Entre espoir et douleur
par Charlie Godin Martin Bodmer
La mort d’un enfant est un drame sur lequel il est difficile de mettre des mots. La langue elle-même trouve ses limites. On parle d’orphelins, de veufs ou de veuves, mais il n’existe pas d’équivalent pour désigner la condition d’un père ou d’une mère ayant perdu son descendant. Face à la souffrance éprouvée, l’écrit et le langage apparaissent néanmoins comme un remède, voire une catharsis. Tiré de faits réels et adapté du film éponyme, Voyage vers l’espoir retrace le parcours d’une famille quittant la Turquie pour émigrer clandestinement en Suisse. Cherchant des conditions de vie meilleures, Haydar et Meryem prennent avec eux l’un de leurs enfants, Mehmet Ali, avec l’intention de sortir de leur grande pauvreté. Pour entamer ce périple, le couple vend tous ses biens et prend la route. Les trois personnages arrivent non sans difficulté en Italie, avant de conclure un marché avec un passeur. C’est de nuit qu’ils franchissent la montagne et espèrent traverser la frontière suisse. La neige, la fatigue
et le froid viennent pourtant mettre un terme à leur rêve, en prenant la vie du jeune enfant. Avec la mort du fils, tout espoir se trouve anéanti, la quête vide de sens. Haydar le résume ainsi : « Ce que je cherchais ? Le paradis. Ce que j’ai trouvé ? L’enfer sur la terre. » Ce sentiment d’avoir tout perdu face au décès brutal de l’enfant, qui peut inciter à laisser une trace de sa souffrance, entre en résonance avec l’héritage du romantisme européen. Plusieurs célèbres textes se sont en effet imposés comme de poignants témoignages de l’amour parental, et comme de vibrantes déclarations aux êtres chers, partis alors qu’ils n’avaient pas atteint l’âge adulte. C’est par exemple le cas de deux poèmes, écrits dans le deuxième quart du XIXe siècle, par Alphonse de Lamartine et Victor Hugo.