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« Votre secteur est capital dans l’objectif de 80% de taux d’emploi à l’horizon 2030 »

Le 17 mars dernier, notre CEO Niko Demeester et la directrice générale d’Embuild Christine Lhoste ont rencontré Eléonore Simonet, la nouvelle ministre fédérale des Classes moyennes, des Indépendants et des PME. Embuild Magazine a profité de l’occasion pour interroger la plus jeune ministre de l’Histoire du gouvernement fédéral sur les préoccupations du secteur qui ressortent de ses compétences.

Madame la Ministre, commençons par une question générale, quelle est votre vision du monde de la construction ?

Il est composé essentiellement d’indépendants et de PME. Et quand on sait que la Belgique compte 1,167 million de PME, soit 99,4 % des employeurs privés, c’est un secteur que j’entends bien soutenir. Le gouvernement veut atteindre 80 % de taux d’emploi à l’horizon 2030. On n’y arrivera pas sans les PME et sans la construction. Nous attendons donc beaucoup de ce secteur, même si je suis consciente qu’il souffre d’une pénurie récurrente de main-d’œuvre.

Vous soulignez d’emblée un point qui inquiète particulièrement nos membres. Avez-vous déjà des pistes pour contrer cette pénurie ?

L’accord de gouvernement prévoit des flexi-jobs dans tous les secteurs, et donc aussi la construction. Les étudiants peuvent désormais travailler jusqu’à 650 heures et ce dès l’âge de 15 ans. Cela répond à une demande. Il y a également la limitation dans le temps des allocations de chômage, la différence de 500 € entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas et un focus sur la remise à l’emploi des malades de longue durée. Je ne dis pas que c’est la solution à tous vos problèmes, mais toutes ces mesures sont en faveur de votre secteur. L’objectif de ce gouvernement est clairement de valoriser le travail. Il veut créer 500.000 emplois. Vous êtes un partenaire majeur dans l’atteinte de ces objectifs.

Avant d’aborder les trois points importants de la rencontre du jour, évoquons un accord de gouvernement qui soutient les indépendants.

C’est positif ! Je suis moi-même indépendante et avocate de profession et soutenir les gens qui se lèvent tôt pour travailler, c’est mon dada. Il faut renforcer le climat entrepreneurial et je veux encore améliorer leur statut social. Je vais demander une étude sur la faisabilité de calculer les cotisations mensuellement et non plus trimestriellement. Je veux aussi qu’on arrête de trop sanctionner, via des majorations élevées, ceux qui paient leurs cotisations sociales en retard. Un indépendant qui paie ses cotisations une fois en retard n’est pas forcément un fraudeur. L’attention à la santé mentale est aussi capitale, car un entrepreneur qui va mal, c’est une entreprise qui va mal.

Trois priorités majeures ont été abordées lors de votre entretien avec les dirigeants d’Embuild. La première concerne une meilleure accessibilité des PME aux marchés publics avec toute une série de recommandations de la part de notre fédération professionnelle.

J’ai bien pris connaissance de vos attentes dans le cadre de l’actualisation de la charte d’accès de décembre 2023 : améliorer la qualité des cahiers des charges, privilégier le meilleur rapport qualité-prix, écarter les offres qui s’éloignent de la moyenne, introduire une liste de clauses abusives interdites, la division des marchés en lots… Il ressort de l’accord de gouvernement une volonté d’ouvrir les portes de ces marchés aux PME et de simplifier la législation dans la mesure du possible. Le principe du « only-once » qu’Embuild préconise va dans le sens de la simplification administrative. J’ai d’ailleurs l’intention de demander à chaque ministre fédéral de proposer un plan concernant cette simplification.

La deuxième concerne la lutte contre la fraude sociale, un thème où vous êtes cocompétente. Nous demandons notamment que le ConstruBadge soit une obligation dans la loi sur le bien-être, la suppression du check-out car les modalités du checkin ne fonctionnent pas et une meilleure cartographie des travailleurs indépendants détachés, l’INASTI étant incapable à l’heure actuelle de nous donner ces chiffres.

Pour le ConstruBadge, je vais me concerter à ce sujet avec mon prédécesseur David Clarinval qui s’occupe de l’Emploi dans ce gouvernement. J’entends le discours du secteur sur le check-in et out. Il faudra en rediscuter avec les partenaires sociaux et voir quelles modalités mettre en place à ce sujet. Concernant les travailleurs détachés, il faudrait sensibiliser l’Union européenne à la question d’instaurer une sorte de Banque Carrefour européenne des Entreprises.

Enfin, la troisième priorité abordée est la protection des consommateurs avec notamment une révision de la Loi Breyne, que nous ne voulons pas étendre aux projets casco et de rénovation, et une optimisation de l’interdiction professionnelle.

Il est prévu de moderniser la Loi Breyne, en concertation avec le secteur qui, je l’entends, demande un cadre juridique clair et praticable qui protège les consommateurs, sans créer de charges administratives inutiles pour les entreprises de construction. Vous me dites que les contrôles sur le terrain sont difficiles et que l’Inspection économique ne peut pas contrôler ou ne le fait pas assez. C’est une problématique qui relève de la compétence de mon collègue Rob Beenders, en charge de la Protection des consommateurs.

Quant à l’optimisation de l’interdiction professionnelle, spécifiquement liée à des faillites frauduleuses ou à de la mauvaise gestion, elle ne figure pas dans l’accord de gouvernement. Cette question, qui relève de la compétence de ma collègue en charge de la Justice, devra à mon sens être examinée avec une extrême nuance. En effet, lors des réformes du droit de la faillite précédentes, il était apparu que les faillites frauduleuses représentaient une très petite minorité des faillites, en tous les cas moins de 10 %. Et la légitime poursuite des faillis frauduleux ne devait pas porter atteinte disproportionnée au droit à la seconde chance de ceux qui ont trébuché en toute bonne foi. Ceci sachant surtout que les faillis qui recommencent une activité indépendante ont statistiquement beaucoup moins de chance de retomber en faillite que ceux qui lancent leur première entreprise, ce qui peut être bon pour notre économie en général et singulièrement pour sa résilience. Les personnes de bonne foi apprennent de leurs erreurs et ne les réitèrent jamais volontairement.

Merci pour toutes ces explications, Madame la Ministre. Un dernier mot pour conclure ?

J’ai bien pris note de vos demandes. Et au niveau des compétences transversales que vous avez évoquées, j’irai toquer chez mes collègues concernés. Je le répète, je suis à 100 % favorable aux entreprises et aux indépendants et je suis ravie de prendre des responsabilités pour les défendre. Je me réjouis de les rencontrer sur le terrain. L’accord de gouvernement est assez bien ficelé les concernant, et il faut désormais mettre la partition en musique. Votre secteur est capital dans l’objectif de 80 % de taux d’emploi à l’horizon 2030.

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