Portraits de chiens

Fabienne Blanchut

Laïka, et autres histoires vraies extraordinaires

Design de couverture : SKGD-Création Illustration de couverture : © SlayStorm/Shutterstock Illustrations intérieures : empreintes de chien : © Girlsuccess/Shutterstock ; statue de Bobby à Édimbourg, Écosse : © alice-photo/Shutterstock ; statue de Balto à Central Park, ville de New York : © James Kirkikis/Shutterstock ; statue d’Hachikō à Tokyo, Japon : © Goran Bogicevic/Shutterstock ; statue de Laïka à Moscou, Russie : © Asetta/Shutterstock Direction : Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Estelle Mialon, assistée de Morgane Vors et Vanessa Canavesi Composition : SKGD-Création Correction : Catherine Rigal Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Julia Mirenda © Fleurus, Paris, 2021, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-6607-8 MDS : FS66078 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »

Fabienne Blanchut

Laïka, et autres histoires vraies extraordinaires

Pour Marie et Alex D. & leurs merveilleuses « poilues » : Luna et Prune. Et à la mémoire du Prince Rio.

Pour Anne-Laure D. & son trio grec : Léon, Ulysse et Basile.

Pour Annick W-H. & sa princesse Kaya.

Pour Anastasia P. & sa belle Lyma.

Pour Lorraine F. & son roi des réseaux sociaux, Monpote.

Pour Thibaut C. & sa craquante Poppy.

Pour Romain M. & son incroyable Tom. Et enfin, pour toutes celles et tous ceux qui savent que le bonheur se mesure à la quantité de poils que les animaux laissent sur nos vêtements…

Le chien n’a qu’un but dans la vie : offrir son cœur.

J. R. Ackerley (écrivain anglais, 1896-1967)

Préface Cher lecteur, Selon moi, il n’y a pas plus belle rencontre que celle d’un animal et de « son » humain. Après avoir raconté les destins extraordinaires de Ham (le chimpanzé de l’espace)1, et de Gladiateur (le célèbre cheval de course)2, j’ai choisi de mettre en lumière quatre chiens ayant réellement existé.

Bobby, 1856-1872. Édimbourg – Édimbourg, Écosse.

Skye terrier, mâle.

Balto, 1919-1933. Alaska – Cleveland/États-Unis d’Amérique. Husky sibérien, mâle.

Hachiko, 1923-1935. Odate – Shibuya/Tokyo, Japon.

Akita (inu), mâle.

1. Mon ami Ham, Le chimpanzé des étoiles, Fabienne Blanchut, Le Livre de Poche Jeunesse, 2019.

2. Cheval de légende, L’histoire vraie de Gladiateur, Fabienne Blanchut, Fleurus éditions, 2018.

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Laïka, 1953-1957. Moscou/Russie – les étoiles, la Voie lactée. Bâtarde. Vraisemblablement, croisement entre un terrier et un husky, femelle.

Ni leurs races, ni leurs pays, ni leurs époques ne les relient les uns aux autres, mais ils ont tous fait honneur à leur espèce et ont su toucher le cœur de leurs maîtres et des hommes.

Loyauté, fidélité, courage, bravoure sont les mots qui reviendront le plus souvent dans Portraits de chiens.

J’ajoute que je ne parle, malheureusement, ni le norvégien, ni l’inuit, ni le japonais et encore moins le russe.

Cependant il m’a semblé important, pour plus d’authenticité, de ponctuer les récits de quelques mots dans ces langues afin d’immerger le lecteur dans ces différentes ambiances.

Les erreurs qui pourraient en découler seraient de mon seul fait.

Fabienne Blanchut

Jamais sans lui BOBBY(1856-1872) & JOHN

E

n cet automne 1856, l’air autour d’eux est comme immobile. On le dirait suspendu.

– Nous trouverons une solution… Ne pars pas…

– Mère, petite mère, murmure John les yeux baissés, en

empaquetant ses rares effets : un caleçon long de rechange, sa chemise du dimanche et un pull shetland que lui ont tricoté, à tour de rôle, ses petites sœurs.

Au fond du ballot, les vêtements viennent rejoindre la binette et le sécateur, les outils de jardinage que laird1 McKensie lui a offerts en le congédiant, faute de pouvoir continuer à le payer. Dans un sanglot étouffé, Moyra Gray quitte la pièce qui sert de dortoir à toute la famille. La pauvreté, mais aussi la propreté du lieu, saisirait n’importe 1. Châtelain, petit seigneur.

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quel visiteur. Le long du mur, une armoire pour le linge, dans un coin, le lit conjugal que Moyra et Callum occupent, à l’opposé, celui que partagent Shona et Aigneas, âgées respectivement de neuf et onze ans, les cadettes. John, lui, dort sur une paillasse posée à même le sol. La famille, qui a été prise au dépourvu par le retour de l’aîné, manque d’argent pour acheter une couche supplémentaire.

Depuis trois ans, John travaillait comme jardinier pour un châtelain à Inverness, mais le chômage et la récession économique ont frappé l’Écosse de plein fouet. Après les bourgeois, les nobliaux doivent, à leur tour, se séparer de leurs gens. Un jardinier, malheureusement, est dispensable. John est de retour depuis une petite semaine, mais il le sait... Sur l’île de Skye, il n’y a aucun avenir pour lui.

La décision s’est imposée d’elle-même : repartir et trouver du travail, n’importe lequel, là où on voudra bien de lui.

Il est jeune et fort, cela devrait jouer en sa faveur.

Contrairement à la dernière fois, il n’a pas de point de chute, ce qui angoisse d’autant plus sa mère. Afin de se donner du courage, John pense à l’argent qu’il pourra à nouveau envoyer à ses parents – plutôt que d’être une bouche en plus à nourrir. Il termine son maigre baluchon en y glissant sa bible. Dans la cour résonnent des chamaille-

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ries d’enfants. John sourit. Demain, il partira avant le lever du jour. Ses petites sœurs devraient encore être profondément endormies, ce sera moins éprouvant, du moins l’espère-t-il. John quitte le dortoir pour les rejoindre.

– Mais qui j’entends ? fait-il en prenant une grosse voix, celle qui provoque toujours la même réaction chez les fillettes.

Bras écartés pour les attraper, il sort de la masure qui leur tient lieu de maison. Shona et Aigneas se dispersent dans la cour, tout excitées, en simulant des cris de peur.

Le retour inattendu de leur grand-frère les a ravies et elles s’en disputent l’attention. Dans le poulailler, leur mère, les mains tremblantes, ramasse les œufs pondus de frais.

Le dernier dîner en famille a été tout à la fois joyeux et triste. Avant de se coucher, le père de John l’a étreint contre sa large poitrine, en lui recommandant d’être travailleur et honnête. Ses sœurs l’ont littéralement couvert de baisers et lui ont arraché la promesse de lettres, tandis que sa mère s’affairait autour de l’âtre. Elle n’a rien dit. Les mots lui faisaient défaut.

Le lendemain, quand John s’est levé, Moyra était debout.

Trois pommes, une miche de pain et deux œufs durs, protégés par un torchon, ont trouvé place sur le dessus du

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paquetage. La mère et le fils se sont dit avec les yeux ce que seuls une mère et un fils savent se dire, et il est parti, le cœur aussi lourd que ses chaussures.

Ce n’est qu’au détour du virage, quand il a su que personne ne pouvait plus le voir, qu’il a écrasé de grosses larmes.

John Gray a dix-huit ans. Sa famille va lui manquer.

Douloureusement.

À pied, à l’arrière d’une charrette ou assis à côté du cocher, John a traversé, pendant six mois, son pays des îles du NordOuest à Édimbourg. Partout où il s’est présenté, les châtelains s’excusaient de ne pas pouvoir l’embaucher mais, quand il est difficile de manger à sa faim, l’entretien de parterres de fleurs, d’arbres et de bosquets n’est pas une priorité. John l’a compris.

Il n’a pas l’habitude des grandes villes et Édimbourg le bouscule. Beaucoup de bruits, des odeurs nauséabondes, des gens partout dans les rues… Il est pris de vertiges. La plupart s’accroupiraient et mettraient la tête entre les genoux. Pas John. Sa mère lui a enseigné le contraire.

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– Quand la tête te tourne, lève-la !

C’est ce qu’il fait. Bien lui en prend, puisqu’il pose les yeux sur le château. Une route étroite et pavée monte jusqu’aux remparts. John fait attention en marchant de ne pas mettre les pieds dans du purin. Ici non plus, comme auparavant lors de sa traversée de l’Écosse, il ne parvient pas à se faire embaucher comme jardinier. L’endroit, ancienne résidence royale, est devenu une forteresse militaire. Il en est d’abord étonné, jouit un instant du paysage qui s’étale à perte de vue, puis la lassitude le gagne. Il redescend dans la ville par King’s Stables Road et débouche sur Grassmarket.

Une large place pavée, ceinturée de hautes maisons austères et quadrillées de petites ruelles, l’accueille. Dans une vitre, il aperçoit son reflet. Grand, efflanqué et plutôt sale. Il s’approche d’une fontaine, nettoie son visage à l’eau froide, ôte sa chemise, la mouille et s’en frotte les aisselles. Puis il sort son pull et l’enfile à la hâte. Nul ne lui a prêté la moindre attention. Il replie sa chemise, se promettant de la laver dès qu’il aura trouvé un endroit où se poser, reprend son baluchon et se remet en route. Il marche une dizaine de minutes avant de pousser la porte du Last Drop. Il est exténué.

L’aubergiste, qui est en train d’astiquer son comptoir en zinc, lève les yeux en entendant la musique du carillon.

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D’un geste de la main, il invite John à prendre place au bar. Le garçon pose son baluchon sur le sol et se hisse sur le tabouret.

– Vous n’êtes pas d’ici, hein, l’ami ? demande le patron.

John secoue la tête.

– Et pas bavard non plus, à ce que je vois.

– Veuillez excuser mon impolitesse, je suis fatigué, répond John.

– Je vois ça, mon garçon. Laisse-moi t’offrir un verre.

– J’ai de l’argent, réplique John que l’aumône offense.

– Tssss ! j’offre toujours le premier verre à celui qui entre pour la première fois dans mon antre. C’est la tradition.

Il n’y a personne dans l’établissement pour infirmer ou confirmer. John le remercie d’un signe de tête.

– À la bonne heure !

Moins d’une minute plus tard, une pinte de bière glisse sur le bar.

– Je m’appelle Trail. Murdoch Trail. Bienvenue au Last Drop, l’ami.

– Merci. John Gray.

– Enchanté, John.

L’étranger boit une grande gorgée qui le fait soupirer d’aise.

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– J’allais me faire réchauffer du haggis avant que les habitués arrivent. Je t’en apporte une assiette.

– Je… – Tu dois manger et moi, faire un régime. Ma femme t’en serait reconnaissante. Tu peux faire ça pour moi, John ?

Le garçon hoche la tête, ce qui semble ravir l’aubergiste.

Les voilà maintenant tous deux attablés devant la panse de brebis farcie. Cela fait bien trois jours que John n’a pas avalé de repas chaud. Il reprend des couleurs.

– Merci beaucoup, monsieur Trail.

– Avec plaisir… Maintenant, raconte-moi ce qui t’amène par ici.

John soupire, découragé.

– Je cherche du travail. Mon métier, c’est jardinier, mais personne n’a besoin de mes services. Je suis monté au château dans l’espoir qu’ici, plus qu’à Skye d’où je viens, Mallaig, Fort William, Glencoe, Crianlarich, Dunblane, Culross où je suis passé, on louerait mes services.

– Le château n’en a que le nom, plus la fonction, commente Murdoch.

– Je m’en suis aperçu, malheureusement. Du coup, je ne sais pas quoi faire, avoue soudain John, abattu. Édimbourg était mon dernier espoir.

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– Il est interdit de faire grise mine dans mon établissement, tu vas faire fuir mes clients.

John se retourne, la grande salle est toujours vide.

– Ils ne devraient pas tarder, explique le patron, à qui le regard de John n’a pas échappé. L’appel du whisky est le plus fort, mon garçon.

– Savez-vous où je pourrais trouver du travail ? demande John.

Murdoch Trail observe le jeune homme en silence. Il est pauvre, éreinté, pourtant l’aubergiste sent chez lui une farouche envie de s’en sortir. Ce gars-là, plus qu’aucun autre, le touche. Trail en ignore la raison mais, en bon Écossais, il fait confiance à son instinct. Pour les autres, appelons ça le destin…

Quand l’aubergiste prend la parole, John a les yeux sur ses chaussures, qu’il frotte l’une contre l’autre.

– Dans ton domaine, pas vraiment, mais laisse-moi remuer quelques contacts. Tu as un endroit où dormir ?

John secoue la tête.

– Rends-toi de ma part chez Fennella McDhòmhnaill.

Elle tient une pension au 12 de Blair Street. C’est à quelques minutes d’ici, derrière la cathédrale Saint-Gilles. Tu demanderas ton chemin en route au besoin. Elle loue des chambres

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à la semaine pour pas très cher. Et reviens me voir demain, à la même heure.

La porte du pub s’ouvre à la volée, faisant tinter la clochette.

– Murdoch !

– Jamie. Bien le bonsoir.

– Une pinte et un whisky, aubergiste, commande le grand rouquin qui vient d’entrer.

– Demain, à la même heure, redit Murdoch en s’adressant à John.

Puis le patron disparaît derrière ses alambics. Le bar commence à se remplir. John récupère son baluchon sur le sol, laisse une demi-couronne sur le comptoir et quitte le Last Drop. Demain, oui, demain, il reviendra.

La pension McDhòmhnaill est d’une propreté réconfortante. C’est la première chose que remarque John quand la veuve ouvre, en grand, la porte à laquelle il vient de toquer.

Il a honte de se présenter ainsi devant elle, le pantalon et les chaussures crottés, mais se félicite silencieusement d’avoir changé de haut. Le nom de Murdoch Trail agit comme un sésame. Et, ce qui finit de convaincre Fennella, c’est que le garçon se déchausse avant d’entrer. Ici à Édimbourg, en cet instant précis, une veuve bénit une mère de Skye

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pour la bonne éducation inculquée à son fils. La vieille femme et John règlent rapidement la question du loyer et John jouit pour la première fois de sa vie d’une chambre à lui tout seul. Rustique, une table, une chaise, une armoire, un lit une place, une table de chevet, une bougie, un petit banc, un poêle à charbon, une bassine en cuivre de la taille d’un fessier pour décor. Le linge de maison, serviette et draps, sent la lavande.

– Si vous avez du linge de corps, je peux le laver, c’est compris dans le tarif, annonce la logeuse avant de s’éclipser.

Ses godillots toujours à la main, John la remercie. Puis, alors que la veuve s’éloigne à pas traînants dans le couloir, il referme la porte de son « chez-lui », tourne la clé dans la serrure, dépose ses chaussures sous le petit banc et s’approche de la fenêtre. Cette dernière donne sur la cathédrale, comme l’avait dit Murdoch Trail. John se promet d’aller prier demain à la première heure. En attendant, il défait son maigre paquetage, place sa chemise humide sur le dossier de la chaise, dépose la bible sur le chevet et embrasse la pièce du regard. Il sourit. Cela fait si longtemps que les muscles de ses joues se font prier ! Le soleil ne va pas tarder à se coucher. John, exténué, s’étend sur le

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matelas, lit quelques lignes du Livre saint, glisse le tavernier dans ses prières, avant de souffler sur la bougie et de s’endormir.

Le lendemain, John se promène dans la ville, mais sans trop s’éloigner du quartier qu’il découvre. À la cathédrale SaintGilles, il préfère Greyfriars Kirk, la petite église des franciscains. Lorsqu’il pénètre dans le bâtiment religieux, une messe en gaélique est célébrée. John reste assis sur le banc bien après la fin de l’office. Puis il sort et déambule dans le cimetière attenant, où la végétation est très bien entretenue. Il sait que, s’il reste à Édimbourg, cet endroit sera son refuge : loin des clameurs de la ville, tout y est calme et douceur. Mais l’heure a tourné ! Déjà, il est temps de rejoindre Murdoch Trail. John Gray veut le remercier d’avoir pris le temps de l’écouter et de l’avoir aiguillé vers la veuve McDhòmhnaill.

L’aubergiste balaie son pas de porte quand John arrive. Si des gens devaient témoigner de ce moment, ils diraient que les deux hommes semblent heureux de se revoir, et rien n’est plus vrai. Tandis qu’il termine sa tâche, Murdoch annonce : – Tu as fait forte impression sur ta logeuse, mon gars !

Pourtant, Fennella n’est pas d’un naturel loquace.

Devant l’air gêné de John, le tavernier sourit, amusé.

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– Allez, viens, je dois t’entretenir d’une nouvelle.

– Oh, je passais juste vous remercier, prévient John.

Je ne veux pas vous embêter… J’ai vu qu’ils embauchaient des journaliers en dehors de la ville pour travailler dans les champs. J’ai prévu de m’y rendre demain…

– Attends une minute. Si tu veux un boulot plus régulier, je crois que j’ai une piste pour toi…

John est suspendu aux lèvres de Murdoch Trail.

– La ville cherche des agents, spécifiquement pour Grassmarket. J’ai dit à Ian que tu irais le voir sitôt que nous aurions eu cette conversation.

– Qui est Ian ? demande John.

– Le chef de la police, et le cousin de ma femme. C’est à toi de jouer !

Dès que Murdoch lui a expliqué comment se rendre au poste de police, John se met en route. Il n’a aucune, mais alors aucune idée de ce en quoi consiste la fonction. Là encore, il fait bonne impression… ou bien Édimbourg est en manque d’îlotiers. John est mesuré, pesé, testé à l’effort, c’est-à-dire qu’il doit faire trois fois le tour du pâté de maisons en courant. Enfin, on lui demande s’il sait lire et écrire, s’il aime les chiens et, avant même qu’il ait récupéré

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son souffle, on lui remet un uniforme, des bottes de cuir, un calepin et un chiot de cinq mois dans les bras.

– Il s’appelle Bobby, dit Ian. Et c’est avec lui que tu vas patrouiller dès demain dans Grassmarket, le marché aux bestiaux. Nuit et jour, cet endroit est sous surveillance étroite afin d’éviter les vols. Tu commences demain, de 7 h à 18 h, avec une heure de pause à 12 h 30 et un repas gratuit offert par la ville, le soir. Parfois, tu feras la nuit, mais pas tout de suite. C’est payé 17 shillings par semaine. Ta mission ?

Tu patrouilles, tu notes les incivilités et les infractions.

John enregistre toutes les informations tandis que le chiot remue dans ses bras.

– Compris ?

La jeune recrue hoche la tête.

– Parfait. Une fois tes heures faites, tu reviens me faire ton rapport. Six jours sur sept, tu as ton mardi de libre.

Des questions ?

John fait non de la tête.

– Très bien.

– Si, une… Pourquoi un chien ?

– Le métier peut parfois dégénérer…

John regarde le chiot qui n’impressionnerait pas grand monde.

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Ian poursuit sur sa lancée : – Mais c’est rare. Pour l’heure, je crois que Bobby a juste envie de pisser.

Le chiot jappe en entendant son nom. John le dépose rapidement au sol.

– Il connaît les ordres simples : assis, couché, debout, pas bouger. C’est encore un chiot, nous n’avons pas eu le temps de le former correctement. Toi non plus, du reste, dit Ian avec un gros rire. Vous êtes notre premier binôme de novices. Épatez-moi !

Devant le visage crispé de John, Ian tempère : – Pas de stress, agent Gray. Tout va bien se passer.

L’officier en chef s’apprête à tourner les talons quand John demande : – Et Bobby, je le laisse ici pour la nuit ?

– Tu en as de bonnes ! Non, il est à toi vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ça pose problème ?

John veut croire que non, alors c’est ce qu’il répond.

Le lendemain de son arrivée à Édimbourg, il a réussi à trouver un toit, un travail et un salaire : le chien ne doit surtout pas poser de problème. Il se penche pour mieux le regarder. Même s’il n’y connaît pas grand-chose en canidés, John croit deviner qu’il s’agit d’un skye terrier. Peut-être

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est-ce une race qui vient de son île ? Bobby est noir. Deux fois plus long que haut, bas sur pattes avec un poil abondant qui effleure le sol. Ses oreilles sont petites, dressées, et sa truffe humide. Il a une bonne tête.

– Salut, Bobby. Moi, je m’appelle John.

Bobby s’assoit et renifle la main que lui tend le garçon.

Il sort une langue rose et râpeuse avant d’entreprendre de la lui lécher. John rit sous la chatouille. Il a maintenant un genou à terre et le chien s’appuie contre lui en remuant la queue. De son autre main, John dégage les poils qui tombent sur les yeux de Bobby et découvre deux petites billes marron, pleines d’intelligence. Leurs regards se croisent, se jaugent, se jugent. À cet instant précis, John sent que Bobby lie son destin au sien. Cependant, il ne connaîtra jamais la profondeur de sa loyauté. Pour l’heure, c’est juste un jeune gars de Skye qui vient de recevoir la responsabilité d’un nouveau compagnon.

– Viens, Bobby, je vais te présenter à M. Trail. Et après, nous irons voir ma logeuse. S’il te plaît, tiens-toi bien dans les deux cas.

– Ouaf ! réplique Bobby, qui emboîte le pas de son maître.

Murdoch Trail accueille la nouvelle avec un grand sourire.

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– J’étais certain que tu conviendrais pour le poste… (il se tourne vers Bobby)… mais, pour le chien, je te promets que je ne savais pas.

– Je n’en ai jamais eu un à moi, je ne sais pas si…

Mais Bobby ne laisse pas John terminer sa phrase. Il se dresse sur ses pattes arrière, prend appui avec celles de devant sur la jambe de son nouveau maître et lui lèche la main en signe d’affection. Murdoch Trail rit, amusé.

– Comment s’appelle cette boule de poils ?

– Il s’appelle Bobby.

– Les skies sont les chiens les plus fidèles au monde. Mon grand-père en avait un, Scott. Il était tout blanc avec des oreilles noires. Il dormait ici, dans le coin. C’était un malin et un sacré dénicheur de rats. Tu comprendras vite le caractère de celui-ci, fait Murdoch en donnant une tape amicale sur le bras de John.

Bobby le regarde, attrape le bas du pantalon de l’aubergiste en grondant.

– Bobby, qu’est-ce qui te prend ? s’étonne John en dégageant les petits crocs du chien. Assis. Pas bougé.

Bobby lève les yeux sur John et obéit.

– Je suis désolé, monsieur Trail.

– Pas de mal, mon gars. M’est avis que ce chien est le meilleur protecteur que tu n’auras jamais.

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Table des matières PRÉFACE ................................................................11 JAMAIS SANS LUI : BOBBY(1856-1872) & JOHN ...............................13 LA COURSE D’UNE VIE : BALTO (1919-1933) & GUNNAR ........................ 67 UNE VIE À L’ATTENDRE : HACHIK (1923-1935) & HIDESABUR ........ 111 LA PETITE CHIENNE DES ÉTOILES : !ÏKA (1953-1957) & PAVEL ..............................155 QUELQUES SOURCES POUR ALLER PLUS LOIN ........................................................ 203

POSTFACE ...........................................................211 REMERCIEMENTS............................................217 À PROPOS DE L’AUTEURE ............................219

Bobby, Balto, Hachikō, Laïka : ces quatre chiens d’exception ont accédé à une célébrité internationale grâce au dévouement, à la loyauté et à l’attachement dont ils ont fait preuve à l’égard du genre humain...

Des châteaux d’Écosse aux reliefs glacés de l'Alaska, du Japon de l’entre-deux-guerres à l’URSS au temps de la conquête spatiale, ce livre dresse quatre portraits de chiens extraordinaires issus de cultures extrêmement différentes.

De quoi faire voyager tout en rendant hommage à ces compagnons fidèles.

Un docu-fiction qui a du chien !

12,90 € TTC France www.fleuruseditions.com

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