FAWE Cahiers de recherche - Volume 3, Version complète (2013)

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R E N F O R C E R L A R E C H E R C H E S U R L E G E N R E P O U R A M É L I O R E R L' É D U C AT I O N D E S F I L L E S E T D E S F E M M E S E N A F R I Q U E

où le devoir de fidélité côtoie l’autorisation de polygamie, où l’égalité des sexes se réduit à une égalité d’obligations et à une inégalité de droits systématique entre hommes et femmes (p.163). Une remarquable adhésion des femmes sénégalaises à des mouvements de ce genre fut notée. D’ailleurs, il faudrait mettre au crédit de Yewwu-Yewwi deux acquis majeurs : la reconnaissance et la célébration du 08 Mars, journée de la femme au Sénégal, de même que l’indication claire des perspectives que devront emprunter les organisations de femmes pour mener à terme les revendications politiques et citoyennes. Toutefois, il est apparu que le ventre mou du combat des femmes sénégalaises pour la conquête des places qui reflètent le mieux les rôles et potentialités qui sont les leurs dans la société, souffre de deux choses. Premièrement, autant leur capacité de mobilisation est incontestable à travers les nombreuses structures de regroupement et de solidarité, autant elles perdent de vue le caractère stratégique de leur nécessaire présence là où les choses se décident. Voilà en toute logique les soubassements qui constitueront un terreau fertile et favorable aux futures luttes telles que la parité. Entre temps, le Sénégal ratifiera un bon nombre de traités, conventions et protocoles internationaux en faveur du respect des droits de la femme et de l’amélioration de ses conditions de vie. Par exemples : la Déclaration sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ; la déclaration de Pékin ; la loi n° 2004-35 du 8 janvier 2005, autorisant le Président de la République à ratifier le Protocole à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique, adopté à Maputo le 11 juillet 2003. Au plan interne, le Sénégal a aussi mis au point un certain nombre de lois en faveur des femmes : la Loi n° 2007-23 portant introduction de la parité sur la liste des candidats au scrutin de représentation proportionnelle pour les élections législatives ; la Loi constitutionnelle modifiant les articles 7, 63, 68, 71 et 82 de la Constitution ; le Décret n° 2008-1047 du 15 septembre 2008 portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Observatoire National des Droits de la Femme ; le Décret n°2008-1045 du 15 septembre 2008 portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Direction nationale de l’Équité et de l’Égalité de Genre ; l’Arrêté ministériel n° 10545 en date du 10 décembre 2008, portant création du Comité de Réflexion sur les Violences faites aux Femmes et aux Enfants (CRVFE) ; l’Arrêté n° 092188 du 20 mars 1998, portant création du comité préparatoire et de pilotage du plan d’action pour l’élimination des pratiques néfastes à la santé de la femme ; et la Loi n° 2010-11, du 28 mai 2010, instituant la parité absolue Homme / Femme dans les instances électives et semi-électives. Cette loi sur la parité a permis aux femmes d’obtenir, lors de la dernière législature tenue en 2012, 65 élues sur 150 députés, soit 43,3 % de l’hémicycle. Dans la précédente législature, seuls 22% des sièges de l’assemblée nationale étaient occupés par des femmes députés. Un tel pourcentage de représentativité au sein de l’hémicycle ne constituait pas une taille

critique suffisante pour influer sur les lois. Cette avancée remarquable du Sénégal le classe, ainsi, troisième en Afrique après le Rwanda et les Seychelles, et sixième au monde concernant la représentation des femmes à l’Assemblée nationale. A propos de cette dernière loi, la Radio France Internationale (RFI) rapporte ces paroles de femmes sénégalaises rencontrées dans les rues, le jour du vote de la loi sur la parité : « Aujourd’hui, c’est un grand jour pour nous, parce que les femmes ont gagné ! », lance l’une d’elles. « Ça fait longtemps qu’on lutte, et on vient d’obtenir gain de cause, estime une autre. Cette loi, c’est bien parce que ça nous permet de mieux évoluer dans la politique. D’habitude, nous accompagnons toujours les hommes. Nous sommes toujours derrière les hommes et maintenant nous serons au même niveau. » Ces paroles de satisfaction de voir une telle mesure politique adoptée sont peut-être l’aboutissement de plusieurs autres actes posés antérieurement, au Sénégal, comme de vastes campagnes de lutte ou de formation pour l’égalité ou l’équité des genres, menées par les gouvernants, le monde de l’éducation (par la prise en compte du genre dans le Nouveau Curriculum de l’Education), les organisations de la société civile ou des mouvements de femmes. Ce qui fait dire à Mme Coulibaly, responsable de la section défense et appui des femmes du Réseau Africain pour le Développement Intégré (RADI) : «Sur le plan de la théorie, le droit sénégalais est apparemment juste avec les femmes». Mais, elle se hâte de préciser que, du fait du «décalage» entre ces textes et les lois internes sociales, beaucoup de droits reconnus à la femme restent encore «théoriques». En effet, les idées d’égalité et d’équité des genres rencontrent souvent l’hostilité de la part de religieux, de traditionnalistes, etc. Même cette loi sur la parité ne fait pas l’unanimité. A preuves, ces paroles rapportées toujours par RFI : « On est dans un pays islamique, les femmes ne peuvent pas être égales aux hommes ». Ou encore : « Je pense que c’est une bonne loi, pourvu qu’on ne l’applique pas dans nos foyers, confie pour sa part un jeune. Ah oui, parce que si la parité doit être appliquée dans nos foyers, ça risque de poser des problèmes ! »  Aux plans économique et social L’étude analytique, qui dresse le bilan de la situation économique et sociale des années 1980-1990 des femmes sénégalaises et qui esquisse des projections pour l’horizon 2015, souligne dans ses conclusions la marginalisation des femmes par rapport aux grandes orientations du développement du pays. Le constat est que les femmes ont été reléguées à la périphérie de la planification et des politiques nationales de développement pendant plusieurs années (Sarr, 1998). Même la différence des réalités socio-économiques entre le milieu rural et le milieu urbain ne change en rien les préoccupations des femmes qui ont partout les mêmes rôles et charges. Ainsi, en dépit de leur participation effective comme masse de manœuvre Cahiers de recherche du FAWE Vol. 3 - 2013

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