FDLM 458 : mai juin 2025

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5 fiches pédagogiques avec ce numéro fiches pédagogiques avec ce numéro

// MÉTIER // Irina Melisch, professeure roumaine tombée amoureuse de la langue française

Apprendre le français avec YouTube

// LANGUE //

Yi-Jung Ho, cheffe pâtissière à Taipei (Taïwan)

Pologne : Un enseignement du français concurrencé

// ÉPOQUE //

Yasmine Belkaid, chercheuse, de l’Algérie à l’Institut Pasteur Disco, un aller-retour franco-américain

// DOSSIER //

LE TEMPS DES FESTIVALS

// MÉMO // Hippocampe Fou, rappeur atypique Lucy Mushita : « Va voir ailleurs si j’y suis »

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LES REPORTAGES AUDIO RFI

Dossier et fiche : Le festival Gnaoua d’Essaouira : présenter un festival culturel

Tendance : Tourisme, le voyage en solo

Société : Recherche d’emploi, recrutement : l’IA au cœur du processus

Expression : Le mot d’Erik Orsenna, « curiosité »

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DES FICHES PÉDAGOGIQUES

POUR EXPLOITER

LES ARTICLES

- Région : Ça plane pour Toulouse !

- Zapp créatives : Créer une BD humoristique

EN COUVERTURE

L’édition 2025 du festival de musique, Le Printemps de Pérouges, se déroulera au cœur de l'Ain, près de Lyon, du 25 au 27 juin, dans le parc du château de Saint-Maurice-de-Rémens. www.festival-perouges.org

ÉPOQUE

08. Portrait

Yasmine Belkaid, chercheuse en liberté

10. Tendances

Tout feu, tout flamme

11. Sport

Coach sportif : « c’est un grand bonheur ! »

12. Région

Ça plane pour Toulouse !

14. Idées

Olivier Babeau : « L’effort est la colonne vertébrale de l’existence »

16. Lieu

Les Cités de l’Histoire entre rencontre, animation et histoire

17. Exposition

Disco, loin des clichés

LANGUE

18. Entretien

Médéric Gasquet-Cyrus : « Il est très utile de connaître les codes : soit on s’y adapte, soit on en paie le prix social. »

20. Étonnants francophones

Yi-Jung Ho : « La saveur de mes macarons rappelle Paris »

21. Mot à mot

Dites-moi professeur

22. Politique linguistique

Afrique du Sud : un laboratoire de politiques linguistiques

24. État des lieux

Pologne : Un enseignement du français fortement concurrencé

Le français dans le monde

MÉTIER

28. Réseaux

Internet : www.fdlm.org

Cynthia Eid : « Deuxièmes trophées de la FIPF »

30. Vie de prof

Irina Melisch : « Le français est la langue dans laquelle je lis, je réfléchis et je rêve parfois »

32. FLE en France

Apprendre le français avec YouTube : le FLE réinventé, ou presque !

34. Focus

Jean-Claude Beacco : « Faire aimer les langues comme on aime la peinture »

36. Expérience

De la musique qui rassemble...

38. Savoir-faire

Comprendre et se faire comprendre

40. Initiatives

FACTOSCOPE.FR : un portail pour s’éduquer aux médias et à l’information

OUTILS

74. Jeux

Les énigmes des traditions

75. Mnémo

Babel en folie. Les aventures de Thibault.

Episode 4. Le grand dérapage

77. Fiche pédagogique RFI

Le festival Gnaoua d’Essaouira : présenter un festival culturel

42. Innovation

Alice Magdelaine : « Avec la voix, on entre directement dans l’intimité »

44. Tribune didactique

Unis par les langues et les cultures

46. Ressources

48. Ressources / Didactique

MÉMO

64. À écouter

66. À lire

70. À voir

INTERLUDE

06. Graphe

Spectateur

26. Poésie

Laura Lisa Vasquez : « La forme de ma forêt »

50. En scène !

La cantatrice quantique

72. BD

Les Noeils. Fin de l’anonymat.

DOSSIER LE TEMPS DES FESTIVALS

Entretien : Emmanuel Négrier : « La pratique festivalière est un besoin fondamental » 54

Analyse : Profession : Festivalier ...............................56

Reportage : Komidi, c’est Avignon à La Réunion ! 58

Enquête : « Un festival est toujours une belle opportunité de mettre les étudiants en action » .....60

Astuces de classe : Quelles activités culturelles associez-vous aux cours de FLE ? 62

79. Fiche pédagogique

Influenceurs vs journalistes : comprendre leur rôle

81. Fiche pédagogique

La fête du citron à Menton

édito

OUI, IL EXISTE UNE ÉCOLOGIE DES LANGUES…

Faire aimer les langues… comme on aime la peinture » ajoute JeanClaude Beacco dans son plaidoyer pour le plurilinguisme, partant du présupposé que nous sommes tous plurilingues. C’est ce qu’ont en commun tous les professeur(es), témoins ou lecteurs, lectrices de la revue : vouloir faire partager leur amour de la langue. Que ce soit ici de manière gourmande, ou encore à travers leurs mots, leurs images ou leurs sons mais surtout à travers leur métier. Comme nous le rappelle avec émotion Irina Melisch, on ne devient pas professeur par hasard et malgré les difficultés d’un métier en mutation, confronté à des avancées technologiques très déstabilisantes, face à des publics où l’écart générationnel se fait toujours plus durement sentir et peut devenir source de désarroi ou de découragement, il reste, chevillés au corps, cet envie et ce désir de transmettre, de faire partager cette passion de réussir ce passage vers une autre langue et une autre culture, là où s’invente, se façonne une autre identité dans la diversité du contact avec les langues. Car le combat de chaque professeur est un combat écologique comme l’avait écrit il y a bien longtemps Harald Weinrich dans un très bel article publié par la revue. Si le combat pour la diversité, qu’elle soit des espèces ou des paysages, mobilise toutes les énergies, en revanche c’est bien à nous enseignants et enseignantes qu’il revient de conduire le combat pour préserver cette diversité des langues, ce plurilinguisme qui nous est cher. n

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org Commission paritaire : 0422T81661. 63e année

Responsable de la publication Cynthia Eid (FIPF)

Édition SEJER – 92, avenue de France – 75013 Paris – Tél. : +33 (0) 1 72 36 30 67 • Directrice de la publication Catherine Lucet Service abonnements COM&COM : TBS GROUP - 235, avenue le Jour se Lève 92100 Boulogne-Billancourt - tél. : +33 (1) 40 94 22 22

Rédaction : Conseiller Jacques Pécheur • Rédacteur en chef NN • Secrétaire général de rédaction Clément Balta • Rédacteur David Cordina. DCordina-Ext@cle-inter.com • Relations commerciales Marjolaine Begouin. mbegouin@cle-inter.com• Conception graphique - réalisation miz’enpage - www.mizenpage.com (pour les fiches : David Cordina) Imprimé par Estimprim – 6 ZA de la Craye 25110 Autechaux • Comité de rédaction Michel Boiron, Aurore Jarlang, Franck Desroches, Valérie Lemeunier, Isabelle Gruca, Chantal Parpette, Gérard Ribot. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de Mme Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie : Cynthia Eid (FIPF), Paul de Sinety (DGLFLF), Franck Desroches (Alliance française), Nivine Khaled (OIF), Marie Buscail (MEAE), Diego Fonseca (Secrétaire général de la FIPF), Évelyne Pâquier (TV5Monde), Nadine Prost

(MEN), Doina Spita (FIPF), Lidwien Van Dixhoorn (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

GRAPHE

Le rêve le plus cher d’un auteur, c’est de transformer le lecteur en spectateur ; y parvient-il jamais ?

Spectateur

Les spectateurs ne trouvent pas ce qu’ils désirent, ils désirent ce qu’ils trouvent

Guy Debord, Réfutation de tous les jugements tant élogieux qu’hostiles…

Devenir le spectateur de sa propre vie . . . c’est échapper aux souffrances terrestres

Il est de ces moments, dans une vie, où tout indique l’absurdité d’une situation. Et pourtant une force irrationnelle vous cloue en spectateur hagard du insenséspectacle de vos propres choix

Anne et Claire Berest, Gabriële

Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray

LANGUE |

ENTRETIEN

Depuis longtemps des idées très pessimistes courent sur la langue française et prédisent au mieux sa dégénérescence, au pire sa disparition. Médéric Gasquet-Cyrus, qui enseigne la sociolinguistique à l’Université d’Aix-Marseille dégonfle un certain nombre de ces prédictions effrayantes : En finir avec les idées fausses sur la langue française est paru aux Éditions de l’Atelier.

« IL EST TRÈS UTILE

DE CONNAÎTRE

LES CODES : SOIT ON S’Y ADAPTE, SOIT

ON EN PAIE LE PRIX SOCIAL »

Votre livre répertorie un certain nombre d’« idées fausses » et de préjugés sur le français, qui tous vont dans le même sens : notre langue serait sur une pente décadente, en train de s’abâtardir. Sommes-nous dans une période qui exacerbe les inquiétudes et les purismes ? En effet, un conservatisme important se développe. On sait bien que la langue constitue un champ de bataille politique qui en ce moment est surinvesti par ces discours conservateurs. On a tout à fait le droit d’être conservateur… mais cette tendance alimente des discours qui sont parfois xénophobes, racistes, et surtout stupides. En tant que linguiste, je me dois de réagir à ces bêtises. Mais je ne suis pas le seul : un certain nombre de collègues (par exemple le collectif des Linguistes atterrés), mais aussi d’autres intellectuels et même certains journalistes participent à ce mouvement pour dénoncer ces

idées fausses et ce purisme délétère. Ce n’est pas la première fois que ce genre de purisme se fait entendre. On voit cela par exemple juste avant la Renaissance : on craignait déjà que le français disparaisse, envahi par l’italien. Il y a eu ensuite, au XVIIe siècle une crispation autour de l’idée d’une langue pure et claire qu’on pensait menacée. Puis au début du xxe siècle, cette tendance a été réactivée, avec toujours cette idée que « c’était mieux avant » et qu’il a existé une bonne façon de parler, en train de se perdre. Cette

« Beaucoup de gens sont préoccupés de bonne foi par l’évolution de la langue. Ils ne sont pas producteurs de ces idées alarmistes, mais en sont les victimes. »

référence a pu être le français de la Cour, puis celui qui était parlé par l’aristocratie, par la bourgeoisie… jusqu’aux années 1980, où il était plus ou moins incarné par le style du journaliste qui présentait le journal télévisé de 20 heures : un homme, blanc, pas trop jeune et avec une certaine aisance. Mais ce dernier modèle est mis à mal aujourd’hui, avec la transformation de l’information et la prolifération des réseaux sociaux : les modèles normatifs sont en train de changer, ce qui explique peut-être ce regain d’inquiétude. Beaucoup de gens d’ailleurs sont préoccupés de bonne foi par l’évolution de la langue. Ils ne sont pas producteurs de ces idées alarmistes, mais en sont les victimes. Il est temps de dire que si ces prédictions catastrophistes étaient vraies, le français aurait disparu depuis longtemps. À côté de ces locuteurs effrayés, on trouve aussi des déclinistes qui produisent des discours

de mauvaise foi et caricaturent délibérément la situation en agissant de manière démagogique.

Alors quel type de fausses idées essayez-vous de mettre en évidence ?

Par exemple celle qui s’en prend au « langage des jeunes » en prétendant que beaucoup d’entre eux s’expriment avec cinq cents mots. C’est idiot ! J’ai tenté d’évaluer les mots du vocabulaire courant de n’importe quel enfant d’une douzaine d’années – fourchette et couteau, pied et main, école et après-midi, etc. ; on arrive tout de suite à plusieurs milliers. Mais ces affirmations correspondent à un mépris de la jeunesse, et spécialement des jeunes qui peuvent rencontrer quelques difficultés d’intégration. Il ne faut pas non plus comparer des situations incomparables, comme les productions d’élèves d’aujourd’hui mises à côté des dictées impeccables, faites

PROPOS RECUEILLIS PAR YVAN AMAR

Irina Melisch a la fidélité chevillée au cœur. Cette Roumaine de 48 ans vit et travaille à Suceava, sa ville natale, où elle enseigne le français dans un lycée depuis plus de deux décennies. Tombée amoureuse de la langue française au collège, séduite par sa musicalité et son univers littéraire, elle en a fait le fil directeur de sa vie.

« LE FRANÇAIS EST LA LANGUE DANS LAQUELLE JE LIS, JE RÉFLÉCHIS ET JE RÊVE PARFOIS »

Le français représente pour moi bien plus qu’une langue : c’est un engagement et un trésor que je chéris et que je m’efforce de transmettre aux autres, chaque jour. L’enseignement a toujours été une vocation, je me souviens que lorsque j’étais petite, j’adorais déjà créer des registres pour évaluer mes poupées ! J’ai eu un parcours scolaire classique jusqu’à la première année de collège, où a eu lieu la révélation : mon premier contact avec le français. J’ai immédiatement été captivée par cette langue, notamment par la merveilleuse musicalité de mots aussi simples que « bonjour », « merci » ou « au revoir ». Ma passion était née.

Au lycée, j’ai choisi de suivre un parcours bilingue, avec 6 heures de français par semaine. C’est à ce moment-là que je me suis plongée dans la lecture des écrivains français. J’y ai découvert un univers

à part et fascinant. À travers les œuvres de Flaubert, de Balzac ou de Camus, j’ai pu appréhender non seulement la richesse de la langue française, mais aussi une nouvelle manière de saisir le monde. Ces lectures ont nourri ma passion pour le français et renforcé mon désir de l’enseigner, afin de partager avec mes élèves toute sa beauté et sa profondeur. Mon amour pour le français n’a jamais faibli, il s’est même développé au fil des années. Pour moi, cela a été un puissant moteur de changement. Plus j’avançais dans mon apprentissage, plus je réalisais

à quel point le français m’ouvrait des portes. J’ai compris rapidement qu’apprendre une langue, c’est bien plus qu’acquérir du vocabulaire et des règles grammaticales. C’est accéder à de nouvelles façons de penser, à une autre culture et à des opportunités professionnelles inattendues.

Après quatre années d’études supérieures, j’ai commencé à enseigner dans un petit village, mais mes débuts n’ont été aussi passionnants que je me l’étais imaginé… Ce sont les élèves qui m’ont donné envie de continuer. En parallèle, j’ai poursuivi ma formation universitaire

J’ai compris rapidement qu’apprendre une langue, c’est bien plus qu’acquérir du vocabulaire et des règles grammaticales. C’est accéder à de nouvelles façons de penser, à une autre culture et à des opportunités professionnelles inattendues.

avec un master en Sémiotique du langage et un doctorat en Réécritures modernes du conte savant. Deux ans après avoir débuté en tant qu’enseignante, j’ai obtenu mon transfert au lycée de Suceava, ma ville natale, où j’enseigne depuis maintenant 21 ans.

L’omniprésence du français, à la ville comme en classe Mon lien avec le français est ainsi strictement personnel et émotionnel. Mais pour moi, il ne s’agit pas seulement d’une langue que j’enseigne, d’un simple métier, c’est un véritable amour que j’essaie de transmettre à mes élèves. Bien plus qu’une matière, c’est un outil qui permet d’ouvrir les esprits, de structurer la pensée et de s’exprimer avec précision et élégance. Dans ma vie privée, le français est également omniprésent. C’est la langue dans laquelle je lis, réfléchis et dans laquelle je rêve parfois. Il me relie

PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH NUYTEN

APPRENDRE LE FRANÇAIS AVEC YOUTUBE : LE FLE RÉINVENTÉ, OU PRESQUE !

Nées timidement il y a une dizaine d’années, les chaînes YouTube dédiées à l’enseignement du FLE ont depuis explosé, boostées par la pandémie et par la dématérialisation fulgurante de l’enseignement qui s’en est suivie. On en compte aujourd’hui des dizaines et leur nombre évolue constamment, avec de nouvelles chaînes qui se lancent tandis que d’autres disparaissent. Décryptage d’une tendance qui n’a pas fini d’évoluer.

Envie de connaître les dix plus jolis mots de la langue française ? De devenir un champion de la conjugaison en assimilant les 35 verbes de base du français ? Ou de comprendre comment on drague en France, en travaillant au passage un large spectre d’expressions clés et leur prononciation ? Aucun problème, YouTube est là. Aussi nombreuses que dissemblables, les chaînes YouTube proposant des cours de FLE ont une offre diversifiée, de la plus généraliste à la très ciblée, qui permet au public d’apprenants d’aller chercher ce qui l’intéresse.

Les chaînes YouTube FLE peuvent être divisées en plusieurs catégories : il y a celles qui se concentrent sur la conversation généraliste, sur la production orale spécialisée, la production écrite, la grammaire et l’orthographe, tandis que d’autres proposent plutôt un contenu culturel ou dédié à la méthodologie. Certaines

s’attachent même à accompagner leur communauté sur des étapes précises du parcours d’apprenant, comme la préparation des examens officiels : c’est le cas de « French School TV », qui compte 640 000 abonnés et 1 600 vidéos. Porté par sa propre expérience de professeur de FLE, évaluateur DELF et formateur d’évaluateurs, Vincent Bouen, 41 ans, a lancé sa chaîne en décembre 2019. Le timing était le bon : « French School TV » a explosé sous l’effet du Covid, devenant la chaîne YouTube de référence pour la préparation des examens officiels de français. Ses vidéos abordent les DELF, DALF, TEF et TCF sous toutes leurs coutures, dépoussiérant une matière parfois réputée aride. « Les réseaux sociaux ont donné un attrait nouveau aux langues, estime Vincent Bouen, ils offrent des perspectives incroyables pour rendre le français accessible et fun. » n

DES PIONNIERS ET DES OPPORTUNITÉS

Plateforme gratuite et ouverte à tous, YouTube permet en effet de toucher des apprenants du monde entier, quel que soit leur niveau et leur profil. Le site d’hébergement de vidéos, sur lequel les utilisateurs peuvent regarder, mais aussi commenter et partager des vidéos en streaming, facilite également les interactions entre les profs de FLE et leurs abonnés. Cette communauté va faire vivre la chaîne, son importance numérique lui conférant légitimité et visibilité. Avec un peu moins de trois millions d’abonnés sur YouTube, la chaîne de FLE généraliste « Français avec Pierre » est l’une des plus anciennes et des plus célèbres. Grammaire, vocabulaire, expression… Près de 650 vidéos accessibles gratuitement, sur des points divers et variés de la langue française. Dès 2014, Pierre Babon (photo, avec Noémi) a été l’un des pionniers de la création de vidéos sur YouTube pour enseigner le français. « Tout était à inventer : je voyais les problèmes des élèves dans la salle de classe, cela me donnait des idées que je transposais en vidéos, détaille-t-il. C’était le côté magique du YouTube des débuts, on était créatifs, plein d’imagination, on ne se contentait pas de copier ce qui marchait chez les autres. » Malgré la standardisation croissante des contenus à des fins d’audience, Pierre Babon continue de croire en la puissance de la plateforme : « Rien que par l’étendue et la diversité de son audience, YouTube reste un outil extraordinaire dans le secteur éducatif. » n

DES PÉDAGOGIES VARIÉES ET PARFOIS DILUÉES

La visée éducative est le fer de lance des chaînes de FLE. Pourtant, en raison du caractère unilatéral et asynchrone des vidéos, il est parfois difficile de faire émerger une méthode pédagogique claire. Anne Le Grand (ci-dessus) est la créatrice de la chaîne « Parlez-vous FRENCH » suivie par plus d’un million de personnes, qui propose des leçons variées et ludiques, et du site de formation du même nom. « YouTube n’est pas un élément central de ma pédagogie, explique-telle, car les vidéos sont indépendantes les unes des autres et comme le public est très varié, il est impossible de structurer une progression pédagogique cohérente. » Dans ses cours en ligne, Anne Le Grand n’intègre pas du tout ses vidéos YouTube, mais celles-ci « peuvent tout à fait être utiles pour les révisions, par exemple. »

Néanmoins, parmi les méthodes les plus notables dans le large catalogue de la proposition FLE sur YouTube, on retrouve l’approche communicative, où l’accent est mis sur l’interaction et la communication authentique, et la perspective actionnelle, qui va prendre en compte la raison pour laquelle l’apprenant doit communiquer. Les vidéos vont ainsi présenter des situations de la vie quotidienne pour encourager les apprenants à utiliser le français dans des contextes réels. Certaines chaînes vont proposer des vidéos destinées à s’immerger dans la langue, tandis que d’autres

baseront leur contenu sur des explications grammaticales et lexicales détaillées, moins dynamiques mais très structurées, suivies d’exemples et d’exercices. Hugo Cotton (ci-dessous) est le créateur du podcast et de la chaîne YouTube « InnerFrench », suivie par près de 900 000 personnes et reconnaissable à son élégante sobriété et à son esthétique soignée. L’approche pédagogique de ce professeur de FLE s’appuie sur la théorie du « comprehensible input » du docteur en linguistique américain Stephen Krashen, qu’il a choisi de décliner dans ses contenus en ligne. « Sa théorie est que l’apprenant n’a pas besoin d’une compréhension formelle de la langue, mais plutôt d’avoir accès à des contenus intéressants et accessibles, où il comprend 80 % de ce qui est dit, pour progresser en faisant l’acquisition naturelle de la langue, résume Hugo Cotton. Je cherche donc à créer un contenu qui soit avant tout intéressant et original, pour capter l’attention d’un public de niveau intermédiaire. » On retrouve ainsi sur « InnerFrench » des vidéos sur des sujets tels que les clichés des Français sur le nord de la France, la dictée : une obsession française ou encore Macron en dix expressions. S’il continue de publier des épisodes de podcast accessibles sur YouTube, Hugo Cotton, qui n’était présent sur aucun autre réseau social, a cessé de se mettre en scène depuis deux ans. « Je n’ai jamais apprécié de me voir à l’écran et je devenais de plus en plus perfectionniste, reconnaît-il. Les vidéos me prenaient beaucoup de temps que j’ai plutôt choisi d’investir dans mon podcast et dans mon offre de cours, cette dernière étant de toute façon, ma seule source de revenus. » n

VIDÉOS YOUTUBE ET OFFRE EN LIGNE, LE CHOIX GAGNANT

Le point commun de tous les grands Youtubeurs français du FLE, c’est que malgré le nombre impressionnant d’abonnés, le contenu qu’ils produisent pour la plateforme ne génère que peu, voire pas du tout de revenus. Les gains obtenus grâce aux publicités qui précédent les vidéos ou grâce aux partenariats constituent, au mieux, un complément de revenu.

Voilà pourquoi la quasi-totalité

des créateurs de contenu FLE sur YouTube proposent en parallèle des cours et des ressources en ligne payants. « Pour nous, Youtube est une vitrine : si les gens apprécient ma manière d’enseigner dans les vidéos, ils me contactent et nous leur proposons des cours en groupe, personnalisés et adaptés à leurs objectifs, explique Anne Le Grand de la chaîne « Parlezvous FRENCH ». C’est là le cœur économique de notre activité. » YouTube permet ainsi de promouvoir les autres services proposés. Depuis le lancement de « French School TV », Vincent Bouen couple vidéos gratuites et offre de cours de français. Il a aussi collaboré avec des grandes marques du monde des langues, a développé une application et il est ambassadeur du catalogue

Didier FLE. Aujourd’hui, sur YouTube, il publie une vidéo courte par jour, une plus longue chaque dimanche et assure un cours gratuit en live tous les jeudis.

« À chaque fois, il y a une petite partie de promotion de notre offre, cela renforce l’image de marque et donne envie aux membres de notre communauté d’aller plus loin », explique Vincent Bouen. La part YouTube de son activité, qu’il assure seul, représente de 20 à 25 heures de travail par semaine. Les cours payants en ligne, auxquels souscrivent chaque année entre 200 et 300 élèves, sont en grande partie dispensés par une équipe de sept à huit professeurs freelance – Vincent assurant encore deux à trois heures de cours chaque semaine.

Alors que les professeurs de FLE sont souvent confrontés à la précarité des contrats courts et difficiles à trouver, l’enseignement du français langue étrangère sur YouTube pourrait permettre de proposer une offre de cours en ligne efficace. « C’est un excellent moyen de percer sur Internet pour monter un business en ligne », résume Pierre Babon de « Français avec Pierre ». Fort de son succès, celui-ci ne se cantonne plus au monde du FLE, mais a lancé plusieurs projets dans le business en ligne et l’investissement. Il faut dire que la manne que constitue la chaîne semble inépuisable : avec 2,5 milliards d’utilisateurs actifs chaque mois, YouTube est la deuxième plateforme sociale la plus utilisée dans le monde. n

FOCUS

C’est un paradoxe : on n’a de cesse d’étaler nos préoccupations écologiques, d’attirer l’attention sur toutes les diversités mais il en est une parfaitement oubliée, c’est celle de la diversité des langues. C’est l’objet de Tous plurilingues ! de rappeler, dans une langue simple et abordable pour toutes et tous, la valeur centrale de la diversité des langues. Entretien avec son auteur, Jean-Claude Beacco.

« FAIRE AIMER LES LANGUES COMME ON AIME LA PEINTURE »

Au regard de la dédicace, de votre propre biographie langagière incluse dans l’ouvrage, on pourrait penser que le plurilinguisme est une affaire de famille. Oui et non… C’est un peu l’affaire de ma famille, bien que j’aie découvert la notion de plurilinguisme à travers le Conseil de l’Europe, donc très tard. Comme je le dis dans le livre, j’étais dans le plurilinguisme sans le savoir et c’est effectivement l’émergence de l’éducation plurilingue et interculturelle qui m’a permis de prendre conscience de cette histoire qui fait partie de ma famille. Je suis très fier que mes petits-enfants, la quatrième génération, continuent à parler la langue de mes parents émigrés. Oui, j’aime les langues, j’aime écouter les langues dans le métro, essayer de savoir quelles langues les gens parlent, faire des hypothèses au risque de me tromper… Et si c’est l’histoire de ma famille, c’est aussi l’histoire des familles, en général, comme espace fondamental de transmission

Jean-Claude Beacco, agrégé de grammaire, docteur en sciences du langage, est professeur émérite de l’Université Sorbonne nouvelle. Spécialiste en didactique du FLE, il est aussi expert en politique linguistique éducative, en particulier auprès du Conseil de l’Europe depuis 1998.

intergénérationnelle des langues et, notamment, des nombreuses langues qui ne sont pas enseignées, celles des migrants comme celles des expatriés ou comme les langues régionales. C’est là que la famille joue un rôle très important quant aux langues qui sont utilisées dans le cadre familial ; les formes du multilinguisme familial sont nombreuses y compris les familles où l’on ne parle plus la langue mais où elle reste une langue identitaire culturellement. Pensons aux gens qui envoient leurs enfants dans les écoles Diwan ; ces enfants sont souvent issus de familles où l’on ne parle plus breton, mais où le breton reste constitutif d’une très ancienne identité culturelle. La famille est un élément fondamental de l’apprentissage de toutes les langues et de leur reproduction quand elles ne sont pas enseignées dans le système éducatif.

Tous Plurilingues ! Ce titre est un constat ou une invitation adressée au lecteur à une prise de conscience ?

Les deux ! Tous les locuteurs sont plurilingues potentiellement ou effectivement. Dans de nombreux cas, les locuteurs sont effectivement plurilingues comme en témoignent de très nombreux contextes politiques et

sociolinguistiques où les citoyens locuteurs sont amenés à côtoyer sinon à utiliser les diverses langues qui ont cours dans leur territoire : c’est vrai dans un certain nombre de pays, en particulier, dans les zones frontalières. Maintenant, il y a des gens en France qui se croient monolingues : ils n’ont pas conscience de la diversité de leur répertoire personnel, où l’on peut trouver le français mais aussi l’occitan, par exemple, et un peu d’anglais qu’ils ont tous appris à l’école. Il y a aussi les enfants de migrants qui cachent le fait de parler des langues qui sont stigmatisantes, comme le berbère, parlé par une communauté d’un million de personnes. Et puis, il existe quand même une communauté de vrais monolingues et qui sont encorsetés

par l’idéologie monolingue : pour eux, apprendre une langue c’est si compliqué que ce n’est pas la peine d’essayer. Ceux-là ont peur des langues et cette peur des langues est à la base d’une attitude qui est le contraire de celle d’une éducation plurilingue, dont l’objet est de faire aimer les langues comme on aime la peinture.

Comme Du Bellay avait placé son manifeste sous le signe de l’identité, vous placez votre livre sous celui de la diversité. C’est le sens de la préface, et du sous-titre, Défense et illustration de la diversité des langues.

La famille est un élément fondamental de l’apprentissage de toutes les langues et de leur reproduction quand elles ne sont pas enseignées dans le système éducatif.

Tout à fait. D’abord, la diversité est à l’ordre du jour : que l’on pense à la diversité écologique et au combat pour la sauvegarde de la diversité, quelle qu’elle soit, qui est un élément fondamental des sociétés contemporaines. Sauf que la diversité des langues n’est pas un cheval de bataille écologique. Pourtant, la diversité des langues est aussi importante que les autres formes de la diversité : quand une langue meurt, c’est une culture, des œuvres humaines, des savoirs qui disparaissent. On ne peut pas faire l’impasse du lien entre diversité et créativité. Au fond de l’éducation plurilingue, il y a comme valeur

fondatrice, la diversité des langues : avoir une attitude positive par rapport à la diversité des langues, c’est le fondement d’une éducation plurilingue et pluriculturelle.

« Je parle plutôt bien », « je parle mal »… telle ou telle langue. Ne sommesnous pas nous-mêmes des obstacles à notre propre plurilinguisme ?

Évidemment. L’idée de l’autoévaluation de ce type part du principe sous-jacent que parler une langue, c’est la parler à la perfection. C’est oublier que l’on peut lire, oublier que l’on peut écrire, oublier que l’on peut comprendre. Nous connaissons tous des locuteurs qui ne savent que lire une langue, d’autres qui ne savent que l’écrire, sans parler de ces grands spécialistes de littérature française qui sont incapables d’interagir à l’oral. Il nous revient de faire prendre conscience qu’il existe des savoir-faire diversifiés, pas seulement en quantité mais aussi qualitativement. La langue, c’est un ensemble de compétences et

C’est

un livre grand public, qui fournit des arguments aux lecteurs quand ils ont, dans leur milieu et leur domaine, à défendre et à promouvoir le plurilinguisme.

chaque compétence peut être acquise indépendamment des autres. Savoir une langue, c’est prendre en considération toutes les compétences du savoir langagier qui n’est pas un savoir global. D’autre part, quantitativement, rien n’indique qu’il faille poursuivre jusqu’à devenir un locuteur parfait. Les niveaux du Cadre sont faits pour ça : acquérir un niveau de compétence selon ses propres besoins. Toute compétence en langue a une valeur. « Je parle

Jean-Claude Beacco (2025) Tous Plurilingues ! Défense et illustration de la diversité des langues Collection Plurilinguisme. Ed. Observatoire européen du plurilinguisme. Papier et eBook : www.observatoireplurilinguisme.eu/ les-actions/collection-plurilinguisme

Il faut aussi prendre en compte les enseignements totalement en anglais dans les universités, les publications rédigées exclusivement en anglais (sans version dans sa langue première) dans un certain nombre de disciplines ainsi que dans un certain nombre d’institutions internationales. À cela, s’ajoute la non-reconnaissance du plurilinguisme par les États : ça vaut pour les langues régionales qui ne sont pas toujours bien traitées par certains pays, ce qui va à l’encontre d’une gestion de la coexistence des langues, condition de la démocratie et de la paix civile. Combien de conflits ont aussi une dimension linguistique dans leurs origines ? Il est de la responsabilité de l’État de gérer la paix civile en gérant la diversité linguistique. C’est vrai : ce livre est un plaidoyer pour les lecteurs qui n’ont pas du tout abordé ces problèmes. Il se veut un livre grand public, qui fournit des arguments à ces lecteurs quand ils ont, dans leur milieu et dans leur domaine, à défendre et à promouvoir le plurilinguisme.

mal »… «Je ne parle pas assez bien », c’est se référer à un locuteur idéal ou natif qui ne peut être un modèle dans tous les cas.

Votre livre-plaidoyer pour le plurilinguisme se veut aussi un livre de combat. Parce que le plurilinguisme est menacé ? Par qui ? Par quoi ?

Bien sûr qu’il est menacé. Il est menacé par tous les phénomènes qui tendent à réduire la diversité des langues. À commencer par les systèmes éducatifs qui donnent la priorité à une seule langue, l’anglais : de l’English first à l’English only… il n’y a qu’un pas ; ce qui conduit à considérer que les autres langues sont secondaires et ne méritent pas un apprentissage à part entière. C’est un phénomène qui va contre la diversité langagière qui est le contexte normal d’un locuteur, notamment européen.

Reste à éduquer à la diversité des langues. Vaste sujet, vaste programme… ça serait quoi le pitch pour convaincre ? !

Mon pitch : une éducation de qualité est nécessairement plurilingue. Éduquer à la diversité des langues, c’est le succès de la réussite scolaire, parce que toutes les disciplines sont enseignées dans une langue et que toutes langues sont porteuses de connaissances et de réflexivité. L’attention aux langues n’est pas l’affaire de l’enseignement des langues étrangères ou de la langue nationale mais elle est de la responsabilité de toutes les disciplines enseignées à l’école. Les langues, leur apprentissage, leurs emplois et leur rôle d’espace d’acquisition des savoirs sont un élément fondamental parce que les difficultés d’apprentissage d’une discipline scolaire ne sont pas seulement intellectuelles ou cognitives mais aussi langagières. n

RETROUVEZ LA FICHE PÉDAGOGIQUE RFI en pages 77-78 et le reportage audio sur www.fdlm.org

LE TEMPS DES FESTIVALS

C’est le constat posé dans son entretien par Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS : « Si on considère l’ensemble des pratiques culturelles, la pratique festivalière est celle qui a le plus augmenté ces dix dernières années, 19 % des Français en ont une. » Mais pourquoi se rend-on à un festival ? « Il y a toujours deux motivations articulées, résume le chercheur. La motivation esthétique, le fait d’aller à la rencontre d’une œuvre ou d’un artiste qu’on aime, et l’envie de faire la fête, de découvrir un patrimoine, de prendre part à une expérience collective éphémère et joyeuse. » Du côté des festivaliers, il existe également une très grande variété de profils. Avec 7 282 festivals sur tout le territoire français, dire que le spectateur a l’embarras du choix est un euphémisme… Mais ce spectateur si curieux, si mobile, si indifférent aux saisons, qui est-il ? L’analyse des publics apporte des réponses sur son identité : d’où il vient, quel est son statut socioprofessionnel et surtout qu’est-ce qu’il va voir et pourquoi il va le voir, sa motivation.

Qu’est-ce qui fait courir ainsi les festivaliers ? Première réponse, le reportage de Nicolas Dambre à La Réunion. Créé par des enseignants pour faire découvrir le théâtre à leurs

élèves, le festival Komidi est devenu le plus important rendez-vous du spectacle vivant en outre-mer. Dans le sud-ouest de l’île, durant onze jours, dès le matin démarrent les spectacles à destination des élèves de maternelle jusqu’au lycée. 17 éditions après et 36 000 spectateurs pour chacune, Komidi est devenu un rendez-vous éducatif et théâtral majeur dans l’océan Indien.

Participer en qualité de « festivaliers », créer des contenus, monter sur scène, voire créer soi-même son propre festival… Autant de manières de s’associer à ces moments culturels intenses et festifs que sont les festivals, pour mieux travailler le français avec les étudiants ! C’est ce que révèle l’enquête d’Alice Tillier-Chevallier : « Un festival est toujours une belle opportunité de mettre les étudiants en action, de les faire sortir de la salle de classe, de mettre en œuvre une pédagogie par projet ! », remarque une de ses interlocutrices. Et Adrien Payet de constater : « Si langue et culture font figure de piliers indissociables de l’apprentissage linguistique, les enseignants ne sont pas nécessairement outillés pour l’exploitation pédagogique des événements culturels. » D’où le programme qu’il a lancé en 2020, FestiFLE, dans lequel la participation au festival est couplée à des séances de formation dans un jeu d’allers-retours et d’effets miroirs enrichissants. n

©William Garray
Pérouges

« LA PRATIQUE FESTIVALIÈRE

EST UN BESOIN FONDAMENTAL »

Directeur de recherche au CNRS, Emmanuel Négrier

est à la tête du Centre d’études politiques et sociales (CEPEL) de l’Université de Montpellier. Depuis 2005, il travaille sur la question des festivals culturels et il est l’auteur de nombreuses études sur le sujet. Son prochain livre, Création et disparition de festivals en France, coécrit avec Aurélien Djakouane et Julien Audemard, sortira en juin aux Presses de Sciences Po.

PROPOS RECUEILLIS

PAR SARAH NUYTEN

Pourriez-vous décrire l’évolution de la pratique festivalière ces dernières années ?

Si on considère l’ensemble des pratiques culturelles, la pratique festivalière est celle qui a le plus augmenté ces dix dernières années : 19 % des Français en ont une. La pandémie a évidemment marqué un coup d’arrêt assez net, mais depuis 2022, les festivals ont fait de gros efforts pour encourager la reprise, notamment avec des affiches exceptionnelles, et les résultats sont significatifs. Du côté des festivaliers, il existe une très grande variété de profils. On peut par exemple observer que le public des festivals de musiques actuelles sera plus populaire que celui des festivals classiques ; le public des festivals de chorégraphies ou littéraires sera plus féminin que la moyenne, tandis que les festivals de jazz et de rock attireront à l’inverse un public plus masculin… Mais la caractéristique commune, malgré l’image populaire du festival, c’est que les classes supérieures sont toujours surreprésentées.

Et pour ce qui est des motivations des festivaliers ? Il est intéressant en effet de comprendre pourquoi on se rend à un festival. Il n’y a pas de réponse unique à cette question, mais autant d’esthétiques festivalières différentes que de motivations. On vient entre amis faire la fête au Festival Interceltique de Lorient, qui est reconnu pour sa dimension de liesse, son parcours urbain et sa

convivialité, tandis que le festival L’Été photographique de Lectoure, accolé à un centre d’art, réunira plutôt un public d’amateurs d’art ainsi que des touristes issus d’une certaine catégorie sociale. Mais à grands traits, il y a toujours deux motivations articulées : la motivation esthétique, le fait d’aller à la rencontre d’une œuvre ou d’un artiste qu’on aime, et l’envie de faire la fête, de découvrir un patrimoine, de prendre part à une expérience collective éphémère et joyeuse. Dans notre société contemporaine saturée de morosité, l’idée d’être pleinement présent à l’instant est encouragée. Or le festival se prête bien à ce présentisme : sans abonnement ni fidélité absolue, c’est un événement qui n’offre rien

il y en aurait autour de 2 000. La deuxième particularité, dont découle la première, c’est le mode de financement : les festivals français bénéficient souvent de financements publics, avec le modèle des financements croisés. Il y a ainsi des festivals qui sont à la fois soutenus par la région, le département, la communauté de communes, la ville, parfois l’État…

« Nous avons recensé près de 7 300 festivals sur tout le territoire. À titre de comparaison, au Royaume-Uni ou en Allemagne, il y en aurait autour de 2 000. »

de sérieux, sinon une perspective réjouissante. Voilà quelque chose dont on a de plus en plus besoin.

Quelles sont les particularités du modèle festivalier français par rapport à d’autres pays européens ?

Sa première particularité est son importance numérique : grâce à une cartographie réalisée en 2022, nous avons recensé près de 7 300 festivals sur tout le territoire. À titre de comparaison, au Royaume-Uni ou en Allemagne,

Cette galaxie de financements publics, ce maillage territorial, joue un rôle clé dans l’appui aux festivals. La dernière caractéristique majeure du modèle français réside dans le poids du statut associatif et le rôle du bénévolat : plus de 80 % des festivals sont des associations loi 1901. L’importance de ce statut à but non lucratif joue un rôle majeur, car il facilite l’obtention de subventions, offre la possibilité d’associer des bénévoles et celle de jouer, économiquement, sur plusieurs tableaux, avec des aspects

excédentaires et déficitaires qui se compensent, sans que l’objectif soit de nourrir des actionnaires.

Quels sont les différents types de festivals en France ? Il n’y a pas un modèle unique de festival, mais une pluralité, avec des modalités et des ressorts spécifiques. Pour faire simple, environ 8 % des festivals sont des emblèmes ou des grands formats : ce sont les festivals dont on parle tout le temps, comme les Eurockéennes de Belfort, le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, La Biennale de Lyon ou le Festival d’Automne à Paris. Ces festivals combinent une programmation énorme et un soutien public assez significatif. Ils sont importants pour les filières concernées et ce sont aussi des lieux de rencontres professionnelles et de légitimation pour les artistes. Il y a ensuite les catégories intermédiaires, qui sont des festivals significatifs, toutefois moins importants que les grosses machines dont nous venons de parler. Ils représentent 15 % des festivals, sont soutenus par les collectivités territoriales et participent de l’identité de ces

territoires. On peut citer Les Nouvelles Traversées de Noirlac, Les Nuits musicales d’Uzès ou le D’Jazz Nevers Festival. Ce sont les festivals qui sont les plus en danger, car comme l’aurait dit Pierre Bourdieu, ils sont l’équivalent de la classe moyenne. Ils craignent de tomber dans la classe populaire et ne regardent que vers le haut, au risque de se brûler les ailes

fragilités liées à la sociologie du bénévolat, notamment la question du renouvellement, mais plus d’agilité car ils bricolent et parviennent à compenser des coûts grâce à l’énergie des bénévoles.

Dans un contexte global morose, marqué par la baisse des aides publiques, comment se porte l’économie des festivals ? Actuellement, le coût des festivals augmente et devient difficile à maîtriser, alors que les recettes ne sont pas à la hausse, et ce malgré une augmentation de la fréquentation. Les subventions stagnent et les festivals rechignent à augmenter les prix des billets de manière significative pour ne pas décourager le public. Les coûts artistiques et techniques sont élevés, les festivals sont confrontés aux aléas climatiques, en particulier dans le Sud, les polices d’assurance augmentent… Bref, c’est une économie sur le fil du rasoir. Par essence, le fonctionnement économique du festival est toujours menacé, il s’agit d’une de ses caractéristiques. Les festivals rentables ne le sont que de manière

« Le paradoxe aujourd’hui, c’est que le monde du festival est en danger économiquement, alors qu’il n’est pas en danger sociologiquement, ni territorialement. »

en prétendant devenir de très gros festivals. Ensuite viennent les petits formats, soit 20 % des festivals. On est sur une tout autre échelle, ils sont caractérisés par un niveau d’activité très bas. Ce sont les festivals de milieu rural, comme les Moments musicaux du Tarn. Et il faut évidemment parler de la catégorie des festivals dits « volontaires » qui représentent à eux seuls 33 % de l’offre, et s’appuient énormément sur les bénévoles, comme le Watt the Funk Festival, dans le Gard. Paradoxalement, ils ont des

médiocre. Mais il est aujourd’hui légitime de se demander si certains festivals vont être capables de supporter la situation de tension actuelle. Cette année va être cruciale, car les collectivités territoriales ont le plus grand mal à boucler leur budget : il est donc probable que les subventions baissent, alors que les coûts augmentent. Le paradoxe, c’est que le monde du festival est en danger économiquement, alors qu’il n’est pas en danger sociologiquement, ni territorialement. Même s’il n’y a pas de solution miracle,

l’une des pistes de réflexion pour redresser la barre serait de revenir à une échelle plus humaine, de renoncer aux têtes d’affiche, qui sont extrêmement coûteuses, et de passer à la décroissance prospère. Mais ce choix n’est pas simple, car ce sont les têtes d’affiche qui garantissent le renouvellement du public. Pour augmenter les recettes, il faudrait aussi que les politiques publiques aient conscience que la pratique festivalière est un besoin fondamental, qui s’exprime par la sociologie de la fréquentation.

Quel est l’impact des festivals sur le rayonnement culturel français et francophone ?

Ils jouent un rôle important dans la promotion de la francophonie et de la culture française, au niveau national et international. Il existe des festivals spécifiques à la francophonie, comme le festival Avec la langue, qui vont montrer la diversité linguistique de la francophonie, avec les langues régionales de France et celles des territoires d’outre-mer et des autres pays francophones. Ce type de programmation reflète la richesse et l’étendue de la francophonie, audelà des frontières de l’Hexagone. En France, les festivals attirent principalement un public national, à l’exception des évènements transfrontaliers ou ceux qui ont lieu dans des zones touristiques internationales. On compte aussi peu de festivals français à l’étranger. Pourtant, l’impact de l’activité festivalière sur le rayonnement international est significatif, car les 7 300 festivals constituent une reconnaissance et une source de revenus importante pour les artistes. De nombreux artistes français, des musiciens classiques aux stars du rock, ont fait leurs premières armes dans les festivals avant de conquérir la scène internationale. Ce sont ces artistes qui vont contribuer au développement et à la diffusion de la culture française et francophone. n

DOSSIER |

PROFESSION : FESTIVALIER

7 282 festivals en France sur tout le territoire. Tous les arts, tous les genres, tous les lieux… Une offre susceptible de séduire le plus large public. Mais quel public ? Analyse.

PAR JACQUES PÉCHEUR

Dire que le spectateur a l’embarras du choix, c’est un euphémisme… Choix des genres : toutes les musiques (des musiques du monde à la musique classique, du rock au jazz), la danse, le cinéma, le théâtre, le cirque, les arts de la rue et aussi la photographie, les arts plastiques…

Choix des dates : malgré une concentration sur juillet-août, il y a une avant-saison printanière et une après-saison automnale des festivals…

Choix des lieux : le Sud méditerranéen bien sûr mais aussi tout l’arc côtier, Atlantique, Manche, mer du Nord et les pays de l’intérieur, du Gers au Territoire de Belfort, du massif Central aux Alpes, des pays de la Loire aux pays du Nord… L’identification de la culture à des lieux a largement contribué en France à sa mythification, qu’on songe au Palais des papes pour Avignon ou à la Croisette pour Cannes.

QUI ? OÙ ? QUOI ?

Mais ce spectateur si curieux, si mobile, si indifférent aux saisons, qui est-il ? Chaque festival, soucieux

de sa pérennité, cherche à en savoir plus sur cet oiseau migrateur qu’il aimerait bien fidéliser. D’apparence, c’est plutôt une femme (60 % du public) mais s’il s’agit de musiques actuelles ou de jazz, c’est plutôt un homme (58 %), les femmes elles se réservant la chanson (63 %), la danse, le théâtre et le cirque (64 %), la musique classique (68 %) et les musiques du monde (64 %). Oiseau certes, diurne et nocturne, mais pas si migrateur que ça : on découvre avec stupéfaction que les festivaliers sont majoritairement un public de proximité : 52 % d’entre eux habitent le département où se déroule le festival ; et si l’on étend le périmètre à la région, le chiffre monte à 74 %. Avec quand même des domaines qui exercent une plus forte extraterritorialité : à ce jeu-là, ce sont les festivals de jazz qui affichent le rayonnement le plus élargi avec 58 % de son auditoire qui vient d’ailleurs. Une explication : la particularité de leurs affiches et la rareté de certains artistes programmés (cf. Marciac)

D’ici plutôt que d’ailleurs, donc, mais avec quel âge moyen ? Plutôt élevé : 48 ans. Mais ce chiffre cache une grande disparité selon la programmation. S’il s’agit de musiques actuelles (rock, pop, électro, rap), ce sont les plus jeunes (35 ans en moyenne) qui s’y retrouvent. Et bien sûr, c’est dans le haut de la pyramide (60 ans en moyenne) qu’on trouve les principaux amateurs de musique classique. Entre les deux, la chanson (49 ans), les musiques du monde (52 ans) et le jazz (56 ans) représentent des esthétiques musicales appréciées par de plus larges générations. Quant au spectacle vivant, il peut se réjouir de la relative jeunesse – est-ce un effet transgénérationnel ou le renouvellement des formes artistiques (danse, cirque) ? – de son public (45 ans).

AVEC QUEL STATUT ?

Dans ces choix artistiques, quelle part ont la situation sociale et le statut socioprofessionnel ?

Chacun son couloir : aux jeunes, les musiques actuelles et le spectacle vivant ; aux actifs, les musiques du monde, la chanson et également les musiques actuelles ; aux retraités, la musique classique et le jazz.

En revanche pour les festivals de musiques actuelles dont l’attractivité est également importante, c’est l’ambiance, l’esprit du festival qui priment et sont la clé du succès. L’attractivité internationale des festivals reste toutefois relative : à peine 4 % des publics viennent de l’étranger.

D’abord, contrairement à une idée tenace et traumatisante à la fois pour les décideurs et les programmateurs, pas de raz de marée des « crinières blanches ». Les actifs sont bien majoritaires (54 %) à fréquenter les festivals, les jeunes (13 %) de plus en plus nombreux, quand les retraités constituent une popu-

Créé il y a près de vingt ans par des enseignants pour faire découvrir le théâtre à leurs élèves, le festival Komidi est devenu le plus important rendez-vous du spectacle vivant en outre-mer.

KOMIDI, C’EST AVIGNON À LA RÉUNION !

Dans le sud-ouest de l’île de la Réunion, le théâtre envahit les villes de Saint-Joseph, de Saint-Paul ou de L’Étang-Salé durant onze jours. Dès le matin les spectacles démarrent, à destination des élèves de maternelle jusqu’au lycée. Le soir, ces mêmes spectacles accueillent tous les publics. En nombre : près de 36 000, qui se pressent dès la mise en vente des places quelques semaines avant le festival, qui cette année débute le 23 avril.

En dix-sept éditions, le festival Komidi est devenu un rendez-vous majeur du théâtre dans l’océan Indien. À l’origine de cet évènement, une poignée de professeurs d’un lycée de Saint-Joseph. Parmi eux, Philippe Guirado, prof d’histoire-géo, explique : « Le théâtre est systématiquement au programme du bac de français sans que les élèves ne soient jamais allés voir un spectacle. Dans une de mes classes de seconde, beaucoup ne savaient pas qui était Victor Hugo. » Ce constat incite dès 2008 la petite bande à programmer quelques compagnies théâtrales de La Réunion. Ces enseignants

se rendent chaque été au Festival

Off d’Avignon, où se jouent 1 500 spectacles (!), et ils décident de faire venir à Saint-Joseph leurs meilleures découvertes. Soit entre vingt et trente pièces de France, de Suisse ou de Belgique, mais également quelques-unes de l’île.

Diversité, proximité et accessibilité

Président de l’association Komidi, Philippe Guirado se souvient : « La ville n’avait ni théâtre ni tradition théâtrale. Nous souhaitions d’abord permettre à des enfants et à des adolescents d’accéder gratuitement au spectacle vivant. D’un festival avec deux scènes, nous avons grandi et débordé notre localité pour irriguer huit communes avec 18 salles. » Le sud est moins touristique et plus pauvre que le reste de l’île, avec 40 % de chômage. Plus éloigné aussi de grands établissements culturels, comme le Centre dramatique national de l’océan Indien ou le Téat Champ Fleuri situés à Saint-Denis, au nord. Depuis 2008, le festival s’est professionnalisé. Mais son organisation est entièrement bénévole, plus d’une centaine de personnes prêtant

main-forte à Komidi, qui bénéficie de subventions publiques et de deux grands mécènes, Zeop et le fonds Réunion des Talents. Cela permet des tarifs très bas : 5 euros la place. Les pièces sont données jusqu’à huit fois, notamment devant des élèves, accueillis gratuitement. La programmation est éclectique et plutôt contemporaine, Beaumarchais ou Racine sont rarement joués. Les festivaliers ont ainsi pu découvrir une pièce sur le Réunionnais Roland Garros (un aviateur et non un tennisman !) mis en scène par Éric Bouvron ou encore trois pièces d’Alexis Michalik, l’auteur-metteur en scène le plus joué actuellement et luimême « enfant » du Off d’Avignon. Côtés comédiens, il est nécessaire de s’adapter. « Ici, les compagnies sont tout-terrain », rigole Éric Bouvron. Car les spectacles sont donnés à chaque fois dans un lieu différent : des théâtres mais aussi des salles municipales ou un gymnase, avec leurs contraintes (taille de la scène, hauteur du plafond…). Il faut parfois monter en voiture à 800 mètres d’altitude par des routes pentues et sinueuses. Les artistes séjournent

KOMIDI EN CHIFFRES

« Nous souhaitions permettre à des enfants et à des adolescents d’accéder gratuitement au spectacle vivant. »

en général deux semaines sur l’île, ce qui leur donne l’opportunité de voir d’autres spectacles, de rencontrer les spectateurs… et de visiter La Réunion. Une proximité s’instaure vite entre les comédiens, les bénévoles et le public. On se croise régulièrement, on se retrouve le soir après les spectacles autour d’un rhum arrangé pour écouter un concert de maloya sous le chapiteau installé par le festival.

Festival de théâtre créé en 2008 à Saint-Joseph

• 17e édition du 23 avril au 3 mai

• 36 000 spectateurs dont 12 000 élèves

• 47 spectacles présentés en 2025

• 19 compagnies réunionnaises et 28 compagnies hexagonales ou étrangères

• 211 représentations dans 18 salles de l’ouest de l’île

• Une organisation entièrement bénévole

• Une école de théâtre : Lakademi n

« UN FESTIVAL EST TOUJOURS UNE BELLE OPPORTUNITÉ DE METTRE LES ÉTUDIANTS EN ACTION »

Participer au sein du public en tant que festivalier, créer des contenus, monter sur scène, voire créer soi-même son propre festival… Autant de manières de s’associer à ces moments culturels intenses et festifs que sont les festivals, pour mieux travailler le français avec les apprenants.

Un festival est toujours une belle opportunité de mettre les étudiants en action, de les faire sortir de la salle de classe, de mettre en œuvre une pédagogie par projet ! », s’enthousiasme Virginie Forestier, enseignante au Centre international rennais d’études de français pour étrangers (CIREFE). Quand elle a été sollicitée par Nos futurs, festival « par les jeunes et pour les jeunes » organisé à Rennes depuis 2022 aux Champs Libres, elle n’a pas hésité à monter un travail d’écriture avec l’une de ses classes. Le sujet ? Leur parcours avant leur arrivée en Bretagne, leurs projets et leurs espoirs. L’aboutissement : un carnet sonore, « D’où je viens… pour aller où ? », livret illustré assorti de QR codes, présenté dans le cadre du festival et complété par une série de quatre podcasts « Portraits d’ici, portraits d’ailleurs », plongeant plus en détail dans le parcours de quatre jeunes étudiants ou animateurs culturels. « J’ai réalisé ce projet avec une classe de niveau B2 – il se prêtait bien à l’utilisation du passé composé ! », s’amuse l’enseignante qui n’oublie pas ses objectifs grammaticaux.

Au-delà de la langue française, les festivals peuvent être aussi l’occasion

Le festival est une occasion propice de faire converger action pédagogique et action culturelle.

de faire résonner le multilinguisme. Mené dans le cadre des Nuits de la lecture, le « Lirathon » lancé par le CIREFE le 23 janvier a proposé pas moins de 12 heures de lecture continue : « Nous avons souhaité donner de la voix au français, mais aussi à toutes les langues, dont certaines très rares, explique Gaël Zanol, l’enseignante qui a porté l’évènement. Nous avons entendu de l’espéranto, du koumyk – une langue du Caucase russe –, du gallo, du breton… Les participants étaient à Rennes mais aussi au Japon, aux États-Unis, en Italie, en République tchèque. Une école internationale de Liverpool a même participé, et a fait entendre, entre autres, des poèmes de Baudelaire. »

Saisir l’opportunité des festivals Festival dédié à la jeunesse, à la lecture donc, mais aussi festivals de théâtre, de musique, de photographie… l’offre ne manque pas. Hors de France, nombreux sont les festivals pluridisciplinaires organisés par le réseau culturel qui mettent en avant la culture française et les échanges culturels, à l’image du French May de Hong Kong, de Bonjour India en Inde, ou de Croisements en Chine. « À l’occasion du French May, les affiches qui parsèment la ville créent une curiosité pour le français, qui a toujours, ici, l’image d’une langue de culture », commente David Cordina qui a été pendant cinq ans directeur des cours à l’Alliance française de Hong Kong. Même si la programmation est conçue avant tout pour un public

ROMANS

LA LITTÉRATURE AU CŒUR

Dans un jeu de miroirs, Éric Fottorino donne au narrateur de son dernier roman, Des gens sensibles, l’identité d’un écrivain. Celui-ci se nomme Jean Foscolani, dit Fosco, et son premier roman s’intitule : Des gens sensibles … Jean relate donc un épisode intense de sa jeunesse quand, primoromancier, il a la chance d’être édité et lancé dans l’arène littéraire par Clara, attachée de presse des éditions Le Losange… « J’avais vingt ans et j’avais écrit le plus beau roman du monde. C’est Clara qui le disait. Je croyais tout ce que disait Clara. »

Avec cet incipit, l’auteur exprime la fougue d’une relation hors norme. Le trio qu’il forme avec Clara et Saïd, écrivain algérien reconnu et adulé mais menacé par les fanatiques religieux qui sèment la terreur (nous sommes dans les années

AFFAIRE

1990), vibre d’un amour commun pour la littérature et la liberté. Des êtres frappés au cœur et au corps cherchant l’antidote à un mal originel… Avec le recul et le temps passé, Jean raconte et analyse cette période en mettant en relief les fêlures humaines, à l’œuvre dans la création comme dans le monde politique. À la fois critique et nostalgique, le personnage de l’écrivain revenant aux origines de sa carrière littéraire ne manque ni de panache ni de séduction… La littérature est bien au cœur du sujet. « D’une faille, d’un silence ou d’une absence pouvait naître une œuvre, comme de cette envie de pleurer sans raison qui me poursuivait depuis l’enfance. Clara le savait, qui citait Musset : “Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie.” » Le génie des gens sensibles ? n

PENDANTE

Ne vous inquiétez pas davantage que Jean Echenoz pour l’affaire de l’inconnu qui s’est écrasé au sol… dans un joli alexandrin tout en allitération, comme « un sac de ciment chu d’un échafaudage », de toute façon, comme le constatera son auteur à mi-récit avec son humour réjouissant, « l’affaire de l’inconnu tombé du dernier étage demeure pendante ». Car comme toujours chez Echenoz, c’est ailleurs, à côté, devant, derrière, audessus, au-dessous que ça se passe. Par exemple dans le même immeuble, au troisième, qui servira de cadre de l’aveu de l’auteur, à une vraie « pantalonnade » et où habite Michèle Severinsen en attente d’un coup de téléphone pour un rôle qui relancera, si l’on peut dire, sa carrière ; et surtout au quatrième, où réside Bristol, témoin par défaut de la chute de l’inconnu mais trop occupé à

la préparation de son prochain film qui s’appelle pour l’instant Nos cœurs au purgatoire. C’est quand même lui qui donne son titre au roman, et c’est quand même autour de son film que toute l’histoire va se tricoter et se détricoter et inversement. Bref, on est chez Echenoz et on est entré dans son livre pour le plaisir, comme le dit l’auteur, de « l’ellipse » plutôt que de « l’hypotypose » (comprenez de la scène longuement décrite pour faire réaliste)… et aussi, parce que le récit vous offre l’alternative « d’émettre plusieurs hypothèses » ou de « s’en foutre éperdument », et que tant pis « si le récit vire à l’artifice », « si ça se déroule ainsi », « après tout, des choses pareilles arrivent aussi dans la vraie vie ». Et pour continuer, cette petite dernière pour la route, ce « froissement feutré, frileux, fragile de la pluie quand elle tombe… ». n J. P.

POCHES POCHES POCHES POCHES POCHES

Elle est pharmacienne. Il est médecin. Ils sont mariés depuis dix ans. Elle est séduite par Daniel, le comptable de la pharmacie… Un trio amoureux dans la classe moyenne occidentalisée du Maroc, sous le regard de la société et face aux rigueurs des coutumes et de la législation.

Avec ce cinquième roman, la romancière camerounaise croise le destin d’une famille sur trois générations avec la grande histoire du pays. De Zacharias à Zach, d’un grand-père à son petit-fils, l’éloignement de l’exil, les « tentations de l’Occident », les déchirements et les bouleversements d’une société.

Hemley Boum, Le Rêve du pêcheur , Folio

Publié en 1988, ce premier roman de l’écrivaine mauricienne conte l’effroyable destinée d’une jeune fille, mal-aimée par ses parents, vendue par son père et qui tombera dans les bras d’un proxénète de Port-Louis… Un terrible envers à la carte postale de l’île. Ananda Devi, Rue la poudrière Sira Project’îles poche

Après la Corée du Sud, Vladivostok… le Périgord. Deux sœurs s’y retrouvent, après une séparation de huit ans, afin de vider et vendre la maison de famille. De retour des États-Unis où elle est scénariste, l’aînée rejoint sa sœur aphasique. La séparation, les silences, les secrets, la difficulté de communiquer.

Elisa Shua Dusapin, Le Vieil Incendie, Folio

Dans les années 1960, la militante martiniquaise (1920-1976, autrice de Le temps des madras) se fait embaucher comme femme de ménage, femme de chambre ou couturière. De mai 1962 à juin 1964, elle écrit son journal (paru en 1992) qu’elle adresse à son amie Carolina. Acerbe, drôle et… affligeant. Françoise Ega, Lettres à une Noire , Folio

Bristol , Jean Échenoz, Les Éditions de Minuit
Des gens sensibles , Éric Fottorino, Gallimard

QUATrE NUiTS HALLUCiNÉES

La plus marquante sortie francophone de cette première moitié d’année date d’il y a plus de cinquante ans. En 1971, Robert Bresson signait l’un de ses chefs-d’œuvre, revenu en salles cet hiver et en DVD chez Potemkine ce printemps. Adapté de la nouvelle Les Nuits blanches de Dostoïevski (comme Notte Bianchi de Luchino Visconti avant lui), Quatre nuits d’un rêveur a enfin eu sa restauration tant attendue. Le long-métrage était entouré d’une aura mystérieuse, en grande partie liée à son inaccessibilité – à l’exception de quelques copies peu flatteuses. Bresson présente deux personnages aux antipodes l’un de l’autre : Jacques (Guillaume des Forêts) est un jeune homme nonchalant et blasé, présenté de jour lors d’une promenade campagnarde. Marthe (Isabelle Weingarten)

LES ProCHAiNES SÉANCES

est au contraire montrée de nuit, au bord du Pont-Neuf et des larmes, prête à sauter dans la Seine. Le cinéaste met en scène deux jeunes adultes post-68, dans un film onirique éloigné de la réalité. Tout est affaire de rêves inachevés : l’un est artiste raté qui suit les femmes sans oser les aborder, l’autre est tombée amoureuse de l’image qu’elle s’était faite d’un homme avant même de voir son visage. En grande partie tourné sur le Pont-Neuf, bulle rêveuse des protagonistes, Quatre nuits d’un rêveur montre tout Paris en un seul lieu. Paris et ses concerts improvisés sur des bateaux-mouches, Paris et ses jeunes désabusés, Paris et ses rêveurs. Bresson réalise un film d’obsessions, halluciné, où la myriade de perspectives se fond dans les désillusions d’une génération idéaliste. n

EN SÉriES

37 SECoNDES à NE JAMAiS oUBLiEr

Basée sur l’histoire de la disparition du Bugaled Breizh, qui a causé la mort de cinq marins en 2004, 37 secondes transcende le récit du naufrage pour devenir une fresque sociale et judiciaire. La série scénarisée par Sophie Kovess-Brun et Anne Landois dénonce les dérives institutionnelles et dévoile le combat des endeuillés en quête de justice, principalement à travers la brillante Nina Meurisse. La comédienne offre au récit toute la sentimentalité nécessaire pour accrocher le spectateur. n

Disponible sur Arte.tv

SUPEr-HÉroÏNE

En quatre épisodes d’une intensité lumineuse, Nismet dresse le portrait — inspiré de l’histoire de l’actrice Nismet Hrehorchuk — d’une adolescente qui, en réponse à l’infamie, s’échappe de son domicile-prison et part en quête d’émancipation. Avec retenue (une habitude chez le réalisateur Philippe Faucon), la protagoniste se mue en héroïne, tenant tête à son beau-père brutal et cruel, s’opposant à un système patriarcal qui tente de l’étouffer. Nismet apprend, combat, et transforme à travers une lutte acharnée le macabre en espoir. n

Disponible sur Arte.tv

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Juliette Binoche sera la présidente du jury du 78e Festival de Cannes qui aura lieu du 13 au 24 mai. Après les récompenses de la Française Coralie Fargeat (The Substance) et du casting d’Emilia Pérez en 2024, le cinéma francophone pourrait de nouveau briller sur la Croisette. n À Angers, le festival

Cinémas d’Afrique fêtera sa 20e édition ! Une édition anniversaire qui se déroulera du 12 au 18 mai n

La 4e édition du Festival du film de demain aura lieu du 4 au 8 juin à Vierzon. Cette année, c’est sur le thème de l’amour que le festival souhaite donner la parole à la jeune génération. Une bourse de 3 000 euros est à la clé. n

Le Festival du film d’animation d’Annecy, qui avait récompensé la merveilleuse production franco-lettone Flow (film oscarisé depuis) l’année dernière, se déroulera du 8 au 14 juin n

53e édition du FEMA à La Rochelle. Entre reprises du Festival de Cannes et cycles dédiés au cinéma francophone et européen, le Festival La Rochelle Cinéma (FEMA) se déroulera du 27 juin au 5 juillet n

niveau : A2 + / B1 pour adultes durée : 120 minutes

OBJectifs :

n OBJectifs Linguistiques : Vocabulaire : exploitation du lexique des festivités.

n OBJectifs cOMMunicatifs : Repérer des informations issues d’une affiche publicitaire, interagir oralement au sein d’un groupe, écrire un message à un(e) ami(e), présenter un évènement festif de son pays. Rechercher des informations disponibles en ligne.

n OBJectifs intercuLtureLs : Échanger et débattre sur les festivités de son pays et en France.

n MatérieL : Fiche apprenant, affiches de la Fête du Citron à Menton 2024 et 2025.

La fêTe dU ciTrOn à menTOn

Fiche enseignant

mise en route

Notes pour les enseignant(e)s : la séquence qui suit doit être exploitée de préférence de manière présentielle. Mais, si l’enseignant(e) n’a pas suffisamment le temps pour réaliser toutes les activités, il est également possible de réaliser la production écrite finale en autonomie.

Activité 1 En binômes, les apprenant(e)s circulent dans la salle de classe et posent les questions aux camarades. Ils/elles complètent le tableau de l’activité 1. Après le temps imparti, chaque apprenant(e) prend la parole et expose ses découvertes au groupe classe.

compréhension et répérage

Activité 2

Tout d’abord, l’enseignant(e) projette les affiches en grand format au tableau. Ensuite, il/elle invite les apprenant(e)s à les observer et à répondre aux questions figurées sur l’encadré. Chaque apprenant donne un élément de réponse.

Activité 3

À l’aide du smartphone, les apprenant(e)s recherchent des informations sur la « la Fête du Citron » en prenant des notes sur les informations les plus importantes :

- À quel moment la fête a-t-elle lieu ?

- Est-ce une fête payante ou gratuite ?

- Pourquoi on l’appelle la Fête du Citron ? Etc.

En grand groupe, ils/elles exposent leurs découvertes au groupe classe sous forme de mini-exposé oral.

Activités 4 et 5

À l’aide du smartphone ou d’une tablette, les apprenant(e)s réalisent les activités 4 et 5. L’enseignant(e) réalise une correction en grand groupe.

Activité 6

En binômes, les apprenant(e)s échangent sur la question posée sur la fiche de l’apprenant pendant le déroulement de l’activité.

recherche en ligne et production

Activité 7

En binômes et à l’aide du smartphone, les apprenant(e)s se rendent sur le site officiel de la ville de Menton.

Ils/elles naviguent sur celui-ci et repèrent des informations sur cette ville :

- les dates importantes à retenir

- les activités de loisirs qu’on peut y faire

- l’emplacement géographique

- les monuments à visiter

- la gastronomie, etc.

Ils/elles prennent des notes, puis ils préparent un mini-exposé à l’aide des phrases types proposées dans l’encadré figurés sur la fiche de l’apprenant.

L’enseignant(e) explique la consigne aux apprenant(e)s. Pendant la réalisation de celle-ci, il/elle circule dans la salle afin d’orienter les apprenant(e)s si besoin.

Fiche À DÉtacheR et

Fiche aPPRenants

étape 1 : mise en route

Activité 1

Circulez dans la salle de classe pour un sondage. À l’aide de la fiche distribuée par votre enseignant(e), posez des questions à vos camarades.

Complétez le tableau, puis exposez vos résultats au groupe classe.

SONDAGE Par rapport aux festivités culturelles proposées dans votre ville, vous y ...

Apprenant y participez activement y participez de temps en temps n’avez pas le temps d’y participer ne vous y intéressez pas plus que ça n’y voyez aucune intérêt.

étape 2 : échangez et découvrir

Activité 2

Observez les deux affiches d’une fête très célèbre en France (la Fête du Citron). En binômes, observez-les, puis répondez aux questions suivantes. Mise en commun en grand groupe.

- Quelles informations apprend-on sur cette fête ?

- Que propose-t-elle à ses spectateurs?

- Où a-t-elle lieu ? Dans la rue ? Dans une salle de spectale ? Sur des gradins ?

- Pourquoi l’appelle-t-on la Fête du Citron ? Imaginez.

- D’après-vous, il s’agit d’une fête gratuite ou plutôt payante ?

Pourquoi ?

- Il s’agit d’une fête accessible à tous ou plutôt à un public précis ?

Pourquoi ?

- Est-ce une fête récente, traditionnelle, ancienne ? Justifiez.

Activité 3

Individuellement et à l’aide de votre téléphone, recherchez des informations sur cette fête. Faites-en un résumé, puis exposez vos découvertes à vos camarades.

Activité 4

Avec votre téléphone et vos écouteurs, visionnez la vidéo une première fois. Cochez les mots ou les phrases que vous entendez.

 des chars

 un spectacle rythmé

 des tonnes de fruits.

 le public découvre

 la Fête du citron, ça se prépare.

 il est moche comme tous les autres chars.

étape 3 : visionnez

Activité 5

Visionnez la vidéo. Faites les activités ci-dessous. Quand vous aurez fini, vérifiez vos réponses avec celles de vos camarades.

a. D’où proviennent les citrons utilisés ?

b. Combien de personnes ont participé au premier corso de la fête ?

 2 5000  10 000  30 000 personnes

En contact

c. En général, combien de temps faut-il pour préparer cette fête ?

 un an  six mois  deux ans

d. Quelles sont les réactions des spectateurs sur les tribunes ?

e. Qui conduit les chars ?

f. Notez deux précautions citées par la conductrice.

Activité 6

Et chez vous, dans votre ville, y a-t-il des fêtes traditionnelles ?

À quel moment sont-elles organisées ? Y a-t-il une organisation particulière pendant l’événement ? Laquelle ? Comment cela se passe-t-il ?

Échangez en binômes.

étape 4 : recherchez en ligne et présentez

Activité 7

En binômes, rendez-vous sur le site officiel de la ville de Menton

Naviguez sur le site et repérez les informations essentielles de cette ville (sa localisation géographique, sa population, les monuments historiques à visiter, son histoire, sa gastronomie, etc.). Exposez vos découvertes au groupe classe sous forme de mini-exposé. Aidez-vous des phrases suivantes :

Cette ville se trouve à...

On y trouve...

On peut y faire...

Les habitants sont...

Sa population est de...

Elle est célèbre par...

Il y a des...

On y mange...

La ville propose des...

Le premier corso de la Fête du Citron 2024 à Menton

Avec son parcours clair et balisé, En Contact permet de :

Donner vraiment du sens à la communication

Apprendre concrètement à communiquer à l’oral et à l’écrit

Réemployer immédiatement ce que l’on a appris dans des situations de communication authentiques

Se préparer efficacement aux tests et certifications

Jean-Luc Penfornis

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