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Un ancien domaine agricole
tristesse, etc. Tout cela ajoute un « poids » sensible à l’atmosphère du lieu.
UN ANCIEN DOMAINE AGRICOLE
Voici un premier exemple de mémoire liée à la fonction ne serait-ce que temporaire d’une pièce. Nous sommes appelés pour l’harmonisation d’un ancien domaine agricole. Selon son propriétaire actuel, le lieu en lui-même est habité depuis l’époque gallo-romaine et appartient à sa famille depuis 400 ans. La maison principale est une maison de maître qui a bien entendu évolué au fil des siècles. À un moment donné, les baguettes de sourcier, dont nous nous servons en harmonisation, nous guident dans une pièce du rez-de-chaussée.
À peine entrés, nous sommes saisis par l’atmosphère particulière de ce petit salon. Le temps semble être figé, littéralement. Certes, la dizaine de fauteuils anciens (voire très anciens) qui épousent la forme rectangulaire du salon pourrait faire penser que le ressenti est lié à l’ameublement, d’autant que les autres meubles appartiennent aussi à un passé lointain, mais notre impression va bien au-delà de ces simples apparences. Il règne vraiment une ambiance « statique ». Nous pourrions facilement imaginer ajouter au décor une grande horloge comtoise qui, à peine installée contre le mur, verrait le mouvement de son balancier s’arrêter subitement. En franchissant la porte d’entrée, nous semblons accéder à un autre espace-temps. Un espace où le temps est immobile. Ce sont des images, bien sûr,
mais c’est le ressenti que nous avons et qui, en outre, est partagé par les habitants.
Nous commençons donc les investigations et percevons rapidement que chaque fauteuil est… occupé. En effet, il y a une âme sur chacun d’eux, comme si tout ce petit monde semblait continuer à discourir tranquillement comme il pouvait le faire 100 ou 200 ans plus tôt. Nous ne ressentons pas d’émotions particulières de la part de ces âmes. Sans être pesante, l’ambiance est grave. Et une notion de mort ou de rituel nous vient à l’esprit. Ceci nous est confirmé par le propriétaire des lieux : il pense savoir que cette pièce était réservée il y a fort longtemps aux veillées mortuaires de la famille. Une époque révolue où les défunts étaient veillés pendant au moins trois jours. Des psaumes récités jour et nuit aidaient l’âme à monter dans la lumière. Rituel religieux dont la disparition peut, d’après nous, être l’une des causes du nombre croissant d’âmes humaines qui restent parmi nous et que nous rencontrons dans l’exercice de notre travail.
Ainsi avons-nous dans ce salon l’exemple type où des « phénomènes », les âmes présentes et les entités non humaines détectées par la suite, liées notamment à la tristesse, viennent renforcer la mémoire de ces murs. Celle-ci fut nourrie par les émotions de tristesse, peutêtre de désespoir, de colère, par les larmes des vivants, et tout ceci en étroite relation avec la dernière fonction de la pièce, c’est-à-dire un lieu de veillée mortuaire. Le changement de destination de cet endroit, une pièce comme les autres devenue un lieu de rituel et de re-
cueillement lié à l’accompagnement des morts, a créé tout au long de ces longues veillées une mémoire qui lui est propre. Une mémoire où tout semble figé, le temps arrêté, un peu comme la mort qui se veut intemporelle. Un endroit où même les vivants parlent à voix basse, comme s’ils ne voulaient pas oublier qu’ils sont dans un lieu de passage entre la vie et la mort, hors du temps.
Inutile de préciser que nous n’avons trouvé cette impression d’immobilité que dans cette pièce de la maison. En revanche, nous avons retrouvé ce phénomène dans d’autres maisons anciennes où s’étaient aussi déroulées des veillées mortuaires. Mêmes causes, mêmes effets.