FIOR di BARBA. La barbe dans l'Art du XVIe au XXIe siècle, entre Sacré et Profane.

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notoriété dans sa ville natale. Dans ces années le débat critique sur l’aspect formel du portrait est particulièrement animé. Pour un retour à « l’honneur » - comme composant naturel du portrait, lointain des idéalisations excessives – il faut se plonger dans les écrits de Gian Paolo Lomazzo et de Giovan Battista Armenini, ainsi que ceux du cardinale Paleotti Passerotti qui écrit, justement, son traité sur les images à Bologne. Sensible à cette exhortation, Passerotti ne renonce pourtant pas à la tradition du portrait émilien, influencé par les artistes flamands, Moroni et les Bassano. Il réussit ainsi à recréer autour de ses personnages démonstratifs et guindés une note d’atmosphère ou de récit, avec une cordialité prosaïque voire ironique100. Dans ce tableau (fig.21)101, on ne voit que le visage d’un Gentilhomme, un homme âgé, à la peau livide et transparente, qui paraît « en acte de foudroyer avec les yeux102 » le spectateur. Les imperfections du visage ne sont pas cachées, les veines s’entrevoient sur les tempes, les rides signent sans pitié les contours des yeux et la lèvre inférieure, trop prononcée, crée un espace sous forme de tache rose au milieu d’une barbe blanche épaisse et moelleuse. C’est l’honneur du menton qui souligne le caractère de cette figure masculine, avec cette barbe sans égal qui confère une sévérité accentuée à la figure. La forme de la barbe en queue d’hirondelle103, portée aussi avec une grande dignité par César Borgia, portraituré par Raffaello104 , est une variante plus rare de la barbe à une seule pointe dont la version, légèrement plus courte, est typique de la région de Venise, comme on peut le voir dans ce magnifique Portrait de gentilhomme (fig.22)105 de Leandro Bassano (Bassano 1557 – Venise 1622). Les dimensions de la peinture consentent une représentation de la figure presque en pied, jusqu’aux genoux. Ce format de portrait était de plus en plus courant dans le milieu vénitien de cette période car il permettait l’insertion de certains attributs intéressants. L’homme serre avec la main gauche la garde de

A. Ghirardi, Bartolomeo Passerotti pittore (1529-1592), catalogo generale, Rimini 1990, p. 53.

100

Bartolomeo Passerotti, Portrait d'un homme, huile sur toile, fin XVIe siècle, 40,5x31,7 cm; oeuvre inédite.

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C. C. Malvasia, Felsina pittrice, Bologna 1841, I, p. 190.

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Passerotti a utilisé pour la forme de cette barbe celle de la figure du Christ de la toile de la Résurrection avec la Madonne en prière, Bologne, Pinacoteca Nazionale, inv. 1360 et pour d’autres représentations les images de saint François et saint Antoine cfr. A. Ghirardi, Bartolomeo Passerotti pittore (1529-1592), catalogo generale, Rimini 1990, pp. 181, 190-191.

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Oeuvre aujourd’hui conservée dans la collection Rotschild à Paris.

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Leandro Bassano, Portrait d'un gentilhomme, huile sur toile, fin XVIe - début XVIIe siècle, 102 x 81 cm, oeuvre inédite.

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