1314 - Programme opéra n°26 - Sigurd - 10/13

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Sigurd Ernest Reyer

niques, trouvant sans doute qu’ils ralentissaient la marche du drame, et ne s’en cachait pas. Il les baptisait du nom générique de ritournelle. Je me souviens qu’à une des répétitions d’Érostrate, Athenaïs étant en scène et un prélude d’orchestre annonçant à la belle courtisane d’Éphèse l’arrivée de Scopas, le sculpteur auquel Méry avait attribué la Vénus de Milo, M. Halanzier s’écria, en accompagnant son apostrophe de cet effet de canne qui lui était familier : « Mais que fait donc la chanteuse pendant cette ritournelle ? » À quoi je répondis simplement : « Elle écoute la ritournelle... » Ce fut tout... Le sort d’Érostrate était prévu, il devait finir dans l’incendie que le triste héros de la pièce avait allumé lui-même. Une ritournelle de plus ou de moins importait peu. M. Halanzier est le second directeur auquel je dois une éternelle reconnaissance pour ne pas avoir joué Sigurd ; le troisième est M. Vaucorbeil. De celui-là je ne parlerai point, sa mort m’imposant une réserve que chacun comprendra sans doute. D’ailleurs, au temps où il vivait, j’ai raconté mes relations avec lui, relations qui furent amicales, affectueuses même pendant de longues années et qui, brusquement et sans que rien m’en eût averti, entrèrent dans une phase nouvelle. Je rappellerai seulement qu’après la lecture que M. Ernest Legouvé voulut bien faire du poème de Sigurd devant une assemblée choisie, quoique peu nombreuse, je sortis du cabinet du directeur de l’Opéra comme si je m’étais échappé d’un tribunal correctionnel et je me sauvai en Belgique. Ah ! le bon temps ! l’heureux pays et les braves gens, je l’ai dit et je veux le redire encore. Sans les directeurs du théâtre de la Monnaie, et l’accueil fait à mon opéra par le public bruxellois, Sigurd n’aurait été joué ni à Londres, ni à Lyon, ni à Paris. La partition serait encore dans mon portefeuille ou éparpillée de droite et de gauche, compensation bien insuffisante, dans différents concerts. À une œuvre dramatique, il faut le théâtre, ailleurs elle se manifeste dans des conditions qui lui sont plus ou moins favorables, mais elle ne vit pas. Ceux-là se trompent qui croient connaître Lohengrin et Tristan et Iseult, pour ne citer que ces deux-là, par les merveilleuses exécutions que M. Lamoureux nous en a données. Aussi

Oui, mon ami du Locle, c’est vous qui avez fait de moi un wagnérien. Wagner, est-ce Dieu possible ! Wagner pas plus que Berlioz. Je les admire trop tous les deux dans les manifestations très différentes de leur génie, pour avoir l’audace de les imiter. Qu’il me reste dans l’esprit et au bout de la plume quelque chose de cette admiration, cela n’a rien que de très naturel. M. Carvalho, dont le sens artistique est très développé et le jugement très sûr, s’apprête-t-il à révéler le premier de ces chefs-d’œuvre au public parisien. Les trois cygnes qui portent Sigurd et Brunehild au palais de Gunther, n’ont pas fait rire (on le craignait pourtant) ; le cygne de Lohengrin peut aborder la scène de l’Opéra-Comique en toute sécurité. L’ombre de Wagner C’est à Lohengrin que s’arrêtaient mes connaissances wagnériennes lorsque j’ai mis en musique le poème de Sigurd. Ce poème me fut apporté à l’état de scénario, très complet du reste, par M. Alfred Blau ; M. Camille du Locle voulut bien accepter de le mettre en vers et y réussit au gré de mes désirs. Ce n’est pas moi qui en ai proscrit les cavatines et les ariettes à l’italienne, c’est lui. C’est lui qui, au lieu de le composer de morceaux détachés qui se

N° 26 | Sigurd • Grand Théâtre de Genève

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