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La mythologie grecque racontée par les femmes de l’Olympe

Rebecca Romeo
Emmanuelle Kecir-Lepetit

Sommaire

UN CONCOURS ENTRE DÉESSES !

L es mythes grecs sont à la base de notre culture, de notre façon de penser et de voir le monde. C’est pourquoi il est important de les connaître.

Venus du fond des âges, ces récits nous parlent des grandes forces de la nature, mais aussi de nos émotions, de nos sentiments et des valeurs communes à toute l’humanité : l’amour, la beauté, la justice, la liberté tout comme la colère, l’orgueil ou la soif de vengeance… Leur message est universel. Ils touchent chacun d’entre nous, que nous soyons filles ou garçons.

Mais souvent, que retient-on de ces mythes ? À qui donne-t-on une voix ? À Zeus, le dieu des dieux, naturellement ; à Arès, dieu de la guerre ; à Poséidon, le maître des océans ; ou encore à Apollon ou à Hermès. On célèbre les exploits d’Achille, les ruses d’Ulysse, la force d’Héraclès. Bref, on ne parle, on ne pense qu’au masculin. Pourtant, dans l’Olympe, il y a aussi des déesses, et les mythes grecs sont remplis de figures féminines aussi variées qu’inspirantes.

Alors, pour changer, si on donnait la parole à ces femmes si spéciales que sont les déesses ? Qu’auraient-elles à nous dire ? Quel serait leur point de vue ? Elles pourraient nous réserver des surprises, nous faire rire, pleurer et réfléchir d’une façon nouvelle.

Dans ce livre, les cinq principales déesses de l’Olympe vont te parler. Attention, elles ont chacune leur petit caractère. Elles ne se laissent pas faire : ce sont des femmes puissantes, qui ont des pouvoirs extraordinaires. Prépare-toi à ce qu’elles t’en mettent plein les yeux ! Pour pimenter le jeu, elles ont décidé de se défier et d’organiser entre elles un concours d’éloquence. Ce sera à toi de juger et de choisir, à la fin, celle que tu trouves la plus convaincante.

Laquelle va le plus t’émouvoir, te faire rire, réfléchir ou juste rêver ? Tourne la page et commence ta lecture. Écoute leurs voix si singulières. Et à la fin, n’oublie pas de voter

MOI, APHRODITE

Le sort a décidé que je serai la première à m’exprimer et, pour être franche, j’ai un peu le trac ! Ce n’est pas facile de prendre la parole quand toute ta vie, on t’a répété : « Sois belle et tais-toi ! »

Mais aujourd’hui, je vais oser. Oser enfin faire entendre ma voix.

Alors, s’il vous plaît, ne me jugez pas trop sévèrement.

Je vais vous parler comme une amie qui vous ouvre son coeur.

Vous savez qui je suis : on a tellement parlé de moi à travers les âges. Aphrodite, fille du Ciel et de l’Écume, déesse de l’Amour et de la Beauté…

Blanche ou noire, aux cheveux d’or ou d’ébène, vous pouvez m’ imaginer comme il vous plaît. Certains m’appellent Vénus, d’autres Astarté.

Qu’importe ! Partout où j’apparais, le temps se fige, le souffle manque… et l’amour naît ! Oui, c’est moi qui fais palpiter vos cœurs, trembler vos mains, rougir vos joues. Vous ne me voyez pas car vous êtes de simples mortels, mais je suis là, tout près de vous.

Et je choisis celui ou celle qui vous rendra fous amoureux !

Au cours de mon existence, hélas, j’ai fait naître aussi beaucoup de jalousies.

On dit que je suis égoïste et sans cœur. Que je m’amuse à faire souffrir les amoureux du monde entier. On a même raconté que j’étais la cause de nombreuses guerres – à commencer par la plus effroyable de toutes la guerre de Troie ! Tout cela n’est que mensonges. Non, je ne suis pas la cause de ce drame – ni aucune mortelle d’ailleurs, et surtout pas Hélène !

On accuse toujours les femmes de tous les torts… En réalité, je n’ai voulu favoriser que l’amour et protéger ceux que j’aime. Est-ce mal ?

Ce sera à vous de juger. Car à présent je vais vous raconter la véritable histoire de la guerre de Troie. Vous déciderez ensuite à qui jeter la pierre.

Tout a commencé par un banquet. Les dieux de l’Olympe s’étaient réunis pour festoyer sur le mont Pélion, en Grèce. Les cigales chantaient, l’ambroisie coulait, tout le monde était joyeux. Tout à coup, Éris, la déesse de la Discorde, apparut. On avait pris la précaution de ne pas l’inviter pour éviter les ennuis : mauvaise idée ! Vexée, la harpie jeta sur la table une pomme d’or où elle avait gravé ces mots : Pour la plus belle !

Cette pomme m’était forcément destinée. Ne suis-je pas la déesse de la Beauté ? Je m’apprêtais à la saisir quand Héra et Athéna s’interposèrent :

— Cette pomme me revient en tant que reine des dieux, tonna Héra. — Non, elle est à moi, riposta Athéna.

Ces deux-là ont toujours été jalouses de ma beauté. Elles me détestent : je n’y peux rien ! Leurs yeux lançaient des éclairs. Moi, je n’avais aucune envie de me battre comme une chiffonnière. Je tournai donc mon doux regard vers Zeus :

— Vous, maître des Cieux, choisissez !

Zeus était embêté. Il ne voulait pas prendre parti : Héra est son épouse, Athéna sa fille – bonjour les disputes au petit-déjeuner ! Il préféra donc nommer un arbitre pour nous départager. Pas un dieu de l’Olympe mais quelqu’un d’extérieur : un mortel au cœur pur. Zeus regarda par-dessus les nuées en direction de la Terre et son regard s’arrêta sur un jeune berger qui menait ses moutons paître, là-bas, non loin de Troie.

— Lui, il fera l’affaire ! Amenez-le-moi !

Une seconde plus tard, le jeune homme se matérialisa devant notre assemblée. Il se nommait Pâris. C’était le fils de Priam, le roi de Troie. Zeus lui expliqua sa mission : il devait dire, entre Héra, Athéna et moi, qui était la plus belle. Pauvre enfant ! Il était paniqué. Profitant de son trouble, Héra se dressa devant lui et, en le toisant, lâcha ces mots : — Pâris, si tu me choisis, je te donnerai un royaume comme nul mortel n’en a jamais possédé. Tu deviendras le roi le plus puissant que la Terre ait porté !

Elle lui offrait le pouvoir absolu – rien que ça ! Mais Athéna, aussitôt, enchaîna : — Ne l’écoute pas ! Moi, si tu me désignes, je te rendrai invulnérable au combat. Tu deviendras le plus grand héros que la Terre ait porté ! Après le pouvoir absolu, la gloire éternelle… qui dit mieux ? Je n’avais pour ma part qu’une seule chose à offrir. Alors, je murmurai : — Pâris, choisis qui tu veux. Mais si tu me préfères, je t’offrirai l’amour de la plus belle des femmes et tu seras l’amant le plus comblé de la Terre…

Est-ce ma faute si l’amour est toujours plus fort que tout ? Pâris me désigna. Et tandis que derrière moi Héra et Athéna écumaient de rage, je dénouai ma ceinture, celle qui rend irrésistible celui ou celle qui la porte, et l’attachai à la taille du jeune homme en disant : — Sois heureux !

Oh, si j’avais su… J’ignorais que le Destin venait, à travers ma ceinture, de nouer son premier fil. Et que les autres mailles n’allaient pas tarder, elles aussi, à se tisser.

Il ne fallut pas attendre longtemps. Quelques mois plus tard, Pâris fut envoyé en ambassade à Sparte, en Grèce, où régnait le roi Ménélas. Celui-ci le reçut fort bien : il l’invita à sa table, lui servit les meilleurs plats et lui réserva les honneurs que l’on doit à tout prince. Il lui présenta également son épouse, une toute jeune femme encore, belle comme la rosée et dont il était fier comme d’un trophée : Hélène.

Dès qu’il la vit, le cœur de Pâris s’enflamma.

— Tous les autres rois ont demandé sa main, mais c’est à moi que son père l’a donnée car je suis plus riche et plus puissant que les autres ! se vantait Ménélas.

Mais Pâris ne l’écoutait pas : son cœur battait trop fort.

Le lendemain, Ménélas s’absenta pour affaire, laissant les deux jeunes gens seuls au palais. Ma ceinture fit son effet : Hélène tomba passionnément amoureuse de Pâris. Et quand il revint le surlendemain, Ménélas trouva son palais vide : Hélène était partie ! On lui avait volé son trophée !

Tandis que les deux amants, heureux et insouciants, cinglaient à toutes voiles vers Troie, Ménélas, tel un taureau furieux, se précipita à Mycènes où siégeait son frère Agamemnon, le roi des rois :

— Ce chien de Troyen mérite la mort ! Qu’il crève, lui et tous les siens ! éructa-t-il dans un langage, ma foi, pas très raffiné.

Puis il ajouta, un ton plus bas :

— Mon frère, notre honneur est en jeu. Nous devons immédiatement lever les armées grecques, rassembler nos grands héros et partir pour Troie pour récupérer ma femme et détruire cette cité maudite.

Agamemnon fit la moue. Détruire Troie ? Facile à dire, plus difficile à réaliser… Troie était puissante. Indépendante et fière, on la disait invulnérable. Ses hautes murailles n’avaientelles pas été érigées, selon la légende, par Apollon en personne ? Apollon, fils de Zeus et dieu de la Lumière… Les attaquer risquait d’offenser les dieux. — Hum… grogna Agamemnon. La nuit porte conseil. Je te donnerai ma réponse demain. Et il alla se coucher. Que se passa-t-il durant cette nuit ? Nul mortel ne le sait, mais moi qui suis déesse, j’ai tout vu et tout entendu. J’ai vu Héra et Athéna, telles deux ombres funestes, se glisser près de la couche du grand roi et les ai entendues lui murmurer à l’oreille : — N’aie crainte, Agamemnon. Les dieux sont avec toi. L’heure est venue de t’emparer de Troie. Brûle la cité, anéantis-en chaque pierre. Alors ta gloire sera totale.

Le lendemain, au réveil, Agamemnon avait pris sa décision : ce serait donc la guerre. Le jour même, il envoya des messagers aux quatre coins de la Grèce pour prévenir les autres rois, ses vassaux : Nestor à Pylos, Ajax à Salamine, Diomède à Argos, Ulysse à Ithaque et, bien sûr, le plus fort et le plus valeureux de tous, Achille à Phthie. Ce dernier se fit un peu tirer l’oreille – il faut dire qu’il ne portait guère Agamemnon dans son cœur. Pour se consoler, il emmena dans ses bagages Patrocle, son cousin bien-aimé, qui avait grandi avec lui et dont son oncle lui avait confié la garde.

Bientôt, la plus puissante armée jamais vue sur Terre fut rassemblée.

Les navires furent chargés et la flotte, immense, fit voile vers Troie. Sur l’Olympe, Héra et Athéna jubilaient ! Elles avaient juré la ruine de Pâris et de la ville qui l’avait vu naître. Apollon, lui, était déterminé à défendre Troie et pouvait pour cela compter sur le soutien d’Artémis, sa fidèle et farouche sœur jumelle. Quant à moi, je l’avoue, j’avais aussi choisi mon camp : je ne désirais pas la guerre – elle me répugne ! –, mais mon devoir était de protéger l’amour d’Hélène et de Pâris. Car je suis toujours du côté des amoureux ! Et puis, il y avait quelqu’un d’autre, à Troie, sur lequel je devais veiller. Quelqu’un de cher à mon cœur, mon plus grand secret… Je ne vais pas tarder à vous révéler qui il est… Zeus, lui, était inquiet. Une guerre affreuse allait éclater. Une guerre entre les hommes, d’autant plus brutale et sanguinaire qu’elle était aussi une guerre entre les dieux.

Je n’aime pas parler de violence et de mort – je préfère de loin les caresses et les baisers ! Mais je dois maintenant m’y résoudre. Voilà comment les choses se sont passées.

En débarquant sur la plage de Troie, les Grecs furent accueillis par une volée de flèches et de javelots. Les Troyens les attendaient de pied ferme ! La cité aux hautes murailles avait elle aussi une puissante armée avec, à sa tête, un guerrier prêt à tout pour défendre sa patrie : Hector, le frère aîné de Pâris. Pendant dix ans, les Grecs restèrent donc bloqués sur cette plage où ils avaient établi leur campement, sans réussir à approcher la ville. Dix ans, c’est long… Les corps étaient fatigués, les nerfs à vif, les cœurs en vrac. C’est alors que la situation bascula.

Un jour, lors d’un raid sur une ville voisine, Agamemnon captura la jeune Chryséis, fille du prêtre du temple d’Apollon. Sacrilège ! Le dieu de la Lumière banda aussitôt son arc vengeur et répandit une épidémie de peste sur le camp grec. Voyant cela, Agamemnon fit marche arrière : il libéra Chryséis, mais à la place s’empara de Briséis – une autre captive dont Achille était épris. Ulcéré, le héros décida d’arrêter tout combat, ordonna à ses hommes, les redoutables Myrmidons, d’en faire autant et se retira sous sa tente.

— Par Zeus, pour qui se prend-il ? tempêta Agamemnon. Il se croit indispensable ? Eh bien, il se trompe ! Demain, je lancerai une grande offensive. Et nous gagnerons ! — Sire, le moment est mal choisi, tenta de le raisonner Ulysse. Les hommes se relèvent à peine de la peste…

Mais Agamemnon n’écouta rien. Une voix dans ses rêves lui avait à nouveau promis la victoire… Le lendemain, l’armée grecque se mit en marche sur la plaine. En face, l’armée troyenne, prête à riposter. Au-dessus, Athéna et Apollon, lance et flèches à la main. Le carnage pouvait commencer.

Tout là-haut, sur l’Olympe, je fermai les yeux. J’entendis les pas des soldats marteler la terre, les premiers javelots siffler, les premiers corps tomber… Puis, d’un seul coup, une voix émergea de la mêlée, interrompant les combats.

— Ménélas, je te défie ! fit une voix d’ange que je connaissais bien.

C’était Pâris. Frêle et pâle, il s’était avancé, seul face à l’armée grecque, son épée à la main. Trop de sang a déjà coulé. Je te propose de régler cette guerre en combat singulier. Celui qui gagnera emportera Hélène, et tout sera terminé, ajouta le jeune homme.

L’accord fut scellé et le duel débuta. Hélas, il était inégal. Aveuglé par son amour, Pâris était convaincu de pouvoir gagner, mais Ménélas, taillé comme un bœuf, eut tôt fait de le désarmer. Il se jeta sur lui : il allait le tuer ! Alors je me précipitai. Prenant l’apparence d’une brume, je dérobai le corps de Pâris à la vue de Ménélas et l’emportai dans mes bras. J’allai le déposer dans son lit, à Troie, où Hélène, en larmes, accourut pour le soigner.

Pendant ce temps, sur le champ de bataille, Ménélas s’égosillait : — Où est-il, ce lâche ? Il s’est enfui ! Mais j’ai gagné ! Nous avons gagné ! Amenez-moi Hélène, versez-nous le tribut dû aux vainqueurs et nous repartirons comme promis.

Le roi Priam hocha la tête : c’était juste. Enfin, cette horrible guerre était terminée – et Troie survivrait. C’est alors qu’une flèche sournoise, venue du camp troyen, fila dans les airs et se planta dans le cou de Ménélas. Cette flèche, je sais qui l’a tirée. Camouflée parmi les Troyens, je vis… Athéna !

— Traîtres ! hurla Agamemnon. Soldats, aux armes !

Alors la guerre reprit, plus féroce que jamais.

Les deux armées se ruèrent l’une sur l’autre. Choc des épées, bruit des lances tranchant les chairs, cris, gémissements… Je ne perdais pas de vue Athéna. Son forfait accompli, elle courut vers Diomède, un des grands héros grecs. Je la vis caresser son front, pour lui prêter sa force et le pouvoir, normalement interdit aux mortels, de voir les dieux. Aussitôt, Diomède se rua vers les remparts, massacrant tous les Troyens sur son passage. Face à lui, ne resta bientôt plus qu’Énée… Énée, cousin d’Hector et fils du vieil Anchise que j’avais aimé jadis. Eh oui, Énée était notre enfant, mon fils ! Le voyant en danger, je volai ! À nouveau, je me changeai en brume, mais Diomède me vit. Il hésita un instant, mais Athéna arma son bras. Il frappa, je fus touchée. En sang, je serrai Énée contre mon cœur, le croyant perdu, quand Apollon apparut et nous emporta loin du combat. Encore aujourd’hui, je lui dis merci !

Par la suite, la situation empira. Arès, le dieu de la Guerre – mon ancien amant –, vit rouge quand il apprit qu’Athéna m’avait blessée. Prenant le parti des Troyens, il donna sa force à Hector et fit un massacre parmi les Grecs. Pendant ce temps, Achille ne bougeait toujours pas de sa tente. Indifférent au tumulte, il jouait de la lyre !

— Mon cousin, implora alors Patrocle, notre camp est menacé. Les Troyens vont brûler nos bateaux. Je t’en supplie, prête-moi tes armes. Je me ferai passer pour toi pour les repousser !

La suite, vous la connaissez. Achille eut la faiblesse d’accepter. Et Patrocle se fit tuer. La vengeance du héros fut terrible, à la mesure de sa culpabilité. Incontrôlable, Achille faucha les vies comme les blés. Le fleuve Scamandre, qui coule près de Troie, devint rouge du sang des morts et déborda !

— Hector ! hurlait Achille. Viens me combattre, si tu l’oses ! Hector osa. Il n’avait pas le choix. Il était le bouclier de sa cité. Et Achille le tua lui aussi, puis lia le corps à son char, le traîna autour de la ville en hurlant sa rage, en défiant les dieux. Enfin, il le jeta aux chiens, devant sa tente, comme un vulgaire paquet.

Ô souffrance ! Ô douleur ! Sur l’Olympe, la consternation régnait. Seules Héra et Athéna continuaient de sourire, sentant la victoire approcher. Avec Apollon et Artémis, j’allai monter la garde près de la dépouille du vaillant Hector, pour empêcher les chiens de le dévorer. Je vis cette nuit-là le vieux Priam se glisser sous la tente d’Achille, je l’entendis sangloter sur ses genoux.

À l’aube, Achille, émergeant comme d’un mauvais rêve, annonça qu’il rendait le corps d’Hector à sa famille et qu’il avait accordé à Troie douze jours de trêve pour le pleurer. — Quoi ?! bondit Agamemnon. Le traître, il est fou ! On était sur le point de gagner ! À ses côtés, Ulysse aux mille ruses, le protégé d’Athéna, plissa les yeux. La déesse casquée se tenait derrière son dos, lui chuchotant un plan à l’oreille. Alors, Ulysse gloussa : — Au contraire, sire. Douze jours, c’est parfait ! Faites appeler les charpentiers…

Et voilà comment tout s’acheva. Douze jours plus tard, sur la plage désertée, les Troyens découvrirent un immense cheval de bois qu’un complice d’Ulysse, s’étant constitué prisonnier, leur présenta comme une offrande à Athéna. Troie, clama-t-il, avait gagné ! Les Grecs avaient déclaré forfait et étaient repartis sur leurs navires ! Pauvre Priam… Lui aussi rêvait en secret de pouvoir absolu. Alors sans se méfier, pour s’attirer les faveurs de la déesse, il tira le cheval maudit au cœur de sa cité. La nuit suivante, une trappe s’ouvrit dans le ventre de l’animal pour libérer des soldats grecs, armés jusqu’aux dents…

Je ne vous décrirai pas cette nuit d’horreur. Les hommes massacrés dans leur lit, les femmes et les bébés jetés du haut des murailles. Priam égorgé ! Achille et Pâris s’entretuant ! Partout les flammes, les cris, la mort et la destruction. Que fis-je cette nuitlà ? Me glissant dans les couloirs du palais, je suivis Ménélas. Il s’était remis de sa blessure au cou et cherchait Hélène. Il finit par la trouver, seule, en deuil, dans sa chambre. Elle lui fit face, sans peur. Ménélas posa la main sur son épée. Puis il arrêta son geste… D’un souffle, je venais de faire remonter en lui les souvenirs, la douceur, la tendresse. Après toutes ces épreuves, peut-être était-il enfin devenu capable d’aimer ? — Viens, lui dit-il.

Et il lui prit la main. Hélène était sauvée ! Il ne me restait plus qu’une mission à accomplir. J’allai trouver Énée, je l’aidai à prendre son vieux père sur son dos et le guidai à la lueur d’un flambeau dans les souterrains de la ville, loin, le plus loin possible. Le lendemain, il embarqua sur un bateau et prit la mer. Des années plus tard, c’est lui qui, mettant le pied sur une terre nouvelle, là-bas dans le Latium, allait fonder Rome.

Ainsi mourut Troie. Ainsi mourut aussi l’innocence des hommes. Trop d’atrocités avaient été commises. La faute à qui ? Je vous le demande ! À l’amour, à la jeunesse, à la beauté ? Ou bien à la haine, la jalousie, la soif dévorante de pouvoir de certains hommes, la rancune et l’esprit de vengeance ? Bien d’autres guerres ont eu lieu depuis… Ont-elles été si différentes ? Voilà une question grave que je vous pose. Pas mal pour une déesse qu’on dit écervelée ! À vous maintenant de choisir, comme Pâris. Qui est votre préférée ?

L’amour, la colère, le courage… les mythes grecs sont le reflet de nos sentiments et de nos vertus comme de nos faiblesses. Mais ces récits sont souvent dominés par des figures masculines : dieux ou grands héros.

Dans ce livre, cinq déesses aux caractères bien trempés prennent enfin la parole ! À l’occasion d’un concours d’éloquence, au terme duquel tu pourras choisir la meilleure histoire, Aphrodite, Héra, Athéna, Déméter et Artémis te racontent chacune à leur manière un récit dans lequel elles ont joué un rôle prépondérant.

Le résultat est époustouflant !

Mais quelle déesse va le plus te surprendre, t’émouvoir ou te faire rire ?

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