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Riez, vous êtes informés

Lassé des mauvaises nouvelles ? L’humour devient la parade aux actualités angoissantes. Chroniques, spectacles, vidéos humoristiques deviennent des moyens ludiques pour retrouver le goût de l’information.

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Covid, guerre en Ukraine, c’est pas possible pour moi. Je ne peux pas voir ça. » Priscilla Umhauer, 43 ans, est architecte d’intérieur à Lyon. Elle n’a « jamais été une grande férue d’actu » Pour elle, la crise sanitaire a été le coup de grâce : trop de notifications, trop de nouvelles anxiogènes. Désormais, son moyen de s’informer passe par un nouveau ton, l’humour.

Bertrand Chameroy sur France 5, Guillaume Meurice sur France Inter, Nicolas Canteloup sur TF1, ou encore Gaspard Proust sur Europe 1 : les humoristes qui s’amusent de l’actualité se multiplient. Plus attrayantes et moins pesantes, ces chroniques d’humour permettent-elles de redonner goût à l’information ? « Ça fait du bien parce que ça fait rire, à la différence des informations classiques. Quand je passe à côté d’une actualité, ça me permet de m’y intéresser », poursuit l’architecte lyonnaise.

Rire de l’actualité n’est pas une nouveauté. L’Oreille en coin sur France Inter (19681990), Le Bébête Show sur TF1 (19821995) ou Les Guignols de l’info sur Canal + (1988-2018) y avaient déjà pensé. Ces émissions sont les premières sources d’inspiration de certains humoristes de

France Inter : Charline Vanhoenacker et Guillaume Meurice. À 15 ans, le trublion du programme C’est encore nous ! – exPar Jupiter ! – négocie auprès de ses parents pour avoir la télévision. Il découvre Les Guignols, l’illustre émission de Canal +. « À cette époque, c’était un peu la grand-messe. Je me suis intéressé à des sujets d’actu parce qu’ils les traitaient. » D’après lui, l’humour est bel et bien une porte d’entrée à l’information. « Ça permet d’avoir l’illusion de ne pas subir, de dire à l’actu, à la société : je m’en fous et je ris de tout ça. » Mais il nuance, en rappelant l’importance de s’informer : « Une fois que tu t’es marré, si tu ne te renseignes pas après, c’est plus compliqué. »

« PercePtion biaisée de la réalité » S’amuser de l’actualité est avant tout politique. Guillaume Meurice en a fait l’expérience l’année dernière en se présentant à l’élection présidentielle, afin d’interpeller et de susciter le débat. Alexis Lévrier, historien de la presse et professeur à l’université de Reims, explique : « La satire a longtemps été un moyen de contester le pouvoir. Mais pour que l’humour fonctionne, il doit s’en prendre à tout le monde. »

Charline Vanhoenacker se plie à cette règle. L’ex-correspondante à Paris pour la RTBF, Radio-télévision belge, et pigiste pour le journal belge Le Soir, s’est prise de passion pour la politique française, « plus personnalisée et théâtralisée qu’en Belgique », selon elle. Elle a alors troqué la casquette de journaliste pour enfiler celle d’humoriste. Traiter un sujet par le prisme de la caricature ou de l’humour est « un levier pédagogique qui permet une lecture alternative de la société » Mais s’informer uniquement par ce biais est aussi problématique qu’utopique. « Cela me paraît dangereux, estime l’historien Alexis Lévrier. On a une perception biaisée de la réalité. Et surtout, l’humour fonctionne par référence à une information dominante : si vous ne la connaissez pas, vous ne pouvez pas comprendre le message humoristique. »

Eva PRESSIAT et Zachary MANCEAU