Article ETHIQUABLE dans Imagine (nov-dec 2012) - Voir page 15

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Les bêtes du Sud sauvage Benh Zeitlin Hushpuppy, six ans, petite fille sauvage, vit seule avec son père, un homme abîmé par l’existence et malade. Alors qu’autour d’eux, au plus profond du Bayou de Louisiane, le monde s’écroule, les pôles fondent, la tempête se lève, l’eau monte, la petite communauté d’exclus réfugiée dans ce qu’elle appelle le Bathtub résiste et se bat, opiniâtre. Et Hushpuppy part à la recherche de sa mère. « Les ouragans, les marées noires, cette terre qui se désagrège sous nos pieds, tout contribue à donner le sentiment qu’un jour, inévitablement, tout ça sera rayé de la carte, explique le jeune réalisateur, New-Yorkais tombé amoureux de la Louisiane du Sud où il s’est installé depuis l’ouragan Katrina. La question qui m’intéressait était : “Comment trouvez-vous la force de regarder mourir ce lieu qui vous a rendu unique, sans perdre l’espoir, la joie et cet esprit de fête incroyable qui le caractérisent ?” » Aucun film ne mérite mieux la mention « coup de cœur » que ce petit chef-d’œuvre, qui nous touche au vif, et emporte tous ses spectateurs dans une émotion exceptionnelle. Réalisé à force de courage et d’obstination, produit par une bande d’artistes de la Nouvelle-Orléans (Court 13 réunit des musiciens, des monteurs, des conteurs), joué par des acteurs pour la plupart non professionnels, dont la captivante petite Quvenzhané Wallis, Les bêtes du Sud sauvage mêle réalisme brut et onirisme fantastique pour nous transmettre brillamment cet esprit de solidarité, de résistance, cet amour de la Terre et de tous les êtres qui la constituent, cette chaleur qui rassemblent des gens formidables. Violent et tendre, tragique mais avec des éclats de joie féroces, le film est à la fois très beau et riche de sens. Sans faire la leçon une seule seconde, il nous appelle à respecter la nature et les humains que nous sommes. A ne rater sous aucun prétexte. L.d.H.

1 h 33, sur les écrans à partir du 12 décembre.

Au-delà des collines Cristian Mungiu

CINÉMA

Alina et Voichita ont toutes deux été élevées dans un orphelinat d’une petite ville de Moldavie. Alina est partie travailler en Allemagne mais s’y sent épouvantablement seule. Le film s’ouvre sur son retour au pays : elle vient chercher Voichita, celle qu’elle aime, pour l’emmener. Mais son amie est depuis entrée dans un couvent, elle a rencontré Dieu, obéit à la règle et au prêtre qui mène la petite communauté besogneuse. Et n’a aucune intention de la suivre. Alina refuse de baisser les bras, elle occupe la place, son grand corps et sa passion perturbant de plus en plus le groupe. Victime d’une crise de tétanie, elle est envoyée à l’hôpital, qui ne sait que faire de cette jeune fille désespérée, et finalement la renvoie au monastère. Où se répand le sentiment qu’elle est possédée par le Malin et qu’il faut l’exorciser. Au départ d’un fait divers, Cristian Mungiu (palmé à Cannes pour son 4 mois, 3 semaines, 2 jours) fait d’abord du cinéma. Du grand cinéma, avec une réalisation d’une beauté puissante, qui nous donne à voir la moindre vibration de ses personnages. Il interroge aussi l’amour et le libre arbitre, les notions de Bien et de Mal, les effets de l’ignorance et de l’indifférence, l’injustice sociale. Le drame s’avance, mais toujours au nom du Bien et de l’amour. Mungiu ne juge pas, il regarde, nous offre une œuvre âpre et belle, qui demeure longtemps dans l’esprit du spectateur, l’interrogeant sur ses propres actes et convictions.

Musée Ianchelevici Sous-titrée « Impertinence Résistance Survivance », l’exposition du musée louviérois rassemble une trentaine d’artistes contestataires, réactifs, incisifs et critiques. Un parcours d’interventions artistiques dans la ville complète cette proposition irrévérencieuse, ainsi qu’un « kit du citoyen impertinent » pour nous inciter à réagir de façon drôle contre les incivismes de toutes sortes. Les thèmes du pouvoir, de la violence, de la domination, de la religion, de la contestation sociale, de la politique, de l’identité sont autant de sujets abordés par des plasticiens aussi intéressants que Kader Atia, Romain Gavras, Vanessa Beecroft, Sophie Ristelhueber et bien d’autres. Jusqu’au 23 décembre à La Louvière. Infos : www.musee.ianchelevici.be, 064 28 25 30.

L.d.H.

2 h 30, dans les salles le 21 novembre.

Jeunes publics

Epinglés

Glissement de terrain

Météores Théâtres Varia et Marni Une vingtaine de spectacles de théâtre, danse, cirque, musique ou multidisciplinaires ont été choisis à travers l’Europe pour émerveiller ou faire réfléchir les enfants de 3 à 18 ans (et les plus grands aussi). Nancy Huston sera de la fête, ainsi que l’excellentissime Tof Théâtre, qui présentera plusieurs de ses spectacles. (Du 12 novembre au 1er décembre à Bruxelles, infos : www.pierredelune.be, 02 218 79 35)

[imagine 94] novembre & décembre 2012

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Théâtre La Civilisation, ma Mère ! Ben Hamidou Seul en scène, Ben Hamidou s’inspire du roman de Driss Chraïbi pour nous parler d’une femme, mariée à 13 ans dans le Maroc d’avantguerre, dont les fils ouvriront les portes de l’émancipation et de la liberté. (Du 14 au 16 novembre à Namur. Infos : www. theatredenamur.be, 081 22 60 26.)

Les enfants de Jehova Fabrice Murgia Une femme s’adresse à son frère par vidéo interposée : elle tente de le convaincre de rejoindre les Témoins, qu’il a quittés, et de sauver ainsi son âme. Fabrice Murgia nous narre l’histoire d’une famille déracinée, qui trouve à se rassurer au sein d’une communauté sectaire. Et réfléchit à la manière dont nous sommes façonnés par notre enfance. (Au Théâtre national, à Bruxelles, du 20 novembre au 1er décembre, infos : www.theatrenational.be, 02 203 53 03. Au Théâtre de Namur, du 29 janvier au 2 février, infos : www.theatredenamur.be, 081 22 60 26. Au Festival de Liège, les 5 et 6 février,

infos : www.festivaldeliege. be, 04 221 10 00. A la Maison de la culture de Tournai, le 20 février, infos : www.maisonculturetournai.com, 069 25 30 80.)

Exist Théâtre de la Communauté Le Théâtre de la Communauté poursuit sa réflexion sur l’engagement, et entraîne des jeunes à sa suite en les incitant à participer, avant et après la représentation du spectacle Rose, à débattre et à s’engager, à prendre leur place. (Jusqu’au 15 décembre à Liège. Infos : 0498 86 55 29, www.actc.be)


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