Le chat de la sorcière Millerats - Tous à la plage

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Tous à la plage !

Paul Beaupère Marion Puech

Tous à la plage

Direction : Guillaume Pô

Direction éditoriale : Sarah Malherbe

Édition : Claire Renaud

Conception graphique : Bleuenn Auffret

Mise en pages : Hélène Léonard

Direction de fabrication : Thierry Dubus

Fabrication : Sonia Roméo

© 2023, Fleurus éditions, Paris

57, rue Gaston Tessier, CS 50061, 75166 Paris cedex 19

Site : www.fleuruseditions.com

ISBN : 9-782-2151-8626-7

Code MDS : FS86267

Tous droits réservés pour tous pays.

Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011.

Tous à la plage

Paul Beaupère Marion Puech

Chapitre 1 De charmants clients !

– Au suivant ! grogne Sacha entre deux bâillements.

Lui qui aime tant dormir, lui qui passe ses journées à sauter d’une sieste à un petit somme, le voilà obligé de travailler tout le temps, condamné à ne plus jamais se reposer. Sacha le chat est chagrin et contrarié. Depuis que Molly, sa sorcière bienaimée, a gagné le grand concours des jeunes

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sorcières, une longue file attend devant chez elle pour être soignée, conseillée, aidée, dorlotée ; pour bénéficier d’un sort, d’une potion, d’un sourire ou même d’un selfie. Alors, depuis cette victoire, Sacha le chat ne dort plus tout le jour : il travaille et il ne dort plus toute la nuit : il rêve qu’il travaille !

Sur le mur de la maison de Molly, juste à côté de la porte, il y a maintenant une belle plaque dorée où l’on peut lire : « Molly Millerats, sorcière diplômée, soigne presque tout, résout presque tout, et tout ça pour trois sous. »

– Au suivant ! En silence et sans se bousculer, car j’ai la tête comme un gros char. Le premier qui fait du bruit, je le transforme en passoire à nouilles ! râle Sacha en essayant de se donner un air terrible et inquiétant.

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Mais Sacha le chat ne fait pas peur. Touffu et joufflu, rond et dodu, le poil angora, il donne surtout envie de le serrer dans ses bras.

Le salon de Molly est transformé en salle d’attente. La jeune sorcière reçoit ses patients dans son laboratoire, au milieu des potions, des bocaux, des chaudrons, des alambics et des poudres magiques. Dans un coin, plume au bec, Monsieur Hibou prend des notes, fait les ordonnances, distribue les cachets et les sirops que préparent les trois scorpions assistants de Molly. Toute la journée, on défile chez Molly, jeunes et vieux, chacun veut être soigné par la plus douée de toutes les sorcières du pays.

Ce matin encore, il y a foule.

Le premier patient est un tout petit monsieur.

Il se tient tout tassé. Sa tête, rentrée dans les

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épaules, dépasse à peine au-dessus de ses pieds et disparaît sous un grand, un très grand chapeau. On ne voit que deux yeux inquiets qui roulent dans un sens puis dans l’autre.

– Que puis-je faire pour vous ? demande Molly.

– J’ai peur… dit le petit monsieur d’une voix si faible que Molly ne l’entend pas.

– « Oriculus fortissimus ! », dit la sorcière.

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– J’ai peur de tout, reprend le patient nettement plus fort, alors je me fais le plus petit possible, pour que personne ne me voie. Mais il reste mon ombre, elle est toujours derrière moi, elle me suit partout. J’ai peur de mon ombre.

– Je vois, je vois, dit Molly en se grattant la très jolie petite verrue qu’elle a sur le nez. Je vois…

Peur de votre ombre vous dites… Je crois que j’ai une idée.

Molly se met au travail. Dans son chaudron, elle mélange de la poudre de morve d’éléphant, une goutte de pluie d’un jour d’été, trouvée sur un pétale de rose, trois pincées d’un nuage qui s’est caché sous un parapluie un jour d’orage, et un rayon de lune décroché à midi, un jour où le soleil avait décidé de faire la grasse matinée.

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Molly mélange, Molly écrase, broie et pile, puis elle fait chauffer avant de verser dans du jus d’orange.

– C’est pour le goût ! dit-elle en tendant la potion au petit, au tout petit monsieur.

Une main minuscule, timide et hésitante, apparaît sous le chapeau et attrape le verre avant de le boire, d’un trait.

– Il est bon le jus d’orange, dit le tout petit monsieur, j’aimerais bien savoir d’où…

Mais il n’a pas le temps de finir sa phrase, le voilà qui se met à grandir, à se déplier, à s’étendre ; on dirait une bouée que l’on gonfle sur la plage.

Devant Molly se tient maintenant un grand, un très grand monsieur. Tout là-haut, sur sa tête, il y a un chapeau, un tout petit chapeau qui ne parvient plus à cacher deux yeux immenses qui

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regardent tout autour d’eux avec un peu d’étonnement.

– Mais ? Où est mon ombre ? demande le tout petit monsieur devenu très grand.

– Fini, plus d’ombre, plus de peur, vous pouvez aller partout, droit, debout et fort ! répond Molly en souriant.

Alors le monsieur qui n’est plus tout petit, qui est devenu si grand, tourne une fois sur lui-même, dans un sens, dans l’autre et… plus d’ombre !

– Elle est partie ! s’écrie, joyeux, l’immense monsieur qui n’est plus du tout petit. Et

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comme je n’ai plus d’ombre, je n’ai plus peur ! ajoute-t-il en riant.

Après avoir remercié Molly, il sort de la pièce. Il se cogne à la porte, il se cogne au plafond, il se cogne partout et fait peur à tout le monde dans la salle d’attente, mais il s’en fiche, il est heureux, content et joyeux, car… il n’a plus peur. Alors il s’en va en sautant et en accomplissant mille cabrioles sur le trottoir.

– Au suivant ! grommelle Sacha le chat. Au suivant, et on ne se bouscule pas !

Le suivant est un mille-pattes, un mille-pattes qui traîne la patte, qui semble s’être levé de ses cinq cents pieds gauches, un mille-pattes qui boite.

– Je suis danseur de claquettes, dit-il à Molly.

Mais le soir quand je danse, je me fais des ampoules, alors je boite. Le problème, voyez-vous, c’est qu’il

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me faut tellement de temps pour enlever mes mille chaussures, mes mille chaussettes, pour soigner mes mille ampoules, que le lendemain… je suis en retard à mon travail. J’ai déjà été renvoyé de trois spectacles… Ça ne peut plus durer… il faut m’aider.

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– Claquettes… Mille-pattes... Ampoules… murmure Molly en passant la main dans ses cheveux roses dont elle est si fière. Je crois que j’ai une idée.

Dans son chaudron, Molly met quelques griffes de lézards, une ou deux pincées de poudre de peau de méduse, quelques gouttes d’encre de pieuvre, et surtout, quatre bonbons à la fraise, pour la couleur. Elle mélange, fait chauffer, remue et prononce une de ces formules dont elle a le secret :

– « Dancing, dancing kouine, bamos pedibus, plus en bus, dancing, dancing kouine, bamos micro ratus ! »

Alors un éclair jaillit du chaudron, un nuage de fumée rose s’en échappe et s’approche du mille-

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pattes avant de fondre sur lui en une pluie de paillettes.

Immédiatement le mille-pattes se redresse ; il se sent mieux, il ne boite plus, et pour fêter ça, il se met à danser.

Un mille-pattes qui fait des claquettes, c’est épatant sur la scène d’un théâtre ou d’un opéra, mais dans le bureau d’une sorcière, c’est très différent. En dansant, le mille-pattes fait tomber cent

fioles, il envoie valser dix fois plus de sachets de poudre et de flacons de potion ; il est comme une tempête chez un marchand de timbres. Quand enfin Molly réussit à le pousser dehors, son bureau

ressemble à une boîte de puzzle : tout est en morceaux, en morceaux mélangés, éparpillés.

– C’est une catastrophe, déplore la sorcière. Tu

m’aides à ranger, Monsieur Hibou ?

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– Non ! répond le hibou, qui dit toujours non mais qui pourtant s’exécute à chaque fois.

Plus tard passe une charmante vieille dame qui a mal aux doigts et ne peut plus tricoter. Elle ressort avec des mains toutes neuves et des aiguilles en prime. Un petit garçon adore désormais sa soupe de légumes, car elle a le goût de la barbe à papa. Il repart en se léchant les babines et, comme lui, cent autres personnes ressortent avec le sourire.

– Au suivant ! bougonne Sacha qui ronfle dans son fauteuil.

Le dernier client de Molly est une cliente, c’est une charmante éléphante. Elle est très élégante petite robe à pois, sac à main assorti et escarpins vernis. Madame Éléphante chausse du 127, mais

c’est un secret, elle déteste que l’on parle de ses

grands pieds. Elle a sur la tête un étrange bonnet

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de piscine, un bonnet laid et monstrueusement inélégant.

– C’est à cause de ça que je viens vous voir… dit-elle à Molly.

– À cause de votre bonnet ?

– Non, répond-elle, à cause de ce qu’il y a en dessous…

Alors elle enlève son bonnet et laisse s’échapper deux très belles oreilles.

– Elles sont trop grandes, pleure Madame Éléphante, elles sont immenses et on ne voit qu’elles… J’ai honte… S’il vous plaît, Madame Molly, faites quelque chose… je n’en peux plus de mes oreilles.

Molly est bien embêtée. Les oreilles de cette charmante dame sont parfaites, ni trop petites ni trop grandes. Bien sûr, sur une tête de cheval elles

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seraient trop immenses, sans doute que pour une baleine elles seraient trop petites, mais là, sur la tête de Madame Éléphante, ce sont les plus belles oreilles que l’on n’ait jamais vues.

– Nous allons voir ce que l’on peut faire, soupire Molly.

– N’y touche pas… lui murmure Monsieur

Hibou, elles sont très bien comme ça.

– Ne fais pas de bêtises ! viennent dire tout bas les scorpions à Molly. Elles sont parfaites, ces oreilles.

Mais Molly veut être gentille, elle veut aider sa cliente, alors :

– « Gigantisimus pavillonus disparum, remplacum ratum ridiculus ! ».

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Et praouff, voilà que dans un nuage de fumée, Madame Éléphante se retrouve avec des oreilles de souris.

Quand elle se regarde dans la glace, elle éclate en sanglots.

– C’est horrible !

– C’est vrai que c’est pas terrible… opine Molly. Essayons autre chose !

Après des oreilles de souris, voilà que surgissent des oreilles de vache, puis de cochon, de zébu, de cocker, de yack, de chauve-souris, de lynx, de girafe, et enfin de lièvre. Mais à chaque fois c’est pareil, Madame Éléphante pleure.

– Tant pis, finit-elle par dire, rendez-moi mes oreilles ! Finalement, elles ne sont pas si mal, je crois que je préfère encore les garder…

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– Bonne idée, déclare Molly. Et elle s’empresse de prononcer la formule magique : « Oreillum basum éléphantum back home ! »

Et… rien… Rien ne se passe… La journée a été longue, Molly est épuisée, elle ne tient plus debout, elle n’a plus assez de force pour dire une formule magique.

– Et je fais comment, moi ? demande Madame Éléphante qui est maintenant très en colère et qui commence à s’agiter un peu trop.

– Ne bougez pas ! dit Monsieur Hibou. Ne bougez pas, je reviens.

Une minute plus tard, Madame Éléphante repart chez elle. Elle est en colère, rouge comme un flamant rose qui se serait trompé de teinture, fumante comme un barbecue mal préparé, et avec sur la tête, pour cacher ses nouvelles oreilles…

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une perruque en paille fabriquée par Monsieur

Hibou !

– Ça lui fait quand même une drôle de tête… disent les scorpions un peu perplexes.

– Vous croyez qu’elle était mieux avec ses oreilles de lièvre ? demande le hibou.

Molly ne répond pas. Effondrée dans un coin, elle dort et ronfle comme un caribou enrhumé.

Dehors la neige commence à tomber. Il fait froid et nuit…

De charmants clients !

Tous à la plage !

Une jeune sorcière qui a toujours 234 ans, Un chat toujours aussi paresseux,

Un poisson qui n,aime pas les aquariums, Un besoin pressant de vacances qui se fait sentir,

Et une plage sous les tropiques où il se met à neiger...

Des

Voici la potion de Molly Millerats et de son chat Sacha !

Voici la potion de Molly Millerats et de son chat Sacha !

romans
chatouillent
qui
et qui picotent !
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