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L’ambition politique au cœur de la troisième table ronde nationale Life Be FREE

La troisième table ronde nationale Life Be FREE s’est tenue à la Bibliothèque Royale à Bruxelles, le 17 mars dernier. Ce projet, dont fait partie Embuild, vise à promouvoir des solutions de financement pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments en Belgique. Le thème de ce colloque était « L’ambition politique ! ».

Lors de ce colloque, trois orateurs représentant chacun un niveau de pouvoir, ont présenté et expliqué les actions entreprises pour réussir cette indispensable transition énergétique à leur niveau respectif.

L’événement s’est tenu à la Bibliothèque Royale à Bruxelles.
Photos © : Life Be FREE

Kurt Vandenberghe

C’est tout d’abord Kurt Vandenberghe, directeur général de la DG CLIMA à la Commission européenne, qui a pris la parole pour faire le point au niveau européen. Il a expliqué qu’il était impératif de maintenir le cap pour atteindre les objectifs du Green Deal, à l’horizon 2050. C’est non seulement à l’agenda économique car l’UE a dépensé plus de 400 milliards € dans les énergies fossiles ces dernières années, mais aussi à l’agenda écologique quand on sait que l’Europe se réchauffe deux fois plus vite qu’ailleurs dans le monde, soit 3 % au lieu de 1,5 %.

L’UE a déjà diminué ses émissions de CO2 de 40 % par rapport 1999 et triplé sa production d’énergies renouvelables par rapport à 2019. Mais elle doit encore faire plus. « Et comme l’a dit Mario Draghi dans son rapport, ça passera par des investissements et de l’innovation. Car l’Europe a trop attendu et a trop peu investi dans son industrie et les nouvelles technologies. La transition est beaucoup trop lente, notamment par rapport à l’économie chinoise », a indiqué Kurt Vandenberghe. Le directeur de la DG Clima a ensuite mis en avant quatre points essentiels à l’agenda. Un, en avril, une première évaluation sera réalisée par rapport aux objectifs de réduction de 55 % des GES à l’horizon 2030. Si nécessaire, la législation sera simplifiée. Deux, la Commission va investir avec l’aide du secteur privé et va bientôt proposer un plan dans ce sens pour réduire de 90 % les émissions de GES à l’horizon 2040. Trois, il est essentiel de mener une politique industrielle de décarbonation et d’électrification. Et quatre, il faudra sortir des frontières du Vieux Continent et collaborer avec les autres régions du monde pour atteindre la neutralité climatique. « Cette transition doit être vue comme offrant des opportunités économiques et d’innovation. Le secteur de la construction peut notamment offrir des solutions qui passent par la circularité. En un an, il a déjà réduit ses GES de 5,6 %. »

D’ici la fin de l’année, l’UE va aussi se pencher sur un plan de rénovation, un passeport pour les bâtiments et des projets de rénovation par quartier. « Au niveau du financement, il existe beaucoup de moyens et de modèles pour rendre cela possible. 110 milliards sont à disposition. Il est urgent d’investir ! », a souligné Kurt Vandenberghe.

Les trois orateurs de la troisième table ronde nationale Life Be FREE (de g. à dr.) : Jan Schaerlaekens, Sébastien Pradella et Kurt Vandenberghe.
Photos © : Life Be FREE

Sébastien Pradella

C’est ensuite Sébastien Pradella, le directeur du Centre d’Etudes en Habitat Durable en Wallonie, qui a fait l’état des lieux des actions en Région wallonne. « Nous sommes tous convaincus de l’objectif : il faut rénover ! Nous entrons dans la phase de l’implémentation, comment le réaliser ? Cela fait plus de vingt ans qu’on y travaille et il reste du pain sur la planche. La question de la rénovation doit prendre en compte les interactions entre les trois filières du logement : le locatif social, le locatif privé et la propriété occupante », a-t-il indiqué.

Concernant le locatif social, le constat de départ était le suivant : sur environ 100.000 logements sociaux (80 % construits entre 1950 et 1990), environ 75.000 étaient non-rénovés (inférieurs au label B) et 33.000 des passoires énergétiques F ou G, parfois totalement insalubres. « Leur rénovation est en cours depuis 2004 et l’objectif est d’atteindre le label B minimum en 2030. Soyons clairs, on n’y arrivera pas ! Il faudra pourtant aussi tenir compte du Plan Air Climat Energie (PACE) l’horizon 2030 qui est très ambitieux et qui va peut-être se transformer en obligations de rénovation. »

Pour aider à atteindre l’objectif de 2030, un Plan de rénovation (2020-2024) dans le cadre du Plan de relance de la Wallonie a été lancé en 2020, avec un montant total d’1,2 milliard €. L’objectif initial était de rénover 25.000 logements sociaux (financement 75 % Région wallonne et 25 % par les sociétés de logement de service public). « Vu la lenteur des procédures administratives et la capacité du secteur économique qui a éprouvé beaucoup de difficultés à trouver des entreprises et de la main-d’œuvre, les objectifs ont été revus à la baisse avec 20.000 logements (financement 60 % RW et 40 % SLSP). 1 % des logements à rénover ont été réceptionnés fin 2023 et le délai de réalisation a été prolongé. Mais on peut tout de même s’attendre au déclassement de certains biens », a expliqué Sébastien Pradella. « Pour accélérer cette rénovation, je souligne l’importance du hors site pour l’enveloppe thermique, les solutions énergétiques et l’amélioration du bâti et confort de vie. »

Au niveau du locatif privé, le directeur du Centre d’Etudes en Habitat Durable a présenté quelques chiffres. « Depuis six ans, nous progressons, mais lentement », a-t-il précisé. On dénombre sur ce marché – 4 % de passoires énergétiques, + 7 % de bonnes performances. Les logements en-dessous d’une PEB B restent largement majoritaires. Qu’ont fait les propriétaires entre 2018 et 2024 ? – 12 % de chauffage mazout, + 7 % de ECS (eau chaude sanitaire) instantané, - 20 % sans double vitrage complet. « Au niveau de l’isolation, il y a peu d’amélioration. Mais le positif est que les locataires wallons sont de plus en plus pas et il faut se diriger vers des solutions mixtes avec des instruments qui améliorent les capacités des ménages, des acteurs de la construction, des acteurs financiers conscients de la PEB. »

Les instruments classiques (incitants, primes…) ne suffisent pas et il faut se diriger vers des solutions mixtes avec des instruments qui améliorent les capacités des ménages, des acteurs de la construction, des acteurs financiers….

Il a ensuite cité quelques projets de RENOBATEX.ID, un projet qui ambitionne de lever les freins et accélérer les rénovations de copropriétés, notamment LocaRéno à Charleroi et Rue Novation, à Namur.

Pour Embuild, notre collègue Anne-Laure Lejeune est impliquée dans le projet.
Photos © : Life Be FREE

Enfin, pour la propriété occupante, il a repris trois informations d’une étude de France Stratégie : en 2023, le prix moyen pour passer d’une PEB F à C est de 310 €/m² et F à B 510 €/m² ; 1/3 des investissements verts des ménages pour la transition (transports et logement) seraient rentables et seulement 5 % des rénovations privées sont rentables. La rénovation doit donc être vue à l’échelle sociétale et il faut accompagner les propriétaires, notamment avec les SIAR (Services Intégrés d’Accompagnement à la Rénovation) et la possibilité d’effectuer des trains de rénovation (exemple de Reno+ à Braine-l’Alleud).

Sébastien Pradella a conclu par ces mots. « Il y a une prise de conscience que la rénovation énergétique est bien plus complexe qu’imaginé, surtout dans les régions avec un héritage bâti important. Les instruments classiques (incitants, primes…) ne suffisent pas et il faut se diriger vers des solutions mixtes avec des instruments qui améliorent les capacités des ménages, des acteurs de la construction, des acteurs financiers… »

La politique flamande repose sur trois piliers : accompagnement, soutien financier et information.

Jan Schaerlaekens

En troisième et dernier orateur, Jan Schaerlaekens, le chef de cabinet adjoint de la ministre flamande du Climat et de l’Énergie Melissa Depraetere, a expliqué la politique énergétique en Flandre. Celle-ci rejoint l’ambition européenne de rendre tous les logements neutres en énergie d’ici 2050. « La politique flamande repose sur trois piliers : accompagnement, soutien financier et information. Cette approche doit veiller à ce que le plus de propriétaires possibles passent à l’étape de la rénovation », a-t-il indiqué.

« Mijn VerbouwBegeleiding » constitue ici un élément clé. « Ce programme offre un avis gratuit et indépendant sur les investissements appropriés, une aide dans la demande de primes et de prêts, ainsi qu’un soutien pour trouver des entrepreneurs. Un accompagnement spécifique aux propriétaires d’appartements, un groupe-cible souvent oublié, est disponible pour l’établissement d’un master plan de rénovation des parties communes », a expliqué Jan Scaerlaekens.

Avec « Mijn VerbouwPremie » et la « EPCLabelpremie », les rénovations sont soutenues financièrement. Ces primes indépendantes des revenus visent à rendre accessibles les rénovations à un large public. En outre, citons aussi « Mijn VerbouwLening », un prêt avantageux jusqu’à 60 000 €, également disponible pour les associations de copropriétaires.

« La politique met également l’accent sur la rénovation collective, dans les copropriétés et les quartiers. L’objectif est d’analyser les possibilités et les actions et installations communes. Les Maisons de l’Énergie jouent un rôle central pour informer les citoyens sur les différents aspects de la rénovation », a poursuivi le chef de cabinet adjoint de la ministre flamande du Climat et de l’Énergie Melissa Depraetere.

Outre les initiatives publiques, il a aussi souligné l’importance du secteur privé. Les crédits hypothécaires et les prêts commerciaux sont essentiels pour financer les rénovations. De plus, une obligation de rénovation est introduite : les nouveaux propriétaires doivent obtenir un label énergétique D dans les six ans qui suivent l’achat de leur logement.

« Avec cet ensemble de mesures étendu, la Flandre démontre son ambition de rendre durables ses logements et respecter les objectifs climatiques européens. En offrant un soutien à la fois pratique et financier, le gouvernement espère impliquer tous les propriétaires dans cette importante transition », a conclu Jan Schaerlaekens.

La quatrième table ronde nationale Life Be FREE aura lieu lors du dernier trimestre de l’année 2025. Le sujet doit encore être déterminé et nous vous tiendrons bien évidemment au courant via nos différents canaux.

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