Anne Dumergue
Illustré par Fabien Öckto Lambert
© Fleurus, Paris, 2024, pour l’ensemble de l’ouvrage.
www.fleuruseditions.com
ISBN : 978-2-2151-8295-5
MDS : FS82955
Direction : Guillaume Pô
Direction éditoriale : Sarah Malherbe
Édition : Elsa Tirel
Composition : Delphine Guéchot
Correction : Catherine Schram
Direction de fabrication : Thierry Dubus
Fabrication : Marie Guibert
Tous droits réservés pour tous pays.
« Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011. »
TChapitre 1
On emménage
adaaa ! s’exclame le père de Charlie. Voilà notre nouveau chez-nous !
Les deux enfants balaient l’entrée du regard, intrigués. La mère d’Edgar scrute leurs visages, soucieuse de leur ressenti.
– Bon, c’est poussiéreux et pas encore meublé, ajoute le père. On va arranger ça ensemble.
Charlie s’avance la première, Edgar la suit à pas prudents. La jeune fille tourne sur elle-même, observe minutieusement tous les recoins de la salle, les fenêtres, le plafond…
Les Mondes de Lova obscura
– C’est grand et clair, annonce Charlie. Ce sera joli, une fois décoré. On peut monter voir nos chambres ?
Edgar sourit et approuve d’un signe de tête. Les parents se serrent l’un contre l’autre, soulagés, tandis que les enfants grimpent l’escalier à toute vitesse.
– Trop bien, des stickers de fusées et de planètes ! admire Charlie, en pénétrant dans une pièce.
– Oui, mais il me semble que cette chambre est pour moi… Regarde, la tienne est juste à côté.
– Beurk, du rose ! PAPAAA, on pourra repeindre les murs, s’teuplé ?
CChapitr h
– Bien sûr, ma Charlinette-Crapouillette. Tu choisiras tes couleurs et on s’occupera de la déco, tous les deux. Allez, c’est parti, aidez-moi à décharger le camion !
Les Mondes de Lova obscura
Edgar déballe tranquillement son carton de jouets, trie sa collection de cartes de dinosaures, range ses revues scientifiques. Il marque une pause près de sa fenêtre, fasciné par la vue : une sombre habitation, bordée par une épaisse forêt de sapins, marque la limite de la ville. Elle ne ressemble pas à une maison, plutôt à un drôle de château, avec ses petites tours mauves et ses vitres aux formes différentes.
L’immense jardin est soigneusement entretenu, la demeure doit donc être habitée.
Qui peut bien vivre ici ?
La voix de sa mère retentit alors : c’est l’heure du dîner. Lorsque les enfants descendent, elle tend joyeusement un paquet doré à Charlie.
– Oh, c’est drôlement gentil !
– Ça me fait plaisir. J’ai toujours rêvé d’avoir une fille, tu sais. Enfin, je ne veux remplacer personne. Mais on va bien s’entendre, j’en suis sûre.
– Ah ! se renfrogne Charlie, déçue de découvrir le contenu du cadeau. Une licorne à paillettes.
– Oui, j’ai craqué en voyant cette peluche, avec sa crinière arc-en-ciel !
– M… Merci.
Jo remarque la moue de sa fille et fait vite diversion en offrant à son tour une surprise à son beau-fils.
– Une maquette de tyrannosaure ! s’écrie Edgar, tout heureux, en arrachant le plastique qui enveloppe la boîte.
– Cool ! Je pourrai t’aider à la construire ? demande Charlie.
Après le repas, les enfants montent se brosser les dents. Côte à côte devant le lavabo, ils frottent silencieusement. Soudain, une lumière violette inonde la pièce, l’espace d’une seconde, puis disparaît ! Les enfants se figent, brosses en l’air et mousse sur les lèvres.
– T’as vu cha ? lance Edgar.
– Oui, une sorte de flash… Ça venait de dehors.
– Ch’est peut-être un orage ?
Charlie grimpe sur un tabouret pour jeter un œil par la lucarne de la salle de bains.
– Peut-être… Tiens, il y a du brouillard sur le côté de la maison. Ça progresse vers notre jardin…
– Cha vient de la maison bizarre, j’en chuis chûr ! s’exclame Edgar, avant de cracher son dentifrice. Suismoi, on la verra de ma fenêtre !
Ils se rincent la bouche en hâte et se précipitent pour épier la demeure voisine, enveloppée d’une brume qui s’étend progressivement. Pourtant, il semble y régner un grand calme. Edgar utilise ses jumelles.
À l’étage, une lumière émane d’une grande baie vitrée. Mais, tout à coup, des flashs de différentes couleurs clignotent à cet endroit ! Sur le toit, des étincelles et une fumée violette jaillissent d’un conduit de cheminée. Très vite, tout redevient normal.
– C’était quoi ?
– Qui habite là ?
Charlie s’empare des jumelles pour espionner à son tour. Une ombre se dessine à la fenêtre : la silhouette d’une femme se déplace.
Puis tout s’éteint.
Les Mondes de Lova obscura
Les enfants se tiennent aux aguets plusieurs minutes, mais aucun autre phénomène étrange ne se manifeste. Le garçon se cramponne à la manche de pyjama de sa demi-sœur :
– Ça va être difficile de trouver le sommeil… Je peux dormir dans ta chambre ?
– Non, on va plutôt passer la nuit dans la tienne. Sans fermer les volets, pour rester à l’affût !
Tandis que Charlie récupère sa couette et son oreiller pour les placer au pied du lit d’Edgar, il bredouille :
– Euh… T’es sûre ?
– Oui, on va monter la garde.
Elle s’enroule dans sa couette, à même le sol, en se positionnant face à la fenêtre. Edgar se glisse dans ses draps et se tourne vers Charlie. Il tend un bras tremblotant vers sa lampe de chevet et plonge la pièce dans le noir.
Tous deux gardent les yeux ouverts. On n’entend plus que le bruit de leurs respirations intenses. Leur première nuit à Séléniville commence.