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Il y a cent ans, le traité de Versailles ; une paix pour rien

Le 28 juin 1919, cinq années jour pour jour après l’attentat de Sarajevo, était signé dans la Galerie des Glaces du château de Versailles le traité chargé de régler le premier conflit mondial. L’ambition des négociateurs était inédite et grandiose. Il s’agissait rien moins que de rendre la guerre impossible pour l’avenir. Comment ? En créant une Société des Nations dont le mandat serait de résoudre tous les conflits interétatiques par le dialogue et non plus par la force ; en donnant le dernier mot aux peuples et non plus aux États par le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La démocratie plutôt que les alcôves des chancelleries. On sait ce qu’il en adviendra. Le jugement de l’histoire aura longtemps été impitoyable vis-à-vis du traité de Versailles, accusé d’être structurellement responsable des drames qui suivront deux décennies plus tard. Il n’aura laissé que des mécontents : les Français qui n’obtiennent aucune garantie réelle contre la résurgence de l’impérialisme allemand, les Britanniques pour qui l’équilibre européen prime sur toute autre considération, Wilson trahi par son Congrès qui désavouera son président, les Italiens privés de l’essentiel de leurs ambitions territoriales. Quant aux vaincus, avides de revanche, le Diktat de Versailles sera le chiffon rouge qui interdira toute idée de réconciliation avec les vainqueurs. Un siècle après la signature de ce traité, il est possible de porter un jugement plus nuancé sur cet acte diplomatique majeur du XXe siècle. Il s’agira d’abord de le resituer dans le contexte de l’époque de l’immédiat après-guerre. Il s’agira ensuite de montrer que d’autres possibles auraient pu se réaliser, et qu’il n’y avait pas de fatalité aux drames ultérieurs qui s’abattront sur l’Europe et le monde.

AVANT-PROPOS : UNE EUROPE EN RUINE

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Il faut remonter au traité de Westphalie pour retrouver de pareils bouleversements européens. 1919 marque la fin définitive de l’Europe dynastique pour faire place à celle, non moins instable, des nationalités. Quatre empires qui avaient profondément marqué de leur empreinte le continent, allemand, autrichien, russe et ottoman, ont sombré dans la tourmente. Les pertes humaines liées à la guerre sont monstrueuses et inédites dans l’histoire des conflits. Dix millions de combattants tués, treize millions de

victimes civiles si l’on tient compte de celles de la grippe espagnole. Un pays comme la Serbie a perdu le tiers de sa population au cours du conflit. En France, 27% des 18-27 ans sont morts au combat. La proportion est peu différente en Allemagne, en Autriche ou en Italie. L’Autriche-Hongrie a perdu 17% de sa population active, l’Allemagne 15% et la France 12%. Dans la zone des combats, les destructions sont incommensurables. Pour la France, 350.000 habitations et 11.000 édifices publics ont disparu, et un million d’ha de terres arables inexploitables pour de longues années. On estime le montant des dommages matériels à 34 milliards de francs-or. La France et la Grande-Bretagne ont perdu de 20 à 30% de leur flotte commerciale. Quant au coût financier, il est calamiteux : pour la France, la dette est passée de 33 à 219 milliards entre 1914 et 1919, de 17 à 196 milliards pour l’Angleterre, de 6 à 169 milliards pour l’Allemagne. Selon Gaston Jèze2, le coût total de la guerre pour notre pays s’élèverait à 223 milliards, soit une moyenne de 39 milliards par an contre 5 en 1914. Ajoutons que l’inflation, qui a abouti au franc Poincaré en 1928, conduit à une dévaluation des 4/5e du franc Germinal de 1914, provoquant la ruine des rentiers et d’une partie des classes moyennes. Mais les plus grands bouleversements concernent la redéfinition des frontières. Neuf nouvelles nations sont nées – dix même si l’on y rajoute l’Eire − sur les décombres des empires défunts – Finlande, États baltes, Pologne, Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie – dont la stabilité est rien moins qu’assurée. Des millions de gens se sont vus attribuer une nouvelle nationalité, parfois à leur corps défendant. « Ainsi, il apparut impossible de créer autant d’États qu’il y avait de nationalités, en particulier dans les Balkans, parce qu’il était estimé que des États trop petits ne seraient pas viables. Dans ces conditions, il fallut réunir des nationalités qui n’avaient pas toujours de sympathie les unes pour les autres. Ce fut le cas de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie. Par ailleurs, l’extraordinaire mélange des populations conduisit à multiplier les minorités. En Roumanie, sur 12 500 000 habitants, il y avait 1 308 000 Hongrois, 723 000 Allemands, 448 000 Ukrainiens, 358 000 Bulgares, 308 000 Russes, 57 000 Serbes ; en Tchécoslovaquie, sur 13 millions d’habitants, 3 200 000 Allemands et 750 000 Hongrois ; en Yougoslavie sur 14 millions d’habitants, 467 000 Hongrois, 505 000 Allemands, 439 000 Albanais, 150 000 Turcs et 231 000 Roumains ; en Pologne sur 26 300 000 habitants, 4 millions d’Ukrainiens, 1 300 000 Biélorusses, 500 000 Allemands, c’est-à-dire que, sauf en Yougoslavie où les

2 Les dépenses militaires de la France, Paris, 1926. 42

« allogènes » n’étaient qu’un peu plus de 10 %, ailleurs ils dépassaient largement le quart de la population. Résultat, si en nombre absolu, à la suite de la disparition de l’Autriche-Hongrie, le total des minorités incluses dans un État étranger avait diminué, la situation était plus dangereuse, puisque de petits États se trouvaient confrontés à des risques de subversion par des minorités imposantes. La question des Allemands des Sudètes en Tchécoslovaquie allait bientôt le montrer3 . » Le traité de Versailles ne fera du reste qu’entériner ces créations spontanées d’États qui lui sont antérieures. Dernière conséquence de la guerre, l’ensauvagement des sociétés et les haines irréductibles provoquées par le conflit. Les rares voix qui prônaient le rapprochement entre les peuples n’étaient pas audibles, submergées par les discours de haine ambiants. Les représentants des puissances victorieuses doivent compter avec des opinions publiques qui exigent que les vaincus paient à la mesure de leurs forfaits vrais ou supposés. L’Europe, dont les idées, la culture, la technique rayonnaient sur le monde, se retrouve sans doute définitivement déclassée à l’issue de ce collapsus de civilisation.

I/ L’ÉLABORATION DU TRAITÉ (18 janvier-28 juin 1919) : LA CONFÉRENCE DE LA PAIX

Le 18 janvier 1919 se réunit pour la première fois au Quai d’Orsay la « Conférence préliminaire » destinée à fixer les grandes lignes de la paix future – il convient de rappeler que l’armistice signé le 11 novembre 1918 ne met pas fin juridiquement à l’état de guerre, qui devra attendre un traité de paix signé en bonne et due forme par tous les protagonistes pour mettre un terme à cette situation. Cette conférence rassemble les vingtsept États vainqueurs, dont certains tout à fait anecdotiques4. Elle devient assez rapidement la « Conférence de la paix ». Sa tâche est immense, inédite. Elle devra tracer les nouvelles frontières d’une Europe bouleversée, disposer du sort des pays vaincus et de leurs colonies, assurer viabilité économique et politique aux nouveaux États, se pencher sur l’épineux problème des réparations, tenter de réintégrer la Russie dans le concert des nations, créer un nouvel ordre mondial qui puisse assurer une paix durable. Et cela à partir de principes qui sont loin de faire consensus.

3 Jean-Jacques Becker, Les conséquences des traités de paix in : Revue Historique des Armées N° 254/2009. 4 Comme le Népal, le Brésil, Costa-Rica, Cuba, le Guatemala, le Honduras, Haïti, le Libéria, le Nicaragua…

Or il n’existe aucun précédent historique à cette entreprise. Si l’on fait parfois référence au Congrès de Vienne de 1815, le contexte est radicalement différent. Dans la capitale autrichienne les vainqueurs, qui n’étaient que cinq, tous souverains de l’ancien régime restauré, redessinent la carte de l’Europe sans se soucier le moins du monde de la volonté des peuples, et aucun des États préexistants n’est menacé dans son existence. L’armature idéologique de cette conférence reste le programme Wilson, soit les Quatorze points qui définissent une nouvelle approche de résolution des conflits ainsi qu’un fil rouge qui devra servir de guide à toute l’architecture, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce qui consiste à faire coïncider frontières politiques et nationalités.

Les acteurs du traité et leurs revendications

S’il s’agit au départ d’une conférence intégrant tous les États ayant participé à la victoire, assez rapidement les « petites nations » ne feront plus que de la figuration, le pouvoir de négociation restant contenu entre les quatre grandes puissances, USA, Grande-Bretagne, France et Italie. Une mention particulière doit être accordée au Japon qui, s’étant vu reconnue la liberté d’action pour son expansion asiatique, se désintéressera du sort de l’Europe. Il se constitue alors un Conseil des Dix, ou Conseil suprême, qui rassemble les chefs d’État et ministres des Affaires étrangères des quatre Grands, ainsi que deux délégués nippons. Dans les faits, après le départ de la délégation italienne en avril, les décisions majeures seront prises par trois seuls acteurs, Wilson, Clémenceau et Lloyd George. Il est intéressant de tenter de cerner les personnages et de percer leurs intentions profondes. Celui qui semble disposer des meilleures cartes, c’est bien le président américain Woodrow Wilson. L’entrée en guerre massive des Sammies a fait définitivement basculer le sort des armes. La puissance financière américaine s’est également révélée décisive. Et c’est bien le programme en quatorze points, accepté par tous les belligérants, qui a permis d’aboutir à la fin des combats. C’est pourtant Wilson qui a le moins d’intérêts matériels à défendre. C’est un universitaire, homme de principes, fermement pénétré de la mission messianique qui lui incombe, créer un nouvel ordre du monde. Les peuples ne s’y tromperont pas qui vont lui assurer un accueil enthousiaste lors de sa venue en Europe – la première d’un président américain. Mais il est, comme tous ses compatriotes, peu au fait de la complexité européenne. À la fin mars, il rédige le Mémorandum de

Fontainebleau destiné à mettre en garde ses homologues contre les dangers d’une paix trop dure à l’égard de l’Allemagne. Or il est extrêmement fragilisé par la victoire des Républicains au Congrès en 1918. Aucun traité international ne peut être conclu sans l’aval du parlement américain, au sein duquel Wilson a perdu sa majorité. Or pour des raisons différentes sur lesquelles nous reviendrons, une large partie des Républicains est hostile à ce traité. Georges Clémenceau, le Tigre, n’a en vue que les intérêts français. Il ne ménage pas ses sarcasmes à l’encontre de Wilson : « Quatorze points ? Le Bon Dieu n’en a que dix ! » − allusion transparente aux Dix commandements. Il soutient également que « parler à Wilson revient à parler à Dieu ». Il est tout sauf un idéaliste. Il voit en l’Allemagne, même vaincue, un État prédateur et belliciste, qu’il s’agit d’affaiblir à jamais. Agissant seul, sans prendre langue de ses conseillers et sans informer le parlement de l’avancée des négociations, il va se battre avec la dernière énergie pour obtenir des réparations à la mesure des préjudices subis ainsi que les garanties de sécurité contre une nouvelle agression allemande. Au risque de se retrouver isolé dans les négociations. Mais la France, la plus meurtrie humainement et économiquement des puissances alliées, ne peut se résoudre à accepter que l’Allemagne conserve intact l’essentiel de sa puissance économique et politique. Plusieurs scénarios sont envisagés, dont le dépeçage du pays pour retourner à l’Europe westphalienne, ou bien, comme le préconise le maréchal Foch, ôter à l’Allemagne sa souveraineté sur la rive gauche du Rhin, base traditionnelle des invasions, pour la confier à l’administration des armées alliées. Le mot d’ordre est : « Sécurité d'abord - L'Allemagne doit payer - L'Allemagne paiera ». Lloyd George arrive serein à la conférence. Il a déjà obtenu avant même son ouverture l’essentiel des revendications britanniques, la maîtrise absolue des mers avec la neutralisation programmée de la flotte allemande, et le contrôle du Moyen-Orient, clé de la route des Indes, avec le mandat sur la Palestine et l’Irak. Il va pratiquer la diplomatie habituelle des Anglais, faite de cynisme et de pragmatisme, avec un mot d’ordre, éviter la rupture des équilibres européens. Ce qui revient à dire ménager l’Allemagne et contrarier les ambitions françaises. Car l’Allemagne est à la fois un partenaire économique majeur de la Grande-Bretagne, mais également un rempart contre le bolchévisme. Autant dire que les Anglais, traumatisés par l’horreur du conflit – 743.000 morts, ainsi que 192.000 soldats de l’Empire – et qui ne sont pas prêts à intervenir de nouveau dans les affaires du continent, qui ont obtenu l’essentiel de leurs buts de guerre, ne feront pas de concession à leurs

meilleurs ennemis français. Comme s’exprimait un membre du cabinet de guerre britannique, « nos adversaires à la table de paix ne seront pas uniquement nos ennemis. » Le pays pour lequel les attentes étaient les plus fortes reste probablement l’Italie. Engagée sur le tard dans le conflit, fin mai 1915, elle avait obtenu pour prix de son ralliement d’importantes concessions territoriales de la part des franco-britanniques. Le traité de Londres signé le 26 avril 1915 assurait aux Transalpins, pour leur intervention militaire, le Tyrol autrichien jusqu’au Brenner, la rive ouest de l’Isonzo, Trieste et l’Istrie, ainsi que la côte dalmate de Fiume à Dubrovnik. Un autre traité, celui de Saint-Jeande-Maurienne, conclu le 21 avril 1917, concédait aux Italiens la côte ouest de l’Anatolie. Mais Orlando, président du Conseil italien et négociateur à la Conférence de la paix, va se voir opposer une fin de non-recevoir du président Wilson, pour qui il n’est pas question d’annexion de populations allogènes. Aussi la déception sera à la mesure des attentes. Dès le 24 avril, avant la fin de la conférence, la délégation italienne se retire. L’opinion transalpine ira dès lors vers ceux qui dénonceront le plus fort la spoliation de ses intérêts. D’autres, comme d’Annunzio, penseront qu’il suffit d’employer la force pour imposer ces mêmes intérêts. Il en fera la démonstration spectaculaire lors de la marche sur Fiume, qui servira de précédent, deux années plus tard, à celle de Mussolini sur Rome.

Organisation et déroulement des négociations

Il n’y avait que cinq États représentés au Congrès de Vienne de 1815. À celui de Paris, on compte vingt-sept États, chaque délégation comptant plusieurs centaines d’accompagnants. Il n’y a pas moins de cinq cents correspondants de presse dans la capitale française. « Entre janvier et juin, Paris fut tout à la fois le gouvernement du monde, sa cour d'appel et son Parlement : ce fut le lieu sur lequel convergeaient toutes les craintes et tous les espoirs5 . » Parmi cette foule de collaborateurs, on trouve de hauts fonctionnaires, des diplomates, des économistes, des historiens, des géographes, des militaires, des juristes… Signalons notamment dans la délégation anglaise la présence du représentant du Trésor John Maynard Keynes, qui du reste démissionnera pour manifester sa désapprobation à la dureté du traité. Se greffe par-dessus tout un monde d’intervenants extérieurs, porte-paroles autoproclamés, représentants de groupes ethniques qui veulent leur place au soleil, pétitionnaires…

5 Margaret Macmillan, Peacemakers. Six months that changed the World, John Murray, 2001.

La tâche est à ce point immense qu’on répartit le travail au sein de cinquante-deux commissions, elles-mêmes divisées en souscommissions. Tout cela se traduit par une paperasserie énorme, des liaisons très incertaines et une absence de coordination entre les différentes structures. Une mission, et pas des moindres, consiste à tenter d’évaluer le coût de la guerre afin de proportionner les réparations à exiger. C’est quasiment impossible, tant les paramètres sont nombreux et les outils économiques et intellectuels insuffisants. De sorte que le montant tout à fait arbitraire des réparations imposées à l’Allemagne ne tient compte ni de ses capacités financières, ni des préjudices subis. Il sera tout aussi malaisé de définir quel sera le tracé des nouveaux États, le sort des minorités, la place à accorder ultérieurement aux absents des négociations, pays vaincus et Russie. Mais cette immense machinerie tourne en définitive un peu à vide, car les véritables décideurs, le conseil des Quatre, agissent le plus souvent sans concertation avec les commissions, animés par une vision étroite de ce qu’ils considèrent comme l’intérêt de leur camp.

28 juin 1919 ; la signature

Après des mois de palabres et d’arguties, les décisions ne se prennent que dans les dernières semaines, ce qui explique la marque d’impréparation et d’inachevé de ce traité. Le document final est un monument qui ne compte pas moins de 440 articles. Il n’est relu par les délégations des pays signataires que quelques heures avant d’être transmis aux vaincus. Surtout, il renvoie à des délibérations ultérieures nombre de points cruciaux, comme celui des réparations et de leurs modalités. Il est signé, selon la volonté de Clémenceau, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, là où fut proclamé le IIe Reich vainqueur de la France en 1871. Tout le cérémonial est destiné à humilier l’ennemi et lui faire sentir l’animosité des vainqueurs. La délégation allemande est composée de politiques de second rang, les responsables germaniques ayant refusé de cautionner cette mise en scène. Seuls se sont rendus à la signature Hermann Müller, nouveau ministre des Affaires étrangères, et Johannes Bell, ministre des Transports. Ils sont contraints de défiler devant une délégation de gueules cassées, tandis que dans les rues on fait défiler des voitures tirant des canons pris à l’ennemi. La délégation allemande n’a pris connaissance des conditions du traité que le 7 mai. Et il lui est précisé qu’aucune de ces clauses ne serait négociable. Elle qui s’attendait à une relative modération, conformément

aux Quatorze points, est anéantie par la dureté du texte : « Le projet de traité contient des exigences qui ne sont supportables par aucun peuple. En outre, de l’avis de nos experts, nombre de clauses sont inexécutables. » Et de présenter des contre-propositions. Deux points notamment achoppent : la livraison à la justice des criminels de guerre, Kaiser, responsables politiques et militaires ; les articles 231 et 232, qui affirment la responsabilité allemande dans le déclenchement de la guerre, et l’obligation de payer des réparations pour les immenses préjudices subis. Informé le gouvernement Scheidemann démissionne, refusant de signer cette « paix honteuse ». Mais les Alliés menacent alors d’envahir l’Allemagne et de la démanteler. Le nouveau gouvernement Bauer doit alors se résigner à la signature. Mais pour de longues années, le Diktat de Versailles assombrira les relations européennes, et interdira toute évolution pacifique.

II/ LES CLAUSES DU TRAITÉ

Ce traité international, qui entrera en vigueur le 10 janvier 1920, comporte différentes clauses que l’on peut regrouper en quelques chapitres. - Clauses politiques et territoriales : L’Allemagne se voit amputée de différents territoires, à l’ouest comme à l’est. Outre l’Alsace-Moselle, réintégrée à la France avant le traité, elle perd les cantons d’Eupen et

Malmédy cédés à la Belgique, le district de Hultschin à la

Tchécoslovaquie, Posnanie, Prusse occidentale et Haute-Silésie à la

Pologne. Elle perd toutes ses colonies que se partagent les vainqueurs. La Rhénanie est démilitarisée et occupée, la Sarre placée sous contrôle français, l’avenir du Schleswig du Nord et de la Haute-

Silésie serait décidé par référendum. Dantzig devient une ville libre, afin de donner une fenêtre maritime au nouvel État polonais, isolant ainsi la

Prusse orientale de la mère-patrie. Au total, l’Allemagne est réduite de 13% de son territoire européen et perd sept millions d’habitants. - Au plan militaire, les mesures imposées par le traité sont draconiennes.

Il faut s’assurer, selon les concepteurs de cet acte diplomatique, que l’Allemagne ne puisse plus jamais constituer une menace. Son armée est limitée à cent mille hommes. La conscription est interdite. La marine, réduite à 12.000 hommes, ne peut construire de bâtiments de plus de 10.000 tonnes, ni non plus de sous-marins. Elle se voit privée d’aviation militaire. La construction de chars, d’artillerie lourde, les gaz

de combat lui est également interdite. Cette force militaire ne sera même pas capable de venir à bout de la révolution bolchévique et la

République de Weimar devra faire appel aux Corps francs pour y mettre fin. - Il comporte également des clauses économiques. L’Allemagne avait été contrainte le 11 novembre de livrer l’essentiel de son matériel ferroviaire et de ses camions. Elle perd la propriété de tous ses brevets industriels. Les fleuves Rhin, Oder et Elbe sont internationalisés et l'Allemagne doit admettre les marchandises en provenance d'Alsace-

Moselle et de Posnanie sans droits de douane. En outre, le pays doit livrer aux Alliés du matériel et des produits. Enfin, l'Allemagne est astreinte à de lourdes réparations matérielles et financières. Le montant final en sera fixé après la signature du traité de Versailles, en 1921, à 132 milliards de mark-or. C'est un peu plus qu'une année du revenu national. - Enfin, fait sans précédent dans les annales de la diplomatie, les Alliés imposent une clause morale, clause de « responsabilité de guerre », ou même de « culpabilité de guerre », visant tout à la fois à les exonérer de leurs propres responsabilités, et à justifier l’imposition de réparations financières au profit des pays agressés. C’est probablement l’article qui sera le plus ressenti comme injuste par l’opinion allemande. - D’autres créations sont liées au traité de Versailles, comme la fondation du Bureau international de travail, établissant des normes internationales des conditions de travail, et qui a subsisté jusqu’à nos jours. - Le plus remarquable dans ce texte en est le préambule, qui sera commun aux cinq traités produits par la Conférence de la paix6, première section de chacun de ces actes diplomatiques, et qui jette les fondations d’une instance internationale, la Société des Nations, dont la philosophie politique s’inspire très largement des Quatorze points. Le

Pacte de la SDN est rédigé du 3 février au 11 avril, parallèlement aux négociations de paix, et se fixe trois objectifs : faire respecter le droit

6 Versailles (Allemagne), Saint-Germain (Autriche), Trianon (Hongrie), Neuilly (Bulgarie), Sèvres (Turquie).

international, par la création notamment de la Cour permanente de justice internationale chargée de « connaître de tous différends d'un caractère international que les Parties lui soumettront. Elle donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout point, dont la saisira le Conseil ou l'Assemblée »; abolir la diplomatie secrète, responsable de l’entrée en guerre en 1914 ; résoudre les conflits par l’arbitrage et non plus par la force. Objectifs éminemment louables, mais qui se heurteront au mur des réalités. Ce monument diplomatique, le plus élaboré de l’histoire, connaîtra bien des déconvenues dès lors qu’il s’agira de le mettre en application.

III/ L’APPLICATION ET LES CONSÉQUENCES DU TRAITÉ (1920-1939)

Le projet ambitieux d’établir une paix universelle se heurte à différents obstacles, dont les moindres ne sont pas que des puissances majeures comme l’Allemagne ou la Russie n’y ont pas été associées. Mais la principale défection viendra des États-Unis eux-mêmes qui, après en avoir été les instigateurs, refuseront de l’entériner. Et certaines des clauses du traité seront comme autant de bombes à retardement qui éclateront dans les années 30.

La non-ratification des Américains

Cette instance supranationale avait pourtant reçu un accueil plutôt positif. Les Anglais qui y voient une résurgence de la Sainte Alliance de 1815 permettant de stabiliser les frontières et les régimes en Europe ; pour la France, au début du moins, qui voulait la doter d’une force armée, sans toutefois l’obtenir, mais qui voit dans son acceptation une monnaie d’échange vis-à-vis de ses priorités, la rive gauche du Rhin et les réparations. Wilson, qui se voulait le prophète du nouvel ordre mondial, a perdu les élections de 1918. Les Républicains comptent 44 sièges à la Chambre des représentants, et deux sièges d’avance au Sénat. Comme la ratification d’un traité nécessite une majorité des deux-tiers au Sénat, Wilson doit débaucher 17 voix de l’opposition pour l’obtenir. Or il fera preuve de bien peu de sens politique en écartant tout représentant républicain de la délégation parisienne, et par son autoritarisme et sa volonté de faire du traité « la paix de Wilson ». Surtout, l’obligation pour les USA d’intervenir en cas de conflit européen apparaît comme compromettante pour la souveraineté nationale aux yeux des sénateurs.

Par deux fois, le 19 novembre 1919 et le 19 mars 1920, le traité de Versailles sera rejeté par le Sénat. Les conséquences sont désastreuses. La SDN sans le pilier américain devient une coquille vide. Les accords de défense mutuelle entre les vainqueurs ne sont pas validés, laissant Français et Britanniques isolés en cas de renaissance de l’hégémonisme allemand. Par son fonctionnement même, la SDN se voit rapidement réduite à l’impuissance. Le Conseil de la SDN, l’équivalent du Conseil de sécurité de l’ONU, là où se prennent les véritables décisions, qui comporte quatre membres permanents : France, Grande-Bretagne, Italie et Japon, mais également quatre membres élus, ne peut prendre de résolution qu’à l’unanimité, ce qui rend impossible toute décision courageuse. Pourtant, l’organisation obtient initialement quelques succès modiques. Pour régler un conflit entre la Suède et la Finlande en 1921 ; ou celui qui oppose Allemands et Polonais en Haute-Silésie ; ou quand elle tranche un autre différend entre Pologne et Lituanie pour la région autour de Vilnius en 1920. Elle supervise un certain nombre de mandats et y organise des référendums, comme celui de la Sarre en 1935. Elle sera même rejointe par l’Allemagne en 1926 et l’URSS en 1934. Mais elle sera totalement démunie face aux défis majeurs qui se présentent à elle : occupation de la Ruhr par la France en 1923, invasion de la Mandchourie par le Japon en 1931, remilitarisation de la Rhénanie et conquête de l’Ethiopie par l’Italie en 1935, crise des Sudètes en 1938. Elle ne jouera désormais plus aucun rôle dans la résolution des crises jusqu’à la Seconde guerre mondiale.

Des dispositions hasardeuses et lourdes des conflits futurs

Voulant établir la paix perpétuelle le traité de Versailles, à travers certaines de ses prescriptions, a nourri lui-même les conflits qui éclateront plusieurs années après. La première, et la plus grave, porte sur la recréation de la Pologne. Si l’intention en soi était louable, redonner des frontières et un État à une vieille nation européenne, les conséquences en seront désastreuses, jusqu’à être à l’origine de la Seconde guerre mondiale. Le problème, là comme ailleurs, est que la conception wilsonienne d’établissement des frontières, fondée sur le principe des nationalités, se heurte à l’extrême imbrication des peuples, des langues et des cultures dans la Mittel Europa. Le résultat le plus immédiat en a été de provoquer la guerre russopolonaise de 1919-1921, qui faillit emporter le jeune État. L’imprécision de la délimitation des frontières, la volonté des bolchéviques d’étendre la

révolution à l’Europe entière, et celle des Polonais de récupérer les territoires perdus lors des partages du XVIIIe siècle, ont ravivé les braises du premier conflit mondial. Le deuxième problème récurrent concerne le statut de Dantzig, devenue ville libre sous le contrôle de la SDN, mais incluse dans les frontières douanières de la Pologne de façon à lui assurer un débouché maritime grâce au fameux corridor. Or elle est majoritairement peuplée d’Allemands, et isole la Prusse orientale de la patrie allemande. Là comme ailleurs, en Haute-Silésie par exemple, les revendications allemandes n’étaient pas totalement infondées, s’appuyant sur le principe des nationalités que l’on refuse aux vaincus. Tout aussi insoluble est le problème des Sudètes, peuplées majoritairement de populations germanophones, et rattachées à leur corps défendant à la Tchécoslovaquie, qui ne les ménagera guère. La crise des Sudètes fut à deux doigts de faire basculer l’Europe dans la guerre en 1938. Autre pays profondément insatisfait, l’Italie dont les gains de guerre, Trentin-Haut-Adige, Istrie et Trieste – annexés sans aucune considération pour la volonté des habitants – ne lui semblent pas à la mesure des sacrifices consentis. D’où l’expédition de Fiume de d’Annunzio, et indirectement la prise de pouvoir de Mussolini en 1922. Un dernier pays, la Turquie, niera toute légitimité au traité de Sèvres qui prévoyait notamment l’indépendance du Kurdistan et de l’Arménie. Kemal Atatürk remodèlera les frontières à sa manière et imposera par la force le traité de Lausanne, beaucoup moins défavorable. En voulant satisfaire tout le monde, le traité de Versailles a fait plus d’insatisfaits, donc de conflits potentiels, qu’il n’a résolu de problèmes.

L’insoluble problème des réparations

« L’Allemagne paiera ! » C’est avec ce mot d’ordre simpliste que l’opinion française s’imagine pouvoir résoudre tous les problèmes d’après-guerre, reconstruction, remise en état des terrains, indemnisation des victimes, compensations diverses… Le problème c’est que l’Allemagne, ruinée par la guerre, − le déficit des comptes courants atteint quarante milliards de marks en 1918 −, privée d’une partie de ses ressources par l’occupation de son avantpays rhénan, fragilisée par la révolution bolchévique, n’est guère en mesure de payer. De sorte que les engagements financiers de ce pays ne seront traduits en actes que très fragmentairement. La banque centrale allemande ne reculera devant aucun biais ni manœuvre dilatoire pour

s’affranchir de ses obligations. En ce sens, l’hyperinflation de 1923, même si elle n’en est pas à l’origine directe, arrangera bien ses affaires. Après l’échec patent de la politique d’intimidation en occupant la Ruhr, Poincaré, sous la pression des Anglo-saxons, se résigne à aménager (lire réduire) le montant des réparations, condition sine qua non pour l’aide de banques anglo-américaines à la stabilisation du franc. Les plans se succèdent, plan Dawes (1924), plan Young (1929), moratoire Hoover (1932), jusqu’à l’annulation pure et simple de la dette allemande en 1934, après qu’Adolf Hitler ait décidé unilatéralement d’arrêter tous les paiements. Au total, l’Allemagne ne se sera acquittée que de vingt milliards de mark-or. Néanmoins, cette affaire des réparations va polluer les relations européennes pendant tout l’entre-deux-guerres, et le Diktat de Versailles, la paix dictée, frappe d’illégitimité la république de Weimar qui l’a signé, complice du coup de poignard dans le dos de la nation allemande. Les extrémistes n’auront de cesse de le dénoncer, jusqu’à ce que l’un d’eux, Adolf Hitler, ne parvienne au pouvoir. Lui qui déclarait : « Tant que la Terre tournera, aucune nation ne devra se déclarer prête à signer pareil traité honteux. »

IV/ LE TRAITÉ DE VERSAILLES, TROP DUR OU TROP DOUX ?

Si ce traité apparaît aux yeux des nations vaincues comme d’une dureté léonine, pour certains vainqueurs il est décrit comme trop timoré et insatisfaisant. Deux ouvrages essentiels pour la compréhension du XXe siècle s’affrontent, celui de J.M. Keynes, Les Conséquences

économiques de la paix, et celui de Jacques Bainville, Les

Conséquences politiques de la paix. Vu l’importance des décisions qui furent prises à cette époque et qui pèsent encore sur l’Europe d’aujourd’hui, il est particulièrement intéressant d’évoquer ces deux analyses qui comptent parmi les plus critiques et les plus lucides qui furent jamais écrites sur l’œuvre des négociateurs européens de la Conférence de Paris.

« Une paix trop douce pour ce qu'elle a de dur, et trop dure pour ce qu'elle a de doux. » C’est par cette formule que le grand historien Jacques Bainville dénonçait peu après sa signature les défauts inhérents au traité. Avec une lucidité stupéfiante, il prédisait dès 1920 les conséquences dramatiques qui en découleraient. Bainville y décrit avec précision et une logique irréfutable le processus de déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l'annexion de l'Autriche par le Reich, la crise des Sudètes avec la Tchécoslovaquie et un pacte germano-russe contre la Pologne. Il

prévoyait même l’alliance entre l’Allemagne et l’Italie. Et cela vingt ans en avance sur les événements. Selon lui, le traité a fait la part belle à l’idéologie wilsonienne au détriment du sens des réalités et des rapports de force : « Il n’y avait rien à reprocher à cette paix parce qu’elle était bonne au point de vue de la justice, et par conséquent aussi raisonnable que juste. D’autres traités avaient été des traités politiques. Celui-là était un traité moral. » « … ses dispositions générales et essentielles, dont dépendent la solidité et le succès de toutes les autres, ont été arrêtées par des hommes qui ne se guidaient pas d’après l’expérience qui est la seule « technicité » de la politique, mais d’après quelques principes fort sommaires d’une philosophie oratoire […] Tout le monde sait, par exemple, qu’après avoir déclaré qu’un État composite comme l’Autriche-Hongrie était indigne de vivre, le Conseil suprême s’est empressé de constituer, en Tchécoslovaquie, une Autriche nouvelle où se retrouvent six sur huit des nationalités dont se composait l’ancienne. » Car l’Allemagne, même vaincue, même humiliée, reste la puissance dominante d’Europe centrale, et rien ne pourra l’empêcher de se reconstituer, et de régler à sa manière les rapports de force européens : « On ne peut pas dire que le traité ne démembre pas l’Allemagne. Il la démembre nettement à l’Est, à un point sensible, très loin de la prise des Alliés. Il la démembre au profit de la Pologne, trois fois moins peuplée qu’elle et plus de vingt fois moins forte si l’on tient compte des faiblesses intimes de l’État polonais et des périls qu’il court. Regardez encore cette carte si parlante. Accroupie au milieu de l’Europe comme un animal méchant, l’Allemagne n’a qu’une griffe à étendre pour réunir de nouveau l’îlot de Königsberg. Dans ce signe, les prochains malheurs de la Pologne et de l’Europe sont inscrits. » Selon Bainville, maurassien convaincu, les nations sont soumises à des déterminismes qui s’inscrivent dans le temps long, et ont peu à voir avec les régimes politiques et leurs dirigeants. Ainsi, pour lui, l’Anschluss est inévitable, en raison de ces pesanteurs : « Trop grande tentation pour l’Allemagne de réincorporer à la patrie allemande les pays autrichiens. Trop grande tentation pour l’État de Vienne de rejoindre une communauté vaste et puissante. » Le vice fondamental du traité, selon lui, tient en ce qu’il a conservé l’unité allemande au lieu de la retourner à l’Europe westphalienne. Il reprend l’antienne de Thiers avant Sadowa : « Le plus grand principe de la politique européenne est que l’Allemagne soit composée d’États indépendants, liés entre eux par un simple lien fédératif. » Bref, pour

Bainville, une deuxième guerre est inévitable dans les deux décennies à venir.

Tout autre est l’analyse de Keynes. Curieusement, son ouvrage majeur Les conséquences économiques de la paix, qui prend le contrepied de celui de Bainville, est écrit la même année 1920. Lui-même a fait partie de la délégation britannique à la Conférence de la paix avant d’en démissionner pour exprimer son opposition à ses décisions. Autant Bainville met l’accent sur le primat du politique, autant Keynes – et c’est en cela qu’il est particulièrement moderne – affirme la primauté de l’économique. Et il insiste sur les liens d’interdépendance entre les États européens ; en affaiblissant au-delà du raisonnable les vaincus, les vainqueurs se pénaliseront eux-mêmes. « Si, la guerre civile européenne ayant pris fin, la France et l'Italie devaient abuser de leur pouvoir momentané de vainqueurs pour détruire l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie aujourd'hui prostrées, elles provoqueraient leur propre destruction, en raison des liens psychiques et économiques cachés qui les rattachent profondément et inextricablement à leurs victimes. » C’est pourquoi il est totalement inconséquent de frapper lourdement l’Allemagne de sanctions économiques ; il faut au contraire lui laisser l’opportunité de se développer, se démocratiser, et ainsi prendre sa place dans le concert des nations. Évoquant l’Europe d’avant-guerre, il indique que « c’était autour de l'Allemagne, pilier central sur lequel tout reposait, que se regroupait le système économique européen, et c'est la de la prospérité et de l'esprit d'entreprise de l'Allemagne que dépendait au premier chef la prospérité du reste du continent. » Quelles solutions préconise-t-il ? Cela tient en quelques points : révision du traité ; annulation des dettes ; mise en place d’un prêt international pour relever l’Europe ; sortie de l’étalon-or, enfin réintégration de l’URSS dans le concert européen, même s’il est sans illusion sur l’avenir du communisme. « La seule protection dont nous disposons contre la Révolution en Europe centrale est que, même aux yeux des plus désespérés, elle n'offre aucune perspective d'amélioration. » En définitive, aussi bien Keynes que Bainville ne dissimulent pas leur pessimisme sur l’avenir du monde. Alors, fallait-il brûler le traité de Versailles ? Ses négociateurs étaient confrontés à une tâche immense, sans disposer nécessairement des outils d’analyse idoines. Il y avait aussi la puissante pression des opinions publiques qui voulaient faire payer cher aux vaincus leurs forfaits

supposés. Il aurait fallu des visionnaires ; mais il n’y avait que des politiques sans réelle envergure. Rien n’était écrit d’avance. Si les USA avaient entériné le traité et adhéré à la SDN, peut-être les choses auraient pris une tout autre tournure. Si la crise de 29 n’avait pas frappé de plein fouet une Europe en plein développement, Hitler n’aurait sans doute pas accédé au pouvoir. Il a pourtant manqué beaucoup de lucidité aux hommes de Versailles, prisonniers de leurs préjugés, de leurs haines, de leur absence de culture politique. Méditons avec Karl Marx : « Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font. » Et avec Chesterton : « Tous les hommes qui dans l’histoire, ont eu une action réelle sur l’avenir, avaient les yeux fixés sur le passé7 . »

Lieutenant-colonel (h) Jean-Pierre Martin

7 Gilbert Keith Chesterton, Ce qui cloche dans le monde (1910) 56

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