



Marie-Sophie Germain



Le rôle de la couleur dans le monde animal
l y a les couleurs qui nous sautent aux yeux, celles qui « n’existent pas » mais que nous voyons quand même, celles qui sont éblouissantes pour certains animaux mais invisibles à nos yeux, celles qui brillent dans le noir… Comment les couleurs existent-elles et comment sont-elles perçues ?
Pour comprendre ce qu’est une couleur, il faut d’abord comprendre ce qu’est la lumière. Pour cela, prenons un prisme, qui ressemble à une petite pyramide en verre. Si tu places un de ses côtés devant un rayon de soleil, tu pourras voir que de l’autre côté ressort un arc-en-ciel !
Le prisme a absorbé la lumière du rayon de soleil et a dispersé toutes les longueurs d’onde (les couleurs) qui composent ce qu’on appelle le spectre lumineux
Le terme de « longueur d’onde » a l’air bien compliqué… Rassure-toi, c’est simple à comprendre !
Tout l’univers est fait d’ondes. Une onde, c’est un ». Il y a des ondes mécaniques (le son, les vagues, les tremblements de terre…) et des ondes électromagnétiques. Contrairement aux ondes mécaniques, les ondes électromagnétiques se déplacent dans le vide à très grande vitesse. Parmi elles, il y a la lumière, les micro-ondes, les ondes des télécommunications ou encore les ondes radio.
en verre
La dispersion de la lumière par un prisme
La couleur est une perception visuelle associée aux longueurs d’onde de la lumière visible reçue par l’œil. C’est le résultat de l’interaction entre la lumière et le cerveau Pour simplifier, c’est à la fois :
Un phénomène physique : comment la lumière se reflète ou se disperse sur les objets.
Un phénomène biologique : comment nous percevons cela avec nos yeux et comment le cerveau l’interprète.
Une longueur d’onde, c’est la distance entre deux « vagues » de déplacement d’énergie. Plus les « vagues » sont rapprochées, plus la longueur d’onde est faible. Plus elles sont éloignées, plus la longueur d’onde est grande. Dans le cas de la lumière, quand l’onde est courte, nous la voyons en bleu-violet et quand elle est longue, elle nous apparaît rouge. Et, entre les deux,
Ondes radio nfrarouge
Micro-ondes
nous voyons tout le reste de l’arc-en-ciel. Toutes ces ondes que nous voyons, c’est ce qu’on appelle le spectre visible. Au-delà du spectre visible, nous ne percevons pas les ondes infrarouges (« en dessous du rouge ») ni les ondes ultraviolettes (« au-delà du violet »). Mais beaucoup d’animaux peuvent les voir !
Maintenant, essayons de comprendre pourquoi certains objets nous apparaissent de telle ou telle couleur. Prenons l’exemple d’une orange : sa surface
Mais que se passe-t-il s’il fait noir, c’est-à-dire s’il n’y a pas de lumière ? Ton œil ne peut pas voir la couleur orange mais seulement une teinte « neutre » et sombre, comme si tu voyais presque en noir et blanc. C’est pour cela qu’on dit « la nuit, tous les chats sont gris » ! En revanche, ton cerveau « sait » que ce fruit est orange quand il fait jour.
La couleur peut donc varier en fonction de :
La luminosité : les objets n’ont pas la même couleur en plein jour ou s’il fait nuit.
L’objet qui renvoie la lumière : certaines surfaces absorbent la lumière, alors que d’autres la renvoient (par exemple un miroir).
L’œil qui la regarde : tous les humains et autres êtres vivants ne voient pas les couleurs de la même façon.
C’est ce que nous allons découvrir maintenant…
Quand nous regardons un objet, notre cornée crée une image qui est projetée au fond de l’œil, sur la rétine. La rétine est tapissée de cellules nerveuses, les photorécepteurs qui captent la lumière et donc les longueurs d’onde, c’est-à-dire les couleurs. Les photorécepteurs se divisent en deux catégories, qui doivent leur nom à leur forme et les bâtonnets.
Bâtonnet
► Les cônes, pour voir les couleurs
Nous avons environ 6 millions de cônes dans chaque œil. On les trouve surtout dans une région appelée la fovéa, qui nous permet de voir très nettement. Ils ont besoin de beaucoup de lumière pour fonctionner. Et ils ne sont pas tous sensibles aux mêmes couleurs ! Nous sommes trichromates, c’est-à-dire que nous avons trois types de cônes :
Les cyanolabes, qui perçoivent le bleu.
Les chlorolabes, qui perçoivent le vert.
Les érythrolabes, qui perçoivent le rouge (et un peu le jaune).
C’est ensuite au cerveau de « faire le mélange », de reconstituer une image en couleurs avec plein de nuances et intensités différentes.
► Les bâtonnets, pour voir la lumière
Chaque œil humain contient plus de 100 millions de bâtonnets ! Ces cellules n’ont pas besoin de beaucoup de lumière pour fonctionner. En fait, les bâtonnets nous servent à détecter la lumière et à voir la nuit. Les bâtonnets ne peuvent pas détecter les couleurs.
Voilà pour la théorie… En pratique, les humains ne voient pas tous les couleurs de la même façon, chaque individu a une perception différente. Et il arrive que des personnes aient des anomalies des cônes qui les empêchent de voir certaines couleurs, comme le daltonisme. La perception des couleurs peut aussi varier en fonction de l’anatomie de nos yeux, à la façon dont notre cerveau traite les informations visuelles, et même notre culture et la manière dont nous nommons et classifions les couleurs !
Bâtonnets
Cônes sensibles à la lumière rouge, verte et bleue
Comment les animaux voient-ils les couleurs ?
Dans le monde vivant, nous ne sommes pas égaux en ce qui concerne la perception des couleurs. Certaines espèces en voient beaucoup plus que nous, d’autres beaucoup moins… Encore une histoire de cônes et de bâtonnets !
On peut classer les espèces selon le nombre de types de cônes qu’elles possèdent, et donc le nombre de longueurs d’onde qu’elles voient :
Les monochromates : les animaux monochromates n’ont qu’un seul type de cônes. Ce sont des animaux nocturnes. Ce qui est important pour les animaux qui vivent la nuit, ce n’est pas de voir les couleurs mais de percevoir les variations de lumière, de voir dans le noir. Leurs yeux ont donc beaucoup plus de bâtonnets et très peu – voire pas du tout – de cônes. C’est le cas des chauves-souris et de beaucoup de reptiles.
Les dichromates : les animaux dichromates ont deux types de cônes pour les couleurs. C’est le cas de la plupart des mammifères. Certains voient le rouge et le vert, d’autres le vert et le bleu. Quant aux invertébrés dichromates, comme les scorpions, beaucoup voient l’ultraviolet et les couleurs jaunâtres et verdâtres.
Les trichromates : ce sont les espèces qui ont trois types de cônes, comme nous ! C’est aussi le cas d’autres primates, des marsupiaux et des abeilles. Mais nous ne voyons pas tous forcément les trois mêmes couleurs ! Les humains perçoivent le vert, le rouge et le bleu.
Les tétrachromates : ces espèces voient quatre couleurs, comme beaucoup d’oiseaux, les tortues et les poissons. Leur palette va de l’ultraviolet au rouge, en passant par le bleu et le vert.
Les pentachromates : ces animaux ont la chance d’avoir cinq récepteurs aux couleurs. Ce sont par exemple les papillons et certains oiseaux comme les pigeons, ainsi que certains poissons (lamproies). Ils voient tous l’ultraviolet.
Les hexadécachromates : ces espèces ont seize types de cônes différents, ce qui est unique dans le monde animal. Ce sont les squilles (ou crevettes-mantes).
ANIMAUX
ARACHNIDES Araignées sauteuses
INSECTES
Abeilles
CRUSTACÉS Écrevisses
Squilles
CÉPHALOPODES
Pieuvres, seiches
POISSONS Poissons rouges
AMPHIBIENS
COULEURS QU’ILS VOIENT EN COMPARAISON AVEC LES HUMAINS
Ultraviolet, vert Différent
Ultraviolet, bleu, jaune Différent
Rouge, bleu Moins
Seize couleurs Beaucoup plus
Bleu Moins
Rouge, vert, bleu, ultraviolet Différent, plus
Grenouilles Moins
REPTILES Serpents
Tortues
OISEAUX
MAMMIFÈRES
Chiens
Chats
Lapins
Chevaux
Taureaux
Écureuils
Musaraignes
Chimpanzés
Gorilles
Singes d’Amérique du Sud
Quelques couleurs, infrarouge Différent
Bleu, vert, orange Moins
Cinq à sept couleurs, dont l’ultraviolet Plus
Bleu, vert Moins
Bleu, vert Moins
Bleu, vert Moins
Bleu, vert Moins
Bleu, vert Moins
Bleu, vert, rouge Pareil
Bleu, vert, rouge Pareil
Bleu, vert, rouge Pareil
Bleu, vert, rouge Pareil
Bleu, vert Moins
Pour les humains, à la lumière naturelle, les couleurs s’étendent donc du rouge au violet. Nous ne pouvons pas percevoir ce qui est « au-delà du violet » (l’ultraviolet, ou UV). Nous avons pourtant un photorécepteur qui le permet, mais la lentille de notre œil bloque les UV. C’est une protection contre les rayons néfastes du soleil. Cependant, il existe un éclairage artificiel qui, au lieu de projeter une lumière blanche, produit une lumière ultraviolette. On l’appelle souvent « lumière noire ». Sous cet éclairage – qui est donc bien différent de la lumière blanche ou naturelle –, la couleur ultraviolette nous apparaît comme par magie ! Cela nous permet de voir un peu comme les animaux qui perçoivent les ultraviolets.
En effet, chez beaucoup d’animaux, l’œil a une lentille transparente qui leur permet de voir les UV. Par exemple, les fleurs riches en nectar émettent de la lumière UV, ce qui est très utile pour les oiseaux pollinisateurs, comme les colibris. En ce qui concerne les mammifères, on pensait que c’étaient le plus souvent des animaux nocturnes qui voyaient l’ultraviolet : rongeurs, chauvessouris, marsupiaux, hérissons. Mais, depuis peu, on sait que beaucoup d’animaux diurnes le perçoivent aussi, comme le chien ou le chat ! Mais on ne sait pas encore pourquoi.
En revanche, on sait par exemple pourquoi cette couleur est très utile pour les poissons des récifs. Des scientifiques ont observé un petit poisson appelé demoiselle orangée (Pomacentrus amboinensis). Ces poissons ont des taches ultraviolettes sur la tête, visibles par les autres membres de l’espèce. Elles aident à l’identification des individus entre eux, surtout pour savoir qui est le mâle dominant ! Et les chercheurs ont déterminé que les gros poissons prédateurs des demoiselles ne pouvaient pas voir ces couleurs UV : cela veut donc dire que cette communication à UV est un mode de communication « privé », uniquement entre les demoiselles.
L’ultraviolet joue également un grand rôle chez les oiseaux, notamment pour la sélection des partenaires.
Écailles microscopiques, particules de cuivre, molécules de crevette, nanostructures iridescentes… Les couleurs proviennent de très nombreuses sources, toutes aussi surprenantes les unes que les autres. Certaines sont même uniques au monde ! Mais comment sont-elles produites ?
La première source de couleur chez les animaux, ce sont les pigments, ou biochromes. Il s’agit de molécules chimiques qui proviennent de l’alimentation, de l’environnement, et qui pour certaines sont fabriquées par les animaux eux-mêmes.
Ces pigments sombres sont produits par des cellules appelées mélanocytes grâce à un processus très complexe. Chez les animaux, on les trouve dans les téguments, c’est-à-dire les tissus qui recouvrent le corps (peau, poils, plumes…). Ce sont les pigments les plus courants chez les mammifères.
On en trouve deux types : L’eumélanine, qui donne les couleurs sombres comme le noir et le brun foncé.
La phéomélanine, qui donne les teintes comme le brun clair et le fauve orangé.
Il en existe des milliers, qui sont parfois associés à des protéines, des enzymes ou des métaux. Il n’est pas possible de tous les lister, mais voici les plus courants, les plus importants ou les plus surprenants.
Les mélanines sont très importantes car en plus de colorer les téguments, elles protègent les animaux des rayons néfastes du soleil et, dans certains cas, des substances toxiques.
Les caroténoïdes font partie des pigments les plus répandus dans le règne animal. Ils donnent les couleurs crème, jaune, orange, rouge et rose. Il en existe plus d’un millier ! Ces pigments sont produits par des végétaux (légumes, fruits, algues…) qui, une fois ingérés, se retrouvent dans l’organisme des animaux.
On divise les caroténoïdes en deux groupes : Les carotènes (comme le bêtacarotène ou encore le lycopène).
Les xanthophylles : parmi eux, on a la lutéine et la zéaxanthine, qui donnent, par exemple, la couleur jaune au canari, ou l’astaxanthine qui rend les homards rouges.
Seuls trois animaux sont capables de fabriquer eux-mêmes leurs caroténoïdes. Ce sont de tout petits insectes : le puceron vert du pois, le tétranyque tisserand (appelé « araignée rouge ») et la cécidomie.
Dans cette catégorie, les pigments le plus connus sont la chlorophylle et l’hémoglobine.
La chlorophylle est le pigment vert des végétaux, qui permet aux plantes et aux algues de survivre grâce à la photosynthèse (la conversion des rayons solaires en énergie). On la rencontre chez de très rares espèces animales, comme le mouton de mer ou le paresseux (voir pages 38-39).
L’hémoglobine donne la couleur rouge du sang et lui permet de transporter les molécules d’oxygène dans tout le corps.
Les caroténoïdes sont donc des pigments que les animaux sont obligés d’aller chercher dans leur nourriture. C’est une ressource que l’on peut quantifier, c’est quelque chose qui coûte du temps et de l’énergie à l’animal. Cela signifie qu’un animal avec une couleur rouge orange éclatante a beaucoup de caroténoïdes, qu’il est donc en bonne santé et a un bon accès aux ressources de son environnement.
On connaît moins ce groupe de pigments, alors qu’il est tout aussi important que les mélanines et les caroténoïdes. Ils servent surtout pour des colorations vives et on les voit le plus souvent chez les insectes. Parmi eux, ceux qui nous intéressent le plus sont la xanthoptérine (jaune), la leucoptérine (blanc) et l’érythroptérine (rouge).
La biliverdine est un pigment produit par le foie, qui donne une couleur verdâtre. Chez certaines espèces animales, il existe en trop grande quantité, ce qui les rend verts, même pour le sang !
C’est un pigment très abondant dans les organes et les fluides. Mais en ce qui concerne les téguments, on ne le trouve que dans les plumes des oiseaux, chez certains poissons et chez le hérisson européen. Contrairement aux autres pigments qui restent sur le long terme, la porphyrine permet d’afficher une coloration temporaire, qui disparaît au bout de quelques jours, voire quelques heures. Cela permet par exemple à des animaux de signaler qu’ils sont disponibles pour se reproduire, comme le saumon et les oiseaux de la famille des outardes. On retrouve aussi la porphyrine dans certains cas de biofluorescence (voir page 21).
Parfois appelé psittacine, ce pigment est responsable des couleurs rouge, orange et jaune mais uniquement chez les perroquets et perruches (les oiseaux de la famille des Psittacidés). C’est l’équivalent des caroténoïdes chez les autres oiseaux, mais le rouge est beaucoup plus vif. Fait intéressant, les perroquets ont des caroténoïdes dans le sang, qu’ils obtiennent par leur alimentation. Mais ils ne les utilisent pas pour leur coloration, ils se servent uniquement de leur psittacofulvine, qu’ils fabriquent eux-mêmes.
La plupart des oiseaux tiennent leur couleur rouge des caroténoïdes. Cependant, un oiseau africain appelé touraco produit lui-même son propre pigment rouge : la turacine. Quant à sa couleur verte, au lieu d’être structurelle comme pour tous les autres oiseaux, chez le touraco elle est causée par un pigment qu’il produit lui-même, appelé turacoverdine. Ce pigment permet d’accumuler le cuivre que le touraco trouve dans les fruits qu’il consomme. En s’oxydant à la lumière sur la surface des plumes, le cuivre devient vert !
Les ommochromes sont des pigments que l’on retrouve dans les yeux des insectes, la carapace des crustacés et, dans certains cas, dans les chromatophores des pieuvres, seiches et calmars.
La luciférine est une molécule qui, en interaction avec un enzyme appelé luciférase, produit de la lumière. Il existe cinq types de luciférine, qui sont chacun liés à une luciférase spécifique.
Voici les deux luciférines les plus communes : La luciférine de luciole : c’est celle que l’on trouve chez la luciole, aussi appelée lampyre. La luciférine bactérienne : on l’observe dans les bactéries et chez certains céphalopodes.
Une couleur structurelle (schémochrome) est une couleur que l’on voit mais qui « n’existe pas ». Nous ne voyons certaines couleurs, comme le bleu, que grâce à des effets de lumière sur des structures microscopiques. Par exemple, les couleurs irisées que tu vois danser sur la surface d’une bulle de savon « n’existent pas » : elles ne sont pas formées par des pigments mais uniquement par des jeux de lumière sur la surface de la bulle. On observe la même chose sur les plumes de certains oiseaux, comme celles des colibris, les carapaces des insectes et les ailes des papillons.
L’exemple le plus connu de coloration structurelle est le papillon morpho (Morpho didius). Il affiche une spectaculaire couleur bleu métallique très intense, grâce à aux microstructures à la surface de ses ailes. Son aile est constituée de plusieurs couches : des couches de kératine (la même matière qui compose nos ongles et cheveux) et une couche de mélanine (les pigments sombres). Tout à la surface, la dernière couche de kératine est recouverte de microstructures, semblables à des petites écailles. Certaines transmettent
la lumière (elles la reflètent comme des petits miroirs), d’autres l’absorbent. Cette alternance forme ce qu’on appelle un réseau de diffraction, qui décompose cette lumière en couleurs différentes. C’est pour cela que ces plumes ont un aspect métallique, avec des couleurs changeantes selon l’angle duquel on les regarde.
Différents angles de vue
Couche de kératine
Il existe un autre cas de coloration structurelle, qui porte le nom de diffusion de Raleigh. L’exemple le plus connu est celui du geai bleu. Cet oiseau produit des pigments noirs (de la mélanine), donc il devrait apparaître noir, comme son proche cousin le corbeau… Mais il affiche plusieurs nuances de bleu en raison de la structure de ses plumes : sous la couche protectrice de kératine se trouvent de minuscules poches d’air. Lorsque la lumière atteint ces poches d’air, toutes les couleurs à l’exception du bleu sont absorbées. La longueur d’onde bleue est réfractée (elle est diffusée dans une autre direction), ce qui nous permet de voir les plumes en bleu et non en noir !
du soleil Plume de geai bleu
Les reptiles, amphibiens, poissons, crustacés et céphalopodes ont une arme secrète pour afficher leur couleur et même en changer à toute vitesse : les chromatophores. Les chromatophores sont des cellules, des petits sacs élastiques remplis de pigments ou de cristaux microscopiques qui réfléchissent la lumière. Ils sont directement reliés au cerveau grâce au système nerveux et à des muscles ! Sous le contrôle du cerveau et parfois des hormones, les muscles contractent les cellules pour regrouper les pigments au centre ou, au contraire, les dilatent pour exposer les pigments au maximum sur toute la surface.
Dispersion des pigments = couleur sombre
Regroupement des pigments = couleur claire
PIGMENTS
Xanthophore Jaune Ptéridine
Érythrophore Rouge Caroténoïde
Mélanophore Noir-brun Eumélanine
Cyanophore* Bleu Cyanosome
PIGMENTS + CRISTAUX
CRISTAUX RÉFLÉCHISSANTS
Érythro-iridophore* Rose, violet
Caroténoïde + Guanine
Iridophore Irisé, bleu, vert Guanine
Leucophore Blanc, bleu clair Purine
* Très rare, seulement chez quelques espèces
Par exemple, si tous les pigments noirs de l’animal sont au centre, le reste de la cellule est vide, l’animal a donc une couleur claire. Mais si les pigments noirs se dispersent sur toute la surface, alors l’animal prend une couleur plus sombre. Ce système très ingénieux permet à l’animal de changer de couleur en fonction de la situation, comme lorsqu’une pieuvre fait peur à un prédateur en devenant subitement toute noire, quand un caméléon prend la couleur de son environnement pour se cacher, quand une seiche se pare d’une robe multicolore pour séduire un congénère…
Juste sous l’épiderme (l’enveloppe externe de la peau), les chromatophores sont disposés en trois couches successives. À la base, on a les leucophores qui donnent les couleurs structurelles froides et irisées. Ils sont recouverts par les iridophores. Et en surface, on retrouve les chromatophores pigmentaires qui donnent les couleurs chaudes.
Les trois couches de chromatophores
La bioluminescence est la production et l’émission de lumière colorée par des organismes grâce à une réaction chimique, en l’absence de lumière extérieure. La plupart des animaux bioluminescents
vivent dans les océans. Mais on en trouve aussi quelques-uns sur la terre, par exemple la luciole ou le ver luisant. Il existe deux principales « méthodes » pour produire de la lumière.
Dans beaucoup de cas, la bioluminescence est générée par une réaction chimique entre une protéine (la luciférine) et une enzyme (la luciférase). Lorsque les deux se rencontrent, elles forment un ensemble, qui entraîne une oxydation de la luciférine. Pour faire simple, la luciférine passe d’un état stable à un état « excité », ce qui produit un photon, c’est-à-dire une particule de lumière. C’est ce qu’on voit chez les lucioles et ver luisant, qui émettent une jolie lumière jaune ou verte pour attirer des partenaires.
La symbiose avec des bactéries luminescentes
C’est le type de bioluminescence le plus répandu dans le règne animal, que l’on retrouve chez les poissons, mollusques, cnidaires ou encore cténophores. Ces espèces ne peuvent pas fabriquer de luciférine, alors elles utilisent des bactéries qui produisent de la luciférine. Celles-ci sont situées dans de petites vésicules sur le corps, appelées photophores. Chez beaucoup de ces espèces, les photophores sont directement reliés au système nerveux, ce qui permet à l’animal de contrôler la production de lumière.
Ici, l’animal ne « produit » pas de lumière : il absorbe la lumière extérieure et la restitue en une longueur d’onde, il la transforme en couleur. Ce n’est pas une réaction chimique mais un processus physique Certains animaux apparaissent fluorescents aux yeux d’autres animaux qui perçoivent l’ultraviolet. L’exemple de plus courant est celui du scorpion, qui brille d’une belle nuance turquoise. Beaucoup d’oiseaux ont aussi des plumes fluorescentes. Et chez le diamant de Gould, les oisillons ont des petites taches rondes tout autour du bec, qui ressemblent à des perles lumineuses aux yeux de leurs parents. Une bonne manière de signifier « La nourriture, c’est par ici ! »
Mais des centaines d’espèces de mammifères sont aussi biofluorescentes. C’est le cas de l’ornithorynque, du wombat et de l’opossum de Virginie, qui affichent une belle teinte bleutée. L’écureuil volant (Glaucomys volans) porte une belle couleur rose sur le ventre. On ne connaît pas encore le rôle de cette biofluorescence.
La biofluorescence chez le scorpion
DIFFÉRENCES ENTRE BIOLUMINESCENCE ET BIOFLUORESCENCE
BIOLUMINESCENCE BIOFLUORESCENCE
Réaction chimique Processus physique
Produit de la lumière Absorbe la lumière
Émet de la lumière Transforme la lumière en couleur
Bleu, vert, jaune
Bleu, vert, jaune, orange, rouge, rose
Les animaux nous en font voir de toutes les couleurs !
Violet, vert, rose, noir...
les animaux arborent de multiples couleurs, parfois même métallisées, fluorescentes ou bioluminescentes !
Grâce à ce livre, découvre ce que sont les couleurs, d’où elles viennent et à quoi elles servent dans le monde animal. Surprises garanties ! Tu pourras ensuite admirer une galerie de portraits d’espèces aux teintes plus étonnantes les unes que les autres : salamandre rouge, scinque à sang vert, étourneau améthyste, dauphin rose, gorille albinos...
Après avoir lu ce livre, tu ne regarderas plus les animaux de la même façon !