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LE MALE GAZE
Le « male gaze » ou « regard masculin » désigne les représentations stéréotypées des femmes par un auteur homme dans les productions culturelles et visuelles (publicités, films, livres, BD, etc.). Selon le male gaze, les femmes sont généralement inactives (dans l’attente d’un homme), et représentées comme un objet sexuel conçu pour le désir masculin hétéronormatif1. Et comme on compte bien plus d’auteurs et de réalisateurs célèbres que d’actrices et de réalisatrices, ce regard est omniprésent dans le paysage médiatique, au point qu’on oublie parfois son existence.
Pourquoi c’est néfaste ?
Le male gaze encourage à regarder l’autre d’une certaine manière, mais également à être regardé e d’une certaine manière. Ces représentations encouragent les femmes à se sentir accomplies uniquement à travers le regard d’un homme, alors que ce même regard les perçoit comme passives et dédiées à assouvir leurs désirs.
Le male gaze crée une vision des femmes qui a plusieurs conséquences :
× il vient saper la confiance en elles des femmes. Elles sont toujours considérées comme « pas assez comme ci ou trop comme ça » par d’autres personnes, mais surtout par elles-mêmes. Elles s’enferment dans un standard inatteignable : elles doivent être jeunes, minces, sexy, discrètes et accommodantes ;
× l’enfermement produit par le male gaze peut conduire à des angoisses, une dépression, des troubles alimentaires, de l’automutilation ;
× ce standard vient directement alimenter la culture du viol : le public est habitué à voir les femmes représentées comme des objets de désir, c’est donc qu’elles doivent l’être.
Là encore, le male gaze a une composante raciale : ce dernier hypersexualise par exemple les femmes noires ou arabes (la femme sauvage) et présente les femmes asiatiques comme exotiques, fragiles et discrètes (la poupée de porcelaine).
Le Sexisme Ordinaire
Le sexisme ordinaire désigne les micro-agressions sexistes quotidiennes comme tellement ancrées dans les comportements ou le langage qu’elles deviennent invisibles et internalisées.
Le sexisme ordinaire nourrit la culture du viol. Il définit une norme de comportements où il est permis de se moquer des femmes, de les rabaisser et de les considérer comme non égales.
Ce comportement est partout, et il est difficilement remis en question par les personnes qui en sont à l’origine. Il est au contraire normalisé (« Çaarriveàtoutlemonde », « C’estpas sigrave ») et internalisé (il finit par faire partie intégrante de nous).
Chacune de ces micro-agressions peut sembler minime, donner l’impression qu’il n’est pas nécessaire de s’en formaliser, ou que la personne qui en est victime surréagit. Mais :
× il est toujours plus facile de balayer ces problèmes d’un revers de main lorsque l’on n’est pas directement concerné.e ;
× un empilement de micro-éléments forme à la fin un ensemble très lourd. Et quand ces microagressions sont vécues plusieurs fois par jour tous les jours, le poids devient vite insupportable.
1. Une personne hétéronormative considère l’hétérosexualité comme la norme relationnelle, avec des rôles très genrés et stéréotypés. Voir ressource « Les stéréotypes de genre » page 159.
Il est donc important d’accepter la remise en question de certains de ses comportements, et de ne pas minimiser ce que vivent les victimes de ce sexisme ordinaire. Les publicités critiquées par Tanya existent réellement, et sont récentes. Les publicités sont omniprésentes dans notre paysage visuel et finissent par créer une toile de fond qui vient colorer notre vision des autres et de nous-mêmes. Les représentations des personnes (dans les publicités, les films, les livres, les magazines) sont extrêmement importantes : elles donnent un cadre de référence à celles et ceux qui les regardent. Et si ce cadre est faux, la vision qui en découle est inadéquate et difficilement modifiable.
Le Genre
Le genre et le sexe sont deux choses distinctes.
× Sexe : attribut biologique. Le sexe n’est PAS BINAIRE, c’est-à-dire MASCULIN ou FÉMININ : il existe des personnes qui naissent avec des attributs qui ne rentrent pas dans l’une des deux cases. Les personnes intersexes peuvent par exemple naître avec un utérus et des chromosomes XY. En France 1 enfant sur 100 000 naît intersexué e. La distinction binaire est ARTIFICIELLE, et source de beaucoup de souffrances pour ces personnes.
× Genre : identité définie par soi-même, donc subjective. Le genre est assigné arbitrairement par les médecins à la naissance du bébé : s’il a un pénis on lui assignera le genre « homme », s’il a une vulve on lui assignera le genre « femme ». Le genre conditionne l’éducation et la construction sociale que la personne recevra ensuite.
Le genre peut changer au cours d’une vie : une personne assignée homme à la naissance et portant un pénis peut prendre conscience qu’elle se définit en fait comme femme. On parle alors de transidentité.
Il s’agit généralement d’un processus long et complexe, et non d’une simple phase ou d’un caprice. Une personne peut aussi s’apercevoir qu’elle ne se reconnaît ni dans le genre « homme », ni dans le genre « femme », et se définir non binaire2. Le genre est un spectre bien plus vaste que « homme » ou « femme ».
La D Construction
La déconstruction est une réflexion longue et poussée sur tout type d’injonctions dont nous sommes tous et toutes victimes. Elle vise à prendre du recul par rapport à elles et, à terme, à s’en affranchir.
Questionner une norme par défaut
Ces injonctions sont liées à la binarité homme/femme, au système patriarcal, au système colonial… On considère que chaque homme et chaque femme devrait correspondre à une norme précise (c’est-àdire à une idée qu’on s’en fait) : cette personne devrait avoir une certaine apparence, une certaine place, se comporter d’une certaine manière, suivre un certain parcours de vie.
Le problème, c’est que nous ne choisissons généralement pas cette norme. Elle nous est imposée par notre éducation et par notre entourage (sauf si ce dernier la remet en question) de façon plus ou moins violente. Et comme elle est partout, on ne la voit même plus et elle devient acceptée par défaut. Déconstruire cette norme permet de comprendre ce qui nous a été imposé, et de faire le tri entre ce avec quoi nous sommes d’accord ou non. Réfléchir à ces normes et à ces injonctions, c’est questionner notre place dans ce système et les privilèges que nous en retirons. Cela permet de rééquilibrer les rapports entre les individus.