R E N F O R C E R L A R E C H E R C H E S U R L E G E N R E P O U R A M É L I O R E R L' É D U C AT I O N D E S F I L L E S E T D E S F E M M E S E N A F R I Q U E
trois institutions qui assurent aux hommes le contrôle sexuel en constituant les femmes en sujets dépendants ou en objets. Il fait état d’un contrôle technique et social qu’exercent les hommes sur la production, la distribution et la consommation des biens matériels et des services limitant ainsi l’indépendance économique des femmes. De la même façon, la société politique est contrôlée par les mâles. D’autres auteurs, dans une analyse anthropologique contraire, identifient la femme africaine comme une force dans la société. D’une part, la femme est une force économique (Sarah Kala Lobé5). Son rôle dans l’activité de production et ses fonctions familiales sont essentiels au bien-être socioéconomique et à l’équilibre de la famille. D’autre part, elle est une force politique (Madeleine Deves6) dans la mesure où dans les sociétés, matriarcales du Sénégal notamment, son pouvoir de décision est mis au service de la gestion politique du pouvoir. Malgré son rôle déterminant dans la vie sociale et l’équilibre de la société, la vision générale de la femme dans la société ivoirienne est celle d’une personne qui est placée sous l’autorité des hommes et à qui incombent les tâches nourricières et de gestion domestique du foyer. Dans la division sociale du travail, la femme est considérée comme le « sexe faible » et l’homme « le sexe fort ». A partir de cette représentation de sexe faible/ sexe fort et des fonctions traditionnelles assignées à la femme et à l’homme (le traditionnel se rapportant ici à des valeurs spécifiques et des matériaux propres à un contexte donné et transgénérationnel7), l’analyse de l’insertion professionnelle de la femme la situe dans les métiers liés à ses fonctions de reproductrice (corps médical : sage-femme, infirmière, médecin) ainsi qu’à ses fonctions nourricières et de gestion du foyer (hôtellerie, restauration, couture, coiffure). De plus, elles occupent des emplois précaires, mal rémunérés, qui contribuent à les rendre plus vulnérables et donc économiquement dépendantes. Doit-on en déduire que les femmes africaines sont condamnées par les pesanteurs socioculturelles dans leur processus d’émancipation socioéconomique et de quête d’autonomie ? Comment comprendre que ces représentations culturelles continuent de peser sur le devenir des sociétés africaines qui, malgré leur complexité, donnent l’impression de ne plus renouveler les fondements du lien social ? A ce sujet, nous rejoignons Akindes (2003)8 pour qui aborder la problématique du changement social revient à la question du lien social 4
4.3 Lien entre niveau d’instruction et insertion des femmes sur le marché du travail en Afrique Le calcul du taux de rendement économique de l’éducation suppose que l’éducation est un investissement dont la valeur dépend directement du coût monétaire de la formation et des avantages futurs anticipés (ou rendement) qu’il procure. Le rendement s’explique par une hypothèse cruciale : le passage par l’école augmente la productivité, donc les revenus. Cette hypothèse a néanmoins été critiquée, car certains théoriciens estiment que l’école ne sert qu’à signaler les individus les plus performants à des employeurs incapables d’observer la qualité des salariés préalablement à leur recrutement, tandis que d’autres pensent que la productivité des individus ne prend réellement d’existence que par l’apprentissage sur le poste de travail. Toutefois, ces différentes approches convergent vers l’idée que l’éducation favoriserait l’accès à l’emploi et accroîtrait la productivité des individus dès leur sortie de l’école ou en facilitant leur adaptation à leur poste de travail. Les compétences et les niveaux d’études influencent donc positivement l’insertion des femmes sur le marché du travail. Le diplôme étant considéré comme un signal en termes d’accès à l’emploi, les chances de trouver un emploi mieux rémunéré diminuent selon le sexe même si le niveau d’instruction est élevé en milieu urbain (Arbache et al, 2010). Les employés ayant atteint l’enseignement supérieur gagnent en moyenne plus de huit fois le salaire de personnes sans instruction, et plus de quatre fois celui d’individus ayant suivi le cycle primaire (Arbache et al, op.cit.). Un niveau d’instruction élevé chez les femmes favorise leur accès sur le marché de l’emploi (Boly et al, 2009).
Harris Memel Fôté, « Les sciences humaines et la notion de civilisation de la femme : Essai sur l’inégalité sociale des sexes dans les sociétés africaines » cité par Germain Nama, op cit. Sarah Kala-Lobé. « Situation de la femme dans la société africaine ». Citée par Germain Nama, op cit.
5
Madeleine Deves. « Le rôle de la femme dans la pratique du droit coutumier. Exemple du Sénégal ». Citée par Germain Nama, op cit.
6 7
Anthony Giddens (2003). Runaway world: how globalization is reshaping our lives. Taylor & Francis
8
Akindès F. : « Le lien social en question dans une Afrique en mutation » dans Souveraineté en crise, pp.379-403. Collection : Mercure du Nord Québec : L’Harmattan et les Presses de l’Université Laval, 2003.
9
Le Lien social selon le Lexique de sociologie, Dalloz, 2007, au sens général, permet aux hommes de vivre ensemble et constitue le fondement de la cohésion sociale. L’expression est utilisée par Durkheim comme synonyme de solidarité sociale. Certains auteurs considèrent qu’il existe trois dimensions au lien social (les liens marchand, politique et communautaire). La crise du lien social conduit à l’exclusion ou à l’anomie.
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en Afrique. Selon lui, « L’étude du lien social9 se veut alors une interrogation sur les capacités des sociétés africaines à se produire… ou à « s’auto-instituer », au sens où l’entend Cornelius Castoriadis (1996 : 196)10 ». Dans cette perspective, l’analyse du changement social sort du cadre bipolaire tradition/modernité dans lequel les sciences sociales africanistes semblent l’avoir enfermé. Son approche s’inscrit dans la perspective actionnaliste qui part du présupposé selon lequel les sociétés sont le résultat d’actions sociales, de décisions ou de transactions diverses. A cet effet, nous pensons que la question de l’autonomisation des femmes africaines et en particulier ivoiriennes pourrait reposer sur les actions de décideurs davantage axées sur les besoins les femmes et leur implication au processus de développement de la société.
Castoriadis (1996 : 196) cité par Akindès op.cit.
Cahiers de recherche du FAWE Vol. 3 - 2013