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Le 363e RI pendant la Grande Guerre (suite et fin

Le 363E RI pendant la Grande Guerre

Suite et fin

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Occupation du secteur de Pierremande

Quoiqu’il fût présumé que le saillant occupé par le régiment serait d’un moment à l’autre l’objet d’une attaque allemande, ce n’est que le 5 avril que l’ennemi nous en laisse entrevoir les indices matériels. Un ordre de bataille reçu de la division mentionne la présence dans le secteur de plus de deux divisions allemandes. Sur la demande du colonel Pichot-Duclos, l’artillerie française exécute des tirs de destruction. Le 6 avril à 3h45, un violent tir de contre-batterie est déclenché par l’artillerie ennemie, faisant prévoir une attaque en force. Celle-ci se déclenche à l’aube. À 7 heures, Chasny-Sud est pris, après une lutte désespérée de la 19e compagnie dont le chef, le capitaine Raffaelly, est tué en pointant luimême une mitrailleuse. Le capitaine Gineste, commandant toutes les troupes opérant dans la forêt de Coucy, se replie devant des forces supérieures sur la voie ferrée Rond d’Orléans − Sinceny, qu’il est obligé de quitter peu après, étant tourné par sa gauche au pont de la voie ferrée, sur le ruisseau de Grêve. À 11 heures, les Allemands prennent Aurigny-Rouy, parviennent jusqu’à la station de Barisis et la route d’Amigny à Sinceny. À 15 heures, la situation devient critique ; les Boches sont précédés de cinq avions volant bas, mitraillant nos lignes, jetant des grenades et fléchettes, et jalonnant notre front au moyen de fusées. Une concentration de feux d’artillerie est exécutée à l’est de la ligne Pierremande – Autreville – ruisseau de Grêve. Plusieurs petits détachements arrivent en renfort. Une cinquantaine de permissionnaires équipés et armés, sous les ordres du lieutenant Chapeaublanc, viennent former une dernière réserve sur la crête à l’ouest de Pierremande. La situation paraît enfin calée, lorsqu’un message téléphoné du commandant Poulet fait connaître que les Allemands ont pris Bichencourt. Un puissant barrage est instantanément concentré sur ce point, interdisant à l’ennemi de déboucher du village. Un ordre du général de division parvenu le 7 vers 1 heure du matin prescrit le repli du 363e RI sur la rive gauche de l’Ailette, qui s’effectue dans de bonnes conditions, vers 7 heures, couvert par le barrage d’artillerie française exécuté avec une précision impeccable.

Pendant ce temps, la compagnie Ortel dont on était sans nouvelles et qui avait été attaquée de flanc et à revers par des forces supérieures, exécute un repli méthodique, couvert sur son flanc par le 14e chasseurs, dont les mitrailleuses ont tiré 60.000 cartouches. Elle est recueillie par le 246e RI (55e DI), avec lequel nous étions toujours en liaison, et va rejoindre à Selens, le 8 avril, le 363e RI qui est retiré de la bataille. Pendant 27 heures, le régiment a soutenu une lutte inégale avec une énergie farouche, infligeant à l’ennemi des pertes considérables, dont nous avons par des récits qui ont été faits des preuves multiples. La plus palpable est l’aisance avec laquelle le régiment s’est décalé. Le bataillon Martin, le meilleur de tous, a été détruit, mais il a péri glorieusement, personne de ceux qui le connaissait n’en doute. Il est à signaler spécialement l’habileté manœuvrière du capitaine Massoni et du capitaine Gineste, la fermeté du commandant Poulet qui a donné ses faibles réserves aux voisins et a tenu avec un cordon de troupes, la splendide attitude du capitaine Ortel et de l’aspirant Nallet. L’artillerie a donné, dans des circonstances difficiles, un appui précieux. Pertes subies pendant la période du 2 au 8 avril : officiers, 21 ; troupe, 1061.

Le 363e RI dans les combats de Champagne (8 avril-16 octobre 1918)

Le régiment fait mouvement et, après plusieurs étapes, arrive aux cantonnements deDampierre-le-Château, Dommartin-sur-Yèvre, Rapsécourt (Champagne). Un détachement du 66e RI vient le renforcer, et le 6e bataillon du 334e RI dissous reforme le bataillon Martin, détruit lors de l’attaque allemande du 6 avril. Le régiment relève, dans la nuit du 24 au 25 avril, le 256e RI dans le soussecteur Crochet, en liaison à droite avec le 163e et à gauche avec le 215e . Le 14 mai nous repoussons un coup de main ennemi, qui utilise des obus à gaz. En général le secteur est calme, l’activité de l’artillerie ennemie presque nulle, la nôtre exécutant souvent des tirs de harcèlement et de réglage. Le 28 mai, l’ennemi effectue un violent et long bombardement par obus à gaz de tous calibres à l’est du PC Wilson ; l’artillerie française riposte énergiquement. Après cette préparation, les Allemands tentent, le 1er juin, un coup de main sur le PA Éperon, et laisse entre nos mains six prisonniers dont deux blessés, ainsi que quatre tués. Le 363e RI s’installe dans le sous-secteur de Courtine, en liaison à droite avec le 215e et à gauche avec le 158e (43e DI). Dès les premiers jours de juillet, des renseignements nous permettent de savoir qu’une attaque ennemie est imminente ; le dispositif est alors

adapté comme suit : Les trois bataillons sont répartis sur la position intermédiaire, à l’exception de fractions peu nombreuses laissées dans les groupes de combat et sur la ligne des réduits (première position), qui ont pour mission de retarder l’ennemi le plus possible, tout en se repliant et en évitant le corps à corps, et de signaler sa présence. Trois postes d’observations sont établis. Dans la nuit du 14 au 15 juillet, à 23 heures, on apprend par téléphone de l’ID (infanterie divisionnaire) que quatre Boches faits prisonniers ont déclaré que l’attaque doit se déclencher le 15 juillet, la préparation à minuit. L’ordre de se replier est aussitôt transmis aux éléments de la première position. En effet, à minuit dix, un violent bombardement ennemi se déclenche, par obus de tous calibres, de Minenwerfer, qui bouleversent nos premières lignes ; une grande quantité d’obus toxiques et lacrymogènes s’abat sur notre position intermédiaire et les emplacements de batterie. À 4h15, le bombardement redouble de violence. Le sergent Bourdier, laissé sur la première position au poste d’observation B, aperçoit l’ennemi qui s’avance en deux vagues précédées par de petits groupes progressant dans les boyaux. Conformément aux ordres reçus, il lance deux fusées à chenille (artifice de signalisation) et, accompagné des soldats Barel et Simoney, réussit à traverser les deux barrages et à regagner sa compagnie. À 9 heures, la position intermédiaire est violemment bombardée, mais ne peut être atteinte par l’ennemi qui se voit arrêté par nos tirs de barrage sur la première position. Il s’installe sur la ligne des réduits, essaye, mais en vain, de pénétrer nos lignes. L’attaque allemande a complètement échoué. Le sergent Bourdier, les soldats Barel et Simoney, tous trois volontaires pour cette délicate mission, restent le seul groupe d’observateurs rescapé, les deux autres ayant été submergés par les vagues allemandes de tête, sans avoir eu le temps d’envoyer leurs fusées. Ces trois militaires « n’ignoraient pas qu’ils allaient à une mort à peu près certaine, car les boches ne les auraient pas eu vivants », comme ils le disaient sans aucune forfanterie. « Ils ont rempli leur mission jusqu’au bout, au milieu d’un effroyable bombardement ; ils ont envoyé leurs fusées à chenille, les seules qui aient été vues, au moment précis où ils devaient les envoyer. Ils se sont repliés en marchant entre le barrage allemand et la première vague d’assaut, c’est-à-dire à 80 mètres au plus de l’ennemi. Ils ont ensuite traversé ce barrage et sont rentrés en se faufilant parmi les obus de tous calibres. » (Extrait du rapport du lieutenant-colonel de Franchessin). Le sergent

Bourdier s’est vu décoré de la Légion d’honneur, les soldats Barel et Simoney de la Médaille militaire, en récompense de leur bravoure. Le 16 juillet, l’ennemi est encore sur nos lignes de réduits qu’il aménage, et semble vouloir conserver cette position. Le 18 juillet, en liaison avec le 215e RI, le 363e reprend le réduit de Beauséjour. La 22e compagnie, après un brillant assaut, s’empare du réduit du Crochet en capturant 28 prisonniers, dont un Feldwebel du 160e IR, et trois mitrailleuses. Le 19 juillet, après une violente préparation d’artillerie, la 19e compagnie s’empare du réduit de la Truie, que l’ennemi a pu évacuer avant l’arrivée de nos troupes d’assaut. Le 20 juillet, la 15e compagnie reprend le réduit Lupia, après une lutte acharnée et une vive résistance de l’ennemi, dont ses deux contre-attaques n’obtiennent aucun résultat. Pertes éprouvées pendant cette période : officiers, 11 ; troupe, 443.

Occupation du secteur de Massiges (26 juillet-24 septembre 1918) Le 363e est relevé du sous-secteur Balcon par le 23e BCP (bataillon grassois), et va occuper le sous-secteur de Massiges, encadré à droite par le 4e cuirassiers et à gauche par le 163e RI. Secteur peu tranquille : nombreux coups de main de part et d’autre et activité des deux artilleries, bombardement de la part de l’ennemi par projectors (lanceurs d’obus chimiques). En prévision de la prochaine attaque, le 363e est relevé le 23 septembre par le 299e RI, une compagnie du 230e RI et le 5e régiment de tirailleurs, et occupe le 25 septembre le secteur Fer de Lance – Signal de la cote 171 – CR de Sapin-Signal. Pertes : 6 officiers, 185 hommes de troupe. Attaque du 26 septembre 1918 Le dispositif d’attaque pour le régiment est le suivant : en tête le bataillon Brisbarre (5e), en arrière le bataillon Moreteaux (6e) ; le bataillon Poulet est mis à la disposition du général commandant la 161e DI. Le 25 à 23 heures, la préparation d’artillerie française commence avec une grande violence ; l’ennemi ne réagit d’abord que faiblement. À 5 heures 25, l’attaque d’infanterie est lancée ; un brouillard très dense, augmenté par la fumée des obus, gêne la marche, mais permet d’arriver sur la rive sud de la Dormoise, de franchir cette rivière bordée de marécages avant que l’ennemi ne se soit rendu compte de notre progression. La marche sur la gauche est plus difficile. Le 369e RIVS et le 163e RI progressent péniblement sur la cote 188 où de nombreuses mitrailleuses sont fortement installées. Le 28 septembre le 363e se porte, à la pointe du jour, à l’assaut de la position ennemie Kunpen Nass, qu’il enlève rapidement. Les jours

suivants il occupe successivement le Mont-Cuvelet, le Château des Rosiers, la Ferme Joyeuse, la voie ferrée de Challerange. Le 6 octobre, le régiment est retiré de la bataille. Pendant onze jours, il a soutenu de durs combats, et contraint l’ennemi à reculer, malgré les défenses accessoires accumulées depuis plusieurs années, les obstacles matériels et accidents du terrain défendus par l’ennemi avec un grand acharnement au moyen de très nombreuses mitrailleuses. Le 363e a réussi à progresser de douze kilomètres, capturant à l’ennemi de nombreux prisonniers, une grande quantité de mitrailleuses et de matériels de toutes sortes, 4 Minenwerfer, 5 canons de 105, 4 canons de 150 et 3 canons de 77. Pertes subies pendant l’attaque de Champagne du 26 septembre au 6 octobre : 11 officiers et 424 hommes de troupe. Le régiment est cité à l’ordre de la IVe armée avec le motif suivant : « Brave régiment ; sous le commandement d’un chef estimé de tous, d’une bravoure et d’une conscience remarquable, le lieutenant-colonel de Franchessin, a, au cours des opérations du 26 septembre au 6 octobre 1918, enlevé dans un élan splendide des positions formidablement organisées par l’ennemi depuis quatre ans, franchi d’un seul bond, sous le feu des mitrailleuses allemandes, un ruisseau à bords marécageux d’une largeur de 5 à 600 mètres, et conquis ensuite pied à pied une zone de terrain d’une profondeur de douze kilomètres. A fait plus de 500 prisonniers, capturé 16 canons de tous calibres, plus de 100 mitrailleuses et un matériel considérable. » Le sous-lieutenant Tamineau est fait chevalier de la Légion d’honneur, les adjudants Thibert et Champion, les sergents Bruno et Viotti, le caporal Lesieur reçurent la Médaille militaire, l’adjudant Horte, le sergent Arago, le caporal Glou, les soldats Vallier et Briault reçoivent la Croix de guerre avec palme ; le caporal Silvestre, les soldats Charles et Andrieu la Croix de guerre avec étoile vermeille. Tous ceux qui connaissent leur héroïque conduite et les services qu’ils ont rendus à la cause commune se réjouissent avec le colonel de ces récompenses si bien méritées.

Marche du régiment vers l’Alsace. Occupation du secteur de l’Hartmannswillerkopf

Le 363e RI quitte la Champagne, arrive en Alsace le 16 octobre 1918, et occupe le secteur de Hartmannswillerkopf, où il séjourne jusqu’au jour de l’armistice. Il perd quatre hommes durant cette période. Le 11 novembre, une grande agitation règne chez l’ennemi qui chante, crie, agite des banderoles blanches en criant « Vive la paix ! » Beaucoup

de prisonniers italiens rentrent dans nos lignes, ainsi que des soldats alsaciens. Le 17 novembre, le régiment fait une entrée triomphale à Soultz (Alsace), vivement acclamé par la population aux cris de « Vive la France ! » et au milieu des maisons pavoisées. Il défile successivement à Ensiheim, Munchhouse, où il cantonne jusqu’au 17 décembre. Il fait mouvement et, après plusieurs étapes, arrive à Strasbourg le 4 janvier, où il est à la disposition du gouverneur militaire.

Le 363e est dissous le 31 mars 1919

Ce jour-là, le drapeau est présenté une dernière fois au régiment rassemblé. Le colonel de Franchessin prononce l’allocution qui suit : « Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats du 363e ! Par ordre du maréchal de France, commandant en chef, le 363e RI sera dissous aujourd’hui. Pour la dernière fois, nous venons de rendre les honneurs à notre drapeau. Ce drapeau que la France nous avait confié au mois d’août 1914, nous le lui rendons auréolé de gloire. Dans les Vosges, sur la Somme, dans l’Aisne, en Champagne, partout où il a combattu, le régiment a moissonné des lauriers. Il a noblement rempli sa tâche. Ces lauriers, nous les avons chèrement payés, hélas ! Trop nombreux sont nos braves camarades tombés au champ d’honneur, sans avoir eu la joie de voir la victoire que leur sacrifice a préparée. Levons nos cœurs vers eux, et saluons bien bas leur mémoire ! Sa carrière glorieuse, le 363e l’a terminée dans une apothéose : ce fut l’offensive victorieuse de septembre 1918, puis la victoire, l’entrée en Alsace reconquise, le séjour à Strasbourg sa capitale. Et maintenant, c’est la démobilisation, la rentrée prochaine dans leurs foyers du plus grand nombre d’entre vous, le bonheur de retrouver leurs familles, de jouir enfin des bienfaits de la paix, qu’ils ont si vaillamment gagnée. Mais si grande que soit la joie de l’heure présente, ce n’est pas sans un serrement de cœur que je me sépare des braves compagnons d’armes à la tête desquels j’ai eu l’honneur d’être placé. À tous, je souhaite le bonheur qu’ils ont si bien mérité ; à tous, je dis du fond du cœur : « les dangers, les épreuves et les joies que nous avons partagés pendant ces années de guerre ont créé entre nous tous les liens d’estime, de confiance réciproque et d’affection que la séparation brutale ne saurait détruire. Quelles que soient les circonstances dans lesquelles le sort nous aura placés, je resterai pour vous l’ami paternel et dévoué que je me suis toujours efforcé d’être. »

Le 4 avril 1919, le drapeau du 363e RI est ramené au dépôt de Nice, sous la conduite du lieutenant Chapeaublanc, et placé dans la salle d’honneur de la caserne Rusca.

Au cours de la Grande Guerre, le régiment de réserve du 163e RI aura perdu, selon l’historique du régiment, 91 officiers, 51 sous-officiers et 532 soldats. Ces chiffres sont certainement à revoir à la hausse, du fait de nombreuses lacunes dans le JMO ici retranscrit.