9782383861256 Le grand livre des princesses

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Textes : Anne-Sophie Chauvet

Illustrations : Marthe Poizat

Le REINES et PRINCESSES de FRANCE des GRAND LIVRE

Sainte Clotilde

(vers 474-545)

épouse de Clovis Ier

Celle par qui le royaume des Francs est devenu chrétien

La vie de Clotilde est connue grâce à Grégoire de Tours, qui en parle dans son livre Histoire des Francs, mais il la présente de manière hagiographique, c’est-à-dire un peu trop parfaite ! L’enfance de Clotilde s’est déroulée à la cour du royaume chrétien burgonde, un peuple germanique (sans doute originaire de Scandinavie) dont le territoire allait des villes actuelles d’Auxerre, Dijon et Bâle au nord jusqu’à la Méditerranée au sud. Ses parents ayant été tués quand elle avait 4 ans, elle grandit dans un couvent et reçut une éducation soignée : elle devint une jeune et belle princesse, mais brillait surtout par son intelligence.

On ne sait pas exactement comment Clotilde a rencontré le Mérovingien Clovis, à la tête d’un royaume franc fondé en 481 et allant de Reims, à Amiens et Boulogne. La date exacte de leur mariage est également inconnue (entre 492 et 502). Mais une chose est sûre : Clovis aimait profondément sa femme et tolérait qu’elle prenne des décisions qu’il n’approuvait pas toujours… Comme quand Clotilde fit baptiser leurs enfants sans lui demander son avis !

À la mort de Clovis, en 511, elle resta à la cour pour soutenir ses trois fils, qui, avec leur frère aîné issu d’un premier mariage, recevaient chacun une partie du royaume de leur père, divisé en quatre. Les capitales de ces royaumes étaient alors : Orléans, Paris, Soissons et Reims. Ce n’est qu’en 524 qu’elle se retira à Tours, où elle mourut en 545. Elle fut canonisée vers 560.

L’amie de sainte Geneviève

Sainte Geneviève est aujourd’hui la patronne de la ville de Paris, du diocèse de Nanterre et des gendarmes. Même si elle avait environ cinquante ans de plus que Clotilde, les deux femmes s’entendaient très bien ! Geneviève avait prié pour la conversion de Clovis et elle aida Clotilde à préparer le baptême de ce dernier. Elle joua également un rôle essentiel dans la vie politique et religieuse de l’époque de Clovis. Son rayonnement spirituel et son influence politique étaient immenses.

À la mort de Geneviève, c’est Clotilde qui chargea un moine burgonde d’écrire le récit de la vie de sa sainte amie. Leur amitié était si forte que Clovis, Clotilde et Geneviève furent enterrés dans le même tombeau ! Ce tombeau se trouve à Paris, dans l'église Saint-Étienne-du-Mont.

Tolbiac ou le baptême de la France

Au cours de la bataille de Tolbiac (en 496 ou 506), alors que les armées franques étaient en très mauvaise posture face aux Alamans (un autre peuple germanique), Clovis invoqua « le Dieu de Clotilde » : si Jésus lui accordait la victoire, le roi se ferait baptiser en son nom. À peine eut-il fait cette promesse que l’ennemi s’enfuit, offrant la victoire totale aux Francs. L’archevêque Remi baptisa Clovis et trois mille de ses guerriers un jour de Noël, à Reims.

Radegonde de Poitiers

(vers 518-587)

épouse de Clotaire Ier

De prisonnière à reine

Radegonde connut une enfance mouvementée : lorsqu’elle avait 3 ans, son père, le roi de Thuringe, fut assassiné, et le royaume, déchiré par une guerre fratricide. Radegonde grandit à la cour de son oncle… en paix ? Eh non ! La Thuringe (qui occupait peu ou prou tout le centre de l’Allemagne actuelle) fut soumise et incorporée aux royaumes francs. Alors qu’elle n’avait que 11 ans, Radegonde devint ainsi prisonnière d’un fils de Clovis, Clotaire, roi de Soissons. Elle ne fut cependant pas enfermée dans un cachot ! Pendant une dizaine d’années, elle vécut dans une des demeures royales, et se passionna pour la culture antique et les vies de saints.

En 538, Clotaire, alors veuf, se rendit compte qu’il avait dans un de ses palais une jeune princesse de 20 ans extrêmement belle et cultivée. Il décida donc de l’épouser ! Comme il avait la réputation d’être un homme violent et sans morale, Radegonde tenta de s’enfuir, mais elle fut vite rattrapée. Elle se résigna alors à devenir reine et mit son pouvoir au service des plus pauvres.

Toutefois, lorsqu’en 555, Clotaire fit tuer le frère de Radegonde, c’en fut trop pour la reine ! Elle ne pouvait continuer à vivre avec un assassin et décida de devenir religieuse. Clotaire redoutait de finir en enfer : il accepta de lui construire un monastère à Poitiers, où elle connut enfin la paix. Elle y vécut, simple moniale, jusqu’à sa mort le 13 août 587, se réservant les plus humbles des tâches quotidiennes.

Pas de fanfreluches !

Àla cour, la reine devait être le reflet de la puissance et de la richesse de son mari. Radegonde aurait donc dû porter de somptueuses robes. Pourtant, par humilité chrétienne, elle ne s’habillait que de tenues simples. De même, elle refusait les plats délicieux pour ne se nourrir que de pain et de lentilles. Malgré les reproches violents du roi, Radegonde lui tint tête, et Clotaire ne put lui imposer sa volonté pendant les dix-sept ans que dura leur mariage.

Cloîtrée, mais influente

Bien qu’enfermée dans son abbaye à Poitiers, Radegonde lutta incessamment pour la paix et l’unité du royaume des Francs. Non seulement elle accueillit pauvres et malades dans son abbaye, mais elle exerça aussi une grande influence sur les puissants de son époque. Elle échangea ainsi beaucoup avec son beaufils Sigebert, fils de Clotaire, qui hérita d’une partie du royaume de son père.

À la Sainte-Radegonde…

Deux dictons la concernent : « À la Sainte-Radegonde [13 août], en moisson, les minutes sont des secondes » ; « À la Sainte-Radegonde, s’il pleut ce jour, la misère abonde sur le monde ».

Le pouvoir des reines

La France n’a jamais

eu de reine !

Quel titre étrange dans un livre sur les reines de France ! Il n’y aurait pas eu de reine de France ? Si, mais seulement parce qu’elles étaient mariées au roi. En effet, sous l’Ancien Régime, le royaume de France ne pouvait « tomber de lance en quenouille ». La quenouille est un instrument qui permettait de filer la laine (une occupation traditionnellement réservée aux filles), et cette expression signifie donc que seuls les garçons pouvaient hériter de la couronne. Cette règle s’appelle la « loi salique ».

Le choix des reines, une histoire de pouvoir

« Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » : c’est ainsi que se terminent les contes de fées, lorsque la pauvre jeune fille épouse son prince charmant et devient une reine aimée de tous ses sujets. Mais dans l’histoire, il est rare que les mariages royaux aient été des mariages d’amour. En effet, il s’agissait surtout de décisions politiques : il fallait agrandir le royaume, comme lorsqu’on maria le futur Louis VII à Aliénor d’Aquitaine (page 14), qui apportait avec elle tout le duché d’Aquitaine (un territoire quatre fois plus vaste que celui de son mari !), ou renforcer des alliances, comme ce fut le cas pour le mariage de Louis XIII avec

Anne d’Autriche (page 44). Y eut-il des exceptions ? Oui, Louis IX et Marguerite de Provence (page 19), par exemple !

«

Sois belle et tais-toi » ?

Que nenni ! Les reines, en tant que mères du futur roi, avaient la première place à la cour de France : leur influence était réelle. Les courtisans devaient être dans leurs bonnes grâces !

De plus, si les reines n’avaient officiellement aucun pouvoir, certaines d’entre elles ont été d’importantes conseillères : ainsi Louise de Savoie, la mère de François Ier, a signé la « paix des Dames » en 1529.

Il y avait également deux situations où les reines prenaient officiellement le pouvoir. En premier lieu lorsque leur mari mourait alors que le futur roi de France était trop jeune : on appelait cela une « régence de minorité ». C’est ainsi que Blanche de Castille (page 18), Marie de Médicis (page 40) et Anne d’Autriche ont gouverné la France pendant l’enfance de Louis IX, Louis XIII et Louis XIV.

Il pouvait aussi arriver que le roi parte en guerre – ou en croisade – et alors, le pouvoir était confié à la reine, pour une « régence d’absence ». Pendant la guerre de Hollande (de 1672 à 1678), la reine Marie-Thérèse (l'épouse de Louis XIV) gouverna ainsi le royaume, de même que l’impératrice Eugénie (page 58) en 1859, 1865 et 1870. Leur pouvoir était cependant très encadré.

Bertrade de Laon

(720-783)

épouse de Pépin le Bref

Un si grand pied que ça ?

Bertrade de Laon, aussi appelée Berthe de Laon, est restée dans l’histoire sous le nom de « Berthe au Grand Pied ». Mais pourquoi ? La légende raconte qu’elle serait née avec un pied bot, c’est-à-dire avec une malformation qui fait rentrer le pied vers l’intérieur.

Si l’on doit se fier à la légende, c’est parce que l’on connaît très mal la vie de Berthe : son mariage avec Pépin III, dit « le Bref », eut lieu en 743, 744 ou 749. Pépin était alors maire du palais, soit le plus haut dignitaire du royaume franc après le roi.

En 751, Pépin dépouilla le dernier roi de la dynastie des Mérovingiens, Childéric III, de son autorité. Il prit sa place et devint roi des Francs ! C’est ainsi que la dynastie des Carolingiens arriva au pouvoir. Pépin se fit élire en se faisant acclamer par une assemblée d’évêques et de nobles, et Berthe fut couronnée à ses côtés à Soissons.

Parlant aussi bien le français que l’allemand, Berthe souhaitait être une reine active. Elle conseillait Pépin avec douceur, voyageait beaucoup, siégeait dans les assemblées.

Elle éduquait ses fils, Charlemagne et Carloman, pour les préparer à la charge qui serait la leur.

À la mort de Pépin, elle apporta son soutien à chacun d’eux pour préserver leur bonne entente et maintenir l’unité du royaume des Francs. C’est d’ailleurs elle qui aurait tracé le partage du royaume entre les deux frères. Mais lorsqu’à la mort de Carloman, Charlemagne s’empara de ses terres, il écarta sa mère de la cour et elle termina sa vie près de Compiègne. Pourtant, si Charlemagne fut un grand roi des Francs et empereur d’Occident, c’est sans doute beaucoup à sa mère qu’il le devait !

La muse des poètes

Berthe a inspiré de nombreux poètes et elle figure notamment dans la très célèbre Ballade des dames du temps jadis, de François Villon, écrite vers 1460, dont voici un extrait :

La reine blanche comme lis, Qui chantait à voix de sirène, Berthe au grand pied, Biétris, Alis, Haremburgis qui tint le Maine, Et Jehanne la bonne Lorraine

Qu’Anglais brûlèrent à Rouen Où sont-elles, Vierge Souveraine ?

Mais où sont les neiges d’antan ?

LAller voir Berthe ?

orsque Berthe mourut en 783, Charlemagne ordonna qu’elle soit enterrée dans la basilique Saint-Denis, auprès de Pépin le Bref. Sa tombe a été profanée en 1793, pendant la Révolution française : si son corps n’est plus dans la sépulture, il est en revanche toujours possible d’aller admirer son gisant (statue funéraire), qui est en bon état !

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