Vincent LOCHE Otorhinolaryngologiste (ORL), le docteur Vincent Loche a fait une communication scientifique très remarquée au 33ème Congrès National de Santé au Travail, en juin 2014, à Lille. Son titre : « Acouphènes et autres vulnérabilité aux bruits et travail ». En France, une personne sur 10 vit avec des acouphènes. C’est dire l’importance du problème. Un problème qui n’est pas sans solutions… C’est avec passion et simplicité que Vincent Loche a accepté de répondre aux questions d’Entreprise & Santé. Exerçant au sein de son cabinet à Arras, il travaille également au Centre Hospitalier de Lens en audiologie et au Centre Hospitalier et Universitaire de Lille, au service d’Otoneurologie, comme spécialiste des acouphènes.
Au travail, est-il important de dépister les troubles de l’audition ? VL : Oui. Sans aucun doute. L’audition a trois fonctions : la communication, l’alerte, le plaisir. Elles ont toutes les trois une implication au travail. Dès que nous entendons moins bien (on parle d’hypoacousie) des difficultés de compréhension de la parole peuvent apparaître pour communiquer, notamment s’il y a du bruit, ou bien au téléphone. Ceci nécessite donc une attention soutenue pour échanger avec les collègues et les clients. Se développent aussi parfois des moyens de suppléance : lecture sur les lèvres ou déduction mentale, mais une fatigue psychique peut ainsi apparaître au fil de la journée rendant l’individu moins performant. Un agacement peut aussi apparaître chez l’entourage et les collègues, devant cette tendance à faire répéter sans cesse… parfois responsables de sources de conflits ou de tensions dans l’entreprise. En
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cas d’alerte, l’appel d’un collègue ou une alarme peuvent ne pas être entendus, ce qui peut être source de danger. Enfin, entendre par exemple la musique est source de plaisir et de réconfort, plaisir altéré en cas de déficit auditif, rendant l’individu plus nerveux dans son travail… Les troubles de l’audition sont vastes : à part l’hypoacousie «classique» repérable grâce à l’audiogramme tonal, il existe des troubles de la compréhension de la parole dans le bruit à audiogramme «normal» (trouble central de l’audition: par altérations probable du cheminement de l’information au sein du système nerveux central), les acouphènes et l’hyperacousie. Comment caractériser le bruit au travail ? VL : On connaît les ambiances qui sont classiquement reconnues comme dangereuses : exposition à des bruits de plus de 80 dB(A) à raison de 8 heures par jour. Le suivi est
alors bien réglementé avec mesure obligatoire du niveau d’exposition et audiométrie régulière grâce au médecin du travail, et préconisation de port de protections antibruits le cas échéant. Mais il faut aussi être attentif au port des protections auditives en dehors des activités professionnelles : bricolage, chasse, moto, etc… Il faut se protéger tout le temps! Certaines situations de travail moins bruyantes où le niveau sonore peut être inférieur à 80 dB(A) mais dont la nature du bruit est complexe et désagréable ( voix multiples, téléphone, musique associées) peuvent être particulièrement propices à l’émergence de symptômes auditifs, notamment dans certaines professions : télé-conseillers en open-space, professeurs des écoles, personnel de cantines, employés de supermarché, personnel de piscine… Ces symptômes sont les acouphènes, l’hyperacousie, les troubles de la compréhension de la parole dans le bruit, la
Entreprise & Santé • 2éme Trimestre 2015 • N°30 • www.entrepriseetsante.fr
fatigue auditive. En cas de difficultés, l’appel à un ergonome du travail est alors d’un recours très précieux. Dans votre pratique d’ORL, abordez-vous la question du travail ? VL : En consultation tout venant, notamment devant une baisse de l’audition, on recherche s’il y a eu des expositions aux bruits intenses : boîte de nuits, concerts, casques audio et, bien-sûr le travail : mécanique, chaudronnerie, mines, etc. On recherche aussi les antécédents familiaux de surdité ou néonataux, tels que les otites. On évalue aussi la gêne sociale ressentie : difficultés de compréhension des conversations dans le calme, dans le bruit, gêne pour la télévision, les réunions… mais aussi la gêne dans le travail selon la profession. Le problème sera totalement différent pour un artisan qui travaille seul, et une secrétaire au téléphone dans un accueil bruyant. Il peut être conseillé au patient