Magazine #25: The State of Democracy in Europe: The Good, The Bad and The Ugly?

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maGazinE #25 spring/printemps 2017 www.eyes-on-europe.eu

thE statE oF DEmocracy in EuropE :

thE GooD, thE BaD anD thE uGLy ? TO DISCOVER IN OUR DOSSIER :

AND IN OUR OTHER SECTIONS :

Why Orban’s Hungary is set to stay Initiative Citoyenne : Voix pour le peuple ou voie de l’illusion ?

Towards nuanced EU referendums : Beyond desinformation and the

democratic crisis …

Quelle politique européenne contre la fraude fiscale ?

Is Europe responsible for the refugee crisis ? Understanding the Palm Oil War


EYES ON EUROPE

Edito La démocratie est avant tout un mode de gouver-

nance permettant au peuple de contrôler et participer à la prise de décision politique, soit directement soit indirectement. Bien qu’érigée au rang de valeur fondamentale et constitutionnelle de l’Union européenne (UE) et ses Etats membres, la démocratie serait-elle aujourd’hui menacée ? Revenons sur les aspects positifs, négatifs voire néfastes – « the Good, The Bad and the Ugly » – de l’état de la démocratie européenne. Au titre des détracteurs de la démocratie figure généralement l’UE. Un premier constat positif – « the Good » – est cependant à faire : l’Europe, dans son processus d’intégration politique, tend à instaurer toujours davantage de mécanismes de contrôle et participation démocratique. Dès 1979, les eurodéputés composant le Parlement européen sont élus au suffrage universel direct par les citoyens européens. En 1992, ce même Parlement endosse le rôle de co-législateur désormais sur un pied d’égalité avec le Conseil, représentant des gouvernements nationaux, et ce dans de nombreux domaines. Depuis, les compétences de ce dernier n’ont fait que croître. Depuis 2009, le Parlement possède un droit de veto à la ratification de la grande majorité des accords internationaux conclus par l’Union, qu’il utilise comme pouvoir de fait afin d’imposer ses prétentions au sein de ces accords durant leurs négociations. La ratification du traité anti-contre-façon avec les Etats-Unis fût notamment empêchée en 2012 pour ces motifs. D’une manière similaire, le Parlement a utilisé son pouvoir d’investiture du président de la Commission européenne, auparavant proposé par les chefs des gouvernements d’un commun accord, afin d’y faire nommer l’un de ses membres, démocratiquement élu. Ainsi, lors des dernières élections européennes, chacun des groupes politiques européens avaient présenté un « Spitzenkandidat ». Celui ayant remporté le plus de sièges, le parti populaire européen, a ainsi imposé J.C. Junker à la présidence de la Commission.

Européen et d’autre part, à créer un débat citoyen transnational à fin législative. Néanmoins, ce mécanisme, très difficile d’accès, résulte dans les faits en d’innombrables lettres mortes adressées aux décideurs européens. Ceci étant dit, le manque de transparence et les conflits d’intérêts ne sont pas propres à la gouvernance européenne, en témoignent les nombreuses récentes affaires politico-judiciaires en France. De plus, contrairement à l’UE, les états membres ne possèdent généralement pas de registres de transparence référençant les lobbies actifs auprès de leur gouvernement. En ce qui concerne la démocratie directe, il est vrai que l’Union ne dispose pas, contrairement à nombre de ses états membres, de système de référendums. Cependant, en ce qui concerne les systèmes d’initiative populaire en Europe, ceux-ci sont rares et souvent limités au niveau local, seuls trois états européens (l’Italie, la Slovénie et la Lettonie) disposent d’un tel système au niveau national. Au final, la défaillance démocratique la plus importante de l’UE se trouve peut-être au sein de la gouvernance de la zone euro, où la prise de décision dans les instances intergouvernementales – le conseil et l’Eurogroupe – relève de ladite méthode ouverte de coordination. Elle repose sur la « pression des pairs » qui confère aux états les plus importants, et notamment l’Allemagne, un pouvoir de fait inégalé. Malgré tout, il convient de souligner que tous les membres du triangle institutionnel demeurent responsables devant les citoyens européens : directement pour le Parlement européen, indirectement pour le Conseil et la Commission, dont les membres rendent comptes au travers de procédures d’investiture et de motions de censure devant les parlements nationaux et européen respectivement. Dans les faits la systémique démocratique européenne n’est donc ni foncièrement pire, ni fon-

damentalement meilleure que celles présentent au niveau national. Le déficit démocratique de l’Union serait donc à remettre en perspective. D’une part parce qu’il est souvent la résultante d’un déficit d’image, d’un manque d’information voire d’une politique de désinformation, parfois menée par les gouvernements nationaux eux-mêmes. D’autre part car de véritables reculs démocratiques ont lieu dans certains états membres. Les pires illustrations d’un dysfonctionnement démocratique – « the Ugly » – ne se situent donc non pas au niveau européen, mais à celui de ses états membres. Au titre de la désinformation figurent notamment de fausses allégations portées à des fins populistes par certains partis nationaux, notamment par le Fidesz de V. Orban en Hongrie et le UKIP de Farage lors des derniers référendums et consultations concernant l’UE. Cette més- et désinformation est accentuée par la diffusion massive et difficilement contrôlable d’allégations de ce type via les réseaux sociaux, mais également par le manque d’attrait des médias pour la question européenne, complexe et peu vendeuse. Or, sans accès a priori à l’information, l’exercice démocratique ne peut être que faussé et ce au détriment de l’UE. De surcroît, la montée du populisme en Europe offre une base politique afin d’adopter des mesures « nécessaires pour sécuriser la nation » aux dépends parfois de la démocratie, l’état de droit et des libertés fondamentales. En Hongrie ont récemment été adoptées des lois limitant la liberté de la presse et la liberté académique (relative à la Central European University), tandis qu’une proposition portant atteinte à l’existence d’ONG internationales vient d’être déposée. En Pologne, ces deux dernières années deux lois réduisant l’indépendance des juges et accentuant le contrôle gouvernemental sur les médias ont également été adoptées. Ce recul de l’état de droit n’est pas propre aux états européens mais beaucoup plus global, touchant des états-Unis à la Russie, en passant par la Turquie. La thématique de la démocratie en Europe, mais aussi globalement, est, comme vous l’aurez constaté, particulièrement d’actualité. C’est pour cette raison que nous y accordons un dossier spécifique. En espérant que cette (certes longue) introduction en matière vous aura donné envie de vous attarder davantage sur ce sujet épineux, dont l’appréhension est pourtant nécessaire aux fins d’un exercice démocratique informé et réfléchi.

Cependant, si l’Union est clairement lancée dans une dynamique de démocratisation, sur certains aspects son chemin de croix n’est pas terminé. Ainsi, un constat plus négatif – « the Bad » – peut être dressé. Premièrement, les règles de transparence et de gestion des conflits d’intérêts mises en place au sein des institutions sont, comme nous le verrons, limitées tant en termes de portée formelle que d’application concrète. Force est de constater, au vu des récents scandales des ayant trait à d’anciens commissaires, N. Kroes et M. Barroso, que l’éthique dans un monde en proie aux lobbies n’est pas toujours parfaitement de mise. Deuxièmement, l’adoption de l’Initiative Citoyenne Européenne, premier mécanisme de démocratie directe au niveau européen, s’avérait être une étape importante dans ce processus de démocratisation de l’UE visant d’une part, à replacer le citoyen au cœur du projet

Sur ce, je vous souhaite une très bonne lecture !

Hélène Decottigny, rédactrice en chef d’Eyes on Europe. Crédit Photo © Hélène Decottigny et Bàlint Gyévai Manifestation pour la Central European University, et plus largement le respect de la démocratie et des valeurs européennes, à Budapest (Hongrie), le 12 avril 2017. 2


Eyes on Europe

Sommaire DEMOCRACY AND CITIZENSHIP p.5

This is why Orban’s Hungary is set to stay

p.6

Une quête utopique de transparence européenne

EXTERNAL RELATIONS AND IMMIGRATIONS MATTERS p.30

p.31 The EU in Egypt : Supporting a dictatorship or ensuring stability ?

p.7 Quelles solutions pour améliorer la participation citoyenne dans l’UE ?

p.33 Maidan, the aftermath  :

p.9 Initiative Citoyenne :

Could the EU have avoided the Ukrainian drama ?

Voix pour le peuple ou voie de l’illusion ?

p.34 Relations énergétiques UE-Russie : Nord Stream 2 & ses impacts

p.10 Stand up for Europe : Entre démocratie citoyenne et projet pan-européen

p.36 Israel & Germany's reason of state :

p.13 La transparence au sein de la Commission

Voluntas, ecessitas, utilitas ?

européenne : fiction ou réalité ?

p.14

Is Europe responsible for the refugee crisis ?

p.37 The EU and illegal immigration : Unsatisfactory achievements

Union européenne, pourquoi es-tu si distante ?

p.15 Towards nuanced EU referendums :

p.39

Beyond desinformation and the democratic crisis

Understanding the Palm Oil War

ECONOMY AND SOCIETY Visite our website :

p.18 A “Land of possibilities” or modern slavery in Europe p.19

http://eyes-on-europe.eu

Quelle politique européenne contre la fraude fiscale  ?

p.20 Electric interconnections : a new European solidarity ? p.22

Savez-vous ne pas parler anglais ? Our facebook page :

p.23 Galileo ou le défi de l’indépendance spatiale européenne

https://www.facebook.com/eyesoneurope

p.24 L’encadrement des produits cosmétiques,

un règlement sous fond de teint

p.26 Mouvements eurosceptiques :

Véritables adversaires de l'Europe ?

p.27

Une jeunesse exclue ?

p.28

Le made in Europe, bientôt chinois ?

Our twitter : @EoE_Bxl

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DEMOCRACY AND CITIZENSHIP


Democracy and citizenship

This is why Orban’s Hungary is set to stay Hungary’s Prime Minister Viktor Orbán is enjoying clear support from inside the country, much to the annoyance of almost all European and EU institution leaders. Far in his third term, and his second consecutive, tides aren’t changing in Hungary.

According to an October survey about

the strength of the right-wing parties in Hungary, the governing Fidesz has a clear lead at 34%, while the ultra-nationalist Jobbik comes second with 12%. On the left, the socialist, MSZP is at 8% and the Democratic Coalition headed by the former MSZP Prime Minister Ferenc Gyurcsány who created a new party is at 5%. 34% remain undecided. The only real changes in the political landscape have been the rise of Jobbik solidifying its position as the second most important party and the further weakening of the strength of the left. Why does a leader, altough very disliked in the West, still enjoy so much support inside the country ? In the spring of 2006, one month after the socialist MSZP won a second government term, a speech by the then Prime Minister Ferenc Gyurcsány was leaked. Still famous quotes are such as these : “Clearly, we’ve been lying for the past 1.5-2 years”, “We’ve f****d up, not little, but big”, “We’ve lied morning, day and night”. The vulgar speech sparked massive riots and protests in the capital city, organised behind the scenes by the Fidesz. This speech was the beginning of the end for the largest party on the left. One year after the speech, a poll conducted among certain voters showed only 15-20% support for MSZP, which hasn’t changed much since. Viktor Orbán and Fidesz were essentially setting the groundwork for their future government four years before the 2010 election which they won with a 2/3rd majority in parliament.

Orbán’s 10 years in power The Fidesz government immediately got to work. A controversial new constitution was drawn. A new media law was passed by the parliament which established a government controlled body empowered to fine media outlets, and an opposition radio station’s license was withdrawn. The re-entry of Orbán as Prime Minister after his less authoritarian 1998-2002 tenure also marked the beginning of unprecedented media campaigns. Billboards were hired from companies close to the government. Radio, TV and newspaper advertisements were also bought. In this way government funds started pouring to news outlets close to it, at the same time putting eco-

nomic pressure on those of the opposition where the state didn’t buy advertisement. Today the posters with dark-blue background and yellow writing are impossible not to notice if you live in Hungary. In 2010 their slogan was “No to the IMF”, in 2012 “Hungary is doing better” and from 2014 “No to illegal migrants”. Propaganda like this are all financed by tax-payers money and impossible to evade. The campaign was widened before the November quota-referendum put forward by the Fidesz and Jobbik, on allowing migrants resettle in the country by the EU. One government-financed placard stated “Did you know ? Brussels wants to resettle migrants which would create a town in Hungary”. The number was 1297, which would have made it the third smallest town if the government chose to put them in the same place. The referendum failed, as only 41% of the eligible voters went to the ballots. Still, 98% which is equivalent to 3,36 million people, voted against the resettlement showing the anti-migrant sentiment in the country. The government succeeded in one of its goals : moving public debate and attention from corruption to “illegal migrants”. Rallying up the population against the refugees is one aspect, the another is to further discredit the European Union. Although Hungary is one of the most important net beneficies of EU funds, there have been many public spats between Brussels and Budapest since Orbán gained power in 2010. Politically motivated disputes are recent, but resentment against the EU has been longstanding. Blaming the Union for problems in agriculture and economy is frequent in every member state. However, one of the most notable dissatisfaction of the EU in Hungary is the failure of the former to protect Hungarian minorities living abroad. This was one of the most important reasons for entering the Union, proved by the result of the 2004 referendum where 86% voted to join.

Hungarian in Romania often face provocations. Statues of Hungarian origin are regularly vandalised. A 2015 law banned the utilisation of a flag in public institutions which represents the Hungarians living in Transylvania. The 700.000 Hungarians in Slovakia are perhaps even worse off. In 2006 the Slovakian Prime Minister, Robert Fico chose to form coalition with the radical-right and anti-Hungarian SNS party led by Ján Slota. The latter stated about his southern neighbours that “The Hungarians are a cancer tumour on the Slovak nation, which should be eradicated as quick as possible”. In 2009 the parliament passed a law prohibiting the use of any other language than Slovakian in public institutions, a clear move against the 9,4% Hungarian minority. In 2006 a young female was beaten unconsciously in Slovakia when some men heard her speaking Hungarian. She was charged by Slovakian authorities for making up the story, and even though the European Court of Human Rights ruled in her favour in 2011, Bratislava reopened her case in 2014.

In 2009 the parliament passeda law prohibiting the use of any other language than Slovakian in public institutions, a clear move against the 9,4% Hungarian minority Laws and intimidation against Hungarians persist in Slovakia, and so does economic negligence. The stadium of the football club of Dunajska Streda which is widely supported by Hungarians was at center of attention in 2008. A video went viral showing police going into the stands beat-

Romania, Slovakia and minorities The treaty of Trianon in 1920 gave 2/3rd of the territory of Hungary to neighbouring countries along with 69% of its population. Most families in Hungary have relatives and friends living in these countries. The 1.2 million who consider themselves 5

Did you know? The Paris attacks have been committed by migrants


EYES ON EUROPE

ing supporters. Subsequently a law was passed by the parliament prohibiting the use of any national flags other than Slovakian in sport events. This year the same stadium got renovated. According to the club owner Oszkár Világi, this is the first big stadium renovation in Slovakia where the government isn’t the most important investor. Only €2,4 million comes from Bratislava while the remainder of the €22 million cost are financed by the club owners and the largest Hungarian company MOL, who also bought the stadium’s naming rights.

The European Union is nowhere to be seen According to Budapest, the situation of Hungarian minorities in neighbouring countries hasn’t improved with the EU membership. The case of the Slovak language law introduced in 2008 is a blatant example. José Manuel Barroso, the Commission president at that time treated it as

a Slovakian internal affair. Many Hungarians already felt abandoned by Brussels even before Orbán decided to pour fuel on the fire. It is widely acknowledged that the Hungarian political elite is corrupted and misusing public funds. Orbán is redundant investing into his favourite hobby, football, notably by building an academy and a 3200-seat modern stadium neighbouring his house – in a town of 1842. Unfortunately, there does not appear to be any capable alternative within the country. The liberal-left’s “grand coalition” for the 2014 parliamentary election was a miserable failure. The election opened for the reintroduction of Ferenc Gyurcsány to politics which alienated many voters because of the leaked speech he made as Prime Minister. Today the left is more divided and weaker than ever since the fall of communism. As in most poorer regions of Central and Eastern Europe, young people who don’t see a future move to the West. As a consequence, Orbán is attracting new balloters voters of them : He offered citizenship with

the right to vote to all Hungarian minorities living abroad. As consequence, Hungarians who don’t live, and weren’t brought up in Hungary, have a right to vote : 97% of them voted for Fidesz in 2014. With these new balloters and fragmented left inside the country, tides aren’t going to change soon.

Recee James is a student at ULB. Photo Credit © cyberpress.hu

Une quête utopique de transparence européenne Face à la « réprimande » sans sanction de l’ex-commissaire Neelie Kroes prononcée par le Conseil éthique de la Commission européenne le 21 décembre 2016, la transparence européenne peine à se tracer un sillon clair au cœur des institutions bruxelloises. Cependant, la transparence est-elle la solution pour regagner la confiance des citoyens européens ?

Mauvais

temps pour la transparence européenne. Le Conseil éthique de la Commission annonçait le 21 décembre la « réprimande » sans sanction de l’ex-commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, rendue coupable de dissimulation fiscale d’un société offshore pendant l’exercice de son mandat. S’ajoute à cela l’affaire survenue en juillet 2016 impliquant l’ancien Président de la Commission, José Manuel Barroso, qui annonçait au Financial Times son recrutement par la banque Goldman Sachs en grande partie responsable de la crise des subprimes de 2008, et ce seulement 18 mois après la fin de son mandat. Mêlant milieu des affaires et politique, ces cas alimentent les suspicions de conflits d’intérêts dans la prise de décision au niveau européen. Pour y remédier, la Commission Juncker a fait de la transparence législative une priorité. « Les institutions de l’UE doivent coopérer pour regagner la confiance de nos citoyens [qui] ont le droit de savoir qui tente d’influencer le processus législatif de l’UE » confirme Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission.

Une des mesures proposées le 28 septembre 2016 est le renforcement du registre de la transparence. Ce document recense les informations des lobbies qui foulent les couloirs du Parlement et de la Commission pour s’entretenir avec les décideurs ou participer aux consultations publiques. Obligatoire depuis 2014 à la Commission, il reste cependant optionnel au Parlement européen et inexistant au Conseil de l’UE. Ce dernier est pourtant l’institution la plus opaque du système européen avec un taux de transparence de 17%, contre 48% pour la Commission et 45% pour le Parlement (Transparency international, 2015). La Commission Juncker propose alors d’étendre et harmoniser le registre de façon à le rendre obligatoire à toutes les institutions européennes. Selon Frans Timmermans, « le public verra [ainsi] qui fait du lobbying, qui ces lobbyistes représentent et combien ils dépensent. » Mais qu’en est-il réellement ?

« Les rencontres officieuses sont et seront toujours l’essentiel de la représentation d’intérêts » 6

Un premier constat s’impose : « Près de la moitié des entrées [du registre] contiennent des erreurs ou des nombres peu plausibles. » (Transparency International, 2015). En parallèle du statut obligatoire du document, ce sont les données en ellesmêmes qui doivent être analysées plus finement. Or, le secrétariat du registre a confié « un manque de personnel. Il admet également qu’il n’est pas en mesure de vérifier précisément les informations. » (Euractiv, 2013) Entre 2011 et 2013, 900


Democracy and citizenship

dossiers ont pu être analysés alors que plus de 6000 organisations se sont enregistrées à cette période. De plus, qu’en est-il des méthodes utilisées par les lobbys ? « Les rencontres officieuses sont et seront toujours l’essentiel de la représentation d’intérêts » rappelle Theodoros Koutroubas, directeur général du Conseil européen des professions libérales (Ceplis) -lobby européen des professions libérales- et professeur de Communication politique, marketing et lobbying à l’UCL. Qu’ils se déroulent au café, au restaurant ou autour d’un verre, ces rendez-vous échappent au registre et donc à toute traçabilité. M. Koutroubas ajoute que la volonté de la Commission « répond [davantage] à un besoin de démontrer au citoyen lambda qu’elle n’est pas corrompue ». Si l’euroscepticisme ambiant justifie une telle démarche, la transparence à elle-seule répond-elle au manque de démocratie des institutions européenne ?

La transparence côtoie le secret politique depuis la création de l’État moderne Une demande accrue de transparence répond à un manque de confiance des citoyens envers leurs élites politiques. La multiplication des scandales de corruption depuis les années 90’ a contribué à ce sentiment de défiance. L’affaire Cahuzac en est un exemple dans un des États membres : en 2012, Jérôme Cahuzac, le ministre du budget français, s’est vu accusé de « blanchiment de fraude fiscale » en dissimulant un compte Suisse ayant servi à l’achat d’un appartement de plus de 6 millions de

francs. Ce scandale a entraîné des actes de transparences de la part du gouvernement français, censés redonner foi dans le système représentatif. Pourtant, la transparence côtoie le secret politique depuis la création de l’État moderne. Celui-ci est pratiqué depuis toujours vis-à-vis de sujets sensibles ou lorsque les dirigeants le jugent nécessaire aux intérêts de l’État. Que ce soit en amont des accords d’Oslo entre Israël et Palestine en 1993 ou de l’accord de paix entre la Nouvelle-Calédonie et la France en 1988, les gouvernements ont de tout temps pratiqué l’art de la dissimulation. Sans être anti-démocratique, le secret d’État fait partie de la vie politique depuis les prémices de la démocratie. On peut alors se demander si en ces temps de défiance, les mesures de transparence mises en place sont les réponses attendues aux problèmes démocratiques soulignés par les citoyens ?

« détourn[er] le sens de la question en y répondant par des actes de transparence » Revenons à la scène européenne. Les surenchères de mesures et d’appels des institutions à la transparence font face à la mise à mal des valeurs européennes tel que l’État de droit, à la montée des « démocraties autoritaires » et au développement des discours anti-Europe jusque dans ses États fondateurs. L’Union elle-même voit la transparence comme un remède à sa crise existentielle. Mais ces démarches sont-elles adaptées à la demande d’un processus décisionnel européen plus démocratique ? À l’image de la réponse inédite apportée par la

France pendant l’affaire Cahuzac [la publication de toutes les déclarations du patrimoine des ministres alors qu’une refonte du système politique était demandée], le statut obligatoire du registre – et plus largement la priorité dans la transparence –  « semble se passer comme si, pour satisfaire une demande sociale de confiance, le pouvoir avait détourné le sens de la question en y répondant par des actes de transparence. » (Lemarchand, 2014) Pourtant, la solution se trouve peut-être déjà au sein des états membres. L’Irlande a récemment mis en place un instrument de démocratie vieux comme Athènes : le tirage au sort. Pour la deuxième fois dans l’histoire politique du pays, 100 citoyens ont été désignés pour former une assemblée qui abordera cinq sujets de société avant de les soumettre à un référendum national. C’est en accordant un rôle actif aux européens que les institutions combleront le déficit démocratique qu’il leur est reproché. Et c’est en s’appuyant sur les bonnes pratiques de ses états membres que l’Europe légitimera son fonctionnement, asséchant ainsi le lit des partis eurosceptiques.

Alexandra Perse est étudiante en dernière année de Master Relations internationales à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) Crédit Photo © Parlement Européen

Quelles solutions pour améliorer la participation citoyenne dans l’UE ? Premier prix du concours organisé par Eyes on Europe et ses partenaires, Jonathan Dehoust explore les solutions pour promouvoir la participation de la jeunesse au sein du processus décisionnel européen et, par là même, réconcilier l’Europe avec ses jeunes citoyens. Résoudre le « déficit cognitif » pour résoudre le déficit démocratique

Si la Belgique est d’une grande complexi-

té institutionnelle avec ses multiples Réformes de l’État – l’épisode Wallonie vs. Ceta en est sans doute la dernière illustration –, aucun intéressé par la chose publique ne pourra nier que l’Union Européenne frôle l’embrouillamini structurel et politique aux yeux du citoyen lambda. Ainsi, « la » problématique première, celle qui domine dans l’absolu toutes les autres,

est la carence en science politique des jeunesses européennes avant d’endosser, jusqu’à leur mort, le costume d’électeur, voire pour certain(e)s de militant et/ou de candidat. Et il faut partir du postulat que la position de rejet instinctif résulte d’un manque de compréhension qui n’est pas à blâmer du haut, par exemple, de notre (long) bagage académique. Pour pouvoir intégrer les futurs adultes dans le processus décisionnel, encore faut-il donc qu’ils comprennent de quoi relève ce niveau supranational sophistiqué – du triptyque Commission/Conseil/Parlement à la perspective historique de l’intégration de ses membres. 7

Première étape : des milliers de parlements-jeunesses dans les écoles de l’UE En ce sens, il relève du devoir de l’École, avec la position de neutralité axiologique qu’elle jure respecter, de résoudre ce « déficit cognitif » dans l’objectif de résoudre le « déficit démocratique », les deux naviguant en mutuelle dépendance et en renforcement progressif. Mais attention toutefois à ne pas placer cette matière dans un apprentissage « théorique et classique » qui se révélerait totalement


EYES ON EUROPE

contre-productif ; la pédagogie, étalée sur les deux dernières années de scolarité obligatoire, se doit d’être ludique et proactive avec un résultat transnational qui aurait force normative auprès des autorités européennes. Décoder, puis décider. Dans toute famille politique confondue, un consensus persiste autour du bien-fondé de l’École, considérée comme primordiale dans la construction d’un citoyen cultivé et responsable. C’est pourquoi, en premier lieu, il convient de réaliser un travail de vulgarisation de la politique européenne, à raison d’au moins trois heures par mois. Cet exercice périlleux – car le pragmatisme nous fera reconnaitre le naturel « désamour du politique » chez les jeunes – ne pourra se cantonner aux épaisses frontières de l’apprentissage traditionnel. Il s’agira plutôt de dépasser « le cadre du tableau noir et de la craie blanche » pour créer une didactique ludique à travers des simulations parlementaires (de type Parlement Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou Jeugd Parlement) qui placeront directement l’élève dans un micro-processus décisionnel réglementé par l’école. L’apprentissage théorique se fera uniquement par la pratique, sans aucune lecture barbante au préalable : l’élève est placé « dès la première minute » dans l’exercice et le jeu qui lui permettra de schématiser tout au long de l’année scolaire le fonctionnement institutionnel de l’Union Européenne. Après avoir disposé les bancs et chaises sous la forme d’un hémicycle, la première séance, importante, se déroulerait comme suit : les élèves seront invités à prendre la parole dans un temps réparti (3 minutes maximum) pour évoquer un problème dans leur école et la solution qu’ils proposent. À court-terme, l’objectif est qu’ils écrivent, en commun, après la troisième séance, une proposition adressée à la direction de l’école (exemples : avoir un nouveau matériel de sport, changer le contenu d’un distributeur de nourritures et de boissons ou autoriser la consultation du smartphone en période de récréation). L’objectif premier est de les familiariser avec le travail parlementaire : les élèves auront la possibilité de s’exprimer devant les autres pour argumenter leurs opinions, trouver des points de convergences, amender, respecter les croyances d’autrui, élaborer des alliances et des stratégies et enfin voter. Il sera vivement conseillé aux écoles, à la fois de promouvoir la liberté d’expression la plus large possible – sauf bien sûr pour les propos racistes, antisémites, homophobes et sexistes – et de tendre une oreille démocratique aux volontés orales et écrites des élèves. Après ce premier exercice, il s’agira de découper, non pas la classe mais les classes, regroupés pour l’occasion, en

groupes politiques calqués sur le modèle parlementaire existant et de représenter la Commission européenne et le Conseil européen par des membres du corps professoral. Dans ce deuxième exercice qui englobera toutes les autres séances, les élèves seront amenés à travailler sur deux décrets imposés qui seront les mêmes pour tous les jeunes des États-membres de l’Union Européenne. Ces deux décrets porteront sur des thématiques nécessairement attractives qui les touchent dans leur quotidien et donneront lieu à des débats aux idées pluralistes et engagées. Le vote final sera adressé aux autorités européennes.

Deuxième étape : une décision transnationale prise à Strasbourg Cet apprentissage donnera des bagages conséquents à exploiter lors de la rhétoricienne/terminale. La première séance de cette deuxième année de plongée dans le bain parlementaire commencera par la lecture des conclusions des deux décrets imposés et d’analyser les différenciations de votes entre les pays – chercher à savoir pourquoi tel pays a voté « oui » et tel pays a voté « non ». Ici, sans doute le professeur pourra donner de la théorie à ces élèves (exemples : l’Allemagne a peur de la surveillance de masse à cause de son histoire avec la Stasi ou les pays baltes sont portés sur le sécuritaire à cause de la paranoïa d’une invasion russe). Lors de cette dernière année scolaire, toujours avec le même format, les élèves rédigeront lors des six premières séances une proposition adressée à la Commission européenne, calquée sur la proposition de changement intrascolaire réalisée au début du travail. L’écriture de ce texte fera l’objet d’un concours transnational qui aura pour finalité d’envoyer les élèves gagnants dans le véritable parlement européen de Strasbourg avec d’autres adolescents (et désormais jeunes adultes) de nationalités et cultures différentes durant trois jours. Le contenu de ce texte sera supervisé par les professeurs pour qu’il soit cohérent. Après quoi, un pointilleux travail administratif sera réalisé par un organe indépendant qui amassera tous les textes envoyés à travers l’Union Européenne à destination de la Commission. Cet organe cherchera à simplifier et coordonner les documents pour en tirer deux grands axes et choisira, avec motivation, cinq classes de rhétoriciennes/terminales dans chaque pays de l’Union Européenne, sans aucune distinction sociale, religieuse ou ethnique. À l’intérieur du parlement, véritable hémicycle dans lequel ils se seront formés durant deux années avant de quitter l’obligation scolaire et de migrer vers d’autres 8

horizons, académiques ou professionnels, les élèves pourront débattre comme bon leur semble sur deux propositions encadrés par des compétences minimes dressés à l’avance par les autorités qui auront des conséquences très limitées mais néanmoins concrètes. Car les décisions auront une force normative qui a son importance en ce sens qu’elle implique un véritable pouvoir décisionnel aux jeunesses européennes qui quittent complètement le cadre fictif pour « agir dans l’UE ».

Conclusion : décisions des jeunes, par les jeunes, pour les jeunes Cette proposition pour mieux intégrer la jeunesse dans le processus des décisions européennes a deux mérites. D’abord, elle replace l’École au centre du développement d’une citoyenneté responsable qui implique, en substance, d’avoir les connaissances basiques du système politique (européen). Ensuite, elle offre l’opportunité d’occuper le parlement européen de Strasbourg en dehors des séances officielles par des adolescents de tous horizons nationaux pour se prêter concrètement au jeu parlementaire et de proposer un travail à la Commission européenne qu’elle se devra de respecter. La solution se résume ainsi à décoder le système politique, à simuler ce système politique et à décider à l’intérieur même de ce système politique avant de commencer des études supérieures et/ou de rentrer dans la vie active. Des décisions des jeunes, par les jeunes, pour les jeunes.

Jonathan Dehoust est en 1re Master en Sciences Politiques (orientation générale) Université Catholique de Louvain-la-Neuve


Democracy and citizenship

Initiative Citoyenne : Voix pour le peuple ou voie de l’illusion ? «  La division se situe entre ceux qui se sentent représentés politiquement et ceux qui ont l’impression d’être laissés pour compte – jusqu’à l’arrivée d’un dirigeant populiste » affirmait l’archéologue et écrivain David Van Reybrouck, vis-à-vis du manque de représentativité des citoyens de l’Union européenne. Un vote périodique suffit-il pour assurer la représentation démocratique ?

En septembre dernier, le Président de la Com-

mission européenne, Jean-Claude Juncker, déclarait lors de son discours du l’État de l’Union, que l’Europe traversait, « au moins en partie, une crise existentielle ». En effet et malheureusement, l’un des moyens pour les citoyens de se faire entendre dans l’Union européenne est désormais la provocation (référendum du Brexit, montées des populismes en France, aux Pays-Bas et dans les pays de l’Est comme la Hongrie, la Slovaquie et l’Autriche, etc.). C’est le signe d’un problème structurel dû à un manque de dialogue démocratique.

Des instruments de participation démocratique existants Il serait cependant injuste d’avancer que l’Europe n’offre aucun moyen de participation démocratique aux citoyens qui la composent. En effet, depuis 1979, l’Union européenne est la seule organisation internationale au monde à ouvrir l’élection de représentants parlementaires à 508,2 millions de résidents (Office statistique de l’Union européenne, 2015). C’est une chance pour les citoyens de faire valoir leurs opinions et positions par le biais des divers groupes politiques européens. C’est notamment en raison de cela que l’ancien président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a déclaré : « Je suis toujours forcé de rire lorsque les gens se mettent à parler du déficit démocratique. Je reconnais que l’UE doit mieux fonctionner, mais sa qualité démocratique est irréprochable » (Conseil Européen, discours du 1 juillet 2014).

«  Il se passe quelque chose de bizarre avec la démocratie : tout le monde semble y aspirer mais personne n’y croit plus. » (D. Van Reybrouck) Un droit de pétition a été institué en 1992 avec le Traité de Maastricht. Celui-ci prévoit en effet que « tout citoyen de l’Union européenne a le droit d’adresser, sous la forme d’une plainte ou d’une requête, une pétition au Parlement européen sur une question relevant d’un domaine de compétence de l’Union européenne » (Europarlement). L’objectif est de permettre aux citoyens de s’adresser aux institutions de l’Union pour formuler des vœux, alors que les élections européennes permettent seulement de donner approbation à un programme). Ainsi, les citoyens peuvent présenter leurs réflexions sur un sujet en particulier auprès du

Parlement européen. Une commission des pétitions du Parlement européen statue sur la recevabilité de la pétition proposée. Le texte est ensuite traité en collaboration avec la Commission européenne qui expose également son point de vue au pétitionnaire. De plus, depuis le Traité de Lisbonne, une disposition du Traité sur l’Union Européenne (TUE, article 11) permet aux citoyens européens de soumettre un projet de texte à la Commission européenne, qui dispose de l’initiative législative au niveau européen. Plusieurs conditions sont préalablement nécessaires au lancement de la procédure, notamment l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) doit rassembler au moins un million de ressortissants de sept pays différents. L’ICE constitue une opportunité supplémentaire pour les citoyens de porter leur voix auprès de la Commission européenne. Cependant, cet outil, a priori démocratique, est-il opérationnel et efficace pour déboucher, comme il le devrait idéalement, vers une proposition législative ?

Une réelle démocratie participative ? L’ICE, pourtant officiellement ouverte depuis avril 2012, n’a guère débouché sur des résultats perceptibles pour l’ensemble des citoyens. En effet, en premier lieu seules trois sur les 56 propositions d’initiative citoyenne ont atteint le million de signatures (Right to Water, Un de nous, Stop vivisection). Parmi les trois ayant répondu aux conditions pour être « prises en comptes », aucune n’a été reconduite en proposition législative, bien que les initiatives aient été en audition du Parlement. En effet, la portée démocratique de l’ICE ne semble pas être la même pour tous les acteurs du processus. Pour la Commission européenne, l’ICE est « un instrument qui permet aux citoyens d’influer sur les programmes de travail de la Commission » et permet « d’inviter la Commission européenne à prendre des mesures dans des domaines relevant de sa compétence » (Commission européenne, 3 juin 2015). Or, si réel pouvoir « d’influer » il y a, l’« invitation » citoyenne devrait tout au moins supposer une réponse à cette invitation. La Commission n’a pourtant jamais reconduit une ICE en proposition législative quelconque : elle a donc été mise au courant de l’invitation, sans pour autant accuser la réception de celle-ci. La rencontre a été manquée. À titre d’exemple, l’initiative Stop TTIP et CETA n’a pas été auditionnée au Parlement car la Com9

mission a refusé son enregistrement et ce pour deux motifs. D’une part, la Commission a affirmé que le projet n’en était qu’au stade préparatoire et donc qu’il n’était pas encore possibe de légiférer légalement sur le sujet. D’autre part, d’après la Commission, l’ICE ne peut qu’appuyer la ratification du traité et ne peut l’empêcher. En plus du manque d’estime envers les textes proposés directement par les citoyens, la Commission européenne maintient ainsi l’image d’une mécanique européenne finalement toujours très peu abordable et modulable par les Européens. En effet, la procédure de l’ICE est complexe et lourde et la soumission d’une proposition, si tant est qu’elle existe, par la Commission auprès du Conseil et du Parlement est lente : mieux vaut se doter de patience pour les sept millions (ou plus !) de citoyens ayant signé une déclaration de soutien à une proposition législative. Par ailleurs, la procédure de l’ICE ne permet pas aux citoyens européens de saisir les motifs de refus de la Commission européenne. Les conditions d’irrecevabilité sont parfois floues et peu explicitées. De plus, le mode de financement des ICE répond aux mêmes règles que celles des partis politiques (règlement CE 2003/2004 relatif aux partis politiques) alors que les intentions et visées politiques ne sont clairement pas les mêmes : les initiatives citoyennes européennes n’ont pas pour objectif l’accès à un mandat représentatif et les droits qui en découlent mais seulement le lancement de la procédure législative. Les textes européens prévoient donc des moyens de dialogue entre les citoyens et les institutions européennes, sans pour autant que ce dialogue ne se révèle dans la pratique.

Quelles réformes possibles ? Démocratie va de paire avec transparence et accès à l’information. Aussi serait-il légitime que la Commission européenne prenne davantage soin de justifier les raisons de l’irrecevabilité d’une ICE. Ainsi, la justification concernant le refus d’enregistrement de l’initiative Stop TTIP et CETA a suscité nombre des critiques, allant jusqu’au dépôt d’un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. A l’occasion de l’initiative citoyenne l’eau, un droit humain lancée en 2015, le groupe GUE/NGL (Gauche unitaire européenne/gauche verte nordique) du Parlement Européen a déploré les difficultés d’usage de l’instrument ICE. Partant de ce constat, le groupe parlementaire confédé-


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ral a déclaré que la Commission européenne « se [limitait] à réitérer les engagements déjà pris » et qu’au vu du fait que certaines « ICE couronnées de succès et largement soutenues [...] sont négligées par la Commission, l’Union européenne elle-même perdra toute crédibilité aux yeux des citoyens » (communiqué de presse Commission européenne, juin 2015). Le 28 septembre 2015, le Parlement européen a adopté une résolution sur l’ICE réclamant une simplification des obligations relatives aux données personnelles des signataires (des outils de collecte des signatures en ligne par exemple) ainsi que de nouveaux moyens pour dégager des financements pour soutenir la mobilisation citoyenne (Europarlement). Si des réformes pour l’amélioration de la démocratie participative en Europe sont possibles, encore faut-il que les citoyens gardent espoir et confiance en celle-ci. Or, avant les élections européennes de 2014, un sondage du journal français Le Monde révélait que 53% des Européens n’ont pas confiance

envers le Parlement européen (contre 34% qui, effectivement, lui accordent cette confiance). Il est en effet évident que les représentants politiques européens qui siègent au Parlement européen ne sont pas l’illustration même d’une représentation politique assurant la «  coïncidence  » entre représentant et représenté (Myriam Revault d’Allones, 2016). Cependant, cette représentation idéale a-telle déjà existé ? Il semble que non. Etant donné l’hétérogénéité de la structure sociale, « l’émergence d’une volonté populaire cohérente relèverait du miracle » (Vincent de Coorebyter, 2016). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les représentants n’ont généralement pas de mandats impératifs envers les électeurs : ils ne peuvent pas représenter la volonté des peuples qui les ont élus en tout temps et circonstance. Cette volonté n’est pas une entité homogène mais hétéroclyte et nécessite donc des compromis. Ainsi, même la démocratie directe athénienne ne permettait pas une représentation complète des citoyens. L’idée même de représentation est justement qu’elle ne peut qu’être représentative, c’est-à-dire être capable d’agir au nom des représentés pour défendre leurs intérêts tout en s’adaptant aux circonstances. Néanmoins, bien qu’imparfaite la représentation democratique repose avant tout sur la confiance. La confiance envers les parlementaires européens étant limitée, il va donc de soi que la représentation au niveau européen ne peut être qualifiée que d’inachevée. Les chiffres d’abstention

des dernières élections européennes parlent d’ailleurs d’eux-mêmes : 56,3% de l’électorat ne s’est pas déplacé pour élire les députés européens en France, 77,3% en Pologne mais seulement 10% en Belgique (État où le vote est par ailleurs obligatoire). Avant d’espérer de nouveau une confiance des citoyens européens envers leurs représentants et, plus généralement, l’ensemble des institutions européennes, il faudrait que les dirigeants européens s’attaquent aux causes profondes de cette crise de la représentation. Le cas inverse, les partis populistes continueront à diffuser leurs pensées réactionnaires et à s’accaparer les foules, au détriment d’une Europe citoyenne.

Lola Couturieux est étudiante en 2e année à Sciences Po Strasbourg Crédit Photo © European Parliament

Stand up for Europe : Entre démocratie citoyenne et projet pan-européen En ces temps de remise en cause de l’Union européenne, nous avons décidé de vous présenter un exemple de mobilisation de la société en faveur de l’Union. Voici notre interview de Pietro De Matteis, vice-président de Stand up For Europe, un mouvement citoyen pan-européen qui veut faire en sorte que les Européens se rencontrent et s’approprient le projet européen en promouvant l’échange au niveau local. Eyes on Europe  : Qu’est-ce que Stand up For Europe? Pietro De Matteis : Stand up for Europe est un mouvement citoyen qui promeut l’action locale et transnationale pour faire prendre conscience aux citoyens de leur identité et intérêts européens et les défendre. C’est pour cela qu’on a créé des équipes au niveau local et avant tout dans les villes ; pour faciliter

ce lien entre le niveau local et européen. D’ailleurs, Stand Up For Europe veut développer des équipes dans toutes les villes européennes. Nous avons commencé par Bruxelles et Bologne. Puis, on a aussi développé des équipes à Milan, Paris… Aujourd’hui, des équipes se forment à Munich, à Berlin. Le développement de nos équipes est lié à la demande et l’enthousiasme de nos activistes. L’intérêt vient d’un peu partout et la difficulté, c’est de mettre en contact les gens dans une même région et surtout dans une même ville. 10

EoE : Pourquoi parler du modèle particulier des États-Unis comme exemple d’État fédéral pour l’Europe ? Quelles valeurs du système américain revendiquez-vous ?

PDM : En fait, on n’a pas choisi le modèle américain spécialement. Quand on a commencé avec le mouvement, Stand up for


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the United States of Europe, c’était pour donner une idée claire de ce que serait une Europe fédérale. On a des modèles de fédéralisme en Europe que l’on peut utiliser. Il y en a aussi ailleurs dans le monde. D’ailleurs, on est sûr qu’on pourrait faire beaucoup mieux en apprenant des erreurs américaines depuis 200 ans. Ce qui est important pour nous, c’est l’idée et l’approche du fédéralisme qui considère qu’il est fondamental que les citoyens gardent un contrôle sur toutes les institutions de manière claire ; que les compétences des institutions soient claires aussi et que les décisions soient prises le plus près des citoyens. Pour avoir une bonne démocratie, il faut être sûr de « qui fait quoi ? », soit l’accountability, et que les décisions soient prises au niveau le plus approprié. Si c’est des questions de politique étrangère, on veut que ce soit l’Union européenne. Si ce sont des politiques industrielles stratégiques (Espace, transport), on pense également que c’est mieux au niveau européen. Le transport local, la politique de la ville, là évidemment c’est au niveau des villes que ces politiques doivent être traitées, par exemple. Donc il y a comme deux jambes au projet. La première est de clarifier le partage des compétences aux yeux des citoyens et la deuxième concerne le développement de mécanismes de décisions efficaces pour faire face aux défis d’aujourd’hui et le plus proche possible du citoyen.

EoE : Quelles sont les propositions concrètes du mouvement ? Ont-elles évolué depuis 2014 ? PDM : Oui, le manifeste de 2014 était fait pour les élections européennes de 2014. Il y avait un contexte différent. L’Europe n’était pas encore secouée par la crise des réfugiés, la crise de l’intelligence ; il n’y avait pas de terrorisme dans la même mesure qu’on le connait aujourd’hui. Mais les éléments principaux sont toujours les mêmes ayant pour objectif une Europe vraiment démocratique, efficace et citoyenne. Après la fusion avec le European Federalist Party et USE now, nous avons donc développé de nouvelles propositions sur la base de l’ancien manifeste et nous les avons appelées : « nos propositions pour une Europe meilleure ». Elles sont disponibles sur notre site internet : www.standupforeurope.eu.

Europe meilleure, il y a la proposition d’un ministre européen des affaires étrangères, des contrôles aux frontières européennes, harmoniser les standards pour les immigrés pour assurer un traitement juste dans toute l’union. De même, aujourd’hui, on ne peut pas avoir 40 services de renseignements. On a vu qu’en cas de manque de communication, cela ne fonctionne tout simplement pas. C’est pour cela que nous voulons un vrai service européen des renseignements. Aux États-Unis, il y a la CIA, on voudrait la même chose au sein de l’UE. On ne promeut pas une institution qui serait un simple organe de partage d’informations mais bien la création d’une institution structurée et dans laquelle les informations circulent automatiquement. Nous sommes aussi partisans d’une police fédérale pour lutter contre le crime transfrontalier. On est toujours en crise aujourd’hui et on n’a pas le temps de penser à l’avenir  : digital, numérique… donc avoir un politique dans ce domaine, dans l’éducation avec Erasmus qui met en contact les citoyens serait une bonne chose pour le futur européen. D’ailleurs, c’est le projet initial de Jean Monnet qui disait  : « Notre mission n’est pas de coaliser des États, mais d’unir des hommes ». Je pense que le projet européen doit un peu retrouver sa source qui était de réunir les hommes et pas les États. Toutes les politiques devraient renforcer cette dimension humaine et citoyenne.

EoE : Dans son dernier ouvrage, Mario Telo explique que l’UE est et sera une organisation régionale et pas un État fédéral en formation. Pourquoi vous opposez-vous à cette vision ? PDM : La première question qui se pose c’est : Qu’est-ce qu’une Organisation régionale et un État en devenir ? Si on regarde l’Italie, on a longtemps considéré qu’il s’agissait

Tout d’abord, il faut renforcer les institutions qui sont déjà démocratiques comme le Parlement. Le président de la commission doit être élu au suffrage universel en renforçant la bonne pratique de 2014. Après, il y a des mesures plus structurelles pour renforcer la légitimité, et des mesures pour faire face aux événements actuels. Dans nos propositions pour une 11

d’une expression géographique gérée par plusieurs États avec leurs langues, des histoires différentes et souvent très longues comme dans le cas de Venise. Si on regarde l’Allemagne, c’est un État fédéral avec dans länder puissants, avec leurs cultures, leurs accents. Pourquoi aurait-on donc cet apriori sur l’Europe ? Ce n’est pas parce qu’il y a des différences culturelles qu’on ne peut envisager une structure étatique fédérale. L’Histoire de l’Europe en est la preuve : des régions si diverses comme la Sicile et la Lombardie sont structurées au sein de l’État italien de même que la Bavière et la Hesse ont pu converger au sein de la République Fédérale d’Allemagne. Alors au nom de quoi ce processus ne serait-il pas envisageable voir souhaitable au niveau Européen ? Ce qui manque à l’UE pour être une Fédération, c’est la conscience d’être européen et c’est pour cela qu’on travaille dessus. Pour créer l’Italie, il a fallu faire les Italiens. On a donc fait l’UE mais pas encore les Européens. Pour cela, les citoyens européens doivent se rencontrer pour commencer à penser à leurs intérêts en tant qu’Européens. Avec les attaques terroristes, par exemple, les Européens se rendent compte que leur droit à la libre circulation est lésé quand on bloque les frontières. Certains citoyens commencent donc à agir pour défendre leurs droits. Or si une partie conséquente de citoyens se mobilise en Europe, et donc agit, alors on aura créé une conscience européenne. Un État se compose d’un territoire, d’un peuple et de la souveraineté. Pour le moment, l’Union européenne a un territoire plus ou moins défini et la souveraineté qu’elle soit directe ou partagée avec les États membres. Ce qui manque à l’Union européenne, c’est plus le sentiment d’appartenance à un même peuple ; même si celui-ci commence à se former. Stand up for Europe en est un exemple parmi d’autres. Il y a aussi de plus en plus des manifestations « For Europe ». Nous les avons vues après le vote du Brexit à Londres, il y a quelques semaines en Roumanie, de


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prévue dans nos statuts. Mais cela se fera seulement si on a une base de citoyens qui nous le demandent et qui nous permettra d’avoir un impact important. La priorité aujourd’hui est donc de développer des équipes dans chaque ville. On met aussi en place des outils pour permettre la communication entre les équipes et pour après pouvoir les mobiliser au niveau européen. Nous voulons créer des liens pour renforcer la conscience européenne. C’est, pour nous, la base de la citoyenneté européenne nécessaire pour soutenir une Europe unie et capable de faire face aux défis d’aujourd’hui.

plus en plus souvent en Allemagne – j’y étais moi-même à Francfort il y a quelques jours – et il y en aura d’autres pour le 25 Mars à l’occasion de la célébration de 60 ans des traités de Rome dans plusieurs villes Européennes. Quand cette prise de conscience sera assez large, on aura l’élément pour transformer l’Union européenne en une fédération. Nous, nous proposons un modèle fédéral, car c’est la meilleure façon pour assurer des décisions efficaces, démocratiques et au niveau le plus proche du citoyen.

EoE : Dans cette perspective fédérative, que pensez-vous du Brexit ? Est-ce une nouvelle crise qui s’ajoute aux précédentes ou bien est-ce une chance pour l’UE ? PDM : Le Brexit, c’est le dernier opt-out de l’Angleterre. Depuis que le Royaume-Uni est devenu membre de la Communauté européenne puis de l’Union, il n’a cessé de développer une position particulière et assez défensive à l’encontre de l’Union européenne. Pour le Royaume-Uni, c’est certainement une crise mais pour nous c’est aussi une opportunité. Cela nous oblige à repenser les objectifs de l’Union européenne et comment on peut former une structure viable. Maintenant, on commence à parler d’une Europe à plusieurs vitesses. On s’est rendu compte qu’à 28 ce n’est plus possible d’avancer à la vitesse adaptée aux changements du monde d’aujourd’hui. De facto, on est déjà dans une Europe à plusieurs vitesses avec Schengen et l’Euro. Maintenant, il faut s’assurer qu’on peut bouger et avancer dans l’intégration. Depuis Maastricht, on n’a plus rien fait. Le Traité de Lisbonne a gardé quelques éléments du traité constitutionnel avorté ; mais l’aspect symbolique avait disparu. Pour nous, c’est donc une opportunité pour comprendre ce qu’est le projet européen et regarder l’avenir plus concrètement.

EoE : Qu’en est-il de l’élection de D. Trump ?

Louis Charpentier est en Master en Relations Internationales à l’ULB

PDM : Si on reste sur une position défensive, cela va nous endommager. Mais si on est proactif, alors ce sera une opportunité. Pour moi, c’est une opportunité. Si on a d’un côté la Russie qui nous met sous pression, et de l’autre côté, les États-Unis qui nous regardent avec mépris, nous avons tout intérêt à assurer notre propre sécurité. D’ailleurs, la possible nomination d’un diplomate américain europhobe qui a comparé l’UE à l’Union soviétique, confirme la position de la nouvelle Administration. D. Trump qui comme V. Poutine soutient des mouvements qui vont à l’encontre de l’intégration européenne. Cette vision nationaliste des politiques étrangères peut être un réel problème pour nous si on ne prend pas notre destin en main rapidement. On arrive au 60e anniversaire de Rome ; c’est le moment parfait pour comprendre ce qu’est le projet européen et clarifier le fait qu’on ne peut pas être dépendant d’un pays tiers pour notre sécurité. On ne peut pas avoir une politique européenne sécuritaire divisée si on veut protéger les citoyens.

EoE : Stand up for Europe avait présenté des candidats lors de la dernière élection européenne. Recommencer ? Ou non ? Quelles sont les prochaines étapes ? PDM : Nous avons tenté l’expérience des élections européennes pour pousser le débat sur l’Union européenne. Maintenant, notre objectif est de créer une base critique de citoyens européens. Nous sommes un mouvement citoyen et on n’a pas l’intention de participer aux élections tout de suite ; surtout pas nationales mais peut-être un jour au niveau européen. C’est une option 12

Pour plus d’information sur le mouvement de manière générale, contactez Info@standupforeurope.eu Si vous souhaitez vous renseigner sur les actions de la city team bruxelloise, contactez Brussels@standupforeurope.eu


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La transparence au sein de la Commission européenne : fiction ou réalité ? La Commission européenne s’est retrouvée au cœur de plusieurs scandales qui ont fait les choux gras de la presse européenne mais aussi internationale. Certains commissaires entretenaient des liens trop ambigus avec certains lobbys et leur intégrité a été remise en cause. La Commission a réagi et de nouvelles mesures ont été prises pour limiter et contrôler ces relations. Mais plusieurs questions restent encore en suspens et l’opinion publique reste mitigée quant à l’éthique de certains commissaires. La transparence, un concept-clé pour la Commission européenne ?

Il est impératif que les décisionnaires de l’Union

soient au-dessus de tout soupçon et surtout lorsqu’on en vient au processus décisionnel européen même. Les commissaires jouent en effet un rôle très important au sein de ce dernier, ils prennent des décisions qui peuvent influencer la vie de chaque citoyen européen, directement, par le biais de décisions vis-à-vis des entreprises en matière de concurrence, ou indirectement en exerçant son pouvoir de proposition auprès du législateur européen. La transparence, c’est-à-dire le fait de ne rien laisser secret et de ne pas passer certains éléments sous silence, est devenu le fer de lance de la Commission européenne. En effet, depuis plusieurs années, la Commission se bat pour la garder intacte, si ce n’est, tente de l’améliorer. Il est très important que les commissaires respectent une certaine distance éthique dans leurs relations avec les lobbys. Ceux-ci peuvent être de plusieurs types mais nous nous intéresserons dans cet article plus particulièrement aux entreprises privées. Les commissaires sont amenés, d’une manière quotidienne, à rencontrer des représentants de ces entreprises. Des liens se créent et certaines affinités se développent. Ce ne serait pas problématique dans un cadre moins formel mais dans le cadre de décisions politiques, cela peut causer énormément de troubles et diminuer l’authenticité du travail des commissaires, notamment lorsque des soupçons d’incitation économique dans la prise de décisions se font sentir. Ces intérêts personnels peuvent ainsi se retrouver en première ligne lorsqu’il s’agit d’envisager l’avenir des citoyens européens. Cela est bien évidemment inadmissible et ne peut être toléré par une institution telle que la Commission. C’est pour cela que des mesures ont été prises, elles seront évoquées plus tard dans cet article. Mais penchons-nous à présent sur les lobbys et leurs relations complexes avec la Commission.

Les lobbys : bienveillants ou hostiles ? « Un lobby est un groupe de pression. Il s’agit d‘une organisation regroupant des intérêts communs à des institutions ou entreprises. Un lobby défend ses valeurs et intérêts auprès des décideurs politiques » (définition L’internaute). Les

lobbys peuvent être de plusieurs types comme les groupes de pression religieux ou encore les ONG. D’après un article du journal Le Soir (V. Lhuillier, Le Soir, 2016), le nombre de lobbys à Bruxelles serait de plus de 20 000. Ces groupes se veulent pacifiques, leurs moyens de pression démocratiques et éthiques. Néanmoins, force est de constater que cette éthique fragile n’a pas empêché les nombreux scandales qui ont éclaté ces dernières années. Les affaires Kroes ou Barroso ont défrayé la chronique et entaché la politique de transparence de la Commission européenne. Les relations entre ces commissaires et des entreprises privées soulevaient ainsi la question du conflit d’intérêts. En effet, comment être certain que le commissaire n’agissait pas dans l’intérêt de l’entreprise avec laquelle il était en contact ? Et comment s’assurer que cette même entreprise ne tenterait pas de l’influencer ? Autant de questions qui restent sans réponses.

Les affaires Kroes et Barroso L’affaire Barroso a fait la une des tabloïds européens et internationaux durant le mois de juillet 2016. Le public apprenait alors que l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait été engagé par la banque américaine Goldman Sachs. Les réactions ne se sont pas faites attendre et nombre de citoyens en colère se sont plaints du nouveau poste de l’ancien président. Des lettres ont même été envoyées à l’actuel président de la Commission, Jean-Claude Juncker. La raison ? Le manque d’éthique flagrant de cette démarche. José Manuel Barroso a effectué ce qu’appelle le chercheur Hemane Slimane « un pantouflage ». Il entend par là le fait qu’un agent de la Commission européenne parte travailler, à la suite de son mandat, dans le secteur privé. Certes, monsieur Barroso a rejoint la banque Goldman Sachs après que ses fonctions au niveau européen ont pris fin mais les conflits d’intérêts restent néanmoins flagrants. Le public peut ainsi se demander s’il ne va pas fournir des informations confidentielles pour l’UE à la banque américaine, par exemple. D’autres se posent également la question de savoir si l’entreprise privée ne pourrait pas influencer l’ancien président qui est sans doute encore en contact avec énormément de personnes issues de la Commission. Dans le même registre, l’ancienne commissaire Neelie Kroes aurait également dirigé une société offshore aux Bahamas de 2000 à 2009 tout en étant commissaire à Bruxelles à partir de 2004. Ce scan13

dale suivant de près celui de l’ancien président Barroso vient encore ternir l’image de la Commission européenne en la matière. Selon l’article du journal Le Monde « les anciens commissaires sont notamment liés par des obligations de discrétion et d’intégrité et soumis à des règles strictes de transparence » (A. Alemanno, Le Monde, 2016). Il est clair que Neelie Kroes n’a pas respecté ces règles en matière de transparence et visant à éviter les conflits d’intérêts et qu’elle a sciemment enfreint le règlement qui lui était imposé. Au-delà de l’étendue desdites règles se pose donc la question du contrôle quant à leur application. Après de tels scandales, il est normal de se demander ce que met en place la Commission pour enrayer ces phénomènes, que ce soit le pantouflage de ses agents, leurs activités secrètes ou encore leurs relations ambigües avec les lobbys présents à Bruxelles.

Des mesures ambitieuses ... Pour contrer ce problème récurrent de transparence, la Commission a pourtant déjà mis en place nombre de mesures. La plus ambitieuse et celle qui semble la plus efficace est le référencement obligatoire dans un registre de tous les lobbys privés actifs auprès de la Commission (Site de la Commission). Même si cela est une bonne idée à la base et permet de répertorier les entreprises privées qui se considèrent comme des groupes de pression, cette mesure est difficile à mettre en pratique. En effet, toutes les entreprises considérées comme telles ne s’y déclarent pas forcément. De plus, tous les pays européens ne forcent pas les lobbys à s’inscrire dans ce registre. Une autre mesure prise par la Commission est la règle des 18 mois. Ainsi, un ancien commissaire doit attendre 18 mois à la fin de son mandat avant de partir travailler dans le secteur privé. Cela permet de l’éloigner des sujets traités par la Commission et donc de réduire les conflits d’intérêts une fois qu’il intégrera une entreprise privée. Actuellement, faisant suite à l’affaire Barroso, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, souhaite étendre cette mesure à 2 ans pour les ex-commissaires et à 3 ans pour un ancien président (Sud Ouest, 2015). Là encore l’idée semble bonne et efficace mais quelque peu utopique. Il est extrêmement compliqué de vérifier si les commissaires attendent bien 18 mois pour entrer en contact avec le secteur privé et il est impossible d’être certain de quelles relations ils entretiennent avec ces entreprises.


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Les mesures ayant d’ores et déjà été adoptées par la Commission européenne ont obtenu des résultats décevants comme le démontrent les affaires Barroso et Kroes et bien d’autres encore. Néanmoins, ces mesures n’ont peut-être pas étaient veines et certains chiffres appuient même une amélioration de la transparence ...

Un léger progrès ... Mais insuffisant? Comme évoqué précédemment, certains chiffres offrent un aspect plus positif à la situation de la transparence au sein de la Commission européenne. En 2010, 6 anciens commissaires sur 13 se sont dirigés vers le privé à la fin de leurs mandats contre 9 sur 26 en 2014. Un léger progrès qu’il faut souligner. Cependant ces progrès sont loin d’être suffisants. Au vu des faits et des analyses qui en découlent, plusieurs soucis au niveau de la transparence de la Commission européenne ont pu ainsi être mis en évidence. Tout d’abord, le manque d’éthique des commissaires. Les affaires Barroso et Kroes ne sont que la partie visible de l’iceberg. D’autres cas sont sans doute passés sous silence. Mais si nous nous en tenons aux faits, il est indéniable que le constat est

inquiétant : plusieurs commissaires ne respectent pas les règles qui leur sont imposées. Cela crée un manque de confiance chez les politiciens mais également chez les citoyens européens. Comment conserver une transparence exemplaire si ses gardiens ne respectent pas l’éthique professionnelle ? Ensuite, les nombreux lobbys présents à Bruxelles faussent cette transparence tant recherchée. 20.000 lobbys existent actuellement dans la capitale européenne et ils agissent en fonction de leurs intérêts propres. Ce n’est pas illégal, certes, mais leurs limites ne sont pas assez clairement définies. Nombre de commissaires peuvent être influencés chaque jour et agir ensuite dans l’intérêt d’un quelconque groupe privé plutôt que dans celui des citoyens européens. Cela est bien évidemment inadmissible. Le souci est que malgré les mesures prises, il est impossible de vérifier constamment ces relations qui existent entre les commissaires et ces fameuses entreprises privées et de traquer leurs moindres faits et gestes. Cela serait une atteinte à

la vie personnelle des commissaires et cela serait bien évidemment illégal. Ces problèmes ne vont pas disparaître de sitôt et la Commission européenne devra constamment se battre pour imposer la transparence au sein de l’institution. La bataille pour imposer cette transparence est bel et bien engagée depuis des années au sein de la Commission européenne et elle n’est pas prête d’être remportée.

Déborah Miller est étudiante à l’IEE Crédit Photo © European Commission

Union européenne, pourquoi es-tu si distante ? 47% des citoyens sont défavorables à l’UE selon un rapport de Pew Research center publié en 2016. Les ressortissants et médias européens ont le sentiment d’être désinformés et mis à l’écart en ce qui concerne les affaires européennes. Mais l’UE n’est-elle pas aussi victime d’une désinformation ou d’une incompréhension ? Et les Médias n’y contribuent-ils pas à leur manière ?

À

l’heure où l’information et la communication se développent de manière exponentielle, la désinformation fait des ravages et peut s’avérer être un outil très violent. Eyes on Europe, Cafébabel et le Représentation de la Commission européenne en Belgique prirent l’initiative d’organiser un atelier d’échanges entre journalistes, fonctionnaires européens et experts du média et de la communication sur deux thématiques : « Union européenne, comment contrer la désinformation ? » et « La communication autour des projets financés par l’UE ».

La désinformation de l’UE Le concept de désinformation est une technique de communication de masse qui alterne la réalité afin d’influencer, de tromper et de promouvoir une idée, un concept. Elle peut être voulue par l’État, des groupes sociaux, des entreprises, mais peut aussi être involontaire à cause d’une

incompétence, erreur ou d’une mauvaise compréhension des faits. L’UE, les médias et les citoyens sont à la fois victimes de la désinformation et contributeurs. L’UE embrasse un comportement assez distant envers ses citoyens qui se sentent délaissés par elle. L’Europe est signe de désillusion et d’incompréhension. Selon le rapport Pew Research Center, le nombre d’eurosceptiques augmentera en 2017, en réponse au Brexit, aux politiques migratoires et économiques futures de l’UE. Fort est de constater qu’un fossé se creuse, de jour en jour, entre ses citoyens et elle. Le futur de l’UE est sombre. Les reproches faits à l’Union européenne ne cessent d’augmenter et incluent son manque de transparence, sa complexité, sa distance, ses mauvaises politiques sur le plan économique, international et européen et sa communication non ponctuelle. Mais cet euroscepticisme n’est-il pas alimenté par une désinformation ou une mauvaise compréhension de la chose européenne ? 14

Les médias et la désinformation, une histoire de rendement ? L’une des besognes, et loin des moindres, des médias est de rendre un rapport pertinent de l’activité et des décisions européennes. Pourtant le phénomène de la désinformation ne cesse de s’accroître. La formation journalistique est certes pointue, mais de nombreuses lacunes au niveau de l’étude européenne et politique demeurent. Une mauvaise maîtrise de la chose européenne et politique peut vite jouer en la défaveur des journalistes et remettre en question leur professionnalisme. Personne ne contredira qu’il soit très compliqué de saisir avec finesse les rouages de l’UE et de sa politique. Ce manque de connaissance joue un rôle considérable dans le phénomène de désinformation. Avec l’apogée d’internet, des sites « mainstream », Facebook, Twitter, ont rendu le fact-checking plus à la mode. Le problème de vérification de sources est


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certainement un grand obstacle au bon travail du journaliste. Cette vérification qui est une des tâches primordiales du journaliste passe à la trappe. C’est une course à celui qui publie le premier. Nos journalistes nous le disent : « On essaie de les vérifier, mais parfois on n’a pas le temps ». Il est difficile pour eux d’appliquer à la lettre la vérification des sources, cela demande énormément de travail et de l’investigation. De plus, les journalistes n’apparaissent pas toujours impartiaux. Il est aisé de comprendre qu’un journaliste privilégiera un article plus vendeur à un autre. La marchandisation de l’information, quitte à donner de fausses informations par la vérification biaisée des sources ou/et la connaissance insuffisante des rouages et activités de l’UE, peut être source de négligence de la part des journalistes. C’est par ce phénomène que certains sujets des plus importants pour le grand public passent à la trappe.

La communication autour des projets financés par l’UE. Selon une récente étude, 75% des Belges disent ne pas être bien ou pas informés au sujet des activités européennes. Et 8% déclarent avoir disposé de financements européens pour l’élaboration d’un projet. Chaque année, l’UE apporte une aide financière sous forme de subventions, prêts et contrats à des PME, ONG à but non lucratif, projets jeunesses, chercheurs, agriculteurs et entreprises rurales. Cet argent

est géré en association avec les autorités nationales et régionales par l’intermédiaire de différents fonds tels que FEDER, FSE, FC, FEADER ou encore FEAMP. L’objectif 2020, objectif de croissance économique pour l’Europe, n’est pas de générer du profit à l’acquéreur de l’aide, mais bien de l’assister à parvenir à un « équilibre économique » (https://europa.eu/european-union/about-eu/funding-grants_fr). Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres des acquéreurs d’aides européennes, le phare du Kaanal , situé à Molenbeek, qui est un café-cantine disposant d’un espace de co-working avec des possibilités de privatisation. Les projets financés par l’UE sont victimes d’une mauvaise communication de la part des instances européennes, des journalistes mais aussi des organisations de fonds citées plus haut. L’UE adopte un comportement distant et invisible plus précisément au niveau local. La Commission européenne devrait établir un plan de communication et de stratégie à la promotion de ces initiatives. Il est dans l’intérêt de l’UE de mettre en œuvre une communication de ses investissements et d’améliorer la visibilité de ses activités quitte à travailler, main dans la main, avec les journalistes et les organisations de fonds telles que FEDER, FSE, FC, FEADER et FEAMP. Les projets sont difficiles à vendre aux citoyens, selon nos journalistes, et donc difficile d’en faire la publicité. Ce n’est pas vendeur, pour faire court. Nos intervenants préconisent l’établissement par l’UE d’une communication locale qui

touchera beaucoup plus de monde et qui aura pour intermédiaires les journalistes et les organisations de fonds. Même s’il faut pour cela donner plus de moyens aux organisations de fonds pour améliorer la communication de ces projets.

Conclusion Contrer la désinformation devrait être autant une priorité pour l’UE que les Médias, car tous les deux y contribuent et en sont victimes. Quitte à travailler main dans la main, la Commission devrait mettre en place des débriefings pour permettre aux journalistes une meilleure compréhension et une meilleure visibilité des affaires européennes et proposer une réforme qui permettrait une meilleure collaboration UE-médias. L’UE devrait aussi penser à appliquer concrètement le principe de transparence énoncé lors du traité de Maastricht ainsi que renforcer le lien administré-administrant. La désinformation tant du côté de l’UE que des médias est en leur défaveur. Il serait grand temps qu’ils mettent tout en œuvre pour contrer ce phénomène, qui un jour, peut se retourner contre eux est réalisé l’expression : « l’arroseur arrosé ».

Ornella Herman est étudiante en Sciences Politiques à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

Towards nuanced EU referendums : Beyond desinformation and the democratic crisis In 1972, the first referendum on European integration took place in France. Since then, 40 referendums on EU topics have been conducted in member states and candidate countries (Hobolt, 2005). Topics ranged from membership issues to the Eurozone and the Greek bailout. While referendums attract many critical voices, a strong case can also be made in favour of them. In this article the thorniest issues regarding referendums will be set out to construct a way to improve this form of direct democracy. Downsides of referendums

Referendums have always attracted vocal crit-

ics. One can easily raise concerns on the simplicity of a yes/no question. Indeed, the complexity of the issues at stake are usually of such controversial nature that they rarely fit into one simple question. The outcome of a referendum, be it a yes or no, can easily be utilized for offsetting the decreasing legitimacy of politicians actions. Indeed, it can be operated as a sort of carte blanche

for questionable decisions, as a very convincing argument leading his policy choices, since it is “the people’s will”. Furthermore, a referendum per se does not consist of a form of democracy if correct and complete information to citizens is not available. As Zaller pointed out in 1992, “The impact of people’s value predispositions always depends on whether citizens possess the contextual information needed to translate their values into support for particular policies or candidates, and the possession of such information can (...) never be taken for granted”. Lastly, given 15

the lack of nuance, referendums tend to have a very divisive effect on a population. That is the reason why referendums are not legally possible in a federal state such as Belgium, with large regional differences.

A positive note on referendums Although shortfalls of referendums are numerous, certainly support can also be found for this form of direct democracy. It can count as an effort to


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mobilize citizens for the political cause, for example. In this regard, the main disadvantage, namely the simplicity of the question can also be seen as an advantage. Indeed, many citizens that normally opt out on complex and opaque politics, can feel empowered to give their opinion. Notwithstanding the possible consequences of a mass vote of ill informed voters, the mere fact that people vote yes or no on a political issue can in one way be seen as a victory for democracy. In this article, three referendums will be looked at more closely : the 2005 referendums on the European Constitution, the referendum on the Brexit in the UK in June 2016, and lastly the most recent one, The Hungarian referendum on the migrants in October 2016.

The European Constitution In 2005 firstly, French and Dutch citizens voted against the so called European Constitution which consequently was never ratified. The referendum in the Netherlands was one of consultative status, thus non-binding for the government. In the referendum, 61.6% of the voters said “no”, 38.4% voted in favor of the Constitution. Whereas one could conclude from this that the Dutch are apparently a rather Eurosceptic people, a more nuanced view is needed. Indeed, many Dutch voted against because they opposed the so called primacy of EU laws in relation to national laws. This narrative emphasized that this primacy would be implemented after the Constitution was ratified. However, many Dutch people did not realize that this primacy was already the case for 50 years, and it would stay exactly the same if the Constitution would come in place. Consequently, the Constitution was never ratified, but what happened next, is a striking example of the democratic crisis the EU so infamously suffers from. The Lisbon Treaty came in place, and it almost literally took over the stipulations written down in the EU constitution, leaving aside the most obvious symbolic parts, such as the EU anthem and the words “constitution”. One can argue rightly that the democratic value of this repacking of the EU constitution into different wording was questionable to say the least.

The Brexit A second referendum is interesting in this regard : the Brexit. This referendum is an especially good example of the problem of the simplicity of the

question asked. Indeed in the case of the Brexit, no opinion was asked on whether voters opted for a hard or soft Brexit. The main difference between those two is that the UK would remain a part of the single market in the case of a soft bexit. Because voters were forced to choose between yes or no however, there was no room left for nuance. The whole “out-camp” was portrayed as a homogenous group, while the contrary was true. Furthermore, it seemed that a lot of voters were ill informed about the consequences of a possible exit of the UK out the EU, since the campaign was focused on catch phrases rather than facts. However, one can argue that it is quite elitist and even arrogant to assume that the British voted no out of ignorance. When the intensity of the campaign is high, voters are more likely to make reasoned and competent decisions and vote on the basis of their attitudes on European integration (Hobolt, 2005). As such, we can conclude that indeed, many British voters wanted the UK to leave the EU. This does not take away the fact that these reasoned and competent decisions were in many cases based on misleading information. Very doubtful promises have been made during the campaign, and it is unquestionably true that a large part of the voters based themselves on these kind of promises when voting. Striking in this regard was the so called “fact” that, if the UK leaves the EU, £350m would “no longer be sent to the EU” and would be spent on the National Health Service. I must have been a very bitter moment for many “in” voters, to see Nigel Farage break that exact promise one morning after the referendum on national television. Another thorny issue on this referendum, was the age distribution of the yes and no votes. Furthermore, youngsters voted to stay in the EU, whilst older people opted to exit the EU. This resulted in a lot of frustration amongst young people and the feeling of feeling “betrayed” by the older generation, which clearly point out the divisive effect of referendums as mentioned above.

The migrants A third referendum that exposes some weak point of referendums, is the most recent one, The Hungarian referendum on the migrants in October 2016. In this referendum, the Hungarian citizens were asked to vote on whether they agreed with the proposed relocation scheme for migrants, as set out by the EU. The English translation of the question asked, goes as follows : “Do you want the European Union to be able to mandate the obligatory resettlement of non-Hungarian citizens into Hungary even without the approval of the National Assembly ?” This connotation makes it seem as if the EU is to impose impossible burdens on Hungary, while the contrary was true. Hungary would “benefit” from the relocation 16

scheme, since 54,000 refugees would be relocated from Hungary to other EU states. From this, it becomes clear that this referendum was more about rhetoric and political visibility for Viktor Orban, rather than real questions. This narrative clearly worked, since Hungarian voters, in an almost unanimous way, voted against the relocation plan. This referendum, besides the misinformation, also illustrates the opportunity for a leader to exploit the outcome of a referendum. Indeed, Viktor Orban will happily use this “will of his people” to ignore EU obligations.

How to move on from this? The narrative of the “big EU monster” imposing its will on powerless EU States is eagerly exploited by many European leaders that call for referendums. A referendum is an easy way for a protest vote, where, no matter which specific issue is at stake, disillusioned voters are tend to vote in whatever way the EU would be disadvantaged. Moreover, it is also possible that referendums become second-order elections. This concept is based upon the notion that EU politics are too complicated and far removed from national voters to allow them to engage with it meaningfully, which leads voters to rely on national proxies as a cue (Anderson 1998). At this point, we thus have to find a form of political participation that includes the advantages of referendums, such as the mobilization of citizens, and that finds a way beyond its shortfalls, such as the exclusion of any room for nuance and debate when voting yes or no. Thus, if designed in a constructive manner, referendums can surely consist of a useful way to consult the citizens. However, it should always be complemented with a more nuanced form of participation, where citizens can not only give a simple yes or no, but are also encouraged to argue why they chose this. In this way, a lack of information, or even worse, false information, can be countered by other citizens giving their opinion. in this regard, the G1000, an initiative of the Belgian David Van Reybrouck showed us that citizens are capable of coming to a nuanced solution for problems, when they are given the time, information and setting for it. As such, citizens are not obligated to choose between black and white but rather are encouraged to form opinions, listen, compromise and so on. The outcome of these representative groups of society’s debates could have the same function as the outcome of the referendum, namely help politicians decide on controversial matters, while taking into account citizens grief.

Paulien Natens is an advanced Master student in International and European law at the VUB. Photo Credit © Pixabay


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A “Land of possibilities” or modern slavery in Europe Poland is well known for its posted workers, i.e. cheap labour forces sent to work in other Member States of the EU. Meanwhile, Polish firms are employing even cheaper workers from North Korea – workers sponsored by Mr. Kim Jong-un.

A Modern Slavery Apparatus?

Officially the EU does not entertain any

or very limited relations with the Democratic People’s Republic of Korea (DPRK). Sanctions and other restrictive measures against the East Asian State are in place and supposedly reflect the Western World’s discordance with the regime, its ongoing nuclear tests, Human Rights violation and so forth. Yet, if one goes to Polish harbors, one finds North Korean workers, among others, producing ships for clients such as the NATO and other big names. Proudly, Polish firms decorate their websites with slogans like guaranteed high quality products to very low production costs. But, those cheap production costs are made possible thanks to a rather unbelievable system: the presence of the North-Koreans workers, who work, usually under some form of duress, 12-20 hours shifts for a very low salary (Zeit 2016). This economic and physical exploitation of human beings seems to be in violation of many international principles and rights, entailed in the Universal Charter of Human Rights, its implementing Covenants as well as the European Convention on Human Rights and the European Social Charter, that in principle apply in Poland. At first sight, it is rather hard to believe that such situation can lawfully occur in the European Union. Yet, it is the reality.

“The North Koreans havea valid residence and work permit and the companies are able to exploit clever legal constructions in order to circumvent all kinds of laws.” (Prof. Dr. Breuken)

The complex legal status of North Korean Workers in the EU. Non-European citizens can enter the EU to work either as an employed worker or as self-employed worker on the basis of a trade agreement between either the EU or a Member State and the third country concerned. In any case, obtainment of a residence permit and a visa from

one EU member state is required. The requirements for the respective work permit differ greatly from a member state to another and so do the rights that the person will enjoy on the territory. In the case of the DPRK workers in Poland, a logistical contracting and recruiting organization with many intermediaries is involved, which further complicates the situation. The employment relationships and their legal framework are often also very complex (sub-contract, temporary agency, joint ventures, etc.) and render the DPRK and his employer subject to several different legislations. According to the researcher team of the Slaves to the System Project of the Leiden Asia Centre, it would at least be a starting point to clearly define the DPRK workers as employees and would allow to determine which "labour rights apply in terms of payment and dismissal, working conditions, health and safety regulations." (Boonen, Boonstra, Breuker, Chung, Gardingen, Kwang-cheoul, Kyuwook, Veere 2016). In any case, the current legal situation is so complex that it’s highly difficult to sue the firms on a clear ground if no criminal investigations are pursued. But what is even more shocking is the fact that these companies are often subsidized by the EU through the regional development programs in order to develop local working opportunities.

The Polish – North-Korean friendship The EU never concluded a Free Trade Agreement with North Korea. Nethertheless, at least seven European countries have diplomatic relations or trade agreements with it. Poland is one of them. The relation between Pyongyang and Warsaw 18

dates back to the 1950’s, when Poland was still the People’s Republic of Poland. Next year they will celebrate the 70th anniversary of their diplomatic relations.

“The construction benefits both countries : Poland gets cheap, hard-working laborers’ and North Korea needs foreign currency” (Prof. Dr. Breuken) The officially sealed friendship is, economically speaking, rather marginal due to North Koreas high indebtedness, which acts as a deterrent to many countries. In relation to that, the closeness between the two countries remain limited in terms of economic outputs (Andrzej Bober 2011). Yet, the agreement has extensive consequences as it opened EU borders to an estimate of 400-800 North Koreans, dispatched originally at the shipyards of Danzig and Gdansk by the ruling Workers Party of Korea as extraterritorial labour forces (Breuker 2016). They enter the EU with the status of posted workers and are provided with all necessary documents, meaning work and residence permit. Polish firms have then the possibility to legally employ those workers.

Living and working in poor conditions. Polish firms pay them the legally stipulated wages of which the workers only usually


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keep 10-15 per cent, if at all (Andrzej Bober 2011 ; see also Köckritz and Petrulewicz, Zeit, 2016 ; Kolden, Das Erste, 2016). The rest goes to Kim Yong Un and his party friends. One would think that this is against Polish or EU law, but as Polish firms officially pay the North-Korean workers the demanded wages. It’s the North Korean state which then does not transfer the full amount of it to the workers. The North Koreans live in guarded housing complex – officially for their own security. Ostensibly they are allowed to leave this complexes whenever they want to, but a VICE documentary from May 2016 points towards a different direction. Their working hours, in accordance with Polish law, officially don’t exceed 12 hours. However, the abundant overtime work is skilfully swept under the carpet. Moreover, they usually stay, in accordance with Polish law, no more than 24 months in Poland. However, when the deadline approaches, they are sent home for a couple of weeks. They can visit their families, who are kept in hostage during that time, so that the laborer won’t flee. After this “vacation”, they usually go back to Poland to restart building ships, for another 24 months. In other words firms, by moving into grey zone, have found their way to cleverly circumvent the legal system. In total, according to the UN Special Envoy for Human Rights, Anwar M. Dausman, the DKPS earns around 1.8 billion Euros each year from 50.000 labourers sent overseas. In Europe, Poland is not the only country to receive North Korean workers. Similar occurrences were reported in Bulgaria, Czech Republic and Romania.

And Pyongyang desperately needs this money, especially in a foreign currency, to finance their nuclear programs. The Researcher Team and also experts from the US government have found clusters of evidence indicating exploitation, for instance the workers don’t sign individual contracts with the foreign firms. Instead the companies sign a contract with a North-Korean state owned company, to which the money from the salaries is transferred.

Infringing Polish law? The expert from the Asian Centre at the Leiden University in the Netherlands, Prof. Dr. Breuken, found however some potential loopholes in the at-first-sight lawful slavery system. Notably, he suspects that some firms involved are, at least partially, owned by the Polish State jointly with North Korea, which would change the situation: then it would be possible to hold the Polish State to account. After Breuken and several other media highlighted the critical situation, the European Parliament, with the notable commitment of Agnes Jongerius from the Dutch Labour party, took up this issue. The Commission was repeatedly confronted with the topic but still did not deliver any official response.

"It is alarming to discover that North Korea can simply export its oppressive regime to a European country." (Prof. Dr. Breuken) In the end, it is true that a 48 hour work week is rather normal for North-Koreans standards; and their 10-15% wages are

not that bad compared to their countries means; and sometimes they get to keep parts of their salary in foreign currencies, what might be very valuable when they got back home. However such a system cannot take place, be encouraged and last within the EU and its member states without contradicting the values upheld on the European continent. In addition, it might be in accordance with Polish and EU law, but welcoming workers from North Korea is hardly reconcilable with the existence of EU and UN sanctions vis-à-vis Pyongyang. Forced labour, even if Poland doesn’t acknowledge it as such, also clearly violates against the European Convention on Human Rights.

Camille Nessel is a master student at the IEE. With the support of Hélène Decottigny, LLM student at the University of Malta. Photo Credit © Pixabay

Quelle politique européenne contre la fraude fiscale ? Après les divers scandales financiers des dernières années qui concernent plusieurs entreprises européennes, est-il aujourd’hui possible de parler d’une implication de la Commission européenne et du Parlement européen contre l’impunité fiscale  ?

Entre

l’affaire du Luxembourg Leaks de novembre 2014 (révélation de centaines d’accords fiscaux très avantageux conclus avec le fisc luxembourgeois, ndlr) qui a impliqué une motion de censure (par la suite rejetée) du Parlement européen contre la Commission européenne, à l’affaire des Panama Papers (fuite de documents confidentiels sur plus de 200 000 sociétés offshore, ndlr) publiée en avril 2016, qui a suscité une pétition en ligne ouverte par la Députée européenne Eva Joly, l’Union européenne,

et plus particulièrement la Commission, a dû admettre l’urgence et la gravité de la situation.

Une critique visant particulièrement la Commission Eva Joly est Députée européenne depuis 2009 du groupe les Verts/ALE et Vice-présidente de la Commission d’enquête du Parlement européen 19

sur les Panama Papers. Elle est également membre des Commissions LIBE (libertés civiles, justice et des affaires intérieures) et ECON (affaires économiques et européennes) du Parlement européen. Elle est une des figures majeures de la lutte contre l’impunité fiscale et prône une politique d’harmonisation des règles en Europe et dans le monde. Dans son ouvrage Le Loup dans la bergerie, publié en 2016, Eva Joly critique Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne depuis le 1er novembre 2014, rappelant ses anciennes fonc-


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tions significatives : il était le Premier ministre du Luxembourg entre 1995 et 2003 et Ministre des Finances luxembourgeois pendant plus de vingt ans. Alors venue donner une conférence à l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg en février 2017, Eva Joly rappelle l’affaire du Luxembourg Leaks de 2014, qui représente pour elle un « viol de la coopération loyale », en rappelant les valeurs prônées par l’Union européenne. Pourtant, Eva Joly reste optimiste sur la situation actuelle, car le Président de la Commission européenne est affaibli politiquement et que finalement, « la réalité du pouvoir n’est pas chez lui ».

Une tentative d’interdiction politiquement difficile L’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2012 clame que la « monnaie [des députés européens] est leur temps de parole ». C’est en ce sens qu’elle souligne la tentative du groupe des Verts du Parlement européen de créer une commission d’enquête « Panama Papers » qui aurait alors pu renseigner sur l’affaire d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Cependant, l’implication de 84 parlementaires au moins aurait dû être nécessaire pour que cette commission soit effectivement établie. Au sein de l’Union européenne, le combat politique surplombe le combat contre la fraude fiscale. Une commission spéciale a pu toutefois être mise en place, donnant ainsi accès à des documents allemands précieux dans l’élaboration de la connaissance du dossier des Panama Papers. L’objectif de cette commission est de produire des rapports sur plusieurs maison-mères de multinationales et de démonter leurs schémas fiscaux ; il s’agit pour une partie des passer à terme l’interdiction de faire des montages fiscaux dont le seul but est d’éviter de payer des impôts. Le travail de la commission spéciale s’est clôt au mois de janvier dernier et ses conclusions sont attendues pour le printemps

2017. Certaines avancées sont pourtant déjà visibles : entre octobre 2011 et octobre 2015, 95 transactions pénales ont été enregistrées à Gand, 75 millions d’euros ont été récupérés par le fisc et 26 millions ont été payés en transaction pénale, auxquels s’ajoutent 19 millions pour le fisc et cinq millions de transactions pénales qui ressortent des chiffres provisoires de 2016. Si l’Union européenne semble avoir bougé des pions sur la question de l’impunité fiscale, grâce à certains groupes parlementaires spécifiques, elle est secondée par la société civile, qui s’est manifestée depuis plus longtemps.

La société civile comme lanceur d’alertes En effet, le mouvement d’opposition Unhappy meal a contribué à rendre claire la situation de plus d’un milliard d’impôts auparavant inconnus en présentant un rapport qui retrace les schémas d’évasion fiscale des sociétés. Il s’agit d’une coalition de syndicats européens qui représentent plus de 15 millions de travailleurs. Le problème est qu’il est difficile de poursuivre pénalement McDonald’s pour fraude fiscale car la filiale mondiale dispose de soixante avocats sur l’affaire, qu’ils sont capables de se procurer grâce aux moyens colossaux dont ils disposent. Par ailleurs, les gouvernements nationaux peuvent apporter soutien aux multinationales à travers le « verrou de Bercy », si l’on se place dans le cas français : seuls les ministres des Finances

peuvent porter plainte pour fraude fiscale (Madame Joly précisant ainsi qu’il s’agit d’un reliquat de l’Ancien Régime). Dès lors, le procureur ne peut rien faire pour porter l’affaire de fraude fiscale au niveau judiciaire. Une avancée peut être néanmoins notée depuis plusieurs années. En effet, les procureurs peuvent aujourd’hui poursuivre les filiales pour cause de blanchiment d’argent. C’est par le biais de cette nouvelle possibilité que Apple et McDonald’s sont poursuivis en France. Eva Joly donne un exemple de l’imposture des grands héritiers dans l’impunité fiscale, telle que l’héritière Nina Ricci, âgée de 73 ans qui a écopé de trois ans de prison ferme dont deux avec sursis et trois mois de prison ferme pour l’auteur du montage de fraude fiscale, Eva Joly d’en conclure « Le monde a changé mais les eurodéputés, les lobbies et les multinationales ne le savent pas ».

Lola Couturieux est étudiante en 2e à Sciences Po Strasbourg

Electric interconnections : a new European solidarity ? Interconnections are keys to the construction of an electric common market. But, in order to function well, solidarity has to remain essential. With Brexit, the EU needs more than ever solidarity and to stay united.

Since

2003, European regulations facilitate access to the networks for cross-border electricity exchange. In 2013, according to the European Network of Transmission System Operators for Electricity (ENTSO-E), the European electricity consumption reached a peak of 3 307 terawatt-hour. Maintaining and expanding the power lines, the network as well as ensuring security of supply in Europe are major priorities of the EU.

Interconnections, solidarity and their benefits Interconnections are physical connections between countries, which enable electricity to flow more efficiently and faster between the countries. Since 2014, 17 European countries are reunited in a common electricity market. Several regions are coupled. To put in other words, an algorithm finds 20

the economic optimum in order to have a price convergence on the European market and to reduce congestion. Thus, its eases exchanges. Production surpluses are allocated to the regions in need : it is the principle of solidarity. These 17 countries account for about 75% of the total electricity consumption in Europe. According to Alain Fiquet, Deputy secretary general of Réseau de Transport d’Electricité (RTE) : “Interconnection are changing : they are (now) more based on an insurance sys-


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tem”, like redistributed pension system between the working population and retired people. Indeed, interconnections are nowadays relying on solidarity. But what are the advantages of such a system ? First and foremost, interconnections are beneficial from an economic point of view. The goals of market-coupling, method for integrating electricity markets in different areas, are to have a price convergence in the zone coupled, and to optimise the use of interconnection capacities. The market coupling is based on the calculation method Flow-Based (a calculation methods that identify the immediate exchange capacity available in the interconnection), which by allocating electricity, transport capabilities to the trade exchange at the border where they are most useful, facilitating exchange and price harmonization due to transparent information on the capacities available. Furthermore, electrical interconnections fuel cross-border commercial transactions. Indeed, they mutualise European production means while benefiting from the complementarity of the demand in Europe as well. Thus, if the demand of a MS A is low or void, another MS B may have a higher demand, hence a complementarity. As a consequence, interconnections are based on the rules and principles of liberalism. They are clearly in line with the EU objectives and values of transparency, promotion of the market etc. Second, interconnections and unification of the market enable a better security of supply and to avoid shortcuts. One example of this is the interconnection between France and Spain, operational since 2015. In 2008 RTE decided with its Spanish counterpart, Red Eléctrica de España (REE), to work on the project through a common society : Inelfe (INterconnexion Électrique France-Espagne). This power line of 65 km is a technological achievement and had to face both technical challenges and costs. This line is entirely underground. The project should double the interconnection capacity between France and Spain, improve the security of supply, balance the system, nurture the “Spanish TGV” in energy and optimise the Spanish wind output; hence a step forward to energy transition and decarbonisation. Yet, an Energy Regulation Commission report published in November 2015 underlines the fact that, even if there is a better supply, the trade capacity would not reach the expectations, due to some hindrances in the Spanish internal network. This example highlights one of the issues that interconnections have to face in order to be efficient: the lack of homogenisation and regulation coordination between the European countries. Another project is the one launched in 2013 with Italy : the Savoie-Piedmont line (119 km). As the capacity of exchanges is often saturated, this new line should extend the interconnection capacity by 60%, a good

step toward a better security of supply and to prevent congestion. Finally, the cooperation between the European transmission system operators (i.e. entities operating electricity grids) leads to the adoption of codes which harmonise of the managing rules of electricity networks between Member States. These network codes aim at developing a safe, competitive and sustainable electricity sector.

The challenges and risks implied by interconnection: less solidarity needed for more security? In November 2006, 15 billions Europeans have been stripped off electricity. The main reason for these blackouts was a lack of coordination between the transmission system operators. But beyond these coordination problems, there are also economic challenges raised by interconnections. First, some conditions have to be met in order for interconnections to be efficient. Production and consumption conditions and national prices have to be quite different between the countries in order to benefit from exchanges. Thus, uses of interconnections are quite weak between France, Germany and Belgium on the one hand. On the other hand, Spain, Italy and Great Britain use a lot interconnections because the electricity price differential is quite important between the countries. Moreover the production overcapacity in Europe and the demand crisis as well as the dramatic development of renewables not in accordance to the system needs (Union Française de l’Électricité) diminish energy prices in all EU countries. It reduces and limits prices differences between European countries. It then worsens the situation and hampers the effectiveness of interconnections. Second, the European Commission is reviewing the 10% target of interconnections for 2020. This latter seems to be in favour of a 15% target for 2030. Yet, this would mean for some member state to invest a lot, hence huge costs (European Commission’s information sheet, 25th February 2015) for a target that may seem unreachable at the moment. According to the European Commission, the cost to reach the 10% target is about 40 billions euros. If the target is moved to 15%, the cost should be even higher. Interconnections of the system also imply dependence of one market to another of electricity, less national flexibility, and less sovereignty. If two markets are linked due to solidarity, the supply between the countries is more secured on one hand. On the other hand, it also may increase the risks of incident diffusion from one 21

market to another. As markets are interconnected and dependent on each other, if one market is in trouble, so is the other. Thus, according to Claude Crampes and Thomas-Olivier Léautier in an article for La Tribune in November 2016, the connection between the countries “reduce the risk of an individual fall, but increase the risks of collective fall”. It is one of the main problems that the EU faced. In order to avoid systemic risks and contaminations from one network to another, safety interfaces have been implemented. The same problematic also applies to cyber-attacks : if one country is hit, the contamination can spread through the system and touch the entire network. Cyber-security is a priority in this field. Building new power lines also supposes environmental costs: consequences over landscapes and then impact on tourism. Using the existing power lines or building submarines or underground lines can be the solution to prevent these damages. The second option implies however extra costs. For instance, the Spain-France interconnection is underground due to environmental reasons, hence a huge cost, previously mentioned. ElecLink plans to use existing installations (the Channel tunnel) for the interconnection between France and the United Kingdom. ElecLink intends to reduce the installation cost, by using this method. Nevertheless, during the power line construction, the Channel tunnel has to stay operational and to respect the security conditions ; hence possibly new extra costs. There is no miracle solution, but the construction should be done by 2019. The last challenge for interconnection is societal. Populations are not always in favour of more interconnections and solidarity : it is too much dependence on other countries, it limits the member state power and sovereignty to decide its energy mix etc. Thus the interconnection between France and Spain had to be negotiated for 14 years before reaching an agreement. Solidarity supposed confidence in another country and sometimes, isolationism seems to be safer than interconnections. Nonetheless, as Mireille Delmas-Marty asserts, Europe is moving toward ”solidarity sovereignty” and not “solitary sovereignty” anymore. Indeed, due to legal harmonisation and interconnections, risks and opportunities are no longer national but regional, and transnational. Europe has to take this fact into account.

Conclusion Currently, the European Commission pinpoints 12 countries, which have not enough electrical interconnections : Italy, Ireland, Romania, Portugal, Estonia, Latvia, Lithuania, the UK, Spain, Poland, Cyprus


EYES ON EUROPE

and Malta. The Commission is moving toward a regionalisation of the electricity market, but progresses still need to be done. The Clean Energy Package of 2016 also goes in this direction by introducing Regional Operational Centres that should ensure the reliable and efficient operation

Blandine Malvault est étudiante en Master 2 Sécurité Extérieure et Sécurité Intérieure de l’UE à Science Po Strasbourg

of cross-border grids. For the moment, some Member States are quite sceptical of the role of these Centres because they can threaten Member state’s power to decide their energy mix and because no clear impact assessment have been undertaken to prove their efficiency.

Savez-vous ne pas parler anglais ? Le mardi 10 janvier, Emmanuel Macron, candidat à l’élection présidentielle Française de 2017, s’est exprimé lors d’une Conférence à l’Université de Humboldt en Allemagne. Le sujet de la conférence, portait sur la relation francoallemande et l’Europe de la défense. Mais ce qui a créé la polémique n’est pas le contenu, mais bien la forme : Emmanuel Macron s’est exprimé en Anglais lors de cette conférence. La polémique sur la langue et les Élites

On peut se poser la question de savoir si le contenu a été écouté tant la forme a été sujet à polémique. En effet, le matin même de la conférence, Marine Le Pen, autre candidate à l’élection présidentielle française de 2017 a tweeté : « Le candidat à la présidentielle Macron va à Berlin faire une conférence en anglais ... Pauvre France ! MLP ». Après ce tweet, la toile s’est enflammée et chacun y est allé de son commentaire expliquant qu’Emmanuel Macron n’aurait pas dû parler en anglais lors de cette conférence.

Cette polémique est fascinante. D’abord, compte tenu de la rapidité avec laquelle les commentateurs ont expédié le sujet et le contenu de la conférence à Humboldt. Ensuite, de par la façon avec laquelle, les commentaires ont su recentrer le débat non pas sur l’Europe – qui était le sujet principal de la conférence- mais bien sur la France. On est totalement dans l’instrumentalisation de la forme du discours pour ré-ouvrir l’éternel débat sur la francophonie.

Ainsi, cela signifierait que nous ne devrions pas parler une autre langue que notre langue nationale afin de permettre le « recours à la seule langue internationale qui est [...] la traduction. » Nous, français, devrions revendiquer le fait de parler uniquement le français, et ce, pour le bien de l’identité française et ... des traducteurs ? J’ai lu avec intérêt la manière dont l’économiste Marc Rousset, explique que « ce technocrate arriviste de la finance [...] n’a pas le sens du peuple, [...] de l’identité de la France, [...] ne respecte pas sa langue ». Je passerai sur son objection à la réforme de 2018 de l’ENA pour me focaliser sur

son message premier partagé par les cadres du parti du Front National. Ainsi, cela signifierait que nous ne devrions pas parler une autre langue que notre langue nationale afin de permettre le « recours à la seule langue internationale qui est [...] la traduction. » Nous, français, devrions revendiquer le fait de parler uniquement le français, et ce, pour le bien de l’identité française et ... des traducteurs ? Par conséquent, si l’on choisit de faire un raisonnement par l’absurde, cela voudrait dire que les 3 337,7 élèves français (chiffres d’Eurostats 2014) qui apprennent des langues étrangères -dont 98% apprennent l’anglais en langue vivante 1-, gaspillent 2 à 3 heures de cours de langue par semaine pour une langue qui bafoue leur identité nationale ? N’est-ce pas honteux d’obliger des élèves à rester assis alors qu’ils pourraient aller s’aérer, jouer, et parler en français dans la cours de récréation ? C’est d’autant plus honteux de payer des professeurs de l’éducation nationale pour enseigner une langue à nos enfants qui trahirait l’identité même de la France. Là, effectivement, nous pourrions dire « Pauvre France ! ».

Qu’en est-il de la francophonie ? Une des justifications possibles, comme l’a tweeté M. Philippot, serait de revendiquer la francophonie : « #SOSFrancophonie ». Très bien, allons jeter un coup d’œil aux statistiques du rapport de l’Organisation internationale de la francophonie, sortie en novembre 2014 sur la Langue française dans Le Monde (http://www.francophonie.org/274millions-de-francophones-dans.html) : le français est la 5e langue la plus parlée dans le monde, environ 274 millions de locuteurs à travers le monde, 2e langue étrangère la plus apprise, et 3e langue utilisée dans le monde des affaires. Les statistiques démontrent que l’emploi de langue française a progressé de 7% sur les quatre dernière années. Il faut noter que l’Afrique subsaharienne enregistre à elle seule, 15% de progression. Ainsi, l’Afrique concentre , à elle seule, plus de francophones que le continent européen (54,7% face à 36,4%). Et 22

c’est grâce à la démographie de ce continent que la francophonie progresse. Revenons-en à la polémique d’Emmanuel Macron le 10 janvier dernier. Où était-il ? L’Allemagne est certes, l’un des pays européens où l’Organisation de la Francophonie dénombre le plus de francophones : 11 943 000, soit approximativement 14%. Mais, puisque Emmanuel Macron fait parti de ces français qui savent parler Anglais, pourquoi ne parlerait-il pas anglais ? Combien d’anglophones compte l’Allemagne ? D’après l’Office fédéral des statistiques (Statistisches Bundesamt), c’est environ 56% des Allemands qui savent parler Anglais avec un niveau B1 ou plus d’après le cadre européen commun de référence pour les langues (http:// www.coe.int/t/dg4/linguistic/cadre1_fr.asp). Et l’on est surpris qu’Emmanuel Macron parle en anglais en Allemagne ? N’est-ce pas de la logique simple que de choisir de parler dans la langue que le plus grand nombre de personnes du public pourra comprendre ?

Un problème de forme qui cache un réel problème de fond Après avoir utilisé les chiffres, l’on peut aussi comprendre que la polémique est peut-être une simple excuse pour évoquer un problème plus en profondeur. Hormis le positionnement sur le « scandal actuellement en cours à l’ENA », l’article de l’économiste Marc Rousset (http://www.bvoltaire. fr/marcrousset/le-discours-en-anglais-de-macron-aberlin-trahison-des-elites,306559) pose la question suivante : « À quand une politique linguistique digne de ce nom d’un gouvernement français pour défendre et développer l’usage de la langue française en Europe ? ». Finalement, ce n’est pas l’usage même de l’anglais par Emmanuel Macron qui a posé problème. Il a simplement ravivé un problème qui persiste depuis bien longtemps : l’apprentissage de la langue française au niveau nationale, et la volonté expansionniste de la langue de Voltaire au niveau internationale. Dans son livre,


Democracy and citizenship

le Continent des Ténèbres (traduit de l’anglais Dark Continent.Europe’s twentieth Century par Rachel Bouyssou) Mark Mazower explique avec provocation l’impossible dépassement, la nostalgie persistante de l’Empire français. L’on retrouve cette idée récurrente chez différents auteurs notamment Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, ou encore Eric Zemmour, Mélancolie française.

Il a simplement ravivé un problème qui persiste depuis bien longtemps : l’apprentissage de la langue française au niveau nationale, et la volonté expansionniste de la langue de Voltaire au niveau internationale. C’est véritablement une question de fond récurrente qui permet aux politiques de raviver le débat sur la francophonie et l’héritage de la culture française. Des thèmes originellement de droite, repris par toute la classe politique française. Rappelez-vous la polémique sur l’identité française en 2007. Ce qui est surprenant, hormis le fait que l’on répète sans fin un débat qui n’a pas de solution unique, ce sont les arguments et les preuves aux

allures nouvelles utilisées pour justifier l’existence d’un tel débat : « Il est bien connu également que les hauts fonctionnaires français trahissent trop souvent la langue française à Bruxelles. » précise dans son article Marc Rousset. Pourquoi dit-il cela ? Comment justifie-t-il le fait que cette trahison, est « bien connue » ? L’auteur choisit de réorienter sa problématique et d’élargir la responsabilité. Quel lien entre Emmanuel Macron à l’Université de Humboldt en Allemagne et les hauts fonctionnaires français à Bruxelles ? Aucun à première vue, si ce n’est le fait que l’on parle de français ne parlant pas leur langue nationale à l’étranger. Doit-on blâmer les français de l’étranger ? Pourtant ils sont une cible récurrente dans la campagne d’Emmanuel Macron. Serait-ce eux, qui trahissent la langue française et l’identité française ? L’on peut en douter, car la polémique vise exclusivement le candidat à l’élection présidentielle et en extrapolant, les élites. Traverser les frontières nationales est-il synonyme de trahison ? J’ai envie de répondre, non sans provocation, « Pauvre Europe ! » Je reste sur ma faim après avoir essayé de comprendre cette polémique sur la langue française. Je comprends surtout que l’objectif est d’éviter de discuter du contenu de la conférence à Humboldt.

L’intervention d’Emmanuel Macron a été instrumentalisée afin de relancer un débat qui simplifie l’équation suivante : parler une langue étrangère c’est trahir sa langue nationale. Peut-être après tout, est-ce une question de génération. Notre génération s’habitue à entendre l’anglais dans les films, les séries, les vidéos sur internet ... Regarder une série en version originale est de plus en plus acceptée alors que ce sentiment de trahison reste fort chez les générations précédentes comme le soutient très bien Pierre Langlais dans son article « Pourquoi la France double-t-elle tout le Monde ? ». Alors, Monsieur Marc Rousset, je me permets de vous contredire en affirmant : Non, l’utilisation de la langue de Shakespeare n’est pas une trahison du français, que ce soit au niveau des élites comme des gens “ordinaires”. Non, partir de France n’est pas synonyme de rejet de l’identité nationale, de même qu’une conférence en anglais en Allemagne. Non, traverser les frontières n’est pas une volonté de fuir les responsabilités nationales.

Marie Lavayssière est étudiante en Master à l’Institut d’Etudes Européennes.

Galileo ou le défi de l’indépendance spatiale européenne Premier grand projet industriel monté à l’échelle européenne, premier partenariat public-privé (PPP) de l’UE, pilier de la politique spatiale européenne, le programme Galileo n’en finit pas d’accumuler les titres. Garant de l’indépendance spatiale européenne, il est officiellement entré en application le 15 décembre 2016. Le projet a pourtant essuyé plusieurs années de retard et des dépassements budgétaires importants. Retour sur le programme communautaire phare du spatial européen, un colosse aux pieds d’argile. Programme vitrine de l’Union européenne comme acteur de la scène internationale

Alors que les États-Unis tournent leurs

télescopes sur Mars, l’Union européenne fait un pas de plus en direction de la Terre. Le 15 décembre 2016, Galileo, le système de navigation par satellite 100% européen, est entré en application après 13 ans de développement. « L’espace est […] un outil stratégique au service de l’autonomie d’action de l’Union sur l’échelle mondiale », souligne la commissaire européenne Elżbieta Bieńkowska lors de la sortie de la stratégie spatiale européenne en octobre 2016. Quelles raisons justifient l’attrait européen pour un système de navigation par satellite 100% communautaire ? Son intérêt militaire d’une part : initialement, le développement de Galileo est perçu comme un outil au service de l’autonomie européenne notamment en matière

de défense. Le lancement du programme est en effet corrélé aux prémices d’une prise de conscience européenne dans la nécessité de développer une politique de sécurité et de défense commune. Dans un contexte post-guerre du Kosovo, l’Europe perçoit le peu de marge de manœuvre dont elle dispose dans la surveillance par satellite. (Hoop Scheffer, 1991) En effet, ne disposant pas de leur propre système de surveillance, les Européens ont dû faire appel au GPS américain pour avoir accès aux informations du terrain. Or, en fonction de la zone géographique et des utilisateurs concernés, cet accès était plus ou moins réduit. (Pascallon, 2001) Bien que certains pays soient réfractaires à un usage militaire de Galileo, le système aurait permis une avancée dans le domaine de la surveillance spatiale.

per une indépendance stratégique face au marché spatial américain fermé et boosté par les commandes nationales de la NASA. Ainsi, pour concurrencer la nouvelle vague d’entrepreneurs américains à l’image de SpaceX et BlueOrigin qui repoussent les limites du secteur spatial à coup d’innovations et d’offres low-cost, les industriels européens ont favorisé l’émergence d’un projet politique à l’échelle régionale, Galileo.

Son intérêt commercial d’autre part. La fin de la guerre froide sonne le début de l‘ère de l’exploitation commerciale du spatial. Le développement d’un « GPS européen » permet au secteur industriel de dévelop-

Dans une dimension plus géopolitique également, l’éveil des BRICS à la conquête spatiale et la pression déjà exercée par les puissances historiques que sont le Japon et la Russie finissent d’ancrer la nécessité

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Pourtant, il a fallu 29 mois supplémentaires et plus de 103 millions d’euros de dépassement budgétaire, selon la Cour des Comptes, pour que la phase de développement et de validation débute. Pourquoi ?


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pour l’Union européenne de développer sa propre puissance spatiale si elle ambitionne de jouer un rôle actif de la scène internationale. Actuellement, la Russie, la Chine, le Japon et l’Inde disposent déjà de leur propre système de navigation civil et/ ou militaire, autant d’alternatives nationales au GPS. Ainsi, Galileo est le moyen pour l’Union européenne d’assurer la compétitivité de ses entreprises spatiales, d’accroître son autonomie et de renforcer son rôle d’acteur global. Pourtant, il a fallu 29 mois supplémentaires et plus de 103 millions d’euros de dépassement budgétaire, selon la Cour des Comptes de l’Union européenne, pour que la phase de développement et de validation débute. Pourquoi ?

Intérêts étatiques divergents, refroidissements des industriels : l’idylle communautaire dans la tourmente Vitrine de la politique spatiale européenne, le programme Galileo est un premier pas pour expérimenter une politique commune dans ce domaine. « Galileo était en quelque sorte le cheval de Troie […], il devait favoriser l’émergence d’une union politique européenne. » (Martin, 2009) Pourtant, les divergences entre les états membres et l’inexpérience de la Commission dans la mise en œuvre d’un projet de cette ampleur faillient être létales à Galileo. (Béclard, 2011)

Le choix d’un partenariat Public-privé (PPP) favorisé par l’Allemagne et le Royaume-Uni, censé diminuer les coûts publics du projet a fait reculer le secteur privé qui n’était pas prêt à endosser les risques financiers du développement du premier grand projet industriel européen. (Desingly, 2011) Après des mois et des sommes perdues, face au blocage des négociations, Galileo est finalement devenu un marché public. Les querelles étatiques ont également donné lieu à des retards. Les divergences entre les plus grands contributeurs du projet, l’Italie, la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Allemagne au sujet du leadership du projet furent la principale cause des 29 mois de retard. Chaque état attendait de Galileo des répercussions positives sur ses industries nationales. Finalement, les infrastructures ont été réparties sur les différents territoires des états, alors qu’une centralisation aurait été moins coûteuse et plus bénéfique au projet. (Desingly, 2011) Enfin, la Commission va devoir composer avec une nouvelle variable inattendue : le Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pose la question de l’ouverture du programme aux pays européens non-membres de l’UE. Le RoyaumeUni est un contributeur important du projet Galileo et du secteur spatial européen

en général, le gouvernement britannique va pourtant devoir négocier son accès aux services de Galileo, au même titre que la Norvège et la Suisse. Affaire à suivre …

Alexandra Perse est étudiante en Master de Relations internationales à l’ULB Crédit Photo © Unplash (pexels.com)

L’encadrement des produits cosmétiques, un règlement sous fond de teint Après des années de tractations quant à l’uniformisation des règles concernant les produits cosmétiques, la Communauté européenne a réussi à accoucher d’un règlement strict commun à tous (N°1223/2009). Cependant, aujourd’hui encore la colère des associations de consommateurs ne désamplifie pas. Quels en sont les principaux arguments et enjeux ?

Genèse d’une réglementation

Pour comprendre l’origine de la réglementation

européenne des produits cosmétiques, nous devons retourner en 1972. Cette année marqua la France

de l’un de ces plus gros scandales dans le domaine des cosmétiques. Suite à une intoxication au talc Morhange, plus d’une centaine de nourrissons furent contaminés dont 36 trouvèrent la mort. À la suite de cet accident et sous l’impulsion de la France, la Communauté économique européenne réagit avec la Directive 76/798/CEE. Cette directive sera modifiée par la suite par 7 amendements 24

et 60 adaptations suivant les avancées quant à la détection de toxicité de certaines substances à venir ou sur le marché (ECHA à partir de 2007). En 2009, la Commission européenne proposera de simplifier et d’uniformiser les 27 actes de transpositions nationales qui représentent plus de 3500 pages en un seul et unique règlement européen (Règlement (CE) N°1223/2009). Ce règlement


Democracy and citizenship

aura pour objectifs d’assurer un niveau élevé de sécurité des produits, une réduction des coûts pour les entreprises, une simplification des procédures et une rationalisation de la terminologie. En ce qui concerne les allégations, elles se trouvent dans le Chapitre 6 Art. 20 de ce même Règlement. L’étiquetage ne pourra plus être utilisé pour attribuer à ces produits des caractéristiques ou des fonctions qu’ils ne possèdent pas; plus d’allégations trompeuses (code de la consommation DGCCRF) ; plus d’allégations évoquant des propriétés curatives ou préventives fausses. Dans cette lignée, le Règlement (UE) N°655/2013 explicitera les critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre : à une conformité avec la législation, véracité, éléments probants, sincérité, équité, choix en connaissances de cause. Malgré toutes ces avancées dans le domaine de la sécurité sanitaire, les associations l’UFC-Que choisir et 60 millions de consommateurs après avoir sélectionné 185 produits vendus en grande surface en décembre 2015 et janvier 2016 dénonceront notamment que 62 de ces produits contiennent des allergènes et que 101 produits recèlent également de perturbateurs endocriniens et plus grave encore, que « huit lingettes pour bébé » des marques Bébé Cadum, Mixa, Nivea ou Pampers, (...) contiennent du phénoxyéthanol, un conservateur toxique pour le foie et le sang (Que choisir, 2016).

Un cadre réglementaire partiel et partial Si l’étiquetage (Chap VI art. 19 du Règlement de 2009) contient la liste complète des ingrédients sous leur dénomination INCI (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients), il faudra une bonne dose de motivation et une connaissance du latin quand l’utilisateur voudra lire les ingrédients inscrits dans la composition de ses produits de beauté. De plus, peu d’informations sont données quant à la possible toxicité des ingrédients cités sur l’étiquette. C’est notamment le cas de la famille des parabens, puissants conservateurs qui se retrouvent dans la plupart de nos produits cosmétiques comme les laits corporels, les crèmes visages et solaires, fond de teint et déodorants alors qu’ils sont considérés comme des perturbateurs endocriniens (Que Choisir, 2017).

On peut aussi noter que si les lois sur l’étiquetage obligent les fabricants à inscrire la liste complète INCI de leurs ingrédients, certaines composantes peuvent être regroupées sous un nom générique. C’est le cas du parfum ou fragrance dont les ingrédients synthétiques sont non identifiables. Dans ces dizaines de substances toxiques, citons seulement le phtalate de diéthyle, utilisé pour augmenter la persistance de la charge odorante et qui interfère avec certaines fonctions hormonales (DG Environement, 2000), diminue la quantité de spermatozoïdes chez les hommes, crée des problèmes de développement des fœtus mâles et d’autres problèmes de santé (Griffin, 2007). De plus, les produits dits frontières dont la caractérisation comme produit cosmétique ne va pas de soi, peuvent être catégorisés par exemple comme jouets, produits biocides ou produits pharmaceutiques et ainsi passer entre les mailles des réglementations contraignantes (EcoMundo, 2015). Enfin, si les études toxicologiques demeurent primordiales et garantissent au consommateur qu’il achète un produit sûr, celles-ci ne s’avèrent pas forcément efficaces. La qualité d’un produit cosmétique dépend essentiellement de la pureté de ses constituants de base (excipients, base lavande) et non des principes actifs mis en valeur sur l’étiquette, qui représentent un pourcentage infime de la composition totale du produit. Contrairement à ce que nous dicterait l’imaginaire collectif, les allégations cosmétiques contenant de nombreuses composantes ne seraient guère synonyme d’efficacité ou de qualité, bien au contraire, elles augmenteraient principalement les risques d’allergies. Il en va de même pour certains termes comme « hypoallergénique » ou labels de « développement durable » qui à défaut de valeurs légales agiraient plus sur le contenant que sur le contenu. Des emballages recyclés ne transforment pas les produits qu’ils contiennent en produits durables. (Prioriterre, 2010 et COSMETOX de Greenpeace, 2006).

Une volonté incomplète de la Commission La Commission européenne a publié le 19 septembre 2016 un rapport concernant l’utilisation des allégations sur la base des critères communs adoptés au titre du règlement (UE) n° 655/2013. Ce rapport a été effectué sur la base des données fournies par 21 États membres. Il en ressort que parmi les 33 995 allégations analysées en 2014 et 2015, 10 % ont été considérées comme non conformes. Notamment, il y a un manquement pour 16 États en ce qui concerne des allégations relatives aux effets du produit (par exemple, dans le cas où un produit ne pourrait pas être efficace en raison de la faible concentration de la substance concernée et que le fabricant ne soit pas en mesure de fournir suffisamment de preuves au regard de la fonction alléguée) ou encore 10 25

États pour des allégations aux propriétés médicinales des produits ( allégations fausses concernant des effets thérapeutiques pour la peau, la circulation du sang, des muscles, des articulations, etc.). (Commission européenne, 2016 et Observatoire des cosmétiques, 2016) Si ces éléments sont encourageants, nous ne devons pas perdre de vue que les recommandations de ce rapport sont des minimaux sanitaires et restent donc incomplets. En effet, le rapport de la Commission ne préconise pas une compréhension plus accessible des étiquettes, un taux de toxicité sur les étiquettes (y compris à long terme), le non rassemblement de composantes toxiques, la création d’une législation sur les produits frontières et un étiquetage plus intelligent et véridique (labels verts). Nous l’avons vu tout au long de cet article, la réglementation européenne reste incomplète. Il serait dès lors judicieux de se tourner vers des guides de consommation émergeant de la société civile et plus particulièrement des associations de consommateurs pour se prémunir de tout danger et pour une consommation intelligente. Pour aller plus loin, voir la carte repère des molécules toxiques du site Que Choisir et le Cosmetox de Greenpeace ou encore l’ouvrage Le guide cosmétique bio de Anne Ghesquière et Eve Demange.

Thibault Koten est actuellement étudiant en 2e année de Master en Relations internationales à l’Université libre de Bruxelles. Cet article est écrit dans le cadre de la xxe édition de la SPECQUE (Simulation du Parlement européen Canada-Québec-Europe) qui se déroulera entre le 30 juillet au 6 août 2017 à Prague. L’article porte sur la Proposition de règlement relative aux allégations portant sur les produits cosmétiques (Commission IMCO) de Camille Spriet. Pour plus d’informations : http://www.specque.org/ Crédit Photo © brunifia (flickr.com)


EYES ON EUROPE

Mouvements eurosceptiques : Véritables adversaires de l'Europe ? Souvent les mouvements eurosceptiques sont assimilés à des ennemis de l’Europe, nuisibles dans l’optique d’une intégration européenne toujours plus poussée. Mais les mouvements et partis classés eurosceptiques sont-ils réellement toujours des détracteurs de l’Union ? Rhétorique populiste et manque d’expertise de la machinerie institutionnelle européenne

La plupart des critiques faites aux par-

tis désignés comme populistes peuvent être synthétisées autour de deux lignes d’argumentation. Premièrement, ces derniers exploiteraient des dynamiques démagogiques, par conséquent loin des réalités étatiques et impliquant une « action de tromperie » envers l’électeur, parfois considéré incapable de filtrer entre ce type de discours – fumeux, irréaliste – et la complexité des problématiques à traiter. Mais, malheureusement, le populisme n’est plus depuis longtemps une prérogative des seuls eurosceptiques. Le cas de Renzi en Italie en est un exemple. Au seuil du référendum sur l’approbation de la nouvelle réforme constitutionnelle qui abolira notamment le bicaméralisme parfait, sa campagne pour le « oui » était penchée prévalemment sur arguments qui peuvent être largement identifiés comme populistes, décrivant notamment de la baisse des coûts de la politique une avancée phare de cette nouvelle constitution. Non au hasard, les hauts coûts de la politique est un des fers de lance du parti « populiste » italien, Movimento 5 Stelle, appelé comme tel justement en raison d’une critique incisive envers à l’élite italienne et européenne, accusée de ne représenter que les intérêts de la classe « supérieure », loin de celle de la volonté populaire. Un deuxième cas éclatant de récupération de la rhétorique populiste par des partis plus « classiques » est celui du Brexit. Face à l’opposition de Farage (Ukip), le Premier ministre David Cameron a décidé la mise en place un référendum sur une éventuelle sortie de l’Union européenne sans réellement se questionner sur son éventuelle issue et dans le but d’obtenir une marge de manoeuvre plus vaste. Il a été avancé nombre de fois que ce dernier pensait pouvoir exploiter ce référendum comme un plébiscite politique et ainsi confirmer sa place en tant que leader britannique par le consensus populaire. La seconde critique envers les partis eurosceptiques porte sur le manque allégué

d’expertise de ces derniers sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que sur les problématiques complexes évoquées sur la scène publique nationale et européenne. Une des justifications apportées est que ce manque d’expertise serait dû au caractère relativement nouveau de ces partis. Ceux-ci n’ayant jamais eu accès au pouvoir auparavant sont logiquement en devoir d’apprendre le « métier » de politicien, processus qui prend à la fois du temps et nécessite justement un accès au pouvoir. Au contraire, évoquer l’incapacité de ces nouveaux arrivés, uniquement sous prétexte qu’ils seraient nouveaux-venus, suggérerait une vision trop élitiste, presque aristocratique de la société et, partant de là, de la démocratie. Le populisme est donc un phénomène plus transversal de nos jours qu’il n’y paraît, caractérisant tout type de parti, gauche comme droite, institutionnelle comme anti-système. Un lien est probablement à faire avec l’évolution structurelle de la communication politique moderne due à la récente transformation des médias et notamment l’apparition d’internet et des réseaux sociaux où la propagande politique collective bat désormais son plein.

Le cas italien : le Movimento 5 Stelle Né en 2009 en réaction aux difficultés de la crise économique et aux mesures d’austérité, le Mouvement 5 Étoiles est passé rapidement de l’anonymat à un succès électoral extraordinaire, le mouvement étant désormais la deuxième force politique du panorama italien. Des origines du parti – la crise financière – découlent sa logique « anti-système » : au niveau national, en tant que force politique contre les élites italiennes actuelles considérées comme trop corrompues; et au niveau européen, en tant que force anti-euro et fortement critique des politiques européennes d’austérité. Mais, si sa nature originelle est fortement protestataire, son incroyable élargissement d’électorat a porté le Mouvement 5 Étoiles à s’engager un processus de transformation vers une graduelle institutionnalisation et touchant à la fois le langage et l’image des candidats. Ces derniers sont d’ailleurs de plus en plus considérés 26

comme adéquats et qualifiés : un exemple probant est l’élection de la nouvelle bourgmestre de Rome Virginia Raggi, candidate 5 Stelle qui a gagné sur le Parti Démocrate (parti du Premier ministre M. Renzi) avec une majorité écrasante (environ 60% !).De plus, elle est la première femme à avoir jamais occupé cette fonction à Rome. À l’instar de sa métamorphose au niveau national, les positions les plus « extrémistes » des 5 Stelle sur la scène européenne s’atténueront probablement au fur et à mesure que leur poids politique argumentera. D’ailleurs ce mouvement n’a jamais fondé son programme sur des rhétoriques xénophobes ou racistes contrairement à nombre de partis populistes. En ce sens, ce type de parti serait même bénéfique à l’UE, réduisant l’espace dévoué à certains partis « populistes » mais bien plus dangereux, comme le Front National ou la Ligue du Nord. La théorie selon laquelle les partis eurosceptiques, sous prétexte de leur opposition à une intégration européenne plus poussée, seraient les adversaires véritables de l’Europe et la cause même de sa crise politique n’est pas acceptable. Probablement, plutôt qu’en être la cause, ils en sont le symptôme. Ces partis, anti-euro, anti-système, critiqués pour être toujours « contre » quelque chose sans jamais comprendre la complexité réelle des choses, ne sont que l’expression d’une réelle désaffection envers les institutions – nationales et européennes – que la politique doit prendre en compte, plutôt que de les classifier comme « moralement » inférieurs. Plus ces partis seront laissés en marge, plus leur électorat ira croissant, déçu par le manque d’écoute des institutions. Ces nouvelles réalités sont donc l’expression d’un réel mal à l’aise d’une grande partie de la population européenne, qui voit l’Europe comme une entité étrangère et intrusive qui, jusqu’à présent, les ignore voire leur nuit. Distorsions et exploitations médiatiques à part, il demeure néanmoins impossible de dire que l’Europe d’aujourd’hui est parfaite : au contraire, elle est en crise. Et, comme le succès croissant des mouvements eurosceptiques le démontre, il serait temps de s’attarder sur les réelles causes de cette crise. Martina Lillo est en Master in the University of Rome LUISS, in European Studies.


Democracy and citizenship

Une jeunesse exclue ? Le manque de participation politique des jeunes est souvent présenté comme problématique. Nombreuses raisons pour cette apathie sont avancées. Cependant, la possible explication structurelle – l’exclusion politique et socioéconomique des jeunes – est souvent ignorée. Or, cette question est fondamentale car de celle-ci dépendra le succès des solutions mises en place par les politiques pour promouvoir la participation des jeunes. ginalisées pour cause de leur soi-disant infériorité: nombreux pensaient que les femmes, à l’instar des hommes, ne disposaient pas des qualités – la force et la rationalité, par exemple – requises pour assurer de hautes fonctions (Tickner, 2014).

L’engagement des jeunes : un constat

La participation civique est comprise com-

me toutes les façons dont les citoyens sont impliqués dans la vie de la communauté. Deux éléments importants de cette participation relèvent de la participation politique – aller voter ou être engagé dans un mouvement politique ou social – et de la participation communautaire  – être engagé dans une organisation locale comme un club de sport par exemple. Alors que la seconde est souvent plus répandue auprès des jeunes que des adultes, la participation politique est souvent faible auprès des jeunes. Comment comprendre ce manque de participation ? Certains ont cherché à expliquer ce phénomène à travers un désamour croissant pour la politique, et plus particulièrement les politiciens. Cependant, cette apathie touche tous les électeurs (Krémer, 2014), pourquoi se ferait-elle plus ressentir chez les jeunes que chez les adultes ? Il est nécessaire d’approfondir la réflexion.

Une exclusion socio-économique des jeunes La faible participation des jeunes pourrait être expliquée par leur position sociale dans la société. Ceux-ci sont une catégorie sociale qui est politiquement et socio-économiquement exclue. D’un point de vue socio-économique, les jeunes sont pour la plupart coupés du monde actif ; une majorité d’entre eux sont à l’école, l’université ou bien au chômage. Que cela signifie-t-il pour la participation politique des jeunes ? Les implications sont doubles. Premièrement, il existe une relation positive entre le degré d’insertion d’une personne dans des réseaux sociaux – la famille, les amis, les collègues, ... – et la probabilité que cette personne participe aux élections (Delwit, 2013). Or, comme la socialisation des jeunes se limite souvent à leur famille, amis et à l’école (Koskimaa and Rapeli, 2015), il n’est pas surprenant de constater une moindre participation chez les jeunes. À cela vient s’ajouter le fait que leur socialisation est un important déterminant de l’intérêt ou non du jeune pour la

participation civile. Il y a en effet un lien entre participation politique de la première heure et la probabilité pour un jeune de devenir un citoyen et électeur engagé (Koskimaa and Rapeli, 2015). Cependant, en ce qui concerne l’école, celle-ci sous sa forme actuelle est « un cadre monolithique qui ne laisserait place ni à l’initiative, ni au dialogue, ni à la responsabilisation constructive » (Loriers, 2008). Elle n’est pas un cadre adapté à préparer les jeunes à la vie participative. En ce qui concerne le cadre familial, bien qu’il ait longtemps joué un rôle important dans la transmission des valeurs civiques aux enfants (Shulman and DeAndrea, 2014), on peut se demander dans quelle mesure cela est toujours le cas étant donnée l’apathie générale pour la politique. Secondement, ne pas être actif, cela signifie aussi que les jeunes ne sont souvent pas confrontés à tout ce qui pousse les personnes actives à s’intéresser à la politique : les impôts ou la législation par exemple.

Une exclusion politique des jeunes Les jeunes sont également politiquement exclus. Ils sont souvent qualifiés d’inexpérimentés, raison pour laquelle leurs opinions ne sont pas prises en compte. Un flagrant exemple de ceci a été le Brexit. Or, un principe de base de la démocratie est « l’iségorie » – c’est-à-dire l’égalité de la parole entre les citoyens. Si celui-ci n’est pas respecté cela met en péril la démocratie et marginalise une partie de la population. Cela fût particulièrement constaté dans le cas des femmes qui furent longtemps mar27

Que cela signifie-t-il pour la participation civique des jeunes ? Ici, les implications sont triples. Premièrement, lors des élections, la jeunesse d’un candidat peut-être un critère disqualifiant pour certains électeurs. Deuxièmement, comme les élites s’auto-cooptent, ce critère peut également être utilisé à l’encontre des plus jeunes candidats. Troisièmement, on peut se demander dans quelle mesure cette perception d’une partie de la population n’a pas des effets directs sur la participation des jeunes. Ceux-ci n’étant pas écoutés finissent par ne plus participer à la vie politique de leur communauté (LSE, 2013). C’est un phénomène avéré : « lorsqu’on se sent exclu du système, de la vie politique ou du processus décisionnel, on se sent en général pas ou moins concerné par l’élection et, proportionnellement, on y prend moins part » (Delwit, 2013). La faible participation politique des jeunes est une problématique complexe. Une façon d’aborder ce problème est de regarder comment la situation sociale des jeunes – leur exclusion politique et socio-économique – a pu influencer leur participation politique. Cet article dès lors appelle à plus de recherche sur le sujet car si ces hypothèses venaient à se vérifier, cela signifierait que toutes solutions techniques au problème (PNUD, 2013) ne résoudraient rien. Non seulement

il faudrait des changements significatifs dans le milieu scolaire, mais également un changement dans la représentation de la jeunesse au sein de la société – celle-ci devant acquérir une image plus positive.

Marin Capelle est étudiant en 1re année à l’Institut d’études européennes. Crédit Photo © Sweetwillis (flickr.com)


EYES ON EUROPE

Le made in Europe, bientôt chinois ? La gestion de la crise financière de 2008 par les états membres et par Bruxelles a été chaotique. À l'heure où l'union aurait due être de mise, les états ont préféré mener des politiques indépendantes. Ces politiques du « chacun pour soi » n’ont fait qu’envenimer une situation déjà explosive pour la zone euro. Alors que le redressement aurait pu être rapide, s'il avait été coordonné, la croissance européenne est aujourd’hui à la traîne. Une aubaine pour les entreprises chinoises ! Au niveau européen, selon Deloitte, la Chine aurait complété 170 acquisitions d’entreprises européennes d’une valeur de 90 milliards d’euros. Une augmentation de 40 % par rapport aux 122 acquisitions en 2015.

L’Europe, quelle crise ?

La politique fiscale et moné-

taire après la crise économique de 2008 a aggravé la situation déjà explosive de la zone euro. La BCE et les gouvernements nationaux n’ont pas réussi à rétablir la confiance des citoyens en l’économie européenne. Au contraire, l’absence d’un plan de relance au niveau européen a joué énormément dans la propagation de la crise. Par-dessus tout, certaines politiques nationales, non-coordonnées avec les autres états membres, ont été contre-productives. Ces politiques à plusieurs vitesses ont surtout accentué les variables macroéconomiques (inflation, chômage, endettement, etc.) dans un sens défavorable au redressement économique européen. Ainsi, face à cette désertion de l’Union des états membres, où la politique du « chacun pour soi » persiste, l’Union n’a fait que sombrer dans les dettes et dans le déficit. La crise a cependant pu être en partie contenue grâce au rôle clé joué par la monnaie unique. En effet, à elle seule, elle a pu supporter la situation économique désastreuse de l’Espagne et de l’Irlande, pour ne nommer que quelques-uns. Sans l’euro, l’Espagne aurait été contrainte de dévaluer massivement sa monnaie et se serait retrouvée confrontée à un endettement insupportable. Reste que, l’absence de coordination au niveau européen dans la gestion de la crise a largement ralenti le redressement face à la crise.

Alors que le redressement aurait pu être rapide, si elle avait été coordonnée, la croissance européenne est aujourd’hui à la traîne. Une aubaine pour les entreprises chinoises ! Dans cette crise financière, ce sont d’abord les ménages mais aussi les entreprises européennes qui sont les premiers touchés. Particulièrement dans la conjoncture actuelle, ces dernières ont des difficultés à obtenir des crédits. Dans certains cas, les entreprises n’ont eu le choix que de se tourner vers les investisseurs étrangers

afin de ne pas mettre la clef sous la porte. Une aubaine pour la Chine qui, de manière croissante ces dernières années, investit en masse à l’étranger. Certains spécialistes n’hésitent pas à qualifier ce phénomène de « shopping tour européen ».

La wishlist de Pékin En 2016, les investisseurs chinois auraient racheté plus de 47 entreprises, et cela rien qu’en Allemagne, cumulant une valeur totale de 10,3 milliards d’euros. Cela représente une croissance de plus de 60 % dans cette frénésie dépensière de la Chine par rapport à l’année précédente. En effet, en 2015, la Chine avait signé au total 29 contrats d’acquisition en Allemagne pour une valeur estimée à 263 millions d’euros. Ainsi, cette tendance jette une autre perspective sur les intentions chinoises et l’avenir de l’investissement étranger chinoise. Au niveau européen, selon Deloitte, la Chine aurait complété 170 acquisitions d’entreprises européennes d’une valeur de 90 milliards d’euros. Une augmentation de 40 % par rapport aux 122 acquisitions en 2015. Toujours selon l’analyse de la firme Deloitte, l’Allemagne attire le plus d’investisseurs chinois, suivi par le Royaume-Uni, puis de la France. Les secteurs clés seraient le secteur technologique, le e-commerce et le secteur des services financiers. Conséquemment, des entreprises telles que le Club Med, Skyscanner ou encore Putzmeister, pour ne nommer que celles-ci, sont toutes passées sous l’emprise chinoise. 28

Plus largement, la Chine semble vouloir être présente dans tous les secteurs. En France, les investisseurs chinois ont plutôt tendance à investir dans les secteurs niches du pays, tels que le tourisme, l’agroalimentaire ou encore le médical. Au Royaume-Uni, ce sont plutôt les secteurs financiers et des services qui intéressent les entreprises chinoises. Mais c’est l’autre côté du Rhin qui attire le plus d’investisseurs. L’Allemagne est en effet le pays où les entreprises chinoises investissent le plus, et ce, principalement pour l’acquisition du secteur technologique, l’Allemagne étant réputée pour son ingénierie. Ces rachats en masse d’entreprises européennes montrent l’intention des Chinois de mener une politique d’expansion internationale. Les vocations économiques n’étant jamais très loin des vocations politiques chinoises, cette offensive entrerait dans une perspective d’ambition internationale afin de se placer en position confortable sur l’échiquier mondial. Faute de pouvoir imposer ses propres entreprises au niveau mondial, la Chine a décidé de racheter les entreprises étrangères.

Dorian Liu est étudiant en Master Sciences Politiques à l’ULB Crédit Photo © Friends of Europe 2012


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EXTERNAL RELATIONS ECONOMY AND IMMIGRATIONS AND SOCIETY MATTERS


EYES ON EUROPE

Is Europe responsible for the refugee crisis ? The European Union is facing an unprecedented refugee crisis. Only in 2015, 168 000 irregular migrants reached its shore, and over 1 million are still on their way. Beyond all normative judgements, this crisis can be understood as a mismatch between EU migration and asylum policy and the international post-cold war context, resulting in a mass influx of undocumented migrants. From 1951 ... to 1991 onwards

The Geneva convention is the centrepiece of inter-

national refugee regime, as well as the Common European Asylum System (CESA) according to the article 78 TFUE (Hailbronner and Thym 2016, 1028). Therefore, the convention is supposed to regulate the behaviour of all EU states regarding refugees. However, the breakdown of the Soviet Union undermined this regime. It transformed the nature of the refugee problem, and eventually paved the way to the current refugee crisis in Europe. The breakdown of the USSR has impacted the refugee regime in two ways which are closely intertwined. First, the nature of world politics changed. Notwithstanding famous exceptions such as the Vietnam war or Korean one, the Cold War was an extended period of peace because of the stabilizing effect of the division of the globe between between the West and the USSR. This changed with the collapse of the latter. The world was brought back to a state equivalent to the one of the inter-war period, characterized by the breakdown of states, the formation of new states and a persecution based on ethnic, national and religious grounds (Haddad 2008, 166). As a result, the nature and the amount of asylum seekers significantly changed from individual flows – fleeing political persecution – to mass flows – fleeing for diverse reasons. Based on these observations, one can conclude that the scope of the Geneva convention always was problematic for being too narrow, but it is only from 1991 it became evident.

Second, with this sharp increase in asylum application, the support of EU member states for an international refugee regime wavered. To give an example, in Europe, the number of applications rose from 20 000 in 1976 to 450 000 in 1990. Soon, immigration became a concern, and asylum seekers were increasingly blamed for skyrocketing crime rates, fundamentalist terrorism and mass unemployment (Castles and Miller 2003, 102103). EU member states have become more and more inclined to pre-identify the refugees among asylum seekers, and to only let the former enter their territory (El-Enany 2007, 6), but this logic was largely undermined by their restrictive policies concerning immigration.

The inadequacy of the refugee status The current definition of the term refugee, which dates back from 1951, does not correspond with the realities of the refugee problem. The convention defined a refugee as : “a third country national who owing to well-founded fear of being persecuted for reasons of race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion, is outside the country of his nationality and is unable or, owing to such fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country” (UNHCR 2010, 14). According to such a definition, evidence of persecution is not sufficient for establishing a refugee status; the

threat to one’s life must be based on his or her race, religion, nationality, membership of a social group, or political opinion. The consequences of such a wording are threefold. First, the term persecution is quite vague, and it is difficult to determine what it includes. Second, anyone who is persecuted on other basis that the ones abovementioned is not eligible for international protection. Civil wars are the perfect embodiment of such kind of persecutions. Third, this definition leaves out all the asylum seekers who fled their country in circumstances where their lives are endangered for other reasons than persecution. For instance, the victims of a natural disaster or famine (Schacknove 1985, 276). The two first issues were dealt with by the EU through the Asylum Qualification Directive 2011/95. On the one hand, the directive recognized the right for ‘subsidiary protection’ for persons who do not qualify as refugees. On the other hand, it also sets up clearer criteria for what accounts for ‘acts of persecutions’ and ‘reasons for persecutions’ (Hailbronner and Thym 2016). Although these modifications pale in comparison with OAU’s ones (OAU 1969), they are still greatly expanding the scope of international protection for certain asylum seekers.

The inconsistency of EU member states’ asylum policies The policies of the EU member states are contradictory in essence. With the rise of applications from asylum seekers that do not fit with EU member state definition of a refugee, the latter have become keen on developing an other approach of asylum seekers management in which only the ones pre-identified as refugees should be able to set foot in the EU. In order to run smoothly, such a management style must rely on two arms : preventing asylum seekers to come to EU before they are vetted, and to open legal access path to those who are identified as refugees. The first branch of this management style has been a practice known as “policing at a distance”. That is, the externalization of the EU borders management outside of the EU through visa policy and carrier sanctions. The visa policy enables EU countries to choose who is welcome and who is not welcome in the EU by granting or not a visa (Bigo and Guild 2005, 235-239). Yet, as it is, visas are mandatory for the nationals of all North African and Middle East countries. What is more, carrier sanctions policy complements the visa policy by ensuring

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External relations and immigration matters

that the travellers that do not possess a visa cannot fly to the EU. The airlines companies that fail to comply are sanctioned. Again, such a practice is problematic because for instance during wartime, asylum seekers are unable to obtain passports or visas (Guild et al. 2015, 4-6). The second branch is supposed to ensure a safe passage to those who have been identified as refugees. However, this elements has been lacking in the EU member states’ asylum policies. For instance, resettlement schemes set up by the UNHCR seem to be one of the solutions for ensuring legal and controlled access to the EU, but only 18 833 refugees were resettled in 2015 (UNHCR 2016, 41). In other words, the legal access to the EU is very difficult, and asylum seekers are forced onto perilous routes if they want to apply for asylum.

A European-made crisis Notwithstanding factors such as the Syrian civilian war or the 2008 financial crisis, the European crisis is the result of the inadequacy of current refugee definition, and the inconsistency of EU member states’ policies. First, the current definition is too restrictive, and does not englobes all the reasons for which people would flee to save their lives. Second, because of this gap between refugee law and reality, EU member states are confronted to an important

number of applications filled by asylum seekers who do not fit within the official definition of the term “refugee”. In order to tackle this situation, the member states try to circumvent the number of asylum seekers setting foot in the EU through various means. The result is that both refugees and unrecognized asylum seekers are forced into one single migration route with the other migrants : irregular migration through unauthorized and/or undocumented move-

ments (Koser 2007, 88). To conclude, although this cannot account for all the irregular migration in direction of Europe, it has contributed to the phenomenon.

Marin Capelle is a student at the Institut d’études européennes Photo Credit © Pixabay Photo Credit © Pixabay

The EU in Egypt  : Supporting a dictatorship or ensuring stability ? The European Union had a longstanding and well-functioning relationship with Egypt’s Mubarak army regime, in power for twenty years before being deposed in 2011. The EU supported the government-controlled capitalist market economy of Cairo and the United Kingdom is still the biggest investor in the country. Nowadays, Egyptian and diverse European security services still collaborate in the fight against terrorism.

This longstanding relationship was how-

ever jeopardized with the protests of 2011 which led to the ouster of Mubarak, and to free elections which were endorsed by the Council (Council of the European Union, 2012). The election resulted in the Muslim Brotherhood taking power with the Islamist Mohamed Morsi becoming president. This could have been seen as a step forward for Egypt in key domains such as the rule of law, parliamentarism, free and fair elections, respect for human rights and fundamental freedoms. In its initial reaction, the EU institutions supplemented funding for the government through various mechanisms. The intergovernmental European Investment Bank offered to double its loans which were to reach 1 billion euros a year (Pinfari, 2013). There

were a lot of carrots for the new Egyptian government. The EU, through declarations by the former High Representative Ashton, praised the new government. But it was still somewhat unsatisfied, calling for the protection of civil society movements, and “deep democracy” before talking about the importance of border control and security (Ashton, 2011). One can question the extent of the support on the ground in Cairo for “deep democracy”, a term which until then hasn’t even been used to describe any European member state polity.

Backing a democracy ... Nevertheless, the democratic transformation in Egypt which was supported by the Union reached at least some of its goals : it 31

was a clear step forward to encompassing the values of the Union. On the other hand, the country’s economic performance was deteriorating, which sparked new protests leading ultimately to a coup against Morsi, and the re-installation of army dictatorship led by Abdel Fatteh al-Sisi a former general under Hosni Mubarak. Egypt went off the road of democracy triggered the support from the High Representative and the Council. The former HR, Catherine Ashton was relatively free in pursuing the EU foreign policy in Egypt during Morsi’s government, as there were no Council conclusions on Egypt for the year 2013 until the army coup in summer. With no politically binding declarations from the Foreign Affairs Council, the Egyptian democratic transition could easily be supported by Baroness Ashton.


EYES ON EUROPE

Union, the hands of the HR are tied and is obliged to follow its conclusions. This has led to a legitimisation of the Sisi dictatorship as neither conclusions, nor resolutions, sanction the repressive measures taken by the new Egyptian government.

Or betting on stability ? Rationally, the turn back to dictatorship in the summer of 2013 would prompt clear backlash from the Union, as the rule of law, democracy, and free and fair elections were all abolished with the new regime. President Morsi was jailed and the Muslim Brotherhood outlawed. However, the coup by the army safeguarded the economic channels between the Egypt and the EU member states, and the Union helped stabilise the country economically. The deposition of an Islamist government and its replacing with a secular, more trustworthy in the preservation of religious freedoms, regime was politically welcomed in Europe which at the time started experiencing an explosion of Muslim refugees. Since the fall of Morsi, Council conclusions on Egypt have been adopted swiftly, one after the other. Conversly, this has narrowed the relative autonomy of the High Representative to conduct an autonomous foreign policy as she did during the Morsi presidency, to one more in line with member-states interests. As the European Council, along with the Council, by unanimity determines the political agenda of the

Since the fall of Morsi in July 2013 the Council conclusions were less and less about the reinstallation of democracy and respect to human rights, and moved towards the question of security and stability, highlighted by the FAC conclusion of the 10th of February 2014 :

“The EU condemns in the strongest possible terms the terrorist attacks in the Sinai and other parts of Egypt, in which a number of civilians and security personnel have been killed or injured. No cause can justify terrorist violence. The EU reaffirms its commitment to support the stability and security in Egypt” (Council of the European Union, 2014). The Council back-tracked on the questions about democracy, and basic freedoms, and instead concentrated on preserving the stability of the country, which legitimises the army dictatorship. Al-Sisi has visited France, Germany, and the United-Kingdom to discuss security and economy issues. The UK, has vastly invested in the Egypt and recently congratulated the country on its economic reform programs which has

led to a €12 billion loan from the IMF in November 2016. The European Union, through its intergovernmental decision-making processes has supported the EU member states’ goal to stabilise the country politically by granting them economic grants. This might however backfire. The Egyptian pharmaceutical syndicate is threatening with strikes, and the Egyptian pound has lost much of its value to the dollar since the IMF loan. Advancements by the IS-linked insurgents in the Sinai has threatened the Coptic Christian families living there, and in February many of them left. The stability of the country is becoming questioned because of the inability and ruthlessness of the armed forces – who the EU states are supporting. Arms sales and financial grants to the regime by the European member states create strong links to a ruling elite whom against the Egyptian people revolted against in 2011. However, now with the Islamic State in the equation worse may await.

Noel Daniel Vig is a Master student at ULB Institute for European Studies Photo Credit © wikicommons President al-Sissi

EGYPTIAN REPRESSION AND EUROPEAN ACTIONS IN NOVEMBER 2016 REPRESSIVE ACTIONS BY SISI’S GOVERNMENT

EU ACTIONS IN EGYPT

EU MEMBER STATES ACTIONS IN EGYPT

Egypt jails Head of Journalist’ Syndicate for 2 years.

EU delegation in Egypt promotes ENI instrument worth €209 million.

France reaches agreement to supply 8 Rafale fighter jets in 2016.

Government proposes new NGO law, which bans all NGOs who don’t follow government regulation.

Egypt and EU discusses the expansion of €60 million school improvement programme.

France approves €12 billion IMF loan to Egypt.

Egypt’s press union sends list of 29 detained journalists for pardoning.

European Parliament’s Mashreq delegation meets President Al-Sisi in Egypt discussing migration and terrorism.

Egypt signs €345 energy development agreement with France, Germany, the EU and EIB.

Government seizes Muslim Brotherhood-run medicine companies.

EU and EIB announces founding of a windmill project with MS banks worth €345m.

BP of UK announces €13 billion investment in Egypt gas sector until 2020.

Three prisoners die in three days in Egyptian prisons.

Dimitris Avramoulos, Commissioner for migration, Home Affairs and Citizenship visits Cairo and meets with President Sisi and stresses more EU support.

Egypt announces €25.3 million “technical cooperation agreement” with Germany.

11 defendants sentenced for 5 year for protesting without permit.

France announces €889 million in investment energy infrastructure.

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External relations and immigration matters

Maidan, the aftermath  : Could the EU have avoided the Ukrainian drama ? It has been more than three years since Ukraine was shaken by the Euromaidan revolution in 2013. People gathered in the main square of Kiev and voiced their hopes and dreams for a different Ukraine, based on democratic values and without a kleptocratic leadership. The enthusiasm soon faded away when it became clear just how remote Ukraine was from achieving the goals advocated through the Maidan movement. What have been the impacts of EU's actions or inaction on the conflict ? Can we designate the EU as a partial culprit for events that took place in Ukraine ? The dramatic consequences of a failed revolution

The country slipped away in a so-called hybrid war. Human Rights have been and are still violated on a large scale and dreams and perspectives for a different future have been shattered. Albeit it is exaggerated to presume that the EU could have avoided the whole situation, there are some ways in which the failure of the Maidan can be attributed to the EU. Notably, the EU could have played a greater role in preventing the Human Rights violations and easing the complicated Ukraine-Russia relations, some fallouts could have been avoided if the EU had long acted differently regarding Ukraine.

During the Euromaidan, the EU flag generally flowed alongside the Ukrainian one. In addition, Poroshenko, president of Ukraine, suggested that Ukraine could apply for EU membership in the following years, seemingly implying that Ukraine was engaged in a more pro-European path. However, let us not forget that one issue that makes Ukrainian society so complex yet so interesting is the division between pro-Europeans and pro-Russians on the one hand and, the largest “minority”, those who are simply trying to make the best possible life for themselves on the other. As such, the choice between the EU and Russia can for some be reduced to the question of “who has the most to offer”. At this point in Ukrainian history, that includes notably financial aid and technical assistance towards a corruption-free state. It also encompasses in a context of war providing for weapons for supporters of one’s camp. In this regard, the EU also to some extent failed to tilt the balance to its advantage.

The EU’s weak response to Human Rights issues The Human Rights crisis taking place in Ukraine since the start of the Euromaidan is far from getting better. In 2014, Human rights watch (HRW) noted an increased risk for political-motivated violence, such as unlawful detention, abduction and assault, as well as riot police brutality and kidnappings. In 2015 the trend was toward a worsening of the sit-

uation. Indeed, HRW found that pro-government forces and Russia-backed rebels had used cluster munitions during the armed conflict in Eastern Ukraine and that without a full investigation by Ukrainian prosecutors. Also, according to HRW no significant progress had been made in 2015 concerning the accountability of perpetrators of abuses during the 2014 Maidan protests. Overall, serious violations of the Rule of Law, freedom of expression and freedom of media as well as homophobia and intolerance remain widespread, among other Human Rights violations. In the light of the Maidan movement that was explicitly standing up for basic Human Rights, these violations become even more painful. In 2013, even before the Euromaidan started, there was some sense of tiredness within the EU regarding Ukraine. The EU hardened its stance in the framework of the Eastern Partnership and suspended the signing of an Association Agreement. The EU albeit keen on presenting itself as a normative power for upholding Human Rights failed to adequately support Ukraine in avoiding the current situation. For instance, the Union refused to send peacekeepers or any weapons to Ukraine, despite requests from the country and the Russian similar support for separatists. The EU was too divided on “what Putin might do next” to coherently formulate answers to events. Therefore it compelled itself to lag behind : the EU’s 33

approach based on helping out Ukraine via using laws and regulations might be useful, but seems somehow inadequate to respond to the situation in which Ukraine finds itself today where money and weapons might be more appropriate tools. At the Vilnius Summit at the end of 2013, which gave rise to the Maidan Crisis, the EU was more ambitious in moving forward its relationship with Ukraine. Now this is less clear, as stated by Donald Tusk : “Our partnership, as well as the Riga summit itself, are not about dramatic decisions or taking giant steps forward (...) Our partnership will go forward step-by-step.” (Politico, 2015)

How the EU could have made a difference Russia was left as the only alternative for Ukraine, given the absence of a European one. The European weakness and indecisiveness in its external action are symptomatic of the overall inability of the EU structure to act in its foreign policy when required. In this regard, another blatant lag between the EU’s rhetoric and actions should be pointed out. Angela Merkel, for example, showed some political will in taking the lead in the EU’s negotiations with Putin over the Ukrainian crisis, but the EU nevertheless failed to take strong actions : member states did not agree, sanctions were overdue, and


EYES ON EUROPE

financial aid to counter Ukraine’s bankruptcy was delayed and eventually was less than Ukraine was hoping for. Further on, Merkel, as well as many other EU heads of State noted “with great concern” the ongoing advances by separatist militias in the territory and the civilian casualties resulting therefrom. Those notices were never acted upon and this European inaction was in great contrast with its commitment to respect the values of democracy and Human Rights. In 2015, Ukraine counted a million refugees that were internally displaced. The EU could have liberalized the visa regulations for these refugees, but instead the door was kept close and EU leaders continued to stall their commitments (Linda Kinstler, 2015). It seems that the EU fears creating a huge influx of labour migrants from Ukraine, which explains its unwillingness to remove restrictions with the war-torn country. Currently this unwillingness seems at odds with the recent decision on granting visa-free travel to the Schengen zone for Georgians citizens. (EU Observer, 2015). Although the latter is conditioned upon the setting up of safeguards permitting to

suspend the application of the “deal” in case of abuse, it still renders it more painful for Ukrainians to accept their fate.

A pessimistic outlook for the future It would be unfair to say that the EU hasn’t done anything at all. Indeed, the EU has frequently called upon all parties to the conflict to honour ceasefires laid out in the Minsk agreements in addition to financially supporting Ukraine throughout the conflict. The EU also offered extensive advice on the creation of modern institutions. However, this did not suffice. It is difficult to come up with one explanation for this inability. Of course, the Ukrainian crisis came on a “bad timing” for the EU, to put it cynically, since the EU itself was in a particularly bad shape trying to tackle a never-ending economic crisis and facing fundamental political problems. This undoubtedly played in the tardiness of the EU in reacting to Ukraine’s issues. To some extent the EU’s failure to provide for an effective response is the result of a combination of a lack of political will and more fundamental institu-

tional issues. The individual member states are not willing to involve themselves in Ukraine, for example by sending peacekeepers. These issues make the EU virtually powerless to act. For example, at the beginning of the crisis when the protesters were still at the Maidan square, Barroso, the then President of the European Commission did not take the lead in formulating an adequate and strong EU response, because the lack of a consensus among member states that was needed for EU foreign policy actions. By the time he stepped in, however, months had passed and the EU’s messages were in any case too weak to really be noticed. (HRW, 2015). The current President of the Commission Juncker put this very simply when asked about enlargement : “They are not ready. We are not ready.” (Politico, 2015)

Paulien Natens is an advanced Master student in international and European law at the VUB Photo Credit © Maksim Belousov (euromaidanpress.com)

Relations énergétiques UE-Russie : Nord Stream 2 & ses impacts Veto russe au Conseil de Sécurité suite à la proposition française d’arrêter les bombardements sur Alep en Syrie, report de la visite de Vladimir Poutine en France ... Le partenariat politique Union Européenne-Russie est en péril ; mais il en va de même pour le domaine énergétique suite aux crises d’approvisionnement en gaz de 2006 et de 2009. La Russie tente alors de diversifier son marché de l’énergie et ses sources et, bien que projet Turkstream ait été suspendu, la réconciliation entre Poutine et Erdogan pourrait le relancer et un accord avec l’Inde a été signé 2016. L’UE de son côté cherche à renforcer sa sécurité et sa solidarité énergétiques. Un projet, qui a fait débat tout au long de l’été 2016, les relie néanmoins dans le domaine de l’énergie ; Nord Stream 2. Cependant, les entreprises Eon, BASF, Engie, Shell, OMV et Gazprom, ont finalement abandonné l’idée d’une joint-venture en août dernier.

En 2013, environ 39 % des importations

de gaz provenaient de Russie, 30 % de Norvège et 13 % d’Algérie ; d’où une dépendance de l’UE à l’égard des importations russes. Les incertitudes pesant sur les éventuelles importations en provenance d’Afrique du Nord (Algérie, Libye) et la production intérieure de gaz reculant, la dépendance envers les importations russes ne fait que s’accentuer. Il ne s’agit cependant pas d’une dépendance à sens unique ; les exportations gazières russes dépendent énormément du marché européen. Ainsi, la Russie cherche à réduire cette dépendance et à étendre son marché. Elle se tourne alors vers l’Asie, avec quelques difficultés cependant. L’Europe, elle, fait le pari de la solidarité interne et des importations de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) afin de diversifier ses sources d’approvisionnement, et, de fait, de renforcer sa sécurité énergétique. En outre, l’Europe décrit la Russie

comme « un partenaire non-fiable qui utilise l’approvisionnement énergétique comme une arme politique » (Résolution du Parlement européen 15/12/2015). Mais, dans ce contexte tendu, Nord Stream 2 est-il une opportunité pour l’Europe de l’énergie ?

Il ne s’agit pas d’une dépendance à sens unique ; les exportations gazières russes dépendent énormément du marché européen

Apports de Nord Stream 2 pour l’Europe Projet officialisé en septembre 2015 par un pacte d’actionnaires entre les entreprises Eon, BASF, Engie, Shell, OMV et Gazprom, 34

Nord Stream 2 est un pipeline qui permettrait de doubler l’acheminement du gaz russe directement à la frontière allemande tout en limitant le transit ukrainien. Il devrait ouvrir pour 2019 et est supposé suivre le tracé du pipeline Nord Stream 1. Nord Stream 2 est un atout potentiel pour toute l’Europe car il permettrait de sécuriser l’accès au gaz à un prix compétitif tout en diversifiant les routes – mais non les sources – d’approvisionnement pour le continent européen. En outre, ce projet aurait des retombées plus qu’avantageuses particulièrement pour l’Allemagne. En effet, Nord Stream 2 amènerait le gaz directement aux portes du pays et doublerait la quantité de gaz entre la Russie et l’Allemagne. Ainsi, la majeure partie du gaz russe transiterait par le territoire de cette dernière. Au détriment de l’Ukraine et des Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO), l’Allemagne deviendrait un hub gazier décisif pour l’Europe. Les Allemands


External relations and immigration matters

sont donc, bien évidemment, de fervents défenseurs du projet ; ils vantent ses bénéfices économiques et commerciaux pour l’Europe (gaz à un prix compétitif pour le bien du consommateur, renforcement de la transparence et de la concurrence sur le marché gazier).

Un projet politique plus qu’économique ; une source de tensions Bien que, selon l’article 194 du TFUE, le choix du mix énergétique demeure aux mains des États membres, la Commission européenne cherche depuis peu à avoir un droit de regard sur les accords extérieurs de ces derniers avec des états tiers, et ce par le biais d’un mécanisme d’accord au préalable (Communiqué de presse du Parlement européen 13/10/2016) afin de vérifier la conformité desdits accords avec les textes européens et objectifs de l’Union de l’Énergie. Cet été déjà, la Commission a suivi Nord Stream 2 de près (Juncker). Si certains États membres en ont été rassurés, ce n’est pas le cas de tous. En effet, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Lituanie, la Roumanie, la Lettonie et l’Estonie ont adressé à la Commission européenne une lettre afin d’exprimer leur opposition au projet dès ses débuts. La perte de revenus de transit était l’une des principales inquiétudes exprimées, en sus d’un risque de dépendance accrue envers la Russie. La Grèce, l’Italie et la Bulgarie se sont également dits « hostiles à Nord Stream 2, ce dernier leur ôtant toute perspective de développement d’un corridor gazier alternatif dans le sud de l’Europe » (M-C Aouin, IFRI, 2016). Cet été, l’autorité de concurrence polonaise a également exprimé ses doutes sur la légalité du projet et de ses conséquences ; une position dominante de Gazprom sur le marché national et une restriction de la concurrence. Au-delà de l’aspect économique et des enjeux énergétiques du projet, c’est surtout sa portée politique qui a divisé l’Europe. En effet, il met directement en jeu les relations diplomatique et politique entre l’UE, la Russie et l’Ukraine. En 2015, 39 % des importations européennes de gaz russe à destination de l’Europe ont traversé l’Ukraine. Or, si Nord Stream 2 voit le jour, il contournerait l’Ukraine, qui, de ce fait, verrait ses revenus liés au transit de gaz diminuer drastiquement et affaiblirait sa stabilité économique. Sa sécurité énergétique est également en péril car la Russie pourrait couper son approvisionnement tout en préservant son marché européen. En outre, un des objectifs de l’Union de l’Énergie est de soutenir l’Ukraine par un partenariat énergétique stratégique. Si Nord Stream 2 voit le jour, ce dernier fera l’effet d’un coup de poignard porté à la Commission Juncker et à ses priorités.

De plus le projet aurait, comme nous l’avons mentionné, pour effet d’accroître la dépendance énergétique de l’Allemagne et de l’Autriche envers la Russie, même si cet argument est à nuancer dans la mesure où, une fois de plus, Nord Stream 2 est autant décisif pour la Russie afin d’étendre son marché.

Un projet révélant les limites de l’Union de l’énergie ? Comme il a été précisé précédemment, Nord Stream 2 porte une atteinte directe à certains objectifs de l’Union de l’énergie que ce soit par la mise en jeu de la sécurité d’approvisionnement de l’Ukraine, mais aussi par l’augmentation de la dépendance vis-à-vis de la Russie sans pour autant permettre une diversification des sources d’approvisionnement voulue par la Commission. Malgé tout, les bénéfices économiques sont souvent préférés enjeux et problèmes politiques. En d’autres termes, il reste fortement probable que, dans tous les cas, Nord Stream 2 voit le jour exposant ainsi une des limites potentielles de l’Union de l’Énergie. Par ailleurs, cette dernière suppose également une solidarité énergétique entre États membres, solidarité qui a déjà été mise à l’épreuve lors des crises gazières de 2006 et 2009. Dans un communiqué de presse du 13 octobre 2016, le Parlement européen met l’accent sur sa volonté de mettre en place un « mécanisme de solidarité » régional. Si jamais un État membre fait face à une pénurie imminente de gaz et que la sécurité et la santé de ses « clients » sont par là mises en danger, il pourra demander à un autre État membre de le fournir en gaz via des « corridors d’approvisionnement ». La résolution adoptée envisage ainsi une coopération et une solidarité régionale entre les États membres de l’UE. Cependant, ce projet idéal est quelque peu à nuancer ; les députés européens insistent pour que ce « mécanisme de solidarité » inclut des compensations afin d’atténuer les dommages pour les parties impliquées. Le projet Nord Stream 2 révèle donc une division profonde en Europe autour des enjeux du marché gazier. D’une part l’Europe de l’Ouest possède à sa disposition différentes sources d’approvisionnement et cherche à accroître davantage la compé35

titivité du marché. D’autre part, l’Europe de l’Est appréhende une dépendance accrue envers le gaz russe et cherche à sécuriser son marché et ses sources de revenus afin de disposer d’une certaine marge de manœuvre vis-à-vis à la Russie. Si Nord Stream 2 est une opportunité pour les uns, il ne répond pas nécessairement aux besoins et intérêts des autres. De surcroît le projet n’est pas sans poser problème sur le plan géopolitique même pour les états de l’Ouest. En effet, même si l’Allemagne hausse le ton face à la Russie pour ses attaques en Syrie, elle semble limitée dans ses opportunités pour critiquer la position Russe en ce qu’il y a toujours un risque d’obtenir un projet gazier moins avantageux.

Blandine Malvault est étudiante en Master 2 Sécurité Extérieure et Sécurité Intérieure de l’UE à Science Po Strasbourg Crédit © Pixabay


EYES ON EUROPE

Israel & Germany's reason of state : Voluntas, ecessitas, utilitas ? While most European governments have changed their position towards Israel several times, German diplomats have reconfirmed their support of Israel repeatedly. The stumbling block for this mental state was laid down 64 years ago when Konrad Adenauer assumed responsibility for the crimes committed against Jewish people. Ever since, this ackowledgement of guilt has shaped the German-Israeli relationship.

Balancing Guilt and Realpolitik

D iplomatic relations between the Federal Re-

public of Germany (FRG) and Israel were officially established under Ludwig Erhard’s chancellorship, the second German chancellor in 1965. However, it was Konrad Adenauer who, the first, set the framework of the future relations by signing a Reparation agreement in 1952. In the latter, West Germany committed itself to pay compensation for the suffering of millions of Jewish people as well as stolen assets. Adenauer’s signature was by no means self-evident and he thus had to justify his action to the German parliament : “in the name of the German people untold crimes have been committed, which demand moral and material reparation (...) The federal government stands ready to contribute and realize (...) a material reparation, to ease the path towards psychological and spiritual adjustment of the endless suffering” (Adenauer 1951). It is widely debated whether Adenauer’s action was due to American pressure or decided on its own initiative. In any case, this recognition of guilt and the moral and the financial debt ensuing therefrom framed the standard relationships between the two States for decades (Dinner 2015).

Between silent acceptance and active support Later on, the third chancellor Kiesinger revealed himself a particularly reliable partner. When the third Arab-Israeli war, also known as the six-day war, was at the point of eruption in 1967 Kiesinger unlike other countries’ representatives did not condemn the Jewish state (Pardo & Peters 2012). He maintained his position and didn’t criticize the result of the war although the Israeli victory entailed taking control of the Sinai Peninsula, Gaza Strip, West Bank, Old City of Jerusalem. Kiesinger’s silence was followed by chancellor Brandt’s humble gesture towards the Jewish survivors and descendants of the Shoah in 1970. He sent out a very strong message of humility and penance, kneeling down before the Ghetto

of Warsaw. The Warsaw Genuflection reflected, as he later explained, “the guilt and historical responsibility of the German people” and the burden of “the ineradicably of the murder of millions of Jews in Europe will determine the German relation to Israel and gives it its distinctive feature” (Brandt 1971). Meanwhile, the reality pointed into a different direction. Germany as a Member States of the European Communities signed the Schuhman document. This document instigate the first common position towards the Middle East Conflict and was essentially a continuation of UN resolution 242, which responded to the situation resulting from the Six-day war. It demanded the “withdrawal of Israeli armed forces from territories occupied in the recent conflict”. Israel’s anger especially about Germany’s signature of this paper led to a diplomatic éclat. Brandt tried to play down the significance of the paper. Nethertheless, in the aftermath of the oil crisis (73’) an official declaration recognizing the Palestinian rights to exist was adopted. An undertaking that was not welcomed by Israel, considering that neither the Palestinians nor the Arabic countries recognized Israel’s right to exist. Thus, it was no surprise that chancellor Schmidt had to straighten this situation. Yet, he was probably not the best candidate and Israeli Prime Minister Begin not the best partner for it. Begin was a very controversial prime minister. The primary founder Israel’s Ben-Gurion even compared him to Nazi leaders such as Hitler and Heydrich. Begin was not only the architect of the Zionist terror organization Irgun Tzwai Le’umi (involved in several massacres in Israel and Palestine), but also he planned a bomb attack against former chancellor Adenauer. 36

Thus, not surprisingly Begin was hostile towards German-Israeli relations. Begin associated Schmidt primarily with the Wehrmacht, in which Schmidt had served. He called him a perfect loyal Nazi officer. He further accused the German people of being collectively responsible and guilty for the Shoah. Schmidt in turn was much less sympathetic to the Jewish State’s cause than his predecessors. He showed very little hesitation to visit Israel’s declared enemies and even considered weapon proliferation to Saudi Arabia. This was an absolute no-go for Israel. Quandaries increased. Under Schmidt and Begin the complexity of Israeli-German relations became obvious. While Germany remained committed to reparation, time passing by, elites started to feel less responsible for the past.

A new generation ? The first chancellor who was probably too young to be held responsible for the Shoah, was Helmut Kohl. During his first visit to Israel in 1983 he spoke of the : “mercy of the late birth” (Der Spiegel 1983). It described the spirit of a new generation towards the Jewish State. This statement however


External relations and immigration matters

caused much outrage in Israel, fearing that later generations will be liberated from the historical responsibility. The so-called “intellectual-moral turn” became the keyword in describing Kohl’s new politics (Neumayer 2016). When Gerhard Schröder became chancellor, he defused this statement: “at our house there is no one who refers to the 'mercy of the late birth' ”. When the Israeli government requested defensive missiles, Schröder responded that if the Israeli government needs more safety, Germany was going to help, it being a corollary of the German moral and historical duty (Schröder 2002). A similar path was taken by Angela Merkel. She might even be the greatest outspoken supporter of the moral and historical responsibility towards the Jewish state. Almost seven years ago in March 2008, in a speech before the Israeli Parliament, she stated that Israel’s security was Germany’s reason of State. Hereby she reiterated the subsisting principle governing the German’s politics towards Israel: Germany will not take any steps which would endanger Israel’s security or damage their interests (Kaim 2015).

An ethical imperative ? The study of behaviors and choices of eight German chancellors raises questions. How is it possible that the same nation which committed a genocide against a certain people, completely makes a U-turn declaring the survival of the very same group as its “reason of State”  ? And further how stable can such support be when based on guilt ?

At first, due to external pressure a common feeling of guilt emerged in Germany. The US initiated a denazification program and started the Nuremberg trials. The allies tried to put opponents to the former system to leading positions in the country. Their informal behaviors vis-à-vis Germany and how its population should repent for war crimes impacted the future relations between the latter and Israel. A further element to be taken into consideration is the dynamics of the Nazi totalitarian system itself. It didn’t allow for any opposition or alternative views. Obviously, not all Germans where fanatically convinced of race ideology or of the idea that Jews are the enemy of the people. Conversely, the great majority of the people weren’t opponents to governemental policy in this area either. Many could have been characterized as opportunists or merely “not-concerned”, having little regard for principles or potential adverse consequences on others’ life as long as they were safe. Therefore, one could argue that the ethical imperative decribed previously was mostly a consequence of the defeat and presence or occupation of Germany after the war. A normative expectation seems to have emerged, based on the feeling of shame and guilt. However, when hypothesizing about the future a different picture could be drawn. The upcoming generations will most probably feel less and less responsible for the crimes committed by their ancestors. The unconditional support already visibly started to water down during the Gaza war in 2008/09. When Merkel told Israeli Prime Minister Elmut Olmert that Israel’s reaction was justified, she gave rise to a strong wave of criticism in the Germa, Parliament (Weiland 2008). Ever

since criticisms vis-à-vis Israel and its controversial policy intensified and all the more since Netanyahu became the Israeli Prime Minister. Hence, the support based on a normative expectation is on the brink of shifting. On the one hand thus, the German Wiedergutmachungspolitik notion (i.e. compensation policy) has been, for decades, the Leitmotiv for German politics vis-à-vis Isreal. It entails both the ethical and moral responsibility for WWII and especially the debt towards the Jewish people and the Jewish State. The Italian political scientist Voltolini summarized it as a “sense of guilt”, describing something that has become a fundamental part of Germany’s position (Voltolini 2012). This sense of guilt, however, will probably not linger and prevail forever. Current and future generations are increasingly less inclined to withhold their critical opinion vis-à-vis some Isreali policies only on grounds that they bear an historical responsibility.

Camille Nessel is a second years MA student at the IEE Photo Credit © Moshe Milner GPO Israeli PM Benyamin Netanyahu with German Chancellor Angela Merkel Berlin

The EU and illegal immigration : Unsatisfactory achievements The Odysseus annual conference workshops identified two main features of the EU immigration policy. First, the European institutions increase their role as a collector of personal data to ensure a “smart boundary” system. Second, amidst distrust and terrorism, the Union has chosen to subcontract its immigration policy away from the old continent. The collection of data : a proportionnality issue ?

The European Union has created six da-

tabases (SIS, SIV, Eurodac, Ethias, RTP & EES). In 2016, the different stakeholders reformed the framework of this policy to ensure a smarter boundary system. This new concept means that the Member States and the institutions must aim at eliminating institutional duplications and allowing for better interactions between the different bodies in charge of immigration policy and the management of data collected. According to R.

Rozenburg, from the DG Home of the Commission, what is needed is not a substructure to run the policy, but rather a smooth EU architecture which eases communication. Within this new trend, Eurodac has been reformed. This fingerprint database was created to identify asylum seekers and illegal migrants to ease the implementation of the Dublin legislation. R. Rozenburg considers this legislative package as one of the most protected system in the world. For him, it focuses on qualitative rather than quantitative information with a high degree of data protection. MEP Monika Hohlmeier (EPP), supports this system and highlights its role in the protection of children 37

against slavery. She also supports the reduction of the age to collect fingerprints from 14 to 7 years old.

The collection of data doesn’t make consensus and maybe one of its justifications is the political context with terrorism and strong migration pressures on borders. But is it a good justification to accept this U-turn of presumption and the relative proportionality in the legislation as Ms Niovi Vavoula stressed ?


EYES ON EUROPE

However some scholars and deputies disagree with this positive appreciation of data collection and especially the Eurodac system. Ms Niovi Vavoula thinks this database has to be deleted. The reform has broadened the scope of use of the data. This is problematic because it increases at the same time the risk of abuse. For her, this reform is based on a new principle : presumption of guilt. Thus it makes every migrant or EU citizen a presumptive criminal. Moreover, she emphasizes the lack of individual procedures in the possible remedies available. It is not a lack of legislative protection or judge’s limitations (Wetson case, Schwarz case) but proportionality and justification are off to allow this type of policy. For instance, data are kept for ten years while generally it is only five. Notwithstanding the circumstances, there is no justification to augment to ten and thus it stresses the lack of proportionality. The collection of data doesn’t make consensus and maybe one of its justifications is the political context with terrorism and strong migration pressures on borders. But is it a good justification to accept this U-turn of presumption and the relative proportionality in the legislation as Ms Niovi Vavoula stressed ? Moreover the EU seems to forget all of its values by subcontracting its migration policy to its neighborhood due to intern EU crisis of trust.

Subcontracting of immigration policies amidst a European distrust crisis. The manifestations of the distrust amongst European Member States are diverse. For instance, it is really difficult to conduct the Juncker plan to dispatch asylum seekers in Europe. Some countries such as Poland refuse the quotas and others as Belgium add new criteria to reduce the number of beneficiaries. Florence Giorgi explained that Belgian leaders have tried to reduce the territoriality principle outside the em-

bassy and thus the possibilities to attribute residence permits. Moreover, the wills of some governments to open up data collection to EU citizens strongly highlights the distrust from the national leaders against the other-EU peoples. First and foremost these national behaviours highlight the failure of Dublin legislation. As Ms. Niovi Vavoula explained, the EU immigration and asylum legislation doesn’t work because there is an asymmetry between the EU migration issue and the national solutions implemented. No state can support the migration pressures for a whole continent. The Dublin legislation might only reduce the responsibility of the other national states. It results in a distrust crisis in the EU and the uselessness of national anti-migration legislations. We could now understand the pactomania that Céline Bauloz pointed out. The Commission has developed a new framework to run the migration and asylum policy. It is based on a more liberal perspective with a win-win relationship between EU and the countries of origin. In a short term, this pactomania aims at saving lives and fight against illegal migration. The EU agencies implement a policy to create awareness amongst potential migrants about the dangers to come to Europe and also facilitate the reinstallation in the home country. In a longer perspective, the EU authorities encourage to solve the root causes of migration in the countries by helping for economic development and democracy. For example the EU has created a plan for external investment, a Fund for Africa or the Regional fund according to Prof. Dr. Cécine Bauloz. In few words, the migration issue is linked to the economic and trade policy and the most remarkable case is the agreement with Niger. It is a coherent and complete mobilization of the tools available: sensitization, dismantling of clandestine networks and return of illegal migrants. An economic perspective completes the EU-Niger agreement thanks to the Fund for Africa, aids on the hotspots via EEAS and the creation of a liaison officer position. The result was a drastic diminution of migrants from Niger and the apprehension of 102 smugglers. However, Niger is one case among others such as Ethiopia, Senegal and Mali. Moreover, how could you implement this type of agreement with failed state ? Another type of subcontracting system is Turkey. The migration routes cross the anatolian region and the EU-Turkey 38

agreement aims to stop it. It is important for the partner country to have a strong and effective government to ensure smooth relationship because both sides are active in the implementation. This migration policy hinges on the principle of the carrot and the stick. On the one hand, the threat is the conditionality of the aid as the Declaration of Malta settled, which considers the relationship as a “mutual solidarity” and on the other hand, the EU improves the relations with the country in a larger scope than migration and bind its authorities by the development cooperation.

This migration policy hinges on the principle of the carrot and the stick. The EU nevertheless has to fulfill its commitments, but so far it is not really the case. Despite EU has signed an agreement with these countries, only 30% of the money for development was given to Niger and none to Ethiopia. For the legal remedies, it is the same problem. The possibilities of remedies remain weak and the EU also doesn’t offer appropriate protection to asylum seekers and migrants. The continent is clearly dependent on this “mutual solidarity”. The parties gauge their power in this framework instead of ensuring a smooth relationship as Turkey’s example highlighted. In an EU integration perspective, the Odysseus conference clearly underlines the difficulties of the EU to implement a coherent and effective migration and asylum policy. The project of the Blue Card highlights the needs of reforms and europeanization but Member States remain clearly timid about this State symbol. Terrorism and also the crisis of the nation-State create a context in which the national leaders have to prove the usefulness of the State action but the asymmetry with the migration crisis cannot allow to get good results. The EU is just a collector of data, which questions proportionality and justification of the achievement of the “smooth boundary” system. The incoherence of this management cannot solve the problem and only creates distrust between the European stakeholders. Clearly the crisis of trust in Europe springs up in this asymmetry and finding a solution in subcontracting, it is playing with fire. The EU becomes dependent on international relations which creates tools for our neighbours to put pressure on EU policy. Isn’t Turkey the best example ?

Loïc Charpentier est étudiant en relations internationales à l’ULB. Photo Credit © Pixabay


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Understanding the Palm Oil War Palm Oil is highly controversial topic in the Western World and mostly linked to deforestation, CO2 emissions and orang utans, that the EU tries to address. Indonesian people and producers of palm oil however associate it with an unjust EU Policy, in place to protect their own interests and markets from the cheap liquid lubricate.

Nowadays

people tend to associate Palm Oil with the destruction of the rainforest in Indonesia and Malaysia. Long before the Europeans started using Palm oil and NGOs started campaigning against it, people were trading the highly productive oil, which was home in the belt of West Africa from Angola to the Ivory Coast.

“Palm Oil is one the oldest trading commodities in human history.” It was around the year 1849 that the Dutch and the British came up with the idea of importing the seeds of the palm oil tree from West Africa to their respective colony in Indonesia and Malaysia, where it took about 60 more years until it was first sold commercially. The second half of the 19th century was the time when the Dutch, British and French imported many products to their colonies in Southeast-Asia. The Palm Oil trees were growing perfectly in the tropical climate. When Malaysia was founded as in independent state, the government was developing programs to extend the production of palm oil and supersede the cultivation of natural gummi and timber (Euler, Schwarze, Siregar & Qaim 2016). Since then, Malaysia’s much larger neighbour Indonesia, has overtaken the former British colony and has become the world’s largest Palm Oil producer. Indonesia’s largest customer of Palm Oil products has been the EU for the past years; which also happens to negotiate a free trade agreement with Indonesia at the moment. One of the major points of contentions within the negotiations is the renewable energy directive, which also has an impact on further palm oil imports from Indonesia.

Palm Oil Imports and the Ecological Footprint Palm Oil can be used to produce biomass. The Renewable Energy Directive (2009/28/EC) of 2009 introduced minimum amounts of renewable energy that must be integrated in the energy household of each Member States and also lays down sustainability criteria for the renewable energy. In 2015, the directive was amended to reduce indirect land use change for biofuels and bioliquids ((EU)2015/1513), which basically tries to prevent the conversion of food crops into energy producing crops. A specific ban on palm oil is not included in the directive but the sustainability criteria indirectly forbids the use of it, with far-reaching consequences for Indonesian Palm Oil imports : the EU is the world’s biggest Biofuel-consumer (European Commission 2017). Making it a large potential market for the cheap tropical oil and the Palm Oil

Industry in Indonesia is putting a lot of pressure on its government to support further exports. And the Indonesian government desperately needs more exports to reach the economic growth target of 7%. Many Indonesian individuals suspect that the aforementioned directive is nothing more but an attempt of the EU to protect their markets from Indonesian imports. The widespread narrative in Indonesia even goes as far as evoking that NGOs, like Greenpeace, defamed Indonesian Palm Oil, that they are in cahoots with the EU :

“green NGOs have constantly attacked the sustainability campaign, either motivated by real concern about environmental damage or influenced by lobbyists funded by EU and United States vegetable oil producers who are afraid of the palm oil competitive advantage.” Jakarta Post (2017, April 12)

Defending Indonesian Palm Oil The Indonesian academic Shofwan Al-Banna Choiruzzad conducted several interviews with NGOs, politicians and representatives of the Palm Oil Industry on the origins of the palm oil narrative in Indonesia. He argues that the Palm Oil Industry has created a war trade narrative as a 39

defence mechanism against Greenpeace defamation of Indonesian Palm Oil.

Gapki (Gabungan Pengusaha Kelapa Sawit Indonesia), the Indonesian Palm Oil Association, published numbers that demonstrate how the market share of palm oil has marginalised US soybean oil and EU sunflower and rapeseed oil since the 1980s and these numbers are indeed correct. Further they out forward the argument that the American Soybean Association in the US has already managed to influence the US government in the past. In the 80s they spread the narrative that palm oil has severe impacts on human health and therefore must be forbidden. This led the US Food and Drug Administration to printing warnings on products containing palm oil (Al-Banna Choiruzzard 2016). In 2011 Gapki ended its membership of the roundtable on sustainable Palm Oil (RSPO) and strengthened its ties with the Indonesian ministry for agriculture. When the US Environmental Protection Agency under the Obama administration equally excluded palm oil as a source for biofuels, Gapki saw further evidence for their theory. Gapki started organising workshops for journalists and students on Java and Kalimantan to convince people. On their events, they also demonstrated that Palm Oil needs less land to produce more oil and is therefore much more environmental friendly. Yet, they forgot to mention the problem that comes along when fields are being prepared for palm oil growth : the highly controversial consequences of slashing and burning of the rain forest. Most of the tropical rain forests nutrients are not in the soil,


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but in the plants. If a piece of land has been grubbed by fire, it will be nutrient by the ashes of the plants for a few years, as the ashes still contain the nutrients of the burned plants. After a short time however, the nutrients are gone, and the previously intact ecosystem is disturbed. The soil itself cannot make up for this loss, and the regeneration of the rain forest is therefore no longer possible, which also renders it no longer usable for agricultural use. Further effects are immense forest fires. Without being industrialized Indonesia has been haunted by these fires, and it gets worse and worse. Indonesia is importantly contributing to spewing more CO2

into the atmosphere, through large amounts of stored carbon which are released from the trees and then mixes with oxygen. The situation is entrenched, as a great majority still believes that the effects are not serious and the EU is not the best entity to tell Indonesians what to do. Especially because the EU is still seen as a divided body, with little power. Maybe more importantly : haunted by its colonial past and its own climate sins gives the EU little credibility to tell Indonesia moral lessons. Measures like sustainability criteria seem to be the only possible answer,

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but Indonesia is already looking for new outlets for palm oil, and South Africa, India and China are happy to buy them.

Camille Nessel is a 2nd year MA student at the IEE. Photo Credits : © Rainforest Action Network © Grid Arendal © Grid Arendal


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MATTEO GUIDI RESPONSABLE RELATIONS PUBLIQUES /PUBLIC RELATIONS MANAGER

MARIE LAVAYSSIÈRE

BLANDINE MALVAULT JULES HÜNI DÉBORAH MILLER

VICE-RÉDACTRICE EN CHEF /DEPUTY EDITOR-IN-CHIEF

DORIAN LIU CHARPENTIER LOÏC VICE-RÉDACTEUR EN CHEF /DEPUTY EDITOR-IN-CHIEF

MARTINA LILLO

GIORGIA BOZZINI

PAULIEN NATENS

VICE-RESPONSABLE DES RELATIONS PUBLIQUES /VICE-MANAGER FOR PUBLIC RELATIONS

CAMILLE NESSEL

CONTRIBUTEURS EXTERNES

THIBAULT KOTEN

JONATHAN DEHOUST

ÉCRAN PAPIER COUVERTURE ET DESIGN GRAPHIQUE /COVER AND GRAPHIC DESIGN

LOLA COUTURIEUX

EMEL KÖSE

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