Rédemption

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Le pasteur qui a bouleversé l’Angleterre

Du deal à la vraie Vie Rédemption

Mick Fleming

Rédemption

Du deal à la vraie Vie

Traduit de l’anglais par Blanche Hinterlang

MAME

À Kathleen et Gordon

Préface

Il est impossible, en rendant visite à l’Église de la rue, de ne pas être profondément ému par tout ce que le collectif fait pour ceux qui sont dans le besoin. C’est un endroit extraordinaire qui a été un refuge important et sûr pour tant de personnes. C’est souvent en partageant nos problèmes et en étant honnête avec nous-mêmes que nous pouvons guérir et surmonter les difficultés de la vie. Et, en nous ouvrant de cette façon, nous voyons combien sont solides les liens qui nous assemblent.

Son Altesse Royale le prince de Galles, duc de Cambridge Juillet 2022

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Les portes s’ouvrent avec des bruits métalliques. Un sombre pressentiment m’habite. Deux policiers m’encadrent, l’un à ma droite, l’autre à ma gauche.

Des voix résonnent le long des couloirs et l’odeur du désinfectant me prend aux narines. Les officiers parlent entre eux, mais moi, c’est comme si je n’existais pas. Je me sens invisible.

Plus qu’une porte à franchir. L’odeur, la vue, l’infirmière avec ses lèvres rouges et ses dents blanches. Elle sourit, puis leur dit :

– Je vais prendre le relais, Messieurs. Venez avec moi, Michael, je vais vous montrer votre chambre. Vous avez une chambre individuelle, mais la porte doit rester ouverte en permanence. Et ne vous inquiétez pas, il y a toujours un infirmier dans le couloir.

Nous arrivons dans la chambre. Les draps et les rideaux sont uniformes, assortis au mobilier : un lit, un placard et une table de nuit. Une chambre d’hôpital.

Mes pensées défilent plus rapidement que les images d’une pellicule mais les couleurs ne sont plus là. Tout est devenu gris, se dissipe et il ne me reste plus qu’une question en tête : comment ? Comment ai-je pu en arriver là ?

Pourquoi je n’arrive pas à me rebeller ? Où est passée ma colère, ma résolution farouche de toujours me battre ? Comment ai-je pu laisser deux simples policiers m’emmener ici ?

Quelques semaines plus tôt, ils n’auraient pas eu la moindre chance de m’attraper !

Prologue
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Toute énergie m’a quitté, il ne me reste plus que le désespoir. Je me laisse tomber sur le lit et je me sens écrasé, consumé par la peur. J’ai la gorge nouée et sèche. J’essaie de comprendre comment tout cela a pu arriver.

Tant de questions… J’ai trop longtemps fui le passé, mais voici que les souvenirs resurgissent et s’imposent à ma mémoire.

Et me voilà, moi, l’homme baraqué et dangereux, la tête basse, allongé sur un lit d’hôpital psychiatrique.

Une pièce de cinquante cents

Un froid matin d’hiver ensoleillé. Je dévale les marches car, évidemment, je suis en retard pour l’école. Ma sœur m’attend et me tend une belle pièce bien brillante de cinquante cents. J’aime tellement ma grande sœur, elle est ma seconde maman. Elle me serre contre elle : « Et ne la perds pas ! » Je sors de la maison en courant. Bon, inutile de prendre le bus, autant faire comme d’habitude et conserver ma pièce !

Je cours et je bondis comme un cabri, je m’amuse à compter les pavés tout en dansant sur le chemin qui mène à l’école. Un petit garçon joyeux, aux cheveux bouclés blond cendré, qui porte des lunettes rondes sur le nez.

Je vais prendre mon raccourci : il suffit de franchir la petite rivière plutôt que de traverser le pont, puis de couper à travers le parc. Un large sourire éclaire ma figure : la vie est belle ! Il y a tant de choses à sentir, à goûter, à vivre !

Soudain, tout s’arrête. Je me sens attrapé par le cou, tiré en arrière, maintenu contre un pull en laine. Je ne vois plus qu’un pan de mur couvert de graffitis et une chaise à la peinture écaillée… Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui m’arrive : submergé par la peur, je suis incapable de crier. Mon cœur s’emballe et bat si vite qu’il va exploser. Un horrible parfum douceâtre, une odeur de transpiration, un gémissement, puis la douleur. Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie.

J’aperçois une bouteille posée dans un coin. Cette vision va me hanter pendant des années et, à chaque fois que je

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revivrai cette scène, je m’imaginerai l’attraper et l’écraser sur sa tête ! Mais, paralysé par la peur, je n’arrive pas à esquisser le moindre geste.

Il me jette sur le sol. Mes lunettes se cassent, je m’écorche les genoux. Je suis devenu une victime.

Je viens d’être violé.

Il m’attrape à la gorge :

– Tu parles de ça à qui que ce soit et je tue tes parents, c’est clair ?

Je remonte mon pantalon, incapable de parler. Je vois alors son visage, mon regard croise le sien. Je me souviendrai toujours de ses traits, ils seront comme imprimés en moi. Un visage sans sourire, deux yeux noirs, un relent d’alcool dans son haleine… Trois choses que je ne pourrai jamais oublier.

Je m’éloigne en titubant. Les couleurs semblent avoir déserté le monde. Je ne vois plus briller le soleil, je ne sens plus les parfums dans l’air, comme si l’on venait de plonger ma tête dans un seau d’eau. J’arrive à l’école, l’agitation matinale me paraît lointaine et extérieure. En moi, c’est le vide.

Je saigne. Je ne parviens pas à émettre le moindre son.

– Fleming ! Arrêtez de rêvasser !

L’institutrice me gronde sous le rire de mes camarades, mais je n’arrive ni à sourire, ni à parler. Ma vie a soudain basculé : des ténèbres se sont engouffrées en moi et je n’ai rien pu faire.

Je ne me souviens pas du chemin du retour, ce soir-là. Je sais seulement que je n’ai pas pris mon raccourci habituel, j’ai suivi une autre route.

Je regarde ma main et me rends compte alors qu’elle est en sang. Dans la paume est imprimée l’image de la pièce de cinquante cents donnée par ma grande sœur. J’ai dû la serrer tellement fort… Je me suis souvenu plus tard que celui qu’on appelait Jésus avait des trous dans les mains. Ce jour-là, ma

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main percée saignait aussi, tout comme mon cœur. Mais je n’allais pas guérir en trois jours.

Arrivé chez moi, je monte dans ma chambre et m’allonge sur le lit. Je me perds dans la contemplation du plafond et du papier peint à motifs. Me forçant à détourner mon esprit de mes émotions, je me concentre sur un mur sur lequel est projetée une ombre en forme d’arbre. Je désire seulement voir des choses normales, réelles.

Pourtant, mon monde vient d’exploser.

J’essaye de pleurer, mais les larmes ne viennent pas. Je sens une nouvelle émotion bouger dans le creux de mon estomac, sans parvenir vraiment à l’identifier : est-ce de la peur ? Je n’arrête pas de me dire que j’aurais dû me battre. Que je me suis laissé faire.

La nuit descend. Dehors, les lampadaires sont allumés et brillent à travers mes rideaux entrouverts : d’habitude, j’aime regarder leur lumière qui danse sur le mur. Mais ce soir, tout me semble différent : c’est son visage que je vois. J’entends le bruit du vent dans les arbres et j’ai peur. La phrase résonne dans ma tête : « Tu parles de ça à qui que ce soit et je tue tes parents ! » Alors, je mords mon oreiller aussi fort que je le peux et je m’abandonne enfin aux larmes. Je pleure pendant des heures. Mais personne ne peut m’entendre, personne ne vient me consoler : je suis seul.

Le jour se lève. J’ouvre les rideaux et dehors le monde est gris. Le ciel ne brille plus. Nous sommes samedi matin. Je me dirige vers l’escalier : une odeur de bacon monte de la cuisine et j’entends le bruit de la télé allumée. Je descends les marches. Quand j’arrive en bas, la porte s’ouvre et laisse passer mon père, chancelant, bouleversé. Il ouvre la bouche et d’une voix tremblante prononce cette phrase terrible dont les mots emplissent la maison : – Ta sœur est morte !

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Le monde se fige. Puis, un cri que je garderai longtemps en mémoire, un son inhumain : le cri d’une mère qui vient de perdre son enfant. Un cri d’amour et de douleur qui se répercute sur les murs et me frappe en plein cœur. À ce moment-là, je comprends que je ne pourrai jamais parler de ce qui m’est arrivé la veille. La maison n’est plus que sanglots, cris et pleurs. Mon père, cet adulte qui est mon héros, s’écroule en larmes. Il tente de consoler sa femme. Moi, je reste seul, oublié de leur étreinte.

Alors je retourne à l’étage. Mes jambes pèsent si lourd que les quelques marches me semblent insurmontables.

Je vais d’abord dans la chambre de mes parents et repère les calmants de ma mère posés sur son chevet, ceux qu’elle prend pour soulager son mal de dos. Vite, j’attrape une plaquette et cours me réfugier dans ma chambre. Allongé sur le lit, j’avale une pleine poignée de pilules. Au bout d’un moment, un grand calme m’envahit. Je crois même flotter sur un nuage, entouré d’anges, haut, si haut dans le ciel ! Les couleurs reviennent, le monde est à nouveau un endroit sûr. J’ai chaud, comme si le lit venait de se refermer doucement sur moi pour m’envelopper et me consoler. Je viens peut-être de trouver Dieu ? Et je flotte à la dérive, loin, dans un monde sans douleur, dans un monde différent. Là, je retrouve la paix.

Et puis la chute, terrible. Je tombe du ciel, je dégringole et j’atterris brusquement sur mon lit. Ce n’était pas un rêve : non, mon cauchemar est bien réel et il ne fait que commencer. Ce matin-là, en voulant plonger à tout prix dans un autre monde, en voulant fuir loin de ma douleur trop réelle, loin de moi, je suis devenu accro à la drogue.

– Dieu, aide-moi ! Si tu existes, aide-moi !

La réponse ne se fait pas attendre : autour de moi tout n’est que silence.

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Plus tard, je me choisirai un autre Dieu en progressant à travers les différents degrés d’addiction : les médicaments, les pilules, la glu, la drogue. Mais en attendant, le petit garçon aux lunettes rondes n’existait plus, ce gentil garçon qui s’était désespérément accroché à une pièce de cinquante cents. Je regarde le trou douloureux dans ma main.

Je refuse de laisser la peur me dominer : je ne laisserai plus jamais personne me faire du mal.

Le pacte

Les rideaux sont tirés dans la salle à manger. Il fait si froid… On nous a demandé d’éteindre les radiateurs et de ne pas y entrer. Mais on peut tout de même voir à travers les portes vitrées qui séparent le salon de la salle à manger. On frappe à la porte, ils l’amènent. Ann. Ma magnifique sœur, couchée dans un cercueil. Des hommes à la figure sombre le placent dans un coin de la pièce et ouvrent le couvercle.

Je n’arrive toujours pas à pleurer. Je regarde ma mère et j’aperçois quelque chose de nouveau briller dans ses yeux, comme si elle était perdue, ne sachant plus quoi penser, ni que dire, elle ne sait même pas qui elle doit être, ce qu’elle doit être. Elle est pétrifiée. Quant à mon père, il est hébété mais il s’affaire dans la maison et tente malgré tout de réconforter les autres. Je remarque alors que nous sommes tous assis dans la pièce, proches les uns des autres et pourtant si distants. Mes sœurs sont là sans vraiment l’être. L’une est assise par terre, l’autre sur un coussin. Maman se tient sur le canapé et papa sur une chaise. Des fossés nous séparent… ils nous sépareront longtemps.

Mon père, un chapelet à la main, fait glisser les portes vitrées et rentre seul dans la pièce principale. Il se penche sur le cercueil et je l’entends parler, mais sans vraiment comprendre les mots qu’il prononce. À son tour, ma mère s’approche de ma sœur. Mais elle ne dit rien.

Puis elle vient vers moi et me prend par la main. J’hésite puis la curiosité l’emporte et je la suis. Je regarde à l’intérieur.

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Elle ressemble à ma sœur, mais elle est si différente. Son visage n’est plus le même.

Plus tard, je dis à mon père :

– Ce n’est pas elle.

– Si, mon fils.

Il pose sa main sur mon épaule et ajoute :

– C’est elle.

Je me souviens de ses boucles d’oreilles dorées qui tombaient sur ses joues. Ses cheveux ne sont pas coiffés comme d’habitude. J’ai soudain envie de hurler, de la rappeler à la vie ! Mais elle est morte. Allongée dans un beau cercueil recouvert d’un tissu soyeux. Sur le couvercle, je lis un nom et une date, gravés sur une plaque de cuivre.

Gravés dans mon cœur.

Quelque chose s’est brisé en moi ce jour-là. Nous n’avons pas fait notre deuil en famille, chacun a pris un chemin différent. Mon père, en bon catholique pratiquant, avait invité des paroissiens à venir veiller avec nous. Ils sont entrés dans cette pièce froide, des hommes en costume et chaussures brillantes. Des gens que je ne connaissais pas, que je n’avais jamais vus auparavant : l’air grave, la tête baissée, tenant eux aussi un chapelet entre leurs doigts. Ils se sont rassemblés autour du cercueil et ont entonné une sorte de chant étrange, comme une prière adressée à un Dieu lointain. Pour moi, cela n’avait rien d’humain. C’était comme si une force démoniaque avait envahi la pièce pour y déverser son immense vide… Et ma pauvre maman, assise derrière les portes vitrées, qui essayait de paraître normale, alors que je voyais bien qu’elle sombrait dans la tristesse. Oui, pauvre maman, qui devait encore s’occuper de ses deux petites filles. Et puis, il y avait moi. Perdu.

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***

Le bruit m’était devenu insupportable et j’ai couru me réfugier dans ma chambre. Assis sur mon lit, j’entends le chant qui monte, de plus en plus lourd, de plus en plus fort, quasi hypnotique. Je n’arrive plus à respirer et je sens la panique me gagner… Je ne peux plus le supporter. Je me frappe la tête contre le mur, mais le bruit ne fait qu’augmenter. Je me cogne une nouvelle fois, rien n’y fait !

Je me souviens des sédatifs dans la pièce juste à côté. Alors, j’y vais. Je reprends une poignée, désirant pardessus tout ressentir l’effet des calmants. Je m’allonge et je guette la chaleur, j’attends qu’elle vienne m’envelopper, qu’elle m’aide à m’envoler…

Le calme revient doucement, tandis que les bruits et les prières faiblissent. Il me semble même que je souris. Je me sens si bien. Je regarde l’ampoule briller au-dessus de moi. Puis, elle change de couleur et devient multicolore, tel un arc-en-ciel ! Une grande joie m’envahit et je sombre dans un sommeil profond, chaud, apaisant.

Les heures passent et je suis réveillé par l’une de mes petites sœurs qui entre dans ma chambre.

– Tu n’es pas mort, Mick ?

– Mais non, ma belle, je me repose.

J’ai l’impression qu’elle sait. Elle sait. Et tandis qu’elle sort de ma chambre, je me demande si je ne devrais pas mourir, moi aussi… Comment m’y prendrais-je ? Peut-être en avalant des médicaments ? J’irais me coucher et là, je serais véritablement en paix. Car rien ne pourra jamais être pire que cette douleur.

Pourtant, quelque chose résiste en moi.

Il faut que je fasse durer les pilules. Je sais bien que j’ai toutes les chances de me faire prendre. En même temps, j’espère que cela passera inaperçu et que maman pensera simplement qu’elle les a perdues. Tromperie et

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manipulation : deux mots qui allaient bientôt devenir mon quotidien.

Les prières ont cessé. Les hommes à la mine austère, en costumes et chaussures cirées, sont partis. Je descends et je vois mon père et mon oncle assis près du cercueil. Ils boivent du whisky, du Jameson, comme deux Irlandais pure souche. Papa me tend un verre et le remplit. Mon oncle me dit alors :

– Prends-en une gorgée, mon grand. Pas besoin de diluer. Bois.

Je porte le verre à mes lèvres. L’alcool me fait trembler un peu. Le goût est… horrible ! Infect, même ! Mais, tandis que la boisson descend le long de ma gorge, je sens le nœud se desserrer peu à peu et une douce chaleur se répand dans mon corps.

Cette nuit-là, j’ai aussi compris que l’alcool anesthésiait la douleur. La boisson allait gâcher les trente prochaines années de ma vie.

Une voiture noire se gare devant chez nous. Les gens se rangent en file dans la rue et les hommes ôtent leur chapeau à notre passage. À l’intérieur, je me concentre sur le parfum capiteux du cuir beige, je passe mes doigts sur les incrustations d’acajou. Tout, tout, pourvu que je puisse échapper à la réalité, à ce que je suis en train de vivre.

Une foule est rassemblée sur le parvis. Nous entrons dans l’église et nous remontons l’allée, en procession derrière le cercueil. Nous sommes le centre de l’attention, le point de convergence de tous les regards, comme si nous étions devenus célèbres ! Je déteste cette sensation et je détourne le regard pour fixer la haute voûte et ses étranges symboles. Puis je regarde le prêtre en train de prêcher. Il porte une

***
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belle chasuble colorée et se tient devant une petite maison, un tabernacle. Il parle de ma sœur, alors qu’il ne la connaissait même pas. Puis quelqu’un se lève pour lire un passage de la Bible qu’aucun d’entre nous ne comprend. Et enfin, un chant résonne : Je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi, ne crains pas. Je regarde alors l’assemblée et découvre des visages couverts de larmes. Je n’en verse aucune. Je n’ai plus de larme à verser.

Je regarde à nouveau le prêtre et j’ai envie de lui cracher au visage. Je me tourne vers mes parents, mais je ne ressens que du mépris. Je regarde l’église pleine à craquer : une haine bouillonne en moi. Je hais chacune des personnes présentes. La puissance de ce sentiment me fait vibrer. Je me rends compte à quel point la drogue, l’alcool et la haine sont intimement liés. La haine sera longtemps ma compagne. Oui, elle vivait en moi et les rares jours où je ne prenais ni drogue ni alcool, elle, elle était là, réconfortante.

Nous sommes maintenant à côté de sa tombe. Ils descendent son cercueil dans la fosse, creusée à même le sol. Des personnes s’approchent et jettent des poignées de terre, avec leurs larmes et leurs soupirs… Mais, moi, intérieurement, je me débats, je cogne à coups de poing, à coups de pied.

En sortant du cimetière, j’étais devenu une autre personne. Mon deuil était terminé. Le petit garçon gisait, enterré à côté de sa sœur et j’avais pris ma décision. J’optais pour la rage, la dévastation, pour une vie délibérément mauvaise. Sur le chemin du retour, je me suis mis à sourire.

Une fois rentré, je me suis précipité en haut pour arracher ces affreux vêtements, cette horrible cravate, tout ce qui me ramenait à cette semaine que nous venions de vivre, à ces jours haïs. Je n’avais plus la moindre trace de douceur en moi. Je me suis regardé dans le miroir et cette fois, en souriant, je

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vis que quelque chose avait changé. Je ressemblais davantage à l’homme qui m’avait agressé. Mes yeux étaient devenus noirs et, devant mon reflet, j’ai explosé de rire.

Ce livre raconte l’histoire d’un homme marqué par le mal, la colère, la duplicité. Mais c’est aussi le récit d’une chute : je suis tombé si bas, jusqu’à me retrouver dans cet hôpital psychiatrique sans comprendre quand, pourquoi, ni même comment cela avait pu m’arriver. Mais nous sommes encore bien loin de la chute. Pour l’instant, il fallait que je me trouve un but : j’ai décidé de prendre et de détruire.

Les semaines qui ont suivi l’enterrement, je me suis entraîné à voler. Seul dans ma chambre, j’avais accroché une veste au dossier de ma chaise et j’apprenais à en extirper furtivement le porte-monnaie. Puis, je me suis amusé à rêver à tout ce que je pouvais voler dans un magasin. Très vite, je me suis rendu compte qu’il me suffisait d’entrer, de compter les secondes nécessaires au vendeur pour sortir de l’arrièreboutique, d’élaborer un plan et de l’exécuter. Personne n’en savait rien. Je possédais un don extraordinaire : il m’était si facile d’être mauvais.

Ainsi, à l’âge de treize ans, j’avais amassé beaucoup d’argent. Je m’amusais à acheter des cadeaux pour mes amis, mais sans jamais leur dire comment je m’y prenais. C’était mon secret.

Aujourd’hui je vois comment, en seulement une année, j’ai pu basculer dans un monde imaginaire. Mon esprit avait créé un univers qui n’avait plus rien de réel. Je me souviens avoir vu à la télé Le Parrain. Ce film m’avait fasciné car je savais que, moi aussi, j’avais en moi ce désir du mal.

Je me suis battu pour la première fois devant les grilles de l’école. Un garçon, plus âgé et plus fort que moi, m’avait provoqué. Il s’amusait à me pousser en essayant de m’intimider : mais j’avais en moi une force qu’il n’avait pas. La

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mort me tenait aux entrailles et je l’ai sentie bouger au creux de mon estomac, rugir dans mes bras, bondir dans mes poings… Puis tout devint noir. Je frappais, des coups de plus en plus rapides, jusqu’à être éclaboussé d’un sang qui n’était pas le mien. J’ai senti les autres qui tentaient de me retenir, tandis que les filles hurlaient :

– Arrête, Mick ! Stop, stop ça suffit ! Mais, pour moi, ça ne suffisait pas. Je n’en aurais jamais assez. J’avais décidé qu’il ne se relèverait pas. Je me suis mis à lui donner des coups de pied au visage. Autour de moi, les autres détournaient le regard. Plus personne ne criait : « Bagarre ! » J’étais allé trop loin. J’avais le souffle coupé, mais j’adorais ça. J’ai senti mes cheveux se dresser sur ma nuque, oui, j’adorais ça ! C’était comme une drogue et j’étais devenu invincible. J’ai léché le sang qui coulait sur mes mains, il avait le goût d’un pacte passé avec le diable. Plus rien ne pourrait m’atteindre dorénavant, plus rien n’allait m’arrêter.

Les gens autour de moi allaient rapidement remarquer que j’avais basculé dans une nouvelle vie. Un nouveau monde. Un nouveau départ.

Préface 9 Prologue 11 Une pièce de cinquante cents 13 Le pacte 19 L’infirmière aux lèvres rouges 27 Le trio 39 Père Jimmy 51 Une étrange visite 65 Mad Mick 83 « Je veux ma ma…, mon pa…, ma grand… » 97 Jésus, assis devant un magasin 107 La confrontation 121 Petits gâteaux et délivrance 131 Du sur-mesure 145 Aux portes du McDonald’s 157 Opération livraison 173 Un coup de téléphone 193 205
Table des matières

«

Mon premier acte de violence s’est produit juste aux portes de l’école. Le garçon était plus grand et plus fort. Mais j’avais quelque chose qu’il n’avait pas. J’avais l’esprit de la mort ancré au plus profond de moi... et j’aimais ça ! Il me semblait avoir passé un pacte avec le diable. Rien ne pouvait m’atteindre. »

Après avoir caché un traumatisme profond derrière la violence, la drogue, le deal et le crime, Mick Fleming a eu la révélation de l’amour infini de Dieu. Une révélation extraordinaire, un détonateur, le début d’une rédemption.

Au fil des pages de ce témoignage hors du commun, le pasteur Mick Fleming nous livre l’histoire exceptionnelle qui l’a conduit jusqu’à la création de l’Église de la rue en Angleterre. Une vie désormais lumineuse qui a bouleversé des millions de personnes aux quatre coins du monde.

Mick Fleming a été ordonné pasteur en mars 2019. Titulaire d’un degré en théologie de l’université de Manchester, il a fondé l’Église de la rue pour venir en aide aux sans-abri et aux personnes sous addiction.

15.90 € France TTC www.mameeditions.com

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