Syndicats #5 - 2020

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N° 5 ‱ Mai 2020

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International | Bangladesh

Au Covid s’ajoute un drame social dans le secteur textile Entre annulation de commandes, lockdown et pertes de salaires, les travailleurs et travailleuses textiles au Bangladesh paient trùs cher la crise actuelle. Outre les risques sanitaires, le pays, deuxiùme atelier textile aprùs la Chine, subit une crise sociale majeure.

A

prĂšs l’annonce du lockdown le 25 mars dernier, de nombreuses usines de confection ont fermĂ© et des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs sont retournĂ©s dans leurs villages. À la fin de cette pĂ©riode (annoncĂ©e jusqu’au 4 avril), toutes et tous ont Ă©tĂ© contraints de retourner Ă  l’usine pour reprendre le travail et espĂ©rer toucher leur salaire de mars (l’équivalent de 82 Ă  100 €). Alors que les transports publics restaient Ă  l’arrĂȘt, certains sont venus Ă  pied ou par des moyens non conventionnels. À leur retour au travail, nombre d’entre eux ont Ă©tĂ© informĂ©s de la prolongation des fermetures, voire de la perte de leur emploi. Ils sont, pour la plupart, repartis sans leur salaire de mars. Avec la fermeture des magasins et la baisse de la consommation d’habillement sur les marchĂ©s internationaux — dont le Bangladesh dĂ©pend pour 84 % de ses revenus Ă  l’exportation —, l’industrie a dĂ» faire face aux annulations de commandes en cours, et Ă  l’absence de nouveaux engagements. Le manque Ă  gagner gĂ©nĂ©rĂ© par ces annulations s’élevait dĂ©jĂ  Ă  2,94 milliards de dollars au 1er avril 2020. Un sondage de fournisseurs bangladeshi effectuĂ© fin mars 2020 indiquait que plus de la moitiĂ© d’entre eux ont vu la majoritĂ© des commandes en cours de production ou finalisĂ©es annulĂ©es par les marques de vĂȘtements. Selon ce mĂȘme sondage, 72,1 % de ces annulations ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es sans payer les matiĂšres premiĂšres dĂ©jĂ  achetĂ©es par le fournisseur et 91,3 % sans payer les coĂ»ts de fabrication. RĂ©sultat : les travailleuses et les travailleurs finissent par en payer le prix. La premiĂšre responsabilitĂ© des marques et enseignes vis-Ă -vis de leur filiĂšre est de payer leurs commandes et de mettre en place des systĂšmes financiers qui garantissent la rĂ©munĂ©ration intĂ©grale des travailleuses et des travailleurs pendant toute la durĂ©e de la crise, faute de quoi ces derniers perdront tout moyen de subsistance, sans sĂ©curitĂ© de retrouver leur emploi. La premiĂšre responsabilitĂ© des marques et enseignes est de payer leurs commandes et de mettre en place des systĂšmes financiers qui garantissent la rĂ©munĂ©ration intĂ©grale des travailleuses et des travailleurs pendant toute la durĂ©e de la crise, faute de quoi ces derniers perdront tout moyen de subsistance, sans sĂ©curitĂ© de retrouver leur emploi. InterpellĂ©s par des organisations de dĂ©fense des travailleurs, certains gros acheteurs internationaux rĂ©ticents ont acceptĂ© de payer pour leurs commandes dĂ©jĂ  en production. Cependant, Ă  ce jour, un nombre important de gros acheteurs du Bangladesh, notamment C&A, Primark, Gap et Bestseller (Vero Moda, Jack & Jones, Only, etc.), refusent de payer leurs commandes dĂ©jĂ  exĂ©cutĂ©es. Avec son rĂ©seau international, achACT continue Ă  interpeller ces entreprises. n

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Ranu travaillait dans une usine fabriquant depuis dĂ©jĂ  longtemps des sweaters pour C&A. Elle a perdu son travail lorsque les marques ont annulĂ© leurs commandes Ă  cause de la crise du Covid-19. Elle s’inquiĂšte :

’’

Tout me paraĂźt sombre maintenant que j’ai Ă©tĂ© licenciĂ©e. Je ne sais pas comment nous allons survivre dans les jours prochains. Le petit commerce de biscuits ambulant de mon pĂšre ne rapporte pas grandchose. Et plus rien depuis le lockdown. Va-t-on Ă  nouveau souffrir de la faim ? Comment vais-je pouvoir soutenir les frais scolaires de mes deux petits frĂšres ?


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