel, où chacun suit sa propre boussole morale. Si vous décidez d’en parler, il est préférable de le faire à un moment et dans un lieu où vous vous sentez en sécurité. Que ce soit physiquement ou émotionnellement. »
« Et cela varie d'une personne à l'autre. Certaines ne veulent pas perdre de temps et le disent dès la première rencontre. D'autres préfèrent d'abord construire une relation de confiance et de sécurité. Certaines personnes choisissent un cadre calme à la maison, tandis que d'autres optent pour un lieu public. Quoi que vous fassiez, vous êtes aux commandes. »
« Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon d'aborder une conversation sur le VIH. Faites ce qui fonctionne le mieux pour vous. En pratique, nous constatons que les gens craignent surtout les réactions négatives, comme les préjugés sur une vie sexuelle débridée. Ces réactions proviennent de l'ignorance et du traumatisme que notre société a hérité de l'épidémie de sida dans les années 80 et 90. » « Avec les bonnes informations, vous pouvez rassurer votre partenaire. Aujourd'hui, il existe de nombreux sites web et comptes Instagram tenus par des personnes vivant avec le VIH. Et si vous le souhaitez, vous pouvez même demander le soutien de professionnels de santé lors de la conversation. Ils peuvent répondre directement à toutes les questions de votre partenaire. »
« Ce qui est inconnu effraie souvent les gens. L'intimité est déjà un sujet tabou, ce qui rend la sexualité dans le contexte du VIH encore plus complexe. Une personne qui parle ouvertement de son statut est aussi souvent mieux informée. Et en suivant un traitement approprié, la personne se protège et protège ses partenaires contre le VIH. Car le virus est alors intransmissible. Grâce à I=I1, vous préservez une sexualité épanouie dans votre relation. »
« En tant que partenaire, vous pouvez aider à sortir le VIH de cette atmosphère de drame et de peur. Écoutez avec un esprit ouvert, informezvous en posant des questions et, surtout, engagez la conversation. Le VIH fait partie de notre société quotidienne, tout comme le diabète ou d'autres conditions. Ce changement mental prend du temps. Mais vous pouvez déjà offrir un environnement sûr où le VIH trouve sa place. »
«
En tant que maman, ma première réaction était : je veux soutenir Hany, et surtout ne pas le juger »
Ann maman de Hany
Et voilà, la première édition de Here we are touche à sa fin. Un journal dédié au VIH, rempli d’histoires qui dépassent les clichés et s’adressent à tout le monde.
L'idée de ce journal est née lors du développement de la campagne HIV is: Just a part of me, conçue pour informer et inspirer les personnes vivant avec le VIH. Lors d'un conseil consultatif organisé par Gilead Sciences, la communauté VIH et des professionnels de la santé ont fait une suggestion ambitieuse : créer ensemble un magazine lifestyle autour du VIH. Ce journal est l’incarnation de cette vision. Gilead a réuni un comité éditorial pour créer un magazine léger et accessible, tout en abordant des sujets délicats. Le titre Here we are n’a pas été choisi par hasard : les personnes vivant avec le VIH veulent être visibles et ne pas se cacher. Cela se reflète dans les témoignages de Helen, Hany et Laurence, à qui nous exprimons toute notre gratitude. Leur transparence est d’un courage rare et profondément touchant. Leur rencontre a été une véritable source d’énergie pour nous tous.
Nous espérons que ce journal sera partagé avec tous ceux qui en ont besoin. Un proche, un collègue ou quiconque souhaite en savoir plus sur le VIH. Car s’il y a un message à retenir, c’est bien celui-ci : tout est possible avec le VIH.
COMITÉ ÉDITORIAL ‘HERE WE ARE’:
Rafael et Hany (personnes fortes vivant avec le VIH), Charlotte (psychologue et sexologue, UZ Gand), Yama (infirmière bénévole, Aide Info Sida asbl), Frédérique (responsable des relations avec la communauté VIH et du développement de ce projet chez Gilead Sciences), Astrid (spécialiste en communication, Growth inc.) et Bert (Bold & Pepper, responsable du concept, de la rédaction et du design de ce journal).
Quand Hany était adolescent, il n’avait pas de freins : il expérimentait et testait ses limites. Je savais que tout pouvait arriver. Pourtant, nous parlions de tout. Je savais donc qu’il se faisait régulièrement tester pour le VIH. Lorsqu’il a reçu son diagnostic, ma première réaction a été : je veux l’accompagner, pas le juger.
En tant que maman, on veut que tout aille bien pour ses enfants, mais j’ai vu Hany s’effondrer. Il pensait que plus personne ne voudrait de lui, il ne sortait plus de son lit, il a arrêté l’école. À cette époque, je voulais surtout rester à ses côtés, tout en veillant à ce qu’il prenne bien ses médicaments. Hany voulait que le VIH devienne insignifiant et invisible, mais il avait du mal à suivre une routine. Pourtant, c’est important de prendre son traitement chaque jour. Je surveillais constamment sa prise de médicament, jusqu’à ce qu’il parte en kot et que je sois obligée de lâcher prise. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus rassurée : Hany trouve du soutien dans sa relation et bénéficie d’une aide professionnelle. Mais je crains toujours la manière dont le VIH pourra influencer sa vie à l’avenir. J'avais par exemple vu comment certaines personnes vivant avec le VIH ne pouvaient pas obtenir d'assurance-vie.
L’ignorance des autres à propos du VIH est quelque chose que Hany supporte mal. Ceux qui en savent peu disent parfois des choses stupides… Je l’ai toujours encouragé à en parler, à expliquer. Moi-même, je peux devenir furieuse face à des insinuations blessantes qui le culpabilisent. Ce n’est pas parce que le VIH n’est plus une maladie mortelle qu’il faut le prendre à la légère. Bien au contraire.
Aider les autres
En tant que maman, j’ai aussi dû faire face à des remarques : ‘Il l’a bien cherché’. Alors que n’importe qui peut attraper le VIH. Ou encore : ‘Tu lui as laissé trop de liberté’. Alors que j’ai toujours pensé qu’il était inutile de le restreindre, car cette impulsivité est aussi sa force.
Il y a eu une période où Hany ne supportait pas que les gens prononcent son nom et le VIH dans la même phrase. Depuis quelques années, il a réussi à prendre du recul et en parle ouvertement. Tout le monde doit surmonter des épreuves dans sa vie, mais Hany transforme cela en quelque chose qui aide les autres. Cela peut sembler étrange, mais son engagement me rend heureuse.
« En tant qu’enseignant, je constate à quel point il y a encore beaucoup d’ignorance autour du VIH. Par exemple, j’ai entendu en classe que le sida était assimilé à des IST. L'éducation sexuelle est extrêmement importante, et l’école est l’endroit idéal pour en parler. Les jeunes qui sont sexuellement actifs doivent savoir qu'ils peuvent se faire tester. »
Hany, p.6
« Je ne pense jamais à la mort. Je pense toujours à ce que demain, l’année prochaine ou les dix prochaines années m’apporteront. Être séropositive ne veut pas dire que je ne peux pas me projeter. Je suis ici comme tout le monde, et le VIH est juste une des choses avec lesquelles je vis. »
Helen, p.9
« Ma génération a connu la peur des années 80 et 90, quand c’était une maladie mortelle. Ils réagissent plus vivement quand quelqu’un dit qu’il est séropositif. La jeune génération réagit en mode : et alors ? C’est bien que cette peur ait disparu, y compris envers les personnes vivant avec le VIH. Mais cela rend les jeunes plus vulnérables. »
Laurence, p.5
Ceci est la première édition de Here We Are, un journal sur le VIH avec des histoires pour tous. Nous sommes très curieux de savoir ce que vous en avez pensé. Vous souhaitez nous donner votre avis, proposer une idée d'article ou contribuer à la prochaine édition ? Dites-le-nous via le code QR.