L’APPLICATION DU DROIT DES SOCIÉTÉS AUX ASSOCIATIONS

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UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV DROIT, SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

L’APPLICATION DU DROIT DES SOCIETES AUX ASSOCIATIONS

Présenté par Jacques - Brice MOMNOUGUI

Mémoire pour l’obtention du Master II Droit privé fondamental : Dominante Droit des affaires

Sous la direction de Mme Florence Deboissy Professeur à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV

Année Universitaire 2006 – 2007


Liste des abréviations AJ

Actualité Juridique

Al.

Alinéa

Art.

Article

Ass. Plén.

Assemblée plénière

Bull.

Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

BODACC

Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales

Bull. Joly

Bulletin Joly

Cass. civ.

Cour de cassation, chambre civile

Cass. com.

Cour de cassation, chambre commerciale

Cass. soc.

Cour de cassation, chambre sociale

C.

Code

C. ass.

Cour d’assises

C. civ.

Code civil

C. com.

Code de commerce

C. trav.

Code du travail

Chap.

Chapitre

Chron.

Chronique

Concl.

Conclusions

D.

Recueil Dalloz

Décr.

Décret

Gaz. Pal.

Gazette du Palais

JCP

Juris-Classeur périodique (Semaine juridique)

JO

Journal officiel

J.-Cl. Soc.

Juris-Classeur Sociétés

L.

Loi

NCPC

Nouveau Code de procédure civile

Op. cit.

Ouvrage déjà cité

2


Ord.

Ordonnance

Rev. Sociétés

Revue des sociétés

RJ com.

Revue de jurisprudence commerciale

RTD Civ.

Revue trimestrielle de droit civil

RTD Com.

Revue trimestrielle de droit commercial

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SOMMAIRE

TITRE I : L’application du droit des sociétés à l’association acte juridique CHAPITRE 1 : L’ASSOCIATION, ACTE DE VOLONTE Section 1 : La volonté, condition de validité des décisions modificatrices des statuts Section 2 : La volonté, condition de survie de l’acte

CHAPITRE 2 : L’ASSOCIATION, ACTE D’ORGANISATION Section 1 : L’organisation du pouvoir Section 2 : La possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation

TITRE II : L’application du droit des sociétés à l’association personne morale CHAPITRE 1 : LES EFFETS LIES A LA PERSONNIFICATION DE L’ASSOCIATION Section 1 : L’effet sur la constitution de l’association : La reprise des engagements Section 2 : L’effet sur la disparition de l’association : La survie de la personnalité juridique pour les besoins de la liquidation

CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS DE L’ASSOCIATION PERSONNIFIEE Section 1 : La déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association à l’égard des sociétaires Section 2 : La déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association à l’égard des tiers

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INTRODUCTION GENERALE

1. « La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ne fait aucune référence au droit des sociétés dont il puisse résulter que des règles applicables au droit des sociétés soient transposables aux associations »1 . De prime abord, il serait tentant d’accorder du crédit à cette réponse ministérielle dans la mesure où, l’une des spécificités du droit privé français est la diversité de ses groupements. 2. Cette caractéristique est en fait une richesse2 puisque, en fonction des buts poursuivis par les fondateurs, ceux-ci peuvent librement se doter d’une structure appropriée. Ainsi, lorsque le but est de partager les bénéfices ou profiter d’une économie, les fondateurs feront le choix de la société puisqu’elle est «instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou profiter de l’économie qui pourra en résulter » au sens de l’Art.1832 al.1er du Code civil. Quant à l’association, elle sera choisie par ceux dont le but n’est pas le partage de bénéfices. L’Art.1er de la loi de 1901 dispose en effet que : « L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations ». 3. Il s’en suit donc que l’association n’est pas la société, et la société n’est pas l’association. Plus radicalement encore, il semble que l’association se situe à l’opposé de la société. Cette opposition a été voulue par le législateur en 1901. En effet,

à la lecture des travaux

préparatoires de la loi de 1901 il ressort clairement que les parlementaires ont

conçu

l’association comme se situant à l’opposé le plus extrême de la société, puisque ils sont partis de la définition de la société pour retenir une définition exactement contraire de l’association3. 4. Partant de là, plusieurs arguments ont été avancés pour critiquer l’application par les juges du droit des sociétés aux associations.

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Rep. Min, n°56969, 10 déc. 1984, p. 5445. D. RANDOUX, Vers un droit commun des groupements, JCP, 1996, éd. G, I, 3982. 3 Lamy associations, Tome I, étude 111, n°39. 2

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Il a d’abord été soutenu, que cette application ne serait que la résultante d’un certain laxisme des juges qui au lieu d’interpréter le contrat d’association, cèdent par facilité à la transposition des règles du droit des sociétés. Il a aussi été soutenu que la transposition jurisprudentielle constituait une atteinte à la liberté contractuelle et une violation de l’art. 1er de la loi de 1901. Il a enfin été avancé que cette transposition visait à faire de l’association une société, ce qui consisterait en fait à la dénaturer. 5. Ces fortes critiques peuvent toutes se résumer en une seule : L’opposition radicale entre l’association et la société. Cette opposition peut cependant être relativisée. En effet, d’une part, il existe des points de rencontre entre elles 4 et d’autre part, elles peuvent entrer en concurrence5. 6. De même, doit être relativisée la réponse ministérielle du 10 décembre 1984 6 puisque les juges continuent d’appliquer le droit des sociétés à des associations. Ceci revient à considérer comme nulle la valeur juridique d’une réponse ministérielle. 7. Au demeurant, cette transposition jurisprudentielle qui a commencé timidement dans les années 60 du siècle dernier, est devenu au cours de ces dernières années 7, par la profusion des arrêts, un véritable phénomène. De plus, la jurisprudence tend aujourd’hui à construire ce qui constituerait peut-être le « droit commun des groupements » que beaucoup appellent de leurs vœux8. 8. Partant de là cette transposition peut être justifiée aux plans politique et technique. Au plan politique, la loi de 1901, qui a institué la liberté d’association exhibe de nombreuses carences. Fière de ses 18 articles 9, elle ne dit mot sur l’organisation du groupement associatif, qu’elle abandonne aux fondateurs. Ce dessaisissement du législateur qui a été qualifié « de principe de liberté statutaire » aboutit en fait à un libertinage dangereux tant pour les sociétaires10 que pour les tiers11.

4

E. ALFANDARI, Associations et sociétés : points de rencontre, Petites affiches 1996, n° 50, p. 47 et s Maurice COZIAN, Florence DEBOISSY, Alain VIANDIER, Droit des sociétés, Edition Litec, 2006 p.9 En réalité, la société et l’association peuvent entrer en concurrence au niveau de la recherche d’économies et au niveau de l’exploitation d’une entreprise. On sait en effet que depuis la réforme de l’art.1832 C.civ. en 1978, la société peut avoir pour objet de « profiter de l’économie qui pourra en résulter ». 6 Supra n°1. 7 Notamment depuis Civ. 1ère, 29 nov. 1994, Rev. Sociétés, 1994, p ;318, note Y. Guyon. 8 P. Le Cannu, J. Foyer, V. Grellière, Y. Guyon, D. Randoux, B. Saintourens, G. Wicker… 9 Contre 35 au départ, les autres articles ayant été abrogés. 10 Les sociétaires sont privés de démocratie. V. notamment Y. Guyon, B. Bouloc, De la démocratie dans les associations, colloque tenu à l’université de la Sorbonne, 8 juin 2001, Rev. Sociétés, oct. – déc. 2001. 11 Les tiers ne sont pas protégés. V. en ce sens P. Hoang, La protection des tiers face aux associations, thèse, Paris 2, LGDJ diffuseur, 2002. 5

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Au plan technique, il n’y a pas de déni de justice 12, le référé législatif13 n’existe plus, donc les juges ne peuvent que statuer. Par ailleurs, le droit des sociétés s’est beaucoup développé, à la différence du droit associatif. Par droit des sociétés aujourd’hui, il faut entendre le Code civil 14, le Code de commerce15, le Code Monétaire et Financier16 et des lois non codifiées 17. Le droit des associations quant à lui est issu pour l’essentiel de la loi de 1901 et son décret d’application du 16 août 1901, du Code civil par renvoi18, du Code de commerce19, de certaines lois non codifiées20 et de nombreux textes dérogatoires au droit commun21. Le droit associatif est donc aussi vaste que le droit des sociétés, avec cette différence que la loi de 1901 qui constitue le socle du droit commun des associations n’a fait l’objet que de timides retouches. Le contrat d’association, tel qu’il résulte de cette Loi, n’a jamais été modifié à la différence du contrat de société. Et si on a pu plaider pour le maintien tel quel de cette Loi22, c’est en réalité parce qu’elle a répondu à un vœu séculaire, voire millénaire : La liberté d’association. Mais en réalité, le constat généralement opéré est de parler de « carences » du droit associatif, face aux « excès » du droit des sociétés. 9. Le recours au droit des sociétés opéré par les juges saisis est donc justifié. Bien plus, il est nécessaire car il permet de combler le vide juridique laissé par la loi de 1901. La méthode utilisée est le raisonnement a pari ou par analogie. Il s’agit d’une méthode exégétique d’interprétation de la Loi qui consiste pour le juge à remonter à la ratio legis, c'est-à-dire à l’esprit du législateur pour appliquer dans le silence d’une Loi d’autres règles issues d’autres Lois et dont le but est de régir la même situation. 10. Si les juges raisonnent a pari c’est qu’ils considèrent que les solutions du droit des sociétés sont transposables aux associations. Ils affirment donc de manière indirecte qu’il

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Art. 4 du C. civ. Pratique qui consistait pour les tribunaux, sur le fondement de la maxime que les juges doivent obéir aux lois et qu’il leur est défendu d’interpréter, à renvoyer par des référés des justiciables au pouvoir législatif, toutes les fois qu’il manquait de loi ou que la loi existante leur paraissait obscure. Le Tribunal de cassation a constamment réprimé cet abus comme un déni de justice. 14 Livre III, Titre IX, du C. civ. 15 Notamment le Livre II qui reproduit les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ainsi que les textes applicables aux GIE (Groupement d’intérêt économique) et GEIE (Groupement européen d’intérêt économique). 16 Les dispositions relatives au droit boursier. 17 A l’instar de la loi du 31 décembre 1990 sur la SEL (Société d’exercice libéral). 18 Par renvoi de l’art. 1er de la loi de 1901 aux dispositions du Code civil relatives aux contrats. 19 Notamment les art. L 612-1 et s. pour les associations exerçant une activité économique. 20 Notamment la loi du 11 juillet 1985 autorisant l’émission de valeurs mobilières par certaines associations 21 F. Lemeunier, Associations, 11ème éd. Delmas 2005, n°221 et s. 22 J. Rivero, G. Sousi, Y. Guyon… 13

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s’agit de deux choses du même genre. Le législateur semble raisonner pareillement lorsqu’il réunit l’association et la société à travers le droit commun de l’entreprise23. 11. Si l’application du droit des sociétés aux associations aboutit à réunir deux groupements que tout opposait, il ne faudrait pas qu’on en arrive à les confondre. Il importe donc de vérifier que les juges ont bien respecté cette exigence. Encore faut-il rechercher au préalable les fondements de cette transposition. Pour ce faire, il convient de se demander : quelles sont les fondements des règles juridiques qui sont transposées ? Quelle est la portée de cette transposition ? 12. L’application du droit des sociétés aux associations présente des intérêts pratique et théorique. D’un point de vue pratique, d’une part, le rôle des associations dans la vie publique et sociale s’est fortement accru : des associations caritatives, cultuelles, intellectuelles aux associations de consommateurs, raciales, de défense des sans-papiers. Les associations sont partout et naissent chaque jour. Ce phénomène associatif24 a provoqué l’institution du CNVA25 qui est chargé d’étudier et de suivre l’ensemble des questions intéressant la vie associative, de donner son avis sur les projets de textes législatifs ou réglementaires et proposer les mesures utiles au développement de la vie associative26. D’autre part, il s’agit aussi de savoir si au fur et à mesure des transpositions, l’association serait devenue une société. D’un point de vue théorique, l’application du droit des sociétés aux associations a suscités en doctrine, un vif débat quant aux règles qu’il fallait transposer pour éviter de dénaturer l’association. Il a ainsi été proposé de se fonder soit sur des « règles techniques » soit sur des règles issues des « principes communs des personnes morales » ou des « principes communs des groupements ». Si le fondement des « règles techniques » semble délicat dans sa mise en œuvre27, il n’est pas superflu d’imaginer les principes communs des groupements ou des personnes morales. Les deux qualificatifs, seront retenus ici, pour la simple raison, qu’ils ne sont pas incompatibles28. 23

Droit du travail, droit des procédures collectives, droit de la consommation. P. Hoang, thèse préc. Dans la préface Paul Didier précise qu’on dénombre aujourd’hui environ 700 à 800000 associations employant environ 800000 salariés maniant des sommes considérables estimées à plus de 200 milliards de francs. V. aussi F. Lemeunier, Associations, préc. n°104 pour des chiffres revus à la hausse soit 900000 associations pour plus de 20000000 d’adhérents , 1000000 de salariés et plus de 700000 bénévoles. 25 Conseil National de la Vie Associative institué par le décret du 25 févr. 1983. 26 F. Lemeunier, Associations, préc. n°105 et s. 27 Comment distinguer en droit des sociétés, les règles techniques de celles qui ne le sont pas ? Que faut-il entendre par règles techniques ? Existe-t-il des règles techniques ? Ce critère est trop flou pour pouvoir être mis en œuvre. 28 La doctrine tend généralement à exclure un qualificatif pour retenir l’autre. Ainsi, K. Rodriguez dans sa thèse « le droit commun des personnes morales » retient la qualification de personne morale pour son élasticité pour exclure celle de groupement à cause de sa rigidité et son universalité (Elle vise un grand nombre d’êtres moraux). En revanche, B. Saintourens dans sa thèse intitulée « essai sur la méthode législative : Droit commun et 24

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13. Dans le cadre de cette étude, les fondements qui ont été retenus pourraient aboutir à un consensus doctrinal tout en rassurant la pratique 29. Ces fondements sont « l’acte juridique » et la « personnalité morale ». Dès lors, il sera successivement envisagé l’application du droit des sociétés à l’association acte juridique (Titre I) et l’application du droit des sociétés à l’association personne morale (Titre II).

Droit spécial », exclut le qualificatif de personne morale qu’on définit toujours en référence à la personnalité morale. Il suggère alors de retenir le qualificatif de groupement car c’est une notion beaucoup plus certaine. Mais dans le cadre de cette étude, les deux qualificatifs peuvent être retenus dans la mesure où tout groupement de personnes à l’instar de l’association et de la société est « une personne morale potentielle ». V. en ce sens G. Wicker, personne morale, Rep. Civ. D. juin 1998. 29 Qui pourrait douter que l’association et la société sont créés par des actes juridiques et peuvent acquérir la personnalité morale ?

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Titre I : L’application du droit des sociétés à l’association acte juridique 14. Par acte juridique, il faut entendre : « une opération juridique (negotium) consistant en une manifestation de la volonté (publique ou privée, unilatérale, plurilatérale ou collective) ayant pour objet et pour effet de produire une conséquence juridique (établissement d’une règle, modification d’une situation juridique, création d’un droit, etc.)30 ». 15. L’association et la société sont deux actes juridiques car ils sont issus d’une manifestation de volonté, et produisent des effets de droit. Il s’agit d’actes juridiques particuliers, distincts des autres pour un certain nombre de raisons. D’abord, ils se distinguent des autres actes juridiques par la présence d’un intérêt commun. Ce ne sont donc pas des « jeux à somme nulle où l’un perd ce que l’autre gagne 31 » dépourvus de possibilités d’expression collective et de représentation. Il s’agirait plutôt d’ « un jeu de coopération où tous les joueurs gagnent et perdent en même temps32 ». Ensuite, ils se caractérisent aussi par le fait qu’ils créent une organisation 33, une structure dotée d’organes qui se répartissent le pouvoir, et émettent des actes juridiques dont la portée a largement au-delà de la simple structure sociale. 16. En tenant compte de cette réalité, les juges ont appliqué à des associations un certain nombre de règles issues de leur nature commune d’acte juridique avec la société. 17. En tant qu’acte juridique, l’association est donc un acte de volonté (Chapitre 1) dont l’effet est de créer une organisation. Et en cela, elle est aussi un acte d’organisation (Chapitre2).

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G. Cornu, Vocabulaire Juridique, PUF, 2003. P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation » in Mél. F. Terré, D. p. 635. 32 P. Didier préc. 33 D’où la notion de « contrat-organisation ». 31

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Chapitre 1 : L’association, acte de volonté 18. L’association est un acte de volonté car elle est créée par au moins deux personnes qui expriment une volonté commune. Cette volonté délimite en fait l’animus du groupement associatif qui est constitué entre autres « d’un concours de volontés pour remplir l’objet social 34 ». 19. Ce concours de volontés se retrouve en fait au delà des associations, dans tous les groupements volontaires de droit privé35. Cela justifie sans doute qu’un auteur l’ait érigé au rang de principe commun à tous les groupements sous le vocable d’affectio collaborationis36. 20. À la naissance de l’acte, ses créateurs sont animés d’une volonté d’être ensemble. Ils se choisissent et s’engagent à employer « leurs connaissances à la réalisation d’un but autre que le partage des bénéfices »37. 21. Mais, une fois l’acte créé, l’association va se doter d’une possibilité d’expression collective. La volonté de tout un chacun se manifeste alors par la participation à l’assemblée générale à travers l’expression d’un droit de vote. Certes, les décisions sont prises à la majorité et s’imposent même à ceux qui n’y ont pas consenti. Mais quid lorsque ces dernières modifient les statuts en augmentant les engagements des sociétaires ? 22. Enfin, l’existence de l’acte est conditionnée par cette volonté commune, et la disparition de cette volontas suffit à entraîner la disparition de l’acte. Mais à quelles conditions ? 23. Saisis par les associations, les juges n’ont pas hésité, en recourant au droit des sociétés, à affirmer le rôle de la volonté dans le fonctionnement et l’existence de l’association. La volonté est alors une condition de validité des décisions modificatrices des statuts (Section 1) et une condition de survie de l’acte (Section 2).

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Y. Chartrier, L’association, contrat dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation, Mél. Yves Guyon, Aspects actuels du droit des affaires, D. 2003. En effet il considère que l’association doit pouvoir fonctionner en respectant son esprit qui est fait, en plus, du concours de volontés, « d’ouverture des membres les uns aux autres, d’une certaine égalité entre eux » […]. 35 Sociétés, GIE … 36 K. Rodriguez, Le droit commun des personnes morales, Thèse Pau, 2001. 37 Art. 1er de la loi de 1901.

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Section 1 / La volonté, condition de validité des décisions modificatrices des statuts : L’interdiction d’augmenter les engagements d’un sociétaire sans son consentement 24. Dans certains groupements, la Loi prévoit expressément que les engagements d’un membre ne peuvent être augmentés sans son consentement 38. Rien de tel n’a été prévu pour l’association par la loi de 1901. 25. Dans un arrêt du 20 juin 200139, la Cour de cassation a étendu cette interdiction aux associations sur le fondement de l’art. 1134 du C. civ. (§1). Toutefois, elle aurait pu, pour aboutir à un résultat identique mais plus efficace, retenir comme fondement l’art. 1836 du C. civ. (§2)

§ 1) Le fondement retenu : L’art. 1134 du Code civil 26. Dans cette affaire, les statuts de l’AFUL 40 Neuve Douane avaient été modifiés, entraînant notamment un changement du critère de répartition des dépenses de l’association. Mais cette nouvelle répartition s’étant révélée défavorable à un sociétaire (M. Colombero), ce dernier contesta en justice la validité de cette délibération qui aggravait son engagement. Les juges suprêmes saisis, par un arrêt de Cassation, rendirent au visa de l’art. 1134 du C. civ. l’attendu suivant : « Qu’en statuant ainsi, sans constater que M. Colombero avait accepté la modification des statuts, alors que celle-ci aboutissait à une augmentation de ses engagements, la Cour d’appel a violé le texte susvisé » 27. S’il convient de relever le mérite de cette solution (A), révéler ses limites (B) semble inévitable.

A – Le mérite de la solution : L’association, contrat 28. En se fondant sur l’art. 113441 du C. civ. les juges suprêmes ne font qu’affirmer la nature contractuelle de l’association. C’est là le seul mérite de cette solution qui « privilégie l’association-contrat par rapport à l’association-institution »42. 29. Si au sens de l’art. 1134 al 1er, le contrat est la loi des parties, cela signifie qu’il est d’une part la loi des parties seulement (1) et d’autre part la loi de toutes les parties (2). 38

Pour les sociétés, c’est l’art. 1836 ; pour les syndicats de copropriétaires, c’est l’art. 81 de la loi du 10 juillet 1965 39 Civ. 1re, 20 juin 2001, Rev. Sociétés 2002, p. 321, note Elie Alfandari 40 L’Association Foncière Urbaine Libre (AFUL) est une organisation syndicale, constituée par des propriétaires en vue de l’exécution de certains travaux. Elle a été créée par une loi du 28 juin 1868. 41 Art. 1134 : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». 42 Elie Alfandari, note sous Civ. 1ère, 20 juin 2001, préc.

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1°) Le contrat d’association, loi des parties seulement

30. Il convient au préalable d’identifier quelles sont les parties au contrat d’association. L’association naît d’un contrat passé entre les membres de l’association, mais elle est aussi un contrat passé entre l’association elle-même et chaque membre. 31. En tant que loi des parties uniquement, le contrat d’association ne peut faire l’objet d’une modification extérieure. Dès lors, seules les parties peuvent décider de la modification du contrat et un juge ne peut modifier lui-même le système de répartition des charges des sociétaires déterminé par les statuts43. 32. Mais l’une des parties, notamment l’association peut-elle modifier unilatéralement le contrat ? Y répondre par la négative permettrait d’affirmer que l’association est aussi la loi de toutes les parties. 2°) Le contrat d’association, loi de toutes les parties

33. En se fondant comme elle l’a fait sur l’art. 1134 du C. civ. la Cour de Cassation reconnaît que l’association est la loi de toutes les parties. Dès lors, l’association ne peut modifier unilatéralement le contrat. 34. Les juges semblent affirmer qu’aucune modification ultérieure du contrat d’association ne saurait être décidée sans le consentement des membres concernés. Ce serait en effet, aller à l’encontre de leurs obligations contractuelles. C’est en fait la nature contractuelle de l’association qui ne permet pas à l’assemblée, sauf si elle statue à l’unanimité des membres, de modifier l’engagement de ceux-ci44. 35. Cela vaut-il dans tous les cas ? Ou uniquement lorsque la décision modificatrice vient augmenter les engagements initiaux des sociétaires ? 36. Il est permis de croire que cette solution vaudra pour toutes les modifications étant entendu que la nature contractuelle de l’association n’a jamais été véritablement contestée. 37. Cette solution est donc bien fondée en ce qu’elle affirme sans ambages la nature contractuelle de l’association. Cependant, elle semble limitée dans sa portée.

B – Les limites de la solution 38. Cette solution semble avoir une portée limitée, car au lieu de poser un principe de portée générale, elle fait référence aux statuts de l’association (1), alors que cette référence comporte un certain nombre de limites (2).

43 44

Civ. 3ème, 4 mai 1988, Bull. Civ. II, n°84. E. Alfandari, P. Dutheil, Association, D. Action 2000, n°1291.

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1°) la référence aux statuts

39. La loi de 1901 a certes accordé une grande liberté aux sociétaires en ce qui concerne leurs règles de fonctionnement. C’est un principe légal fortement réaffirmé, à tel point que la plupart des arrêts font toujours référence aux statuts et l’arrêt suscité n’échappe pas à cette règle. En l’espèce, « l’aggravation des charges des sociétaires n’était pas prévue parmi les décisions pouvant être prises à la majorité. La solution aurait-elle été la même si cela avait été le cas ?45 ». 40. Cette question permet en réalité d’entrevoir les limites de cette référence aux statuts. 2°) Les limites de la référence aux statuts

41. Les juges suprêmes prennent le soin de faire expressément référence aux statuts sur la base de deux principes classiques du droit général de la cassation en matière de contrats. Le premier édicte que « les statuts font la loi des parties et la liberté contractuelle laisse à celle-ci le soin de fixer comme elles l’entendent le contenu des statuts46 ». Le second énonce que « l’interprétation des statuts par les juges du fond est souveraine sauf dénaturation47 ». 42. Ces principes, dont la justification ne fait l’objet d’aucun doute a pu conduire à des dérives dans les associations. Ainsi, dans un arrêt du 25 avril 1990 48, la Cour de Cassation a admis que les statuts d’une association votés dans des conditions régulières pouvaient priver de droit de vote certaines catégories de sociétaires. 43. Certes, il faut relativiser la portée de cet arrêt, car la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur le principe du droit de vote mais sur la validité des clauses statutaires. 44. Mais on le voit tout de même, la restriction du droit de vote est encore plus grave que l’augmentation des engagements des membres. Et si la première est exclue, on ne saurait imaginer la seconde. Les deux vont de paire, d’où la nécessité d’affirmer avec force, comme principes communs à tous les groupements, le droit de vote mais aussi la règle de l’interdiction d’augmentation des engagements sans le consentement des membres. 45. En somme, pour les raisons exposées précédemment, la référence à l’art. 1134 du C. civ. ne permet pas d’assurer de façon pérenne et générale l’inviolabilité de la règle de l’intangibilité. En vertu de l’adage specialia generalibus derogant, il convient peut - être de souhaiter que les juges recourent de lege ferenda à l’art. 1836 du C. civ.

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Elie Alfandari, note sous Civ. 1ère, 20 juin 2001, préc. Pour une application récente, voir Civ. 1ère, 25 juin 2002, D. p. 2539, note Y. Chartrier. 47 V. par exemple, Civ. 1ère, 14mars 1995, Bull. civ. I, n° 121. 48 Civ. 1ère, 25 avril 1990, RTD Com. 1991, p. 249. 46

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§ 2) Le fondement souhaitable : L’art. 1836 du Code civil 46. Aux termes de l’art. 1836 du C. civ. « Les statuts ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire que par l’accord unanime des associés. En aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci ». 47. La transposition de l’art. 1836 du C. civ. aux associations est souhaitable dans la mesure où elle conduirait au même résultat 49 que celui de l’art. 1134 du C. civ., sans encourir les mêmes critiques. Il s’agit donc d’une transposition évidente (A) mais surtout efficace (B) pour l’affirmation de cette règle comme principe.

A – L’évidence de la transposition 48. Envisager comme évidente la transposition de cet article c’est reconnaître aux sociétaires comme aux associés une identité de situation face à une décision venant augmenter leurs engagements initiaux. En effet dans un cas comme dans l’autre on peut retrouver une décision modificatrice des statuts (1), entraînant une augmentation des engagements d’un ou plusieurs membres du groupement (2). 1°) La décision modificatrice des statuts

49. À l’instar des sociétés, la décision modificatrice des statuts d’une association relève de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire. Le principe pour tous les groupements contractuels est l’unanimité à moins que les statuts ou la loi ne prévoient un autre mode de répartition. Dans les deux cas on a donc un même organe, édictant une mesure identique : Une décision venant modifier les engagements initiaux des membres du groupement. 2°) L’augmentation des engagements des membres du groupement

50. Il semble intéressant, à ce stade du raisonnement de se demander en quoi consiste l’augmentation des engagements. En d’autres termes, à partir de quel moment un membre vat-il considérer que son engagement a été augmenté ? En droit des sociétés, l’examen de la jurisprudence permet d’envisager plusieurs situations pouvant aggraver les engagements des associés50. 49

Elie Alfandari, note sous Civ. 1ère, 20 juin 2001, préc. M. Cozian, F. Deboissy A. Viandier, Droit des sociétés, préc., n° 313 et s. Selon ces auteurs, l’assemblée générale, même extraordinaire, ne peut imposer à un associé : de souscrire une augmentation de capital contre son gré ; une mesure de blocage de son compte courant ou l’incorporation du compte courant au capital ; la transformation d’une SA ou d’une SARL en SNC ou en SAS ; l’adoption d’une clause statutaire d’exclusion, … 50

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En droit des associations, dans l’arrêt du 20 juin 2001 51, l’augmentation des engagements consistait en un changement du critère de répartition des dépenses de l’association. 51. Mais quid des cotisations ? La question ne manque pas d’intérêt dans la mesure où une partie de la doctrine a pu considérer que ces sommes ne pouvaient être considérées comme étant l’engagement des associés52. Et dès lors, on ne pouvait considérer que l’intangibilité des engagements puisse viser les hypothèses d’augmentation des engagements. Toutefois cela est contestable dans la mesure où les cotisations « restent le reflet de l’engagement des membres53 ». 52. L’évidence de transposition de l’art. 1836 ne fait donc l’objet d’aucun doute car on le voit, dans l’association comme dans la société, les membres se retrouvent dans la même situation. Mais bien plus que l’évidence, c’est l’efficacité de cette transposition pour l’instauration du principe de l’intangibilité des engagements en droit des associations qu’il convient d’envisager.

B – L’efficacité de la transposition 53. Cette transposition serait, semble-t-il, pleinement efficace pour affirmer avec force la règle de l’interdiction comme principe commun. Pour ce faire il convient de se référer d’abord au droit des sociétés où elle est d’ordre public, la jurisprudence 54 considérant même qu’elle est sanctionnée de nullité absolue (1). Ensuite il sera envisagé les conséquences de son application aux associations (2). 1°) L’art. 1836 du Code civil en droit des sociétés

54. En droit des sociétés dans un arrêt du 13 novembre 200655 les juges ont accordé une valeur absolue à l’art. 1836 en décidant que : « Lorsque l’augmentation des engagements des associés ne procède pas de leur consentement unanime, l’associé ayant consenti à cette augmentation n’est pas de ce seul fait, dépourvu d’intérêt à agir en nullité car l’art. 1836, alinéa 2, du Code civil est une disposition d’ordre public sanctionnée de nullité absolue ». 55. En l’espèce, une action en nullité était dirigée contre une décision d’assemblée générale à laquelle il était reproché d’avoir augmenté les engagements des associés sans leur consentement unanime, il s’agissait alors de savoir si l’un des associés ayant consenti à la

51

Préc. V. notamment K. Rodriguez, le droit commun des personnes morales, thèse préc. § 398, p. 304. L’auteur considère en effet que la cotisation ne peut être qualifiée d’engagement. 53 E. Alfandari, P. Dutheil, Association, Dalloz Action 2000 n° 1661. 54 Com. 13 nov. 2003, JCP E 2004, 601, n°7, obs. Caussain, Deboissy et Wicker. 55 Préc. 52

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décision était recevable à agir. La Cour en recevant cette action, estime que la règle est d’ordre public et donc sanctionnée de nullité absolue. 56. Certes la solution est critiquable 56, mais elle reste tout de même intéressante car elle affirme sans équivoque que la règle de l’intangibilité des engagements est d’ordre public. Et en cela, son application aux associations pourrait entraîner un certain nombre de conséquences. 2°) Les conséquences de l’application de l’art. 1836 aux associations

57. Puisque l’art. 1836 est d’ordre public, il ne saurait y être dérogé conventionnellement. En l’appliquant aux associations les juges feraient rentrer une disposition impérieuse dans le droit des associations non sans quelques grincements de dents57. 58. Au demeurant, cela permettrait peut être de lutter contre les dérives constatées dans les associations notamment en matière de droits politiques 58 des sociétaires, et d’injecter un peu de démocratie dans les associations. Il ne reste plus qu’à espérer que la jurisprudence fasse prochainement application de cette disposition aux associations. 59. La jurisprudence, on l’a vu, reconnaît que la volonté est une condition de validité des décisions modificatrices des statuts en appliquant la règle de l’intangibilité des engagements aux associations. Mais elle pourrait aller plus loin encore en transposant l’art. 1836 al. 2 qui est en droit des sociétés une disposition d’ordre public59. 60. La jurisprudence, on le verra, reconnaît aussi que l’association est un acte volontaire, un groupement de personnes et en tant que tel, la volonté est également une condition de survie de l’acte.

Section 2 / La volonté, condition de survie de l’acte 61. C’est peut-être une vérité de Lapalisse que d’envisager la problématique de la dissolution volontaire de l’association. En effet, c’est un contrat auquel n’échappe pas le mutuus dissensus. C’est en tout cas ce que rappelle l’art. 1er et l’art. 9 de la loi de 1901. 56

Comme l’ont démontré Caussain, Deboissy et Wicker dans la note précitée, la solution est critiquable dans la mesure où l’ordre public visé par la 1386 al. 2 est une règle d’ordre public de protection et non de direction. Dès lors elle ne saurait être sanctionnée de nullité absolue mais de nullité relative. Et en ce cas le consentement à une augmentation aurait privé le demandeur de qualité pour agir. 57 La loi de 1901 étant une loi de liberté, peut-on concevoir l’ordre public au sein des associations ? Cela ferait sans doute renaître le débat sur la nature contractuelle ou institutionnelle de l’association. Etant entendu que pour une partie de la doctrine, lorsque l’ordre public avance, la liberté contractuelle recule. 58 Clauses restrictives du droit de vote, absence d’information des sociétaires … 59 Contra K. Rodriguez, le droit commun des personnes morales, précité, § 366, P. 282 qui considère que les dispositions d’ordre public ne sauraient être prises en compte dans la rédaction du droit commun car « malgré leur autorité supérieure, elles ne s’appliquent qu’au groupement qu’elles régissent ».

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62. Mais l’enjeu n’est pour autant pas inexistant. En effet, en l’absence de mutuus dissensus, est-il possible qu’un sociétaire qui ne désire plus poursuivre l’activité commune, sollicite en justice la dissolution du groupement ? Si oui n’est-ce pas un cas de

solus

dissensus homologué par le juge? 63. Alors qu’en droit des sociétés, il est admis depuis longtemps que la société ne peut survivre à une mésentente si elle est « de nature à paralyser son fonctionnement »60 aucune disposition similaire n’existe dans la loi de 1901. 64. La jurisprudence a donc dû pallier cette carence en transposant la dissolution pour justes motifs de l’art. 1844-7-5 aux associations (§ 1). Au-delà, n’est-ce pas l’ensemble de l’art. 1844-7 qui est considéré comme un principe commun à tous les groupements ? Il convient donc d’analyser les probabilités de transposition des autres dispositions de l’art. 1844-7 du Code civil (§2).

§ 1) La transposition de la dissolution pour justes motifs 65. Le juge judiciaire peut prononcer la dissolution de l’association lorsque des « justes motifs » paralysent le fonctionnement de la société. La jurisprudence a d’abord été hostile à l’application de cette dissolution à des groupements à but non lucratif 61. Ensuite, elle admit le principe de cette dissolution en se référant au droit des contrats et sans recourir au doit des sociétés (A). Aujourd’hui, elle semble considérer l’art. 1844-7-5 comme un principe commun de dissolution (B).

A – Le fondement contractuel 66. L’hésitation de la jurisprudence à appliquer l’art. 1844-7-5 aux associations pose la question du fondement contractuel de la dissolution pour justes motifs. Par deux arrêts 62, certes anciens, les juges ont estimé que la dissolution pour justes motifs était possible lorsqu’une des parties méconnaissait gravement ses obligations contractuelles (1) ou lorsqu’il ne régnait plus aucun esprit de confiance au sein de l’association (2).

1°) La méconnaissance des obligations contractuelles 60

Art. 1844-7-5 du C. civ. « Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ». 61 TGI Seine, 20 mai 1959, jur. 463, note X ; V. aussi, E. Alfandari, P. Dutheil, Association, Dalloz Action 2000, n° 685. 62 Civ. 1ère, 17 oct. 1973, Bull. civ. I, n° 74 ; 10 mai 1978, 2ème esp., JCP 1979, II, 19245, note R. Savatier.

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67. Dans un arrêt du 17 octobre 197363, la Cour de cassation prononça la dissolution d’une association en se fondant sur la méconnaissance par un sociétaire de ses obligations contractuelles. En l’espèce, un contrat d’association avait été conclu entre deux vétérinaires. Après deux années sans problèmes, l’un d’eux (M. Boïté) fit paraître une annonce indiquant qu’il recevrait désormais les clients et les appels à son domicile et non plus au siège social. L’autre (M. Lassourd) demanda alors aux juges de prononcer la rupture du contrat d’association et la condamnation de M. Boïté au paiement de dommages intérêts. La Cour d’appel saisie prononça la résolution du contrat aux torts de M. Boïté. Saisie par ce dernier, la Cour de cassation valide le raisonnement des premiers juges par un attendu qui mérite d’être repris : « Attendu ensuite, qu’après avoir, par une interprétation […] du contrat […] considéré que la commune volonté des parties était de voir exercer la profession au siège social de l’association, les juges du second degré ont souverainement estimé que Boïté, en transférant son cabinet à son domicile particulier et en publiant un communiqué donnant à penser à la clientèle qu’il exerçait désormais seul la profession, avait eu un comportement justifiant la dissolution de l’association » 68. Cet arrêt permet de tirer deux enseignements : -

La dissolution (ou la résolution du contrat) de l’association peut être prononcée lorsque la commune volonté des parties fait défaut.

-

Celle-ci fait notamment défaut lorsque l’un des sociétaires a méconnu ses obligations contractuelles.

69. De ces observations, il semble opportun de faire le rapprochement entre la dissolution pour justes motifs et la condition résolutoire de l’art. 1184 du C. civ. Qu’est-ce finalement que la dissolution pour justes motifs si ce n’est la transposition de la condition résolutoire64 ? En effet la condition résolutoire qui est sous entendue dans tous les contrats synallagmatiques, consiste pour une partie à solliciter en justice la résolution avec dommages et intérêts lorsque l’autre partie ne satisfait point son engagement. N’est-ce pas la même situation, lorsqu’un associé sollicite en justice la dissolution de la société pour inexécution par un autre de ses obligations contractuelles ? 70. Toutefois, l’application de l’art. 1184 exclut que les torts soient réciproques. Il faut alors dissoudre tout simplement le groupement sans dommages et intérêts. C’est notamment, le cas

63 64

Préc. F. X. Lucas, note sous Com. 8 juillet 2003, RDCO 2004, 01 avril 2004, n° 2, p. 399.

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lorsque les sociétaires s’accusent réciproquement de détournement et ne se font plus confiance. 2°) La perte de confiance réciproque

71. Dans un arrêt du 10 mai 197865, deux médecins s’étaient constitués en association en vue de l’exploitation en commun d’un cabinet médical. S’accusant réciproquement de détournement, la Cour d’appel saisie refusera de prononcer la résolution de leurs contrats aux torts exclusifs de l’un d’eux en estimant « qu’en se privant de l’affectio societatis qui devait présider à leurs rapports professionnels, les docteurs Sucrot et Gros ont commis vis-à-vis de l’autre les fautes qui légitiment la dissolution de l’association sans indemnité ». Les juges suprêmes ne feront que confirmer ce raisonnement. 72. En statuant ainsi ils fondent la dissolution pour justes motifs sur la perte de confiance réciproque qui constituait en l’espèce une privation de l’affectio societatis. La référence à cet « affectio », pour le cas d’une association, ne devrait pas surprendre pour deux raisons : -

D’une part, l’affectio societatis n’est que la traduction latine du consentement que l’on retrouve dans tous les contrats

-

D’autre part, elle n’est donc pas propre aux sociétés, c’est dans ce sens que l’on parle souvent d’affectio associationis, consiacionis, collaborationis…

73. L’étude de cette jurisprudence ancienne a permis de révéler le fondement contractuel de la dissolution pour justes motifs. Mais la jurisprudence n’hésite plus comme par le passé à appliquer l’art. 1844-7-5 aux associations, article qu’elle considère comme un principe commun de dissolution des groupements de personnes.

B – L’art. 1844-7-5, principe commun de dissolution 74. Le raisonnement actuel de la Cour de cassation consiste à transposer l’art. 1844-7-5 du C. civ. aux associations. Par cette transposition, elle en fait un principe général relatif aux groupements de personnes. En revanche, elle subordonne son succès à deux conditions : le demandeur doit justifier de la qualité de membre (1) ; en outre il faut que la mésentente soit de nature à paralyser le fonctionnement de l’association (2).

65

Préc.

20


1°) La qualité pour agir

75. Au sens de l’art. 1844-7-5 du C. civ. la dissolution pour justes motifs peut être prononcée « à la demande d’un associé ». Cette exigence a toujours été réaffirmée par la jurisprudence en droit des sociétés66. 76. Quant aux associations, la jurisprudence n’est guère florissante. Toutefois, il convient de citer deux arrêts récents qui affirment cette exigence de qualité. Dans un arrêt du 24 septembre 200267, la Cour d’appel de Poitiers a rejeté la demande en dissolution d’un ancien sociétaire en estimant que ce dernier n’était pas « recevable à solliciter en justice la dissolution d’une association dont il a perdu la qualité de membre ». Un autre arrêt du 13 mars 2007 68 est particulièrement intéressant. Dans cette affaire, Mme X avait fait par deux actes (le 4 mars 1974 et le 14 juin 1977) donation à une association d’un nombre important d’immeubles. L’acte prévoyait qu’en cas de dissolution de l’association, les biens devaient faire retour à la donatrice et à ses héritiers. Mme X décédée, ses deux filles demandèrent au tribunal de prononcer la dissolution de l’association pour illicéité de son objet et subsidiairement la nullité des apports pour défaut de conformité avec le but poursuivi : Elles furent déboutées. Vingt ans plus tard, elles ont assigné l’association pour obtenir sa dissolution au visa de l’art. 1844-7 du C.civ., faute de remplir l’objet pour lequel elle avait été constituée. La Cour d’appel saisie (Angers, 4 oct. 2005) prononça la dissolution de l’association. Celle-ci se pourvut alors en cassation sur la base d’une fausse application de l’art. 1844-7 qui ne peut résulter « d’une action des tiers » ou « d’une mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de ses membres ». Sur le défaut de qualité, la Cour estima qu’en tant que fin de non recevoir, elle aurait du être soulevée devant les juges du fond à peine d’irrecevabilité et a approuvé la Cour d’appel d’avoir relevé que l’association ne remplissait plus son objet et prononcer la dissolution. 77. On le voit, la jurisprudence, tend à affirmer comme en droit des sociétés que cette action n’est réservée qu’aux seuls membres du groupement. En plus de la qualité, il faut que le sociétaire démontre l’existence d’une mésentente grave, c'est-à-dire paralysant le fonctionnement de l’association. 2°) La gravité de la mésentente

78. Cette exigence de gravité de la mésentente ne fait l’objet d’aucune discussion en droit des sociétés. La société étant un groupement intéressé, la jurisprudence a toujours hésité à 66

V. G. Wicker, F. Deboissy, Code des sociétés, Litec, 2007, p. 57, n° 4. CA Poitiers, 2ème ch. civ., 24 sept. 2002, Gamaury c/ Club régional de parachutisme du Poitou : Juris-data n° 2002-190318 ; Dr. Sociétés 2003, n° 26. 68 Civ. 1ère, 13 mars 2007, pourvoi n° V 05-21,658, Arrêt n° 351 F-D. 67

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dissoudre une société économiquement viable, alors que ses membres n’arrivaient plus à s’entendre. C’est donc l’importance économique des sociétés qui justifie cette exigence 69. D’ailleurs, l’appréciation de cette mésentente relève de l’appréciation souveraine des juges du fond70. Cela explique sans doute que la paralysie soit une exigence dont le contenu variable reste difficile à démontrer71. 79. La vocation désintéressée de l’association étant d’ordre public, peut-on espérer que la mésentente pourra y trouver une application plus souple ? En d’autres termes le juge prononcera-t-il tout simplement la dissolution, dès lors que l’affectio associationis fera défaut ? Le doute est permis. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner un attendu de l’arrêt du 24 septembre 2002 : « Attendu que si le défaut non de vie associative, mais d’affectio associationis peut entraîner la dissolution d’une association lorsque notamment ce défaut se manifeste par une mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de l’association » […] 80. Comme en droit des sociétés, seule la mésentente grave, c'est-à-dire de nature à paralyser le fonctionnement de l’association, peut justifier la dissolution d’une association. Dès lors, la jurisprudence tend à affirmer la dissolution pour justes motifs comme un principe commun de dissolution des groupements de personnes. 81. Mais doit-on aller au-delà de la seule transposition de l’art. 1844-7-5 et considérer l’ensemble de l’art. 1844-7 comme un principe commun ? La réponse à cette question suppose d’examiner les probabilités de transposition de l’art. 1844-7.

§ 2) Les probabilités de transposition des autres dispositions de l’art. 1844-7 du Code civil 82. Il convient de distinguer les transpositions probables (A) de celles qui ne le sont pas (B).

A – Les transpositions probables 83. L’examen des dispositions qui va suivre permet de rendre compte de la nature contractuelle de l’association. Peuvent alors être transposées les causes de dissolution issues du droit commun des contrats (1) et celles résultant de la volonté des associés (2).

1°) Les causes de dissolution issues du droit commun des contrats 69

Com., 16 mars 1954 : JCP 1954, II, 8172, note J. R. « la mésentente n’est une cause de dissolution que lorsque, paralysant le fonctionnement de la société, elle met en péril la situation financière de celle-ci ». 70 Cass. Req. 15 mars 1881 : DP 1882, 1, p. 421. 71 G. Wicker et F. Deboissy, Code des sociétés, Litec, 2007, p. 55 et s. n° 3, V. surtout les cas de paralysie non démontrée.

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84. Au sens de l’art. 1844-7, la société prend fin par : l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée (1°), par la réalisation ou extinction de son objet (2°), l’annulation du contrat de société (3°). Ces causes de dissolution relèvent en fait du droit commun des contrats ; ce n’est que la traduction des articles 1108 et 1134 du C. civ. L’association étant un contrat, il ne fait aucun doute que ces dispositions peuvent lui être transposées. Il en va de même de celles résultant de la volonté des associés. 2°) Les causes de dissolution résultant de la volonté des associés

85. L’art. 1844-7 ajoute également en son 4°) que la société prend fin par dissolution anticipée décidée par les associés. Or, l’association, et cela vient d’être démontré, est un acte de volonté. Elle peut donc tout à fait prendre fin par décision unanime des sociétaires. Toutefois, il est des dispositions dont la transposition semble improbable.

B – Les transpositions improbables 86. Si la réunion de toutes les parts en une seule main n’est une cause de dissolution que dans les groupements intéressés (1), la jurisprudence a également dû exclure pour les associations la dissolution pour liquidation judiciaire (2). 1°) La réunion de toutes les parts sociales entre une seule main

87. Ce cas de dissolution est prévu à l’art. 1844-7-6. La réunion de toutes les parts en une seule main est une conséquence de la vocation aux bénéfices de la société. Elle ne saurait être transposée aux associations qui ne peuvent partager un bénéfice. En revanche, une association peut parfaitement être mise en liquidation judiciaire. 2°) La dissolution pour liquidation judiciaire

88. Par un arrêt du 8 juillet 200372 la Cour de cassation a estimé qu’ « une association ne prenant pas fin par l’effet du jugement ordonnant la liquidation judiciaire, elle peut valablement, en vertu de son droit propre, interjeter un appel par l’intermédiaire de son président pourvu qu’elle le fasse contre le liquidateur ou en sa présence ». 89. Un auteur commentant cet arrêt a parfaitement démontré les bienfaits de ce refus jurisprudentiel de transposition d’une règle dont on ne voit guère à quel principe général elle peut être rattachée73. Tenant d’ailleurs compte des difficultés qu’a engendré l’application de cette disposition dans les sociétés74, le législateur dans la réforme des procédures collectives 75 a autorisé le maintien exceptionnel de l’activité. 72

Com. 8 juill. 2003, RDCO, 01 avril 2004, n° 2, p. 399, note F.-X. Lucas. F.-X. Lucas précité. 74 Notamment la cohabitation dans une société moribonde du liquidateur judiciaire et du liquidateur amiable. 75 Loi du 26 juillet 2005, art. 189 et 190 ; art. 231 du Décret du 28 décembre 2005. 73

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Conclusion du Chapitre 1 90. Au terme de ce chapitre, il est permis d’affirmer que l’association est bien un acte de volonté. C’est en fait la conséquence de sa nature d’acte juridique puisque tous les actes juridiques sont des actes de volonté. Les manifestations de la volonté se rencontrent ainsi tout au long de la vie de l’acte et conditionnent même sa survie. Toutefois, l’association est un acte juridique particulier en ce sens qu’il crée une organisation.

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Chapitre 2 : L’association, acte d’organisation 91. La notion d’organisation est souvent remplacée par celle de groupement par les juristes. Au demeurant, il s’agit in concreto de la même réalité. 92. Comme le relève Paul Didier76, il n’est pas aisé de définir la notion d’organisation mais « il n’est pas superflu cependant d’esquisser les deux ou trois idées que ce mot tente de réunir ou résumer. La première est l’idée d’une tâche à réaliser, d’une chose à faire […] Le mot organisation évoque aussi l’idée d’une division de l’activité envisagée […] Enfin, le mot organisation implique que ces sous-ensembles de l’activité mère soient répartis, selon le cas, entre plusieurs moments, lieux ou personnes ». 93. L’association comme la société rendent bien compte de cette réalité dans la mesure où dans l’un comme dans l’autre il y a bien une tâche à réaliser (mise en commun de connaissances, ou d’apports) ; une division de l’activité envisagée (objet social se divisant en activités principales et accessoires) ; une répartition des tâches entre plusieurs moments (durée, exercices), lieux (siège social, filiales, succursales) ou personnes (membres, organes). 94. Dès lors, il n’est pas étonnant que les juges, prenant acte de ce phénomène, aient tout simplement appliqué à des associations, les règles prévues pour les sociétés lorsque cela était nécessaire. Ces règles concernent tantôt l’organisation du pouvoir (Section 1) tantôt la possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation (Section 2).

Section 1 : L’organisation du pouvoir 95. Si la création d’une organisation est bien la caractéristique du contrat d’association, il appartient aussi à ce dernier de prévoir l’exercice ou la répartition du pouvoir au sein de cette organisation. Le pouvoir est donc la conséquence de l’animus77 qui caractérise tout contratorganisation. 96. Sans rentrer dans l’étude de la notion de pouvoir, il revêt deux acceptions : Il peut s’agir d’une « maîtrise de fait, force, puissance78 » ou tout simplement d’une « prérogative juridique79 ». C’est la deuxième acception qu’il convient de retenir dans le cadre de ce travail80. 76

In « brèves notes sur le contrat-organisation », précité. Supra, n°18 78 G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2006. 79 G. Cornu, préc. 80 Car c’est cette conception qui justifie les pouvoirs des dirigeants d’associations ou de sociétés. Qu’ils soient considérés comme « mandataires sociaux » ou « organes », les pouvoirs qui leur sont conférés sont des 77

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97. Alors qu’en droit des sociétés, les pouvoirs des dirigeants sont légalement définis 81, rien de tel n’est prévu dans la loi de 1901. Dès lors, en raison de la liberté d’association, les parties déterminent librement l’exercice du pouvoir au sein de l’organisation associative. C’est ainsi qu’elles déterminent leurs instances sociales82, mais aussi la répartition du pouvoir au sein de ces instances83. Cela conduit inexorablement à complexer les tiers qui contractent avec l’association84. 98. Mais la liberté statutaire n’interdit pas de recourir aux juges notamment en cas de conflits. Ces derniers, une fois saisis, n’ont point hésité à recourir au droit des sociétés, soit pour renforcer les pouvoirs des dirigeants (§1), soit pour organiser la révocation des dirigeants (§2).

§ 1) Le renforcement des pouvoirs des dirigeants 99. Le renforcement des pouvoirs ne concerne pas tous les dirigeants d’associations. Certes, la jurisprudence affirme depuis longtemps la souveraineté de l’assemblée générale même si cela devait aboutir à limiter de façon drastique les pouvoirs et la liberté d’initiative du président85. Aujourd’hui, c’est au président d’association que la jurisprudence de la Cour de cassation vient d’accorder tous les honneurs, ce qui va certainement ravir les praticiens86. 100. Ce renforcement se traduit par une extension des pouvoirs du président (A), qu’il convient d’évaluer (B) afin d’en tirer les conséquences.

A – L’extension des pouvoirs du président d’association 101. L’examen de la jurisprudence permet de se rendre compte de l’alignement des pouvoirs propres du président d’association sur ceux du directeur général de la S.A. qui a été réalisé.

prérogatives juridiques, c'est-à-dire fondés en droit. La notion de « dirigeants de fait » est donc exclue de cette étude. 81 V. pour un exemple l’art. L 225-56 du Code de commerce. 82 P. Hoang, La protection des tiers face aux associations, Thèse, éd. Panthéon Assas, Paris, 2002 (LGDJ diffuseur), p. 95, § 65. 83 P. Hoang, précité, p. 98, § 68. 84 P. Hoang, précité. Dans sa thèse, l’auteur démontre que face à l’association, les tiers contractants ne bénéficient d’aucune protection véritable. D’une part, face à ce qu’il nomme « l’acte d’organisation » et d’autre part, face « aux actes de l’organisation ». Qui représente l’association ? Même dans le schéma traditionnellement adopté par les associations (Président – Bureau - Assemblée générale), l’auteur démontre que la multiplicité et la complexité des statuts sont telles, que le tiers ne saurait déterminer avec précision qui est censé engager l’association. 85 F-X Lucas, note sous Civ. 1 ère, 3 mai 2006, JCP E, n°47, 23 nov. 2006, V. surtout CA Pau, 2 ème ch., 1er avr. 2003, Dr sociétés 2003, comm. 206, obs. F. – X. Lucas. 86 B. Alibert, Les statuts du président d’association, LPA, 28 févr. 1992. L’auteur affirme en effet que : « Le sujet du statut du président, endormi le plus souvent, explose parfois devant une opinion publique affolée : Les spécialistes de leur côté, ne résistent pas au plaisir de décrire la catastrophe […] sans proposer la moindre réforme ».

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Cette extension concerne aussi bien les pouvoirs internes du président (1) que ses pouvoirs externes (2). 1°) Les pouvoirs internes du président

102. Au plan interne, l’extension des pouvoirs a été réalisée par la reconnaissance du pouvoir de prendre des mesures conservatoires. 103. En effet, dans un arrêt du 3 mai 2006 87, la Cour de cassation a rendu la décision suivante : « Mais attendu que dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d’une association, il entre dans les attributions de son président de prendre, au nom et dans l’intérêt de celle-ci, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision du conseil d’administration statutairement habilité ou de l’assemblée générale, les mesures urgentes que requièrent les circonstances ; qu’en effet les dispositions du Code civil, et à défaut du Code de commerce, régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d’application ; qu’en se référant à de telles dispositions, en l’espèce celles de l’alinéa 1er de l’article L 225-56 du Code de commerce, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision » 104. En l’espèce, M. Kamara, président d’association reprochant à son secrétaire général et à certains membres de n’avoir pas respecté ses décisions et d’avoir gravement entravé le fonctionnement du groupement, les a suspendus de leurs délégations de signature comptable ou de leur appartenance au bureau du conseil d’administration. 105. En statuant comme elle l’a fait, la Cour a incontestablement étendu les pouvoirs du président d’association. En effet, en l’absence de stipulations particulières dans les statuts de l’association, le président est présumé avoir les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances dans l’intérêt de l’association. C’est ainsi qu’il peut prendre à titre conservatoire les mesures qu’impose la situation. 106. Il s’agit d’un alignement des pouvoirs du président d’association sur ceux du directeur général de S.A. En effet, au sens de l’art. L 225-56, I du C. com. « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ». Désormais, avec cette décision, il semble que le président d’association dispose de pouvoirs similaires.

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Civ. 1ère, 3 mai 2006, Rev. Sociétés, p. 855, note D. Randoux, v. aussi, note F-X-Lucas sous le même arrêt au JCP E. préc.

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107. Cependant les juges vont beaucoup plus loin dans cette « extension-alignement »88, en reconnaissant au président le pouvoir de licencier un salarié, ce qui relève de ses pouvoirs externes. 2°) Les pouvoirs externes du président

108. En reconnaissant au président le pouvoir de licencier un salarié, les juges ont étendu ses pouvoirs externes. 109. Ainsi, dans un arrêt du 25 novembre 200389, la Cour de cassation a décidé, par un attendu qu’il convient de rappeler, qu’un président d’association avait le pouvoir de licencier un salarié : « Dès lors qu’il est établi que les statuts de l’association prévoyaient que le président en est le représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale, celui-ci est habilité à mettre en œuvre une procédure de licenciement à l’égard d’un salarié, à défaut d’une disposition spécifique des statuts attribuant cette compétence à un autre organe ». 110. Cet arrêt reprend une idée qui avait déjà été exprimée par les juges du fond 90. Toutefois, en statuant ainsi, les juges suprêmes reconnaissent au président d’association les mêmes pouvoirs que ceux du directeur général. En effet, c’est non seulement en sa qualité de chef d’entreprise91 mais aussi en sa qualité de représentant légal que ce dernier s’est vu octroyer par la Loi, le pouvoir de licencier un salarié. 111. Le pouvoir de licencier, ici octroyé au président d’association, pose plus largement la question de la représentation de l’association. Le président d’association serait-il devenu par une « extension-alignement » un directeur général de S.A. et par la même occasion un représentant légal ? Si oui l’ « extension-alignement » s’est-elle transformée par un subterfuge encore inconnu en « extension-assimilation 92 »? 112. Pour y répondre, il est nécessaire d’apprécier cette transposition des pouvoirs.

B – L’appréciation de la transposition des pouvoirs 113. Dérivant du latin pretium (prix), le verbe apprécier signifie « déterminer la valeur ou l’importance de93 » quelque chose ou quelqu’un.

88

Car cette extension des pouvoirs du président d’association a pour conséquence de l’aligner sur le statut du directeur général de SA. 89 Soc. 25 nov. 2003, Bull. Joly sociétés, 01 mars 2004, n° 3, p. 422, note C. M. Bénard. 90 CA, Paris, 19 janv. 1989, Gaz. Pal. 18-19 oct. 1989, pan. P. 21 obs. Ghilain. 91 M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, préc. n° 562. 92 Ce qui reviendrait à croire que cette extension aurait pour effet d’assimiler le président d’association au directeur général de S.A. 93 Dictionnaire, Le petit Larousse, compact 2003, p.77.

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Apprécier la transposition des pouvoirs reviendra donc à l’évaluer. Pour ce faire, la balance sera faite entre ses mérites (1) et ses limites (2). 1°) Les mérites de la transposition

114. La transposition opérée a pour mérites de sécuriser les tiers et de respecter la spécificité du groupement associatif. 115. La situation des tiers qui contractent avec une association est particulièrement délicate 94. Face à la diversité des modèles statutaires95, les tiers sont tenus de vérifier la qualité de représentant du dirigeant d’association avec lequel ils contractent. Faute d’une telle vérification, les restrictions et répartitions statutaires du pouvoir lui sont opposables 96. On le voit, les tiers sont véritablement en disgrâce, faute pour la loi de 1901 d’avoir désigné le représentant de l’association. Mais en reconnaissant au président d’association le pouvoir de licencier un salarié parce que les statuts lui conféraient la qualité de représentant légal, la Cour de cassation a lancé aux tiers une bouée de sauvetage. Bien plus, en se fondant sur l’art. 1134 du C. civ. pour conférer aux statuts leur juste force, les juges n’ont pas dénaturé l’association. 116. Dans les deux arrêts sus cités les juges ont pris le soin de ne point dénaturer l’association en respectant les grands principes du droit associatif. Le premier est celui de la liberté statutaire. Les juges ont reconnu la qualité de représentant légal à un président d’association parce que les statuts le prévoyaient expressément 97. C’est donc en interprétant les statuts, que les juges ont reconnu le pouvoir de licencier un salarié. Quid alors d’un silence total des statuts ? En cas de silence des statuts, les juges recourent au droit des sociétés, qui a une vocation subsidiaire d’application98. Même si cette vocation est critiquable elle n’en demeure pas moins utile : elle permet d’éviter un vide juridique99. C’est en raisonnant ainsi que les juges ont transposé l’art. L 255-56 du C. com. Le second principe est celui de la souveraineté de l’assemblée générale 100. Les juges ne s’en sont pas démarqués. En effet, si le président d’association dispose des pouvoirs les plus étendus pour prendre, dans l’intérêt de l’association, les mesures urgentes que requièrent les 94

P. Hoang, Thèse préc. Les modèles varient d’une association à l’autre. Généralement les associations recourent au modèle des statutstypes élaborés par le Conseil d’Etat v. annexes. 96 Com. 5 avr. 1965, n° 63-10621, Bull. Civ. III, n° 225, p. 228 97 Soc. 25 nov. 2003, préc. 98 Civ. 1ère, 3 mai 2006, préc. 99 Supra, n°9 100 E. Alfandari, “Hiérarchie des pouvoirs et révocabilité des mandats dans les organes des associations”, Rev. Sociétés, 1987, p. 91 95

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circonstances, il ne s’agit que de mesures conservatoires dans l’attente d’une décision du conseil d’administration et de l’assemblée générale. 117. Cette transposition a bien des mérites, toutefois, elle doit être relativisée car elle réalise une assimilation délicate entre les pouvoirs du directeur général de S.A. et le président d’association. 2°) Les limites de la transposition

118. Alors que le directeur général de S.A. est un représentant légal qui tire ses pouvoirs de la Loi, le président d’association est bien un mandataire. Même s’il a parfois été avancé la thèse selon laquelle le président d’association serait un représentant légal, soit pour justifier la responsabilité de l’association du fait de ses dirigeants101, soit pour empêcher la révocation « ad nutum »102 elle n’est pas fondée103. 119. Toutefois, la transposition de l’art. L 255-56 conçu pour un représentant légal et son application au président d’association mandataire conventionnel laisse planer des doutes quant à l’avenir de cette décision. 120. En effet, cette confusion de qualité pourrait emporter des conséquences pratiques qu’il convient d’observer. Les qualités de mandataire et de représentant légal ne produisent pas les mêmes effets. A l’égard de l’association, en tant que mandataire conventionnel, le président d’association n’engage celle-ci que dans les limites de son mandat. Il ne peut la représenter en justice que sur habilitation spéciale. La situation n’est pas la même pour le directeur général, qui représente la société à l’égard des tiers, signe les contrats au nom de celle-ci, passe les commandes, assure les biens sociaux, agit en justice…104 A l’égard des tiers, alors que les limitations statutaires des pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers même de mauvaise foi105, il n’en est pas de même dans les associations. Contractant avec un mandataire, les tiers sont tenus de vérifier au moins le principe de ses pouvoirs106, ce qui revient au final à en vérifier l’étendue. En l’absence d’une telle vérification, les limitations statutaires lui seront opposables sauf démonstration de la théorie du mandat apparent107.

101

Lamy Association, fasc. 204, n° 2 et 3 X. Delsol, Juris. Associations, 1987, 41. 103 Civ. 5 févr. 1991, inédit, RTD com. 44 (2), avril – juin 1991 104 M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n° 562 105 M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n° 256 106 Lamy Associations, Tome I, etude 204, n° 92 107 CA Limoges, 28 mai 1991, somm. , p.22 102

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121. La distinction des qualités de mandataire et de représentant légal est particulièrement importante dans la mesure où elle pose des problèmes pratiques. Le président d’association doit être considéré comme un mandataire conventionnel avec toutes les conséquences que cela implique. Son assimilation à un représentant légal quant à elle, ne devrait être justifiée que par les statuts. La vocation subsidiaire du droit des sociétés, même si elle est utile, ne doit pas dénaturer l’association. Et c’est là le mérite des arrêts sus étudiés. 122. Mais, la jurisprudence organise aussi de manière cohérente le pouvoir au travers de la révocation des dirigeants.

§ 2) La révocation des dirigeants 123. La jurisprudence108 et une grande partie de la doctrine109 considèrent que les dirigeants d’association sont des mandataires. Dès lors, par application des dispositions du Code civil, le mandat prend fin par « la révocation du mandataire » (art. 2003) et « le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble » (art. 2004). Cela signifie que le mandat est révocable « ad nutum », sans préavis, motifs et indemnités. Cette situation fait penser à celle de certains dirigeants de sociétés110. Mais il semble que le parallèle doive s’arrêter là, puisque les fondements des pouvoirs ne sont pas les mêmes111. 124. En tant que mandataires, la révocation des dirigeants d’associations doit-elle survenir au cours d’une réunion de l’assemblée générale alors qu’elle n’était pas inscrite à l’ordre du jour ? 125. En transposant le principe de l’incident de séance aux associations, la jurisprudence semble y répondre de façon positive. Cette prise en compte de l’incident de séance (A), si elle est justifiée, doit cependant être relativisée (B).

A – La prise en compte de l’incident de séance 126. Le principe de l’incident de séance est prévu à l’art. L 225-105 du Code de commerce qui dispose que : « L’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour. Néanmoins, elle peut en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement ». La

108

Com. 5 avr. 1965, n° 63-10.621, préc. ; Civ. 1ère, 19 janv. 1970, n° 68-12.994, Bull. civ. I, n° 17, p. 13; Civ. 1ère, 5 févr. 1991, n° 88-11.351, Bull. civ. I, n° 45, p. 29 109 Trousset, Pouvoir et Responsabilité dans les associations, JCP éd. CI 1984, II, n° 14268 ; Sousi, note sous TGI Lyon, 4 déc. 1985, JCP éd. G 1987, II, n° 20725 ; Alfandari, note sous CA Paris, 21 avril 1986, Rev. Sociétés 1987, p. 90 110 111

Tandis que les dirigeants de sociétés tiennent leurs pouvoirs de la loi, il n’en est pas de même pour les dirigeants d’association, qui tiennent leurs pouvoirs du contrat de mandat.

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loi de 1901 n’ayant pas envisagé cette situation, les juges ont transposé par trois arrêts 112 ces dispositions à des associations. 127. En statuant ainsi, les juges semblent faire de l’incident de séance un principe de droit commun des groupements (2) qu’ils soumettent cependant à certaines conditions (1). 1°) Les conditions de l’incident de séance

128. Bien que le débat ne relève que de la théorie 113, il semble que la jurisprudence n’admette pas aussi facilement, en droit des associations, l’incident de séance. Il convient peut-être de rappeler qu’en droit des sociétés, on l’admet « en toutes circonstances114 ». En revanche, s’agissant des associations, l’examen de la jurisprudence le soumet à certaines exigences. Peu importe toutefois la nature de l’assemblée générale au cours de laquelle il est apparu115. C’est ainsi que dans l’arrêt de 1970116, elle exige pour admettre la révocation sur incident de séance « des révélations inattendues d’une telle gravité qu’il était impossible aux membres de l’association de conserver leur confiance au comité de direction » ; dans l’arrêt du TGI de 1987117 les juges admirent des incidents ayant conduit à « une situation irrémédiable ». 129. En revanche, dans l’arrêt de 1994118, les juges se sont tout simplement bornés à transposer l’art. 160 de la loi de 1966 (art. L 225-105 du Code de commerce) sans aucune exigence particulière. Et en cela, ils l’affirment comme un principe commun

des

groupements. 2°) L’incident de séance : principe commun des groupements

130. Considérer l’incident de séance comme un principe commun de tous les groupements revient à reconnaître l’existence de paralysie au sein de ceux-ci et la nécessité d’y remédier. En effet, dans un groupement de personnes, la révocation sur incident de séance permet d’éviter le maintien d’un dirigeant indésirable pour des raisons formelles. Même si l’exigence de formalité (en l’occurrence que l’assemblée générale ne délibère que sur les points inscrits à l’ordre du jour) permet de lutter contre les révocations abusives, elle ne saurait empêcher la révocation d’un dirigeant qui peut toujours résulter d’un incident de séance.

112

Civ. 1ère, 19 janv. 1970, Bull. Civ. 1970, I, n°17, p. 13; TGI Bourg en Bresse 26 nov. 1987, n°1858/87 Inédit ; Civ. 29 nov. 1994, Lallemand, Bull. Joly, févr. 1995, 182, obs. Jeantin 113 K. Rodriguez, Le droit commun des personnes morales, préc. § 397, p. 303. L’auteur estime que « Ces différences sont en réalité théoriques : seule une révélation particulière suscitant de vifs débats lors de la réunion permettra la révocation » […] 114 C’est ce qui ressort de la lecture de l’art. L225-105 du C. com. 115 Lamy Associations, Etude 204-49, Tome I. 116 Civ. 1ère, 19 janv. 1970, préc. 117 TGI Bourg en Bresse, 26 nov. 1987, préc. 118 Civ. 29 nov. 1994, préc.

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131. Toutefois, si le maintien de ce principe a pu être discuté 119 c’est davantage sa réelle utilité pour les associations qu’il convient d’examiner au travers de la relativité de cette prise en compte.

B – La relativité de cette prise en compte 132. La prise en compte de l’incident de séance en droit des associations revêt une portée relative car elle nous semble inutile (2) dans la mesure où elle n’est qu’une modalité de la révocation ad nutum des dirigeants d’associations (1). 1°) L’incident de séance : Une modalité de révocation ad nutum

133. Les dirigeants d’association, cela a déjà été évoqué, sont révocables ad nutum120. Ce n’est qu’une simple application de l’art. 2004 du C. civ.121 Par conséquent, n’est-il pas normal que leur révocation puisse résulter d’une décision de l’assemblée alors même qu’elle n’était pas inscrite à l’ordre du jour ? Et finalement « l’incident de séance » ne serait-il pas exigé qu’aux fins de lutter contre l’arbitraire dans les révocations ? Il semble évident de répondre par l’affirmative. En effet, si le mandant peut révoquer sa procuration « quand bon lui semble », il ne faudrait pas qu’il en abuse. C’est pourquoi, la révocation doit être au moins inscrite à l’ordre du jour. Et si l’on y déroge, il faut au moins que cela soit justifié par des incidents de séance. Dès lors, il convient peut-être de parler de révocation ad nutum sur incident de séance 122 en droit associatif. 134. En cela, le recours au droit des sociétés, dans ce cas, semble inutile. 2°) L’inutilité de la transposition

135. Comme l’a si bien démontré un auteur 123, le recours au principe de l’incident de séance via l’art. L 225-105 pour justifier la révocation d’un dirigeant d’association est inutile. Dans la mesure où il est révocable ad nutum, plutôt que le droit des sociétés commerciales, le juge n’aurait-il pas pu invoquer la théorie du mandat, beaucoup plus générale ? 124. Ce qui aurait conduit à admettre la révocation ad nutum du dirigeant d’association sans avoir à en justifier

119

K. Rodriguez, Le droit commun des personnes morales, préc. § 397, p. 303. L’auteur pense que tous les dirigeants ne sont pas concernés par ce principe d’une part ; d’autre part, l’introduction du principe du contradictoire contribue à contester son utilité. 120 Supra n°123. 121 Supra n°123 et s. 122 Lamy Associations, étude 204, n°49, Tome I 123 E. Alfandari, Rev. Sociétés 1987, p. 90. 124 RTD com. 49 (1), Janv. - mars 1996, p. 87

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les motifs, quitte à l’indemniser si cette révocation s’avère a posteriori injustifiée et lui a causé un préjudice moral125. 136. Même si la transposition de la théorie des incidents de séances semble inutile pour justifier la révocation des dirigeants d’associations, elle constitue néanmoins un moyen par lequel les juges participent a posteriori à l’organisation du pouvoir. 137. Mais beaucoup plus que l’organisation du pouvoir, les juges reconnaissent également la possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation.

Section 2 : La possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation 138. La jurisprudence reconnaît également, la possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation. On l’a déjà démontré, les statuts organisent librement la répartition des pouvoirs au sein d’organes. Il peut s’agir du président mais aussi de l’assemblée générale par laquelle est assurée l’expression collective. 139. Les décisions des assemblées sont alors des actes juridiques collectifs 126 en ce qu’ils engagent même ceux qui n’y ont pas consenti. C’est ce qui justifie la règle de la majorité dans tout contrat-organisation. Au nom de cette règle, les décisions prises par l’assemblée engagent même les membres qui ne les ont pas votées. Certes il existe des exceptions à ce quorum, notamment, lorsque des décisions viennent augmenter les engagements des membres, la règle devient alors l’unanimité. 140. Mais la vérité de Montesquieu127 rattrape souvent trop vite les sociétaires. En effet, les abus font souvent leur apparition dans un monde où on ne les attendait pas. Que peuvent donc faire les sociétaires, si ce n’est recourir aux juges ? Ces derniers une fois saisis n’ont pas hésité à appliquer un mécanisme classique du droit des contrats : L’abus de droit (§1) qu’ils assortissent de sanctions (§2)

§ 1) L’abus de droit 141. L’abus de droit est une notion civiliste reçue du droit romain. D’abord élaborée en droit de la propriété, elle s’est progressivement étendue à toutes les branches du droit. Après de 125

RTD com. 49 (1) préc. G. Roujou de Boubée, Essai sur l’acte juridique collectif, thèse, Toulouse, 1961 127 C.-L. de Secondat Montesquieu, De l’esprit des lois, Gallimard 1995, coll. Folio, Livre XI, Chapitre IV : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites » 126

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longues querelles doctrinales, un auteur128 a su se distinguer en démontrant l’existence de l’abus dans la conscience juridique. Il va ainsi distinguer quatre critères possibles de l’abus : L’intention de nuire (critère intentionnel), la faute dans l’exécution (critère technique), le défaut d’intérêt légitime (critère économique) et le fait de détourner le droit de sa fonction sociale (critère social ou finaliste)129. 142. Le droit des sociétés n’a pas échappé à l’abus de droit : les abus de majorité, de minorité et d’égalité, les abus de la personne morale…sont autant de manifestations de l’abus en droit des sociétés. D’ailleurs, Josserand n’écrivait-il pas « La vie des sociétés, donne matière, elle aussi, à l’application de la théorie de l’abus […]130 » ? 143. En droit des associations, dans le silence de la loi de 1901, les juges ont reconnu à un sociétaire la possibilité d’invoquer l’abus de majorité (A). Cela amène à réfléchir pour l’avenir aux autres abus du droit de vote (B).

A – L’abus de majorité 144. Comme en droit des sociétés, l’abus de majorité en droit des associations est le fruit de la jurisprudence131. La spécificité de l’association va-t-elle exiger une application particulière de cet abus ? 145. Pour y répondre, il convient de présenter les éléments constitutifs de cet abus en droit associatif (1) puis d’envisager l’éventualité de son établissement en tant que principe commun des groupements (2). 1°) Les éléments constitutifs

146. En droit des sociétés, « l’abus de majorité implique la réunion de deux éléments : La violation de l’intérêt social et la rupture d’égalité entre les associés 132 […] ». Il ne s’agit pas « […] d’un contrôle d’opportunité mais d’un contrôle de légalité car il s’agit de rechercher si la décision inopportune est destinée à rompre l’égalité entre associés, c'est-à-dire la communauté d’intérêts qui doit exister entre eux en application de l’art. 1833 du Code civil 133». 147. En droit des associations, il n’existe pas d’art. 1833 du C. civ. et pourtant l’abus de majorité y a trouvé son application. En l’espèce, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir retenu que la résolution prise dans l’unique dessein de favoriser des membres 128

L. Josserand, De l’esprit des droits et de leur relativité, « théorie dite de l’abus des droits », D. 1939 De l’esprit des droits et de leur relativité, préc. Préface, p. XXIV 130 De l’esprit des droits et de leur relativité, préc. § 132, p. 182 131 En droit des sociétés, v. Com. 18 avr. 1961, JCP 1961, p. 12164, note D. B. ; En droit des associations, v. Civ. 1ère, 4 avril 2006, JCP E, n° 40, 5 oct. 2006, note F. – X. Lucas 132 M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n° 360 133 Ibid. 129

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majoritaires d’une association porte atteinte à l’intérêt collectif de sorte qu’elle pourrait être annulée pour abus de majorité. Pour retenir une telle solution, la Cour d’appel a pris le soin de souligner que les statuts de l’association lui assignaient le but « de travailler à la défense des intérêts communs à ses membres », ce que les juges suprêmes ne manquent pas de relever. 148. Partant de là, on aurait donc trois éléments constitutifs de l’abus de majorité en droit des associations : La violation de l’intérêt social (entendu comme intérêt commun des associés/sociétaires) ; la rupture d’égalité et la mention expresse dans les statuts de l’intérêt commun. 149. En effet, la Cour aurait-elle statué pareillement si les statuts n’avaient pas rendu comme en l’espèce un « hommage à l’intérêt commun134» ? La réponse à cette question amène à envisager l’éventualité d’un principe commun. 2°) L’éventualité d’un principe commun

150. Une lecture furtive de l’arrêt du 4 avril 2006 pourrait signer la mort de la possibilité d’établissement de l’abus de majorité en tant que principe commun des groupements. On pourrait penser, s’agissant des associations qu’il faut une mention expresse des statuts faisant référence à l’intérêt commun. Une mention qui serait en fait le fondement de l’abus semblable à l’art. 1833 du C. civ. pour les sociétés. Ce qui reviendrait au final à dire que faute d’une référence statutaire ou légale à l’intérêt commun, l’abus de majorité ne saurait être appliqué à un groupement. 151. Une telle analyse paraît trop simpliste pour plusieurs raisons. L’abus de majorité a été appliqué aux sociétés bien avant la rédaction de l’art. 1833 du C. civ. Il ne s’agit ni plus ni moins d’une transposition de la notion civiliste de l’abus de droit avec certains nuances. Dans son ouvrage, Josserand135 écrivait déjà que la vie des sociétés « doit s’orienter et se poursuivre socialement, en conformité du statut et du jus fraternitatis, de l’affectio societatis, sinon, les manifestations en seront abusives […] ». Or dans tout groupement de personnes, tel l’association ou la société ne retrouve-t-on pas cette volonté commune, cet affectio? Tout groupement n’est-il pas constitué dans l’intérêt commun de ses membres, peu importe que les statuts le précisent ou non? N’est ce pas la particularité de tout contrat-organisation ? 152. Il semble qu’on ne puisse que répondre par l’affirmative à toutes ces interrogations. Dès lors, la construction de l’abus de majorité pourrait tout à fait trouver à s’appliquer dans tout groupement de personnes, dès lors qu’une décision favorable aux majoritaires est prise dans 134 135

F. – X. Lucas, note sous Civ. 1ère, 4 avr. 2006, préc. De l’esprit des droits… préc. , n° 132, p. 182

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l’unique dessein de porter atteinte aux minoritaires. Une telle décision rompt l’égalité entre associés et est contraire à leur intérêt commun. 153. L’abus de majorité peut donc être considéré comme un principe commun à tous les groupements de personnes136. Cela conduit à examiner le cas des autres abus du droit de vote.

B – Les autres abus du droit de vote 154. Par autres « abus du droit de vote137 » il convient d’envisager l’abus de minorité et sa variante, l’abus d’égalité138. S’ils ont trouvé application en droit des sociétés, la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur ces questions en droit des associations. D’ailleurs devraitelle le faire ? La transposition de l’abus de majorité implique-t-elle pour l’avenir celle des autres abus du droit de vote ? 155. S’il existe des obstacles à leur transposition (1), il reste encore des raisons d’espérer (2) 1°) Les obstacles à la transposition

156. Au plan politique, les nombreuses atteintes à la démocratie dans les associations permettent –elles d’envisager une « tyrannie des faibles139 » ? 157. En effet, les nombreux obstacles au droit de vote en droit des associations ne permettent peut-être pas d’envisager que des minoritaires puissent constituer un « blocage » suffisant à empêcher la prise d’une décision importante. 158. D’après M. Guyon140, contrairement à ce qu’on pense, les associations sont en réalité des gouvernements très autocratiques. La loi de 1901 ne reconnaît en réalité aucun droit aux membres de l’association susceptible de garantir le fonctionnement démocratique de la collectivité. 158-1. A l’image de M. Guyon, on pourrait signaler qu’une démocratie suppose que les citoyens soient bien informés, qu’ils puissent choisir leurs représentants, participer aux décisions collectives et qu’enfin les citoyens les plus défavorisés soient protégés. 158-2. Alors qu’en droit des sociétés le droit à l’information est un attribut essentiel de l’associé, il n’est pas prévu par la loi de 1901. En droit des associations, la communication par avance des rapports (financier et moral) aux sociétaires n’est pas exigée. Très souvent ceux-ci

136

V. dans ce sens F. – X. Lucas note sous Civ. 1ère, 4 avr. 2006 préc. Expression tirée du Droit des sociétés, Litec 2006, préc. Ière Partie, Chap. X, Sous-section 2 : « L’abus du droit de vote » 138 Selon, Cozian, Deboissy, Viandier in Droit des sociétés, Litec 2006, préc. n° 367« L’abus d’égalité n’est qu’une variété d’abus de minorité et est soumise au même régime ». 139 A. Constantin, La tyrannie des faibles – De l’abus de minorité en droit des sociétés : Mél. Y. Guyon, D. 2003, p. 213 140 De la démocratie dans les associations, préc. 137

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découvrent en séance des documents d’interprétation complexes. Par ailleurs, la présence de commissaires aux comptes n’est pas exigée par la loi de 1901. 158-3. S’agissant du droit de vote, les sociétaires n’ont pas toujours le droit de participer aux assemblées et d’y voter. La liberté statutaire permet une hiérarchisation des membres aux statuts et droits de votes différents (droit de proposition, droit de veto, droit de vote plural…). 158-4. Enfin, outre le droit de retrait lorsque l’association est constituée sans limitation de durée (art. 4 de la loi de 1901), aucune mesure de protection des sociétaires minoritaires n’est prévue en droit des associations. Comme le précise le Professeur Guyon : « sauf stipulation contraire des statuts, les sociétaires ne peuvent ni provoquer la réunion d’une AG ni demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour. Ils ne peuvent pas non plus demander une expertise de gestion […] Enfin en cas de faute des dirigeants, la jurisprudence141 ne leur reconnaît pas le droit d’exercer l’action sociale ut singuli 142» 159. Au plan technique, l’abus de minorité n’est retenu en droit des sociétés que dans des hypothèses strictes. Il s’agit pour la plupart du temps des décisions relatives au capital social143. Or l’association, n’a pas de capital social car elle n’a pas vocation à réaliser des bénéfices. 160. Malgré ces obstacles, il subsiste tout de même des raisons d’espérer. 2°) Les raisons d’espérer

161. L’abus de minorité reste une hypothèse difficilement vérifiable en droit des associations. Il n’en est pas de même de l’abus d’égalité. 162. En effet, on pourrait tout à fait imaginer le schéma suivant : Une association composée de deux membres disposant d’un droit de vote s’exerçant à travers la règle de l’unanimité. Un sociétaire pourrait alors utiliser son droit de veto de manière abusive c'est-à-dire dans l’unique dessein d’empêcher une décision nécessaire au fonctionnement de l’association. Il y’aurait alors atteinte à l’intérêt commun. 163. Toutefois, même si l’abus d’égalité pourrait trouver à s’appliquer il ne sera pas d’un grand intérêt. En effet, les sociétaires pourront toujours, dans ce cas, demander en justice la dissolution pour mésintelligence144. Reste maintenant à envisager les sanctions de l’abus.

141

Civ. 1ère, 13 févr. 1979 : D. 1981, 205, note Alaphilippe, voir infra n°377 Pour l’action sociale ut singuli voir infra n°374 et s. 143 Pour l’abus de minorité v. L’arrêt Flandin, Com. 9 mars 1993, JCP E 1993, 448, note A. Viandier ; Pour l’abus d’égalité v. Com. 8 juill. 1997, Bull. Joly 1997, p. 890, obs. E. Lepoutre 144 Supra n°65 et s. 142

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§ 2) Les sanctions de l’abus 164. Selon Josserand, les manifestations abusives du droit des sociétés « détermineront les sanctions habituelles : condamnation à des dommages-intérêts, nullité145 ». 165. Les fondements de ces actions sont différents 146, et la jurisprudence commerciale n’hésite pas appliquer l’un ou l’autre selon les cas. 166. En droit des associations, le seul arrêt connu à ce jour a fait la part belle à la nullité. C’est pour cette raison qu’elle sera, seule envisagée dans cette étude. Pour ce faire seront successivement étudiés le régime de l’action en nullité (A) puis ses effets (B).

A – Le régime de l’action en nullité 167. Seront successivement étudiées la qualité pour agir (1) et la prescription de l’action (2). 1°) La qualité pour agir

168. En droit des sociétés, la qualité pour agir est sujette à de nombreux obstacles 147 tenant à la question de la détermination des personnes susceptibles d’invoquer la nullité d’une décision sociale. 169. Il n’en est pas de même en droit des associations où tout membre, qui estime qu’une assemblée générale a été irrégulière, a le droit de se pourvoir en justice devant le TGI 148 pour faire annuler les décisions prises149. Toutefois, il n’a pas le droit de convoquer une nouvelle assemblée générale avant que la justice n’ait annulé l’assemblée antérieure. 170. N’ont donc pas qualité pour agir 150 le membre exclu, à moins que son exclusion soit irrégulière151, et a fortiori la personne qui n’est pas membre de l’association152. 171. Dès lors, doit être examinée la question de la prescription de l’action en nullité. 2°) La prescription de l’action 145

De l’esprit des droits… préc, n° 132, p. 182 Droit des sociétés, n° 362, Litec 2006, préc. Selon les auteurs, les deux actions reposent sur des fondements différents. L’action en responsabilité est fondée sur l’article 1382 du Code civil (il faut donc que le demandeur apporte la preuve d’un préjudice) et est soumise à la prescription décennale. L’action en annulation de la délibération abusive est fondée sur l’article 1844-10 du Code civil et se prescrit en principe par trois ans, sauf application d’une prescription plus courte. Conformément à l’article 31 du NCPC, cette action est ouverte à tous ceux qui peuvent se prévaloir d’un intérêt légitime, les associés minoritaires mais aussi un dirigeant agissant au nom de la société. […] Autre différence, tandis que l’action en réparation doit être dirigée contre les associés majoritaires, l’action en annulation doit être intentée contre la société : il aurait erreur d’aiguillage à réclamer des dommages-intérêts à la société. 147 Droit des sociétés, Litec 2006, préc., n° 402. Les auteurs démontrent qu’il existe de nombreux obstacles à la qualité pour agir en droit des sociétés, et notamment la question de la détermination des personnes susceptibles d’invoquer la nullité d’une décision sociale. 148 Lamy Associations, Tome I, étude 214, n°82 149 CA Besançon, 23 janv. 1901, DP 1904, 2, p. 46. 150 Lamy Associations, Tome I, étude 214, n°79. 151 CA Paris, 23 nov. 1999, Bull. Joly 2000, p. 333, n° 3, note Noémie. 152 Civ. 1ère, 9 janv. 1996, n° 94-11550. 146

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172. Le délai de prescription est celui des nullités relatives prévu à l’article 1304 du Code civil et fixé à 5 ans à compter du jour où la nullité est encourue (à compter de la date de réunion des assemblées). L’expiration du délai de prescription de cet article rend les délibérations définitives153. 173. Néanmoins, une fois le délai de prescription expiré, il reste possible d’invoquer l’exception de nullité qui, elle, est perpétuelle. 174. Le régime de l’action en nullité en droit des associations semble plus souple que celui du droit des sociétés, ce qui traduit une certaine opposition entre les deux groupements. Cette opposition se retrouve également au niveau des effets de la nullité.

B – Les effets de la nullité 175. L’opposition se manifeste par l’application du principe de rétroactivité des nullités en droit des associations. En effet, le prononcé de la nullité d’une délibération anéantit rétroactivement l’assemblée générale qui est censée n’avoir jamais eu lieu ; et les sociétaires doivent être remis dans la situation où ils étaient avant l’assemblée. 176. Mais dans un arrêt récent, la Cour de cassation154 a considéré que l’annulation d’une délibération d’assemblée générale d’association n’avait pas d’effet rétroactif. Les juges suprêmes ont-ils voulu faire de la non-rétroactivité des nullités un principe commun des groupements ? Il convient de répondre par la négative car cette transposition est illogique (1) et isolée (2). 1°) L’illogisme de la transposition

177. Dans l’arrêt du 19 novembre 1991, la Cour de cassation affirme : « à défaut de stipulation législative, réglementaire ou statutaire contraire, l’annulation d’une délibération prise par l’assemblée générale d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ne peut avoir d’effet rétroactif ». En statuant ainsi les juges ont adopté une position de principe qui semble aligner le régime de la nullité en droit associatif sur celui du droit des sociétés, ce qui conduirait inexorablement à considérer l’article 1844-15 C.civ. comme principe du droit commun des groupements. 178. Pourtant, en droit des sociétés il existe bien une exception au principe posé par l’article 1844-15 C.civ. : la nullité d’une délibération sociale, contrairement à celle de la société, est rétroactive. C’est donc en exception à l’exception prévue en droit des sociétés que la Cour de

153

CA Paris, 25 nov. 1977, Gaz. Pal. 1978, jur. , p. 316, note A.P.S. , et rejet du pourvoi par Civ. 1 ère, 10 juill. 1979, Bull. civ. I, n° 202, p. 162. 154 Civ. 1ère, 19 nov. 1991, Dr. Sociétés, janv. 1992, 25, obs. T. Bonneau

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cassation a rendu cette décision en droit des associations. Il serait donc illogique de penser qu’elle se fonde sur le principe du droit des sociétés. 179. D’ailleurs l’arrêt lui-même ne fait aucune référence au droit des sociétés et repose plutôt sur des arguments d’équité : « la vie associative qui existait avant les assemblées générales s’est poursuivie, … et les membres qui avaient adhéré au comité de soutien postérieurement à celles-ci et qui paient leur cotisations ne sauraient se voir écartés de la constitution du bureau au profit de personnes qui étaient membres du comité en 1984, et dont certaines ont pu, depuis lors, se désintéresser de l’association ». 180. Cette jurisprudence ne permet donc pas d’affirmer que la non-rétroactivité est devenu un principe commun du droit des groupements, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’une décision isolée. 2°) L’isolement de la transposition

181. La Cour de cassation tient à conserver l’originalité du droit associatif. S’agissant particulièrement de la nullité, elle a décidé, dans un arrêt du 27 juin 2000155, que : « la nullité de la délibération d’une assemblée générale d’association résulte du seul fait que cette assemblée n’a pas respecté les règles statutaires relatives aux modalités de vote ». En statuant ainsi, la Cour rejette la théorie dite du vote utile qui prévaut en droit des sociétés. La nullité d’une délibération irrégulière est indépendante de l’absence d’incidence de l’irrégularité. Le non-respect des dispositions statutaires suffit à obtenir l’annulation de la délibération prise par l’assemblée générale. La solution s’impose au sein des groupements contractuels156. 182. Cet arrêt vient confirmer l’isolement de la décision du 19 novembre 1991.

Conclusion du Chapitre 2 183. Au final, l’association est bien un acte d’organisation. Les parties organisent librement la répartition des pouvoirs. Toutefois, en cas de conflits, et de carence des statuts, les juges n’hésitent pas à appliquer les règles du droit des sociétés. En le faisant, ils participent a

155 156

Civ. 1ère, 27 juin 2000, Rev. Sociétés, janv. – mars 2001, note D. Randoux D. Randoux, note sous Civ. 1ère, 27 juin 2000, préc.

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posteriori à l’organisation du pouvoir et à l’organisation des moyens de contestation du pouvoir.

Conclusion du Titre 1 184. L’association est bien un acte juridique : son fonctionnement, comme sa disparition sont régis par l’acte juridique qui l’a créé. L’examen de la transposition jurisprudentielle, au regard de la théorie de l’acte juridique n’est pas vain. Elle permet de faire apparaître derrière la « mystique théorie institutionnelle 157», que la société est bien comme l’association, un acte juridique. Dès lors, l’application du droit des sociétés aux associations permet de démontrer que les règles transposées sont en réalité des principes issus pour la plupart de la construction de l’acte juridique : L’intangibilité des engagements, la dissolution pour justes motifs, la révocabilité ad nutum des mandats, l’abus de majorité… 185. Toutefois l’association n’est pas qu’un acte juridique, elle peut devenir, comme la société une personne morale.

157

Elle est mystique car on ne sait pas ce qu’elle signifie. Outre les travaux de M. Hauriou, la doctrine ne s’accorde pas sur une définition de la notion d’institution. Généralement on la définit par opposition au contrat : Ce qui n’est pas contractuel est institutionnel et vice versa.

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Titre II : L’application du droit des sociétés à l’association personne morale 186. L’association est licite dès sa constitution, en vertu du principe de liberté d’association 158. Dès lors, l’association non déclarée, ou déclarée mais non publiée, dispose d’une capacité « de fait » qui lui est reconnue par la pratique ou la jurisprudence 159. Toutefois, en dépit de cette reconnaissance, l’association non déclarée ne constitue qu’un groupement de fait, elle n’est pas véritablement une entité en droit160. A l’égard des tiers, les actes accomplis par cette association sont en principe nuls161 ; de même elle ne peut assigner ni être assignée en justice162. 187. Cette situation de l’association non déclarée, rappelle étrangement celle des sociétés non personnifiées163. En effet, nonobstant l’absence de personnalité juridique, elles existent par la force de l’acte juridique qui les crée. Certaines de ces sociétés sont occultes164 car la société a vocation à acquérir la personnalité morale165. Au demeurant, ces sociétés existent dans leurs rapports internes, mais leurs actes sont inopposables aux tiers. Elles se retrouvent donc dans la même situation que l’association non déclarée : existence interne mais inopposabilité du groupement aux tiers. 188. L’attribution de la personnalité morale devient alors dans un cas comme dans l’autre une nécessité aux fins d’opposabilité du groupement aux tiers 166. Désormais, la personne morale est représentée auprès des tiers par des dirigeants dont la responsabilité personnelle peut être engagée par ces derniers. 189. Il a été justement démontré que la personnification du groupement ne vient pas modifier son régime juridique167. « Cela signifie donc que la personnalité morale n’est pas source des

158

C’est ce qui ressort de la lecture de l’art. 2 de la loi du 1 er juillet 1901 : « Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable ». 159 E. Alfandari, Associations, Dalloz Action 2000, préc. n° 153. Selon l’auteur l’association non déclarée peut en fait : avoir une dénomination, contracter par la technique du mandat, percevoir des cotisations et droits d’entrée (qui demeurent la propriété collective de ses membres), … 160 E. Alfandari, Associations, Dalloz Action 2000, préc. n° 150. 161 Art. 17 loi de 1901 ; v. en ce sens CAA Paris, 18 mai 1995, BAF n° 1-95, inf. 2, 1ère esp. 162 E. Alfandari, Associations, Dalloz Action 2000, préc. n° 152. 163 Sociétés en participation, sociétés en formation. 164 C’est le cas des sociétés en participation qui sont “occultes”. 165 C’est ce qui explique qu’avant la réforme de 1966, l’acquisition de la personnalité morale coïncidait avec la conclusion de l’acte constitutif. 166 G. Wicker, Personne morale, Rep. civ. Dalloz, 1998, n° 20. 167 G. Wicker, Personne morale, préc.

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règles gouvernant la personne morale. Plus exactement, l’ensemble de son régime juridique trouve sa source dans l’acte constitutif […] du groupement personnifié »168. 190. En attribuant la personnalité morale à l’association et à la société le législateur en a fait des personnes morales. Toutefois la personnalité juridique dans un cas comme dans l’autre n’a malheureusement pas la même portée169. En effet, à la différence de la société, l’association personnifiée dispose toujours d’une capacité limitée170. C’est en ce sens qu’on a pu dire qu’elle ne disposait que d’une « petite personnalité171 ». Mais est-ce bien la personnalité juridique qui est effectivement réduite et variable d’un groupement à l’autre ? 191. Répondant à cette question, un auteur172 a justement démontré que la personnalité juridique en soi ne varie pas, seule la capacité de la personne morale peut se trouver réduite par le législateur pour des raisons d’ordre public. 192. Dès lors, la personnalité juridique emporte bien des conséquences identiques quelque soit la personne morale considérée. L’examen de la transposition jurisprudentielle qui va suivre permet de rendre compte des conséquences de la personnification. Il s’agit certes d’appliquer le droit des sociétés dans le silence de la loi de 1901 aux associations, mais il s’agit surtout de relever que ces groupements sont aussi des personnes morales auxquelles les mêmes règles ou principes173 trouvent ou peuvent trouver à s’appliquer. 193. La jurisprudence reconnaît ainsi des effets liés à la personnification de l’association (Chapitre 1) et l’existence d’un régime de responsabilité civile des dirigeants de l’association personnifiée (Chapitre 2).

168

G. Wicker, Personne morale, préc. E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, préc. n°230 et s. 170 Les art. 5 et 11 de la loi de 1901 prévoient que les associations simplement publiées peuvent ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer des cotisations de ses membres pourvu qu’elles ne dépassent pas 16 euros, le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres, les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement de leur but. Les art. 10 et 11 régissent pour leur part l’association reconnue d’utilité publique. Elle dispose certes d’une plus grande capacité, mais elle ne peut acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elle se propose. 171 E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, préc. n°230. 172 C. Gavalda, « La personnalité morale des sociétés en voie de liquidation », Mél. Hamel, Dalloz, 1961, p. 253 173 V. K. Rodriguez, Le droit commun des personnes morales, Thèse, préc. L’auteur démontre l’existence de principes communs aux personnes morales. 169

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Chapitre 1 : Les effets liés à la personnification de l’association 194. L’attribution de la personnalité morale pour l’association comme pour la société se réalise après accomplissement d’une formalité légale174. 195. Dans le même temps, leur personnification emporte un certain nombre d’attributs, dont le plus important est certainement l’individualisation de la personne morale. Le groupement devient alors un être à part entière, distinct de ses membres. Il aura dès lors un intérêt distinct de l’intérêt de ses membres. 195-1. L’individualisation de la personne morale suppose qu’elle puisse conclure des actes avec des tiers. Pour ce faire, elle va se doter de représentants, qui vont ainsi l’engager, dans les limites connues175. Ceci permet d’affirmer que la personne morale ne saurait être engagée par des actes qui lui sont antérieurs. Toutefois, ne serait-il pas possible qu’elle reprenne à son compte des actes conclus en son nom parce que son arrivée était imminente ? 195-2. L’individualisation de la personne morale suppose aussi que sa disparition puisse être indépendante de celle de l’acte juridique fondateur du groupement. Dès lors, la personnalité morale survit-elle à la dissolution du groupement ? 196. En droit des sociétés, la personne morale peut reprendre des engagements qui lui sont antérieurs à certaines conditions176. De plus, la personnalité morale survit pour les besoins de liquidation177. Rien de tel n’a été prévu dans la loi de 1901. C’est dans ce contexte que la jurisprudence a transposé ces règles aux associations. En statuant ainsi, elle reconnaît des effets à la personnification de l’association, tant au moment de sa constitution (Section 1) qu’au moment de sa disparition (Section 2).

Section 1 : L’effet sur la constitution de l’association : La reprise des engagements 197. En droit des sociétés, on admet la reprise des engagements dans des conditions strictes. En droit des associations, le principe n’est pas affirmé dans la loi de 1901, mais pourtant les associations, encore plus que les sociétés, connaissent cette période de non personnification 174

E. Alfandari, Association et société : points de rencontre, préc. Abus de pouvoir, intérêt social, objet social. 176 Art. 1843 du C. civ. 177 Art. 1844-8 du C. civ. et L 237-2 du C. com. 175

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dans la mesure où elles existent de plein droit avant leur déclaration en vertu de la liberté d’association. 198. La jurisprudence, avec beaucoup de pudeur, semble admettre l’existence de principe de la reprise (§1). Mais il existe des obstacles à l’admission définitive du principe de la reprise en droit associatif (§2).

§ 1) L’admission de principe de la reprise en droit associatif 199. La reprise des engagements ne connaît pas en droit associatif une grande importance. Ignorée de la Loi, elle n’est que très peu envisagée par la jurisprudence178. En pratique, les fondateurs d’associations recourent alors à certains mécanismes du droit des contrats : Clause résolutoire et condition suspensive179. Mais ces mécanismes étant limités180, les juges ont fini par admettre progressivement la reprise, d’abord de manière indirecte (A) puis de manière directe (B).

A – L’admission indirecte 200. Dans l’arrêt du 3 mai 1990181, la jurisprudence a admis de façon indirecte, l’existence de la reprise (2) par la motivation retenue (1). Mais il ne s’agit que d’une admission indirecte, les juges ne faisant pas expressément référence à la règle de la reprise. 1°) La motivation retenue

201. Dans cette affaire, la Société des Centres Commerciaux (S.C.C.) avait ouvert un centre à Suresnes. Afin d’assurer la promotion de ce centre, le « délégué de gestion » de la société engagea une campagne de publicité. Par ailleurs, les commerçants prenant à bail un local situé dans le centre avaient souscrit une clause « essentielle » aux termes de laquelle ils adhéraient à l’Association des Commerçants du Centre (A.C.C.) dont l’objet était de favoriser la publicité des commerçants dudit centre. La S.C.C. envoya alors à l’A.C.C. ses factures, et celle-ci régla seulement deux d’entre elles en estimant qu’elle n’était pas encore déclarée au moment de la passation du contrat de publicité.

178

CA Versailles, 3 mai 1990, Bull. Joly, 1990, p. 648, obs. M. Jeantin ; Civ. 1ère, 4 juillet 1995, BAF, 1/95 Inf. 2. 2 espèce ; Civ. 5 mai 1998, n°96-13610. 179 V. en ce sens K. Rodriguez, thèse préc. n°395 et s. Selon l’auteur, « les fondateurs pouvaient insérer dans les contrats conclus pour le compte de l’association en formation, une clause résolutoire de l’engagement du fondateur au jour de l’acquisition de la personnalité morale par le groupement. Le fondateur pouvait également conclure l’acte sous la condition suspensive de ratification par la personne morale […] ». 180 V. K. Rodriguez, thèse préc. n° 395 et s. Selon l’auteur, « à défaut de stipulation contractuelle, autrement dit, par principe, aucune reprise n’est prévue ; de plus, en présence d’une telle stipulation, la reprise n’est pas rétroactive […] ». 181 CA Versailles, 3 mai 1990, préc. ème

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Mais en réalité, la Cour estima que l’association était redevable des sommes restantes, en se fondant sur la théorie de la croyance légitime182 et celle du mandat apparent183. 202. Un auteur184 commentant cet arrêt émit de fortes réserves à l’égard de cette motivation. Considérant que la théorie du mandat apparent n’a été utilisée que pour engager une association non déclarée, aboutir par ce moyen à traiter une association non déclarée comme si elle avait la personnalité morale lui paraît une fiction exagérée. 203. Au demeurant, les juges semblent admettre en réalité l’existence de la reprise des engagements par une association déclarée. 2°) La reconnaissance implicite de la reprise

204. Un autre argument semble justifier la décision de la Cour de Versailles. La deuxième facture avait été réglée par l’association après accomplissement de la formalité de déclaration. Ne s’agissait-il pas alors d’une ratification des engagements souscrits par le mandataire apparent, ce qui correspond à la reprise des engagements telle qu’on la connaît en droit des sociétés ? Il semble possible de le croire. 205. Dès lors, même si la décision de la Cour ne fait aucune allusion expresse à la reprise, elle l’admet au moins de façon indirecte. Il ne reste plus qu’à envisager l’admission directe.

B – L’admission directe 206. Plus directement, la Cour de cassation admet l’existence de principe de la reprise. Cette fois les juges font directement référence à la possibilité de reprendre des actes antérieurs. Pour ce faire, ils envisagent le sort du cautionnement (1) et le sort des autres actes (2). 1°) Le sort du cautionnement souscrit par l’association non personnifiée

207. Dans un arrêt du 5 mai 1998, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la validité de l'acte de cautionnement souscrit en garantie des engagements contractés par une association en formation. La solution qu'elle adopte ne manque pas d'intérêt. Elle a en effet précisé que « la caution qui garantissait le remboursement d'un prêt contracté par une association non déclarée, et dépourvue de ce fait de la capacité juridique n'était pas tenue d'exécuter ses engagements 185[…] ». 208. Par cette décision, la Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 8 mars 1996 et fait une très exacte application des textes de loi. Elle rappelle en effet que le prêt 182

Le représentant de la société de publicité, présent à l’assemblée des commerçants, « pouvait légitimement croire à l’existence de l’association et à la régularité de l’adoption du projet ». 183 C’est en cette qualité que le « délégué de gestion aurait engagé l’association en formation ». 184 M. Jeantin, obs. sous CA Versailles, 3 mai 1990, préc. 185 Civ. 1ère, 5 mai 1998, Juris-associations n° 185/1998, p. 5, « Le sort des actes conclus pour une association en formation », J. V. Prevost et F. Grillier.

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contracté au nom d'une association non déclarée n'engage que celui qui se présente comme son représentant et non l'association elle-même, celle-ci n'ayant pas la capacité de contracter. L'obligation de restituer les fonds prêtés incombe donc au "représentant" de l'association et non à l'association elle-même. C'est la raison pour laquelle, dans ce cas, la caution qui s'était seulement engagée à garantir les dettes de l'association ne pouvait être tenue des dettes contractées par son "représentant", personne distincte de l'association. En effet, aux termes de l'ancien article 2015 du code civil 186, on ne peut étendre le cautionnement au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. 209. En l'espèce, l'acte de cautionnement avait été souscrit dans le but de garantir un prêt octroyé à l'association et non à celui qui se prétendait son dirigeant. La Cour de cassation en a donc déduit à juste titre que celui qui s'était porté caution pour garantir les engagements d'une personne juridique qui n'existait pas (l'association) ne pouvait être tenu de ses obligations de caution. 210. En statuant ainsi, les juges ont envisagé directement la question de la reprise des engagements même si c’est pour exonérer la caution. Plus directement encore elle a envisagé la reprise des autres actes. 2°) La sort des autres actes conclus avant la personnification de l’association

211. La Cour de cassation a décidé qu'après avoir été déclarée à la préfecture, une association peut, avec l'accord des fondateurs, reprendre à son compte les droits et obligations résultant d'une convention conclue par son représentant avant cette déclaration 187. En l’espèce, une association avait intenté une action tendant à la déclarer possesseur de biens qui lui auraient été cédés alors qu’elle n’était pas encore déclarée. La Cour de cassation rejeta son pourvoi aux motifs que « La Cour d’appel a retenu qu’à la date de la convention du 7 janvier 1985, l’association n’avait pas la capacité juridique pour acheter les matériels litigieux, et qu’après cette date, elle n’a pas repris à son compte les droits et obligations afférents à cette convention […] ». 212. En statuant ainsi, les juges reconnaissent qu’une association déclarée peut reprendre les actes qui lui sont antérieurs. Cet arrêt a été salué par une doctrine majoritaire et a même été considéré comme établissant le principe de la reprise en droit associatif 188. Il s’agit d’un raisonnement hâtif quand on voit les nombreux obstacles qui viennent contester une telle affirmation. 186

Aujourd’hui art. 2292 du C. civ. Civ. 1ère, 4 juillet 1995, préc. 188 V. notamment K. Rodriguez, thèse, préc. n° 395, p. 302. 187

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§ 2) Les obstacles à l’admission définitive de la reprise en droit associatif 213. Le principe de la reprise tel qu’il existe en droit des sociétés a-t-il été reconnu comme tel en droit associatif ? Peut-on espérer que la reprise a été définitivement admise en droit associatif ? Malgré la ferveur que les arrêts sus évoqués ont entraîné en doctrine 189, il sera démontré qu’on doit relativiser leur portée (B) et ce, à cause de leurs incertitudes (A).

A – Les incertitudes de la solution 214. La solution développée par la jurisprudence et qui a consisté à admettre le principe de la reprise en droit associatif est incertaine. En effet, son contenu ne nous révèle rien sur les modalités (1) et les effets (2) de la reprise. 1°) Les modalités de la reprise

215. La jurisprudence ne dit rien sur les modalités de la reprise. La doctrine semble admettre qu’il faille recourir au droit des sociétés et notamment à l'article 6 du décret du 3 Juillet 1978. 216. La reprise pourrait alors intervenir après déclaration à la préfecture et insertion de cette déclaration au Journal officiel, à la suite d'une décision spéciale expresse des associés, et ce quelle que soit la date à laquelle les actes auront été accomplis pour le compte de l'association en formation190. 217. Toutefois, cette analyse ne saurait être convaincante car rien ne permet de croire que les juges vont recourir de lege ferenda au droit des sociétés via l’article 1843 du C. civ. Ils auraient pu recourir à celui-ci pour préciser les modalités de la reprise. Comment considérer alors ce silence : Acceptation ou refus ? 218. Un autre argument plaide en la défaveur d’un recours systématique au droit des sociétés pour fonder les modalités de la reprise. La « décision expresse des associés191 » sera–t-elle soumise à un vote majoritaire ou unanimitaire ? La doctrine penche pour un vote majoritaire par analogie au droit des sociétés 192. C’est peut-être vite oublier que les associations sont des groupements dans lesquels il est possible d’imaginer toutes sortes de combinaisons possibles193. 189

En vertu du principe de liberté statutaire, toutes les combinaisons sont envisageables pour la détermination des modalités de vote même les plus folles. La cour de cassation ayant admis la validité de clauses privant certains sociétaires de droit de vote. V. Supra n°42. 190 Juris-associations, préc. 191 Juris-associations préc. 192 K. Rodriguez, thèse préc. 193 Clauses restreignant le droit de vote ; clauses aménageant le droit de vote au profit des membres fondateurs tel le droit de vote plural etc. ; clauses supprimant le droit de vote de certains membres.

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219. Cette même incertitude subsiste quant aux effets de la reprise. 2°) Les effets de la reprise

220. De même la jurisprudence n’a pas précisé les effets de la reprise. Là encore la doctrine est encline à considérer qu’il faille recourir au droit des sociétés pour considérer que « les actes seront réputés avoir été contractés par l’association dès l’origine194 ». 221. Ces incertitudes, liées au contenu de la solution, lui confèrent alors une portée relative. Laquelle constitue un obstacle à l’admission définitive de la reprise en droit associatif.

B – La portée relative de la solution 222. La solution adoptée par les juges mérite d’être approuvée en ce qu’elle reconnaît la possibilité pour une association déclarée de reprendre à son compte les actes qui sont antérieurs à sa personnification. 223. Mais la solution pêche par son contenu, et en cela sa portée ne peut qu’être relative. En effet elle fragilise la construction du principe de la reprise en droit associatif (1). De plus, elle refuse de reconnaître l’art. 1843 comme fondement commun du principe de la reprise (2). 1°) Le principe de la reprise en droit associatif : une construction fragile

224. La solution des juges ne permet pas de cerner les contours du principe de la reprise, en cela la construction jurisprudentielle est fragile. 225. En effet, en refusant (oubliant ?) de préciser les modalités et les effets de la reprise, les juges ont affirmé un principe creux. Le principe de la reprise, tel qu’il ressort des arrêts étudiés, est une coquille vide. Certes, l’association déclarée peut reprendre des actes antérieurs mais quelles conditions ? 226. L’association se caractérisant par un vent de liberté, les juges auraient dû préciser au moins les modalités de ce principe important des personnes morales. Le principe de la reprise est donc bien une construction fragile en droit associatif. De plus les juges n’ont pas voulu faire de l’art. 1843 du C. civ. le fondement commun du principe de la reprise. 2°) Le refus de l’article 1843 comme fondement commun du principe de la reprise

227. En ne se fondant sur aucun texte pour justifier l’existence de la reprise en droit associatif, les juges semblent la reconnaître comme principe commun des groupements 195. Toutefois, rien ne permet d’assurer qu’elle aura les mêmes modalités qu’en droit des sociétés 196. En effet,

194

K. Rodriguez, thèse préc. K. Rodriguez, thèse préc. 196 Notamment l’art. 1843 du C. civ. 195

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même si l’on considère qu’il puisse servir de socle à l’élaboration d’un droit commun des groupements, il faut encore que par analogie, les juges y fassent expressément référence. 228. Partant de là, il est permis de croire que la reprise pourra connaître des modalités particulières en droit des associations. Et quand on connaît la relative protection dont bénéficient les tiers face aux associations197, on ne peut que déplorer le manque de précision des modalités de la reprise. Une simple référence à l’art. 1843 du C. civ. aurait cependant suffi. Mais les juges s’en sont bien gardés. Dès lors, ils n’affirment pas expressément que le droit des sociétés constitue le socle commun d’édification du principe de la reprise pour les personnes morales. 229. Le principe de la reprise en droit associatif est encore une construction fragile. Il n’est pas encore admis définitivement par la jurisprudence. Décider que les juges ont voulu lui attribuer les mêmes modalités qu’en droit des sociétés, trahit en réalité une forte espérance. Le principe de la reprise ne sera définitivement admis en droit associatif que lorsque ses modalités auront été clairement précisées soit par référence au droit des sociétés, soit d’une autre façon. 330. Au demeurant, la personnification de l’association emporte également un effet sur sa disparition.

Section 2 : L’effet sur la disparition de l’association : La survie de la personnalité juridique pour les besoins de liquidation 331. La disparition de l’association ou de la société peut résulter de la nullité du contrat ou de la dissolution. Dans les deux cas, en droit des sociétés, il est clairement admis que la personnalité juridique subsiste pour les besoins de liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci198. Rien de tel ne figure dans le droit associatif, à l’exception de l’art. 14 du décret qui vise expressément la liquidation199. 332. L’examen de cet article permet de relever la liberté d’organisation des conditions de la liquidation qui est reconnue par le législateur aux sociétaires. Et quand on sait les dérives occasionnées par cette liberté, il est permis de douter de l’opportunité de l’application de la 197

P. Hoang, La protection des tiers face aux associations, thèse préc. V. les articles 1844-15 du C. civ. (La nullité produit les effets de la dissolution), 1844-8 du C. civ. et L 237-2 du C. com. (En cas de dissolution, la personnalité morale subsiste pour les besoins de liquidation). 199 Article 14 du Décret du 16 août 1901 : « Si les statuts n’ont pas prévu les conditions de liquidation et de dévolution des biens d’une association en cas de dissolution, par quelque mode que ce soit, ou si l’assemblée générale qui prononce la dissolution volontaire n’a pas pris de décision à cet égard, le tribunal, à la requête du ministère public nomme un curateur. Ce curateur provoque dans le délai déterminé par le tribunal, la réunion d’une assemblée générale dont le mandat est uniquement de statuer sur la dévolution des biens […] ». 198

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règle aux associations (§1). Mais il ne s’agit que d’un doute méthodique puisque les juges appliquent bien la règle de la survie aux associations (§2).

§ 1) L’opportunité de l’application de la règle aux associations 333. La détermination de l’opportunité pose en réalité la question de savoir si « toute dissolution d’association, et plus particulièrement la dissolution décidée par les sociétaires réunis en assemblée générale est-elle obligatoirement et nécessairement suivie d’une phase de liquidation ?200 » 334. La réponse à cette question permettra d’envisager les obstacles qui se dressent à l’application ne varietur de la règle aux associations (A). Il sera ensuite précisé que ces obstacles n’éliminent pas pour autant la nécessité d’appliquer la règle aux associations (B).

A – Les obstacles à l’application ne varietur de la règle aux associations 335. De nombreux obstacles empêchent une application ne varietur de la règle de la survie telle qu’on la conçoit en droit des sociétés aux associations. Ces obstacles peuvent être juridiques (1) ou factuels (2). 1°) Les obstacles juridiques

336. Ces obstacles tiennent à la spécificité du droit associatif avec le principe de liberté statutaire et l’interdiction de partager les bénéfices. 336-1. En vertu du principe de liberté statutaire les sociétaires organisent librement leur fonctionnement. La liquidation de l’association dissoute n’a pas échappé à ce principe. En effet, au sens de l’article 14 du décret201, les sociétaires organisent librement les conditions de liquidation et de dévolution des biens. Poussant plus loin le raisonnement, un auteur 202 s’est demandé si dans certains cas les sociétaires pouvaient éviter l’ouverture d’une période de liquidation après la dissolution. Ainsi, lorsque l’article 14 suscité reconnaît aux sociétaires le pouvoir de régler librement les conditions de la liquidation, cette liberté porte-elle sur le principe même de l’existence d’une phase de liquidation ? 336-2. Le second obstacle tient à la définition de la notion de liquidation et sa portée en droit des associations. En droit des sociétés, il ressort « de la définition généralement retenue, que l’issue normale de la liquidation d’une société dissoute réside dans le partage du produit de

200

P. Hoang, thèse préc. n°223 in fine, p. 268. préc. 202 P. Hoang, thèse précitée, n° 225, p. 271. 201

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la liquidation envisagée comme une opération indispensable pour parvenir à un tel partage203 ». Or l’association n’a pas vocation à partager des bénéfices. Par conséquent, « une liquidation qui n’aurait de raison d’être que de préparer les opérations de partage, non seulement ne serait pas nécessaire en matières d’associations, mais bien plus encore y serait interdite204 ». 337. Il convient alors de définir la liquidation en matière d’association comme étant « l’ensemble des opérations qui sont nécessaires afin de terminer les affaires dans lesquelles l’association est engagée, de réunir les éléments de son actif et d’éteindre son passif, de sorte que le cas échéant soit dégagé l’actif net qui pourra être attribué à un, ou plusieurs nouveau(x) titulaire(s), qui n’étai(en)t pas membres de l’association dissoute 205 ». 338. Outre ces obstacles juridiques, il existe des obstacles factuels. 2°) Les obstacles factuels

339. Il peut exister des associations pour lesquelles la dissolution s’avère inutile. C’est ainsi qu’un auteur206 a récemment démontré qu’il était possible d’envisager des associations dissoutes sans que la dissolution ne soit suivie d’une liquidation. Il envisage deux situations qu’il convient ici de reproduire. 339-1. Tout d’abord, il est possible que les associations ne possèdent plus, au moment de leur dissolution, aucun contrat en cours avec des tiers et ni aucun créancier207. 339-2. Il est aussi possible de rencontrer des associations dans lesquelles il existe bien des éléments à liquider mais dont la liquidation peut s’effectuer très rapidement au cours de la seule assemblée qui arrête la décision de dissolution. Cette assemblée générale peut alors, tout en dissolvant l’association, décider de transmettre, par le biais d’une fusion, l’ensemble des éléments actifs et passifs de son patrimoine à un bénéficiaire déterminé. 340. Dans ces hypothèses, l’ouverture d’une liquidation s’avèrerait inutile 208. Pour autant, la survie de la personnalité morale pour les besoins de liquidation reste bien une nécessité.

B – La nécessité de l’application de la règle aux associations 341. La survie de la personnalité morale pour les besoins de la liquidation reste bien une nécessité pour les associations malgré les obstacles sus envisagés. En effet, en reconnaissant aux sociétaires une liberté d’organisation de la liquidation, le législateur n’a pas entendu 203

P. Hoang, thèse précitée, n° 224, p. 269. La définition généralement retenue est celle de M. Jeantin, B. Saintourens, Ripert et Roblot, P. Didier, P. Merle. 204 P. Hoang, thèse précitée, n° 224, p. 269. 205 P. Hoang, thèse précitée, n° 225, p. 271. 206 P. Hoang, thèse précitée, n° 227 et 228, p. 272 et s. 207 Ce sera le cas des associations fidèles à la conception originelle voulu par la loi de 1901. 208 P. Hoang, thèse précitée, n° 229 ab initio, p. 277.

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supprimer le principe même de l’existence d’une phase de liquidation. La règle s’impose donc toutes les fois qu’il est nécessaire de liquider (1), mais aussi de garantir les intérêts des différents protagonistes à la liquidation (2). 1°) La nécessité de liquider

342. L’association étant une personne morale, sa personnalité juridique ne saurait disparaître dès la décision de liquidation. Il est très peu probable en effet que les sociétaires aient la certitude, au moment de la dissolution, que la liquidation est inutile du fait de l’absence de tout élément à liquider 209. La liquidation est donc nécessaire pour s’assurer de l’absence de tout contrat en cours et créancier, mais aussi de fraude210. 343. Mais la liquidation reste également une nécessité pour une raison technique : l’indivision serait en effet d’une rigidité excessive dans la mesure où elle requiert l’unanimité211. 344. L’application de la règle de la survie est surtout une nécessité pour les différents protagonistes dont les intérêts peuvent être garantis. 2°) La nécessité de garantir les intérêts des différents protagonistes

345. Qu’il s’agisse des sociétaires, des créanciers ou de l’entreprise, la liquidation met en jeu différents intérêts212. 345-1. D’abord, les sociétaires seraient contraints de se retrouver en indivision. Ce qui pour une raison technique est assez rigide, pour procéder à la dévolution des biens. Quant aux créanciers, ils perdraient avec la disparition de la personnalité morale au jour de la dissolution, leur « droit de gage exclusif sur les biens de la personne morale 213 ». Enfin, l’entreprise associative étant aujourd’hui une réalité, il est nécessaire d’ouvrir une période de liquidation afin d’éviter « un arrêt, ou même un fâcheux ralentissement de la vie économique et sociale de l’entreprise […] 214». 345-2. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d’appliquer la règle de la survie de la personnalité morale aux associations. Et la jurisprudence l’a justement compris.

209

P. Hoang, thèse précitée, n° 229, p. 279. Hypothèse dans laquelle les sociétaires pourraient décider de ne pas ouvrir une période de liquidation tout en sachant qu’il existe des éléments à liquider. 211 K. Rodriguez, thèse précitée, n° 393, p. 301. 212 C. Gavalda, « La personnalité morale des sociétés en voie de liquidation », préc. 213 C. Gavalda, « La personnalité morale des sociétés en voie de liquidation », préc. n°4, p. 255. 214 C. Gavalda, « La personnalité morale des sociétés en voie de liquidation », préc. n°4 et 5, p. 255. 210

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§ 2) L’application de la règle aux associations 346. Il est de jurisprudence constante que la personnalité morale de l’association dissoute subsiste pour les besoins de la liquidation215. L’association dissoute continue d’être une personne morale distincte des personnes physiques qui la composent216. Toutefois, sa personnalité juridique est limitée quant aux actes (A) et dans le temps (B).

A – La limitation de la personnalité juridique quant aux actes 347. La personnalité juridique des associations dissoutes subsiste donc pour les besoins de leur liquidation. Dès lors, l’association n’aura de personnalité juridique, et donc de capacité juridique, qu’autant que les actes qu’elle passera seront nécessaires à la liquidation 217. Ces actes peuvent être antérieurs (1) ou postérieurs à la liquidation (2). 1°) Les actes antérieurs

348. L’association survit pour l’exécution de tous les contrats qu’elle a passés antérieurement à sa dissolution218. Il en va ainsi notamment pour les contrats de travail avec ses salariés, pour les baux conclus avec les propriétaires des immeubles où elle exerce son activité, pour les marchés avec des fournisseurs ou des clients. 349. Elle peut aussi conclure des actes postérieurement à sa dissolution. 2°) Les actes postérieurs

350. L’application de la règle de la survie signifie également que l’association dissoute pourra aussi accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à sa liquidation. Elle peut ainsi vendre ses biens. En revanche, une association dissoute ne peut faire des opérations qui seraient en contradiction avec le but de la liquidation. Elle ne pourra donc plus ni acquérir de nouveaux biens, ni encaisser de nouvelles cotisations219. 351. L’application de la règle de la survie entraîne une limitation de la personnalité juridique de l’association quant aux actes. Désormais, elle ne pourra qu’effectuer des actes nécessaires à la liquidation. C’est ainsi qu’elle peut ester en justice220. 215

M. Béhar-Touchais et C. Legros, Associations, Rep. Civ. Dalloz, janv. 2003, n°274 ; Lamy associations, Tome I, étude 305, n°14. Cass. 1ère civ. 29 juin 1971, Bull. Civ. I, n°216; Cass. Civ. 1ère, 11 déc. 1973, Bull. Civ. I, n°344, p. 305; Cass. Civ. 1ère, 5 déc. 1984, n° 83-10.764, Gaz. Pal. 1985, pan. p. 174; Cass. Civ. 1ère, 3 janv. 1985, RTD com. 1985. 325, obs. E. Alfandari et M. Jeantin; Cass. Civ. 3ème, 4 oct. 1995, RTD com. 1996, 88, n°12, obs. E. Alfandari et M. Jeantin, Dalloz Affaires 1995, p. 94, Dr. Sociétés 1995, n°234, p. 6, Rev. Sociétés 1996, p. 102, note Y. Guyon. 216 Lamy associations, Tome I, étude 305, préc. 217 Lamy associations, Tome I, étude 305, n° 16. 218 F. Lemeunier, Associations, 11ème édition, Delmas 2005, n° 1430, p. 183. 219 F. Lemeunier, Associations, préc. n°1431. 220 Lamy associations, Tome I, étude 305, n°16.

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352. Mais l’application de la règle va également limiter la personnalité juridique de l’association dans le temps.

B – La limitation de la personnalité juridique dans le temps 353. L’étude qui va suivre pose la question du terme de la survie de la personnalité juridique de l’association dissoute. 354. En droit des sociétés, la clôture des opérations de liquidation marque la fin de la période de liquidation221. 355. Aucune disposition n’étant prévue dans la loi de 1901, les juges ont décidé « qu’une association perd son existence juridique à partir de sa liquidation et de la dévolution de ses biens222». La dévolution des biens marque donc la fin de la personnalité juridique de l’association (1). Mais, celle-ci peut renaître même après la dévolution des biens (2). 1°) La fin de la personnalité juridique avec la dévolution des biens

356. La fin des opérations de liquidation, marque donc la fin de la personnalité juridique. Mais un problème s’est posé de façon récurrente aux juges : A partir de quel moment doit-on considérer que les opérations de liquidation sont terminées ? 357. La jurisprudence semble s’accorder sur le principe du parallélisme des formes qui supposerait que la personnalité juridique disparaisse avec la publication de la dissolution au Journal officiel223. Mais en pratique, une telle analyse est limitée quand on voit la grande désaffection de cette formalité par les associations224. 358. Que décider alors lorsqu’il n’y a pas eu publication ? La jurisprudence a considéré que la dévolution des biens marquait la fin de la personnalité juridique225. 359. Mais il semble que la personnalité juridique de l’association puisse renaître après la dévolution. 2°) La renaissance de la personnalité juridique après dévolution des biens

360. La jurisprudence226 a admis qu’un liquidateur dont la mission était terminée, pouvait exercer au nom de l’association, après dévolution de ses biens, une action en révocation de ladite dévolution. La doctrine en examinant cet arrêt considère d’une part que la personnalité

221

Art. 1848 Civ. 1ère, 11 déc. 1973, préc. 223 TGI Troyes, 18 mars 1981 cité dans Lamy associations, Tome I, étude 305, n°17 224 Après publication de leur déclaration, la plupart des associations n’y font plus recours ni pour signaler les changements intervenus en cours d’existence, ni pour informer les tiers de leur disparition. 225 Civ. 1ère, 11 déc. 1973, préc. 226 Civ. 1ère, 11 déc. 1973, préc. 222

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juridique ne disparaît pas avec la dévolution et d’autre part qu’ayant disparu, elle peut renaître pour les besoins de l’action en justice. 361. Il convient de s’attacher à la seconde analyse 227. En effet considérer que la personnalité morale survive à la dévolution c’est affirmer qu’elle n’a pas de fin. Mais c’est également affirmer qu’elle existe par elle-même et pour elle-même. Or la personnalité morale existe par la personne morale, et peut subsister après dissolution de celle-ci pour les besoins de la liquidation uniquement. Dès lors, on ne saurait imaginer qu’elle puisse subsister à la dévolution puisqu’alors il n’y a plus de personne morale, ni d’intérêt à ce qu’elle existe. 362. La personnalité juridique disparaît avec la dévolution mais peut renaître pour les besoins d’une action en justice nécessaire à la liquidation (en l’espèce, la validité de la dévolution était contestée, il était donc normal que l’association ayant récupéré ses biens procède à une nouvelle dévolution). 363. Cette solution permet d’établir le parallèle avec les développements qu’il y a eu en droit des sociétés sur la durée de la personnalité morale228. 364. Finalement, la personnalité juridique est-elle un phoenix qui renaît toujours de ses cendres ? L’arrêt du 11 décembre 1973 permet de répondre par l’affirmative. La personnalité juridique renaîtra autant de fois que la dévolution fera l’objet d’une contestation.

Conclusion du chapitre 1 365. L’attribution de la personnalité morale à l’association emporte un certain nombre d’effets. Désormais, elle est une personne morale distincte des membres qui l’ont créée, c’est 227

En ce sens v. Lamy associations, Tome I, étude 305, n° 17 Pour les intérêts d’une prolongation de la personnalité morale (dans une transformation notamment) voir C. Gavalda, « La personnalité morale des sociétés en voie de liquidation », préc. n°24, p.265. Pour la renaissance de la personnalité morale « pour les besoins de la cause » après liquidation, voir A. Bouilloux, La survie de la personnalité morale pour les besoins de liquidation, Rev. Sociétés, 1994, p. 405 et 406. 228

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le principe d’autonomie. Elle peut donc reprendre les actes conclus pour son compte avant son apparition et elle survit à la dissolution « pour les besoins de la liquidation ». En transposant ces règles du droit des sociétés aux associations, la jurisprudence reconnaît à la personnalité morale les mêmes effets quel que soit le groupement auquel elle s’applique. 366. Toutefois, on l’a vu, la spécificité de l’association et la timidité de la jurisprudence permettent de considérer que l’association est une personne morale particulière et l’application des règles découlant de sa personnification ne saurait se faire ne varietur. 367. Au demeurant, l’association personne morale ne peut faire entendre sa voix que par l’intermédiaire de ses dirigeants. La jurisprudence y accorde une importance non négligeable. Cela sera envisagé à travers l’examen de la responsabilité civile des dirigeants de l’association personnifiée.

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Chapitre 2 : La responsabilité civile des dirigeants de l’association personnifiée 368. Envisager la responsabilité civile des dirigeants d’une personne morale est une entreprise périlleuse. 369. En théorie, l’écran229 de la personne morale ne permet pas d’envisager a priori la responsabilité du dirigeant de la personne morale à l’égard des tiers. Le dirigeant représente la personne morale, il agit pour son compte et dès lors, les fautes qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions engagent la personne morale. En pratique, les recours sont souvent dirigés contre la personne morale, considérée comme beaucoup plus solvable que ses dirigeants. La responsabilité des dirigeants des personnes morales à l’égard des tiers est bien une situation exceptionnelle230. 370. A l’égard des membres du groupement, la responsabilité des dirigeants des personnes morales est considérée comme étant ordinaire231. En effet, la personnification du groupement n’influence pas le régime de responsabilité des dirigeants à l’égard des membres du groupement232. C’est ce qui explique que l’on puisse envisager un régime de responsabilité des dirigeants à l’égard des membres de groupements non personnifiés, telle la société en participation. Toutefois, l’octroi de la personnalité juridique facilite matériellement la réparation du préjudice social233. 371. Deux théories234 ont tenté d’expliquer la responsabilité des dirigeants de la personne morale. Il convient de les reprendre ici pour cerner les fondements de cette responsabilité. 229

M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n°586. M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n°585. Les auteurs parlent de « responsabilité exceptionnelle envers les tiers ». 231 M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n°587. Les auteurs considèrent que la responsabilité du dirigeant envers la société ou les associés est ordinaire. 232 En ce sens, v. J.-C. Pagnucco, L’action sociale ut singuli et ut universi en droit des groupements, thèse Bordeaux IV, novembre 2005, n°358. 233 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n° 358. Ici l’auteur démontre que : « si le groupement n’est pas personnifié, la poursuite de la réparation du préjudice social doit cependant s’opérer en deux temps. Le cas de la société en participation constitue en la matière l’exemple le plus éloquent. La société en participation est une vraie société […] cependant, faute d’immatriculation et d’octroi effectif de la personnalité juridique […], cette réalité n’est pas opposable aux tiers. Chaque associé peut donc agir en responsabilité contre le gérant fautif […] et recueillir personnellement les dommages-intérêts octroyés en réparation de ce préjudice. Il est néanmoins tenu, en vertu de l’acte constitutif de la société occulte, d’affecter les fonds obtenus à la réalisation du but commun poursuivi ». Alors que pour un groupement personnifié, les dommages-intérêts résultant de l’action sociale sont versés directement au groupement, et ce quelque soit la qualité de celui qui l’a initiée en justice, et malgré les frais qu’il a engagés. 234 Pour un exposé des deux théories, v. Lamy associations, étude 268, n°90. 230

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371-1. La première théorie est fondée sur le mandat. Les dirigeants de la personne morale sont des mandataires. En tant que tels, ils doivent rendre compte de leur mission et sont responsables vis-à-vis de l’association dont ils ont reçu mandat. Il a été majoritairement admis que cette théorie, si elle justifie la responsabilité du dirigeant à l’égard de la personne morale, ne permet pas d’expliquer la responsabilité de l’association à l’égard des tiers. 371-2. Cette critique a justifié la seconde théorie, dite organique, selon laquelle les dirigeants, en participant de la structure même de la personne morale, s’identifieraient à elle jusqu’à s’y confondre. Cette théorie présente elle aussi ses limites car, si les dirigeants sont la personne morale comment justifier qu’ils soient responsables envers elle ? 372. La doctrine ne s’accorde guère sur la question et la jurisprudence ne fait pas mieux 235. Le bilan est donc celui de l’incertitude236. Il est préférable de s’en tenir à la casuistique des décisions pour mesurer l’étendue réelle de cette responsabilité plutôt que de se lancer dans la recherche d’une certaine cohésion237. 373. L’examen de cette casuistique en droit associatif permet de se rendre compte de l’ambiguïté des solutions jurisprudentielles. Tantôt les juges transposent les règles du droit des sociétés, comme c’est le cas pour la faute détachable des fonctions ; tantôt ils refusent de transposer des règles, notamment l’action sociale ut singuli. En statuant ainsi, les juges affichent une fâcheuse tendance à déresponsabiliser de fait les dirigeants d’associations tant à l’égard des sociétaires (Section 1) qu’à l’égard des tiers (Section 2).

Section 1 : La déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association à l’égard des sociétaires 374. Lorsqu’ils exercent leurs missions, les dirigeants peuvent commettre des fautes causant un préjudice tant à l’association qu’aux sociétaires. 375. En droit des sociétés, lorsque le préjudice est social, l’action en responsabilité du dirigeant fautif peut être exercé au moyen de deux actions : les actions sociales ut universi238et

235

Pour un exemple clair de contradiction v. G. Wicker, Personne morale, préc. n°76 qui milite en faveur de la thèse du mandat et G. Chabot, Réflexions sur la responsabilité civile de l’association et ses dirigeants, Rép. Du Notariat Defrénois, 15 juill. 1999, n°13-14, n°37 et s. p. 769 et s. Ce dernier milite en faveur de la théorie organique. Quant à la jurisprudence, elle ne fait montre d’aucune cohérence, ce qui impose un examen au cas par cas. 236 Lamy associations, Tome I, étude 268, n°90 et s. 237 Lamy associations, préc. étude 268, n° 90 in fine. 238 C'est-à-dire l’action sociale intentée par les représentants de la personne morale contre les dirigeants fautifs.

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ut singuli239. En revanche, l’associé ayant été personnellement lésé peut intenter une action individuelle240. 376. En droit des associations, les juges admettent également les actions ut universi et individuelle. Toutefois ils ont refusé le bénéfice de l’action sociale ut singuli aux sociétaires, ce qui conduit à déresponsabiliser de fait les dirigeants d’associations. Il convient donc d’évaluer ce refus jurisprudentiel (§1) afin de démontrer l’opportunité de la reconnaissance de l’action sociale ut singuli en droit associatif (§2).

§ 1) L’évaluation du refus jurisprudentiel de l’action sociale ut singuli en droit associatif 377. La Cour de cassation a exclu, en droit des associations, la possibilité d’exercer l’action sociale ut singuli, dans un arrêt du 13 février 1979241. Si l’arrêt a été rendu dans le cadre d’un groupement obligatoire, échappant au régime de droit commun des associations tel qu’il est défini par la vieille loi de 1901, son intérêt pratique dépasse largement ce cadre. En effet, « les principes énoncés par la Cour de cassation peuvent valoir également pour les associations à statut non dérogatoire et […] pour l’ensemble des groupements titulaire de la personnalité morale242 ». 378. Cette précision faite, il apparaît nécessaire d’examiner le fondement de ce refus (A) pour en faire ressortir les limites de cette décision (B).

A – Le fondement du refus : Le défaut d’autorisation légale 379. Les juges ont rendu dans cette affaire un attendu qu’il convient de reproduire : « Sauf exception prévue par la loi, seules les personnes habilitées à représenter une personne morale peuvent intenter une action en justice au nom de celle-ci. Dès lors, viole les dispositions de l’article 32 du NCPC la Cour d’appel qui déclare recevable l’action en dommages-intérêts exercée par un membre d’une fédération départementale de chasseurs, au nom de cet organisme, contre le président de fédération […] ». 380. En statuant ainsi, les juges subordonnent l’exercice de l’action sociale ut singuli à une autorisation légale. L’action sociale ut singuli est donc une action exceptionnelle (2), et l’action sociale ut universi le principe de mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants à l’égard de la personne morale (1).

239

C'est-à-dire l’action sociale intentée par les associés contre les dirigeants sociaux. Par laquelle l’associé demande réparation d’un préjudice qui lui est personnel. 241 Civ. 1ère, 13 févr. 1979, D. 1981, p. 205 et s., note F. Alaphilippe. 242 F. Alaphilippe, note préc. n°4. 240

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1°) Le principe de mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard de la personne morale : L’action sociale ut universi

381. Selon les termes de l’arrêt, seules les personnes investies, à raison d’une disposition légale expresse ou de la règle organique du groupement, du pouvoir de représenter celui-ci en justice, peuvent être admises à le faire243. Il a été démontré que l’exercice de cette action relevait bien des pouvoirs normaux des mandataires sociaux 244. Les associés/sociétaires n’ontils pas abdiqué la possibilité d’exercice de leurs prérogatives en faveur de leurs représentants ? 382. Le raisonnement de la Cour relève donc a priori de la pure logique. L’action sociale ut singuli est une action en justice pour laquelle il faut, en plus d’un intérêt, une qualité pour agir. Or, cette qualité pour représenter la personne morale en justice appartient à ses mandataires. L’action sociale ne peut être admise ut singuli que lorsque le législateur le décide expressément pour un groupement précis245. 383. Par conséquent, l’action sociale ut singuli est donc une action exceptionnelle de mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants à l’égard de la personne morale. 2°) L’action exceptionnelle : L’action sociale ut singuli

384. L’action sociale ut singuli est donc une action exceptionnelle qui déroge aux principes classiques de procédure civile. C’est ainsi qu’en droit des sociétés elle suppose au moins l’inertie des dirigeants. Il s’agit donc d’une action particulière dont la raison d’être réside à la fois dans les effets attendus de sa mise en œuvre et dans les conséquences de l’inertie des organes du groupement à l’exercer246. 385. S’agissant des associations et des groupements autres que les sociétés, l’action sociale ut singuli est proscrite faute d’autorisation légale. Et quand bien même le législateur l’autoriserait, elle serait comme en droit des sociétés conditionnée à l’inaction des mandataires sociaux. C’est pourquoi, l’on peut considérer qu’en droit associatif, en l’état actuel du droit positif, l’action sociale ut singuli est une action doublement exceptionnelle. 386. Cette décision est donc en conformité avec la caractéristique essentielle des groupements personnifiés247. Pour autant faudrait-il exclure l’action sociale ut singuli à défaut 243

J.-C. Pagnucco, L’action sociale ut singuli et ut universi en droit des groupements, thèse, Bordeaux IV, nov. 2005, n°347 in fine. 244 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°273. 245 Comme c’est le cas pour les sociétés. 246 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°276. 247 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°353. Cette caractéristique des groupements personnifiés est selon l’auteur, la possibilité de se doter « d’organes aptes à exprimer la volonté collective ».

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d’autorisation légale ? D’autant plus que, postérieurement à cet arrêt, la jurisprudence 248 puis le législateur ont reconnu que l’action sociale ut singuli était d’application générale en droit des sociétés. 387. Cette décision peut et doit aujourd’hui être critiquée.

B – La critique de la décision 388. Comme l’a si bien démontré un auteur présentant le contexte dans lequel a été rendu cet arrêt, la Cour de cassation a juste voulu endiguer toutes les velléités d’actions provenant d’une initiative individuelle249. Cette décision peut donc être critiquée car elle contribue à déresponsabiliser le dirigeant fautif (1) et est aujourd’hui obsolète (2). 1°) Une solution déresponsabilisant le dirigeant fautif

389. La solution de principe posée par les juges suprêmes contribue à déresponsabiliser le dirigeant fautif dans les groupements considérés. Selon les différents groupements personnifiés, la possibilité d’agir en justice pour le compte de la personne morale est, soit partagée entre un certain nombre de représentants, soit dévolue à un seul et même organe250. 390. En droit associatif, la dévolution du pouvoir de représenter l’association en justice est statutaire. Elle n’appartient au dirigeant d’association que sur habilitation expresse. A défaut de celle-ci, le dirigeant fautif ne peut faire échec au jeu de sa responsabilité en refusant d’exercer l’action sociale ut universi contre lui-même. Mais lorsque ce même dirigeant pourra sur habilitation expresse, représenter l’association en justice, rien ne permet de croire qu’il exercera l’action sociale. En pratique donc, seuls les nouveaux dirigeants habilités ou les autres organes habilités pourront, s’ils le veulent et ne sont pas inertes, véritablement engager la responsabilité du dirigeant fautif. Malheureusement, en cas d’inaction, les sociétaires ne pourront même pas poursuivre le dirigeant fautif. Ce dernier bénéficie alors d’une relative immunité, qui aboutit à le déresponsabiliser de fait. 391. Cette décision est aussi critiquable par son obsolescence.

2°) Une solution obsolète

392. La solution est aujourd’hui obsolète. Pour s’en convaincre il suffit de remonter au contexte de l’arrêt. A une époque où l’action sociale ut singuli n’était pas encore admise dans 248

J-C. Pagnucco thèse préc. n°336 et s. J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°348. 250 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°351. 249

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toutes les sociétés251, la Cour d’appel de Paris252 décida de reconnaître celle-ci comme étant d’application générale à toutes les sociétés. Dès lors, elle décida que les membres d’une SCI étaient tout à fait en droit de l’exercer. Cette décision, dont l’approbation ministérielle fut fortement critiquée, connut finalement une consécration législative253. Aujourd’hui l’action sociale ut singuli est unanimement admise en droit des sociétés254. 393. Il est alors permis de croire que, si cet arrêt avait été rendu après la généralisation législative de l’action sociale ut singuli à toutes les sociétés, les juges n’auraient pas raisonné pareillement. D’autant plus que, cette décision étant demeurée isolée, « force est de constater que le scepticisme exprimé quant à l’exercice de l’action sociale ut singuli au sein des groupements autres que les sociétés résulte davantage du désintérêt des plaideurs que d’une ferme politique jurisprudentielle255». 394. Désormais, rien n’empêche donc de considérer que l’action sociale ut singuli pourrait trouver une application opportune à d’autres personnes morales et notamment aux associations.

§ 2) L’opportunité de la reconnaissance de l’action sociale ut singuli en droit associatif 395. L’extension de l’action sociale ut singuli aux associations est bien une question d’opportunité. D’abord par ce qu’elle est nécessaire au bon fonctionnement de l’association (A), ensuite parce qu’aucun obstacle technique ne se dresse contre son extension aux associations (B).

A – L’action sociale ut singuli, une nécessité pour le bon fonctionnement de l’association 396. En l’état actuel du droit positif, tout milite en faveur de l’extension de l’action sociale ut singuli aux associations. L’absence de démocratie dans les associations est de plus en plus accrue. L’action sociale ut singuli permettrait de protéger la minorité (1) et de lutter contre la dictature de la majorité (2). 1°) Protéger la minorité

251

Elle était uniquement admise pour la plupart des sociétés commerciales en vertu de la loi du 24 juillet 1966. V. Paris, 8 mai 1978, Gaz. Pal., 2 nov. 1978, p. 520 et s., note A. P. S. 253 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°339 et s. 254 V. l’art. 1843-5 du C. civ. institué par loi du 05/01/88 : « […] outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les dirigeants ». 255 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°352 in fine. 252

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397. En droit associatif, les minoritaires bénéficient d’une protection relative voire inexistante256. Toutefois, en l’état actuel du droit, ils ne peuvent exercer l’action sociale ut singuli. Cette action, dont le but est de pallier l’inertie d’une majorité dirigeante, est un véritable atout pour les minoritaires, et même pour le plus petit des minoritaires. 398. L’extension de cette action aux associations permettrait à tout sociétaire ou groupe de sociétaires, quelque soit son droit de vote (fut-il réduit par des clauses statutaires), d’engager en justice la responsabilité du dirigeant fautif envers la personne morale. La minorité se trouverait donc véritablement renforcée, ce qui conduirait à lutter contre la dictature de la majorité. 2°) Lutter contre la dictature de la majorité

399. L’action sociale ut singuli permettrait également de lutter contre une majorité généralement solidaire et autoritaire en droit associatif. Lorsqu’un dirigeant a causé un préjudice social, sa responsabilité n’est en pratique que très peu engagée par les personnes habilitées dans les associations. Cette situation aboutit malheureusement à conférer au dirigeant fautif une réelle immunité dans les associations. 400. Dans ces groupements, on sait que la plupart du temps la dévolution des fonctions s’opère de manière statutaire entre des fondateurs, qui sont généralement de « bons copains ». Dès lors, il est difficilement envisageable que l’un d’eux (ou plusieurs d’entre eux), investi(s) du pouvoir de représenter l’association en justice, engage la responsabilité du dirigeant fautif. Cette réalité est néanmoins beaucoup plus avérée dans les petites associations que dans les grosses structures associatives. 401. L’extension de l’action sociale ut singuli aux associations est donc bien une nécessité pour instaurer un peu de démocratie dans les associations. De plus, il n’existe aucun obstacle technique à son extension aux associations.

B – L’absence d’obstacle technique à l’extension de l’action sociale ut singuli aux associations 402. Il s’agira ici de rechercher le fondement de l’action sociale ut singuli257. Et si cette étude permet de démontrer que ce fondement est le même quelque soit le groupement considéré, on pourra affirmer qu’il n’existe aucun obstacle technique à l’extension de l’action sociale ut singuli aux associations.

256 257

Supra n°158-4. V. J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°274 et s.

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403. De récents travaux sur la matière258 ont révélé que l’action sociale ut singuli était en fait un droit propre du membre du groupement (1) et était recevable en vertu de son caractère conservatoire (2). 1°) L’action sociale ut singuli, un droit propre du membre du groupement

404. Partant du constat que le mandataire social ne fait qu’exercer les prérogatives appartenant à la collectivité des associés, un auteur 259 a pu démontrer qu’il doit répondre des fautes commises dans sa gestion et peut engager sa responsabilité envers chacun de ses mandants. « On peut donc déduire que chacun des membres du groupement peut exercer ut singuli l’action sociale en vertu d’un droit propre260». Ce droit propre est en fait le droit conféré par tout mandant en vertu de l’art. 1992 du C. civ. 405. Le titulaire de l’action sociale ut singuli n’est donc pas la personne morale elle-même mais bien chacun des mandants261. Il semblerait même que le fait que les dommages-intérêts soient versés à la caisse du groupement ne constitue point un obstacle à ce constat, puisqu’elle est justifiée par l’atteinte à l’intérêt commun262. 406. Dès lors, l’action sociale ut singuli doit pouvoir être reconnue aux sociétaires puisqu’ils en sont les véritables titulaires. Toutefois, elle ne peut être exercée qu’à titre conservatoire. 2°) L’action sociale ut singuli, une action à caractère conservatoire

407. La mise en œuvre de l’action sociale ut singuli se heurte nécessairement aux règles d’organisation du groupement, qui confèrent aux représentants le pouvoir d’exercer les prérogatives des membres263. Dès lors, l’action en justice appartient initialement aux personnes habilitées. 408. Mais qu’est-ce qui justifie qu’un membre puisse quand même exercer cette action ? L’exercice de l’action sociale ut singuli n’est possible qu’en cas d’inertie des personnes habilitées. C’est leur inertie, et surtout la crainte de cette inertie, qui justifie qu’un membre puisse exercer ut singuli une action en justice. D’où on a pu dire que « Cet exercice isolé de l’action en responsabilité […] est recevable à raison de son caractère conservatoire, l’associé se prévalant du danger imminent d’extinction de son droit du fait de l’inertie des organes sociaux264».

258

Notamment J.-C. Pagnucco, thèse préc. J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°274. 260 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°274. 261 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n° 353. 262 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°274. 263 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°274. 264 J.-C. Pagnucco, thèse préc. n°276. 259

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Ce raisonnement est admissible en droit associatif. Les sociétaires pourraient également exercer à titre conservatoire l’action sociale ut singuli. 409. Malheureusement, en l’état actuel du droit positif, l’action sociale ut singuli n’est toujours pas admise en droit associatif. Cela conduit à une déresponsabilisation de fait des dirigeants d’association à l’égard des membres de la personne morale. Le même constat est possible à l’égard des tiers.

Section 2 : La déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association à l’égard des tiers 410. Généralement admise en droit des sociétés, la construction prétorienne de la faute détachable des fonctions vient d’être étendue aux associations 265. Désormais, les dirigeants d’associations ne seront responsables personnellement à l’égard des tiers qu’en cas de faute détachable des fonctions. Comme certains dirigeants des sociétés 266, les dirigeants d’associations sont intégrés dans le domaine de cette faute détachable. 411. Dès lors, il s’en suit que les dirigeants concernés par la faute détachable bénéficient d’une « relative immunité » à l’égard des tiers. Cela est particulièrement vrai pour les dirigeants d’associations qui sont des mandataires et pour lesquels elle aboutit à les déresponsabiliser à l’égard des tiers. 412. Par conséquent, cette transposition qui exige l’établissement d’une faute détachable des fonctions (§1) pour engager la responsabilité des dirigeants à l’égard des tiers est en réalité limitée (§2).

§ 1) L’exigence d’une faute détachable des fonctions 413. La faute détachable des fonctions est donc la condition sine qua non pour engager la responsabilité des dirigeants d’associations à l’égard des tiers. Mais à quelles conditions ?

265

Civ. 2ème, 19 févr. 1997, JCP éd. G 1997, I, n°4070, obs. Viney G., RTD civ. 1998, p. 114, obs. Jourdain P. ; Civ. 2ème, 7 oct. 2004, Dr. Sociétés, nov. 2004, p. 17 obs. F. – X. Lucas. 266 Lamy Droit de la responsabilité, coll. Lamy Droit civil étude 483, n°39. Font partie du domaine de la faute détachable des fonctions : Le gérant de SARL (Com. 22 mai 2001 n°98-16.379, Bull. Joly 2001, p. 995, § 228, note Barbiéri J-F.) dont la solution est transposable au gérant de SNC pour la doctrine ; le président du conseil d’administration de la SA (Com. 9 mai 2001, n°98-10.260, Bull. Joly 2001, p. 1020, § 234, note Barbiéri J-F.); les administrateurs (CA Versailles, 17 janv. 2002, Bull. Joly 2002, p. 515, § 111, note Barbiéri J-F.) ; le gérant de SCI (Civ. 3ème, 17 mars 1999, n°97-19.293, RTD com. 1999, p. 690, obs. Monsérié-Bon M.-H.). En revanche, sont exclus du domaine de la faute détachable des fonctions : Les membres du conseil de surveillance et les dirigeants de fait.

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414. En droit des sociétés, on a longtemps déploré l’absence de définition de la faute détachable des fonctions267. Cela n’est plus vrai depuis l’arrêt du 20 mai 2003 268 qui a proposé une définition de cette notion. 415. En droit des associations, en transposant la notion de faute détachable, les juges ont certainement reçu la définition proposée par la jurisprudence commerciale. Toutefois, il sera démontré qu’ils tiennent également compte de la spécificité de l’association. 416. La définition de la faute détachable en droit des associations tient par conséquent compte de la définition classique (A), qui est complétée par un élément nouveau tiré de la spécificité de l’association (B).

A – La définition classique de la notion de faute détachable des fonctions 417. Dans l’arrêt du 2003, les juges ont rendu l’attendu suivant : « La responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute détachable des fonctions […] qu’il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales ». 418. Si la Cour semble donner trois critères de définition de la faute détachable des fonctions269, un examen approfondi de la solution 270 permet de rendre compte qu’elle fournit deux éléments de définition de la notion : Le caractère intentionnel de la faute (1) et sa particulière gravité (2), dans la mesure où la faute détachable est nécessairement incompatible avec l’exercice normal des fonctions de dirigeant271. 1°) Le caractère intentionnel de la faute

419. Il y a faute intentionnelle dès lors qu’un dirigeant – auteur du dommage – a su en agissant comme il l’a fait, qu’il causerait ce dommage, même s’il n’a pas agi dans l’unique dessein de nuire à la victime. Il n’y a pas nécessairement intention de nuire à autrui mais il y a volonté de causer un dommage272. 420. Comme conséquence du caractère intentionnel, il faudrait relever que la faute du dirigeant

fera l’objet d’une appréciation in concreto. De plus, est exclue la faute de

négligence qui est une faute de gestion au grand damne de la doctrine273. 267

Lamy Droit de la responsabilité, préc. étude 483, n°41. Com. 20 mai 2003, D. 2003, p. 2623, note B. Dondero. 269 Faute incompatible avec l’exercice normal des fonctions – Faute intentionnelle – Faute d’une particulière gravité. C’est l’analyse retenue par le Lamy Droit de la responsabilité, préc. étude 483, n° 41. 270 V. notamment M. Cozian, F. Deboissy, A. Viandier, Droit des sociétés, préc. n°268, p. 130. 271 V. en ce sens, Caussain J.-J., Deboissy F. et Wicker G., JCP éd. G 2004, I, n°103. 272 Lamy Droit de la responsabilité, préc. étude 483, n° 41, b). 273 V. notamment Caussain, Deboissy et Wicker obs. préc. p. 71 qui considèrent que cette exclusion est « une prime à (…) l’incompétence ». 268

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421. En droit des associations aucune mention expresse n’a été faite du caractère intentionnel de la faute détachable mais l’on suppose que l’admission de la notion même de faute détachable suffit à exiger ce caractère. Dans un arrêt du 19 février 1997, les juges ont simplement retenu que le seul fait pour un dirigeant de prêter sa notoriété à la personne morale (association) n’était pas suffisant pour caractériser la faute détachable, si toutefois cette notoriété n’a pas été utilisée par l’intéressé comme un engagement à l’appui d’une intervention personnelle en vue d’amener le partenaire à conclure le contrat274. 422. Au demeurant, la faute détachable doit aussi être d’une particulière gravité. 2°) La particulière gravité de la faute

423. Ce critère a été repris de la proposition du Haut Conseiller Métivet, pour qui « seules les fautes commises pour des mobiles personnels (recherche de son propre intérêt, animosité à l’égard de la victime, vengeance…) ou peut-être encore une gravité exceptionnelle excluant l’exercice normal des fonctions, sont susceptibles d’engager la responsabilité personnelle du gérant ou de l’administrateur 275». 424. L’handicap de ce critère est qu’il est particulièrement difficile à établir. La doctrine ne s’accorde guère sur une définition 276. Et la jurisprudence en droit des associations ne nous renseigne malheureusement pas plus277. 425. Toujours est-il qu’il faudrait considérer que les tiers doivent établir que la faute du dirigeant d’association était intentionnelle et d’une particulière gravité. A cela s’ajoute désormais un élément nouveau tiré de la spécificité de l’association.

B – L’élément nouveau tiré de la spécificité de l’association 426. Dans un arrêt du 7 octobre 2003278 la Cour de cassation a estimé que : « La responsabilité personnelle des administrateurs d’une association n’est engagée que s’ils ont commis une faute détachable de leurs fonctions ; Et attendu que l’arrêt retient qu’aucune faute personnelle précise n’est démontrée à l’égard des administrateurs qui ont agi dans le cadre des statuts des associations […] ». Doit donc être considérée, aux termes de cet arrêt, comme détachable des fonctions du dirigeant d’association, la faute commise par le dirigeant d’association qui n’a pas respecté les 274

Civ. 2ème, 19 févr. 1997, JCP éd. G préc. Lamy Droit de la responsabilité, préc. étude 483, n°41, c). 276 Certains auteurs y voient une « faute lourde » : Caussain, Deboissy, Wicker, JCP éd. G 2004 préc., aussi Cozian, Deboissy, Viandier, Droit des sociétés, préc. n° 269 in fine, p.130 et d’autres au contraire excluent cette qualification : Champaud C. et Danet D., Chazal J.-P. et Rheinard Y., RTD com 2003 p.p. 741 et 523 respectivement. 277 La jurisprudence se contente de transposer la construction de la faute détachable à l’univers des associations. 278 Civ. 2ème, 7 oct. 2004, préc. 275

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missions assignées par les statuts (1). Le mérite de cet arrêt est certainement d’avoir respecté la spécificité de l’association, sa portée doit cependant être relativisée (2). 1°) La faute commise par le dirigeant d’association hors ses missions statutaires

427. Comme il a déjà été démontré, les dirigeants d’association sont des mandataires conventionnels. En tant que tels ils tiennent leurs pouvoirs des statuts, et ne peuvent agir audelà des limites statutaires. Allant dans ce sens, la Cour de cassation estime qu’une faute est détachable des fonctions si et seulement si elle ne rentre pas dans le cadre de la mission du dirigeant d’association. En l’espèce279, deux associations de défense de l’environnement ayant agi contre une société de construction en vue de l’empêcher de réaliser un programme immobilier, celle-ci leur avait reproché un excès d’ardeur processive et avait alors assigné ensemble les associations et leurs dirigeants en vue d’obtenir des dommages-intérêts pour procédure abusive. 428. Par cette analyse, les juges ont-ils voulu exclure du champ de la faute détachable toutes les fautes de gestion des dirigeants d’associations, mais aussi toutes les fautes intentionnelles rentrant dans le cadre des missions statutaires des dirigeants ? Sans aller jusque là, il apparaît que la portée de cette nouvelle exigence doit être relativisée. 2°) La portée relative de la nouvelle exigence

429. Il s’agit ici de s’interroger sur la valeur qu’on pourrait attribuer à ce nouveau critère. S’agit-il vraiment d’un nouveau critère ? Une analyse un peu poussée permet peut-être d’entrevoir derrière ces limitations statutaires propres aux associations, l’hypothèse du dépassement de pouvoir. Il s’en suit que le dirigeant qui n’aurait pas excédé ses pouvoirs (statutaires ou légaux) ne saurait voir sa responsabilité personnelle engagée par des tiers. La faute détachable des fonctions n’implique-t-elle pas implicitement que la faute soit commise hors les limites du pouvoir du dirigeant concerné ? 430. Dans le cadre de cette étude, il sera considéré que le Cour n’a pas élargi les critères classiques de la notion de faute détachable des fonctions280. Elle a tout simplement voulu marquer son désir de ne pas dénaturer l’association. Dès lors, il existe une seule définition de la faute détachable des fonctions pour tous les dirigeants concernés et ce quelque soit la personne morale considérée. 431. Plutôt que d’exalter cette soi-disant adaptation de la faute détachable des fonctions aux associations, c’est l’étendue de ses limites qu’il convient d’envisager. 279 280

Civ. 2ème, 7 oct. 2004, préc. Contre F-X Lucas, note sous Civ. 2ème, 7 oct. 2004, préc.

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§ 2) Les limites de cette transposition 432. La transposition de la faute détachable aux associations pose un certain nombre de problèmes, et en cela elle est limitée. Ces limites tiennent tant à la notion de faute détachable elle-même (A) qu’au statut particulier du dirigeant d’association (B).

A – Les limites tenant à la notion de faute détachable 433. La notion de faute détachable des fonctions présente de réelles incertitudes. Certes, la Cour de cassation doit être approuvée dans sa tentative de définition de cette notion 281. Mais l’approbation ne saurait exclure, lorsqu’elle est nécessaire, la critique. Dès lors, la construction de la faute détachable doit être relativisée car elle est limitée tant en ce qui concerne la preuve du caractère « détachable » de la faute du dirigeant (1) que sa mise en œuvre (2). 1°) Les limites liées à la preuve du caractère « détachable » de la faute du dirigeant

434. Il semble impossible de déterminer le caractère détachable de la faute du dirigeant. En effet, le comportement fautif n’est jamais totalement indépendant des fonctions 282. Il existe une catégorie d’actes qui, tout en ayant été accomplis à l’occasion de l’exercice des fonctions, se détachent plus ou moins nettement de la poursuite de l’œuvre commune et causent aux tiers un préjudice, par imprudence, maladresse, négligence ou même en connaissance de cause283. Que fera alors le tiers ? Doit-il engager individuellement la responsabilité du dirigeant ou alors celle de la personne morale ? Doit-il engager conjointement les deux ? 435. Suite à ces difficultés qu’il y a à établir le caractère détachable de la faute du dirigeant, diverses solutions ont été proposées en doctrine. 435-1. Il a ainsi été proposé de remplacer purement et simplement la notion de faute détachable par celle de faute lourde ou dolosive 284. Cette démarche aurait l’avantage de ne plus avoir comme référence principale les fonctions du dirigeant. 435-2. Il a aussi été proposé de se fonder sur la gravité de la faute commise par le dirigeant 285. Lorsque ce dernier aura commis une faute légère, l’association sera engagée et en cas de faute lourde, sa responsabilité personnelle doit pouvoir être retenue à l’égard des tiers. 281

En ce sens, Lamy associations, préc. étude 483, n°41 : « La critique est sévère car toute définition par nature comporte des limites délicates à tracer. Faut-il rappeler la difficulté qu’il y a, d’une manière générale, à qualifier la notion de faute en droit privé ». 282 B. Petit et Y. Reinhard, La responsabilité civile des dirigeants, RTD com. 1997, 282, spéc. p. 292. 283 P. Hoang, La protection des tiers face aux associations, Thèse préc. n°370, p. 423. 284 B. Petit et Y. Reinhard, La responsabilité civile des dirigeants, préc. ; G. Auzero, Responsabilité personnelle des dirigeants sociaux et des préposés : l’application de la notion de faute détachable des fonctions en droit privé, D. Aff. 1998, p. 502. 285 P. Hoang, Thèse préc. n°370, préc. et n° 371 p. 424.

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436. Malgré ces propositions doctrinales, la notion de la faute détachable reste encore incertaine à mettre en œuvre. 2°) Les limites liées à la mise en œuvre de la faute détachable

437. Il s’agit ici de supposer que la faute du dirigeant soit effectivement « détachable » de ses fonctions. Comment le tiers pourra-t-il la mettre en œuvre et engager la responsabilité du dirigeant ? En principe il lui suffira d’établir que cette faute a été intentionnelle et/ou d’une particulière gravité. Mais le Cour ne nous dit pas si ces critères sont alternatifs ou cumulatifs. 438. De plus ces critères sont difficiles à mettre en œuvre. En effet, alors que la faute intentionnelle exclut la faute de gestion et a pour corollaire que le dirigeant ne puisse être mis en cause au titre de sa gestion que dans le cadre d’une procédure collective, la faute d’une particulière gravité n’est pas simple à définir. 439. Les propositions pour pallier ces incertitudes abondent. Certaines d’entre elles tendent à considérer que le tiers n’aurait qu’à établir la faute lourde pour mettre en œuvre la responsabilité du dirigeant286. D’autres en revanche proposent que les tiers établissent la fraude du dirigeant287. 440. On le voit, le critère de faute détachable des fonctions, apparemment souple, se révèle complexe à l’analyse. Parce qu’elle est particulièrement difficile à établir, elle confère une immunité réelle aux dirigeants. 441. Au-delà, la construction de la faute détachable ne sied pas parfaitement au dirigeant d’association. Il existe donc des limites tenant au statut particulier du dirigeant d’association.

B – Les limites tenant au statut particulier du dirigeant d’association 442. Le dirigeant d’association étant un mandataire (1), sa rémunération est facultative (2). L’application de la faute détachable à ces dirigeants doit donc être limitée. 1°) Les limites découlant de la qualité de mandataire du dirigeant

443. On l’a vu le dirigeant d’association est bien un mandataire conventionnel à la différence du dirigeant de société que l’on considère souvent comme un représentant légal. Au sens de l’art. 1992 al. 1er du C. civ. « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ». Aucune distinction n’est donc faite entre les fautes détachables de ses fonctions et celles qui ne le seraient pas. Dès lors, le dirigeant d’association devrait être responsable de toutes les fautes qu’il commet au cours de sa mission 286 287

J.-J. Caussain, F. Deboissy, G. Wicker, JCP éd. G 2004 préc. R. Viricelle, Responsabilité personnelle des dirigeants : notion de faute séparable, RJDA 8-9/03, p. 717.

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à l’égard des tiers. La Cour de cassation fait une application constante de ces principes directeurs de la responsabilité des mandataires288. 444. L’application de la faute détachable trouve donc ici, une application délicate. Pris comme mandataires, les dirigeants d’associations ont un régime de responsabilité plus favorable aux tiers. La faute détachable des fonctions, appliquée aux dirigeants d’associations les déresponsabilise sérieusement à l’égard des tiers. 445. D’autres limites découlent aussi du caractère facultatif de sa rémunération. 2°) Les limites découlant du caractère facultatif de la rémunération du dirigeant

446. Au sens de l’al. 2 de l’art. 1992 du C. civ. « Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ». En pratique la plupart des dirigeants d’associations sont des bénévoles qui exercent leurs missions à titre gratuit. 447. Or la faute détachable des fonctions a initialement été construite pour des personnes qui perçoivent une rémunération : fonctionnaires, dirigeants des sociétés. Dès lors, l’application de la faute détachable des fonctions aux dirigeants d’associations est encore limitée. Pour ces raisons, la construction de la faute détachable en matière d’associations aboutit à déresponsabiliser les dirigeants de ces personnes morales à l’égard des tiers. 448. C’est donc un véritable parcours du combattant pour le tiers que de chercher à engager la responsabilité des dirigeants d’association : Outre les difficultés à établir le caractère détachable de la faute, il leur faut surtout la caractériser (ce qui n’est pas moins difficile). 449. Tout cela alors même que les dirigeants d’associations sont des mandataires dont on pourrait engager la responsabilité pour toutes les fautes commises dans l’exercice de leurs missions.

Conclusion du chapitre 2 450. L’analyse du régime de responsabilité des dirigeants de l’association personnifiée permet de rendre compte qu’en dépit des faits générateurs de la responsabilité, les dirigeants fautifs bénéficient d’une relative immunité. Ce constat aboutit à une véritable déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association personnifiée tant à l’égard des sociétaires que des tiers.

288

V. notamment Civ. 1 ère 1984, Bull. Civ. 1984, I, n°47, p. 41 : « Mais attendu que le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu’il peut commettre à leur préjudice dans l’accomplissement de sa mission, la faute pouvant consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif […]».

73


451. Pourtant, si l’on revenait au contrat de mandat, pour considérer les dirigeants des personnes morales comme des mandataires sociaux, l’on pourrait mettre fin à cette déresponsabilisation de fait. En effet, le contrat de mandat permet de justifier la responsabilité des dirigeants à l’égard de la personne morale et l’exercice de l’action sociale ut singuli par les membres de cette personne morale. Le contrat de mandat permettrait aussi de justifier la responsabilité à l’égard des tiers et la faute détachable des fonctions. Cette dernière pourrait alors être exigée uniquement pour les tiers ayant contracté avec le mandant sans l’intermédiaire du mandataire. En revanche, les tiers qui auraient contracté avec le mandant par l’intermédiaire de son mandataire ne seraient tenus que d’établir la faute simple de ce dernier pour engager sa responsabilité.

Conclusion du Titre 2 452. L’attribution de la personnalité morale à l’association emporte, comme c’est le cas pour la société, un certain nombre de conséquences. Ces conséquences, on l’a vu, se retrouvent tant au niveau de sa constitution, de sa dissolution que de la responsabilité civile de ses dirigeants. L’application du droit des sociétés aux associations, à ce stade du raisonnement, peut être considéré comme étant la reconnaissance de l’existence de principes communs aux personnes morales. Toutefois, certains de ces principes (la survie de la personnalité juridique pour les besoins de liquidation ; la reprise des engagements) ne sauraient s’appliquer ne varietur d’une personne morale à l’autre, car si le concept de la personnalité morale est unique, les personnes morales sont distinctes.

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CONCLUSION GENERALE 453. L’étude de l’application du droit des sociétés aux associations permet de retrouver derrière les règles qui sont transposées une identité de régime entre l’association et la société. Elles sont en effet créées par des actes juridiques et peuvent être dotées de la personnalité juridique par le législateur. En reconnaissant cela, les juges ne dénaturent point l’association. Ils recourent simplement par analogie au droit des sociétés, lorsque cela est nécessaire pour l’appliquer à des situations identiques. Malgré l’opposition que laisse supposer la lecture des articles 1er de la loi de 1901 et 1832 du C. civ., l’association ne se situe pas aux antipodes de la société. Aussi, en dépit de leurs finalités différentes, les fondements de l’acte juridique et de la personnalité morale révèlent l’existence de règles communes : L’interdiction d’augmenter les engagements d’un membre sans son consentement, la dissolution pour justes motifs, l’incident de séance, l’abus de majorité, la nullité des délibérations, la reprise des engagements, la survie de la personnalité juridique pour les besoins de liquidation, l’action sociale ut singuli et la faute détachable des fonctions. 454. Plus subtilement, l’application du droit des sociétés aux associations permet aussi d’imaginer pour l’avenir les voies de rapprochement des groupements volontaires de droit privé. Ce rapprochement pourra être direct à travers l’élaboration d’un droit commun des groupements. Il pourra aussi être indirect en réformant envers et contre tous, la loi de 1901. Celle-ci, sans totalement être enterrée, peut être modernisée en supprimant, par exemple, les entraves obsolètes à la capacité de l’association personnifiée, en tenant compte de la représentation des victimes de dommages de masse par les associations au moyen de l’instauration en France de l’action de groupe. Puisque ce travail relève du domaine du législateur, il ne reste plus qu’à attendre.

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 L’abus de Majorité Com. 18 avril 1961, JCP G 1961, p. 12164, note D. B. Civ. 1re, 4 avril 2006, JCP éd Entreprise, n° 40, 5 oct. 2006, note F-X Lucas.  La nullité des décisions d’AG d’associations 

La non-retroactivité

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Civ. 1re, 19 nov. 1991, RTDcom. 1992, p.413, no 18 obs. E Alfandari.

-

Civ. 1re, 27 juin 2000, Rev. sociétés 2001, p.105, note D. Randoux.

Le rejet de la théorie du vote utile

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TABLE DES MATIERES

L’APPLICATION DU DROIT DES SOCIETES AUX ASSOCIATIONS................................................1

Liste des abréviations.................................................................................................................2 SOMMAIRE...............................................................................................................................................4

INTRODUCTION GENERALE...............................................................................................5 Titre I : L’application du droit des sociétés à l’association acte juridique............................10 Chapitre 1 : L’association, acte de volonté...................................................................................11 Section 1 / La volonté, condition de validité des décisions modificatrices des statuts : L’interdiction d’augmenter les engagements d’un sociétaire sans son consentement..........................................................12 § 1) Le fondement retenu : L’art. 1134 du Code civil..............................................................................12 A – Le mérite de la solution : L’association, contrat...........................................................................12 1°) Le contrat d’association, loi des parties seulement...................................................................13 2°) Le contrat d’association, loi de toutes les parties......................................................................13 B – Les limites de la solution...............................................................................................................13 1°) la référence aux statuts..............................................................................................................14 2°) Les limites de la référence aux statuts.......................................................................................14 § 2) Le fondement souhaitable : L’art. 1836 du Code civil......................................................................15 A – L’évidence de la transposition.......................................................................................................15 1°) La décision modificatrice des statuts........................................................................................15 2°) L’augmentation des engagements des membres du groupement..............................................15 B – L’efficacité de la transposition......................................................................................................16 1°) L’art. 1836 du Code civil en droit des sociétés.........................................................................16 2°) Les conséquences de l’application de l’art. 1836 aux associations...........................................17 Section 2 / La volonté, condition de survie de l’acte.....................................................................................17 § 1) La transposition de la dissolution pour justes motifs........................................................................18 A – Le fondement contractuel..............................................................................................................18 1°) La méconnaissance des obligations contractuelles...................................................................19 2°) La perte de confiance réciproque..............................................................................................20 B – L’art. 1844-7-5, principe commun de dissolution.........................................................................20 1°) La qualité pour agir...................................................................................................................21 2°) La gravité de la mésentente.......................................................................................................21 § 2) Les probabilités de transposition des autres dispositions de l’art. 1844-7 du Code civil..................22 A – Les transpositions probables.........................................................................................................22 1°) Les causes de dissolution issues du droit commun des contrats...............................................23 2°) Les causes de dissolution résultant de la volonté des associés.................................................23 B – Les transpositions improbables....................................................................................................23 1°) La réunion de toutes les parts sociales entre une seule main....................................................23 2°) La dissolution pour liquidation judiciaire.................................................................................23

Conclusion du Chapitre 1..............................................................................................................24 Chapitre 2 : L’association, acte d’organisation............................................................................25 Section 1 : L’organisation du pouvoir...........................................................................................................25 § 1) Le renforcement des pouvoirs des dirigeants....................................................................................26 A – L’extension des pouvoirs du président d’association...................................................................27 1°) Les pouvoirs internes du président............................................................................................27 2°) Les pouvoirs externes du président...........................................................................................28 B – L’appréciation de la transposition des pouvoirs............................................................................28 1°) Les mérites de la transposition..................................................................................................29 2°) Les limites de la transposition...................................................................................................30 § 2) La révocation des dirigeants..............................................................................................................31 A – La prise en compte de l’incident de séance...................................................................................31

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1°) Les conditions de l’incident de séance......................................................................................32 2°) L’incident de séance : principe commun des groupements.......................................................32 B – La relativité de cette prise en compte............................................................................................33 1°) L’incident de séance : Une modalité de révocation ad nutum...................................................33 2°) L’inutilité de la transposition.....................................................................................................33 Section 2 : La possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation.................................................34 § 1) L’abus de droit...................................................................................................................................34 A – L’abus de majorité.........................................................................................................................35 1°) Les éléments constitutifs...........................................................................................................35 2°) L’éventualité d’un principe commun........................................................................................36 B – Les autres abus du droit de vote...................................................................................................37 1°) Les obstacles à la transposition.................................................................................................37 2°) Les raisons d’espérer.................................................................................................................38 § 2) Les sanctions de l’abus......................................................................................................................39 A – Le régime de l’action en nullité....................................................................................................39 1°) La qualité pour agir...................................................................................................................39 2°) La prescription de l’action........................................................................................................39 B – Les effets de la nullité...................................................................................................................40 1°) L’illogisme de la transposition..................................................................................................40 2°) L’isolement de la transposition..................................................................................................41

Conclusion du Chapitre 2..............................................................................................................41 Conclusion du Titre 1.....................................................................................................................42

Titre II : L’application du droit des sociétés à l’association personne morale.....................43 Chapitre 1 : Les effets liés à la personnification de l’association................................................45 Section 1 : L’effet sur la constitution de l’association : La reprise des engagements...................................45 § 1) L’admission de principe de la reprise en droit associatif...................................................................46 A – L’admission indirecte....................................................................................................................46 1°) La motivation retenue...............................................................................................................46 2°) La reconnaissance implicite de la reprise..................................................................................47 B – L’admission directe.......................................................................................................................47 1°) Le sort du cautionnement souscrit par l’association non personnifiée......................................47 2°) La sort des autres actes conclus avant la personnification de l’association..............................48 § 2) Les obstacles à l’admission définitive de la reprise en droit associatif.............................................49 A – Les incertitudes de la solution.......................................................................................................49 1°) Les modalités de la reprise........................................................................................................49 2°) Les effets de la reprise...............................................................................................................50 B – La portée relative de la solution...................................................................................................50 1°) Le principe de la reprise en droit associatif : une construction fragile.....................................50 2°) Le refus de l’article 1843 comme fondement commun du principe de la reprise....................50 Section 2 : L’effet sur la disparition de l’association : La survie de la personnalité juridique pour les besoins de liquidation....................................................................................................................................51 § 1) L’opportunité de l’application de la règle aux associations..............................................................52 A – Les obstacles à l’application ne varietur de la règle aux associations..........................................52 1°) Les obstacles juridiques............................................................................................................52 2°) Les obstacles factuels................................................................................................................53 B – La nécessité de l’application de la règle aux associations............................................................53 1°) La nécessité de liquider.............................................................................................................54 2°) La nécessité de garantir les intérêts des différents protagonistes..............................................54 § 2) L’application de la règle aux associations.........................................................................................55 A – La limitation de la personnalité juridique quant aux actes............................................................55 1°) Les actes antérieurs...................................................................................................................55 2°) Les actes postérieurs.................................................................................................................55 B – La limitation de la personnalité juridique dans le temps...............................................................56 1°) La fin de la personnalité juridique avec la dévolution des biens..............................................56 2°) La renaissance de la personnalité juridique après dévolution des biens...................................56

Conclusion du chapitre 1...............................................................................................................58

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Chapitre 2 : La responsabilité civile des dirigeants de l’association personnifiée.....................59 Section 1 : La déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association à l’égard des sociétaires............60 § 1) L’évaluation du refus jurisprudentiel de l’action sociale ut singuli en droit associatif.....................61 A – Le fondement du refus : Le défaut d’autorisation légale..............................................................61 1°) Le principe de mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard de la personne morale : L’action sociale ut universi................................................................................62 2°) L’action exceptionnelle : L’action sociale ut singuli.................................................................62 B – La critique de la décision..............................................................................................................63 1°) Une solution déresponsabilisant le dirigeant fautif...................................................................63 2°) Une solution obsolète................................................................................................................64 § 2) L’opportunité de la reconnaissance de l’action sociale ut singuli en droit associatif........................64 A – L’action sociale ut singuli, une nécessité pour le bon fonctionnement de l’association...............64 1°) Protéger la minorité...................................................................................................................65 2°) Lutter contre la dictature de la majorité....................................................................................65 B – L’absence d’obstacle technique à l’extension de l’action sociale ut singuli aux associations......65 1°) L’action sociale ut singuli, un droit propre du membre du groupement...................................66 2°) L’action sociale ut singuli, une action à caractère conservatoire..............................................66 Section 2 : La déresponsabilisation de fait des dirigeants de l’association à l’égard des tiers......................67 § 1) L’exigence d’une faute détachable des fonctions..............................................................................67 A – La définition classique de la notion de faute détachable des fonctions........................................68 1°) Le caractère intentionnel de la faute.........................................................................................68 2°) La particulière gravité de la faute..............................................................................................69 B – L’élément nouveau tiré de la spécificité de l’association..............................................................69 1°) La faute commise par le dirigeant d’association hors ses missions statutaires.........................70 2°) La portée relative de la nouvelle exigence................................................................................70 § 2) Les limites de cette transposition......................................................................................................71 A – Les limites tenant à la notion de faute détachable.......................................................................71 1°) Les limites liées à la preuve du caractère « détachable » de la faute du dirigeant....................71 2°) Les limites liées à la mise en œuvre de la faute détachable......................................................72 B – Les limites tenant au statut particulier du dirigeant d’association...............................................72 1°) Les limites découlant de la qualité de mandataire du dirigeant................................................73 2°) Les limites découlant du caractère facultatif de la rémunération du dirigeant..........................73

Conclusion du chapitre 2...............................................................................................................74 Conclusion du Titre 2.....................................................................................................................74

CONCLUSION GENERALE..................................................................................................75 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................76 TABLE DES MATIERES.........................................................................................................................80 RESUME (SUMMARY)............................................................................................................................83

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RESUME (SUMMARY) L’application du droit des sociétés aux associations par les juges est de plus en plus affirmée malgré les vives protestations qu’elle a suscitées. Il a ainsi été prétendu, que cette transposition jurisprudentielle dénaturerait l’association. Celle-ci n’est-elle pas constituée « dans un but autre que de partager des bénéfices » à la différence de la société ? Mais, derrière cette crainte d’un droit associatif dénaturé, se cache en réalité l’ombre de la sacro-sainte loi de 1901 à laquelle il ne faut surtout pas toucher ! Cependant, l’examen de la jurisprudence permet de révéler, au-delà des finalités particulières qui justifient leurs différences, des similitudes réelles entre l’association et la société. En effet, l’association et la société sont bien crées par des contrats, ou plus précisément par des actes juridiques. L’acte juridique va alors donner naissance à un groupement organisé. Cette organisation étant limitée dans ses effets notamment vis-à-vis des tiers, l’attribution de la personnalité morale tant pour l’association que la société va devenir une nécessité. Dès lors il est possible de dégager des règles communes qui tiennent d’une part à leur nature d’acte juridique et d’autre part à l’attribution de la personnalité morale. Ce sont ces règles qui justifient l’application du droit des sociétés aux associations.

The application of company law to associations/societies is more and more frequent despite the strong protests which it raises. It was thus claimed, that this jurisprudential transposition misrepresents the association. An association, is it not created "with an aim other than splitting the profits" as opposed to a corporate company? But, behind this fear of misrepresenting the right to associate, hides in actual fact the shadow of the sacrosanct law of 1901 which one must absolutely not touch! However, the study of case law reveals, beyond the specific purposes which justify their differences, real similarities between an association and a company. Indeed, the association and the company are both created by contracts, or more precisely by legal acts. The legal act leads to the creation of an organised group. This organisation being limited in its efforts notably with respect to third parties, becoming a legal entity as much for an association as for a company will become a necessity. Thus it is possible to establish common rules which relate, on the one hand, to the legal act, and on the other hand to becoming a legal entity. It is these rules which justify the application of Company law to associations.

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