Pakistan : Hispar, Biafo, Snow Lake 2018 (1/2)

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par t i e1


Hispar, Biafo & Snow Lake 2018 expé à skis et pulka au Pakistan

Cette magnifique traversée à skis et pulka se déroule au cœur du massif du Karakoram, dans le nord du Pakistan. Elle emprunte le plus grand corridor glaciaire d’Asie (120 km), formé par les glaciers d’Hispar et de Biafo. L’itinéraire relie le pays Hunza et le Baltistan. Hispar est bordé de parois blanches drapées de séracs et d’ice flute tandis que Biafo est dominé par d’immenses tours de granit. Au centre de la traversée se trouve le célèbre inlandsis de Snow Lake, où se conjuguent plusieurs bassins glaciaires : Sim Gang, Lupke Lawo, Hispar et Biafo. Le contraste entre les immenses étendues planes des glaciers et la verticalité des parois alentours est d’une beauté envoûtante. La majesté des pics du Karakoram, associée à la grandeur extraordinaire des fleuves de glace, rendent cette région unique au monde.

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prologue

Faux dĂŠpart 2


ci-contre : vue sur la vallée de Hunza depuis le pied du Fort de Baltit, situé sur le point haut de Karimabad. Au premier plan, le canon de la Hunza, fondu en 1869-70 grâce aux donations des habitants de la vallée ("tous les foyers ont donné un ustensile en laiton et un peu de charbon"). A l'arrière-plan, on voit à gauche le Rakapochi (7788 m) et on distingue à droite le Main Chhish (5880 m).

Jours 1 à 3 : Paris - Islamabad - Karimabad Samedi 21 avril 2018. 4 heures du mat. L’Airbus A330 de la Turkish Airlines atterrit enfin sur le tarmac de l’aéroport Benazir Bhutto d'Islamabad. Une fois les bagages récupérés et le petit déjeuner avalé sur le pouce, nous voilà déjà repartis avec nos sacs et nos skis pour notre première épreuve : l’enregistrement pour le vol intérieur à destination de Gilgit. En effet, il arrive très souvent que les vols vers les Territoires du Nord soient annulés à cause des mauvaises conditions météo. C’est notamment ce qui nous était arrivé il y a six ans lors de ma première expé avec Pierre, avec à la clé plus de deux jours et demi de bus ! Heureusement, aujourd’hui les dieux sont avec nous, car le vol est bien maintenu – ce qui était loin d’être gagné vu qu’aucun avion n’a rallié Gilgit ces cinq derniers jours ! Direction donc le comptoir d’enregistrement avec nos volumineux sacs de vêtements, de bouffe, les réchauds et les skis, que nous faisons plastifier pour limiter la casse… Mais manque de chance, ces derniers ne voleront pas avec nous, car la soute est trop petite. Pierre trouve heureusement la parade en les faisant acheminer par la route en camionnette. Il ne reste plus à espérer que nous les retrouverons dans deux jours. Pendant les cinquante minutes du vol, le paysage change rapidement, passant en quelques minutes des plaines fertiles d’Islamabad aux contreforts enneigés de la chaine de l’Himalaya, le survol du Nanga Parbat (8125 m), puis le massif du Karakoram, hérissé de centaines de sommets enneigés de 6000 et 7000 mètres. Notre ATR d’à peine 40 places pique ensuite très rapidement vers une vallée fertile qui s’ouvre comme un répit providentiel au sein de ce relief tourmenté. Nous voici arrivés à Gilgit, capitale du district éponyme et de la région du Gilgit-Baltistan.

Mais pas le temps de nous attarder, car il nous reste encore une centaine de kilomètres en 4x4 pour rejoindre Karimabad. Avec probablement plusieurs heures de piste vu le relief accidenté. Mais au bout de quelques kilomètres, c’est la surprise, car nous évoluons sur un ruban d’asphalte quasi neuf. Comment cela se fait-il ? La première réponse, c’est que nous sommes sur la fameuse Karakoram Highway (KKH), cette route construite par les armées pakistanaise et chinoise à travers le massif montagneux aujourd’hui emprunté par des centaines de camions. Seulement, elle a été achevée en 1978 et devrait donc être complètement défoncée vu le trafic et les éboulements incessants. En fait, la KKH fait l’objet d’importants travaux depuis 2013, date du lancement par Xi Jinping, le président chinois, du programme des « Nouvelles Routes de la Soie ». Autrement dit, la mythique « route de l’amitié » est devenue en quelques années un axe prioritaire que les Chinois chouchoutent pour y faire circuler camions et marchandises jusqu’au port en eaux profondes de Gwadar, au sud du Pakistan. Après donc deux heures de route, nous arrivons à Karimabad, située à 2500 m d’altitude sur la rive droite de la rivière Hunza. La ville est construite en hauteur sur de grandes terrasses séparées par de hauts murs de pierre, avec sur son point culminant par un petit joyau, le Fort de Baltit, que nous visiterons demain. Mais pour l’instant, les jeeps s’arrêtent quelques dizaines de mètres plus bas au Baltit Fort Inn où nous dormirons deux nuits. C’est là que nous retrouvons Jahangeer, un guide pakistanais qui accompagne Pierre depuis près de quinze ans. Après avoir mangé un morceau, nous partons nous reposer jusqu’au dîner, histoire d’encaisser les 24h de voyage non-stop et les 3h de décalage entre la France et le Pakistan. 3


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Dimanche 22 avril. Aujourd’hui, Pierre nous nous a concocté une petite journée d’acclimatation qui démarre par une petite montée jusqu’au Fort de Baltit, que nous visitons pendant une bonne heure. Au programme : greniers à céréales, cuisines, salle-àmanger et… cachots pour les prisonniers. Mais le lieu le plus emblématique reste la salle du trône, érigée au sommet du palais, et d’où l’on a une vue superbe sur la vallée de la Hunza, avec au loin les sommets enneigés du Rakapochi (7788 m) et en contrebas les oasis de verdure où poussent genêts, peupliers. Superbe. L’acclimatation se poursuit par une balade le long des canaux d’irrigation et des terrasses où poussent abricotiers, pêchers et cerisiers qui sont déjà en fleurs à cette époque et à cette altitude. Cette petite grimpette d’une heure nous permet de monter jusqu’à Eagle’s Nest (le nid d’aigle), sorte de point de vue juché à 2800 m qui permet d’avoir une vue encore plus belle qu’au fort, avec en prime les majestueux sommets du Spantik (7027 m) et du Diran (7266 m). Après le déjeuner, nous descendons de l’autre côté du versant pour rejoindre le village d’Altit, qui possède lui aussi un fort, plus petit que le premier, mais qui vaut le déplacement ne serait-ce que pour sa muraille posée en équilibre sur la falaise qui surplombe la rivière Hunza 200 mètres plus bas. Retour ensuite à pied à l’hôtel.

page de gauche : à peine arrivés à l'aéroport d'Islamabad, nous devons déjà enregistrer les bagages pour le vol de Gilgit. Bertrand et Pierre font plastifier les paires de skis par deux... qui seront finalement acheminées par bus. En bas : l'ATR de la Pakistan Airlines sur le tarmac de l'aéroport de Gilgit. Nous sommes quasiment les seuls touristes. page de droite : sur la route qui nous mène de Gilgit à Karimabad. On commence déjà à voir les ornements multicolores qui font la fierté des conducteurs pakistanais. Dernière photo : devanture à Aliabad, juste avant Karimabad. Ici, les gens se laissent prendre en photo sans difficulté. 5


Vue de la Vallée de la Hunza depuis la salle du Trône du Fort de Baltit, sur les hauteurs de Karimabad. On voit nettement en arrière-plan le Rakapochi, (littéralement « Mur brillant »), également connu sous le nom de Dumani (« La mère des brouillards »). En culminant à 7 788 m, il n’est « que » le 27e plus haut sommet du monde et le 12è du Pakistan,. Toutefois, il doit sa réputation à sa beauté et par une face qui est la plus haute du monde, avec une inclinaison moyenne qui dépasse 50%. En effet, il s’élève directement de presque 5 900 m pour à peine plus de 11 km de distance depuis une moraine de la vallée de la Hunza. Par comparaison, l’Everest s'élève à moins de 4000 mètres au-dessus de sa base, et le Nanga Parbat présente un dénivelé de 7000 mètres sur une distance de 25 kilomètres. (Source Wikipédia) 6


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le fort de Baltit Karimabad, qui s’appelait auparavant Baltit, était connue pour son trafic d’esclaves et comme un arrêt de caravanes qui voyageaient entre l’Hindou Kouch et la vallée du Cachemire. Cette cité prospère était alors sous le règne féodal du Mir de Hunza, qui a fait construire ce fort, qui lui servait aussi de palais. Selon le site Web de la Fondation de l’Aga Khan, le fort aurait plus de 700 ans (XIIè siècle environ), mais le site de l’UNESCO indique de son côté que le noyau de la structure – une seule tour défensive en bois et en pierre – aurait été construit au VIIIe siècle. Celle-ci a ensuite été complétée par des tours supplémentaires reliées par une seule construction composée de petites pièces et des chambres de stockage souterraines. Le complexe a ensuite été élargi par l'ajout d'un deuxième, puis d’un troisième étage (la salle du trône). Ce qui est sûr en tout cas, c’est que le palais a connu de nombreuses modifications et altérations. Au XVIè siècle, le Mir s'est marié à une princesse du Baltistan qui a amené avec elle des maîtres-artisans Baltis pour rénover le bâtiment (comme convenu pour sa dot). Le style architectural montre clairement l'influence du Tibet bouddhiste au Baltistan à cette époque que l’on voit encore aujourd’hui sur la façade et quelques pièces. Par ailleurs, suite à l’invasion des troupes britanniques en 1891, le troisième étage a été en partie rasé et de nouvelles pièces recréées selon le style colonial britannique que l’on voit encore bien aujourd’hui. Au total, Baltit a servi de capitale de la vallée de la Hunza pendant plus de 750 ans, jusqu’au milieu du XXè siècle. Après que le Pakistan soit devenu un pays indépendant en 1947, la province de Hunza contrôlée par le Mir l’a rejoint, en 1974. Le fort, lui, avait été abandonné par les Mirs dès 1945 (ils sont allés s’installer dans un nouveau palais en bas de la colline). Le palais, lui, est plus ou moins resté en déshérence jusqu’en 1990, date à laquelle un projet de restauration de 2,5 millions de dollars en partie financé par la Fondation de l’Aga Khan a permis de le sauver. Le programme s'est terminé en 1996 et le fort est désormais un musée dirigé par le Baltit Heritage Trust qui essaie d’accueillir les visiteurs pour assurer sa sauvegarde. Il est inscrit sur la liste indicative de l’UNESCO depuis 2004. Sources : Wikipedia, Fondation Aga Khan pour la Culture, UNESCO 8


Photos de gauche : la façade ouest Fort, et une vue depuis Eagle's Nest avec en contrebas la vallée de Hunza. page de droite : alors que le rez-de-chaussée se compose principalement de pièces de stockage, le premier étage est orienté autour d'un hall ouvert. Un escalier mène au deuxième étage qui était principalement utilisé pendant les mois d'hiver et contient une salle d'audience, une chambre d'amis, une salle à manger, une cuisine et des appartements pour les domestiques. On y trouve aussi des cachots. Un autre escalier mène au troisième étage, divisé entre une grande terrasse et une partie habitée qui contient la salle à manger d'été, la salle d'audience, la chambre à coucher et la salle de réception (photos de droite).

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à gauche : vue du Golden Pillar, la très caractéristique face nordouest du Spantik (7027 m). Champs et abricotiers en fleurs. à droite : on distingue depuis Eagle's Nest le bas de la vallée, et notamment le Fort d'Altit et son village (habité). En arrière-plan, deux 7000 : le Diran (7266 m) et le Rakapochi (7788 m)

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le fort d'Altit Le fort d’Altit était le premier palais des Mirs de Hunza, avant que ceux-ci ne l’abandonnent trois siècles plus tard. Selon le site Web de la Fondation de l’Aga Khan, le fort et sa tour emblématique, la Tour Shikari, auraient plus de 900 ans, ce qui en fait le plus vieux monument du Gilgit-Baltistan. Le fort, laissé à l’abandon pendant près de 40 ans, a bénéficié d’un important programme de rénovation en partie financé par la Fondation de l’Aga Khan, qui a débuté en 2004 et a duré six ans.

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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

page de gauche : passage de l'un des ponts suspendus, qui enjambe la rivière Shimshal de plus d'une centaine de mètres. A chaque fois qu'une jeep passe, la colonne vertébrale d'acier du pont se tortille dangereusement. Du coup, chaque véhicule attend que le précédent soit passé pour y aller.

Jour 4 : Karimabad (2 540 m) - Shimshal (3 030 m) Ce matin, pendant que Pierre est à Aliabad pour régler les derniers détails techniques, nous en profitons pour faire acheter quelques abricots séchés et acheter des cuillères en bois d’abricotier, spécialités du coin. A 11h30, Pierre est de retour et les 4x4 sont enfin chargés (à la gueule), signe que nous pouvons donc partir, direction Nord-Nord Est pour rejoindre Shimshal, point de départ de notre trek. Mais en attendant, il nous reste près d’une centaine de kilomètres à parcourir.

Comme avant-hier, nous évoluons sur un ruban d’asphalte quasi neuf qui serpente dans la montagne pendant 15 km. Puis nous passons dans deux tunnels qui longent le célèbre lac d’Attabad aux eaux d’un bleu turquoise quasi irréel (cf. encadré). Personnellement, j’aurai adoré traverser ce lac sur une barge de fortune, comme l’avait fait Pierre en 2011. Mais cela nous aurait fait perdre une bonne heure. En tout cas, le paysage est vraiment superbe. Et on comprend pourquoi près de 600 000 touristes viennent aujourd’hui voir la vallée de la Hunza (et vont jusqu’au lac) chaque année. Une heure et demie après notre départ, et après avoir traversé les ponts et maisons recouverts par le lac depuis 2010, nous arrivons enfin au pied des aiguilles de Passu. Celles-ci se détachent nettement dans un ciel bleu immaculé, les rendant encore plus majestueuses. Nous allons d’ailleurs pouvoir les admirer un peu, car nous nous arrêtons déjeuner au Sarai Silk Hotel, qui se situe justement face aux aiguilles. Avec en prime une poignée de main avec l’ambassadeur de Suisse au Pakistan, venu ici probablement pour voir l’avancement de projets de développement que son pays co-finance. Mais nous n’en saurons pas plus. Nous repartons vers 15h, au moment où arrive le camion qui amène Karim (le cuisinier), la bouffe pour les huit jours de trek et nos skis. A peine sortis de Passu, nous sortons de la KKH et bifurquons vers la droite. Au-delà, n’existe alors plus qu’une piste qui s’élance en remontant le cours de la rivière Shimshal. C’est dans ces paysages déchiquetés, au pied d’impressionnants défilés rocheux, que fut inaugurée en 2003 cette piste de 40 km qui relie le village de Shimshal à la vallée de Hunza. Auparavant, il fallait trois jours de marche aux villageois pour sortir de leur territoire, en passant au milieu des éboulis, d’un glacier et en empruntant des ponts suspendus. Un

itinéraire périlleux qu’ont emprunté Pierre et Géraldine Benestar lors de leur découverte du pamir de Shimshal à la fin des années 1990, comme ils le racontent très bien dans leur livre Les Hautes Vallées du Pakistan. Même si nous bénéficions aujourd’hui de 4x4 et d’une piste en relativement bon état, ce n’est pas pour autant que nous sommes rassurés ou que le voyage sera de tout repos. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet itinéraire a été mis à l’honneur de la mythique émission TV « Les Routes de l’impossible » en 2017. Et, effectivement, nous n’allons pas être déçus… Si, au début, la piste évolue dans une vallée relativement large, celleci se rétrécit très rapidement, avec à notre droite les flots tumultueux de la rivière, et sur notre gauche des pentes qui ont l’air de très vite partir. Il n’est ainsi pas rare de voir nos chauffeurs zigzaguer entre les blocs qui jonchent le sol, tout en passant une tête à l’extérieur pour voir si d’autres ne tombent pas. Rassurant… Au tiers du parcours, la piste s’élance enfin vers les hauts plateaux. Mais là aussi, il vaut mieux avoir le cœur bien accroché car la piste, qui parait reposer en équilibre instable sur le flanc de la montagne, est à peine plus large que le véhicule. On se dit qu’il vaut mieux ne pas trop croiser de véhicules qui arrivent en face. Surtout, une mauvaise manip ou un essieu qui casse, et vous tombez direct dans le ravin cent mètres plus bas dans la Shimshal. D’ailleurs, Rémi et Aimée, qui sont à l’arrière, n’en mènent pas large, car notre 4x4 n’a même pas d’habitacle en dur, juste trois tiges d’acier pour soutenir le toit et un rideau en tissu qui les sépare de l’extérieur. La cerise sur le gâteau, ce sont certainement les ponts - une demi-douzaine à franchir au total - dont la colonne vertébrale d’acier semble se tortiller dangereusement à chaque fois qu’une de nos jeeps l’emprunte. D’ailleurs, nous ne passons qu’un véhicule à la fois pour éviter le drame. Mais pas de panique car ces ouvrages sont quand même soutenus par des piles en pierre et en béton et des câbles en acier qui sont bien entretenus. Rien à voir avec les deux tyroliennes qui étaient en activité jusqu’en 1995 ou le pont suspendu de Kuk et ses planches disjointes où ne pouvaient passer que des hommes et - à la rigueur - des mules. 13


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le lac d'Attabad

Cette étendue d’eau s’est formée en 2010 à la suite du gigantesque glissement de terrain du 4 janvier 2010. Retenue par les éboulements, l’eau de la rivière Hunza a monté pour donner naissance en moins de six mois à un lac long de 21 km et profond de 109 m par endroits. Derrière la beauté des eaux turquoise se cache une réalité plus triste, puisque l’effondrement a provoqué la mort de 25 personnes le déplacement de 6 000 autres. Par ailleurs, l’eau a englouti plusieurs villages, beaucoup de terres arables ainsi qu’un tronçon de la KKH, qui passait au fond de la vallée, où passaient auparavant des centaines de camions chaque jour. Il a rapidement été mis en place un système de barges en bois permettant de transporter hommes, camions et marchandises… C’est d’ailleurs ce moyen qu’a utilisé Pierre en mai 2011 pour sa troisième Grande Traversée. Mais ce système a vite trouvé ses limites, car la traversée dure près de 45 minutes et les camionneurs devaient payer près de 150 dollars pour charger leur cargaison sur des bateaux et des ferries et les acheminer de l’autre côté du lac. Initialement, il était prévu de débloquer la situation en drainant le lac et en faisant revenir les villageois chez eux. Mais au lieu de cela, les autorités pakistanaises et chinoises ont semble-il donné la priorité à la réouverture de la KKH. En pratique, les pakistanais ont fait baisser le niveau du lac de 30 mètres, ce qui a permis aux ingénieurs chinois d’accéder aux flancs de la falaise qui longe la vallée, où des centaines d’ouvriers ont construit une série de tunnels et de ponts sur plus de 24 km pour contourner le lac et relier la KKH. Au total, le nouveau tronçon a été officiellement inauguré en septembre 2015, après seulement trois ans et deux mois de travaux, pour un coût total officiel de 275 M $ (3 fois le budget annuel du Gilgit Baltistan), selon le quotidien national pakistanais the Dawn. page de gauche : chargement des jeeps avant le départ sur la route qui nous amène jusqu'au pied du lac d'Attabad (que nous contournons via un tunnel). page de droite : vues du lac aux eaux vert turquoise, avec en toile de fond le défilé des aiguilles de Passu d'un granit mordoré, veiné de quartz blanc.

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Après avoir passé le lac d'Attabad, nous faisons une pause à l'entrée de Passu. Face à nous, le glacier de Passu et les deux sommets majeurs de la région, le Shisparé Sar (7 611 m, en forme de pointe) et le Passu Sar (7 478 m, sommet enneigé à droite).

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Après la pause déjeuner, nous entrons enfin dans ce magnifique canyon où serpente la rivière Shimshal.

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ci-dessous : les jeeps arrêtées devant l'entrée de Passu, avec les aiguilles en arrière-plan. A la sortie du village, nous bifurquons pour prendre la piste de Shimshal. photos ci-contre : nos jeeps longent la rivière Shimshal pendant 40 km, tantôt au pied des falaises, tantôt près d'une centaine de mètres au-dessus. Il vaut alors mieux éviter de croiser un autre véhicule...Les passages de ponts ne posent en revanche aucun problème, car ils sont bien entretenus. page précédente : le convoi arrêté au pied du glacier de Passu et les jeeps à l'entrée de la piste de Shimshal.

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Finalement, après 2h de route, la piste non seulement s’élargit, mais revient au niveau de la rivière, limitant donc les sueurs froides. Une heure de plus sera suffisante pour contourner le glacier du Malungutti et arriver dans une large vallée hérissée de quelques quelques hameaux qui constituent le village de Shimshal, où nous allons dormir deux nuits. Les chauffeurs, eux, n’auront pas cette chance, car ils repartent déjà vers Passu, alors que le soleil commence à se coucher. Comme il est déjà 18h, nous laissons tomber le goûter pour nous rendre directement dans la grande salle-à-manger décorée de têtes de yaks et d’ibex empaillés un peu kitsch. Pendant ce temps-là, Pierre s’est enfermé avec quelques Shimshalis influents dans la pièce mitoyenne pour définir les modalités du portage. Un exercice un peu stressant quand on sait qu’il n’y a pas un chef, mais plusieurs « clans » qui doivent donc se mettre d’accord entre eux. Finalement, après 1h30 de palabres, Pierre nous rejoint, souriant, car il a réussi à négocier les tarifs. Il reste toutefois à convaincre 49 porteurs de nous suivre pendant huit jours, ce qui est loin d’être gagné. En effet, en mai 2011, il n’avait trouvé que vingt porteurs et avait donc dû partir en laissant vingt charges derrière lui (finalement amenées par des yaks). « Inch’Allah! ». Le lendemain matin, nous commençons à trier et à déballer nos affaires de trek et nos skis, et à refaire nos sacs pour le trek et l’expé. Chacun va ensuite faire une balade plus ou moins longue dans le village, qui n’est en fait qu’une sorte de hameau, avec des maisons en pierre et en torchis disséminées au milieu des champs. A vrai dire, il n’y a pas grand-chose de très intéressant à cette période de l’année, hormis peut-être de regarder les villageois labourer leurs lopins de terre et semer du blé. Au total, notre butin de photos est assez maigre, avec quelques maisons, la montagne, les cerisiers, les amandiers et les abricotiers en fleurs. A midi, Pierre nous informe qu’il manque encore une trentaine de porteurs et que nous ne partirons donc pas cet après-midi. Certains s’essaient donc à la sieste, lisent ou font un brin de toilette. Laurent et moi préférons crapahuter dans la partie haute du village, ce qui nous permet de repérer le début du trek. En fin d’après-midi, Pierre n’a toujours pas son compte, mais évoque le fait que des porteurs Baltis qui travaillent vers la Khunjerab Pass, à la frontière avec la Chine, ont été avertis et pourraient nous rejoindre dès demain. C’est d’ailleurs notre dernière chance, car les yaks, initialement envisagés ont eu le malheur de descendre du côté chinois de la vallée de la Shaksgam, et les chinois empêchent désormais les Shimshalis de les rapatrier côté pakistanais…

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page de gauche : en attendant que nos porteurs arrivent, nous faisons un tour dans Shimshal, composé de plusieurs hameaux. En ce moment, les habitants sont surtout occupés au semailles. ci-contre : notre lodge et les sacs de skis en train de sécher. Pierre, Rémi et Laurent en train de trier leurs affaires pour le portage. ci-dessus : vue des montagnes dans lesquelles nous allons démarrer le trek. 21


panorama : la route qui mène au lac d'Attabad, vue depuis le fort d'Altit. ci-dessous : Au retour à Karimabad, Pierre n'oublie pas de fêter son anniversaire. A vous de deviner quel âge il a véritablement...

Jour 6 : retour à Karimabad Pierre, qui fête aujourd’hui ses 54 ans, arrive au petit-déjeuner plutôt heureux et confiant sur l’arrivée des porteurs. Malheureusement, Jahangeer vient très vite doucher ses espoirs, en lui annonçant d’un ton un peu grave : « unfortunately, we could only find ten porters » (malheureusement nous n’avons trouvé que dix porteurs). Silence et désarroi. Mais après une brève période de flottement, Pierre reprend la parole et nous propose de laisser tomber la Grande Traversée pour Hispar-Biafo, une traversée qu’il a déjà effectuée trois fois. L’avantage c’est que le trek ne dure que deux jours et demi (six de moins que pour la Grande Traversée), ce qui nous permettra donc de rester autant de temps à skis et en haute montagne. Faute d’autre alternative, le groupe se résout donc à accepter ce nouvel itinéraire, qui a au moins l’avantage d’être aussi joli que le premier, et avec en plus la possibilité de faire cinq jours d’exploration sur Snow Lake si la météo est clémente. Mais le groupe accuse quand même le coup - en particulier Fred et Géraldine, qui rêvaient depuis plusieurs années de faire le trek de Shimshal. Une fois la décision entérinée, les choses vont aller très vite : à la fin du petit-déjeuner, il nous faut à peine 2h pour tout remballer et embarquer hommes et matériel dans deux jeeps et une camionnette qui nous ramènent à la case départ à Karimabad (hôtel Embassy). Décidément, ce village ne porte pas bonheur à Pierre, qui avait déjà dû batailler avec les Shimshalis au cours de ses deux précédentes expériences entre grève des porteurs et envolée des prix. La prochaine Grande Traversée n’est probablement pas prévue pour demain... Mais dans notre malheur, nous avons au moins la chance d’avoir un plan B, ce qui n’est déjà pas si mal.

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partie 2

En route pour Hispar 24


photos ci-contre : de nouvelles jeeps vont nous accompagner jusqu'à Hispar, le village le plus reculé de l'ancien royaume de Nagar, situé à l'est de Karimabad.

Jour 7 : Karimabad - Hispar (3160 m) Après ce faux départ, tout redémarre donc de zéro aujourd’hui, en commençant par une liaison en 4x4 pour rejoindre Hispar, village le plus reculé de l’ancien royaume de Nagar, situé à l’est de Karimabad. Ici, la vallée est plus ouverte et la piste moins dangereuse que celle de Shimshal. Enfin, il faut le dire vite, car les 35 km de l’itinéraire sont jalonnés de virages en épingles à cheveux et de récentes coulées de terre. D’ailleurs, il nous faut près de 4h pour rejoindre Hispar avec nos quatre jeeps, soit une vitesse moyenne délirante inférieure à 9 km/h (en comptant quand même une longue pause à Nagar). Les bagages, eux, arriveront cet après-midi par... tracteur ! Comme souvent dans ces endroits reculés, notre arrivée ne passe pas inaperçue, ce qui fait que notre terrain de camping est rapidement submergé par un flot d’une bonne cinquantaine de villageois. Il s’agit surtout d’enfants curieux ou de jeunes hommes venus voir s’il n’y a pas moyen de faire du portage pour gagner quelques roupies et ainsi améliorer un ordinaire qui paraît assez médiocre. Quelques anciens les rejoignent au fur et à mesure et viennent s’asseoir pour discuter entre eux, pendant que nous montons nos tentes.

Comme il n’y a pas ici de dispensaire (ni école d’ailleurs), certains hommes viennent vers nous pour demander des médicaments ou des pansements pour de mauvaises blessures. S’il s’agit le plus souvent de « bobologie », certains cas sont plus sérieux, comme ce père qui nous amène son bambin, avec une brûlure du pied au second degré après une chute dans le feu. Une plaie qui n’a bien entendu jamais été soignée et qui est restée depuis à l’air libre et au contact des microbes et de la terre… Heureusement, Aimée (infirmière de profession) et Géraldine sont là pour jouer les bonnes fées. Comme nous sommes dans une communauté chi’ite, aucune femme ne s’approche du campement, même si nous en apercevons de loin. Toutefois, à l’heure du goûter, Aimée, Géraldine et Suzanne, qui étaient parties faire le tour du village, ramènent avec elles une trentaine de jeunes filles sur notre campement. Plus étonnant encore, elles arrivent à les faire chanter en public et même à reprendre « Frère Jacques » en canon avec les garçons. Un joli moment de partage qui donne un peu d’animation à cette communauté qui doit avoir peu de distraction. Et pour certains d’entre nous l’occasion de faire quelques photos un peu volées ;-) 25


double-page : après Nagar, nous repassons très rapidement sur une piste qui longe les méandres de la rivière Hispar. Au programme : ponts, virages en épingles et passages en surplomb. pages suivantes : une fois arrivés à Hispar, nous montons très rapidement les tentes, sous le regard des habitants, qui viennent de plus en plus nombreux. Ils sont autant là pour voir les touristes que pour chercher du travail. D'autres profitent de notre venue pour se faire soigner, comme ce père qui amène son fils, avec une brûlure du pied au second degré après une chute dans le feu.

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ci-contre : Géraldine et Fred sur la première partie du parcours, face au Men Chhish (6 269 m). Le temps est alors au beau fixe et il faut donc se protéger au mieux contre les rayons du soleil.

Jour 8 : Hispar - Bitanmal (3820 m) Réveil vers 5h30, en même temps que le soleil... et les réchauds à essence que font déjà vrombir Karim le cuisinier et ses deux assistants pour le petit-déjeuner. Heureusement, le lever n’est pour nous qu’à 6h45, un horaire qui peut paraître matinal pour nous mais pas pour les Hisparis, qui commencent déjà à pointer le bout de leur nez sur le campement. A 8h, au moment où nous finissons le petit-déjeuner dans la tente mess, il y a désormais une soixantaine d’hommes, jeunes et moins jeunes, prêts à tout pour porter une charge. Mais avant cela, Pierre et Jahangeer doivent négocier les tarifs, divisés ici en « stages » (étapes), qui varient en général en fonction de la durée, de la difficulté ou de l’altitude. Au terme d’une discussion assez rapide, le « stage » est fixé à 1 200 roupies (environ 8,50 €). Au total, il y en aura six, dont trois pour aujourd’hui, deux demain et un dernier pour nous amener au cœur du glacier où nous chausserons les skis. Reste enfin à définir le nombre total de charges, comprises entre 22 et 25 kg maximum chacune. C’est là que les esprits s’échauffent un peu, car chacun à intérêt à ce qu’il y en ait un maximum pour pouvoir travailler. Ça se bouscule un peu, mais toujours dans la bonne humeur. Au total, en comptant les sacs, les skis et la bouffe, Pierre et Jahangeer tombent sur l’équivalent de 51 porteurs, auxquels il faut en rajouter six qui porteront les affaires et la bouffe de leurs compagnons, et trois sirdars, soit au total 57 porteurs (pour seulement 12 alpinistes). A 9h30, la question logistique est quasi réglée et notre petit groupe peut enfin partir pour une première journée de 7h de marche. Après avoir traversé le village et dit au revoir aux enfants, nous descendons le canyon, avant de traverser le torrent issu du glacier sur une passerelle de bois qui a remplacé l'antique caisse de bois suspendue à un câble. Grosse remontée d’une heure sous le cagnard. Ensuite, la piste redevient plus plate et chemine le long des moraines latérales du glacier, avec sur notre droite et devant nous l’immense glacier d’Hispar et sur notre gauche le sommet du Kunyang Chhish qui culmine à 7852 m ! On se sent donc vite très petit ! 30

Après la pause casse-croûte de midi, nous reprenons le sentier dans un paysage de plus en plus minéral où seuls dépassent quelques herbes et deux ou trois buissons. Vers 14h30, les premiers porteurs arrivent à notre hauteur et nous dépassent facilement. Il faut dire qu’un bon tiers d’entre eux l’ont joué fine puisqu’ils font en fait porter leur charges… à leurs mules ! Les autres, eux, ont quand même une bonne résistance et tracent, même s’ils doivent quand même s’arrêter tous les quarts d’heure pour souffler. Du coup, le jeu consiste à nous dépasser les uns les autres pour nous chambrer gentiment avec de larges sourires (on ne peut pas vraiment faire plus vu qu’aucun ne parle anglais). Vers 16h, le sentier est brusquement coupé par le large glacier de Khunyang, qui prend naissance entre trois mastodontes de près de 8000 m, le Distaghil Sar (7885 m), le Khunyang Chhish (7852 m) et le Trivor (7577 m). Après une descente quasi verticale dans la moraine, la traversée au milieu de l’immense moraine se fait sans trop de difficultés car nous n’avons qu’à suivre les porteurs qui sont juste devant. Les mules, elles, sont un peu plus hésitantes, parce qu’il commence à neiger à gros flocons, ce qui rend la pierre glissante et les stresse un peu. Mais les villageois savent y faire : un bon coup de pompe dans le cul et c'est reparti (pour le dire gentiment…). Une fois remontés, nous arrivons sur une vaste plaine abritée mais avec très peu d’eau, où nous allons camper ce soir. Même s’il n’est que 16h30, il était temps que ça s’arrête, car j’ai déjà les jambes en compote et je suis mort de soif. Il faut dire que nous avons fait 17 km à pied pour 1 100 m de dénivelé. Nous sommes désormais à Bitanmal, à 3820 m d’altitude, soit quasiment à la même altitude que l’Aiguille du Midi (3842 m).


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page de gauche : à peine avons nous fini notre petit-déjeuner que tous les hommes valides du village sont déjà là pour pouvoir porter une charge (le jeu consistant à limiter les charges pour en augmenter le nombre...). Au final, nous partirons avec près d'une soixantaine de porteurs ! page de droite et double-page suivante : pendant que les porteurs finalisent les charges, l'équipe part en direction du premier camp.

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Après une première partie relativement facile, nous devons désormais passer le glacier de Khunyang, avec dès le début une descente quasiment à la verticale. Ensuite, il suffit de suivre les porteurs et les mules, qui s'orientent ici sans difficulté. Après la remontée du glacier, nous marchons sur une grande plage de sable, au bout de laquelle se trouve notre camp, Bitanmal (3 820 m). photo ci-contre : le Turman Glacier.

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Laurent face au Makrong Chhish (6511 m). A ses pieds, la moraine du glacier d'Hispar. Nous n'en sommes qu'au début et pourtant les paysages sont déjà à couper le souffle.

Jour 9 : Bitanmal - Ulum Burum Bun

Pour ce deuxième jour de trek, nous nous levons une nouvelle fois à 6h45. Dehors, les Hisparis sont déjà prêts. Non par plaisir, mais parce qu’ils ont eu froid cette nuit. il faut dire qu’ils dorment en général simplement abrités sous les rochers sous de simples bâches en plastique. Partir plus tôt leur permettrait ainsi de se réchauffer. Mais nous avons notre propre rythme, qui est relativement lent entre le petit-déjeuner, la vaisselle, le démontage de toutes les tentes et le pesage – soit environ 1h30. Au final, nous ne partons donc que vers 8h30, heure à laquelle le soleil pointe enfin ses rayons sur le camp. Il était d’ailleurs temps, car nous aussi nous commencions un peu à nous les geler sérieusement ! Pendant la première heure et demie, chacun marche à son rythme le long de la moraine en balcon, toujours au-dessus d'une gigantesque mer de glace grise déchaînée mais figée. Vient ensuite la traversée d’un nouvel affluent glaciaire, le Pumari Chhish Glacier, à peine plus facile que le premier. Pierre reforme donc le groupe pour nous avoir à l’œil et éviter une chute sur les rochers glissants ou les passages de glace. Mais tout se passe bien. Et Jahangeer, toujours grand gentleman, aide les femmes du groupe ou reste derrière nous en cas de pépin. Après avoir rempli nos gourdes avec de l’eau du glacier, nous entamons une courte remontée sur la rive droite du glacier d’Hispar dans un environnement verdoyant où paissent quelques yaks. En fin de matinée, le plafond nuageux commence à baisser rapidement et il se met à neiger un peu après midi, quelques minutes avant d’arriver au camp de Ulum Burum Bun. Comme les porteurs sont déjà arrivés, c’est donc la course pour trouver nos sacs et monter les tentes le plus rapidement possible, histoire de s’abriter et de se reposer jusqu’au déjeuner, servi à 14h. Au menu : soupe, viande, frites et fruits au sirop (dont Rémi et moi sommes friands, surtout les pêches au sirop…). Il ne reste alors plus qu’à retourner sous les tentes pour lire, dormir ou tout simplement écouter de la musique. En fin d’après-midi, le ciel s’éclaircit totalement, dévoilant devant nous un paysage grandiose avec les sommets enneigés face à nous ainsi que les trois quarts du glacier d’Hispar. La vue est tellement dégagée, qu’on peut même voir le col d’Hispar, qui se situe à plus de 30 km ! Pierre en profite d’ailleurs pour nous montrer, au milieu du glacier, une petite langue blanche et plate qui contraste nettement avec les vagues de glace grisâtres. C’est à cet endroit, situé cent mètres en contrebas et à environ 2 km à vol d’oiseau du camp, que nous chausserons les skis demain… Le rêve va enfin devenir réalité, mais en attendant, direction la tente mess pour le dîner ! 38


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Pendant le première heure et demie de marche, le groupe marche tranquillement le long de la moraine en balcon. Puis vient la traversée du Pumari Chhish Glacier. Ici, il vaut mieux être attentif et évoluer en groupe, car les cailloux et la glace sont un peu traîtres et l'entorse n'est pas loin. Il ne reste alors plus qu'à remonter le glacier pour rejoindre le camp.

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A peine arrivés, c'est la course pour monter la tente, car il commence à neiger. Les porteurs, eux, sont moins embarrassés, ils ont trouvé un rocher protecteur.

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L'après-midi, Jahangeer et Pierre sont déjà à la manœuvre pour répartir les charges de demain. Comme à Hispar, le jeu des porteurs consiste à avoir plus de lots pour pouvoir rester et gagner un "stage" supplémentaire.


Le camp d'Ulum Burum Bun avec nos tentes (jaune), la tente mess (en vert) et la tente cuisine (bleue). On distingue en arrière-plan le glacier d'Hispar et au fond la chaîne du Balchhish. A partir de demain, nous remonterons au cœur même du glacier, vers la gauche, en direction du col d'Hispar. 45


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ci-contre : Philippe, suivi par Jahangeer et l'un de nos accompagnateurs locaux, sur la moraine du glacier d'Hispar.

Jour 10 : Ulum Burum Bun – centre du glacier Vu la journée qui nous attend, le réveil est fixé à 6h, histoire de pouvoir chausser les skis le plus rapidement possible cet après-midi. Pour cette mini-étape, Pierre a calculé que nous n’avions plus besoin que de 27 porteurs, car il ne reste plus à prendre que nos sacs et le matériel (skis, pulkas…), la tente mess restant, elle, ici (tout comme le cuisinier et ses assistants). Mais comme à Hispar, les villageois voudraient bien tous aller jusqu’au bout, histoire de gagner un « stage » supplémentaire. Finalement, après des discussions assez longues, Pierre décide d’embaucher 40 des 50 porteurs présents, qui partent rejoindre aussitôt rejoindre le centre du glacier, point de départ de l’expé à skis. Nous les suivons quelques minutes plus tard, à 9h, accompagnés d’un sirdar et de son acolyte. Avec ses lunettes de soleil et une énorme casquette américaine vissée sur la tête et flanquée d’un énorme « KING », le chef ressemble à un rappeur américain qui se serait égaré ici. Mais il ne faut pas se fier à cette première impression, car il connaît très bien le terrain et s’y aventure sans aucune difficulté. Et cela se révèle très utile, car cela nous évité de nous retrouver dans les nombreux culs de sacs ou de glisser sur les plaques de verglas recouvertes de neige. Une heure et demie à peine après notre départ, nous croisons nos porteurs, qui ont déjà fait demi-tour après avoir déposé nos affaires au centre du glacier. Comme ils sont désormais tous ensemble, nous en profitons pour les prendre en photo et les saluer une dernière fois, soit avec un simple sourire, soit par

une chaleureuse poignée de mains. La dernière image que nous garderons d’eux, c’est celle de ces hommes qui repartent en file indienne sur les arêtes de la moraine, avec en arrièreplan ce paysage toujours aussi photogénique. Moins d’une demi-heure plus tard, nous atteignons à notre tour le « cœur » du glacier, d’un blanc immaculé et quasi plat, où est entassé tout notre matériel. Nous allons mettre quasiment deux heures à faire nos sacs et, surtout, remonter les pulkas, ces grandes luges rouges en plastique dans lesquelles nous entassons nos affaires, la bouffe, l’essence, la tente, etc. Au total, près de 40 kg de matériel que nous allons devoir traîner sur 70 km pendant quinze jours entre 4500 et 5200 mètres d’altitude… Pour un néophyte, un tel projet peut paraître un peu fou, surtout vu l’altitude, les conditions météo changeantes et l’isolement complet. C’était le cas il y a quinze ans justement, en avril 2003, lorsque Pierre est venu faire ici sa première expé à skis-pulka avec Jahangeer (qui n’en avait encore jamais fait) et deux clients, Vincent et Christine. Ils en ont pas mal bavé, notamment à cause des conditions météo. Même (més)aventure pour l’expé de 2013, qui a dû essuyer 2,50 m de neige en cumulé et cinq jours de suite sans visibilité, obligée d’avancer à la boussole en guettant les micro-reliefs piégeux. Bref, un itinéraire certes hors normes et superbe (aaaah, Snow Lake…), mais qui peut potentiellement devenir complexe et difficile. Heureusement, Pierre est là, toujours d’attaque, pour nous faire vivre ce rêve.

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photos de gauche : les porteurs réunis en cercle. les discussions sont âpres, car tous voudraient nous accompagner jusqu'au centre du glacier pour obtenir un "stage" supplémentaire. Finalement, Pierre accédera en partie à leur demande, nous permettant ainsi de ne pas prendre trop de retard. ci-contre : le chemin part très rapidement vers le glacier. Bâton quasi obligatoire pour se rattraper au cas où.

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page de droite et double-page suivante : malgré un terrain très chaotique, il nous faudra à peine deux heures pour rejoindre le centre du glacier, où nos porteurs ont déjà laissé nos affaires (on les voit disposées au centre de la photo du bas).

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partie 3

sur le glacier d'Hispar 56


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Jour 10 : première demi-journée à skis Dimanche 29 avril. 14h. Après avoir vérifié notre matos et mangé un morceau, nous partons enfin à l’assaut du glacier d’Hispar, sous un ciel d’un bleu profond et des températures dignes d’un été méditerranéen. Joli pour les photos, mais un peu moins pour avancer, car les skis et la pulka s’enfoncent plus facilement, ce qui pompe rapidement nos forces. Heureusement, Pierre, Suzanne et Fred sont là pour « faire » la trace. Moi, je reste tranquillement à l’arrière pour ne pas trop m’épuiser… et aussi en profiter pour filmer et photographier. Une stratégie certes un peu vache, mais bon, je n’ai pas non plus le même entraînement que tous ces montagnards puisque la dernière fois que j’ai fait du ski remonte à l’année dernière ! Au bout d’une heure et demie de mise en jambes, le terrain devient plus complexe et vallonné, obligeant à monter et descendre sur des mamelons de neige de plusieurs mètres de haut. Une épreuve simple, mais qui me rappelle de mauvais souvenirs de l'expé de l’année dernière, puisque je tombais systématiquement à chaque descente, ce qui m’avait valu une belle entorse du pouce dès le premier jour. Mais cette année, j’ai enfin chopé la technique et cela va beaucoup mieux. Je suis donc au moins rassuré de ce côté-là. Lorsque les vagues sont trop hautes, il n’y a pas d’autre choix que les contourner. Simple là aussi, sauf dans certains cas où nous devons les longer sur des pentes en dévers qui passent au pied de mini-lacs à moitié gelés sans y faire basculer la pulka… Heureusement, Pierre, Laurent et Fred sont là pour nous aider, soit en poussant les pulkas, ou en passant leurs bâtons en dessous pour éviter qu’elles basculent dans l’eau. Par contre, avec ma chance habituelle, mes skis se croisent juste après une manip, ce qui m’oblige à déchausser. Mais à peine le pied posé, celui-ci s’enfonce dans… l’eau, qui s’infiltre aussitôt dans ma chaussure. Au final, rien de grave car l’eau ne regèle pas et je pourrai de toute façon sortir et faire sécher le chausson intérieur en arrivant au camp. Pierre décide de s’arrêter à 16h30 sur une grande dune de neige qui domine (un peu) le reste du glacier, à 4170m d’altitude. Il paraît plutôt satisfait, car nous avons réussi à faire près de 6,5 km en une demi-journée. Mais pas de triomphalisme, car il reste encore mille mètres de dénivelé et 20 km pour atteindre le col. D’ailleurs, Pierre semble un peu

inquiet, car il ne reconnaît plus la morphologie du terrain qu’il a arpenté il y a cinq ans, et nous prévient déjà qu’on risque d’en baver un peu. Mais bon maintenant il n’y a plus trop le choix, car ça serait compliqué de revenir en arrière. Pendant que Pierre part seul en reconnaissance au milieu du labyrinthe de neige, le reste du groupe commence à monter les tentes. Comme cela deviendra une habitude ensuite, nous préparons déjà le terrain en aplatissant la neige avec les skis, avant de poser la tente puis la fixer avec les skis, les bâtons retournés et les piolets. Il faut ensuite creuser une tranchée de 50 cm de profondeur devant l’entrée, ce qui permet d’y stocker les chaussures et quelques blocs de neige pour l’eau. Il ne reste plus qu’à mettre dans la tente les matelas gonflables, le duvet et les affaires de rechange. Tout ce qui ne sert pas reste dans la pulka, que nous fermons et que nous retournons au cas où il neige la nuit. Ensuite, chaque binôme commence à vivre sa vie dans son coin. En général, cette « vie de couple » se résume surtout à dormir, lire, écouter de la musique et « faire de l’eau ». Autrement dit, faire fondre de la neige pour remplir les gourdes et la faire bouillir pour le thé, la soupe et les rations lyophilisées (les « lyoph » pour les habitués). En général, cette tâche peut prendre 2 à 3 heures par jour, car nous devons préparer 2 à 3 litres par personne et par jour. Mais dans le cas présent, Pierre a eu la bonne idée de camper à côté d’une petite étendue d’eau ce qui nous fait gagner énormément de temps et de nous reposer un peu. Question bouffe, nous grignotons saucisson, bonbons et céréales pendant les pauses. Une fois arrivés sur le camp, vers 14-15h en général, il est habituel de faire fondre l’eau tout de suite pour pouvoir boire un thé et faire un petit repas de nouilles chinoises. Après une petite sieste, Laurent et moi prenons un apéro avec quelques tranches de saucisson ou de la noix de jambon et des biscottes WASA. Nous mangeons vers 19h, avec de façon invariable : une soupe Royco, un lyoph plat (pâtes, poulet, couscous, gratin dauphinois….) et un lyoph dessert (compote, mousse au chocolat, crumble) et une tisane. En général, nous nous remettons dans les duvets vers 20h en écoutant de la musique ou des podcasts (Grosses Têtes pour moi, Laurent Gerra pour Laurent). 57


ci-dessous : si les porteurs sont déjà repartis depuis longtemps, le KING, lui, nous attend. Son acolyte et lui prendront les dernières affaires que nous ne prenons pas avec nous (chaussettes...). Et il vaut mieux ne pas se tromper car nous ne les retrouverons que dans une quinzaine de jours à Askole !

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L'expé à skis commence enfin, mais il faut avant cela préparer soigneusement notre matériel, et en particulier les pulkas. C'est dans ces grandes barquettes bleu en plastique que nous allons devoir entasser tout notre matériel : duvet, affaires, réchaud, essence, tente, cordages et bouffe. Au total, près de 40 kg de matos que nous allons devoir traîner pendant quinze jours. Une fois la pulka remplie, il reste à remonter le brancard, ces deux barres qui permettent de tirer la pulka. Manque de chance cette année, certaines sont un peu tordues (il faut dire qu'elles ont un peu souffert l'année dernière au Muztagh Pass...). Il ne reste alors plus qu'à enfiler les bottes de ski, manger un morceau, et c'est enfin parti après deux heures de préparation !

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Le début de l'expé se passe sous les meilleures auspices, avec un soleil omniprésent et un ciel bleu. comme nous ne l'aurions jamais imaginé.

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Au fur et à mesure, le sol du glacier est de plus en plus chaotique et parsemé de petites étendues d'eau qu'il faut contourner. Dès lors, il faut vite arriver à maîtriser les pulkas, qui ont vite tendance à basculer dans la pente. 65


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ci-contre :

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ci-contre : Pierre choisit de partir le plus tôt possible pour bénéficier de la meilleure qualité de neige. Malheureusement, le sol un peu gelé pose aussi problème dès que nous atteignons des pentes un peu prononcées (page suivante). Heureusement, le groupe est solidaire, ce qui permet de passer les obstacles plus rapidement.

Jour 11 : Hispar Camp 1 - Hispar Camp 2

Ce matin, lever à 6h lorsque les premiers rayons du soleil viennent réchauffer les duvets à travers la toile. Dehors, le ciel est bleu pâle et il n’y a aucun nuage à l’horizon, ce qui laisse présager d’une journée aussi belle que celle d’hier. En attendant le départ, nous en profitons pour faire fonctionner le réchaud, histoire de boire un thé chaud pour accompagner le muesli. Un petit-déjeuner qui se doit quand même d’être rapide, car remballer le matériel et démonter la tente prend au minimum une bonne demi-heure. Et ça, c’est sans compter le temps d’enfiler ces satanées chaussures de ski, et surtout les chaussons, la plupart du temps gelés à cause du froid. A 8h pétantes, Pierre démarre le premier avec sa pulka et commence à suivre la trace qu’il avait démarré hier après-midi au milieu des dunes de glace. Mais, au bout d’une heure, celles-ci deviennent de plus en plus hautes, et la progression en fond de vallée se révèle vite être un piège. Preuve en est qu’après la pause de 10h, Pierre se retrouve dans un cul de sac, et lâche d’un ton dépité « no way ». Nous n’avons alors d’autre choix que de revenir sur notre trace sur plus de 800 m. Pierre l’admet volontiers : le glacier a bien bougé depuis cinq ans et nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Une fois revenus sur la trace initiale, Pierre décide de bifurquer vers la rive droite du glacier, qui semble moins accidentée, et de segmenter le parcours. Autrement dit, il va désormais multiplier les pauses pour nous laisser souffler un peu pendant qu’il partira, seul et sans pulka, reconnaître le terrain. Tout n’est pas simple, mais à force de persévérer, la stratégie fonctionne. En revanche, elle nécessite de faire pas mal de montées et de descentes qui ne sont pas de tout repos à cette altitude et avec nos pulkas. Mais le groupe est motivé et les membres du groupe s’entraident déjà beaucoup. Finalement, Pierre décide de s’arrêter à 15h, en fixant le camp sur un nouveau promontoire, face au glacier de Jutmo et juste au-dessus d’un petit lac, ce qui va nous permettre d’avoir de l’eau et donc d’économiser l’essence du réchaud. Autre bonne nouvelle : le temps reste dégagé, à tel point que nous voyons le sommet du Baintha Brakk, pourtant distant de 40 km ! Seule petite ombre au tableau : nous avons fait moins de 6 km en 7 heures (en incluant les 1,6 km du mauvais itinéraire). En fin d’après-midi, Pierre part reconnaître le terrain du lendemain et revient enchanté. Il a non seulement trouvé un itinéraire faisable, mais nous devrions aussi atteindre une plaine glaciaire beaucoup plus facile très rapidement. Inch’allah. 71


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ci-contre : magnifique photo du camp vu du ciel, avec en arrière-plan une vue partielle du col d'Hispar, que nous devrions atteindre d'ici quelques jours... si tout va bien.

Jour 12 : Hispar Camp 2 - Hispar Camp 3 Mardi 1er mai. Fête du Travail ou pas, le lever est une nouvelle fois fixé à 6h, histoire de partir le plus tôt possible dans de bonnes conditions de neige. Comme annoncé la veille, Pierre a effectivement trouvé un passage qui nous mène en un peu plus d’une demi-heure jusqu’à un large plateau dégagé où nous évoluons très rapidement pendant une heure. Nous retrouvons ensuite nos chères vagues de neige qui vont, comme hier, nous emmener vers un cul-de-sac. Heureusement, Pierre trouve très vite un nouvel itinéraire, dans des dunes de glace certes hautes, mais accessibles avec les pulkas. L’après-midi, le ciel commence à se recouvrir un peu, laissant craindre que les cirrocumulus n’amènent de la neige pour la nuit prochaine. Finalement, le ciel redevient d’un bleu lumineux lorsque nous arrivons au camp, à 15h30. Une nouvelle fois, nous pouvons bénéficier d’eau grâce à une bédière située juste en dessous du camp. Pendant que nous montons les tentes, Pierre repart comme hier après-midi reconnaître le début de l’itinéraire de demain. Il en revient en disant que ce ne sera pas du gâteau mais que nous devrions au moins arriver au pied du col d’Hispar. Pour le reste, aucune prévision de sa part...

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ci-contre : le groupe avance en file indienne face à l'un des plus gros obstacles du glacier d'Hispar. Il nous faudra deux étapes pour en venir à bout. Mais quel spectacle !

Jour 13 : Hispar Camp 3 - Hispar Camp 4 Pierre nous avait prévenus : la première partie risque d’être un peu compliquée. Et il n’avait pas tort, car dès le départ nous devons avancer sur des pentes en dévers recouvertes de neige verglacée. Résultat : il y a ceux qui ne peuvent plus avancer dans les montées, ceux qui y sont arrivés mais qui glissent aussitôt à cause des pulkas qui se retournent, et ceux qui déchaussent pour avancer à pied en tirant la pulka à bout de bras. Bref, une véritable hécatombe ! Heureusement, l’entraide se manifeste assez vite et les plus forts ou les moins en difficulté vont aider les autres. Ce premier obstacle passé, nous repartons sur de la montée, certes, mais sur un sol relativement lisse qui facilite une progression rapide. C’est ainsi que vers 11h, nous avons déjà avancé de 7 km – soit autant en trois heures qu’au cours du deuxième jour ! Malheureusement, les choses commencent à se compliquer, car la neige commence à tomber à gros flocons, ce qui ralentit notre progression. A partir de ce momentlà, le groupe, qui s’étire en général sur 300 à 500 mètres de long, commence à se regrouper derrière Pierre, qui doit redoubler d’efforts pour faire la trace dans une neige de plus en plus collante et lourde. Vers 14h, Pierre n’arrive plus à avancer tellement la neige est profonde et décide donc de poser le camp. Mais, comme par magie, le ciel s’éclaircit 5 minutes après, ce qui nous permet de repartir et d’atteindre le pied du col (4650 m) à 15h. Il était temps, car je suis exténué à cause de petits problèmes gastriques et des ampoules aux pieds (mais je ne suis pas le seul). Un peu de repos nous fera donc du bien et me permettra de reprendre des forces. Secrètement, je rêve même d’une journée de repos pour me remettre d’aplomb… ce qui pourrait bien arriver vu qu’à partir de 19h, il commence à neiger sans discontinuer.

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Dès le début, les pentes sont rudes et le sol glacé, ce qui complique sérieusement notre tâche. Mais une fois de plus, le groupe est solidaire. Une épreuve courte mais difficile pour les organismes, car nous sommes presque à 5000 mètres d'altitude.

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ci-contre :

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Jour 14 : attente au pied du col (4650 m) Réveillé à 5h35, je me précipite vers l’ouverture de la tente : mon rêve de rester ici pour me reposer risque bien de se réaliser, car il a non seulement neigé toute la nuit, mais aussi parce que le paysage est complètement bouché. Du coup, Laurent et moi nous rendormons jusqu’à 9h30, heure à laquelle nous décidons quand même de nous lever et de préparer un bon petit-déjeuner chaud. Dehors, il neige toujours, mais quelques aventuriers sont déjà à pied d’œuvre pour déneiger les 20 cm qui recouvrent les tentes. Pour notre part, nous nous contentons de taper dans le double toit, ça va plus vite et c’est presque aussi efficace ! Même s’il continue à neiger, on s’occupe comme on peut en somnolant, en lisant ou en écoutant de la musique. Comme il ne fait pas froid, certains comme Philippe et Rémi vont même jusqu’à prendre une douche froide en se frottant avec de la neige... et se baladent torse nu. C’est presque incompréhensible : il neige et pourtant on a l’impression qu’il fait 20°C dehors ! Un peu avant 16h, c’est l’accalmie. Du coup, Pierre, Fred et Jahangeer partent à skis à l’assaut du col, encordés et reliés avec Géraldine par talkie-walkie. Rapidement, les nuages s’estompent, laissant voir leur progression sur une pente qui paraît faisable en pulka malgré les obstacles et la pente. Spectacle grandiose, rehaussé par les lumières naturelles sur les pentes et les séracs qui les entourent. Mais ce n’est pas tout, car pendant une bonne vingtaine de minutes, c’est l’ensemble du paysage alentour qui s’illumine au gré du vent, qui dissipe çà et là le brouillard. Probablement l’un des moments les plus magiques de l’expé à ce jour ! Finalement vers 17h45, nos trois skieurs réapparaissent, comme des fourmis perdues au milieu des séracs géants. On se croirait presque sur une photo de montagne de Pierre Tairraz. Après une petite pause, Fred se fait plaisir avec quelques virages dans la poudreuse fraîche. Pierre, lui, est plus en retrait pour attendre Jahangeer, peu habitué aux descentes en hors-piste. Une demi-heure plus tard, nos trois costauds sont de retour au camp, avec un Pierre tout sourire qui nous promet pour demain une très belle montée - peut être ponctuée tout de même par un ou deux moments compliqués entre les séracs. A ce moment-là, je ne rêve que d’une chose : pouvoir photographier le groupe au milieu de ce décor grandiose. 99


Pendant les longues heures d'attente, chacun essaie de s'occuper comme il le peut. Par chance, il ne fait pas froid, ce qui permet à Philippe de faire une toilette de chat avec de la neige et à Rémi de déneiger un peu en tenue "légère".

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page suivante : en fin d'après-midi, le temps se dégage nettement sur un panorama de séracs grandioses. L'occasion pour Pierre, Fred et Jahangeer d'aller reconnaître le parcours de demain. On a franchement hâte d'y être.

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à propos de cet album

Le texte de cet album a été rédigé par fabrice durand entre octobre et décembre 2018, à partir de notes prises durant l’expédition, et complétées par le récit de Vincent Dumas (qui a fait la première traversée avec Pierre en 2003, https://bit.ly/2B1DnHe). La plupart des éléments de contexte sont tirés du descriptif du voyage et des articles de Pierre Neyret, complétés par Wikipédia et les cartes/ documents du Parc National du Karakoram (www.cknp.org). Pour en savoir plus sur les treks et les expés à ski et pulkas de Pierre Neyret, rendez-vous sur son site Web : www.Karakoram-ski-expéditions.com Quasiment toutes les photos de cet album ont été prises durant le voyage par fabrice durand (appareils : Canon EOS 700D obj.18-135 mm, Panasonic GX8, obj 20-60). Photos légèrement retraitées avec le logiciel Picasa. La carte de l'itinéraire a été réalisée sous Google Earth Pro, sur la base des relevés GPS de Laurent Boiveau. Album monté avec le logiciel Bookwright (de blurb.com) et disponible en ligne sur www.issuu.com/fabricedurand Remerciements : Pierre Neyret, Laurent Boiveau, Jahangeer Shah et le reste de l’équipe (Fred, Géraldine, Rémi, Aimée, Philippe…). Sans oublier nos amis du village d’Askole (Hassan, Mamath) et Sami Ullah à Islamabad. 210


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