JULIE CHABOUD
LES ANGES GARDIENS
3 histoires, 3 rencontres… le nouveau récit de Julie Chaboud
Direction : Guillaume Arnaud
Direction éditoriale : Sophie Cluzel
Direction artistique de l’ouvrage : Thérèse Jauze Édition : Vincent Morch
Compositeur : Pixellence
Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Florence Bellot
© Mame, Paris, 2022 www.mameeditions.com ISBN : 978-2-7289-3091-3 MDS : MM30913
Tous droits réservés pour tous pays.
« À qui n’est-il pas arrivé de dire à quelqu’un : “Tu es un ange pour moi. Tu es arrivé au bon moment. Je me sens à l’aise avec toi. Tu me fais du bien” ? Quel mari n’a jamais dit à sa femme : “Tu es un ange pour moi. Tu m’as fait entrer en contact avec l’amour qui est en moi et que j’ai si longtemps réprimé. Grâce à toi, ma vie est plus riche” ? N’arrive-t-il pas à des parents de dire à leur enfant : “Tu es un ange. Tu apportes tant de fraîcheur, de légèreté et de vie dans notre existence” ? Lorsque nous disons cela, ce n’est pas seulement symbolique. Nous pouvons être des anges les uns pour les autres. »
Anselm Grün, Le Petit Livre des anges.
Préface
« Ceux qui nous sauvent de notre vie, ne savent pas qu’ils nous sauvent. » C. Bobin, La Grande Vie.
Julie Chaboud nous fait entrer dans une paren thèse poétique et enchanteresse qui ne manque pas de nous donner le vertige, au sens propre comme au sens figuré !
Elle nous conduit au sommet de l’Everest par un récit si bien mené qu’il nous invite à faire notre « ascension » personnelle.
Moi qui ai particulièrement le vertige, j’ai eu le mal des montagnes en lisant ces pages… « Quelle horreur ! », me suis-je écriée à plusieurs reprises.
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Cela m’a fait comprendre, une nouvelle fois, que nous n’étions pas appelés aux mêmes choses ! Et, par analogie, cela m’a fait mesurer les craintes et les angoisses, voire le rejet, de certains envers notre histoire qui est, pour nous, évidente. À notre façon, nous leur avons donné « le mal des montages » !
Nous n’empruntons pas les mêmes chemins de crête mais chacun a son histoire qui vaut de l’or. Chaque histoire est sacrée et remplit à sa façon le Ciel d’étoiles. Pas une ne brille plus qu’une autre.
Julie, tu nous fais mesurer, avec tes mots si justes, que chacun de nous a sa place, que chacun de nous est lumière pour l’autre, que chacun de nous est un « ange gardien » pour l’autre.
Ton merveilleux petit Jacques est le « liant » dont notre monde a besoin, ton petit Jacques sauve les cœurs.
Merci, Julie, d’avoir mis en lumière ces beaux récits qui viennent nous enrichir.
Merci d’avoir mis sur mon chemin ces anges de lumière qui vont éclairer mes pas.
Clotilde Noël.
LES ANGES GARDIENS
Prologue
En classe, le maître de Jacques lit à ses élèves Les Choses précieuses. Cet album raconte l’histoire d’un petit garçon, Archibald, qui prend conscience que les choses qu’il croyait précieuses finissent bien souvent cassées ou enfermées, alors que celles qui le sont vraiment – le vent, la neige, le chant des oiseaux, la lune – sont offertes gratuitement et ne peuvent appartenir à personne.
Une fois la lecture terminée, un enfant réagit et explique que ce livre lui fait penser à Jacques en récréation, quand il est couché dans l’herbe et qu’il contemple le ciel. Un autre enfant poursuit en racontant que, un jour, Jacques a fait passer sa main dans un rayon de soleil qui entrait dans la classe. Il a fait ça longtemps en souriant – sur le moment, il n’a pas compris pourquoi. Puis un autre élève continue : cet hiver, quand il a neigé, il se rappelle que Jacques est resté devant la
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fenêtre en répétant « Il neige, il neige » toute la matinée !
Alors, le petit garçon qui avait pris la parole en premier conclut : « Maître, je pense que nous avons beaucoup de chance que Jacques soit dans notre classe, car non seulement il sait vraiment voir les choses précieuses mais, en plus, je crois qu’il est là pour nous les montrer. »
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Chapitre 1
Michel
Ma femme repose en terre, dans un petit village, face aux montagnes. Chaque samedi, je prends ma voiture, je quitte la vallée. Je fais toujours un arrêt chez la fleuriste pour acheter un bouquet. Puis je prends de la hauteur et je me rends sur sa tombe pour la retrouver. Je me gare, je fais quelques pas et pousse le lourd portail vert-de-gris en fer forgé. Je passe devant le monument aux morts, j’emprunte les allées de gravier et je descends quelques marches pour accéder à la partie récente du cimetière où elle a été enterrée. Mon épouse était l’élégance incarnée, toujours belle et apprêtée, et ce, même quand elle jardinait. Alors, je fais toujours un effort vestimentaire particulier. Je porte une chemise blanche imma culée que j’ai pris soin de repasser, un pantalon en velours, une veste bleu marine et des mocassins en cuir marron bien cirés.
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Quand j’arrive devant sa tombe, je me baisse pour prendre le vase. Je le vide de son eau et le remplis à nouveau à la fontaine qui se trouve juste à côté. Puis je remplace les fleurs fanées. Je nettoie rapidement la stèle de marbre noir, enlève la poussière, la terre ou les feuilles mortes qui auraient pu s’y déposer. J’arrose les bruyères plantées dans un bac. Pour terminer, je remets en place les pots de fleurs pour qu’ils soient bien disposés.
Je jette un coup d’œil aux tombes d’à côté : un caveau familial, une croix en bois, toute simple, et puis, pour la toute petite Lola, une multitude de messages, de fleurs, de plaques : « Les étoiles entre elles ne parlent que de toi. »
Je me tiens droit, les mains croisées face à la stèle sobre et noire surmontée d’une croix sur laquelle est gravé son nom en lettres dorées. Cela fera exactement dix ans, cette année, que Babeth est décédée.
Quand je me rends dans ce cimetière, c’est toute ma jeunesse qui soudain rejaillit. Muriel et Colette, enterrées juste à côté, faisaient partie de notre bande d’adolescents. Nous nous retrouvions chaque été avec une telle joie dans les environs ! Et c’est juste ment ici, pour Babeth et moi, que tout a commencé.
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Nous habitions en ville, mais mes parents avaient bâti ici une petite maison de vacances dans les montagnes. J’y passais les mois d’été avec ma sœur, tous deux gardés par nos grands-parents. Mes parents, eux, restaient en ville la semaine pour travailler. Chaque été, je retrouvais ma bande de copains… Notre lieu de réunion était une petite cabane en bois que nous avions récupérée, réparée et aménagée. Nous y passions nos fins d’après-midi et nos plus belles soirées à discuter, à refaire le monde et à écouter de la musique. En journée, nous enfourchions nos vélos, nous pédalions jusqu’au col avant de redescendre à toute allure vers la petite bourgade voisine, derrière la montagne, pour aller nager à la piscine ou enchaîner d’interminables parties de tennis. Le samedi soir, après avoir fermé la porte de son salon de coiffure, ma mère m’apportait d’énormes piles de livres pour satis faire mon insatiable soif de lecture. Je me rappelle avoir dévoré, au cours de ces étés, Germinal, Premier de cordée, Le Comte de Monte-Cristo ou encore Les Misérables.
L’été de mes seize ans, Babeth avait été invitée en vacances chez une amie dont les parents étaient les propriétaires d’une vieille demeure bourgeoise que
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tous, dans le coin, appelaient pompeusement « le Château ». Ne connaissant pas d’autres jeunes et s’ennuyant à mourir dans ce petit village, elles étaient allées trouver le curé pour lui demander une idée afin d’occuper leur temps libre. Il leur avait alors suggéré de remettre sur pied la « kermesse du 15 août », la grande fête du village qui s’était malheureusement éteinte depuis plusieurs années, faute de candidats pour l’organiser. Ayant perçu mon esprit d’entrepreneur, il leur avait conseillé de venir me rencontrer.
Ce soir-là, je suis passé à vélo devant notre cabane à une heure tardive. Tous les garçons de la bande, nerveux et excités, m’attendaient. Ils se coupaient tous successivement la parole, trop impatients de me raconter l’événement qui s’était produit pendant mon absence. Dans la cacophonie de leurs récits, j’ai réussi à comprendre que deux jeunes filles du village voisin étaient venues me rencontrer. Oui, elles avaient bien pris la peine de mentionner mon nom ! Et, ne me trouvant pas, elles avaient tourné les talons, les prévenant qu’elles repasseraient le lendemain à la même heure pour me parler… Sans aucune concertation, le soir suivant, nous nous sommes tous retrouvés douchés,
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peignés et au garde-à-vous devant notre fameux cabanon. Dès que je les ai aperçues, au loin, arriver, je n’ai plus vu que l’une d’entre elles : elle était brune, belle, fine, souriante, solaire. Dans un grand éclat de rire, elle est venue me saluer.
C’était l’été de mes seize ans, et Babeth venait de s’emparer de mon cœur à jamais.
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Chapitre
Romain
Après l’avoir aidé à enfiler ses chaussons, je serre une dernière fois mon fils dans les bras. Je le confie à sa maîtresse puis je quitte la classe de maternelle. Je traverse l’entrée exiguë en saluant les quelques parents que je connais : beaucoup de mères et quelques pères bien apprêtés qui doivent se dépêcher de partir travailler. Comme, pour moi, rien ne presse, je traverse tranquillement la cour de l’école, et je veille à bien refermer le portail derrière moi. Puis je déambule de ma haute silhouette longiligne, d’un pas plus assuré, à travers les quelques rues de notre petit village. Je lève les yeux vers les montagnes qui se dessinent au loin derrière le clocher. Je remarque qu’il a neigé. Désormais, je ne peux regarder que de loin ces hauts sommets qui m’ont tant fasciné.
Je suis né et j’ai grandi en Provence mais j’ai hérité, dès ma plus tendre enfance, d’un goût immodéré
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pour l’alpinisme, le ski et la randonnée. Mon père avait fait son service militaire chez les chasseurs alpins l’année mythique des Jeux olympiques. Il a toujours œuvré pour transmettre à ses enfants son amour de la montagne. Il nous emmenait skier chaque hiver, mais aussi randonner chaque été. Du côté maternel, on cultivait aussi cette passion : l’été, mes grands-parents réunissaient leurs cinq enfants et leurs familles nombreuses pour des vacances dans les Alpes. À dix ans à peine, j’atteignis mon premier sommet de 3 000 mètres, juste en face du Cervin. Puis je gravis, seulement quelques années après, mon premier glacier. Nous avions loué pour cette expédition des crampons, des cordes et des piolets. Même si ma mémoire me joue des tours désormais, je n’oublierai jamais la vision extraordi naire des cimes enneigées ni des chaînes monta gneuses se déployant avec majesté à mes pieds.
À l’âge adulte, quand j’ai embrassé ma carrière militaire, j’ai toujours gardé comme objectif d’intégrer le régiment des chasseurs alpins. C’est seulement de longues années après m’être engagé que j’y suis parvenu. Enfin ! Je venais de passer et de réussir haut la main les qualifications pour conduire des troupes l’hiver, en montagne.
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Il me revient avec tant de nostalgie cette lumière scintillante et aveuglante des hauts sommets, cet air si particulier à la fois sec, pur, intense et enivrant que l’on respire en haut de ces géants et que je ne retrouverai plus jamais.
J’atteins notre ruelle qui longe le parc de la grosse bâtisse ancienne que les gens d’ici appellent « le Château ». Je rentre dans notre cour par le portillon en bois qui est resté ouvert. Je passe, en me courbant légèrement, à cause de ma taille immense, l’embrasure de la porte d’entrée.
Comme chaque matin, le départ des enfants à l’école et de mon épouse au travail s’est fait dans la précipitation. Les affaires jetées négligemment par-ci par-là témoignent de toute cette agitation. Alors je me baisse pour ramasser avec ma seule main valide les chaussures, les vestes, les chaus settes, les cahiers. Je remets à leur juste place, avec la lenteur qui me caractérise désormais, chacun de ces objets. Quand l’entrée de la maison a retrouvé une allure décente, je me dirige, toujours en m’in clinant à chaque passage de porte, jusque dans la cuisine pour m’attaquer au chaos qui règne sur la table du petit déjeuner.
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Chaque petite chose que j’entreprends désormais me prend deux fois plus de temps qu’auparavant. Je suis encore jeune, en pleine force de l’âge ; pourtant, je dois adopter un rythme sage et modéré de vieux monsieur. Toute la moitié droite de mon corps est comme endormie, ou morte. Je ne sens plus rien de ce côté-là : ni les coups, ni les blessures, ni le chaud, ni le froid. Il m’arrive de me réveiller la nuit avec l’impression étrange d’avoir perdu mon bras. Alors, je me mets à le chercher dans le lit. Bien que je ne sente plus cette moitié perdue de moi-même, elle m’inflige parfois d’intenses douleurs. Elle me fait mal. En profondeur.
Je casse beaucoup de choses. Mon téléphone, parfois. Des verres, souvent. Quand cela arrive, je me mets hors de moi. Je pourrais me rendre la vie plus facile en achetant du matériel adapté. Mais je veux pouvoir vivre comme tout le monde. Je ne veux surtout pas m’apitoyer ni me laisser enfermer dans la case « handicapé ». Et puis, avec la vie trépidante d’une famille nombreuse, je n’ai pas le temps de m’attarder sur ce qui me ralentit. J’avance avec ce corps différent qu’il faut chaque jour apprendre à apprivoiser. Depuis mon accident, c’est le nouveau et le seul combat que j’ai à mener.
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J’ai toujours été d’un naturel franc et entier. Pourtant, depuis cinq ans, je feinte, j’anticipe, j’apprends sans cesse à esquiver. Dans ma tête règne parfois une grande confusion. Tout se mélange, mais je donne sans arrêt le change. J’écoute beaucoup, je parle très peu. Quand je dois le faire, je réfléchis aux mots qui vont me poser problème. Comme un skieur qui visualise sur la ligne de départ sa descente et négocie mentalement les virages dangereux, j’esquive les mots difficiles sur lesquels je risque de buter. Je cherche des remplaçants à tous ceux qui pourraient venir trahir ma fragilité.
Je navigue entre deux eaux. Extérieurement, les séquelles de mon accident ne sont pas si visibles. Ceux qui me côtoient oublient souvent les efforts intenses que je dois déployer pour réaliser les plus petites tâches quotidiennes. Moi qui ai été envoyé au Tchad ou en Afghanistan, mes nouvelles opéra tions extérieures s’appellent désormais : « vider la machine à laver », « couper les légumes », « changer les draps et les housses de couette » ou « ranger les jouets »…
Pourtant, à vingt ans, rien ne me prédestinait à devenir père au foyer. Je venais de réussir l’examen d’entrée à l’École nationale des sous-officiers et je
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quittais enfin la maison familiale, sac militaire sur l’épaule, dans un retentissant « Salut, je me casse ! » – réplique tout à l’image du trublion que j’étais, et qui résonne encore de façon tonitruante aux oreilles de mes parents.
J’ai rejoint en train la caserne pour embrasser ma carrière militaire. N’étant pas formaté pour le monde scolaire, j’avais peiné à obtenir mon baccalauréat. Dès les premiers jours là-bas, j’ai tout de suite su que j’avais fait le bon choix. J’aimais vivre dehors. J’avais une énergie débordante et un besoin vital de faire du sport. Venant d’une famille nombreuse, je ne craignais pas la vie en communauté : au contraire, un véritable esprit d’équipe et de camaraderie m’animait. Enfin, par-dessus tout, j’étais si heureux de porter cet uniforme qui me prodiguait tant de fierté.
La table du petit déjeuner est enfin rangée et nettoyée. Mon esprit divague et je dois faire un effort colossal pour me rappeler le programme de la matinée. Je me concentre, je cherche, mais rien ne vient. Pourtant, hier soir, je suis sûr que ma femme a insisté pour que je fasse quelque chose en particulier. J’attends, je réfléchis, mais je ne parviens à saisir dans mon esprit aucune bribe
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de souvenir à laquelle me raccrocher. C’est le vide. Je m’énerve. C’est comme si cette information, cette discussion qui ne date pourtant que d’hier, était partie en fumée, s’était diluée dans mon cerveau. Alors, pour lui laisser une chance de réapparaître, je me fais un café tout en m’attelant à la préparation quotidienne de notre pain. Je soulève le torchon blanc qui recouvre la boule de pâte que j’ai pétrie à l’aube. Je la dépose sur une plaque en bois farinée et la travaille une nouvelle fois. Quand je sens que la boule peut être rompue, je la façonne en une dizaine de petits pains que je laisserai encore reposer sous un torchon pendant une heure. Tout en buvant mon café, je mélange ensuite un peu d’eau et de farine pour confectionner un levain naturel dont je me servirai dans quelques jours. Cela fait plusieurs mois que je me suis découvert une vraie passion pour la boulangerie. Confectionner notre pain chaque matin est devenu un rituel presque sacré qui me calme et me détend.
De mes premières années de jeune militaire, je me rappelle surtout les copains, la fête, et la vie au grand air. Nous étions une bande de cinq insé parables. Nous avions suivi la Coupe du monde
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de football dans les bars alentour et célébré joyeusement l’exploit magnifique de l’équipe de France. Nostalgique des hauts sommets, je m’échappais dès que possible l’hiver pour aller skier. Je peux décrire chacune de ces folles soirées, chacun de ces amis, tandis que la discussion d’hier soir avec ma femme ne m’est toujours pas revenue à l’esprit…
Mon épouse aurait-elle pu imaginer celui que j’allais devenir quand nous nous sommes mariés ? Quand nous avons échangé devant Dieu nos consentements, aurions-nous pu envisager tous les deux ce que signifierait vraiment « s’aimer fidèlement dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et la maladie tout au long de notre vie » ?
Elle est parfois dure avec moi autant que je le suis à son égard. Je ne lui en veux pas car elle est toujours là. Elle était enceinte de notre dernier enfant quand sa vie, à elle aussi, a volé en éclats. Du soldat vaillant, fort, indestructible, assez absent, il ne reste plus rien. Elle a dû apprendre à aimer un père de famille fragile, souvent fatigué, parfois en colère, et omniprésent à la maison. Elle a dû aussi se réinventer et, de mère au foyer, devenir femme active, renouer avec des patients, et, surtout, accepter de me laisser la place qu’elle occupait.
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C’est l’équilibre tout entier de notre famille qui a valsé avec cet accident.
La présence de nos enfants a été à la fois notre fardeau et notre salut. Si je tiens encore debout aujourd’hui, c’est grâce à chacun d’entre eux. Notre fils cadet est le seul qui ne m’ait pas connu « avant ». Il y a, entre nous deux, ce lien mystérieux qui nous unit.
Un rayon de soleil entre subitement dans notre petite maison et vient me réchauffer le pied. Comme je suis encore dans l’incertitude concernant le programme de la matinée, je quitte la cuisine, traverse la cour et me dirige vers mon petit jardin.
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Gabrielle, Michel, Romain : des êtres si différents et pourtant si semblables, des êtres étourdis par les montagnes, des êtres partis à la conquête de l’Invisible, des êtres qui doivent leur rêve, leur vie, leur dignité, à des anges mis sur leur chemin. Des anges qui veillent secrètement sur eux, et qui sont, sur cette terre, les gardiens de leur âme.
Julie Chaboud vit dans un petit village face aux montagnes. Elle est mère de quatre enfants. Bénévole pour l’association Magdalena, elle s’est vouée à mettre par écrit les témoignages de ceux qui se confient à elle. Elle a déjà tiré de ce travail la matière d’un premier ouvrage, Rescapés, paru chez Mame en 2019.
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Photographie de couverture © Shutterstock.
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prix France www.mameeditions.com