Petit Page
Cloches frère Jacques Les de
Martine Bazin
Frère Jacques
Chanson traditionnelle française
Texte de Martine Bazin
Illustrations de Petit Page
Cloches frère Jacques Les de
© 2024, Éditions du Triomphe
57, rue Gaston Tessier - 75019 Paris www.editionsdutriomphe.fr
Tous droits réservés pour tous pays.
Dépôt légal : octobre 2024
Déposé au Ministère de la Justice - Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la n°2011-525 du 17 mai 2011.
Achevé d’imprimer en Pologne en septembre 2024 sur les presses de Dimograf.
Ce livre est composé de matériaux issus de forêts bien gérées, certifiées FSC® et d’autres sources contrôlées.
Ma grand-mère nous racontait des histoires, beaucoup d’histoires, mais il y en a une qu’elle aimait plus que d’autres parce que, disait-elle, « elle touche à ma foi et à mon pays... ». Elle lui venait de sa propre mère. Je pensais donc que c’était mon arrière-grand-mère qui l’avait écrite ; mais non, pas du tout, car mon arrière-grand-mère avait assuré à ma grand-mère que cette histoire lui avait été racontée par sa propre mère... qui était donc mon arrièrearrière-grand-mère !
Bref, autant vous dire que son origine se perd dans la nuit des temps ; mais si on n’en a pas retrouvé de traces écrites, elle n’a jamais varié et je vais vous la raconter à mon tour, de la même façon que le faisait ma grand-mère... ou presque !
Chaque matin, depuis fort longtemps, frère Jacques se levait avant l’aube pour aller sonner les matines. Heureux d’annoncer à tous ses frères la première prière du jour, il se balançait comme un enfant de chœur au bout de la grosse corde qui l’attendait à l’entrée du cloître.
À l’appel joyeux de la cloche, les moines se levaient aussitôt et se rendaient à l’église de l’abbaye pour chanter avec ferveur les louanges du Seigneur.
Or, voici qu’un beau matin, ou plutôt un matin tristounet, frère Jacques se leva avec tout le poids du monde sur les épaules, non parce qu’il était malade, mais parce que son âme était dans la peine. Depuis quelque temps déjà, il semblait avoir perdu toute sa joie.
Peu à peu, en effet, lui était venue l’idée que sa mission de sonneur de cloches ne lui convenait plus. Il était fatigué de tout : de se lever avant les autres, de tirer sur la même corde depuis si longtemps, d’entendre le même son de cloche, et il se disait que le chant du coq, toujours levé avant les premières lueurs de l’aube, suffisait bien pour réveiller toute l’abbaye !
De plus, il était persuadé que l’on se moquait de lui : n’avait-il pas entendu un jour des galopins fredonner, par-delà le mur du couvent, un refrain malicieux qui disait : « Frère Jacques, frère Jacques, dormezvous ? dormez-vous ? ». Tout ça parce qu’une ou deux fois, peut-être un peu plus, il avait laissé passer l’heure de l’office... Bref, frère Jacques avait le cœur bien lourd !
De nombreux jours passèrent ainsi, mais un matin, un étrange matin, lorsque frère Jacques se présenta, en traînant un peu les pieds, devant la grosse corde et qu’il fit ce qu’il faisait chaque jour pour annoncer les matines, aucun son ne lui répondit. Il avait beau tirer et tirer sur la corde, pas le moindre carillon ne parvenait à ses oreilles !
Après mille tentatives, terriblement inquiet, il s’élança dans l’escalier en colimaçon qui menait au clocher et qui ne comptait pas moins de cent vingt-cinq marches ! Arrivé à la dernière, tout essoufflé et maîtrisant son tournis, le moine se précipita contre la porte qui s’ouvrit bruyamment : rassuré et stupéfait en même temps, il vit que rien n’avait changé ; la cloche était toujours là, avec son lourd battant, mais il n’essaya même pas de le faire bouger, le risque était trop grand pour ses oreilles...
