Jacques et Toinette - Au cœur de la Révolution

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Au cœur de la Révolution

Sophie De Mullenheim

Au cœur de la Révolution

cœur de la Révolution

Illustration de la couverture : Raphaël Gauthey

Direction : Guillaume Pô

Direction éditoriale : Sarah Malherbe

Édition : Claire Renaud

Conception graphique : Hélène Léonard

Direction de la fabrication : Thierry Dubus

Fabrication : Marie Guibert

Composition : Text’oh (Dole)

© Fleurus, Paris, 2023, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com

ISBN : 978-2-2151-8217-7

MDS : FS 82177

Tous droits réservés pour tous les pays.

« Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »

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Au cœur de la Révolution

Sophie De Mullenheim
À Camille et Louis. Celui-ci est pour vous deux !

1 La traque

Près de Paris, fin 1792

– Cherchez-la ! Elle ne doit pas nous échapper ! Antoinette se recroqueville dans le terrier de blaireaux abandonné où elle a trouvé refuge. Elle ferme les yeux, comme si ne plus voir ce qui l’entoure suffisait à la rendre invisible. Son cœur cogne fort dans sa poitrine, bien trop fort. La jeune fille s’inquiète que l’on puisse l’entendre.

– Allez ! hurle une voix hargneuse. Il faut la r’trouver !

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Antoinette entoure ses genoux de ses bras et se tasse un peu dans sa cachette. Si seulement elle était plus petite… Mais il y a quelques mois, peu avant ses treize ans, elle a commencé à grandir et ne s’est plus arrêtée.

– Si tu continues ainsi, tu vas bientôt me dépasser, plaisantait sa mère en rallongeant patiemment l’ourlet de ses jupes.

En pensant à sa mère si douce, une main lui broie le cœur. Une énorme boule de chagrin lui noue la gorge. Antoinette se mord la lèvre. Ce n’est pas le moment. Son père détesterait la voir pleurnicher.

Soudain, des aboiements retentissent au loin. Antoinette frissonne. S’ils lancent les chiens, ils la retrouveront, c’est certain. Mais si elle sort de sa cachette, elle n’a presque aucune chance de s’en sortir non plus. Antoinette connaît la forêt comme sa poche. Elle l’a si souvent arpentée avec son père, Jean de Brocard, qu’elle saurait s’y retrouver même de nuit. Mais elle ignore combien d’hommes sont à sa recherche et comment ils sont disposés. Elle risquerait de tomber sur l’un d’entre eux et cette seule idée la terrifie.

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Son unique chance, c’est que la nuit tombe vite. Peut-être alors les hommes arrêteront-ils leurs recherches ? Elle n’est encore qu’une enfant après tout. Quel tort pourrait-elle bien leur faire même si elle survivait ?

Antoinette relève les yeux vers l’entrée du trou dans l’espoir de voir à travers les arbres le ciel s’obscurcir enfin. Hélas, il reste bleu, désespérément bleu. Antoinette se demande d’ailleurs comment il peut être encore si beau alors que cette journée a été le théâtre de tant de drames.

Henri Dasson scrute le ciel lui aussi. Il a hâte que la nuit tombe et que tout cela se termine pour rejoindre enfin sa famille, dormir et oublier. En ralliant le groupe des paysans qui s’était formé un peu plus tôt dans la journée, il ne pensait pas que les choses prendraient cette tournure. Ils avaient seulement prévu de faire peur au lieutenant Jean de Brocard et à sa famille pour l’obliger à un peu plus de souplesse. Henri n’imaginait pas que tout tournerait si mal. L’échauffement des hommes, l’inflexibilité du lieutenant, le premier coup

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de feu, la furie ensuite, puis le château incendié. Et maintenant, la fille du couple qu’ils cherchent dans la forêt. Non vraiment, Henri n’a jamais voulu cela. Henri Dasson avance sur la ligne qu’on lui a attribuée et fouille du regard chaque buisson pour y dénicher la jeune fille. Les hommes se sont organisés en battue, comme lorsqu’ils traquent le gibier. Sauf que depuis plusieurs années, Jean de Brocard et ses gardes leur donnent de moins en moins souvent l’autorisation de prélever des bêtes dans la forêt sous prétexte qu’elle appartient au roi. En allant voir le lieutenant chez lui pour l’intimider, les paysans espéraient qu’il leur accorde la permission de chasser un peu et de ramasser du petit bois pour se chauffer. Au moins cela. Au nom de la Révolution1. Il a fait si froid l’hiver dernier…

Une brindille craque non loin de sa cachette. Antoinette tend l’oreille. Elle espère entendre le souffle d’un

1. La Révolution française a commencé trois ans plus tôt, durant l’été 1789. Le peuple demande alors à être mieux représenté pour prendre les décisions qui influencent la vie du pays et qu’on distribue les richesses et les pouvoirs plus équitablement. Le roi tarde à réagir et menace de se faire aider par d’autres pays pour rétablir l’ordre. Le 14 juillet 1789, le peuple fait un coup de force pour intimider le pouvoir : c’est la prise de la Bastille.

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chevreuil ou le grognement d’un sanglier. N’importe quelle bête sauvage plutôt qu’un homme.

Henri Dasson s’est arrêté net. Le morceau d’étoffe bleue qui dépasse du terrier de blaireaux a aussitôt attiré son attention. Son cœur bat plus fort. Il s’approche lentement et se penche vers le trou.

Antoinette se fige en entendant à nouveau du bruit. Il y a quelque chose, là, tout proche. Prudemment, elle relève la tête et scrute au dehors. Quand elle l’aperçoit, elle ouvre la bouche dans un cri muet.

Henri Dasson tressaille en découvrant les grands yeux marron d’Antoinette au milieu d’un visage aussi blanc qu’un linge. Elle le regarde, terrorisée. Elle lui fait penser à un jeune animal traqué, comprenant qu’il va mourir.

En apercevant ses boucles blondes parsemées de brindilles et de mousse, le cœur d’Henri se serre. Ces boucles… Ce sont les mêmes que celles de ses enfants ;

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celles de son fils Jacques en particulier, qui a eu quatorze ans il y a trois jours.

– Henri ? T’as trouvé quèque chose ? tonne alors une voix d’homme à quelques mètres de là.

Henri se redresse vivement comme s’il venait de recevoir un coup.

– Non ! répond-il d’une voix mal assurée.

– Pourquoi tu t’arrêtes alors ? reprend l’autre d’un air suspicieux.

– J’ai vu un blaireau, répond Henri d’une voix plus forte.

– Attrape-le donc qu’on s’régale !

Un rire gras retentit qui glace le sang d’Antoinette.

– Il a filé, le bougre ! grogne Henri.

– Alors avance, dit l’autre. Y faut qu’on la r’trouve avant la nuit.

Henri hésite, balaie la terre de la pointe de son sabot et reprend la battue à la suite des autres comme si de rien n’était.

L’étoffe bleue n’est plus visible. Elle est recouverte de terre à présent.

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Fin 1792.

Alors que la maison familiale brûle, prise d’assaut par des troupes révolutionnaires, Antoinette parvient à s’échapper et à trouver refuge dans la forêt de Rambouillet. Des hommes partent à sa poursuite, bien décidés à la retrouver et à lui faire subir le même sort qu’à ses parents. Mais les recherches n’aboutissent pas et Antoinette, tétanisée de peur, se retrouve seule.

Le lendemain, Jacques et son chien l’Aiguille arpentent la forêt, espérant trouver quelques champignons ou même un lapin.

Jacques découvre Antoinette, cachée dans un terrier. Il lui tend un morceau de pain par charité mais la laisse à son triste sort. Mais l’Aiguille revient voir Antoinette et pousse peu à peu Jacques à lui venir en aide…

Un roman d’amitié et d’aventure au cœur de la Révolution française ! www.fleuruseditions.com 14,90 € France TTC Dans la même collection :
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