L'étau se resserre

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Charlotte Grossetête

Illustrations de Laura Catalán

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L’ étau se resserre

Merci !

À mes lecteurs, dont la curiosité et l’appétit de lecture m’ont beaucoup encouragée à écrire ce troisième tome.
Charlotte Grossetête

Les lieux de l’histoire

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Il a douze ans au début de 1942. Élève les jours d’école, berger le reste du temps, il n’a pas les pieds dans le même sabot, ni la langue dans sa poche. Et quand on le provoque, ses poings ne restent pas inertes derrière son dos ! Heureusement pour lui qu’il est aussi astucieux qu’impulsif : quand on part à l’aventure, mieux vaut avoir des ressources pour se tirer d’affaire…

À dix ans, elle est déjà réfléchie et déterminée. Elle forme un bon binôme avec son frère Philippe et passe le plus clair de son temps en sa compagnie, sauf à l’école, non-mixité oblige. Elle partage sa curiosité, sa franchise, un sens aigu de la justice et un certain appétit pour le risque. Avec ce cocktail bouillonnant dans le cœur, comment rester les bras croisés quand la France fait naufrage ?

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Philippe Bouvettaz Marie Bouvettaz

Jean Bouvettaz

Frère aîné de Philippe et Marie, il a servi dans une section d’éclaireursskieurs, élite des bataillons de chasseurs alpins qui ont défendu la frontière des Alpes en juin 1940. Démobilisé après l’armistice, il travaille maintenant dans une menuiserie du centre d’Annecy… et poursuit, en parallèle, dans l’ombre, des activités beaucoup moins officielles !

Paul Moreau

C’est le cousin germain de Jean, Philippe et Marie. Il a seize ans. Élève dans un pensionnat situé à la frontière suisse, il passe ses vacances à La Balme. Il se rend parfois quand même à Morez, en zone occupée, auprès de sa mère et de son beau-père, qu’il ne porte pas dans son cœur.

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Georges Bouvettaz

C’est le père de Jean, Philippe et Marie. Ancien soldat de la Grande Guerre, paysan robuste d’une quarantaine d’années, il est à la tête d’un élevage de vaches et de moutons. De la traite du matin à celle du soir en passant par la fabrication du fromage, il y a deux mots de la langue française qui n’existent ni dans son vocabulaire ni dans son emploi du temps : « vacances » et « repos ».

Solange Bouvettaz

Épouse de Georges et mère dévouée, c’est aussi une travailleuse infatigable, qui tient sa maison avec un soin méticuleux. Sa générosité n’a d’égale que sa rigueur. En cette année 1942, elle va accueillir dans son foyer une mystérieuse réfugiée allemande, s’y attacher et l’apprécier sincèrement pour son ardeur au travail…

M. Sernet

C’est l’instituteur des garçons de La Balme. Blessé de la Grande Guerre, il se passionne pour son métier et aime instruire les fils de paysans. Après l’armistice, comme l’immense majorité des Français, il a placé toute sa confiance dans le maréchal Pétain et son gouvernement… du moins jusqu’à l’été 1942.

paysans. Après l’armistice, comme l’immense

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Gustave Morillot

C’est le neveu de M. Sernet. Aveugle, orphelin de père depuis la bataille de Dunkerque en juin 1940, il s’est installé à La Balme pour être scolarisé chez son oncle, qui veut lui donner toutes les chances de poursuivre des études supérieures. Comme il se montre brillant élève, a priori, ses rêves devraient être réalisables…

Le père Parnoud

C’est le curé de La Balme. Discret, posé, bienveillant envers tous, il ne fait pas étalage de ses convictions autres que religieuses. Que pense-t-il de la guerre, de la défaite, du maréchal Pétain ? Bien malin qui pourrait le savoir, cet homme est impénétrable.

M. Verly, maire de La Balme

Si le chant « Maréchal, nous voilà » avait existé dès l’été 1940, c’est sûrement M. Verly qui l’aurait inventé ! Le maire de La Balme, qui en est à son quatrième mandat, professe pour le maréchal Pétain une admiration sans bornes. Ce n’est pas devant lui qu’il faudrait prononcer le mot « Résistance ».

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Arthur Tarray

Mourguet

Camarade de garnison de Jean Bouvettaz pendant la « drôle de guerre », cet homme bâti comme une armoire à glace est surnommé « le Troll » par Philippe, à cause de sa carrure et de ses oreilles pointues. Après la défaite, il est resté dans l’armée d’armistice et continue à servir au 27e bataillon de chasseurs alpins à Annecy. Il demeure très lié avec Jean.

pendant la « drôle de guerre », cet homme

Jean.

De tous les jeunes gens de La Balme qui ont combattu pendant la campagne de France, Arthur est le seul à n’être pas rentré après la démobilisation. Ses parents se sont fait une raison : leur fils est sûrement mort… Paul, Philippe et Marie savent qu’il n’en est rien. Recroiseront-ils sa route en 1942 ?

Colette Chémely

Sœur de Georges Bouvettaz et mère de Paul, Colette a épousé en secondes noces un lunetier de Morez. Elle vit avec lui dans le Jura, de l’autre côté de la ligne de démarcation. Entre Paul et elle, les relations sont compliquées. Il n’est pas certain que l’Occupation les simplifie…

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Jean-Louis Chémely

C’est le beau-père de Paul. Lunetier talentueux, il considère la présence des Allemands à Morez comme une occasion d’étoffer sa clientèle. Pour cet homme de soixante ans à la barbiche soignée, les affaires sont les affaires et le client est roi, même s’il vient d’outre-Rhin !

M. et Mme Vacher

Ce couple d’Annecy tient une crémerie dans la ville et cherche des fournisseurs de qualité ; Georges Bouvettaz a attiré leur attention par l’excellence de ses reblochons. Mais, en cette année 1942, le mot « marché noir » apparaît dans le langage officiel, et il devient dangereux de s’y livrer…

Martha

Qui est cette mystérieuse jeune femme arrivée à La Balme en pleine tempête de neige ? Laissons-la trouver refuge au village, et elle révélera peut-être son secret au fil du temps. Pour l’instant, elle n’est pas bavarde et ne répond pas aux questions trop curieuses.

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Ginette Cordier

L’hiver dernier, Paul, Philippe et Marie ont déjà rencontré cette jeune fille accompagnée d’un caniche. Ils ne savent rien d’elle sinon ce qu’ils ont pu deviner : elle fait partie de ceux qui résistent au nazisme en zone occupée. Ginette n’est qu’un surnom, dérivé de « Geneviève ». Cependant, il est possible que ce courageux personnage ne s’appelle ni Ginette ni Geneviève. Dans la Résistance, les pseudonymes sont de rigueur !

Michel Verly

Deuxième fils du maire de La Balme, Michel a vingt et un ans. Une formation d’électricien l’a éloigné de son village, si bien qu’il n’a pas fait parler de lui dans les tomes précédents. Mais, en 1942, un ouvrier de son âge peut se voir offrir un billet de train vers une fâcheuse destination… M. Verly va devoir chercher une solution pour que son fils reste au pays !

Léon Martin

Camarade apprécié des Bouvettaz, Léon est arrivé à La Balme au début de la guerre. Sa famille, espagnole, s’est réfugiée en France à cause de la guerre civile qui a éclaté en Espagne en 1936. Le père, Manuel Martin, travaille à la fruitière du village et écoute régulièrement la radio clandestine, car il est communiste. Mais chut ! ses opinions politiques doivent rester secrètes.

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Préambule

Cette histoire est un roman. Le village de La Balme-SaintFrançois n’existe pas et ses habitants sont imaginaires, même s’ils présentent plus d’une ressemblance avec des personnages réels des années 1939-1945.

Au fil de leurs aventures, mes héros fictifs vont cependant croiser la route de personnages historiques, célèbres ou méconnus. Par exemple le père Louis Favre a bel et bien existé. Il figure sur la liste des « Justes parmi les nations », honorés pour avoir sauvé des juifs au péril de leur propre vie.

Quant aux faits historiques servant de cadre au récit (opérations militaires, chronologie de la guerre, événements politiques, discours radiodiffusés, parution d’articles de presse, etc.), ils sont rigoureusement exacts.

Pour en savoir plus sur ces personnages et événements réels, les lecteurs sont invités à lire les « Zooms sur… » en fin d’ouvrage.

Chapitre 1

L’étrangère

Philippe et Marie creusent en cadence, sans bruit, comme si leurs pelles s’enfonçaient dans du coton. Le village de La Balme est enseveli sous l’une des tempêtes de neige qui l’assaillent parfois en hiver. Celle de ce samedi 21 février 1942 gagnera peut-être le record de la saison. D’énormes flocons tombent depuis l’aube, aussi légers et duveteux que des plumes.

Malgré le froid, Philippe transpire sous l’effort. Il plante sa pelle dans la poudreuse, entrouvre son manteau, desserre son écharpe. Les flocons n’attendaient que cela pour s’immiscer le long de son cou et y fondre en gouttelettes bienfaisantes.

Marie s’offre aussi une pause et lève les yeux vers le tourbillon floconneux. Elle a beau connaître ce spectacle par cœur, elle ne s’en lassera jamais ! Puis, elle inspecte le parvis qu’elle est en train de déneiger avec son frère. Le curé leur a confié la mission d’entretenir un passage en vue de la messe dominicale. Demain, il faudra déposer

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les paroissiens les plus âgés en traîneau à la porte de l’église.

Eh ! hurle soudain Philippe en se mettant à gesticuler. Qui est là ? Vous savez bien que c’est dangereux !

Pardon ? demande Marie, surprise.

Il y a quelqu’un sous le toit, côté sud…

Philippe contourne l’église. Une frêle silhouette longe en effet la façade en rasant le mur. Or le toit de l’église, de ce côté-ci, est dépourvu de ses arrêts de neige, arrachés par une bourrasque la semaine dernière. À tout moment, une avalanche peut glisser de là-haut.

Décalez-vous ! crie Marie à son tour. Le marcheur s’arrête, hésite, oblique en titubant vers les enfants. Philippe et Marie distinguent des mèches de cheveux longs qui s’échappent d’un châle. C’est une femme assez jeune, d’une trentaine d’années peut-être, dont le visage ne leur dit rien. Étrangère au village, elle n’a pas entendu les mises en garde répétées du curé !

Un craquement se fait entendre sur la pente du toit ; ce n’est pas le premier depuis que les enfants travaillent.

Philippe bondit vers l’inconnue et l’agrippe par le bras pour la faire s’écarter.

Elle secoue le bras pour se dégager.

– Excusez-moi, c’était pour vous protéger, se justifie-t-il une fois qu’ils ont franchi l’angle de l’église. Il y a une énorme couche de neige là-haut ! Et beaucoup de glace sous la poudreuse d’aujourd’hui.

Les enfants de La Balme
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À ce moment-là, justement, un paquet de neige dure se détache du toit et se fracasse au sol avec un choc sourd.

La jeune femme ouvre de grands yeux et murmure :

Ah oui. Merci.

Marie demande :

Vous n’êtes pas d’ici ? Qu’est-ce qui vous amène à La Balme ?

Par une telle tempête, la route qui descend vers la vallée est difficilement praticable : il faut une raison impérieuse pour l’emprunter.

La jeune femme paraît épuisée et anxieuse. Au milieu de son visage blême, ses yeux bleus brillent d’un éclat pâle, tels deux myosotis égarés dans l’hiver. En guise de réponse, elle pose une autre question :

Pourrais-je voir votre curé ?

Sa voix trahit un léger accent étranger, avec des « r » râpeux et des « v » qui sonnent presque comme des « f ». Il vient à l’idée de Philippe qu’elle doit être alsacienne… ou allemande. Cette dernière hypothèse éveille sa méfiance.

Il n’est pas au presbytère, répond-il. Il est parti donner l’extrême-onction à Eugène, qui est malade. Eugène, c’est le plus âgé de chez nous. Il a perdu ses fils pendant la Grande Guerre, juste avant notre victoire sur l’Allemagne.

Philippe guette la réaction de son interlocutrice pour deviner sa nationalité. – Ah.

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Les enfants de La Balme

Ce soupir déçu exprime tout sauf un élan patriotique. La femme ajoute seulement :

Je vais l’attendre.

Elle grelotte et tient à peine debout. Marie dit vivement :

Vous voulez qu’on vous emmène chez nous ?

Non, merci.

Vous pourriez vous réchauffer dans la cuisine. Et si vous avez faim…

C’est gentil, mais ne vous dérangez pas. Même chez Philippe, la compassion remplace la méfiance.

Une marcheuse transie et exténuée ne saurait être une ennemie, quelle que soit sa nationalité. Il jette un coup d’œil vers la mairie. Les lumières brillent à l’étage :

M. Verly et sa famille sont chez eux.

Le maire pourrait vous accueillir, suggère-t-il. Vous n’auriez qu’à guetter monsieur le curé depuis ses fenêtres.

À ces mots, l’inconnue se décale pour se blottir dans l’encoignure de la porte.

Ne signalez pas ma présence au maire, je vous en prie.

Pourquoi ? demande Philippe en fronçant les sourcils.

Je n’ai rien fait de mal, je vous le promets. Mais je veux voir votre curé. Lui seul.

Ces phrases saccadées épaississent encore le mystère.

Philippe se demande subitement s’il s’agit d’une juive ou

d’une résistante. Est-elle au courant que le maire est un fervent soutien du maréchal Pétain ?

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Dans ce cas, intervient Marie, vous seriez mieux à l’intérieur de l’église. Il n’y fait pas beaucoup plus chaud que dehors, mais vous pourriez au moins vous asseoir. Elle ouvre la porte. La jeune femme la franchit après une brève hésitation. Elle ne fait ni génuflexion ni signe de croix avant de s’affaler sur le banc du fond.

Laissons-la, chuchote Philippe. En sortant, les deux pelleteurs distinguent une boule familière qui traverse la place à toute allure dans leur direction. C’est leur fidèle Bilou ! Le colley a de la neige jusqu’au poitrail. Marie enfouit la main dans son pelage tiède, et cela lui inspire une idée. Elle prend Bilou par le collier et le fait entrer dans l’église. Il lui semble que le chien claudique.

– Qu’est-ce que tu fabriques ? s’insurge Philippe. Le père Parnoud va se fâcher !

Marie fait la sourde oreille. Elle s’avance jusqu’à la jeune femme, que Bilou flaire prudemment.

Assis, Bilou, chuchote Marie, en lui faisant signe de se tapir contre l’inconnue grelottante. Il obéit.

Pour vous tenir chaud, précise Marie dans un souffle. Un sourire reconnaissant lui répond.

– J’espère que le père Parnoud sera bientôt là. Et je suis sûre qu’il ne m’en voudra pas d’avoir fait entrer Bilou pour vous.

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Les enfants de La Balme

Elle s’appelle Martha. C’est une Allemande bavaroise. Médecin… et athée.

Le père Parnoud a prononcé le dernier mot avec une réticence évidente.

Mais, enfin, elle me demande mon aide, à moi.

Il marche de long en large dans la sacristie. Ses chaussures trempées et l’ourlet dégoulinant de sa soutane laissent un sillage luisant sur les dalles de pierre. Il rentre juste de chez Eugène et vient de s’entretenir avec l’inconnue.

Pourquoi à vous ? demande Philippe à mi-voix.

Elle m’a raconté qu’elle avait dû fuir Munich, inquiétée par la Gestapo. Elle est partie très vite, sans une valise.

Arrivée à Annecy, elle a entendu parler de moi. On lui a dit que je lui ferais bon accueil, que grâce à moi elle pourrait trouver refuge dans le village.

Qui, « on » ? demande Marie.

Le curé soupire.

Je ne sais pas. Elle ne veut rien détailler, ni sur les circonstances de son évasion, ni sur son arrivée en France. Remarquez, les réfugiés ne sont jamais bavards. Elle prend des précautions que je vous ai moi-même recommandées il y a quelque temps… Vous vous rappelez ?

Les enfants hochent la tête.

– Donc, ce n’est pas son silence qui m’inquiète. Mais…

Le père Parnoud se tait.

– Mais ? demande Marie, curieuse.

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J’ai ces termites dans les poutres du presbytère. Martha m’a proposé ses services comme femme de ménage pour ne pas être à charge. L’intention est louable, mais je ne peux accepter. Il faut que je lui trouve du travail ailleurs. Et un hébergement, bien entendu. Les enfants ont compris l’allusion. Le curé dissimule des armes qui n’ont pas été remises aux Allemands lors de l’armistice. Si Philippe l’a aidé à les monter à l’étage quand il a fallu changer brusquement de cachette, même lui ignore où se trouve la nouvelle : le père Parnoud lui a fait poser les ballots dans un débarras obscur et lui a dit qu’il s’occupait du reste. Un jappement retentit au fond de l’église. Le curé et les enfants se précipitent. Bilou a une patte posée sur les genoux de la Bavaroise. Martha tient une écharde entre le pouce et l’index.

Voilà pourquoi il boitait, s’exclame Marie.

Vous voyez ? dit Martha avec un sourire las. Je suis médecin, mais je peux servir de vétérinaire à mes heures. Bilou fourre la truffe sur son manteau trempé en lui décochant un regard affectueux.

– Un vétérinaire peut être utile à La Balme… fait remarquer Philippe.

* * *

Il est six heures du soir, le samedi 28 février, quand les enfants entendent quelqu’un traverser la cour verglacée

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Les enfants de La Balme

de la ferme. Après la tempête de neige, il a gelé à pierre fendre toute la semaine. Les cheminées du village fument dans un air pur et tranchant comme du cristal. Pour se rendre en classe, les Bouvettaz dévalent la rue en traîneau ; le soir, c’est une autre histoire quand il s’agit de remonter. M. Bouvettaz leur a prêté les crampons de leur grand-père. C’est la seule solution pour adhérer à la pente !

D’où le regard étonné de Philippe et Marie, qui lèvent le nez de leurs cahiers et s’interrogent des yeux.

Qui peut bien nous rendre visite à cette heure ? demande Solange Bouvettaz en posant son fer à repasser brûlant.

Martha s’arrête aussi de coudre. Logée chez les Bouvettaz depuis une semaine, elle met ses doigts de fée au service de toutes les tâches. Assistante à l’étable dans la journée, elle devient lingère, cuisinière, femme de ménage au cours des longues soirées hivernales. D’abord réticente à l’idée de se faire aider, Solange compte désormais sur cette assistance précieuse offerte en échange de l’hébergement et de la nourriture. Cette dernière n’est pas le moindre des cadeaux : en raison de son statut clandestin, Martha ne reçoit pas de tickets de rationnement et représente une bouche de plus à nourrir, malgré les restrictions. Heureusement, les produits de la ferme permettent une confortable autonomie alimentaire à la famille Bouvettaz.

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La porte de la cuisine s’ouvre à la volée. Jean, les joues rougies, les sourcils blancs de givre, pénètre dans la pièce avec un courant d’air pétrifiant.

Oh, Jeannot, c’est toi ! s’exclame Solange. Qu’est-ce qui t’amène par un temps aussi rude ?

– Je profite d’un répit dans le travail pour vous rendre visite, dit Jean en glissant un coup d’œil furtif vers Martha.

« Il savait qu’on a une invitée » songent Philippe et Marie.

Leur aîné leur ébouriffe les cheveux.

Salut, les petits. Oh, vous faites vos devoirs ! Chut, continuez, si vous voulez devenir plus savants que moi.

Dans l’immédiat, cette ambition n’aiguillonne pas vraiment Philippe et Marie. Ils suivent Jean des yeux, le crayon en l’air. Leur frère s’est approché de Martha d’un pas un peu raide, comme s’il était intimidé.

Bonjour. J’ai croisé notre curé en arrivant au village. Il m’a dit que vous logiez à la maison.

Martha lui répond par un sourire pétillant :

De mon côté, j’ai entendu parler de vous et de vos talents de menuisier. On peut donc dire que les présentations sont faites. Enchantée.

Elle pose la chemise à repriser pour échanger une poignée de main. Le rayon bleu du regard de la jeune femme paraît gêner Jean, car il se détourne assez vite.

– Où est Papa ? demande-t-il à sa mère.

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Les enfants de La Balme

Dans la remise. Il répare la faux. Tu restes demain ?

Ça tombe bien, il sera content si tu peux lui donner un coup de main, il a plusieurs outils à remettre en état. Jean hoche la tête.

Bien sûr. Philippe, Marie ?

Oui ? font en chœur les intéressés.

Puisque vous n’avez pas l’air captivés par vos leçons

quel dommage –, ça vous ennuierait de monter dans ma chambre ? Je dois terminer après-demain un meuble pour enfants. J’ai besoin d’un conseil.

Là-haut, Jean tire de sa poche un carnet de croquis et exhibe le dessin d’un meuble à trois tiroirs orné de petits chevaux sculptés.

Alors, cette commode. Vous l’imaginez plutôt en pin clair ou en pin foncé ?

Philippe et Marie restent bouche bée.

Alors ? s’impatiente Jean.

Euh… en pin clair ? risque Philippe, sans comprendre. Jean hoche la tête, très sérieux, et rempoche le carnet.

Excellent choix. Bon, et maintenant, j’ai une autre question. Cette Martha, qu’est-ce que vous en pensez ?

Le visage des enfants s’éclaire. Ainsi, le meuble était un prétexte pour les prendre à part.

– Elle est… vraiment gentille, assure Marie.

– Et utile, renchérit Philippe. Elle sait tout faire au village !

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Depuis qu’elle soigne Eugène, il va beaucoup mieux. Elle a aussi guéri ton filleul Jean, qui toussait méchamment. Elle rend service à l’école, aux…

Je sais, coupe Jean, l’air grave. Le curé me l’a dit.

Alors pourquoi fais-tu cette tête ?

Jean se détourne pour réfléchir, mains croisées derrière le dos, visage collé à la vitre constellée d’étoiles de givre.

Parce qu’en gagnant la confiance des gens, elle entre dans toutes les maisons.

Et ?

Et on ne sait rien d’elle. Sauf qu’elle est boche.

Oh, Jean ! proteste Marie. Elle a fui la police là-bas.

Comment le sait-on ? Par la Gestapo ? demande Jean, ironique. Elle peut raconter ce qu’elle veut, c’est invérifiable.

On l’a vue arriver, glisse Philippe. Je te garantis qu’elle était en mauvais état. On voyait qu’elle n’inventait pas d’histoires. Tu aurais voulu qu’on la chasse du village, par méfiance ? Le père Parnoud a fait comme le Bon Samaritain…

La différence, c’est que le Bon Samaritain ne vivait pas dans un pays en guerre, tranche Jean à voix très basse.

– Martha n’entre pas au presbytère, chuchote Marie sans en ajouter davantage, car Jean comprend forcément ce qu’elle veut dire.

– Elle fait le ménage à l’église.

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Les enfants de La Balme

Qui ne communique pas avec le presbytère. Et le père Parnoud ferme toujours sa porte à double tour, et même les volets, chaque fois qu’il sort. Il dit que c’est pour protéger sa maison du froid.

Jean soupire.

Je sais. Il m’a expliqué tout ça. La voix de Solange résonne dans la maison :

À table, les enfants !

Avant de quitter la chambre, Jean murmure :

Si vous voyez Martha devenir un peu curieuse – même juste un peu –, avertissez-en le père Parnoud. D’accord ?

Chapitre 2

L’arrestation

– Martha est sssssiste.

– Qu’est-ce que tu dis ?

– Martha est sssssniste.

– Parle plus fort !

Philippe dévisage Léon avec un brin d’agacement.

Léon scrute les environs. Dans la cour des garçons règne l’effervescence habituelle des récréations. En ce début du mois de mars, l’école est encore tapissée de blanc.

L’attention générale est focalisée sur une pomme de pin disputée entre deux équipes qui la font glisser à coups de bâton sur la neige gelée. Régulièrement, des élèves trop pressés de s’en emparer s’étalent de tout leur long au milieu des éclats de rire.

Jugeant la diversion satisfaisante, Léon se risque à articuler :

– Martha est communiste.

– Ça alors ! Comment le sais-tu ?

– Elle me l’a dit. Pas vraiment comme ça, mais par allusions. Elle a compris que ma famille était comme elle.

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Les enfants de La Balme

La pomme de pin fonce vers les deux garçons. D’un coup de pied, Philippe la propulse à l’autre bout de la cour pour éloigner l’essaim de ses camarades.

Tout s’explique, chuchote-t-il. C’est pour ça qu’elle a dû fuir l’Allemagne.

Le régime nazi traque en effet impitoyablement les communistes. Léon hoche la tête et conclut :

Donc, c’est vraiment quelqu’un de bien.

Quelqu’un de bien, je veux bien le penser, dit le père Parnoud le soir même.

Il se lève pour remettre une bûche dans le feu. Philippe et Marie sont venus au presbytère sous prétexte de lui rapporter du linge d’autel blanchi et repassé en vue de la fête de Pâques. En réalité, ils voulaient surtout lui faire part de cette découverte du jour.

… Je veux bien le penser, répète le curé, songeur. Il se rassied.

Mais pas parce qu’elle est communiste. Marie demande à brûle-pourpoint :

Le communisme, qu’est-ce que c’est, en fait ? Léon nous l’a un peu expliqué, Pierre Verly aussi. Mais comme ils avaient des idées contraires… je n’ai pas bien compris.

Le père Parnoud se met à rire :

J’imagine en effet qu’ils n’avaient pas le même point de vue !

Puis, retrouvant son sérieux :

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– Il serait trop compliqué de te répondre dans les détails, Marie. Résumons en une phrase : l’Église met le nazisme et le communisme sur le même plan. Ils sont aussi mauvais l’un que l’autre. Le feu ronfle dans un silence stupéfait. Le père Parnoud reprend : – En 1937, à une semaine d’intervalle, le pape Pie XI, que Dieu ait son âme, a publié deux lettres : la première pour dénoncer l’horreur du nazisme, la seconde pour alerter sur la perversité du communisme. Car si le communisme prend les apparences trompeuses de la générosité, il mène, lui aussi, à des dictatures effroyables. Comme dans l’Allemagne d’Hitler, les peuples sont contrôlés par l’État, privés de toute liberté de conscience. Les opposants sont massacrés. Non, mes enfants, le communisme n’est pas bon, même si des communistes peuvent l’être, la famille de Léon par exemple. Je vous rassure d’ailleurs, je ne le dirai à personne au village, comme je vous l’ai promis. Les enfants se regardent. Le père Parnoud esquisse un fin sourire.

– Voulez-vous mon avis ? Il n’y a qu’un Maître au monde qui rende les hommes libres, c’est Jésus Christ. Les nazis et les communistes l’ont bien compris, et ils le haïssent, eux dont le but est d’asservir les esprits. Il se lève. Les enfants aussi.

– Paul vient passer Pâques ici, n’est-ce pas ?

– Oui, répond Philippe. Il arrive vendredi.

L’arrestation
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Les enfants de La Balme

Marie précise :

La semaine prochaine, nous partons à Morez avec lui pour la fin des vacances. Paul a envie d’être accompagné… C’est toujours difficile pour lui d’aller chez sa mère et son beau-père.

Le père Parnoud sourit.

Vous devez avoir hâte de le retrouver ! * * *

Lundi de Pâques, 6 avril. Marie fait la vaisselle du petit déjeuner lorsqu’elle aperçoit par la fenêtre de la cuisine une silhouette familière qui pénètre dans la cour de ferme : celle du crémier, M. Vacher.

Marie se tourne vers Philippe, qui est encore à table, et pousse un meuglement de vache en sourdine.

Qu’est-ce qui te prend ? s’étonne Mme Bouvettaz.

Philippe capte aussitôt le message codé. Il se lève brusquement en faisant tomber sa chaise.

Oh ! Un peu de douceur dans tes gestes, s’agace son père.

– Je viens de trouver la solution de mon problème de maths. Je peux aller l’écrire ? Sinon, je vais l’oublier… Chaque fois que M. Vacher passe acheter des reblochons à la ferme, Philippe continue à inventer une excuse pour éviter de le croiser. Mais, cette fois, ses parents semblent justement soucieux d’éloigner les enfants. Solange

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Bouvettaz, qui vient de jeter à son tour un coup d’œil dans la cour, approuve le retrait de son fils : – Bonne idée, Philippe. Marie, Paul, laissez-nous aussi, s’il vous plaît. Nous avons à parler entre adultes. Georges et Solange Bouvettaz se doutent depuis quelques semaines que la vente de reblochons au crémier d’Annecy est illicite. Les précautions dont s’entoure M. Vacher, sa manière d’arriver sac au dos comme s’il rendait visite à des amis en profitant d’un jour férié, l’absence de tout papier à signer sont autant d’indices suspects. Bertrand Vacher trempe dans ce trafic auquel on vient tout juste d’inventer un nom : le « marché noir ». C’est un commerce clandestin de produits rares, que les négociants achètent un peu cher mais revendent à prix d’or. Or tout produit est rare en cette année où les Français ont si faim !

Aujourd’hui, Georges et Solange comptent signifier à M. Vacher qu’ils lui vendent leur fromage pour la dernière fois. Jusqu’à présent, ils se disaient qu’il fallait bien gagner de l’argent pour vivre, habiller les enfants, entretenir aussi Martha… Mais ils viennent d’entendre des rumeurs courir à Annecy. On affirme que le gouvernement va durcir sa répression du commerce illégal. Il est temps d’arrêter, cela devient risqué, et surtout, ils ont de plus en plus mauvaise conscience de contribuer à ce trafic en temps d’extrême pénurie.

L’arrestation
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Les enfants de La Balme

Dans la chambre des garçons où le trio s’est retranché, Paul en profite pour donner à ses cousins des nouvelles confidentielles de sa vie au pensionnat : les festivités de Pâques les ont, jusqu’à présent, empêchés de se trouver seuls tous les trois.

Je ne vous ai pas encore dit que le père Favre était revenu… Il avait été nommé professeur de sport au collège de Florimont. C’est une école qui se trouve à Genève, donc en Suisse, mais qui est tenue par les mêmes prêtres que le Juvénat. Le père Favre n’est resté que quelques mois là-bas. Personne ne sait pourquoi il est revenu à Ville-la-Grand, sauf moi, parce que j’ai surpris deux autres prêtres qui discutaient un jour en se croyant seuls.

Paul se rengorge, fier de son talent d’espion.

Alors, pourquoi ? chuchote Philippe, avide.

On le soupçonne d’être gaulliste, déclare Paul.

Ooooh, s’extasie Marie.

Ce mot qui désigne les partisans du général de Gaulle est, pour le gouvernement de Vichy, synonyme de « criminel ». Mais il sonne doux aux oreilles des Bouvettaz.

Tu ne l’as dit à personne ? s’inquiète Philippe. Il ne

faudrait pas qu’Andrabel l’apprenne !

– Pour qui me prends-tu ? lâche Paul, vexé. Je…

Un coup discret frappé à la porte les fait sursauter.

Philippe va ouvrir.

– Martha ! dit-il en essayant d’adopter un air dégagé.

La réfugiée a-t-elle entendu leur discussion compromettante ? Elle-même présente une mine anxieuse.

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– Georges et Solange sont en danger. Marie et Paul bondissent sur leurs pieds.

– Pourquoi ?

– Six policiers sont au village. Je crois qu’ils sont sur la piste de M. Vacher. Vos parents vont être surpris en plein marché noir.

Elle tire de sa poche de tablier une coupure de journal.

Ce numéro date du 16 mars… Je l’ai eu en faisant les courses à Annecy pour Solange. Le quincailler avait emballé mes achats dedans.

Elle leur met le gros titre sous les yeux : « Tous les complices du marché noir seront sévèrement punis ». – J’ai aperçu les policiers à l’entrée de La Balme en rentrant de promenade, explique Martha. Ils interrogeaient Adèle Gillaz. J’ai pu les écouter, l’oratoire me cachait. Ils lui demandaient si elle avait vu passer M. Vacher, en lui donnant son signalement.

D’un pas décidé, Philippe gagne la porte.

Qu’est-ce qu’on fait ? demande Marie.

On va prévenir Papa et Maman, rétorque son frère.

Et si Vacher te voit ?

– Ça n’a plus d’importance ! Il a intérêt à décamper sans jamais revenir. Bon débarras.

– Trop tard, s’exclame Paul, qui guette par la fenêtre. Quatre hommes pénètrent dans la cour. Ils portent l’uniforme des GMR1.

L’arrestation
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1. Groupes mobiles de réserve.

Les enfants de La Balme

Oh, non, gémit Marie.

Il y a dans la cuisine cinquante reblochons disposés en évidence sur le buffet. M. Vacher doit être en train de les payer.

Qu’est-ce qu’il faut faire ? demande Marie.

J’ai un petit espoir, murmure Martha, qui regarde elle aussi à travers les carreaux, dissimulée derrière le rideau.

Pourvu qu’Henri et Manuel arrivent vite. Je suis passée les voir.

Manuel est le père de Léon, qui travaille toujours à la fruitière avec Henri.

Eux seuls peuvent – peut-être – sauver vos parents, dit Martha, énigmatique.

Hélas, les GMR atteignent déjà la porte. Philippe lance à Paul et Marie :

Courez avertir Papa et Maman. Qu’ils se dépêchent de cacher les fromages, pendant que j’essaie de retenir les GMR à la porte le plus longtemps possible…

Marie et Paul dévalent les marches pour courir à la cuisine. La sonnette tinte.

Oui ? Qui est-ce ? demande Philippe du haut de l’escalier.

– Groupes mobiles de réserve. Ouvrez !

– Oh, j’arrive, messieurs !

Il descend deux marches. – J’arrive. Excusez-moi, je ne peux pas courir, à cause de mon genou.

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L’explication floue fait patienter les GMR… environ trois secondes. Puis, ils frappent de nouveau.

Dépêchez-vous, ou on enfonce la porte. Impossible de jouer les prolongations. Philippe descend plus vite, puis fait semblant de peiner sur le loquet de la porte, pour gagner encore cinq secondes précieuses.

On y a mis le temps, s’énerve le chef de patrouille. Où sont tes parents ?

Derrière les quatre GMR, Philippe voit déboucher dans la cour Henri et Manuel. Ils tirent derrière eux un traîneau vide à patins métalliques, capable de glisser sur la terre comme sur la neige. On s’en sert à la fruitière pour faire de la manutention. Au bruit que fait cet attelage en raclant le sol, les policiers se retournent. Henri et Manuel soulèvent leur béret.

Bonjour, messieurs, bonjour, Philippe, dit Henri. On vient prendre livraison des reblochons de ton père, pour la fruitière.

Ah, dit bêtement Philippe.

Oui. Tes parents nous attendent. Laissant l’attelage devant la porte, Henri et Manuel entrent dans la maison. Les GMR leur emboîtent le pas. Dans la cuisine, Georges et Solange, Paul et Marie s’affairent autour du buffet. M. Vacher a disparu : sans doute a-t-il filé par la porte qui donne sur le jardin derrière la maison. Philippe constate que ses parents n’ont pas eu le temps d’escamoter les fromages. – Bonjour, Georges, dit Henri.

L’arrestation
37

Les enfants de La Balme

Georges Bouvettaz est pétrifié, Solange écarlate comme une écolière prise en faute. Marie s’est blottie contre elle.

Le cœur de Philippe se serre.

C’est gentil d’avoir déjà remonté vos fromages de la cave, s’exclame Henri en souriant. Ça nous fait gagner du temps !

Il tire un papier de sa poche.

Une petite signature ici, s’il te plaît… L’administration est de plus en plus rigoureuse. Elle a raison ! Le marché noir, quelle plaie pour la France !

Deux GMR se penchent sur le document pendant que Georges le paraphe. L’un d’eux chausse ses lunettes pour mieux lire. Philippe prie pour que ce document soit officiel et convaincant.

Un policier demande, méfiant :

Vous travaillez un lundi de Pâques, dans votre fruitière ?

Henri se tourne poliment vers lui.

Les vaches donnent du lait deux fois par jour, sans tenir compte des fêtes chômées, monsieur.

L’agent hoche la tête. Henri brode librement sur la réalité : la fruitière fonctionne au ralenti aujourd’hui, bien sûr. En tout cas pour les fromages, dont la gestion peut s’interrompre les jours fériés. Mais ces GMR citadins ne sont pas des spécialistes.

Henri rassemble une pile de reblochons, fait signe à Manuel d’en prendre une autre.

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Vous nous aiderez bien à transporter les fromages jusqu’au traîneau, les enfants ? demande-t-il.

Bertrand Vacher, vous connaissez ? interroge subitement le chef des GMR en scrutant Georges et Solange.

Georges Bouvettaz s’éclaircit la voix dans un silence oppressant :

Euh… Laissez-moi réfléchir… C’est un crémier d’Annecy, non ? Qui a sa boutique dans le quartier de la cathédrale ?

Oui. Vous le connaissez bien ?

Non. Je le croise parfois sur les marchés de la région. Pour se donner une contenance, les enfants font route vers l’extérieur, les bras chargés de fromages. Les adultes les suivent. Le GMR va-t-il pousser l’inquisition ?

En débouchant dans la cour, tout le monde est surpris par une paire d’autres policiers arriver comme une tornade. Martha avait bien dit qu’ils étaient six !

Arrivés à quelques mètres du traîneau, ils dégainent tous deux leur arme.

Manuel Martin, c’est qui ? lance le plus petit, qui arbore une moustache carrée à la mode de Berlin.

C’est moi, dit calmement le père de Léon.

– Vous êtes en état d’arrestation, glapit son collègue.

L’arrestation –

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