7 fiches pédagogiques avec ce numéro fiches pédagogiques avec ce numéro
// MÉTIER //
Djihane Lokorai, Algérie: « Ce métier me ressemble »
En Asie du Sud-Est, des professeurs en quête d’avenir
Apprendre à créer des images générées par l’IA
// LANGUE //
La Francophonie institutionnelle en question
Congrès FIPF :
Les utopies ont de l’avenir !
// ÉPOQUE //
Viktor Kyrylov, un Ukrainien sur la scène française
Tanger, entre mer et ciel
// DOSSIER //
PROJETS NUMÉRIQUES ET PRODUCTIONS AUGMENTÉES
// MÉMO //
Orlane : « Chanter, c’est aussi soigner les gens » Marie Richeux : « J’écoute les mots »
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Fiches pédagogiques
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DES FICHES PÉDAGOGIQUES
POUR EXPLOITER LES ARTICLES
TANGER
ENTRE MER ET CIEL
ÉPOQUE
08. Portrait
Viktor Kyrylov, la langue française comme refuge
10. Tendances
C’est qui votre tote bag ?
11. Sport
Le Tour de France Femmes : parti pour durer ?
12. Région
Tanger, entre mer et ciel
14. Idées
Jean-Didier Urbain : « Voyager, c’est exister »
17. Lieu
À voir et à boire : le succès des coffee-shops
18. Exposition
Culture sans fin
LANGUE
18. Entretien
Christine Desouches : « La Francophonie doit sortir de son confort ! »
20. Étonnants francophones
Sara Jabry : « C’est tout naturellement que j’exerce mon métier en français »
21. Mot à mot
Dites-moi professeur
LES REPORTAGES AUDIO RFI
Dossier : « Machina Sapiens », les artistes et l’IA
Sciences : À l'écoute de la biodiversité
Culture : « Sorcières, fantasmes, savoirs, liberté » au musée de Pont-Aven
Expression : Le mot de Sorour Kasmaï, « être »
Région : Tanger, entre mer et ciel
Zapp créatives : Créer un livre numérique à partir d’un conte Innovation, avec le CAVILAM :
- Faire générer des images avec les apprenants.
- Exploiter les images « starter pack ».
22. Politique linguistique
Pays, villes, rues... La valse des toponymes
24. Initiative
En Lorraine, les langues ont leur maison
25. Congrès FIPF
Les utopies ont de l’avenir !
Le français dans le monde sur Internet : www.fdlm.org
MÉTIER
28. Réseaux
Cynthia Eid : « Utopie et réalités »
30. Vie de prof
Djihane Lokorai : « Ce métier me ressemble parce qu’il bouge tout le temps »
32. FLE en France
Le FLE à hauteur d’enfant
34. Focus
Michel Candelier : « J’ouvre aux autres langues et au passage d’une langue à une autre »
36. Formation
En Asie du Sud-Est, des professeurs en quête d’avenir
38. Initiative
IFprofs à votre service : échanger, partager, se former
40. Innovation
Apprendre à créer des images générées par l’IA
42. Savoir-faire
Frello : mettre le numérique au service de l’autonomie linguistique
44. Tribune didactique
L’enseignement du FOS et du français professionnel
46. Ressources
48. Ressources / Didactique
MÉMO
64. À écouter
66. À lire
70. À voir
INTERLUDE
06. Graphe
Feuille
26. Poésie
Maram al-Masri : « Guerre »
50. En scène !
Rien que la vérité !
72. BD
Les Nœils : « Opération FLE »
DOSSIER
OUTILS
74. Mnémo. Babel en folie.
Les aventures de Thibault, épisode 6
75. Jeux
Les vacances surprises de Charlotte
77. Fiche pédagogique RFI
« Machina Sapiens » : les artistes et l’IA
PROJETS NUMÉRIQUES ET PRODUCTIONS AUGMENTÉES
Entretien : Luis Galindo : « L’IA pousse les professeurs à changer de posture » ................. 54
Analyse : Chatbots en classe de langue : réinventer l’apprentissage 56
Formation : L’IA pour repenser l’écriture ............ 58
Boîte à outils : Projets augmentés et agents conversationnels 60
Astuces de classe : Comment vos élèves utilisent-ils l’IA en classe ?. 62
79. Fiche pédagogique « Petit carré »… grand débat
81. Fiche pédagogique Imaginer un autre monde !
édito
L’UTOPIE À L’ŒUVRE
Cy nthia Eid, s’adressant aux participants du Congrès de la FIPF, le dit dans son billet : « À Besançon, j’ai vu l’utopie à l’œuvre. J’ai vu dans vos regards, dans vos pratiques pédagogiques, dans vos engagements, la preuve vivante que l’utopie n’est pas un vain rêve, mais une force agissante. » Et nous aussi, nous avons vu qu’il était possible de bâtir une « utopie réalisable » : des utopies en tous genres interrogées à travers les diversités langagières et linguistiques, les pratiques d’écriture, les littératures et le français langue économique, de travail et de communication ; des prises de parole où l’on a vu surgir nombre d’interrogations : sur la francophonie comme utopie ; sur ce qui pousse, chaque matin du monde, chaque enseignant seul ou en équipe à retrouver le désir et le plaisir d’enseigner, c’est-àdire d’imaginer et de transmettre ; sur les meilleures manières à proposer à un apprenant pour mieux comprendre, produire, progresser et apprendre ; sur les environnements à mettre en place pour que filles et garçons aient les mêmes chances ; sur la diversité des didactiques qui doivent nécessairement accompagner la diversité des situations économiques et sociales… et enfin sur le sort à réserver à « l’invitée d’honneur » du Congrès, l’intelligence artificielle générative : utopie ? dystopie ? Défi sûrement mais pour quels bénéfices ? Des interrogations avec toutes un même objectif : construire un avenir meilleur pour l’enseignement du français dans le monde. n
Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org Commission paritaire : 0422T81661. 62e année
Responsable de la publication Cynthia Eid (FIPF) Édition SEJER – 92, avenue de France – 75013 Paris – Tél. : +33 (0) 1 72 36 30 67 • Directrice de la publication Catherine Lucet Service abonnements COM&COM : TBS GROUP - 235, avenue le Jour se Lève 92100 Boulogne-Billancourt - tél. : +33 (1) 40 94 22 22 Rédaction : Conseiller Jacques Pécheur • Rédacteur en chef NN • Secrétaire général de la rédaction Clément Balta. cbalta@sejer.fr • Rédacteur David Cordina. DCordina-Ext@cle-inter.com • Relations commerciales Marjolaine Begouin. mbegouin@cle-inter.com • Conception graphique - réalisation miz’enpage - www.mizenpage.com (pour les fiches : Clément Balta) Imprimé par Estimprim – 6 ZA de la Craye 25110 Autechaux • Comité de rédaction Michel Boiron, Aurore Jarlang, Franck Desroches, Valérie Lemeunier, Isabelle Gruca, Chantal Parpette, Gérard Ribot. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de Mme Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie : Cynthia Eid (FIPF), Paul de Sinety (DGLFLF), Franck Desroches (Alliance Française), Nivine Khaled (OIF), Marie Buscail (MEAE), Diego Fonseca (Secrétaire général de la FIPF), Évelyne Pâquier (TV5Monde), Nadine Prost (MEN), Doina Spita (FIPF), Lidwien Van Dixhoorn (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).
IDÉES
« VOYAGER, C’EST EXISTER »
Mais au fond, pourquoi voyageons-nous ?
Au-delà des objectifs conscients et affichés – visiter tel ou tel pays, se reposer à la plage, faire une croisière… –, l’anthropologue
Jean-Didier Urbain, auteur de Comment nos voyages parlent de nous ? nous invite à interroger le sens profond du voyage.
PROPOS RECUEILLIS PAR ALICE TILLIER-CHEVALLIER
Vous avez consacré auparavant plusieurs ouvrages au tourisme. Celui-ci porte sur le voyage. Qu’est-ce qui les distingue l’un de l’autre ?
Le terme de tourisme est employé aujourd’hui de façon abusive pour désigner toute forme de voyage d’agrément. Il sert à l’Organisation mondiale du tourisme à produire des statistiques : est touriste celui qui se déplace hors de son lieu de vie habituel et passe au moins une nuitée sur place. Initialement, quand il apparaît au XIXe siècle, le tourisme désigne pourtant des voyages circulaires, une itinérance – comme l’indique bien le mot « tour » sur lequel il est fondé. On le distingue alors de la villégiature – le fait de se transplanter quelque part pour ne plus en bouger, par exemple s’installer dans un camping pour y passer ses vacances. Partir dans sa résidence secondaire, par exemple, n’est ni tourisme ni vil-
légiature, mais c’est une forme de voyage. Les migrations elles aussi sont des voyages. On peut distinguer les migrateurs – touristes, villégiateurs, résidents secondaires – qui migrent et reviennent ; et les migrants qui, eux, partent, pour un aller sans retour.
Mais alors, comment définir le voyage ?
Je le définis par rapport aux autres formes de mobilités. Le voyage est une mobilité intermédiaire, qui se situe entre, d’un côté, les déplacements de tous les jours et, de l’autre, la grande mobilité qu’est la vie elle-même. Paul Morand le dit bien : « le voyage est une petite vie incluse dans la grande », avec un commencement, un déroulement et une fin. Avec une différence néanmoins : on peut r ecommencer un voyage, repartir, récidiver. Il n’y a pas de voyage sans désir de voyage
« Paul Morand le dit bien : “le voyage est une petite vie incluse dans la grande” mais on peut le recommencer, repartir, récidiver »
– et il n’est pas universellement partagé. Néanmoins, l’homme est né animal, il est « animé », lié ontologiquement au mouvement, à la différence du végétal. Ce n’est sans doute pas un hasard si le tourisme est né au XIXe siècle en Angleterre où, dès 1860, la moitié de la population vivait déjà en ville. Le voyage peut être vu comme une réaction à cette concentration urbaine, à cette sédentarisation forcée ; ce qui n’empêche pas de se reconcentrer ailleurs – par exemple sur la plage !
– mais en l’ayant choisi et non subi. Pour citer à nouveau Paul Morand, « habiter, c’est vivre ; voyager, c’est exister ». Or exister vient de ex (« en dehors ») et sistere (« être placé ») : il signifie donc « sor tir de », « s’émanciper », en l’occurrence d’un système qui impose ses règles. Le voyage est intrinsèquement lié à cette extériorité.
Vous évoquez dans votre ouvrage les oiseaux migrateurs… Qu’ont-ils à nous apprendre sur notre rapport au voyage ?
Nous avons tous l’image d’oiseaux migrateurs qui partent vers le sud pendant l’hiver, à la recherche d’un climat plus doux et d’une nourriture plus abondante… Mais la réalité peut être bien différente : cer tains migrent au contraire vers des climats moins cléments, comme ces hirondelles de mer qui vont dans
LANGUE |
ENTRETIEN
De la Francophonie… Un titre explicite pour un essai clair et sans coquetterie où importe la majuscule, car c’est bien l’histoire de cette Francophonie institutionnelle qu’il retrace avant de faire le point sur les défis et les incertitudes auxquels elle est confrontée aujourd’hui. Entretien avec son autrice, Christine Desouches.
PROPOS RECUEILLIS PAR YVAN AMAR
« LA FRANCOPHONIE DOIT SORTIR DE SON CONFORT ! »
Votre livre a paru au début de l’année. À une période qui selon vous représente un moment clé de l’histoire de la Francophonie institutionnelle ? Certainement ! On sait bien qu’on vit dans un monde qui change et nous inquiète. Un peu partout dans le monde la démocratie vacille et les violations des droits humains se multiplient. On peut se demander comment la Francophonie a réagi pour lutter contre ces menaces… La prochaine Conférence ministérielle se profile au Rwanda, en novembre prochain, et nous sommes dans l’écho du Sommet de Villers-Cotterêts qui s’est tenu en octobre dernier. J’ai profondément eu l’intuition que cette réunion pouvait être décisive. Par ailleurs on se rassure un peu vite sur la démographie francophone : elle progresse d’un point de vue purement numérique, mais le français est de plus en plus souvent abandonné en tant que langue officielle. Est-il vraiment plus parlé ? Il sert de langue des affaires, et au mieux de langue de travail dans certaines organisations internationales : c’est insuffisant.
Christine Desouches est directrice adjointe du Centre d’études juridiques et politiques du monde africain, maîtresse de conférences à l’Université de Paris 1, au département sciences politiques, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer. Elle a été conseillère spéciale du Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie Abdou Diouf.
Les initiatives de formation d’enseignants de français perdurent pourtant. On a un programme de mobilité des professeurs de français vers les pays qui souhaitent renforcer l’enseignement de cette langue – le Rwanda ou le Ghana par exemple, ainsi qu’un Institut de formation pour l’éducation et la formation (IFEF). Malgré ça, les résultats sont encore en deçà de ce qu’on pourrait attendre : de plus en plus de jeunes vont étudier dans des langues différentes. Malgré les programmes de mobilité de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), on attend encore la multiplication des visas universitaires et de véritables Erasmus francophones. Mais les choses avancent et audelà du symbole, la réunion de Villers-Cotterêts peut concrétiser les espérances légitimes.
Vous parlez dans votre ouvrage d’un retard numérique francophone. Comment l’expliquez-vous ?
C’est d’abord une question de culture : les innovations technologiques engendrent des pratiques dans les pays où elles naissent – et elles naissent dans le Nord. Il y a aussi le problème des matériels bien moins présents dans le Sud. Et bien sûr des problèmes d’alimentation : l’électricité n’est pas là partout et tout le temps, ce qui compromet un usage serein et continu. À la fin des années 2010, les disparités étaient encore criantes pour ce qui est de la pénétration d’Internet, particulièrement à haut débit : travailleurs et entrepreneurs manquent de formation et les investissements sont notoirement insuffisants, en particulier dans les
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ÉTONNANTS FRANCOPHONES
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5MONDE présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Sara Jabry, journaliste pour la chaîne marocaine 2M.
« C’EST TOUT NATURELLEMENT QUE J’EXERCE MON MÉTIER EN FRANÇAIS »
Née à Meknès le 15 août 1989, j’ai eu une enfance très heureuse, rythmée par ma scolarité et plein d’activités extrascolaires : natation, basket, cours de langue, théâtre… C’était essentiel pour ma mère que je puisse m’épanouir, enrichir mon parcours et développer des passions au-delà des murs de l’école, même si je suis un pur produit de l’école publique marocaine, du primaire aux études supérieures. Après deux baccalauréats scientifiques, j’ai été diplômée de l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC) en 2012, que j’ai enchaîné avec un master en communication des entreprises et plusieurs formations, notamment avec RFI et l’INA à Paris. Parallèlement, j’ai fait mes premiers pas dans le monde professionnel à la radio Medina FM, avant de rejoindre Radio 2M en 2011 pour présenter le journal et couvrir l’actualité culturelle. Dès 2013, j’ai intégré la rédaction télé comme correspondante régionale, poste que j’occupe depuis bientôt treize ans et qui m’a permis de revenir à ma ville natale. Pas un retour en arrière, plutôt à l’essentiel. Aujourd’hui, je raconte les
histoires, les défis et les espoirs de la région qui m’a vu grandir.
Mon rapport au français est profond, presque instinctif. Bien avant d’en apprendre les règles sur les bancs de l’école, il faisait déjà partie de mon quotidien. Je viens d’une famille modeste, mais très ouverte sur le monde, où cette langue avait naturellement sa place. Ma mère, passionnée de littérature française, m’en parlait souvent, et mes cousins, qui habitaient en France et en Belgique, contribuaient chaque été à entretenir un lien vivant avec la francophonie.
À 7 ans, j’ai eu la chance d’intégrer des cours à l’Institut français de Meknès, une vraie parenthèse enchantée où je découvrais la richesse et la beauté de cette langue. J’étais aussi une grande lectrice, et le suis toujours, portée par cette curiosité qui ne m’a jamais quittée. Les chaînes de télévision françaises ont également nourri cette passion. Je me souviens de mes années collège, où je rentrais à midi, impatiente de regarder l’émission « C’est mon choix » avec Évelyne Thomas, ou encore les journaux et émissions d’enquête. Je notais chaque mot inconnu, puis courais le chercher dans le dictionnaire. C’est ainsi que mon rapport à la langue française s’est construit, jour après jour, comme un lien intime et durable. Et c’est tout naturellement que j’exerce mon métier en français. Non pas parce
que c’est la seule langue du journalisme, mais parce que, pour moi, c’est une langue de passion. Le journalisme est un métier exigeant, à la fois énergivore et chronophage, qui demande une implication totale. Il nécessite une présence constante sur le terrain, de nombreux déplacements et des sacrifices. Au quotidien, pour une femme, c’est un jeu d’équilibriste pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Les horaires sont irréguliers, l’actualité ne connaît ni pause ni week-end et les imprévus font partie de la routine. Mais j’ai la chance de pouvoir compter sur mon époux et ma famille, qui me soutiennent sans relâche. Et quand la passion est là, la machine tourne comme par magie… Qu’il soit personnel ou professionnel, mon lien particulier avec la France est perçu comme légitime par mon entourage. C’est peut-être là qu’on voit toute la richesse du lien entre le royaume du Maroc et la République française. C’est une relation ancienne, complexe mais toujours vivante. Cette relation, il faut l’entretenir, l’enrichir, la questionner aussi, parfois. Mais qui existe. En tant que journaliste marocaine qui écrit et parle en français, je me situe à cette intersection. Et je pense que c’est une chance. Car cela me permet de raconter mon pays, sa richesse, son authenticité, sa jeunesse, ses ambitions, avec une voix qui peut être entendue au-delà des frontières. n
Sur le tournage de Destination Maroc.
En reportage.
Du 10 au 17 juillet s’est tenu le Congrès mondial de la FIPF à Besançon, placé sous le thème des « utopies francophones ». 1 200 participants, plus de cent nationalités, 350 interventions sous forme de conférences, ateliers, tables rondes… Retour sur un événement qui a marqué les imaginaires !
PAR CLÉMENT BALTA ET JACQUES PÉCHEUR
LES UTOPIES ONT DE L’AVENIR !
On ne choisit pas Besançon par hasard pour organiser le XVI e Congrès mondial de la Fédération internationale des professeurs de français. Où aller ailleurs que dans la ville du Musée du Temps pour répondre à l’invitation de Cynthia Eid, présidente (réélue) de la FIPF, à « se tourner délibérément et avec lucidité vers l’avenir » ? Une terre bisontine qui, le rappelait la maire lors de la séance d’ouverture, est « une terre d’utopie culturelle, architecturale philosophique et sociale », « une ville libre » qui a imposé naturellement le thème de ce Congrès : « Les utopies francophones en tous genres ». Une ville qui abrite aussi, pour des dizaines de milliers de professeurs du monde entier venus en formation, le Centre de linguistique appliquée (CLA), synonyme d’innovation, de diversité, de solidarité et d’égalité. Des interventions foisonnantes, à en faire perdre la tête si celle des professeurs n’était pas si bien faite en étant si pleine. Pendant cette semaine intense, la difficulté pour les 1 200 cong ressistes venus de 102 pays consistait à faire leur choix dans un programme aussi riche qu’éclectique, dans lequel les utopies ont réellement été « en tous genres » : « utopies francophones en Algérie comme espace d’hybridité
culturelle » ; « la francophonie des Amériques, entre unité et diversité : un projet utopique ? » ; « les utopies littéraires dans le théâtre immersif pour le FLE » ; « surmonter le choc culturel grâce à l’apprentissage du FLE : utopie ou réalité pour les réfugiés ukrainiens ». Avec une invitée vedette, l’intelligence artificielle : « Numérique et utopies éducatives : l’IA peut-elle réinventer l’apprentissage ? », « Uto pie ou dystopie ?
Les bénéfices et les défis de l’IA générative dans la classe de FLE universitaire »…
Vitalité et diversité
Le français dans le monde a aussi eu son atelier, brillamment présenté rubrique par rubrique par Philippe Liria, délégué pédagogique de CLE International. Atelier auquel s’est ajoutée une table ronde animée par Jacques Pécheur autour du
supplément didactique de la revue, Recherches et Applications. Au sein du théâtre Kursaal réaménagé pour l’occasion, les congressistes ont trouvé réunis tous les acteurs du FLE et de la francophonie, institutions, médias et éditeurs, afin d’échanger sur leur métier et les nouvelles opportunités pédagogiques qui s’offrent à eux. Quand ils ne se voyaient pas proposer des visites guidées de la ville, l’idéal pour s’aérer un peu l’esprit surchauffé par tant de sollicitations… Avec toutefois un même objectif : construire un avenir meilleur pour l’enseignement du français dans le monde. En attestent des initiatives comme la
Bibliothèque idéale des professeurs de français, projet mené conjointement par la FIPF et FEI, ou Les 100 métiers du français, répertoire conçu par la FIPF et l’ASDIFLE. Une certitude partagée émerge de cette semaine pas comme les autres : « la diversité et la vitalité du monde francophone » , comme l’a décrit Viviane Youx, présidente de l’AFEF organisatrice de ce Congrès, constitue l’avenir de l’enseignementapprentissage du français. Une francophonie « volontaire, vivante, attractive » pour Paul de Sinety ; « humaine, éducative, inclusive » pour Cynthia Eid. Et aussi militante (cf. Le Livre blanc de la FIPF), des extrêmes, de Terre-Neuve au Pacifique, littéraire, invitation à suivre les écrivains dans leurs ateliers de création avec Yvan Amar, ou vivante pour décrypter l’actualité avec Adrien Delgrange (RFI) : une francophonie en tout cas plurielle et pleine d’avenir. Vous avez dit utopie ? n
Table ronde « Où va le FLE ? ». Un forum de rencontre de tous les professionnels. Des éditeurs heureux ! À la soirée de gala au Musée du Temps.
Fine observatrice et créative intarissable, Djihane Lokorai ne considère l’enseignement qu’à travers le prisme de l’humain. À 36 ans, cette professeure algérienne est foncièrement ancrée dans son temps : à l’écoute de ses étudiants, elle ajuste et réinvente en permanence, pour un enseignement du FLE sur mesure.
PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH NUYTEN
« CE MÉTIER ME RESSEMBLE PARCE QU’IL BOUGE TOUT LE TEMPS »
Je veux être la prof que j’aurais voulu avoir : bienveillante mais exigeante, à l’écoute mais jamais passive. Enseigner, pour moi, ce n’est pas façonner une personne mais puiser dans ses passions pour l’aider à trouver sa propre voie. Mes parents ont divorcé quand j’étais petite : j’ai voulu garder un lien invisible avec ce père que je n’ai plus revu en m’intéressant à son métier. Il était enseignant. Quelques années avant le divorce, j’ai assisté à l’un de ses cours et j’ai pu voir le respect que lui manifestaient ses élèves. Il y avait là quelque chose de fascinant. Cela a été l’un de mes premiers déclics.
Quant à ma mère, qui a aussi été enseignante (de sciences), puis directrice d’école, elle s’est sacrifiée pour subvenir à nos besoins, mais devait souvent s’absenter. Quand je n’étudiais pas, je lisais, regardais des dessins animés, dessinais, jouais à des jeux rétro… J’avais envie de créer mon propre monde. J’ai d’ailleurs un temps pensé à être conceptrice de jeux et de livres pop-up pour enfants. On me reprochait d’être dans ma bulle. Mais c’est ce qui fait que
je suis aujourd’hui capable de comprendre toutes les tranches d’âge !
Une autre expérience a façonné la prof que je suis aujourd’hui : en primaire, j’ai été profondément marquée par un instituteur violent, qui nous frappait. C’est un traumatisme commun à beaucoup d’élèves algériens de cette époque-là. Heureusement, j’ai eu un professeur de français doux et très humain, qui nous encourageait. Il utilisait des méthodes classiques, mais m’a fait aimer cette langue.
Oser faire entendre sa voie
J’étais une élève atypique : je pouvais avoir 7 ou 20 de moyenne selon l’enseignant, l’ambiance de la classe ou le contenu du cours. Mais lorsque quelque chose me passionne, je me donne à fond, et ce depuis toujours. Tout ce qui m’a intrigué, je l’ai étudié : couture, dessin, cuisine, jeux vidéo, chant, piano… Finalement,
l’enseignement s’est imposé naturellement, car il me permet de tout rassembler : mes savoirs, mes passions et mon besoin de transmission.J’ai obtenu un master en Sciences des textes littéraires en 2012 et je n’ai jamais cessé de me former depuis : pédagogie Montessori, intelligences multiples, évaluation DELF/DALF du A1 au C2, alphabétisation, gamification, interprétation des dessins chez l’enfant, petite enfance… J’ai donné mes premiers cours dans une école privée en 2012. Voir ces enfants m’imiter, retenir ce que je leur apprenais, cela m’a littéralement bouleversée. En 2015, à la fac, ma salle était bondée et des étudiants venaient assister à mes cours alors qu’ils n’étaient pas mes élèves. Ces moments-là me permettent de savoir que je vais dans le bon sens et que je suis à ma place. Depuis six ans, j’enseigne le FLE à l’Institut français de Constantine.
« Avec mes apprenants, je n’hésite pas à faire le clown, je construis des ponts, pas des murs, et j’essaie de casser leurs réflexes de comparaison et de compétition –surtout chez les plus jeunes »
Mes apprenants sont surtout algériens, ils sont pleins de bonne volonté mais arrivent avec des lacunes et des habitudes d’apprentissage très classiques, voire rigides. Ils ont été habitués à écouter et à se taire. Même quand je leur parle d’un thème qui les passionne, ils ne prennent pas la parole. Pour les faire sortir du silence, j’ai compris qu’il fallait entrer dans leur monde pour les ramener vers le mien, les amener à partager sans crainte de l’erreur. Pour créer cet espace de sécurité, je n’hésite pas à faire le clown, je construis des ponts, pas des murs, et j’essaie de casser leurs réflexes de comparaison et de compétition –surtout chez les plus jeunes.
Cocréer des supports pédagogiques
Le métier de prof me ressemble parce qu’il bouge tout le temps. J’ai besoin de créer, d’échanger, de partager. Ce qui me fait vraiment vibrer, c’est de voir un apprenant s’épanouir, devenir curieux et prendre confiance en lui. Assez logiquement, ma méthode pédagogique n’est pas figée. J’utilise l’approche actionnelle, sans m’enfermer dedans.
FOCUS
Le passage du fait linguistique au fait plurilingue ne va pas de soi. Aucun espace n’est dédié en propre au plurilinguisme ou même au travail plurilingue. Et si l’école permettait enfin d’enjamber les espaces disciplinaires ?
D’envisager une autre économie de l’apprentissage, sur les plans curriculaire, didactique et cognitif ? Éclairage avec Michel Candelier, coauteur de La didactique intégrée des langues. PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES PÉCHEUR
« J’OUVRE AUX AUTRES LANGUES ET AU PASSAGE D’UNE LANGUE À UNE AUTRE »
Plurilinguisme, approches plurielles des langues mais aussi bilinguisme, intercompréhension des langues, comment situer la didactique intégrée des langues (DIL) ?
La DIL fait partie à la fois de la didactique du plurilinguisme et des approches plurielles. On dénombre actuellement quatre approches plurielles, et malheureusement la DIL n’est pas, du moins dans la didactique du français et dans la didactique en France, l’approche plurielle la plus connue. On connaît souvent mieux les trois autres approches plurielles que sont l’éveil aux langues, l’intercompréhension entre langues
Michel Candelier est professeur émérite de politiques éducatives et didactiques du plurilinguisme de l’Université du Maine –Le Mans. Ses recherches se focalisent aujourd’hui sur la didactique intégrée des langues.
parentes – ici, entre langues romanes – et l’interculturel. Or, la DIL est l’approche qui est faite pour l’enseignement d’une langue, quelle qu’elle soit, étrangère ou non, et donc elle concerne au premier chef les enseignants d’une langue comme ceux qui forment le public de la revue.
Quelle est la spécificité du DIL ?
Parmi toutes ces approches plurielles, elle se donne pour outil un appui pour faciliter l’apprentissage d’une langue particulière, un appui d’une part sur le répertoire linguistique existant et en construction des apprenants, et d’autre part sur les stratégies d’apprentissage ou de traitement des langues qui ont déjà pu être utilisées pour d’autres langues, en particulier à l’école. Par exemple, dans l’enseignement du FLE on peut s’appuyer sur des stratégies de compréhension qui ont déjà été utilisées et réfléchies dans la langue
de l’école. La raison essentielle qui nous a poussés Giuseppe Mano et moi à écrire cet ouvrage, c’est le constat que nous avons fait d’un développement de la DIL inégal selon les pays et les didactiques : les pays germanophones et l’enseignement de l’allemand sont plus riches en DIL que ce qui se passe en France et dans l’enseignement du français où l’on a tendance à privilégier l’éveil aux langues.
Quels sont les principaux défis institutionnels, de représentation, et aussi didactiques que la DIL doit relever pour se développer voire s’imposer ?
Commençons par la question des « interférences ». Elles sont « naturelles », et la seule question qui se pose est : comment peut-on en minimiser les effets ? Est-ce en taisant les différences ou en en traitant avec la DIL ? Bien des recherches ont montré qu’on surestime leur rôle dans la production des erreurs commises par les élèves. Et elles sont la face
négative d’un phénomène plus large et plus favorable à l’apprentissage d’une autre langue, le transfert : on voit bien que beaucoup de choses ne sont pas à apprendre quand on aborde une autre langue, comme des opérations abstraites du langage comme la détermination ou la prédication. Autre exemple connu : lorsqu’on a déjà appris une langue à déclinaison, nul besoin de réapprendre ce principe pour une autre langue à déclinaison. Une autre idée qui freine le développement de la DIL, c’est le présupposé selon lequel on doit connaître beaucoup de langues pour pouvoir la pratiquer. Ça se pose évidemment pour les langues apprises à l’école mais aussi pour les langues d’origine, qui sont des éléments essentiels du répertoire des élèves.
Quelles solutions mettre alors en œuvre ?
Les défis sont nombreux, mais il ne faut pas avoir une attitude attentiste. Outre le recours aux documentations existantes se profile le recours à l’IA – pour
Né en 2015, à l’initiative de l’Institut français, IFprofs.com a évolué pour mieux répondre aux besoins de la communauté enseignante. Petite visite guidée de cette plateforme collaborative destinée aux professionnels du FLE, désormais conçue en trois parties : ressources, formations et communauté.
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Pour Bora Balde, ensei gnant volontaire francophone de l’Organisation internationale de la Francophonie au Rwanda, IFprofs fait désormais partie intégrante de sa pratique professionnelle : « Je me connecte au moins une fois par semaine pour voir mon fil d’infos, et également à chaque fois que je reçois la newsletter. Je publie des ressources, je partage des contenus et je sensibilise les collègues et mes abonnés sur les réseaux sociaux. J’ai l’intention de publier plus souvent
et je vais aussi continuer à suivre de nouvelles formations. »
Bora Balde est l’un des 28 000 utilisateurs réguliers d’IFprofs. Comme beaucoup d’autres enseignants, encadrants, coordinateurs pédagogiques ou étudiants inscrits sur la plateforme, il apprécie les nouvelles fonctionnalités mises en place à l’automne 2024 pour cet IFprofs nouvelle manière. « La plateforme reste le réseau social professionnel spécialisé dans le FLE conçu en 2015, mais elle ne l’est plus de façon exclusive, explique Julie Fournier, chargée de projet Appui
aux communautés enseignantes au sein du Pôle Langue française et plurilinguisme à l’Institut français à Paris. Elle propose également des ressources pédagogiques labellisées et des modules d’autoformation. » À l’origine de cette refonte, la volonté de faire évoluer IFprofs en miroir des changements du monde. Un monde post-Covid où « ceux qui étaient encore éloignés du numérique ont été obligés de s’y mettre, ajoute la chargée de projet. Se tourner vers Internet pour rechercher des formations et des ressources est devenu un
réflexe pour tous. » Appuyée sur une vaste enquête menée dans 95 pays pour recueillir les besoins, l’idée a alors émergé d’ajouter deux nouvelles rubriques : d’abord celle des Ressources pédagogiques, ensuite celle des Formations.
Des ressources labellisées… La rubrique Ressources pédagogiques compte à ce jour plus de 1 250 ressources, classées en huit grandes entrées (Ressources de l’Institut français, FLE – Culture et société, FLE – Communication, grammaire, vocabulaire et phonétique, mais aussi Français sur objectifs universitaires, Français professionnel, Enseignement bilingue, Alphabétisation, Certifications) et regroupées pour certaines en « bouquets de ressources ». Un moteur de recherche spécifique et différents niveaux de filtres pour trier par niveaux, catégories, publics et compétences permettent de cibler sa recherche au sein de cette banque de propositions pédagogiques produites par l’Institut français, ses nombreux partenaires et également, les membres d’IFprofs.
« Tout contributeur qui publie dans la partie Communauté à destination de son réseau pays peut demander la labellisation, explique Julie Fournier. Sa fiche sera alors accessible dans la rubrique Ressources et visible dans le monde entier. » Une simple case à cocher côté utilisateur, un processus de validation par le comité éditorial de l’Institut français de l’autre. L’idée est que la labellisation soit un véritable gage de qualité.
« Nous sommes assez sélectifs, concède Julie. La ressource proposée doit être de qualité, son caractère clé en mains et non composée de seulement quelques pistes de travail, puisque l’objectif est de faire gagner du temps aux enseignants. Il arrive que nous demandions de retravailler le texte de présentation, ou de décontextualiser pour que l’activité
PAR ALICE TILLIER-CHEVALLIER
Dans le numéro 459 vous avez découvert – et peut-être appliqué – des conseils pour mieux communiquer avec un agent conversationnel. Et si on se lançait maintenant dans la génération d’images avec l’IAG (intelligence artificielle générative) ?
PAR ALIZÉE GIORGETTA ET HÉLÈNE ÉMILE, CAVILAM-ALLIANCE FRANÇAISE
APPRENDRE À CRÉER DES IMAGES GÉNÉRÉES PAR L’IA
Le CAVILAM – Alliance Française accueille étudiants et enseignants du monde entier : les premiers pour apprendre le français, les seconds pour enrichir leurs pratiques pédagogiques. Cette mission s’inscrit dans une dynamique plus large de réflexion et de production de ressources partagées avec la communauté des professeurs de français.
La génération d’images avec l’intelligence artificielle générative (IAG) suscite des réactions variées : de la crainte (liée à la diffusion massive d’images trafiquées, comme les deepfakes), à la fascination (pouvoir créer des visuels inédits et ultra-personnalisés), en passant par la frustration (quand le résultat n’est pas à la hauteur). Sans oublier la question du coût écologique de ces créations.
Conseils pour générer une image fidèle à vos attentes avec une IAG
Conseil n° 1 Oubliez les conversations ! Aïe, ça commence mal : contrairement aux agents conversationnels comme ChatGPT, les IA qui génèrent de l’image ne donnent pas la possibilité d’interagir et donc d’ajuster l’instruction initiale. Il faut donc préciser un maximum d’éléments dès le premier jet et vérifier, dès le départ, s’il existe une limitation du nombre de caractères pour la taille du prompt (la Commission d’enrichissement de la langue française recommande d’utiliser le terme « instruction générative »), fréquente sur les versions gratuites. Une astuce ? Rédigez un prompt très précis et bavard, puis passez par un agent conversationnel pour lui demander de reformuler votre requête. Indiquez-lui le nombre de caractères imposés par l’IAG que vous utilisez.
Conseil n° 2 Soyez précis pour éviter les surprises
Eh oui, toutes les informations que vous n’indiquez pas clairement sont… inventées par l’IAG ! Un prompt flou donne des résultats imprécis. Imaginons : vous souhaitez vous servir de l’IAG pour illustrer un extrait littéraire dans lequel René Barjavel décrit une tempête dans un paysage polaire presque surnaturel. Et malgré des recherches sur Internet, aucune photo ou tableau ne convient. Utiliser le prompt « un orage sous la neige » ne suffirait pas : il faudrait donner bien plus de détails - parler du nuage qui devient vert et qui tournoie, des illuminations pourpres et mauves, ou encore des éclairs qui partent du nuage et frappent le sol enneigé.
Conseil n° 3 Prenez garde à la forme
Quand on fait une description, être le plus précis possible semble évident. Mais quand on veut générer une image avec l‘IA, il faut aussi penser à la forme. Voici quelques critères à ne pas négliger : le style graphique (photoréaliste, crayonné, à la manière de Manet…) ; le cadrage (gros plan, plan large, plan d’ensemble…) ; la lumière (douce, naturelle, en contre-jour…) ; le format (portrait, paysage, carré, 16:9…) ; la colorimétrie (pastel, tons chauds, noir et blanc…).
Conseil n° 4 Ne négligez pas le negative prompt Pas besoin d’être bilingue en anglais pour comprendre que le negative prompt désigne les éléments que l’on ne veut pas voir apparaître dans l’image finale. Certaines IAG disposent d’un encart prévu à cet effet. Pour les autres, introduisez votre negative prompt dans le même champ que le prompt principal, à l’aide de formulations comme « sans », « ne pas inclure » ou encore « pas de ». Vous pouvez ainsi exclure des éléments textuels ou chiffrés, des personnes, des véhicules, des animaux ou encore des objets technologiques récents.
Pensée dès l’origine pour répondre aux besoins des publics migrants, la plateforme Frello s’est imposée en quelques années comme un outil agile et modulaire au service des organismes de formation et de leurs équipes de formateurs. Son fondateur, Louis Rapilly, et sa directrice du pôle pédagogique, Morgane Pellé, reviennent sur une aventure qui conjugue innovation, engagement social et hybridation pédagogique.
METTRE LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DE L’AUTONOMIE LINGUISTIQUE
Comme tout entrepreneur, on veut avoir la flamme quand on se lance dans la création d’un produit. Pour nous, c’était l’envie d’associer pédagogie et technologie », résume Louis Rapilly, le fondateur de Frello. Cette plateforme n’est pas née d’une opportunité de marché, mais d’un besoin identifié sur le terrain en 2017, à un moment où la situation d’accueil des migrants et réfugiés devenait particulièrement urgente d’un point de vue linguistique. L’objectif : concevoir une solution qui articule exigence pédagogique, technologie utile et engagement humain.
L’idée prend d’abord forme dans un projet de fin d’études. En rencontrant des formateurs, des associations et des opérateurs publics, l’équipe fondatrice prend
conscience du manque d’une offre numérique réellement pensée pour des migrants adultes en situation d’urgence linguistique – migrants, réfugiés, avec, notamment parmi ces personnes, des apprenants peu ou pas scolarisées.
Répondre à l’urgence linguistique
Avant de cibler un public FLE généraliste, Frello choisit délibérément d’entrer par la porte complexe des
publics migrants. « On nous a déconseillé ce positionnement. Trop complexe, peu rentable d’apparence. Mais ce défi nous a motivés et correspond à nos valeurs, explique Louis Rapilly. Si on arrive à répondre aux besoins de ces publics, alors notre solution pourra s’adapter à tous les autres. » L’idée est simple, mais exigeante : créer des parcours adaptés à des personnes en urgence d’intégration professionnelle et parmi elles, certaines peu alphabétisées,
« Créer des parcours adaptés à des personnes en urgence d’intégration professionnelle et parmi elles, certaines peu alphabétisées, voire non scolarisées dans leur langue maternelle »
voire non scolarisées dans leur langue maternelle. C’est ainsi qu’est pensée une offre capable de prendre en compte une grande diversité de profils, de rythmes et de situations d’apprentissage.
Depuis 2017, Frello se développe dans le secteur de l’accueil des publics migrants et de la formation professionnelle. Ses principaux clients sont des organismes de formation qui accompagnent migrants, réfugiés, demandeurs d’emploi ou des personnes en insertion, souvent en lien avec des partenaires publics comme France Travail, l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) ou les régions.
La plateforme propose des parcours d’alphabétisation (Alpha), de français langue d’insertion (FLI) – un parcours qui sert de passerelle entre l’alpha et les premiers niveaux du A1, FLE – ainsi que des parcours FLE généralistes ou à visée professionnelle (FOS), de préparation aux certifications et des parcours de FLM (français langue maternelle) avec remédiation orthographique et lutte contre l’illettrisme.
« Pour les parcours Alpha et FLI, on met en place beaucoup de répétitions, sous des formes variées, afin d’ancrer les acquis, avec un rythme plus lent et une attention particulière à l’accompagnement » , explique Morgane Pellé, en charge du pôle pédagogique. Cette spécialisation et cette capacité d’adaptation ont permis à Frello d’asseoir sa légitimité. « Nous avons aujourd’hui plus de 1 500 heures de contenus. Chaque année, nous en produisons entre 300 et 400 supplémentaires. Mais notre priorité n’est pas la quantité. Ce qui compte, c’est que nos partenaires puissent s’approprier les ressources, et les adapter à leurs parcours. »
Ancré dans le dispositif hybride
La valeur ajoutée pédagogique de Frello repose sur deux piliers : la modularité et l’hybridation. Chaque organisme peut combiner différents modules pour construire ses propres parcours. Un tronc commun FLE
PROJETS NUMÉRIQUES ET PRODUCTIONS AUGMENT ES
Plutôt que de demander aux élèves de fournir des réponses, il faut leur apprendre à poser les bonnes questions. » L’entretien avec Luis Galindo ouvre ce dossier en posant le cadre : à l’heure où 80 % des élèves utilisent déjà l’IA, l’école ne peut plus éluder la question. L’intelligence artificielle générative impose un changement de posture, pour les enseignants comme pour les institutions. Loin d’être des gadgets, ces agents conversationnels ou chatbots deviennent un révélateur de nos routines didactiques et de nos pratiques d’évaluation. Des gages de productions augmentées qui nous obligent à nous recentrer sur l’essentiel : l’accompagnement, la collaboration et l’esprit critique.
Sophie Othman prolonge cette réflexion en analysant les apports et les limites des agents conversationnels. Leur intégration dans les parcours d’apprentissage peut soutenir la motivation, la confiance et l’autonomie, à condition d’être encadrée avec rigueur. Loin de remplacer l’enseignant, le chatbot peut devenir un « compagnon d’apprentissage », capable de renforcer la compétence pragmatique des apprenants et de proposer des interactions contextualisées. Encore faut-il que les enseignants soient formés à cette littératie en IA, qui combine compréhension technique, vigilance critique et éthique des usages.
David Cordina interroge, lui, la place de l’IA dans les productions écrites des apprenants. Plutôt que d’y voir une menace ou une tricherie, il propose de l'intégrer dans des
projets hybrides, multimodaux, en valorisant les étapes du processus : formulations des prompts, commentaires, ajustements, réécritures, ajouts visuels. Cette pédagogie de la production augmentée permet aux élèves de mieux comprendre ce qu’ils écrivent, pourquoi et comment. Elle invite à repenser les consignes et critères d’évaluation et d’explorer de nouveaux formats d’écriture. Enfin, la « boîte à outils » propose un panorama de projets pédagogiques déjà en cours. Des productions orales ou écrites enrichies par l’IA aux agents conversationnels, les pistes sont nombreuses. Toutes visent à faire de l’intelligence artificielle un levier pédagogique au service de productions réflexives, collaboratives et résolument ancrées dans les pratiques numériques contemporaines. n
« L’IA POUSSE LES PROFESSEURS À CHANGER DE POSTURE »
Directeur du Laboratoire de l’innovation et des ressources en éducation de France Éducation international et chercheur au laboratoire TECHNÉ (Technologies numériques pour l’éducation) à l’université de Poitiers, Luis Galindo travaille sur les questions mêlant numérique, conception d’expériences de formation et analyse de données. L’intelligence artificielle en éducation est un de ses sujets de prédilection.
PROPOS
RECUEILLIS PAR SARAH
NUYTEN
Quels autres défis majeurs voyez-vous se dessiner ?
En tant que formateur, ingénieur pédagogique ou professeur, sur quoi doit-on se concentrer aujourd’hui pour développer des projets qui intègrent l’IA ?
Je pense que pour n’importe quel projet intégrant l’IA, la première clé est de réussir à développer l’esprit critique des élèves. À partir d’une réponse de la machine, comment l’analyser, la questionner, la critiquer. C’est loin d’être simple. En février, la ministre de l’Éducation nationale avançait ce chiffre : 80 % des élèves utilisent ChatGPT. Il faut donc apprendre à l’intégrer dans les pratiques pédagogiques et aborder ce sujet en classe. Il y a déjà des exemples intéressants dont il est possible de s’inspirer : à Lille,
Les travaux de recherche de Luis Galindo portent sur l'artefact et les environnements d'apprentissage en utilisant les sciences de l'information et de la communication, la conception d'expériences humaines collaboratives et l'analyse de systèmes complexes dans différents projets éducatifs. https://techne.labo.univ-poitiers.fr/membres/luis-galindo
l’enseignant-chercheur en Biologie cellulaire et moléculaire JeanCharles Cailliez pratique « la classe renversée ». Ce sont les étudiants qui produisent le cours en classe, puis le présentent et l’expliquent au professeur, qui leur demande d’utiliser l’IA générative. Celle-ci est donc mobilisée comme un outil et non comme un substitut, obligeant les étudiants à développer leur esprit critique. Un autre axe majeur à renforcer est la collaboration entre humains et systèmes d’IA, que ce soit pour développer des activités pédagogiques, côté enseignants, ou pour les résoudre, côté apprenants. Ces outils ne remplaceront pas l’enseignant, mais ils peuvent devenir des assistants efficaces, pour enrichir et repenser les pratiques. La question centrale est donc : comment mieux collaborer avec l’IA pour concevoir des activités qui ont du sens pour les apprenants ? La difficulté pour les enseignants est de se former à la mise en place d’activités pédagogiques de ce type.
La question de l’évaluation est aujourd’hui un autre grand casse-tête. Interdire l’IA est inefficace et les détecteurs actuels sont facilement contournables. Il faut donc passer de l’interdiction à l’encadrement. C’est d’ailleurs ce qu’a fait le ministère de l’Éducation nationale en publiant, le 14 juin dernier, le cadre d’usage de l’intelligence artificielle en éducation, développé avec des enseignants spécialistes du sujet. Le moment est venu de remodeler les pratiques d’évaluation et développer de nouvelles compétences pour évaluer les élèves. À mon sens, c’est une bonne nouvelle : ce sujet aurait déjà dû évoluer depuis longtemps, mais rien ne bougeait. L’IA force cette évolution.
L’IA n’est-elle pas susceptible justement d’améliorer certaines évaluations ? Oui. Par exemple, pour l’évaluation du TCF (Test de connaissance du français), une IA adaptative pourrait assister les correcteurs et renforcer la qualité des corrections. Concernant les évaluations en classe, une partie de la solution réside dans les pédagogies actives : quand un élève résout un problème ou mène un projet, l’IA devient un outil d’accompagnement. Les pédagogies actives constituent un levier majeur, qui va permettre de développer l’évaluation par compétences et même de comprendre comment mobiliser ensuite ces compétences. Ces dernières peuvent bien sûr intégrer des connaissances, mais qui ne
seront pas récitées par cœur puis oubliées : le fait de les mobiliser de façon active va les ancrer dans le cerveau. Cela suppose encore une fois que les enseignants soient formés à ces approches, encore trop peu répandues. L’IA pousse ainsi les professeurs à changer de posture. Plutôt que de demander aux étudiants de fournir des réponses, il faut leur apprendre à poser et à formuler les bonnes questions ! Le rôle de l’enseignant est plus que jamais de guider, de susciter la réflexion et d’observer les usages réels pour mieux s’y adapter.
Quels sont les principaux écueils à anticiper lorsqu’on encourage les apprenants à utiliser l’IA ?
Les étudiants utilisent déjà ces outils, mais sans réflexion, sans questionnement, se contentant de changer deux ou trois détails : cela leur paraît presque magique. L’impact de cette manière de fonctionner sur la mémorisation, la paresse intellectuelle et les
CHATBOTS EN CLASSE DE RÉINVENTERLANGUE : L’APPRENTISSAGE
L’intelligence artificielle bouleverse l’enseignement des langues en profondeur. De nouveaux outils, en particulier les agents conversationnels comme ChatGPT, bousculent les pratiques traditionnelles et soulèvent des questions pédagogiques, éthiques et professionnelles.
Entre inquiétudes sur la déshumanisation de l’apprentissage et espoirs autour d’une éducation plus personnalisée, l’IA s’impose comme un partenaire avec lequel enseignants et apprenants doivent apprendre à composer. Cet article examine ses impacts dans trois domaines clés : les pratiques pédagogiques, la formation des enseignants et l’accompagnement à l’apprentissage des langues.
Agents conversationnels : un nouvel acteur
PAR SOPHIE OTHMAN
L’intégration des chatbots dans l’enseignement des langues représente un tournant majeur. Ces outils permettent des interactions simulées avec des interlocuteurs artificiels capables de comprendre et de produire du langage naturel. Cette évolution s’inscrit dans la lignée des théories socioconstructivistes : l’interaction, même artificielle, reste un moteur d’apprentissage puissant. Les chatbots facilitent la production langagière, offrent des feedbacks immédiats sans jugement et encouragent l’autonomie. Leur intégration dans des scénarios pédagogiques permet de renforcer la compétence pragmatique des apprenants. Négociation de sens, simplification du langage, ajustement des productions : les conditions d’un apprentissage actif sont réunies.
Les premiers pas de l’IA conversationnelle remontent aux années
1960 avec ELIZA. Depuis, les progrès du traitement du langage naturel ont permis l’émergence de modèles puissants comme GPT, BERT ou Claude, capables de maintenir un dialogue fluide dans plusieurs langues.
Ces modèles génératifs s’affranchissent des scénarios rigides et s’adaptent en temps réel au niveau de l’utilisateur. Dans un cadre éducatif, ils deviennent des compagnons d’apprentissage capables de simuler des situations réalistes, de répondre aux erreurs et de susciter un engagement actif. Cette évolution marque le passage de la simple simulation à une forme de compagnonnage cognitif.
Apports pédagogiques : un levier pour la différenciation et l’autonomie
L’un des atouts majeurs des agents conversationnels réside dans leur capacité à soutenir une pédagogie différenciée. En s’adaptant au niveau de l’apprenant et en proposant un rythme personnalisé, ils encouragent l’apprentissage autonome et soutenu.
Un apprentissage flexible, accessible et personnalisé. Grâce à l’IA et au traitement du langage naturel, ces outils analysent les performances des utilisateurs en temps réel et ajustent le contenu en fonction des besoins identifiés.
Des plateformes comme Duolingo, Mango Languages ou Babbel exploitent déjà ces possibilités pour
proposer des parcours sur mesure. Une rétroaction immédiate : Les chatbots fournissent également une rétroaction immédiate, corrigent la grammaire ou la prononciation, et aident à transformer les connaissances théoriques en compétences pratiques, dans un environnement sans jugement.
Une disponibilité 24 heures/24 : elle permet une pratique régulière, à son rythme, réduisant l’anxiété et renforçant la confiance. Ce cadre non jugeant facilite l’expérimentation linguistique, essentielle pour progresser, notamment à l’écrit. Ils permettent aussi de créer un environnement rassurant, où l’erreur n’est pas stigmatisée. L’apprenant peut s’exercer librement, revenir sur ses productions, explorer des variantes. Cette flexibilité favorise la confiance en soi, la motivation, et la persévérance dans l’apprentissage.
Le rôle clé de l’enseignant à l’ère de l’IA
L’essor des chatbots ne réduit pas le rôle des enseignants : il le redéfinit. Loin d’être remplacés, ceux-ci deviennent les architectes d’un apprentissage augmenté, capables d’intégrer ces outils avec discernement, créativité et éthique.
TYPOLOGIE DES CHATBOTS ÉDUCATIFS POUR LES LANGUES
• Généralistes (ChatGPT, Poe, Pi) : polyvalents mais pas conçus pour l’enseignement des langues.
• Spécialisés (CallAnnie, Gliglish, LangAI) : ciblés, mais limités en langues ou fonctionnalités.
• Intégrés (Duolingo Max) : intégrés dans des plateformes, mais parfois rigides.
• Conçus par des enseignants (Mizou) : contextualisés mais exigeants en conception.
• Personnalisés (character.ai) : souples, mais potentiellement peu fiables. n
Sophie Othman est maîtresse de conférences au Centre de linguistique appliquée (CLA) – Université Marie et Louis Pasteur, à Besançon.
L’IA POUR REPENSER L’ÉCRITURE
On parle beaucoup de l’intelligence artificielle générative comme d’un outil pour les enseignants, capable de produire des textes adaptés, des exercices ciblés, des supports d’entraînement… On en parle moins du côté des apprenants, et encore plus rarement dans une perspective pédagogique qui les associe directement à l’usage de l’IA pour créer, rédiger, parler ou interagir.
PAR DAVID CORDINA
La production écrite apprenante reste souvent perçue comme un espace protégé, voire à défendre contre l’intrusion de la machine. C’est compréhensible car la tentation est forte d’y voir d’abord une menace : celle de la triche, du plagiat, de l’injustice entre les élèves qui « jouent le jeu » et ceux qui délèguent à la machine. Nombre de professeurs repèrent très vite les textes suspects, trop parfaits pour le niveau du CECR étudié. Les productions écrites générées par IA envahissent les copies, discrètement mais sûrement. L’enseignant soupçonne, devine, parfois sanctionne. Mais peut-on continuer à faire comme si l’IA n’existait pas ? N’est-il pas temps, au contraire, d’intégrer cette nouvelle réalité dans la manière de concevoir et d’enrichir la production en classe de langue ?
IA par les apprenants : reconsidérer les instructions des tâches
Les usages des apprenants sont là, déjà installés. Ne pas les reconnaître, c’est probablement se condamner à une forme d’aveuglement pédagogique. Sans vouloir céder à la fascination technologique, ni reléguer l’effort et la créativité humaine au second plan, il s’agit de penser autrement les tâches finales, les projets, les activités de production. Cela suppose une remise en question,
y compris des formes d’évaluation les plus traditionnelles, comme l’exposé, le devoir écrit ou la recherche documentaire. En d’autres termes, il faut créer des scénarii où l’IA a sa place, mais une place encadrée, critique, visible de la part de l’enseignant et de l’apprenant. Des scénarii où l’apprenant peut apprendre à apprendre et interagir avec un outil puissant sans lui céder toute l’initiative. L’objectif n’est pas d’interdire, ni de tout autoriser, mais de proposer des usages transparents, et espérons-le, pédagogiquement féconds.
premiers résultats sous différentes formes multimodales, les analyse, et s’en sert comme outil – et non comme substitut.
Prenons un exemple simple : selon la thématique du cours et la tâche demandée, l’enseignant peut tout à fait demander à un apprenant de formuler une requête, un prompt, à l’IA générative puis de lire la réponse générée, de l’analyser, de la
Ce va-et-vient entre l’humain et la machine permet de mieux comprendre les mécanismes de génération automatique et d’enrichir sa compétence linguistique
Dans son ouvrage J’enseigne avec l’IA (Vuibert, 2024), l’enseignant d’histoire-géographie, Mickaël Bertrand, préconise de proposer des tâches engageantes qui sollicitent l’esprit critique, la créativité et la collaboration. L’IA devient ainsi pour le professeur un levier pour repenser sa pédagogie, et surtout ses modalités d’évaluation. L’enseignant n’a pas à noter un résultat, mais à observer un processus : la manière avec laquelle l’apprenant dialogue, utilise ou détourne l’IA dans la rédaction de prompts et de leurs ajustements, la façon dont il questionne les
commenter. Cette première étape constitue déjà une entrée dans l’apprentissage : elle engage la formulation, la lecture critique, la reformulation, le repérage des formes textuelles demandées et évidemment l’argumentation. Ensuite, à la suite de ses observations, l’apprenant réécrit le prompt, en expliquant les changements apportés, et compare les versions obtenues. Ce va-et-vient entre l’humain et la machine permet de mieux comprendre les mécanismes de génération automatique, les limites des modèles, mais aussi d’enrichir sa propre compétence linguistique.
PROJETS AUGMENTÉS ET AGENTS CONVERSATIONNELS
DES PROJETS AUGMENTÉS PAR L’IA...
Plusieurs enseignants formateurs se sont déjà lancés dans la création de projets associant créativité des apprenants et usages de l’IA. Adrien Payet pour la version numérique de la revue a créé à l’automne 2024 une série intitulée « Zapp créatives ». Pensées pour favoriser l’expression, la collaboration et la mise en scène, elle permet aux enseignants d’intégrer les outils d’intelligence artificielle et la création numérique de façon concrète, accessible et motivante, même sans expertise technique. À retrouver sur l’espace Abonné de la revue www.fdlm.org
Se concentrer sur l’activité de l’apprenant Avec « Zapp créatives », quand je conçois un scénario pédagogique avec l’IA, je commence toujours par me concentrer sur l’activité de l’apprenant. Il doit rester au cœur du processus. Si mes élèves créent une chanson, ils en écrivent d’abord les paroles : c’est un travail d’écriture, de rimes, d’invention. L’IA intervient après, pour mettre en musique : elle doit valoriser un travail déjà mené et non pas venir seulement au début ou à la fin. Je veille aussi à ce que les outils choisis soient adaptés à leurs goûts : dans le cas d’une chanson, les styles proposés doivent correspondre à leurs préférences musicales. L'essentiel, c’est que le résultat leur plaise, qu’ils en soient fiers. L’effet « waouh » de l’IA est utile à condition de s’appuyer sur une vraie production personnelle. Trop souvent, les apprenants écrivent juste pour le prof. Je cherche donc des projets où leur production sert à quelque chose : publication sur un blog, un forum, les réseaux sociaux… Le résultat devient un objet concret, visible, valorisé. Par exemple, avec la BD, certains étaient bloqués par leur niveau en dessin. Grâce à des outils qui génèrent des visuels à partir de leurs photos, ils se sentent représentés et fiers du résultat. L’effet « waouh » devient alors moteur : il donne envie de montrer son travail, de s’impliquer davantage. Être dans une dynamique d’exploration constante En tant qu’enseignant, je me sens comme une « antenne » : dès que je vois une affiche, une appli, une musique, j’y vois une opportunité pédagogique. J’aime être dans cette dynamique d’exploration constante. Ensuite, je sélectionne les bons outils : gratuits, simples à utiliser et compatibles. Par exemple, certains outils limitent le nombre de production. Je répartis alors les tâches entre groupes pour que chaque élève produise une petite partie. Il faut penser l’organisation en amont, respecter les contraintes techniques, et surtout s’assurer que les élèves restent auteurs de leurs créations. Je parle de cocréation avec l’IA : même si le rendu final passe par un outil, les idées, les textes, les consignes sont les leurs. Il faut également penser à la durée du projet, au partage des rôles et à la progression. On part d’une mise en route thématique, on explore des modèles, on travaille la langue, puis on produit. C’est seulement après ce parcours que l’IA intervient pour transformer le texte en vidéo, chanson, BD… Dernier point : où va le produit final ? Sera-t-il diffusé, partagé, présenté ? Il doit dépasser le cadre scolaire pour devenir un vrai projet.
Partir d’un projet que vous faisiez déjà sans IA Mon dernier conseil pour les profs : choisissez un thème qui vous plaît, à vous comme à vos élèves. On investit du temps, alors autant s’enthousiasmer. Je recommande de partir d’un projet que vous faisiez déjà sans IA, et de voir comment celle-ci peut l’augmenter. Une simulation, un recueil, une BD, un livre numérique… C’est ainsi que j’intègre l’IA : comme un levier de créativité, non un but en soi. n
TROIS CONSEILS D’ADRIEN PAYET
OUTIL : CRÉER UNE CHANSON
Après avoir questionné leurs genres musicaux et goûts personnels, les apprenants sont invités à écrire des paroles en suivant un modèle et en s’inspirant de deux thèmes choisis. Ensuite, c’est avec l’application Suno qu’un résultat musical peut être généré. Ils pourront au choix écouter leur texte mis en mélodie ou apporter des modifications à la version générée.
OUTIL :
CRÉER
UNE BD
Dans ce projet, les apprenants créent une bande dessinée humoristique sur le thème du voyage dans un pays francophone. Ils utiliseront l’application Comica pour se photographier en premier plan, transformer leurs images en dessins et ajouter des bulles de dialogue ainsi qu’une image de fond pour recréer un décor réaliste. Chaque groupe réalise une histoire en six cases, intégrant une activité touristique et une situation comique ou surprenante. Les BD seront ensuite présentées à la classe et pourront être regroupées dans un album numérique ou papier. n
... AUX AGENTS CONVERSATIONNELS POUR L’INTERACTION
De son côté, à Paris, Florence de Beauvillé, enseignante d’allemand, et membre du groupe d’intégration pédagogique des TICE (GIPTIC) interlangues, propose un cas d’usage d’un agent conversationnel en classe au collège (12-15 ans). Elle partage son scénario sur le site de l’Académie via ce code QR
OUTIL : CRÉER UNE CORRESPONDANCE
Des échanges scolaires permettent aux apprenants, notamment de correspondre régulièrement avec un partenaire étranger, grâce à une application de messagerie et à des séjours organisés dans chaque pays. Mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir des correspondants. Pour pallier ce manque, il est possible d’intégrer un agent conversationnel (ou chatbot) : paramétré selon le niveau des élèves et sécurisé pour un usage scolaire, il peut être utilisé en autonomie ou en activité guidée. L’outil Mizou permet de simuler des échanges en langue cible, de s’entraîner à la compréhension et à la production, tout en s’inscrivant dans une progression pédagogique.
LE TÉMOIGNAGE DE FLORENCE DE BEAUVILLÉ
Comme parler à une vraie personne
Les élèves ont vraiment eu l’impression de parler à une vraie personne. L’objectif de converser de manière spontanée avec un natif est totalement atteint de ce point de vue. Le paramétrage « corriger les erreurs des élèves » est fait de manière subtile : les élèves n’ont pas l’impression d’être rabaissés quand leur erreur est soulignée, la correction est bien prise. Il y a donc un retour immédiat sur leur expression écrite, un atout non négligeable. Les fichiers audio systématiques sous la production écrite de l’IA ont été très appréciés également. Beaucoup ont écouté tout en lisant, et m’ont dit que cela leur avait facilité l’accès au sens. De manière générale, les élèves étaient très enthousiastes et m’ont demandé de recommencer l’expérience. J’ai été moi aussi conquise car je les ai vus s’impliquer pour comprendre ce qui leur était dit et répondre en adéquation avec les questions posées, en se servant des moyens langagiers appris dans la séquence, mais également en reprenant de nombreuses tournures de phrases apprises dans les séquences des années passées.
Reproduire la situation réelle d’une discussion
Pour lire les échanges des élèves, il faut créer sur Mizou une « New session » et leur fournir le lien créé pour cette mission. La version gratuite limite cette fonctionnalité à 50 participants par jour. L’application évalue les discussions menées par chaque élève ou binôme mais il n’est pas possible de configurer les critères de cette évaluation. Il ne faut donc pas s’en contenter. Bien qu’on puisse indiquer le niveau et demander d’écrire des phrases courtes et simples, l’IA produit des phrases avec des tournures et du vocabulaire pas forcément appris. Les élèves peuvent donc parfois être en difficulté. Mais cela reproduit la situation réelle d’une discussion avec un correspondant qui emploie également des tournures de phrases jamais rencontrées par les élèves français. Ils ont d’ailleurs trouvé la solution : dire qu’ils ne comprennent pas et demander de reformuler, comme ils le font en classe. Les élèves de 6e qui ont discuté avec une jeune de leur âge ont constaté qu’elle était tout le temps d’accord avec eux, qu’elles aimaient les mêmes choses, ce qu’ils ont trouvé lassant à la longue. L’IA est souvent très consensuelle et va dans le sens de ce que les élèves disent d’eux. Il faut donc mieux paramétrer l’agent pour un échange plus intéressant (lui créer un profil précis avec des choses qu’elle n’aime pas, par exemple).
Motiver les élèves et individualiser les apprentissages Cette expérimentation s’est révélée positive en de nombreux points. Le chatbot a rendu la pratique de la langue plus interactive et ludique, ce qui a pu stimuler et motiver les élèves, même les plus en retrait, à participer davantage. J’ai constaté aussi une individualisation des apprentissages : le chatbot permet aux élèves de pratiquer à leur propre rythme et de recevoir des retours immédiats. Cela peut être bénéfique pour tous, des plus à l’aise avec la langue aux plus fragiles. Enfin, l’agent permet une pratique conversationnelle spontanée proche de la réalité : il fournit l’occasion de pratiquer la langue cible dans des situations de communication réalistes, ce qui renforce leurs compétences en conversation et leur confiance en eux. n
LIRE MÉMO
JEUNESSE
À PARTIR DE 8 ANS
PAS BÊTE DU TOUT
PAR INGRID POHU
« Nunuche » mène une double vie. Zoé et son ami Hyppolyte se partagent en effet la garde du toutou. Une existence drôlement enrichissante pour l’animal qui, une semaine, profite des bonnes manières aristocratiques de Zoé, et l’autre, du quotidien plus débridé et aventureux d’Hyppolyte. L’harmonie règne jusqu’au jour où ce dernier ne ramène pas Nunuche à l’heure habituelle. Bizarre… D’autant que quelque temps plus tard, Nunuche revient les bouclettes toutes raplapla. Étrange. Serait-ce dû à une crise de nougatine aiguë ? Rondement menée, l’intrigue de cette BD portée par de réjouissantes aquarelles est l’occasion d’aborder avec sensibilité différents thèmes : l’amitié, la séparation, la mort. À méditer : « Un ami c’est quelqu’un qui aime tes défauts autant que tes qualités. » n
Guillaume Bianco, illustrations Marie Kerascoët, Nunuche, crise aiguë de nougatine , Dargaud
À PARTIR DE 10 ANS
MOTS COMPTENT TRIPLE
Trois collégiens de 6e que tout semble séparer : Mindy, l’intello de la classe se croit supérieure et abreuve tout le monde de son savoir ; Roger, en surpoids, ne peut vivre sans son doudou ; et Farika, si timide qu’elle chuchote pour parler. Mais la vie est bien faite ! Une prof les réunit autour d’un projet consistant à créer un podcast sur un thème de société. Commence alors une aventure rocambolesque qui fait voler en éclat de nombreux préjugés (et pas seulement sur les apparences) et permet à tous les protagonistes de révéler leur véritable personnalité. L’histoire aborde aussi avec subtilité le thème du harcèlement scolaire. Car nos trois vaillants mousquetaires du son vont faire entendre leur voix pour réparer les injustices. Trépidant ! n Amélie Antoine, Quelque chose sur le cœur, Tempo
3 QUESTIONS À MARIE RICHEUX
Productrice et animatrice radio sur France Culture (« Le Book Club »), Marie Richeux poursuit une œuvre littéraire, commencée en 2013 avec Polaroïds, qui se nourrit de son histoire personnelle et familiale, comme pour Officier radio (voir ci-contre).
« J’ÉCOUTE LES MOTS »
Vos projets d’écriture commencent-ils par une phrase, comme pour Officier radio le le « Comment ne pas oublier » de votre père ou le « On ne saura jamais » à propos du naufrage où périt votre oncle en 1979 ? Pour Sages femmes (Sabine Wespieser, 2021) c’était clairement une phrase inscrite sur la statue de la Vierge : « Et à l’heure de notre ultime naissance. » Ici, c’est la phrase de mon père le déclencheur. Mais elle représente la petite étincelle dans un milieu inflammable. Parfois les projets d’écriture mûrissent à mon insu. Pour que je me mette au travail, quelque chose doit faire pencher le désir du côté de la nécessité. Un livre partant de ce drame de 1979, cela faisait longtemps que j’y pensais. Il a fait son chemin en moi et je lui ai imaginé plusieurs costumes. Le titre est une trouvaille de la personne avec qui je vis. Deux mots qui m’ont fait comprendre ce que j’étais en train de tricoter. Que j’écrive, parle à la radio ou lise, j’écoute les mots. Un livre qui se met en route, c’est pour moi un endroit chanceux !
« On raconte des histoires à la place d’autres histoires pour ne pas en raconter certaines », écrivez-vous au début du livre. La littérature se nourrit de ce déplacement ?
Et je termine dans le brouillard avec mon double fictionnel qui ne voit rien, entend la mer. Quelque chose du désir absolu de savoir est apaisé. Mais peut-être que je me présente comme un double fictionnel un peu plus apaisé que je ne le suis réellement.
Chacun de vos livres impose-t-il son propre tempo ?
« Parfois les projets d’écriture mûrissent à mon insu. Pour que je me mette au travail, quelque chose doit faire pencher le désir du côté de la nécessité »
Oui et non, car, en relisant cette phrase, j’ai conscience que j’écris des histoires pour ne pas en raconter d’autres. Je ne crois pas que la littérature rende justice à nos stratagèmes humains. C’est plutôt le mouvement général du livre, qui commence par une volonté de savoir, par une mise en mouvement, par la question incessante adressée à mon père.
J’en ai cherché un pour Officier radio. Je l’espère plus vif que celui de mes précédents textes, notamment Jours de naissance (Sabine Wespieser, 2023), paru entre Sages femmes et Officier radio et qui porte sur les huit jours postterme lors de ma deuxième grossesse. Là je voulais plus de vitesse, mais aussi de la légèreté, même un peu d’humour, notamment dans la séquence italienne. J’avais envie de quelque chose d’alerte, pas du tout dans le drame ni la mélancolie. Peut-être aussi que je suis à un moment de ma vie où je peux m’amuser de mon ambivalence à vouloir apparaître puis disparaître, ce que permettent la radio et l’écriture. J’ai l’impression que ce texte ouvre pour moi quelque chose de nouveau. Mais peut-être allez-vous me retrouver à la même place dans cinq ans… n
Vive, c’est le nom de la jeune héroïne qui vit et vibre au cœur du grand jardin familial. Elle partage avec son père, parfumeur, le goût des essences rares. Quand arrive ce qui apparaît comme un drame à ses yeux : le grand palmier, attaqué par les charançons, meurt. L’autrice enquête à partir de ce fait tangible. Car la mort de l’arbre provoque un véritable traumatisme chez la fillette. Entre autres, elle ne peut plus dormir seule… En se mettant à la place de l’enfant, l’autrice nous entraîne sur un chemin beaucoup plus ardu qu’il n’y paraît de prime abord. Le livre se présente comme un imagier de 41 petits chapitres qui composent les éléments marquants de l’existence de Vive (son prénom fait explicitement référence à
la chanson « L’Eau vive », de Guy Béart) et son évolution. Les odeurs, les mots – la petite fille collectionne avec soin et délectation les mots rares et nouveaux – et une façon de considérer le monde sans œillère, avec curiosité, sont au cœur de ce roman d’initiation poétique et grave. « Le Palmier est une plongée archéologique dans mon histoire intime, confie Valentine Goby. Je croyais connaître l’issue de l’enquête mais l’écriture m’a déroutée et a déplacé mon regard. Défroissant chaque pli de l’archive, elle m’a révélé sa signification réelle. » Ce n’est sans doute pas innocent : Valentine Goby écrit aussi bien pour les grands que pour les petits. Son dernier roman synthétise en les sublimant les qualités de ces deux littératures. n
À NOS DISPARUS EN MER
Jouant habilement avec les codes de l’autobiographie ou de l’autofiction, Marie Richeux, dont on connaît la voix puisqu’elle anime notamment « Le Book Club » sur France Culture, se focalise (au départ) dans Officier radio sur le destin tragique de son oncle Charlot. Marin breton, il meurt en mer avec 26 autres personnes, victimes du naufrage de l’ Emmanuel-Delmas le 26 juin 1979 au large des côtes italiennes. À cette disparition jamais franchement élucidée s’ajoutent cette année-là deux autres grands drames pour la marine française, dont l’origine reste incertaine : la per te de la Bételgeuse et celle du François-Vieljeux. Explorant les mémoires intimes et collectives, Marie Richeux enquête surtout sur les conséquences de la disparition, des silences qui en
cachent d’autres, et tisse un récit qui conjugue le « je » autant que le « nous ». Une référence littéraire et radiophonique essentielle traverse aussi ce texte relié par l’autrice à l’entretien qu’elle relate (et retranscrit ici en partie) avec Daniel Mendelsohn pour son livre Les Disparus. Comme lui, elle croit au pouvoir de la littérature pour redonner voix à ceux qui ont disparu. Mais le roman donne à entendre une musique bien plus légère malgré la gravité de l’histoire. La quête de l’autrice se joue sur un autre tempo, celui de la vie, certainement. Et des rencontres qui jalonnent joyeusement le récit comme celle particulièrement vivante avec Marie-Anne, qui témoigne de son expérience de veuve d’un officier radio (celui du François-Vieljeux). Une voix, des voix qui résonnent… n
Installé à Madagascar, Simon se lance sur les routes impraticables (dans tous les sens du terme) du pays dans une enquête des plus risquées. Bien qu’il ait rompu avec ses enfants, il part, à la demande de sa fille, à la recherche de son fils Guillaume. Jouant sur les codes du road movie où se mêlent polar, humour et délicatesse, La Piste du vieil homme apparaît comme un récit d’aventures d’une grande humanité. La rudesse de « Mada », l’un des pays les plus pauvres au monde, fait écho à l’énergie du désespoir qui habite les personnages et les rend tout à fait attachants.
Paru pour la première fois en 1980 aux éditions du Seuil, Le Voyage à Paimpol revient dans la collection « L’Imaginaire » de Gallimard. Inspiré de l’expérience personnelle de l’autrice (le livre est dédié aux ouvrières de Chaffoteaux où Dorothée Letessier a travaillé), ce premier roman est remarquable à bien des titres. « J’étouffe. Je vais prendre un bol d’air… » : Maryvonne monte dans le car pour Paimpol, quittant mari et enfant. Chemin faisant, elle analyse avec humour et une conscience politique aiguisée toutes les formes d’aliénation qu’elle connaît et raconte un quotidien féminin et ouvrier rarement évoqué en littérature. Pertinent et impertinent.
L’innocent a toujours plus à perdre que le coupable. De ce constat, Alice Ferney tire Deux innocents, un roman documenté à partir de faits réels, qui montre l’implacable engrenage quand le soupçon mène à l’accusation. Claire, femme ordinaire de 50 ans, vit sa foi chrétienne en s’occupant d’enfants dotés d’un handicap. Elle est très appréciée et fait parfois des miracles. Comme avec Gabriel, qui lui fait confiance et sort peu à peu de sa coquille. Mais lever une chappe de tristesse peut avoir de terribles conséquences. Elle l’apprendra à ses dépens quand le drame arrive et qu’elle se retrouve sur le banc des accusés.
PAR SOPHIE PATOIS
POCHES ROMAN FRANÇAIS
Marie Richeux, Officier radio, Sabine Wespieser éditeur
Valentine Goby, Le Palmier, Actes Sud
Antonin Varenne, La Piste du vieil homme, Folio
Dorothée Letessier, Le Voyage à Paimpol, Imaginaire, Gallimard
Alice Ferney, Deux innocents, Babel
OUTILS |
FICHE RÉALISÉE EN PARTENARIAT AVEC
NIVEAU : À PARTIR
DE B1
DURÉE (indicative) : 20 MIN pour le remue-méninges, 2X 45 MIN pour la compréhension et la grammaire (activités 1 à 4). Prévoir au moins deux séances supplémentaires pour les activités de production
MATÉRIEL
n un lecteur audio et des haut-parleurs
OBJECTIFS
n Communicationnels : Education aux médias : s’interroger sur l’impact de l’IA sur nos vies ; comprendre un discours artistique / présenter une exposition ; organiser une exposition sur l’IA avec l’aide d’une IA générative (ChatGPT, Canva, etc.).
n Pédagogiques : Repérer la structure d’un long reportage et en comprendre les informations essentielles ; lexique : s’approprier celui utilisé pour parler d’une exposition ; grammaire : distinguer différents emplois de présentatifs pour décrire une œuvre
« MACHINA SAPIENS » : LES ARTISTES ET L’IA
Découvrez une exposition éphémère autour de l’IA qui s’est tenue à Paris en février 2025.
Un parcours artistique en trois parties : avec des œuvres d’artistes qui ont su capter les enjeux et les interrogations que l’intelligence artificielle suscite.
FICHE ENSEIGNANT
AVANT L’ÉCOUTE
Remue-méninges : Quelle utilisation de l’IA dans vos vies ?
Réalisez un petit questionnaire sur les usages et habitudes de vos apprenants [À quelle fréquence ? Dans quels domaines ? C’est l’occasion d’aborder la question des devoirs à la maison réalisés par ChatGPT et les changements pédagogiques que cela entraîne.]
Bien distinguer IA et IA générative (capable de créer de nouveaux contenus).
COMPRÉHENSION GLOBALE (ACTIVITÉ 1)
Activité 1 : Écouter l’extrait en entier Vous pouvez séquencer l’écoute, car le reportage est long !
→ Introduction et présentation : 0’00 > 1’08
→ 1re partie de l’exposition : 1’09 > 3’10
→ 2e partie de l’exposition : 3’11 > 4’00 > 6’03
→ 3e partie de l’exposition et chute : 6’04 > fin
LEXIQUE ET GRAMMAIRE (ACTIVITÉS 2 ET 3) : DÉCRIRE ET PRÉSENTER UN TRAVAIL ARTISTIQUE
Activité 2 : écouter l’extrait de 0’35 (« Il y a un impact ») à 1’07 (« par exemple »)
Activité 3 : Pour la question 3, avant qu’ils ne décrivent les photos, vous pouvez visionner en classe les deux vidéos :
- l’œuvre de Justine Emard : https://www.youtube.com/watch?v=XQbx6UZtqZE&t=39s
- Digitalis de Léa Collet : https://vimeo.com/878240605?p=1l
COMPRÉHENSION DÉTAILLÉE ET ÉDUCATION AUX MÉDIAS (ACTIVITÉ 4)
Activité 4 : Réécouter l’extrait en entier.
Faites une restitution collective pour expliciter et discuter des enjeux.
PRODUCTION (ACTIVITÉS 5 ET 6) : ART ET ÉDUCATION AUX MÉDIAS
Activité 5 : Les élèves s’interrogent et débattent par petits groupes, avant une restitution collective.
Activité BONUS : Créer une œuvre sur l’IA avec une IA générative et la présenter à la classe avec une bande-son.
Consignes aux apprenants :
- Préparer un prompt avec des mots-clés concrets et précis (couleurs, personnages, émotions et tonalité positive ou négative.)
- Désigner un commissaire qui présentera la philosophie générale de l’exposition (émotions, sons, couleurs)
Vous pouvez organiser des interviews de chaque groupe d’artiste.
PAR JEAN-BAPTISTE LARRAMENDY, Alliance française de Hong Kong
NIVEAU : A2 + Préados et ados 10-15 ans
DURÉE : 2 H à 3 H (avec le projet final)
THÈMES ABORDÉS
n Les magazines jeunesse francophones, l’imagination, les récits fictifs
MATÉRIEL
n Fiche apprenant
OBJECTIFS
n Communicatifs : raconter un fait imaginaire ; faire des hypothèses
n Linguistiques : le conditionnel ; les types de récit
n Interculturels : développer l’empathie ; promouvoir la lecture de magazines en français n Numériques : projet final réalisé sur Canva
IMAGINE UN AUTRE MONDE !
MISE EN ROUTE
Notes pour les enseignant(e)s : la séquence a pour objectif de faire découvrir aux préados et ados les récits imaginaires que l’on trouve sous forme de roman dans les magazines jeunesse en français.
DÉROULÉ PÉDAGOGIQUE
ACTIVITÉ 1
L’enseignant demande aux adolescents d’observer les couvertures de deux magazines (J’aime lire Max, n° 311, novembre 2024 ; Je bouquine, n°471, mai 2023). Il/elle peut accéder à ces couvertures en ligne sur le site de Bayard Jeunesse (www.bayard-jeunesse.com).
L’enseignant demande de repérer les éléments importants sur ces couvertures : « Où peut-on trouver ce type d’image ? Qu’est-ce que vous voyez sur ces images ? … » On identifie les titres des magazines et les titres des histoires à découvrir. Il/elle demande quels sont les points communs entre ces deux couvertures ? Les différences ?
ACTIVITÉ 2
L’enseignant propose de regarder dans le détail la couverture de J’aime Lire Max. Public visé ? Type de contenus ?
Introduction du point linguistique de la leçon. Les apprenants ont déjà vu le futur simple – il faudra faire attention à expliciter la différence entre le conditionnel et le futur simple lors les activités 6 et 7.
ACTIVITÉ 3
L’enseignant fait un travail similaire avec la couverture du magazine Je bouquine. Les questions permettent de s’intéresser au ressenti des apprenants, à leurs préférences. L’enseignant peut attirer l’attention sur la forme « ce serait » et poser les questions « Est-ce qu’un monde sans parent, c’est réaliste ? » Insister sur le côté imaginaire de la proposition.
ACTIVITÉ 4
L’enseignant demande de faire des hypothèses sur le contenu des interviews des auteurs du roman « Des mondes sans parents ». Ensuite, les adolescents lisent les deux interviews et doivent trouver si les propositions sont vraies ou fausses. L’enseignant note les justifications au tableau. Enfin, il/elle demande aux apprenants « Dans un monde sans parent, que ferais-tu ? » L’enseignant corrige les productions et note leurs réponses au tableau. Ce corpus va permettre d’aborder la forme des verbes au conditionnel lors de l’activité 6.
ACTIVITÉ 5
L’enseignant demande aux apprenants de compléter les phrases. Elles apparaissent telles quelles dans le texte. L’objectif est double : l’enseignant revient une nouvelle fois sur les formes rencontrées depuis le début de la séquence pédagogique et offre l’opportunité aux adolescents de réfléchir à la répétition de ces formes dans le contexte présent. L’enseignant pose des questions pour guider la réflexion des apprenants « En réalité, est-ce que Nathalie va chercher de la nourriture avec ses amies ? » « Est-ce qu’il est possible de se transformer en chat ? »
ACTIVITÉS 6 ET 7
L’enseignant propose aux apprenants de découvrir la forme des verbes au conditionnel. Il est utile ici d’utiliser un document annexe, à définir. Il/elle peut faire un rappel des verbes irréguliers.
L’enseignant profite de cette activité pour faire trois colonnes au tableau « conditionnel, futur simple, imparfait ». À mesure que les apprenants identifient les verbes au conditionnel, il/elle demande s’ils reconnaissent les autres formes. Expliciter les différentes utilisations du conditionnel : pour exprimer un fait imaginaire, pour donner un conseil, pour faire une suggestion et pour faire une demande polie.
ACTIVITÉ 8
Les apprenants doivent identifier le verbe qui permettra de compléter la phrase et trouver la forme correcte de ce verbe au conditionnel. Avec cette activité, on permet aux apprenants de retrouver les formes du conditionnel à partir de l’infinitif.
ACTIVITÉ 9
L’activité 9 propose une approche ludique de l’utilisation du conditionnel tout en permettant aux adolescents de se mettre dans la peau d’un membre du sexe opposé. L’enseignant peut proposer l’accroche « Si j’étais un homme… qu’est-ce que je ferais ? Qu’est-ce que je mangerais ? » « Si j’étais une femme,… » À un âge où les apprenants prennent conscience de leur corps, cette activité permet de promouvoir le dialogue entre les sexes.
ACTIVITÉ 10
« Imagine un monde idéal ! » Le projet final est optionnel, mais il permet de donner du sens à la séquence pédagogique en offrant l’occasion aux adolescents de réutiliser les contenus nouvellement acquis à travers la réalisation d’un projet créatif. Le poster peut être réalisé sur une feuille A4, A3, ou directement sur Canva. Il doit inclure des éléments picturaux (dessins, images, photos) et des éléments textuels (description d’un monde idéal).