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À Bruxelles, le chantier du bâtiment OXY met en pratique l’ "urban mining"

De la rénovation de l’iconique centre Monnaie au cœur de Bruxelles au bâtiment OXY multifonctionnel, on peut en apprendre beaucoup sur l’« urban mining ». Lors de cette rénovation à grande échelle, deux bureaux d’architectes ont été engagés (Binst Architects et DDS+), avec RotorDC, une coopérative bruxelloise qui organise le réemploi de matériaux de construction, et Cordeel comme entrepreneur principal. Cet article a été écrit dans le cadre du projet d'étude « Circulaire Sloopteams », géré par Embuild Vlaanderen.

Whitewood, le maître d’ouvrage, avait déjà appris d’un précédent projet à Bruxelles qu’une démolition complète ne recevrait jamais de permis d’environnement, en raison de la réglementation de la ville. Cette situation les a poussés à lancer une étude élar- gie sur les possibilités de réemploi du bâtiment existant. Comme l’explique LAURENT WITHOFS , Project Manager chez Whitewood. « C’est dans l’ADN de Whitewood d’être durable et innovant. Et l’urban mining en fait certainement partie . »

SuReal, un cabinet de conseil spécialisé dans les solutions de développement durable pour le secteur de la construction et de l'installation, a été impliqué dès la phase de concours. SuReal a influencé un certain nombre de décisions sur le projet, comme le choix du matériau pour la façade (cuivre avec peu d’empreinte carbone en raison de sa démontabilité), le maintien des structures en béton au maximum, et une extension horizontale en CLT (Cross Laminated Timber).

Étudier encore le potentiel du réemploi

Après la phase de concours, Rotor a encore étudié le potentiel de réemploi de tous les matériaux et éléments du bâtiment. OLIVIA NOËL, Project Manager chez Rotor, explique. « Une des leçons que nous pouvons tirer du projet, c’est qu’il est bien plus efficace d’arrêter de dépenser de l’énergie et du temps dans des éléments qui ne se trouvent pas dans le scope du nouveau projet. Surtout dans le cas des grands projets, l’étude au départ peut être mieux compartimentée selon plusieurs paramètres. »

Les matériaux contenant de l’amiante ou d’autres substances dangereuses n’étaient pas repris dans l’inventaire. Les matériaux à valeur matérielle limitée, mais de grande qualité esthétique ou de grande valeur architecturale, sont eux bien pris en compte. Lors de l’analyse du potentiel de réemploi, Rotor prend également en compte les frais de démontage et un pourcentage de perte.

Une carte postale du centre Monnaie.

Objectifs circulaires concrets

L’objectif circulaire concret est de maintenir environ un pourcentage de 89 % du bâtiment existant (pourcentage en poids, fondations comprises). En outre, l’ambition est d’utiliser des matériaux de construction issus du réemploi à hauteur de 4 à 6 %. De plus, des objectifs en matière de matériaux recyclés et biologiques ont été fixés.

Le travertin du revêtement des murs, les dalles en béton du toit, les granites des colonnes, les portes intérieures et les anciennes installations techniques seront réaffectées au sein du bâtiment. Des matériaux comme les planchers surélevés et les carrelages de terrasse proviennent d’autres projets. Le verre datant des années 1970 a été réutilisé pour collaborer avec AGC, un producteur qui réutilise des matériaux recyclés afin de les retransformer en verre à empreinte carbone moindre. La façade en aluminium n’a pas pu être rénovée car elle ne respecte plus les normes actuelles en matière de sécurité incendie, d’acoustique et d’isolation mais les éléments de la façade ont été réaffectés en tant qu’armatures pour l’éclairage.

Le rendu du projet OXY.

Expert en démolition sélective

« De Meuter, l’entrepreneur en démolition, a été impliqué dès le début du projet. C’est un must lorsque vous avez de telles ambitions en matière de récupération et de réemploi », assure JORDY WAUMAN , chef de projet principal chez Cordeel. « Les entrepreneurs en démolition peuvent très bien évaluer le potentiel de réemploi, car ils se situent à la source. »

« La démolition sélective et le démantèlement exigent un grand savoir-faire et beaucoup de temps – et donc un prix plus élevé – qu'une démolition habituelle. Actuellement, il s’agit encore d’un travail d’artisan. Peut-être pourrons-nous, à l’avenir, trouver des méthodes plus rapides et moins onéreuses pour cette étape. En outre, les phases de démantèlement, de gros-œuvre et de parachèvement se passent au même moment. Tout ceci apporte de la complexité à la coordination », assure Jordy Wauman.

La gestion des matériaux constitue un deuxième défi. Dans un tel projet en plein cœur de Bruxelles, il n’y a pas suffisamment d’espace pour stocker sur place la plupart des matériaux destinés au réemploi. Après accord du maître d’ouvrage, Cordeel a stocké les matériaux dans un autre endroit. « Ce n’était pas prévu dans le planning initial, mais cela nous a semblé nécessaire », explique le chef de projet principal chez Cordeel.

Le réemploi de matériaux du bâtiment.
Le marché circulaire est encore en plein développement, ce qui signifie qu'il n’est pas toujours possible de trouver à temps les bons matériaux de réemploi.

Disponible et approprié

La disponibilité des matériaux de réemploi peut également constituer un frein. Le marché circulaire est encore en plein développement, ce qui signifie qu'il n’est pas toujours possible de trouver à temps les bons matériaux de réemploi.

Un autre défi : les matériaux ne sont pas toujours appropriés. « En théorie, beaucoup de matériaux sont éligibles au réemploi, mais en pratique, c’est plus compliqué. En effet, il faut des certificats pour les matériaux qui doivent disposer d’une étanchéité et d’une sécurité incendie adéquate », explique Laurent Withofs. « Souvent, nous n’avons pas cette certification ou elle ne correspond plus à la réglementation en vigueur. »

LES DÉFIS CIRCULAIRES EN RÉSUMÉ

Le projet OXY a montré que la mise en œuvre de l’urban mining et de la démolition sélective apporte son lot de défis importants. Le réemploi peut ne pas apporter de plus-value à un projet. Il doit être pris en compte dès le début de celui-ci. L’intégration de matériaux réutilisés dans un projet exige, en effet, beaucoup de temps et d'études préparatoires. Il était également essentiel d'impliquer un expert en réemploi et en fabrication de matériaux dès la première conception et un entrepreneur spécialisé dans la démolition dès le début de la mise en œuvre.

Ensuite, les objectifs en matière de circularité doivent être suivis en continu. Dans le projet OXY, les réunions de circularité ont lieu tous les mois avec toutes les parties concernées, et Rotor, en tant que successeur spécialisé.

Souvent, il faut disposer d'un lieu en dehors du chantier, où les matériaux sont stockés temporairement et/ou traités avant d’arriver sur le chantier, ce qui coûte également beaucoup d’argent.

Puisque la disponibilité des matériaux de récupération n’est pas toujours garantie, il faut faire preuve de flexibilité et trouver suffisamment d’alternatives. Dans le projet OXY, la perte d’un lot de planchers surélevés ne nous a malheureusement pas permis d’atteindre les objectifs. Une plateforme numérique avec un système de réservation des matériaux de réemploi pourrait offrir une solution à ce problème.

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