L'apnée - Les clés pour bien pratiquer la plongée libre

L'APNÉE

Les clés pour bien pratiquer la plongée libre

Sébastien Grandjean • Laëtitia Minier

Préface de Jean-Marc Barr

Préface

J’ai vu la mer pour la première fois, j’avais 7 ans, à Santa Monica en Californie. J’étais tellement excité que j’y suis entré en courant ! J’y ai perçu à la fois les peurs d’un appel, celui d’un monde inexploré, le bleu infini, mais aussi toute la force de la nature. Ces premières sensations de l’eau étaient troublantes voire inquiétantes et, je ne le savais pas encore, mais des années plus tard, avec Jean Reno, comme acteurs du film Le Grand Bleu, nous allions pousser les portes de l’apnée pour le grand public. Cette pratique est née grâce à des hommes qui ont affronté la mer sans en connaître les dangers, pour conquérir, pour travailler et par nécessité. Beaucoup plus tard, une poignée de passionnés, comme Enzo Maiorca et Jacques Mayol, qui fut le premier à descendre à 100 mètres sans bouteille, ont, dans les années 1970, ouvert la voie de la compétition avec des records extraordinaires. Le génie de Luc Besson est d’avoir su, avec son film, raconter dans une fable cette épopée légendaire et susciter les vocations de plusieurs générations de plongeurs, en apnée comme en bouteille.

Je me souviens que, lors du tournage, j’ai décidé un soir que j’allais faire une apnée la nuit. Je suis allé en mer, descendre à 8 ou 10 mètres de profondeur… quelque chose comme ça. Et là,

dans un instant magique, se dessinèrent alors des silhouettes de dauphins. L’un d’eux est venu à ma rencontre, glisser son flanc contre moi et m’offrir son aileron pour me remonter. Ensemble nous avons fait le tour de la baie. J’ai ressenti, physiquement, pour la première fois, toute la force d’un être mû par une vraie sensation de liberté. Je me suis alors imprégné de la même philosophie que Jacques Mayol, lui qui était devenu mon ami. Déjà à l’époque il essayait de sensibiliser les autres au rapport spirituel avec la nature et l’élément de l’eau dont l’homme est issu, dont il fait partie. Cette dimension n’a jamais été pour moi aussi vraie qu’aujourd’hui face aux bouleversements climatiques.

J’ai un jeune garçon et je ne voudrais pas lui laisser l’impression que les dégâts continuent et qu’on les ignore. Je suis quelqu’un qui les a ignorés longtemps, mais maintenant, mes envies d’activisme et de militantisme sont devenues plus fortes. À l’image de Laëtitia Minier, engagée, comme de nombreux autres bénévoles, pour la plongée libre au sein de la Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM), dont l’un des enjeux statutaires est la protection de l’environnement, je fais de mon mieux pour faire le saut de celui qui est complice à celui qui résiste.

C’est d’ailleurs en visant cet objectif qu’aux côtés d’Alice Modolo, Pierre Frolla et Arthur Guérin-Boëri, apnéistes emblématiques, Jean-Louis Blanchard, qui était alors président de la fédération, Sébastien Grandjean et moi-même avions été précurseurs en défendant l’intégration de l’apnée aux Jeux olympiques. La mise en lumière de cette dernière permettrait en effet de transmettre ses valeurs et de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de la protection, de la biodiversité et de la préservation des ressources en eau. Vous l’aurez compris, la plongée libre, dont on découvre encore chaque jour les

nombreux bienfaits, n’est pas qu’une activité sportive. C’est aussi un état d’esprit qui conduit à la symbiose entre l’élément aquatique, l’âme, et bien sûr la nature. Personne n’est mieux placé que l’apnéiste pour être le témoin des blessures infligées aux fonds marins, connaître la valeur d’un seul souffle et de la vie elle-même. Bien que ce sport soit facile d’accès à tout âge et économique, pour vivre l’aventure dans les meilleures conditions, il vous faudra en connaître les codes. C’est pourquoi cet ouvrage est destiné à vous livrer les clés pour débuter, progresser et choisir la pratique qui vous ressemble.

Bienvenue dans la famille du « Grand Bleu », Jean-Marc Barr

Historique

L’apnée trouve très probablement ses origines à l’aube de l’humanité, où des hommes ont dû affronter la mer pour assurer leur subsistance, sans en connaître les dangers, et ont commencé à pêcher différemment de leurs ancêtres. Leurs tombes, ornées de coquillages et de nacres, nous en offrent les plus remarquables témoignages. C’est vers 4 500 av. J.-C. en Mésopotamie qu’on observe les traces du début de la pêche d’huîtres perlières que les Polynésiens développeront un peu plus tard dans le Pacifique sud. Citons également parmi les peuplades qui plongent depuis des millénaires les Ama du Japon ou encore leurs homologues coréennes. On a même retrouvé

dans certaines tribus des îles Salomon des lunettes de plongée taillées dans le bois, dont les verres étaient faits d’écailles de tortue polies jusqu’à devenir transparentes. De nos jours, il existe encore, aux quatre coins du monde, de nombreux groupes ethniques qui vivent des revenus de la plongée en apnée. L’apnée s’est répandue partout dans le monde et sous toutes les latitudes, mais c’est sur le pourtour de la Méditerranée qu’elle est pratiquée à des fins plus sombres. Quelques centaines d’années avant notre ère, à l’époque d’Alexandre le Grand, elle devient un outil de conquête. Des historiens Grecs comme Hérodote, Thucydide ou Aristote nous racontent

comment des combattants apnéistes ont détruit la flotte de Xerxès, comment des guerriers sous-marins athéniens ont réussi à scier les pieux anti-débarquement de Syracuse, ou encore comment les plongeurs grecs ont fait de même durant le siège du port de Tyr dans l’actuel Liban. Il faut attendre le second millénaire pour que Léonard de Vinci dessine quelques prototypes de palmes, qu’il ne développa cependant jamais ! C’est seulement avant la Seconde Guerre mondiale que des chasseurs sous-marins fabriquent des masques en caoutchouc et des palmes primitives pour s’équiper et traquer leurs proies à quelques mètres de profondeur. Puis, l’apnée devient un sport grâce à des personnages tels que Raimondo Bucher qui, en 1950, lance l’apnée sportive en établissant le premier record du monde avec une immersion à 30 mètres à la suite d’un pari avec un scaphandrier pied-lourd. Il ouvre alors la voie de la compétition, et avec

elle son lot de personnages charismatiques bravant les abysses. Pour les plus célèbres d’entre eux, le Français Jacques Mayol et l’Italien Enzo Maiorca, qui dans les années 1970 se soufflent tour à tour les records en essayant de repousser toujours plus les limites. Le film Le Grand Bleu qui relate cette épopée légendaire participe à l’essor de l’apnée grand public. Son histoire suscite les vocations de plusieurs générations d’apnéistes comme Umberto Pelizzari, Loïc Leferme ou encore Guillaume Néry.

L’apnée est aujourd’hui une activité moderne, organisée par des fédérations et proposée par de nombreuses structures professionnelles ou associatives. Si elle reste aussi un sport de compétition, sa pratique loisir l’éloigne de l’image élitiste qu’elle renvoyait jusque-là. Sport extrême et « recordite » font place au bien-être, à la connaissance de soi et à la reconnexion avec la nature.

De la découverte à l'initiation

POURQUOI CHOISIR L’APNÉE

Qui n’a pas cherché un jour à gagner le concours de celui qui reste le plus longtemps sous l’eau sans respirer ? Vous n’imaginiez sûrement pas à ce moment-là que cela pourrait devenir votre activité de prédilection. L’apnée est une discipline atypique qui à la fois fascine, émerveille, impressionne. Accessible et économique, elle n’est pas réservée à une élite. Bien au contraire, elle se pratique aussi bien entre amis qu’en famille et avec les enfants. Il y a assurément autant de chemins qui mènent à l’apnée que d’apnéistes. Si vous n’avez pas encore trouvé le vôtre, laissez-nous, à travers cet ouvrage, vous guider dans votre initiation.

► UNE ACTIVITÉ SAINE

POUR LE CORPS ET L’ESPRIT

Cela peut sembler ironique, mais pour beaucoup de pratiquants, l’apnée est une bouffée d’air. Alors que nous vivons une existence où le stress et les soucis ont pris une place croissante, l’apnée offre une parenthèse de bien-être et de sérénité dans un quotidien parfois oppressant. L’occasion de se recentrer et de trouver le bien-être. Vous pénétrez dans un monde du silence où le lâcher-prise est la clé pour se ressourcer. La plus belle rencontre (ou presque !) que vous puissiez faire au cours de ce voyage immersif, c’est vous-même. L’apnée, en tant que véritable source d’introspection, vous amène, seul face au chronomètre, à l’immensité du bleu ou au manque d’oxygène, à appréhender des sensations et des ressentis nouveaux mais aussi à découvrir vos limites. Des limites que vous chercherez progressivement à repousser pour atteindre des objectifs qui vous sont personnels.

Si l’apnée reste un sport de compétition, sa pratique loisir rime avant tout avec bien-être, connaissance de soi et reconnexion à la nature. Au quotidien, cette discipline permet de gérer le stress et de développer une meilleure endurance : vous pénétrez dans un monde du silence où le lâcher-prise est la clé pour se ressourcer, vous réapprenez à respirer et à maîtriser votre souffle.

Ce guide, simple et accessible, est l’outil indispensable pour vous initier, en toute sécurité et dans le confort, à la plongée libre en piscine comme en milieu naturel.

Découvrez le matériel et les accessoires, la combinaison et le lestage, les différentes disciplines et les lois physiques en lien avec le monde subaquatique.

Pratiquez en apprenant à communiquer, à vous préparer, à respirer, à vous propulser avec ou sans palmes, à effectuer un virage, à compenser dans les profondeurs. Progressez en vous entraînant, en devenant autonome, en faisant certifier vos compétences et en vous lançant dans la compétition.

Sébastien Grandjean , moniteur d’apnée et juge instructeur, fonde son propre club à Orange. Secrétaire Général à la Fédération Française d’Études et de Sports Sous-Marins de 2017 à 2021, aux côtés de Jean-Louis Blanchard, il a notamment fait partie, avec Alice Modolo, Pierre Frolla, Arthur Guérin-Boëri et Jean-Marc Barr, de la délégation Française pour défendre l’intégration de l’apnée aux JO.

Laëtitia Minier, après avoir découvert l’apnée au club d’Orange se voit confier par la FFESSM le poste de Chargée d’animation nationale et de cheffe de délégation de l’Équipe de France d’apnée piscine lors des Championnats du Monde 2021. Elle est depuis 2021 la Présidente de la Commission Régionale Apnée Sud.