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Impressions d’un soir...

Rien n’arrête la curiosité des enseignants, et les œuvres de Wagner semblent même redoubler leur intérêt. Ni la longueur supposée des opéras du père de Tristan, ni la langue allemande ne les rebutent, bien au contraire. C’est pourquoi Das Rheingold programmé sur la scène de Neuve au printemps dernier a attiré de nombreux professeurs d’allemand, de français, de musique, d’arts plastiques et leurs élèves de collège et.... un instituteur de l’école des Ouches et ses « 8ème primaire ». À l’issue de parcours pédagogiques soutenus, quelque deux cents élèves assistaient, le 7 mars dernier, à la répétition générale du spectacle. Et ce fut le miracle !

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e soir-là dans la salle, on aurait entendu un ange battre des ailes. Les regards étaient tendus et cette attention extrême des élèves a perduré jusqu’à la montée des Dieux au Walhalla, soit deux heures trente après le lever de rideau. Ils étaient littéralement sous le charme, des voix sans doute, de l’orchestre certainement, mais surtout de la scénographie épurée signée par Dieter Dorn et Jürgen Rose. Fort bien préparés par leur professeur d’allemand, quelques élèves de 4ème du Collège Sismondi, en option spécifique allemand, ont voulu témoigner de ces instants d’éblouissement. Depuis deux ans, Stefan Ettlin leur enseigne la langue de Goethe, à raison de cinq heures par semaine. Lui-même passionné de Wagner et tout particulièrement de Das Rheingold qui constitue son œuvre lyrique préférée, garde un souvenir ému du prologue de la Tétralogie présenté en 1999 au Grand Théâtre, dans la version du trio Patrice Caurier, Moshe Leiser et Christian Fenouillat. Aussi a-t-il choisi d’aborder avec ses élèves le livret de l’opéra de Wagner et l’adaptation que le compositeur a faite du Nibelungenlied. Le résultat fut remarquable et huit de ses élèves particulièrement doués pour la synthèse, nous livrent leurs commentaires. Des élèves fascinés par la scénographie du Nibelheim Lou P. est encore sous le coup de l’émotion quand il se remémore la scénographie du sanctuaire des dieux apparaissant sur la montagne. « Le voile blanc descend, les Dieux sont là, c’est admirable. L’espace est dénué de toute coquetterie, c’est sobre. » Cela le plonge « dans cet univers inquiétant d’où l’on sent que le trouble va surgir. La tente, les flocons qui tombent du ciel, le décor tout à droite de la scène, les coffres, je me sentais transporté dans un monde complètement étranger et magique », poursuit-il, lyrique. Son ravissement s’accroit à l’apparition des deux Géants « ou plutôt de leurs ombres sur le voile blanc. L’effet est au rendez-vous, assure-t-il, avec ces ombres menaçantes qui grandissent et les Géants 26

par Kathereen Abherve

qui soulèvent le voile pour entrer. Ils brisent ainsi l’espace sacré des Dieux et y pénètrent tels des pilleurs. Quelle tension ! » Il ajoute avec une pointe d’ironie avoir été grandement aidé par les surtitres. Dimitri M. et Simona D. ont, quant à eux, été fascinés par la scène du Nibelheim. Le premier est toujours sous le charme lorsqu’il décrit le moment où « la scène se met à trembler. Déformée, déchirée, elle se transforme en Nibelheim : gorge profonde et ténébreuse, antre âcre et plein de souffre qui ne vit plus qu’au rythme de l’or fiévreux, celui que brandit sur son point le Nibelung assoiffé de pouvoir, Alberich. » Pour lui, « cette scène est sans aucun doute la plus fantastique de tout l’opéra, réaliste, épurée, mettant en scène de magnifiques jeux de miroirs et de reflets, elle convainc le plus sceptique spectateur, lui prouvant avec brio que tout est possible à l’opéra, même les miracles. » Simona partage largement son admiration et trouve prodigieux de « réussir à simuler la disparition d’une personne par le heaume... » Elle ne cache pas non plus son enthousiasme devant « cette scène qui intrigue et éblouit complètement le spectateur par ses mystères et à la fois ses merveilles. Nous sommes subjugués, poursuit-elle, par l’originalité et la finesse de ce travail. Magie et obscurité, curiosité et évidences se mêlent parfaitement pour rendre cette “ballade” dans le Nibelheim intrigante et fascinante. » Les réactions sont variées Par contre, Ai Y., bien qu’elle ait trouvé fabuleux le jeu de lumières avec le heaume, a été quelque peu déçue d’avoir décelé le trucage depuis sa place à l’amphithéâtre, en voyant Alberich partir derrière, lors de la première disparition. Ce qui ne l’a pas empêché d’apprécier « cette technique très intéressante et très recherchée. » Mais elle a de loin préféré l’apparition d’Erda, qu’elle a trouvé « fantastique et très appropriée à son statut de déesse de la Terre. Son chant était sublime. » Étonnamment, les élèves ont tous réagi à des moments différents du spectacle. Aysegül S. a par contre été touchée ACT.0 | 15


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