

RENCONTRE AVEC 10 JEUNES LECUIT
Préface
Le lecteur qui aborde ce recueil de témoignages est peut-être au cœur d’une recherche spirituelle. S’il est européen il est possible qu’il ait la fâcheuse impression d’être dans une impasse, que le sacré brille par son absence et que le spirituel se trouve ailleurs. Ou plutôt partout sauf en Europe. L’Inde écoute pieusement ses brahmanes, la Turquie danse avec ses derviches, l’Asie du Sud-Est médite les conseils du Bouddha et l’Amérique du Sud trinque avec les esprits de la forêt. Notre lecteur se demandera peut-être pourquoi sa civilisation, le monde occidental, est la seule à sembler ne pas ouvrir les portes du monde invisible à ses Pourtant,habitants. le vieux continent a été chrétien. Il a vécu au rythme de la liturgie et a produit en grand nombre des missionnaires pour le monde entier. Aujourd’hui toutefois, le christianisme semble y vivre comme une grand-mère pénible qui ne mériterait pas les égards dus à nos vieux parents. Son passé serait trop sombre et son présent trop gênant. Les coups de boutoir qui lui sont portés par le monde se font sentir d’année en année, statistiques à l’appui. Le constat du déclin européen du catholicisme n’échappera à personne.
Il n’aura pas échappé, en tout cas, à ces jeunes gens que nous donne à connaître Camille Lecuit dans le présent ouvrage. Les dix portraits qui nous sont dressés sont autant de réponses à l’appel du Seigneur. Ils m’évoquent immédiatement le dynamisme des jeunes laïcs que je rencontre dans mon quotidien d’évê que. L’engagement de ces derniers n’est pas un luxe. La France, en effet, sujette comme ses proches voisins à l’inversion des valeurs traditionnelles dans tous les domaines de la vie, ne manque pas uniquement de prêtres. Elle a aussi grand besoin de fidèles laïcs qui, refusant la désertion, travaillent à christianiser la vie Ceuxquotidienne.queCamille Lecuit fait témoigner investissent tous les champs de bataille. Hommes ou femmes, célibataires ou jeunes mariés, nous les trouvons à la ville comme à la campagne, sur les chantiers comme dans les salles de classe. Partout, nous trouvons ces individus dans la fleur de l’âge qui agissent en vue du Bien. La diversité de leurs personnalités, de leurs parcours, de leurs sensibilités liturgiques illustre cette ouverture qui fait la force de l’Église. « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit » nous dit saint Paul (1 Corinthiens 12, 4).
Ce livre, j’en suis convaincu, intéressera le lecteur qui se demande comment servir Dieu dans le monde. Si, comme je l’ai mentionné plus haut, ma vie d’évêque me met en contact avec des jeunes laïcs engagés, je vois aussi des fidèles en questionnement sur leur vocation. Ce questionnement peut être paralysant et nécessite parfois de tirer profit de l’expérience d’autres catholiques qui, malgré les embûches nombreuses, propres à notre espace et à notre temps, ont réussi à trouver une voie qui corresponde à leur désir de servir. Et en attendant la découverte de leur voie propre, ces âmes en recherche de sanctification trouveront dans ces pages une inspiration pour se montrer chrétien dans les petites choses du quotidien. Ce travail inspirera aussi les hommes d’Église. Ils trouveront sûrement dans les récits qui suivent des contextes sociaux et culturels ressemblant à ceux de leur circonscription et y puiseront des idées propres à stimuler la vie chrétienne des fidèles dont ils ont la Il mecharge.faut alors remercier chaleureusement Camille Lecuit pour son investigation et souhaiter que ses mots soient reçus dans de bonnes terres, prêtes pour la mission.
Monseigneur Dominique ReyIntroduction
J’aurais aimé si souvent lire dans les pensées de Dieu ! J’aurais voulu si souvent qu’il m’envoie une lettre en recommandé ou m’apparaisse en songe pour me dire avec clarté dans quel engagement il m’attendait. Du haut de mes modestes vingt-six années de vie, j’ai fini par comprendre que cette aspiration m’accom pagnerait probablement jusqu’au dernier soupir. J’ai aussi compris que bien d’autres jeunes autour de moi partageaient ces questionnements tenaces sur la manière de se donner pour la société. La vocation de ce livre est d’offrir quelques idées à puiser à la lumière de dix Convaincuerencontres.quela jeunesse a besoin d’exemples pour s’engager, j’aurais pu choisir simplement de faire une compilation de vies de saints. Mais ils sont parfois revêtus, dans notre imaginaire, d’une telle perfection, d’une vie si trépidante, ou de préoccupations liées à une époque si lointaine de la nôtre qu’il n’est pas toujours facile d’y prendre appui pour déterminer concrètement notre engagement dans le monde. C’est pourquoi, ces derniers mois, je suis plutôt allée à la rencontre de « graines de saints ». Des jeunes qui vivent en France aujourd’hui, au xxie siècle, avec ses attraits et ses vicissitudes, et qui ont trouvé chacun
leur manière bien singulière de s’engager pour la société, pour leur pays, et ultimement, pour le Christ. Des quartiers nord de Marseille aux quartiers chics de Paris, en passant par la campagne normande, ces jeunes ont ainsi accepté de m’ouvrir les portes de leur maison et celles de leur cœur. Ils m’ont fait plonger dans leur quotidien et l’histoire de leur vie qui les a conduits jusqu’à leur engagement d’aujourd’hui. Âgés de vingt à trente ans environ, ils ont compris que Dieu ne parlait pas toujours de manière explicite mais aussi à travers les talents et les désirs profonds qu’il fait germer en chacun de nous. Ils ont appris à y voir autant d’indices par lesquels il les aide à identifier la mission qu’il veut leur confier. Ils ont aussi accepté de faire des choix et de se lancer. Une leçon de vie précieuse pour tous ceux qui chercheraient le lieu où Dieu les appelle. Parmi tous ceux que j’ai visités, les uns, toujours en action et avides de grands projets, ont fondé des associations ou parcouru le monde en missions humanitaires. Les autres, amateurs de bains de foule, sont exposés à la scène médiatique, politique ou artistique. D’autres encore œuvrent dans la simplicité du quotidien, loin des projecteurs. Dans un EHPAD auprès de patients en fin de vie, dans un presbytère au milieu des cités, dans une école d’un réseau d’éducation prioritaire (REP), auprès de jeunes
scouts qui se forment à la navigation ou de lycéens avides de rencontrer le Christ. Certains sont céliba taires, d’autres sont jeunes mariés. Par le fruit du hasard et non de ma sélection méticuleuse, ils ont tous grandi dans une famille déjà animée par la foi catholique. Je l’ai découvert en allant les rencontrer. Ils se sont néanmoins construits dans des rapports très différents à celle-ci, certains en la rejetant, d’autres en se l’appropriant en douceur… mais en finissant toujours par y revenir, pour en faire désormais un pilier de leur vie. Il me tient à cœur autant qu’eux de le souligner : aucun de ces jeunes n’est parfait. Avec humilité, ils m’ont confié leurs faiblesses, leurs luttes intérieures et leurs erreurs passées. De quoi, je l’espère, rassurer chacun des lecteurs qui ne se sentirait pas à la hauteur. Malgré tout, je dois bien l’avouer, chacun de leur témoignage m’a édifiée. Ce n’est que d’une main tremblante que je prends la plume – ou plutôt mon clavier – pour les restituer. En espérant qu’ils susciteront quelques vocations de serviteurs du Royaume, dont l’édification commence dès ici-bas ! Tel est le souhait que Jean-Paul II formulait déjà auprès de la jeunesse de France, lors de son voyage apostolique à Paris en juin 1980, et qui éclaire tout particulièrement les pages qui suivent : « Au nom de
tout l’amour que je vous porte, je n’hésite pas à vous inviter : “Ouvrez toutes grandes vos portes au Christ !” Que craignez-vous ? Faites-lui confiance. Risquez de le suivre. […] Avec toute ma confiance et toute mon affection j’invite les jeunes de France à relever la tête et à marcher ensemble sur ce chemin, la main dans la main du Seigneur. “Jeune fille, lève-toi ! Jeune homme, lève-toi !” »
« À qui l’on a beaucoup on demandera beaucoup.donné,»Luc12,48
Sous un tonnerre d’applaudissements, Amaury Gomart s’avance sur la scène de l’Olympia. Cette prestigieuse salle de spectacle parisienne est comble ce soir pour la cinquième édition de la Nuit du bien commun. Cette soirée réunit une foule de donateurs pour financer douze projets associatifs sélectionnés en amont par un jury. Le jeune homme blond, arborant le sweat de son association, Arcade, prend la parole avec assurance, conscient qu’il ne dispose que de quatre minutes pour convaincre son auditoire.
« Perché sur les monts du Bugey, dans le département de l’Ain, se trouve le petit village de Saint-Alban où vivent cent quarante habitants. Depuis une dizaine d’années, une association de villageois se bat pour remettre debout l’ancienne église du village, tombée en ruines. Et cet été, une dizaine de jeunes d’autres régions de France sont venus leur prêter main-forte. » Balayant la foule de ses yeux bruns, il poursuit avec entrain : « Ces jeunes-là refusent de devenir de simples gardiens de ruine ; devant le péril qui guette notre
amaury Gomart, pour l’amour du patrimoine
l’annexe de ma chambre », me glisse-t-il avec un élan d’enthousiasme après avoir fait sa génuflexion. « Cette chapelle est toujours ouverte, je peux y passer le matin en sortant ou même venir prier en rentrant de soirée ! » De style classique, aux ornements plutôt sobres, chauffée l’hiver, le lieu invite spontanément au recueillement. Dans cet édifice silencieux éclairé d’une lumière tamisée, Amaury aime particulièrement prier devant la statue de saint Joseph qui trône près du chœur. Un saint pour lequel il a développé une dévotion particulière. Saint Joseph est pour lui un modèle d’homme, de chrétien, d’époux et de père… et il répond généralement avec une grande efficacité à ses prières ! Notre visite se poursuit jusqu’à l’appartement familial aux dimensions tout à fait spectaculaires. Amaury m’y conduit par un grand escalier de pierre donnant directement sur l’une des pièces, et en bas duquel figurent quelques photocopieuses. « Parfois nous nous baladons en pyjama et nous apercevons des officiers qui viennent imprimer des documents », s’amuse le jeune homme au passage. Cet univers militaire, qui fait partie de son quotidien, a véritablement forgé son idéal d’homme et son regard sur le monde. Il faut dire que non seulement son arrière-grand-père et ses deux grands-pères sont devenus militaires, mais
aussi tous ses oncles paternels (cinq frères), parmi lesquels le général Christophe Gomart, ancien commandant des opérations spéciales puis directeur du Renseignement militaire français. Son père, le général Hervé Gomart, est quant à lui major général de l’armée de terre. Le seul qui fait exception est son oncle Jacques, devenu prêtre dans la communauté de l’Emmanuel, et pour lequel Amaury a aussi une grande admiration – ainsi que pour l’autre de ses oncles qui a quitté l’armée pour s’investir en politique. Façonné par ces exemples masculins, Amaury voit germer dès son enfance un désir de se donner pour servir à la fois Dieu et son pays. Un idéal qu’il cultive aussi à travers ses racines vendéennes, très ancrées dans la famille présente dans la région depuis plus de cent ans. Dans la maison de vacances familiale, les tableaux des chefs de Vendée ornent la salle à manger, et l’un d’eux porte cette inscription qu’Amaury aime tant : « La Vendée c’est un nom qui claque comme un drapeau parce qu’il évoque un passé de fidélité. » Enfant, il joue aux guerres de Vendée avec ses cousins pendant des heures dans le jardin, se passionne pour les grandes figures chevaleresques mises à l’honneur dans les spectacles du célèbre Puy du Fou vendéen. Tout en me racontant cette période de sa vie avec fougue, le jeune homme blond ajoute : « C’est vrai
qu’en grandissant dans cet environnement, j’ai développé un côté très idéaliste… Ce qui n’est pas toujours une qualité ! Parfois je me perds un peu dans le mythe et j’ai du mal à remettre les pieds sur terre. » Ce sixième de neuf enfants me confie avoir toujours été catalogué comme l’« artiste de la famille », toujours en retard, avec la chambre en bazar, le lit défait, et mille projets à la minute dans la tête. Ce côté déconnecté ne l’a jamais pour autant conduit à se sentir exclu de la famille dans laquelle les hommes ont pour première qualité le sens pratique. Il se souvient de ces années heureuses et insouciantes pendant lesquelles il a grandi au milieu de ses sœurs. Son seul frère – l’aîné de la fratrie – étant parti en lycée militaire, Amaury était même le chouchou de la « Dansmaison. cet univers d’enfance préservé et chaleureux, la foi tenait déjà une place centrale », retrace Amaury. Il pointe alors du doigt l’icône de la Sainte Famille trônant à côté de nous dans le salon. « Tous les matins, depuis que je suis petit, je vois mes parents qui prient à genoux devant. Ce temps de prière est le point d’ancrage de leur couple, j’en suis très admiratif ». Il garde aussi en tête l’exemple de ses grands-parents paternels, récitant quotidiennement la prière de Charles de Foucauld : « Mon Père, je
m’abandonne à toi ». « Mon oncle Jacques m’a raconté que lorsqu’ils se sont investis en couple dans les équipes Notre-Dame, mon grand-père, qui avait alors un programme très chargé, a décidé d’avancer son réveil tous les matins d’une demi-heure pour prier. Oncle Jacques l’a vu se transformer de jour en jour. » Édifié par ces exemples de foi, Amaury cultive sa vie intérieure en grandissant. Une période marquante s’ouvre en 2005, quand la famille déménage en Guyane pour le travail du père d’Amaury. Ce dernier a alors à peine huit ans, et au sein de la paroisse, il découvre une foi vivante et animée. Les locaux y chantent à tue-tête pour louer le Seigneur. De ces deux années passées là-bas, Amaury conserve encore aujourd’hui un heureux souvenir de cette spiritualité joyeuse et expressive. Ce qui ne l’empêche pas d’apprécier aussi le côté plus sobre de la liturgie traditionnelle, lorsqu’il se joint à la foule des marcheurs du pèlerinage de Chartres, organisé chaque année par Notre-Dame-de-Chrétienté. En un mot il a fait de la foi le poumon de sa vie, conscient de la chance qu’il a eue d’avoir grandi dans une famille qui lui avait permis de rencontrer le Christ. Il n’empêche que toutes ces grâces reçues pendant son enfance très préservée font peu à peu naître en lui une forme de pression, d’exigence très forte. Il se met à
licence droit-histoire à l’Institut catholique de Vendée, sa région chérie, où il passe finalement des années inoubliables. Il fait ses premières armes en politique lors d’un stage à l’Assemblée nationale. Arpentant les couloirs du Palais-Bourbon, notre jeune idéaliste découvre un nouveau monde. Dans l’hémicycle, il est galvanisé par les discours, mais dans ces coulisses du pouvoir, il réalise aussi la rudesse et le côté malsain de l’univers politique, imprégné par les rumeurs, les jeux d’influence et la soif de puissance. Je remarque alors l’air plus grave sur son visage ; campé au fond de son fauteuil, il prend quelques secondes d’introspection et résume : « J’ai vu que ce milieu n’a pas vraiment d’âme et qu’on pouvait y perdre la sienne ». Pas totalement dégoûté pour autant, Amaury s’initie à un autre type d’expérience politique pendant son année de césure en 2018-2019, avant d’entrer en master1. Il passe trois mois dans une mairie de Vendée avant de partir à Bruxelles, au Parlement européen. Finalement, contre toute attente, l’expérience la plus marquante de son année de césure ne se trouve pas dans l’arène politique. À mille lieues des grands discours, des costumes cravates et des chemises bien repassées, Amaury se
1. Amaury fait un master en droit public à la Sorbonne, puis suit un master 2 en affaires publiques à l’HEIP.
retrouve au cœur du quartier Mistral de Grenoble, tristement célèbre, notamment pour le trafic de drogue qui y a lieu. Là, au milieu des immeubles défraîchis, dans ces rues insalubres où courent des gamins en sweats et casquettes, le jeune blondinet soigneusement habillé élit domicile pendant sept mois comme volontaire de l’association Le Rocher. Brus quement arraché à son confort habituel, il découvre la misère dans laquelle vivent ces gens qui partagent pourtant le même pays que lui, et se laisse surprendre par leur joie de vivre. Entre les parties de football avec les enfants, les activités avec certaines familles, l’entraide avec d’autres en difficulté, Amaury tisse des liens très forts avec ces personnes dont le quotidien et la culture sont pourtant si différents. Cette expérience marque aussi une étape dans sa vie de foi. Entouré de musulmans, il a tous les jours une occasion de témoigner à travers de belles discussions de sa relation avec Dieu, et de sa joie de se savoir aimé et sauvé par le Christ. Cette évangélisation quotidienne l’aide à prendre lui-même conscience de la manière dont Dieu change sa vie. À tel point qu’en quittant la mission, il se demande pourquoi il manque tant d’audace dans la vie courante pour en parler ! Amaury est bel et bien transformé par ces sept mois avec Le Rocher, qui
Pour l’amour du PatrImoIne deviendront une source d’inspiration essentielle pour créer, quelques mois plus tard, l’association Arcade. L’idée avait déjà germé vers le début de son année de césure. Un soir d’automne, Amaury boit un verre dans une brasserie parisienne avec Augustin, son ami vendéen, étudiant en architecture. Habitués à refaire le monde autour d’une bière, les deux amis partagent une même passion pour l’Histoire et le patrimoine français. Avalant une bonne rasade, Amaury glisse alors à son acolyte : « Tu ne trouves pas que c’est dommage qu’on passe notre temps à nous lamenter de ce que devient notre pays, tout en restant inactifs tant que ça n’impacte pas nos week-ends et nos vacances entre amis ? – Si, il faut qu’on se retrousse les manches, il est temps qu’on agisse ! » acquiesce Augustin. Et Amaury de lancer : « Il y a plein d’églises, d’abbayes et de monuments en France qui n’attendent qu’un peu de main-d’œuvre motivée pour être sauvés… On pourrait monter un projet et embarquer nos amis dedans ! » L’idée mûrit peu à peu, jusqu’à ce que les deux compères aboutissent, au printemps, au projet suivant : l’organisation de chantiers pendant les vacances d’été, auxquels pourraient se joindre tous les jeunes entre dix-huit et trente ans, de manière
de Conques en pèlerinage. Une autre fois, certains se rendent chez Robert, le charpentier du coin, qui leur fait découvrir l’un de ses chantiers, tandis qu’un autre groupe se rend chez Fred, un maçon qui leur montre la maison qu’il s’est lui-même construite, heureux de voir ces jeunes de passage dans ce coin de France.
Tel devient le modèle type des chantiers d’Arcade, qui s’ouvrent aux quatre coins du pays dès l’été suivant, une fois les statuts de l’association déposés, en décembre 2019. À la création, un bureau est constitué, et les responsabilités partagées entre la demi-douzaine d’amis qui s’impliquent avec entrain dans le projet. Partageant la même foi, ils décident de placer leur association sous le patronage de saint Joseph, qui semble dès lors veiller activement au grain depuis là-haut ! Une fois, il manque une voiture pour un chantier, les amis se tournent vers saint Joseph et soudain un véhicule est proposé… Il manque des inscrits pour un autre chantier, ils prient le saint patron de l’association et aussitôt tout se débloque, raconte Amaury avec émerveillement. Sans compter qu’aucun accident grave n’est encore survenu sur les chantiers en deux ans. Amaury précise que si pour l’heure presque tous les volontaires partagent la même foi catholique, l’association a vocation à être ouverte à tous. Sur les chantiers, l’évangélisation n’est qu’un
heureux effet collatéral, car ce n’est pas le premier objectif affiché. Lors de la restauration de l’église de Saint-Alban dans l’Ain en août 2021, les volontaires organisent une messe au milieu des ruines en reconstruction, et plusieurs villageois se joignent à eux avec émotion. Amaury me glisse au passage :
« Pour moi, toutes ces églises ne sont pas qu’un assemblage de pierres, je suis sûr qu’elles sont un témoignage vivant de l’amour de Dieu dans notre paysage français. C’est aussi pour cela que nous voulons les faire revivre. » Arcade réserve ainsi cinquante pour cent de ses chantiers à des édifices religieux : chapelles, églises, abbayes, couvents, monastères… Il faut dire qu’il y a l’embarras du choix ! Tout en travaillant comme autoentrepreneur en gestion de projets pour deux structures, Amaury organise les prochains chantiers, qui ne cessent de se multiplier. Je lui demande :
« Penses-tu faire d’Arcade ton métier à plein temps ? – Ce qui est sûr, c’est que je ne compte pour l’instant pas m’arrêter là ! Je dirais que j’ai trouvé dans cette mission une première forme de réponse à ce désir profond de me donner pour Dieu et mon pays. J’apprécie vraiment d’y consacrer du temps. » À l’issue de son alternance à la Fédération française du bâtiment en Île-de-France, Amaury a d’ailleurs
Pour l’amour du PatrImoIne choisi de décliner une offre d’emploi, préférant faire fructifier Arcade. Et, cela va sans dire, développer aussitôt d’autres projets en parallèle ! Il m’avoue, avec un air presque contrit : « Ma grande difficulté, c’est de tenir dans la durée. J’ai plein de projets mais je suis aussi très paresseux au jour le jour, j’ai du mal à me lever le matin, à respecter mes horaires, et surtout… à accepter la simplicité du quotidien. Mon défi, c’est l’abandon ; mon combat, la fidélité. » Pour surmonter cette faiblesse, Amaury s’appuie non seulement sur saint Joseph, resté fidèle dans les difficultés, mais aussi sur sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sa « grande sœur du Ciel », devenue Docteur de l’Église en ayant pourtant accepté une vie simple, avec son lot de monotonie, au fond de son Carmel de Lisieux. Qui sait ? Suivre leur exemple ne l’empêchera peut-être pas d’accomplir un jour son rêve d’enfant : celui de devenir, non plus président d’Arcade, mais président de la République !
table des matières

Introduction 8 Amaury Gomart, pour l’amour du patrimoine 12 Élisabeth de Courrèges, au chevet des patients en fin de vie 26 Vincent et Alice Drisch, Dieu au milieu de l’épreuve 41 Alexis Romanov, scout toujours !.................... 57 Aliette Espieux, combattante pour la vie......... 73 Antoine et Sixtine Rose, l’âme des cités........... 88 Gab, le rap et Dieu dans la peau ..................... 103 Marie Chaligné, la joie de l’éducation ............. 117 Pierre Brochard, cap sur l’aventure ................. 132 Isabelle Pélissié du Rosas, vent de mission dans les campagnes ................ 145 Remerciements ................................................ 159
Achevé d’imprimer en août 2022 par Graphycems en Espagne N° d’édition : 22168 Dépôt légal : septembre 2022
