LE CLUB TUSEME

Le projet de modèle des écoles sensibles au genre du FAWE comme réponse innovante au défi de l’égalité des genres et le succès des filles

le club TUSEME

LE FORUM DES ÉDUCATRICES AFRICAINES est une organisation non gouvernementale panafricaine fondée en 1992 par cinq femmes ministres de l’éducation pour promouvoir l’éducation des filles et des femmes en Afrique subsaharienne en veillant à ce qu’elles aient accès aux écoles et puissent achever leurs études et réaliser leur potentiel. FAWE travaille dans 33 pays africains en s’appuyant sur un réseau de 34 antennes nationales.

LA FONDATION PAUL GÉRIN-LAJOIE est une organisation à but non lucratif qui a pour mission de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations par une éducation de qualité pour tous. Elle intervient dans 11 pays : le Bénin, le Burundi, le Cameroun, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, la Guinée, Haïti, le Mali, le Rwanda, le Sénégal et le Togo.

LE LABORATOIRE DE RECHERCHE SUR LES TRANSFORMATIONS

ÉCONOMIQUES ET SOCIALES est institué sous ce nom en 2012 au sein de l’IFAN Ch. A. Diop. Partie intégrante de l’École Doctorale Études de l’Homme et de la Société (ETHOS), il coordonne la Formation Doctorale “Sciences Sociales Appliquées au Développement” dans le cadre de la réforme Licence-Master-Doctorat (LMD).

LES ÉCOLES SENSIBLES AU GENRE/ LES

CENTRES D’EXCELLENCE

Selon le FAWE, “une école sensible au genre est une école dans laquelle l’environnement académique, social et physique et la communauté environnante prennent en compte les besoins spécifiques des filles et des garçons.

Cela implique que les enseignants, les parents, les dirigeants et les membres de la communauté, ainsi que les garçons et les filles soient tous conscients de l’égalité des sexes et la pratiquent.

Cela suppose également que les systèmes, les politiques et les pratiques de gestion de l’école reconnaissent et répondent aux besoins des filles et des garçons en matière de genre ou de sexe.

En outre, dans une école sensible au genre, le programme scolaire, y compris les méthodes d’enseignement, le matériel d’enseignement et d’apprentissage, l’interaction en classe et la gestion des processus scolaires, est sensible au genre”1

Le modèle des Centres d’excellence est structuré autour de cinq (5) dimensions principales : la gestion, la pédagogie, le matériel d’apprentissage, l’environnement scolaire et l’implication de la communauté. Ces dimensions sont concrétisées par huit (8) composantes clés :

un système de gestion sensible au genre pour la formation des directeurs;

une pédagogie sensible au genre qui concerne la formation des enseignant.e.s;

des incitations favorisant la participation des filles aux STEM;

des bourses scolaires destinées aux filles démunies;

un programme d’autonomisation des jeunes en particulier des filles (TUSEME);

un programme de gestion de la maturation sexuelle;

une infrastructure scolaire sensible au genre et;

l’implication de la communauté dans la gestion de l’école.

LES CLUBS TUSEME

EXPRIMONS-NOUS SANS GÊNE

TUSEME signifie “exprimons-nous sans gêne” en kiswahili. Les clubs TUSEME sont des clubs d’autonomisation des jeunes qui visent à encourager leurs capacités à prendre la responsabilité de faire de bons choix, de résister aux pressions négatives et d’éviter les comportements à risques. À travers des techniques ludiques et artistiques, il s’agit d’à la fois :

Habiliter les filles en vue de leur faire acquérir des compétences de vie courante telles que : la confiance en soi, l’estime de soi, l’assurance, l’expression avec conviction, la prise de décisions et la négociation ; ceci leur permettra de faire face aux contraintes de genre qui entravent leur éducation.

Habiliter les garçons leur permettant de se défaire des attitudes et pratiques oppressives telles que le machisme, l’intimidation, les affronts à connotation sexiste et de s’imprégner de la confiance en soi nécessaire pour accepter en toute bonne foi l’égalité de genre.

Une spécificité de ces clubs d’autonomisation, en particulier les clubs TUSEME, est de se faire de manière ludique, à la fois à travers le jeu et les arts, afin de favoriser l’expression de soi de manière originale, par la poésie, les arts visuels ou encore le théâtre.

L’IMPACT DE CETTE COMPOSANTE

Il s’agit d’une des composantes ayant eu le plus d’impact lorsqu’elle était implantée et elle a parfois dépassé le cadre scolaire où elle se déployait. En effet, au Sénégal, selon les chef.fe.s d’établissement et enseignant.e.s, ces clubs sont responsables à 36,8 % du maintien des filles à l’école. Au Mali, 54,1% des filles notent qu’il s’agit de la composante ayant le plus d’impact, et en République Démocratique du Congo, ce pourcentage atteint 81,5%.

Les acquis des filles en leadership, notamment dans le cadre du club, les accompagnent durant tout leur cursus scolaire et leur parcours professionnel. Par exemple, des anciennes bénéficiaires se sont rencontrées lors des clubs TUSEME dans leur école, et une fois diplômées, elles ont voulu faire perdurer les efforts du FAWE en dehors du cadre scolaire. Elles ont lancé leur propre association “À notre tour d’agir” pour contribuer aux efforts d’accès, du maintien et de succès des filles à l’école.

La mise en place des clubs TUSEME a également généré une amélioration de l’environnement (physique, académique et social) d’apprentissage, une promotion de la scolarisation des filles ainsi qu’une confiance en soi améliorée chez des élèves et la promotion du genre. Ces impacts ont été notamment remarqués au Mali, mais aussi au Sénégal, où des ateliers des clubs TUSEME portaient spécifiquement sur la sensibilisation à la maturation sexuelle ont permis aux jeunes de mieux naviguer leur puberté.

Ils favorisent par ailleurs le leadership puisque les filles bénéficiaires étaient chargées d’animer les clubs elles-mêmes. En République Démocratique du Congo, la majorité des filles (96,6%) affirment se sentir libres de s’exprimer pour donner leurs opinions sur différents sujets de vie qui les concernent. En participant aux clubs, où le focus est notamment mis sur la liberté d’expression, les filles profitent d’opportunités considérables pour leur épanouissement. Cette tendance reste stable au fil du temps, et la grande majorité des filles se sentent libres de s’exprimer à l’école, qu’elles soient à l’élémentaire ou au secondaire.

Les données qualitatives montrent que les clubs TUSEME peuvent être à l’origine de changements significatifs dans les dynamiques de pouvoir et les interactions de genre au sein de l’environnement éducatif2. En effet, ils ont joué un rôle essentiel dans la préservation des droits des filles et dans la sensibilisation des communautés à l’importance de la scolarisation des filles, de leur maintien à l’école et de leur réussite3

RECOMMANDATIONS

Les clubs TUSEME sont un des éléments du modèle les mieux développés et ayant le plus d’impact. Ils peuvent également devenir des points de départ pour intégrer davantage de dimensions pédagogiques. En collectant des données probantes sur les raisons qui poussent les filles à être déscolarisées, des pratiques de renforcement pourraient être intégrées aux clubs. Il est possible de penser notamment à l’encouragement des filles à suivre des filières scientifiques, un besoin identifié plus spécifiquement au Mali et en République Démocratique du Congo.

Par ailleurs, il y a de grandes disparités dans la répartition des clubs TUSEME fonctionnels entre les différents pays. En effet, seulement 8,8% des écoles au Burundi et 10,1% des écoles au Sénégal disposent d’un club. Même si ces chiffres sont plus élevés au Mali (32,1%) et en République Démocratique du Congo (61,6%), les clubs pourraient être davantage mis en place à travers les pays de l’étude.

(p91 du rapport Sénégal)

Figure 50 :

Niveau d’appréciation des clubs TUSEME (%)

TÉMOIGNAGE D’UNE ÉLÈVE CHARGÉE DE CLUB

“Je suis la présidente du mouvement. Nos activités se basent plus sur la sensibilisation des filles en leur expliquant les comportements à adopter lorsqu’elles sont en période de menstrues. Encore de savoir les différentes étapes de l’adolescence et comment doit se comporter un adolescent pour éviter les injustices dont les filles sont victimes de nos jours.

Ça m’est déjà arrivé d’être interpellée à l’école par des filles, car elles ne savaient pas l’existence du mouvement. Et on a fait une sensibilisation à travers un sketch qui a permis l’adhésion de beaucoup de personnes à notre mouvement”

- Élève fille, bénéficiaire, lycée Médina Fall

TÉMOIGNAGE D’UNE ANCIENNE BÉNÉFICIAIRE

“Il se trouve que les filles du FAWE, c’est-à-dire les 40, on s’est retrouvé via WhatsApp, il y’a deux ou trois ans, avant le confinement. On a d’abord créé un groupe de discussion, de retrouvailles et ensuite on a créé une association à notre tour pour aider et remercier FAWE puisqu’on a obtenu tout ça grâce à ce programme-là. Dès le Brevet, on a été mis dans un cadre, on nous a mis sur le chemin et par la suite ça a été plus facile pour nous toutes. Et les 40 filles on s’est retrouvées, on a créé une association qui s’appelle ANTA (À Notre Tour d’Agir) pour aider aussi les filles en reprenant le même schéma dont nous avions bénéficié à l’époque”

- Fille, 39 ans, avocate, ancienne bénéficiaire).

TÉMOIGNAGE D’UN ENSEIGNANT

“Nous avons le club TUSEME et le centre d’excellence et ces mécanismes permettent de protéger les filles et de lutter pour l’obtention des droits de filles pour que les filles ne subissent pas la violence basée sur le genre en milieu scolaire”.

- Homme, enseignant à Samè

Source : Données d’enquête FAWE, LARTES, et FPGL (2023)

(p93 du rapport Sénégal)

COÛTS

La composante des clubs TUSEME, relative à la mise en place d’un programme de formation à l’autonomisation des filles et des garçons, a été déployée dans tous les pays. En moyenne, cette initiative a un coût de 246$ par participant, mais le Sénégal enregistre les coûts les moins élevés, s’élevant à 133$ par participant.

Sur la base des coûts minimums, ceteris paribus, un programme de mise à l’échelle de l’ensemble des composantes et visant à cibler 1000 personnes, y compris des filles, des enseignants et des directeurs, coûterait environ 142 208 USD