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Qui sont ces porteurs de projets ?
TÉMOIGNAGE DE LÉA , 24 ans, titulaire d’un master 2 (niveau Bac + 5) en médiation culturelle, originaire de Tours.
“Après mon diplôme, je me suis rendu compte que tout cela était assez superficiel et que je voulais retourner à quelque chose de plus vrai, je m’étais trompée de voie. En commençant à jardiner dans mon temps libre, j’ai pris conscience que c’était ce qui me faisait me sentir vivante et que l’événementiel m’avait déçue par son manque de profondeur et de spiritualité pour ce que j’en ai vécu à travers mes stages et CDD. Cela ne m’a pas donné envie de persévérer. L’agriculture n’a jamais fait partie des choix proposés ni par ma famille ni par ma scolarité, voire m’était interdite aux vues de mes bons résultats scolaires. Mes envies sont aujourd’hui de faire partie du changement, de l’évolution qui est en train de se mettre en place un peu partout en France au niveau du maraîchage sur petite surface. Se retrouver soimême, mener une introspection les mains dans la terre, retrouver les choses simples, faire partie de la paysannerie qui va mieux nourrir les gens, réapprendre le vivre ensemble. Je m’imagine dans 10 ans, créer ma ferme familiale, une grande collection de tomates anciennes avec des poules heureuses. Je suis prête à donner de mon temps pour ça, et à faire le beau « sacrifice » d’une vie sobre et heureuse.”
Ce genre de porteurs de projets et de profil représente au moins 80 % des jeunes accueillis à la ferme, à raison d’une trentaine par an. Les déceptions suite aux études, aux perspectives d’embauches molles ou même à des expériences professionnelles non concluantes, les poussent à trouver de nouvelle perspectives. Force est de constater que beaucoup se tournent ou s’autorisent à envisager un retour à la terre même si, socialement, ces options ne semblaient au départ pas envisageables pour eux, car les personnes qui font des études ne pouvaient envisager d’être paysannes. Cela se produit aujourd’hui de manière plus courante qu’hier. Ces jeunes qui ont suivi le train des études longues et qui en sont revenus s’orientent plus facilement vers des métiers manuels, en règle générale, lassés de faire fonctionner leur cerveau tout en ayant l’impression de ne rien savoir d’essentiel et de ne rien savoir faire. Ils reprennent ainsi des études agricoles courtes, espérant s’installer un jour en tant que paysans, tout
TÉMOIGNAGE DE JOSEPH , qui fait pousser en ville près de 300 kg de fruits et de légumes par an, selon les principes de la permaculture, sur son terrain de 150 m² (dont un potager de 25 m², un verger et une serre). 2
“Après des études dans le secteur de l’environnement, dix années au sein d’une collectivité en charge des questions liées au jardinage durable, puis une formation à la permaculture, je m’interrogeais souvent sur le besoin récurrent que j’avais d’être au contact de la nature, et en même temps sur le lien très pauvre que j’entretenais avec elle. J’habitais alors en appartement, « consommais » la nature durant mes week-ends ou mes congés, sans jamais réussir à la savourer au quotidien. Le travail de la terre, la perception des saisons, l’observation de la faune et de la flore, tout cela me manquait cruellement. Même si la question de devenir maraîcher m’a alors effleuré (j’ai vite mesuré que l’on ne s’improvise pas maraîcher !), il m’a semblé qu’une simple activité régulière de jardinage serait en mesure de combler ce manque. Nous nous sommes alors lancés, avec ma compagne, dans la conception d’un petit jardin de ville : l’objectif était d’atteindre notre autonomie alimentaire en fruits et légumes. Ce choix me permettait de conserver mon emploi à temps plein, tout en développant un loisir passionnant de jardinier permaculteur.
Aujourd’hui, cinq années se sont écoulées depuis l’achat de notre petite maison de ville et la pratique du jardinage « permaculturel » nous apporte bien plus que des légumes. Elle redonne du sens à notre manière de consommer, nous invite à un profond respect de la nature et nous fait gagner en résilience face aux changements à venir. La permaculture devient dans notre quotidien bien plus qu’une méthode de jardinage qui viserait l’autonomie individuelle ; nous la pensons comme une philosophie de vie créatrice de lien social et porteuse d’un véritable changement de société.
La petitesse de notre jardin (150 m2 dont 25 de potager) nous a amenés à nous spécialiser dans les techniques culturales optimisant l’espace : usage de la verticalité, rotations rapides, forte intensité de soins, cultures d’hiver… Les résultats très encourageants que nous y obtenons (plus de 300 kg de légumes variés sur l’année) ont suscité un vif intérêt des médias, prouvant que le « faire soi-même » est une préoccupation croissante de nombreux citoyens. J’envisage aujourd’hui de moduler mon temps de travail afin de me consacrer davantage à la transmission, pour montrer tout le potentiel du jardinage en milieu urbain.
Je ne suis donc pas devenu maraîcher, mais trouve un équilibre serein entre ma nécessaire activité salariée, mon besoin évident de nature et celui de sens dans mes activités de loisir. Je travaille donc aujourd’hui à ce que le jardinage retrouve une place dans nos quotidiens, et ce, pour les nombreux bénéfices dont notre société pourrait en tirer.” en étant conscients de l’implication et du lâcher-prise nécessaire. Leur énergie, leur dynamisme et leur capacité d’apprentissage et de modelage (résilience, acceptation des conditions actuelles plus facile) en atout, leur manque de recul sur la vie et leur inexpérience professionnelle en faiblesse. si aucun choix ne devrait être définitif, les fermes que nous construisons aujourd’hui sont celles que nous laisserons à nos enfants (ou ceux des autres !) et nous en sommes responsables.

L’ autre catégorie de personnes que j’ai rencontrée rassemble celles et ceux qui ont une expérience professionnelle conséquente, ont entre 30 et 45 ans et qui, malgré la pression sociale, leurs habitudes, leurs responsabilités familiales, plaquent tout, comme si leur salut en dépendait, et c’est peut-être le cas (on compte beaucoup de témoignages de burn-out), pour tout recommencer. Dans ce cas, tout est à déconstruire avant de reconstruire, des réflexes à abandonner, des certitudes parfois à modérer. L’ apprentissage est plus douloureux, surtout quand on a eu l’habitude de diriger les choses, ou en tout cas de le croire. Leur expérience professionnelle est très importante et représente un atout, leur savoir-vivre souvent approfondi mais les inquiétudes se portent sur leur capacité de lâcher-prise, d’évolution vers un mode de vie plus sobre que toute la famille pourra suivre.
Nous nous devons au moins de ne pas gâcher les opportunités de créations de ferme et, si nous ne souhaitons pas continuer, de les rendre transmissibles, afin que d’autres puissent les reprendre.
Chacun a besoin d’un rythme et d’un temps différent d’adaptation à sa nouvelle vie, l’essentiel étant de durer. Même
Trouver ses terres
Trouver des terres est la première difficulté qui vous attend, car le rêve ne peut se concrétiser sans passage de cette barrière. Les différents cas
Trois cas de figures existent :
1. Vous avez la possibilité de trouver des terres via votre famille ou vos proches. Une belle opportunité vous est déjà offerte ? Tant mieux pour vous, vous pouvez passer au chapitre suivant !

2. Vous êtes citadin, péri-urbain ou même porteur de projet rural et savez déjà dans quelle région, à proximité de quelle ville ou village prospecter car vous connaissez cet endroit et vous vous y projetez facilement ?
La meilleure chose à faire est d’y passer le plus de temps possible, de rencontrer tous les acteurs pouvant vous ouvrir des portes et vous apporter des renseignements : les politiques à tous les niveaux, du maire au président de région, les institutions du GRAB aux associations locales… Munissez-vous d’un pré-projet rédigé présentant votre profil, vos aspirations et mettant en avant les avantages que pourront en retirer les acteurs locaux. Par exemple, dynamiser le commerce local, créer du lien, de l’accueil pédagogique, etc. Dans ce genre de démarche, il faut savoir se vendre, se mettre en avant et convaincre pour se construire un réseau de relations tout en étant déjà considéré comme intégré à l’écosystème du territoire.
Ne perdez pas de temps, commencez à étudier vos possibilités commerciales en analysant l’existant (autres maraîchers), les débouchés (marchés bio, ruche, nombre d’AMAP), en rencontrant les habitants, en faisant passer des questionnaires…
Pensez également aux agriculteurs proches de la retraite : même si leurs fermes sont conventionnelles, elles peuvent souvent être améliorées et nettoyées avec le temps. Ce travail s’avèrera nécessaire de toute manière. Étant donné l’historique de ces terres potentielles, votre certification bio ne sera valable qu’au bout de 2 à 3 ans (légumes ou arbres fruitiers) mais vous pouvez commencer en AMAP dès la première année de production (voir chapitre 10 sur la commercialisation). Si les fermes à reprendre sont trop grandes pour des projets de micro-fermes, il est possible de faire naître des projets par redivision des parcelles : ainsi l’agriculteur sousloue avec option d’achat quelques hectares faute de repreneur de la totalité, et vous permet de démarrer. Il faut ouvrir le champ de ses possibles.
3. Vous êtes citadin ou péri-urbain et ne possédez pas de terres familiales accessibles, vous n’êtes même pas encore fixé sur la région à prospecter car vous n’avez pas d’ancrage en dehors de votre ville d’habitation actuelle ?
Au cours de votre réflexion, visionnez le documentaire Adieu paysans (réalisé par Audrey Maurion en 2014) et téléchargez en ligne l’excellent travail de l’association Reclaim the fields intitulé Voudrais-tu planter des choux ? Petit guide de l’installation à la mode de chez nous… paru aux éditions Champs des luttes en 2015. Il revoit avec humour et espièglerie l’historique et les définitions du milieu agricole et donne des conseils pour accéder à la terre selon les différents montages possibles.
Procédez par élimination, en réfléchissant aux critères qui ne vous rendraient pas heureux et à ceux qui comptent vraiment :
• « Je ne supporte pas la chaleur » : alors regardez au-dessus de la Loire ;