L’européanisation des services de transport et les collectivités territoriales Chaque Etat, dans son histoire longue, a construit des infrastructures de transports, a défini une politique et mis en place des services afférents, chacun en fonction de ses caractéristiques de géographie physique et humaine, de ses institutions et traditions. Il suffit de comparer les cartes des réseaux ferroviaires en France et en Allemagne pour avoir un aperçu de ces différences historiques. Nous nous limiterons ici à deux modes de transport, pour lesquels les responsabilités des collectivités territoriales sont importantes : le transport ferroviaire, qui s’était engagé au cours du dernier demi-siècle dans un déclin lent mais progressif avec en particulier la concurrence de la route, mais qui enregistre un renouveau dans certains domaines, compte tenu de ses avantages comparatifs en matière de protection de l’environnement et de réponse à des besoins spécifiques (grande vitesse, trains régionaux et même fret) ; les transports publics urbains, qui disposent eux aussi d’avantages comparatifs essentiels sur l’automobile dans les agglomérations. Dès le traité de Rome de 1957, les transports ont fait l’objet d’une des premières politiques communes de la Communauté économique européenne. La raison en était simple : la stratégie d’intégration retenue reposant sur la constitution d’un « marché commun », avec élimination progressive des obstacles aux échanges entre les six États fondateurs, impliquait que les transports soient conçus et organisés à la maille du nouveau territoire pour permettre la libre circulation des marchandises et personnes. Mais l’européanisation des transports ne s’est faite depuis 60 ans que par petites touches successives. Si le TCEE prévoyait qu’une politique commune serait introduite dans le domaine des transports, le traité n’avait pas défini le contenu de cette politique. Il énonçait toutefois certains principes, prévoyait certaines règles et indiquait la procédure à suivre. Quand le traité a été négocié il s’est avéré impossible de trouver un accord complet sur la forme et les dispositions de la politique commune des transports. Les auteurs du traité ont donc préféré laisser les institutions de la CEE définir le contenu de cette politique et les ont investi de larges pouvoirs en ce sens, pour définir les lignes générales de cette politique et les moyens de sa mise en œuvre. Les propositions de la Commission européenne ont été nombreuses et fréquentes, mais les concrétisations ont pris du temps, au fur et à mesure que les Etats membres de l’Union européenne ont consenti à accepter que certaines règles communes viennent se conjuguer avec leurs politiques nationales1. C’est pourquoi la présentation de
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L’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 22 mai 1985 dans l’affaire 13/85 Parlement européen contre Conseil a contribué à inciter Conseil à développer progressivement le processus d’européanisation dans le domaine des transports, la Cour ayant déclaré que « le Conseil s’est abstenu, en violation du traité, d’assurer la libre prestation de services en matière de transports internationaux et de fixer les conditions de l’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre ». 1