Mémoire - Du bureau au logement social

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Ema Bouvier-Lambert

LA RECONVERSION A TRAVERS L’EXEMPLE DE L’ILE DE FRANCE

Du bureau au logement social

NOTE : Ce mémoire est pensé pour être imprimé. En version numérique, il est recommandé de le lire en double page, c’est-à-dire avec deux pages en vis-à-vis, les illustrations venant en complément du texte.

En couverture : Redessin, interprétation du plan du 72-76 Quai des Carrières par l’agence Moatti-Rivière

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Du bureau au logement social

LA RECONVERSION A TRAVERS L’EXEMPLE DE L’ILE DE FRANCE

Ema Bouvier-Lambert ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE MONTPELLIER MEMOIRE DE FIN D’ÉTUDES - CYCLE MASTER SOUS LA DIRECTION D’ANDRÉS MARTINEZ NOVEMBRE 2021

Membres du jury ANDRÉS MARTINEZ, Architecte et urbaniste, docteur en architecture Maître de conférences en TPCAU à l’ENSAM FRÉDÉRIC SAINT CRICQ, Architecte, docteur en architecture MARJAN SANSEN, Architecte et ingénieur, doctorante en architecture ANNE SISTEL, Architecte et urbaniste, docteur en géographie

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Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont participé à l’élaboration de ce mémoire. Dans un premier temps, je souhaite remercier Andrés Martinez, architecte, enseignant et docteur en architecture, pour ses conseils avisés, ses échanges pertinents et son accompagnement au cours de ces trois semestres. Je remercie également les enseignants de l’école d’architecture de Montpellier pour m’avoir inculqué certaines valeurs et transmis un savoir précieux pour le futur. Enfin, j’aimerai remercier mes amis et ma famille qui m’ont été d’un grand soutien tout au long de ce travail et dont les nombreuses relectures m’ont permis de présenter ce mémoire.

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Sommaire

Remerciements Introduction Méthodologie

5 9 15

I. Les immeubles de bureaux, une ressource à considérer 1. « La reconquête du banal » 1. La ville palimpseste

2. Dates clés

3. Une nécessité environnementale

19 22 26

2. L’évolution de l’immeuble de bureaux 1. La naissance du secteur tertiaire (XIXe siècle)

2. La tertiarisation du monde du travail (début du XXe siècle)

3. La conception d’un nouveau modèle (Trente Glorieuses)

29 33 39

3. De la nécessité de rénover 1. De la vacance à l’obsolescence

2. Un mal-logement révélé par la crise sanitaire

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49 53

II. Du bureau au logement 1. L’enjeu administratif 1. Processus et acteurs

2. Territoires et typologies

3. Cadre réglementaire et politique

61 63 67

2. Loger dans le déjà-là : la contrainte technique 1. L’enjeu de la mise aux normes

2. De la trame du bureau à la trame du logement

3. La question de la distribution

71 75 79

3. Une architecture à domestiquer 1. Ouvertures et intimité

2. Du répétitif à l’individuel

3. L’importance de la matière

85 89 91

III. L’impact de la reconversion 1. Conserver et réinterpréter 1. Le respect des lieux

2. Des logements singuliers

97 99

2. Une ressource inexploitée ou inexploitable ?

1. Aspects réglementaires, politiques et territoriaux

2. Aspects techniques et architecturaux

3. Aspects économiques et financiers

102 103 105

3. Vers une conception évolutive 1. Le quartier à mixité fonctionnelle

2. Mutualisation des programmes

3. Construire réversible

109 111 113

Conclusion Bibliographie Table des figures Annexes

117 121 125 129 7-

Figure 1

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Introduction

Incontestablement, la planète subit aujourd’hui un changement climatique significatif et accéléré. Le dernier rapport du GIEC1, déposé le 9 août 2021 prouve enfin que 100% du réchauffement climatique est dû à l’influence des activités humaines. Ces dix dernières années ont ainsi été plus chaudes de 1,1°C en moyenne par rapport à l’année 1850. Les conséquences seront alors très nombreuses et généreront une augmentation des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes comme des vagues de chaleur, des fortes précipitations, des cyclones ou des périodes de sécheresses. Dans tous les scénarios imaginés, nous dépasserons le seuil de réchauffement mondial de +1,5°C dans un avenir très proche. Limiter le changement climatique induit donc des actions fortes, rapides et durables de réduction des gaz à effet de serre à une large échelle pour espérer endiguer le phénomène. Il devient donc plus qu’urgent de changer de paradigme, de revoir nos modes de vie, et nos manières de bâtir.

L’être humain n’a jamais autant construit qu’au XXe siècle, épuisant les ressources qu’offrait la planète. La société est aujourd’hui confrontée à la terrible réalité de l’étalement urbain, consommateur d’espaces naturels et d’énergies. « Bâtir est un acte violent qui alourdit chaque jour un peu plus notre paysage.

Une nappe construite s’étend peu à peu sur le monde. Il semblerait qu’en un siècle l’homme a plus construit que lors de tous les siècles précédents2 ». Mais cette création démesurée entraîne inévitablement la désertion des bâtiments jugés inutilisables, parfois simplement inintéressants, laissant derrière nous des millions de mètres carrés à l’abandon. « Jusqu’à présent seule la pandémie liée au Covid-19 aura été de nature à arrêter cette consommation effrénée. Si l’on revient à l’étymologie du mot, le patrimoine c’est bien ce qu’une génération transmet à la suivante, et aujourd’hui la logique de la table rase, qui a largement prévalu, au XXe siècle, n’est plus de mise3 ». L’heure n’est-elle pas venue de réutiliser les édifices existants avant d’en construire de nouveaux ? Si « la transformation architecturale est l’évolution naturelle de tout édifice4 », l’architecte devient alors l’auteur d’un nouveau scénario. Et s’il se plie à la nécessité environnementale, le métier devra observer une mutation dans sa manière de concevoir les espaces.

La plupart du temps, la reconversion a concerné des monuments historiques, au sens traditionnel du terme, dont la valeur est aussi peu discutée que la nouvelle fonction. Le patrimoine classé a donc souvent été transformé 1_ Le rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est la plus importante mise à jour sur l’état des connaissances scientifiques et de la compréhension physique du climat.

2_ Bernard DESMOULIN, architecte-conseil de l’état, membre de l’académie des Beaux-Arts.

3_ Philippe PROST, architecte, urbaniste et enseignant à l’ENSA Belleville.

4_ ROBERT, Philippe, DESMOULINS, Christine, « Transcriptions d’architectures, Architecture et patrimoine : quels enjeux pour demain ? », Paris, Adpf, 2005.

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Figure 2

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en témoin culturel, permettant une transformation minime et facilitée par un programme rentable. Néanmoins, la ressource bâtie se fait de plus en plus grande, laissant friches industrielles, anciennes bases militaires et immeubles obsolètes à l’abandon. « Ainsi, partout en territoire rural, nombre de hameaux multiséculaires et de demeures construites aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles sont en voie de lente désintégration, sans que la programmation de leur disparition ait été formellement actée. […] Plus proches de nous, les immeubles de bureaux construits à tout-va dans le dernier quart du XXe siècle et qui présentent des signes d’obsolescence précoce, constituent vraisemblablement le prochain berceau de la casse ordinaire5 ». La question de la reprogrammation demande alors de tourner le regard vers tous les espaces disponibles et de revoir nos exigences à la baisse pour laisser une chance à toute la diversité de notre patrimoine moderne.

Ressource récente et grandissante, les immeubles de bureaux constituent l’un des exemples les plus pertinents de la surproduction des bâtiments, leur rentabilité poussant les investisseurs à construire et reconstruire, sans envisager de futur proche. Comme nous le savons, la crise sanitaire a poussé de nombreux actifs à travailler de chez eux. Bien que le télétravail s’essouffle légèrement aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises réfléchissent à réduire leurs surfaces de travail voire à renouveler leur bail commercial. La triple obsolescence des immeubles de bureaux, environnementale, due à l’évolution des normes et au développement du télétravail, crée alors quelques millions de mètres carrés de surfaces vacantes, réparties dans les plus grandes villes. La capitale française se positionne comme l’un des premiers parcs tertiaires mondiaux après Tokyo et New-York et fait jeu égal avec l’agglomération londonienne. En France, la Métropole du Grand Paris devance donc très largement les autres métropoles régionales6 et constitue l’un des territoires les plus durement touchés par la vacance.

Heureusement, les cycles de reconversion dépassent depuis longtemps le rythme des monuments historiques. Les immeubles des années 1960 et 1970 subissent déjà des transformations sans que leur protection ait été prise en compte. De ce fait, pourrions-nous penser que ces opérations permettent de répondre aux manques profonds qui touchent nos villes ? « Pourrait-on considérer que l’ensemble des bâtiments inutilisés de notre monde représente, plutôt qu’une mégastructure, une forme de métastructure habitable ? Une métastructure au sens d’un ensemble de structures bâties de différentes natures, un ensemble de bâtiments hétérogènes, réunis au-delà de leurs différences par l’appartenance à une même « structure de ressources » en termes d’habitation humaine. Il y a peu de caractéristiques communes entre une halle industrielle en béton et acier aux portées exceptionnelles, un village de pierre dans la Haute-Marne, un bâtiment administratif néoclassique de centre-ville, un hôtel particulier du Faubourg SaintGermain, une barre de logements ordinaires dans une cité périphérique, une tour de bureau miroitante dans un quartier d’affaires, un ensemble de bâtiments hospitaliers hétérogènes, un campus universitaire enclavé, une parcelle en déshérence dans une zone d’activité suburbaine. Pourtant, le seul fait que, parvenu à l’état de « désaffecté », chacun de ces environnements construits constitue le cadre potentiel d’une transformation qui pourrait le rendre à nouveau 5_ CANAL Architecture, « Transformation des situations construites », Paris, juin 2020.

6_ Métropole du Grand Paris (45 millions de m² de bureaux), Paris (18), Lyon (6,6), Lille (4,7), Toulouse (4,5), Aix-Marseille (3,5), Bordeaux et Nantes (2,5).

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Figure 3

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susceptible d’usage – pour se loger, travailler, étudier, se détendre, stocker, vendre, soigner, se cultiver, etc. – conduit à l’identifier comme une « ressource habitable »7 ».

Ainsi, faire de la ville une « ressource habitable » demande, à minima, de répondre aux besoins fondamentaux de l’être humain : respirer, boire, manger, éliminer, se protéger du froid et de la chaleur, être en sécurité et dormir. Le logement a donc toujours été l’une des préoccupations principales de toute société. Toutefois, de nombreuses crises du logement ont touché le pays, empêchant certains d’en disposer. Suite à l’ère industrielle, au milieu du XXe siècle, la forte migration rurale et l’urbanisation accélérée demandent aux villes de proposer un grand nombre de logements pour accueillir une population grandissante. Rapidement, la demande dépasse l’offre et il devient nécessaire de construire en grand nombre, dans un temps très court et donc à bas coûts. La situation est critique et les communes voient apparaître de nouveaux bâtiments, souvent non réglementaires, parfois insalubres, dans les zones périphériques.

Les populations les plus défavorisées sont alors contraintes d’habiter ces nouveaux quartiers, seuls espaces qui leur sont accessibles.

Aujourd’hui encore, de nombreux immeubles sont loin de proposer un confort d’habiter et des espaces dignes. La crise sanitaire a révélé d’autant plus ces inégalités sociales qui touchent une grande partie de la population. Ainsi, la nécessité de renouer le lien entre l’humain et son habitat et de travailler avec une meilleure intégration de ces populations dans une ville inclusive et durable, s’impose.

Si l’on simplifie, le puzzle possède des pièces manquantes et dispose d’espaces vides pour les y ajouter et compléter le sujet. De manière évidente, il serait pertinent de réutiliser les ressources bâties disponibles sur le territoire pour combler les lacunes qui affectent notre société. Ce mémoire tente de trouver un fragment de réponse au double enjeu auquel nous faisons face, en questionnant le potentiel de reconversion d’un immeuble de bureau en logement social.

Dans un premier temps, ce mémoire tentera d’appréhender le sujet, de comprendre d’où vient cette volonté de transformation et de se saisir de ce qu’est réellement un immeuble de bureau. Dans un second temps, l’enjeu sera de comprendre par quels moyens administratifs, techniques et architecturaux, l’architecte parvient à opérer cette reconversion. Enfin, il s’agira d’établir les potentiels impacts de ces opérations, à travers la question de la conservation d’un patrimoine, de ses limites actuelles et de son caractère évolutif.

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Méthodologie

Pour pouvoir établir une réponse large et complète, la recherche s’appuiera sur une liste de sept études de cas dont les bâtiments datent d’époques bien différentes et dont les morphologies sont donc très diverses. Leur programme propose une grande majorité, si ce n’est la totalité, de logements à vocation sociale, étudiant ou non. Ainsi, le choix des projets a été aussi orienté par leur localisation, chacun offrant des logements dans Paris intra-muros ou en proche périphérie pour faire face à l’exclusion des populations les plus modestes et mettre en avant une nouvelle mixité sociale.

Ces études de cas permettront d’illustrer différentes manières d’adapter un bureau au logement et seront comparées selon plusieurs critères : leur système constructif, le travail des façades, les typologies proposées, les matériaux utilisés… Il a donc été nécessaire de trouver des cas de reconversion dont la documentation dans des ouvrages ou sur internet était suffisante pour en analyser leur conception. Certaines informations ont pu être complétées par une visite, d’autres ont laissé place à l’interprétation de certains détails, appuyés sur des photos ou sur le passé historique du bâtiment. En fin de document, vous retrouverez une fiche de projet pour chacune des études de cas détaillant informations globales, plans et photographies pour une meilleure appréhension de leur architecture.

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PARTIE I

Les immeubles de bureaux, une ressource à considérer

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PARTIE I.1.

« La reconquête du banal »

1. La ville palimpseste Palimpseste, nom masculin (du latin palimpsestus, du grec palimpsêston) Parchemin dont la première écriture, grattée ou lavée, a fait place à un nouveau texte8.

Par analogie, la ville-palimpseste, néologisme formulé par Olivier Mongin dans « La Condition urbaine » (2005), désigne la capacité d’une ville à se construire à travers le temps, par couches successives et sédimentation mémorielle9.

De tout temps, les villes ont considérablement renouvelé leur tissu urbain. Les guerres, les catastrophes naturelles ou l’évolution des populations ont engendré une nécessité de transformer et de reconstruire. Avant l’époque contemporaine, l’ancienneté ne conférait aucune valeur, seul le caractère artistique ou pratique donne à un objet ou une construction son importance au sein de la société. Les bijoux anciens sont alors retaillés, les meubles modifiés et l’architecture est adaptée aux besoins du moment. A l’époque, les bâtiments ne sont alors considérés que comme de simples enveloppes, comme une ressource de matériaux à réemployer. La ville s’est donc reconstruite sur elle-même au gré de l’évolution des sociétés.

En 1789, le peuple français conteste le pouvoir en place et proclame les libertés fondamentales et l’égalité des citoyens devant la loi. Marqué par de grandes violences, le vandalisme révolutionnaire n’épargne pas les monuments civils et religieux, ni les sculptures et tableaux. Le traumatisme culturel et artistique engendré impacte alors profondément la considération du peuple pour les œuvres du passé. La notion de patrimoine voit alors le jour sur la nécessité de préserver cette richesse.

En 1790, la Commission des Monuments devient la première institution chargée de la conservation du patrimoine. Elle change de nom en 1837 pour devenir la Commission des monuments historiques et donne des instructions sur la manière d’inventorier et de conserver les objets de la République pouvant servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement. Elle possède alors un triple rôle : décisionnel qui lui donne le rôle principal dans la gestion, opérationnel qui lui permet de répertorier les « monuments historiques » à conserver ou restaurer, et législatif qui lui permet d’empêcher et de punir les dégradations.

La Commission des monuments historiques publie une première liste de mo19 -

numents classés en 1840 et prend peu à peu de l’importance durant le XIXe siècle, au cours duquel elle s’enrichit de nouvelles catégories : vestiges et souvenirs de guerre (1920), fouilles et antiquités classiques (1933), abords des immeubles classés (1963) ou encore patrimoine mobilier industriel scientifique et technique (1985). « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire ; sa beauté à tout le monde. C'est donc dépasser son droit que le détruire10 ». Le XIXe et XXe siècle sont alors marqués par des pensées notables, toutes ayant pour objectif commun la préservation de notre héritage passé. Au début du XIXe siècle, d’innombrables édifices du Moyen-Age tombent en ruine. Viollet-le-Duc, architecte passionné par l’architecture médiévale, se donne alors pour mission de restaurer le patrimoine qui, jusqu’alors, n’intéresse que très peu. Il n’hésite alors pas à recréer des éléments issus de son interprétation personnelle et se permet une liberté qui sera, par la suite, souvent mise en cause. « Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer, ou le refaire, c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné11 ».

Adoptée lors du premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques en 1931, la première Charte d’Athènes rapporte une méthode détaillée et rigoureuse sur la restauration. Sept résolutions importantes sont alors présentées au Congrès d’Athènes, appelées « Carta del Restauro ». Les dégâts causés par la Première Guerre Mondiale laissent de nombreuses ruines et une volonté commune de préserver les traces du passé12. La Charte d’Athènes a ainsi contribué au développement d’un vaste mouvement international pour la conservation et la restauration des biens culturels.

Encore une fois marquées par de longues années de Guerre et de destructions, les urgences de reconstruction du pays se fondent sur le principe de la Tabula rasa au cours duquel de nombreux édifices seront détruits. Des mouvements de contestation permettront de soulever de nouvelles interrogations quant au poids mémoriel de toutes les architectures. En 1964, le deuxième Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques juge alors important de « réexaminer les principes de la Charte afin de les approfondir et d'en élargir la portée dans un nouveau document13 ».

La Charte de Venise prend ainsi en considération de nouvelles architectures, plus communes et dont la valeur n’est pas seulement esthétique ni renommée. « Elle s’étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle14 ».

Peu à peu, la notion de patrimoine se nuance et s’intéresse à un plus grand nombre de bâtiments. « L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, 10_ HUGO, Victor, « Guerre aux démolisseurs », 1832.

11_ VIOLLET-LE-DUC, Eugène, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIème au XVIème siècle, 1854.

12_ ICOMOS, « La Charte d’Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques – 1931 », 24 janvier 2012.

13_ ICOMOS, « Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (Charte de Venise 1964) ».

14_ Ibid.

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et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité15 ».

Mais il ne s’agit pas assurément de vouloir conserver à tout prix, car transformer les édifices, c’est aussi refuser d’effacer les mémoires qu’ils renferment. Dès lors que la destruction n’est plus envisagée, le bâtiment s’inscrit dans un nouveau cycle d’utilisation. Ainsi, la transformation interroge le construit et modifie le regard que l’on porte sur notre patrimoine. La « régénération des capacités du patrimoine urbain16 » se développe alors comme un ensemble d’actions issues de divers champs d’activité professionnelle et présuppose la récupération, la conservation, la réhabilitation, la reconversion ou encore la rénovation.

Figure 4 Interventions possibles sur un bâtiment existant hypothétique

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2. Dates clés 1909 Construction de l’immeuble de bureaux pour le Ministère des Postes et Télégraphes au 93 boulevard du Montparnasse par l’architecte Marcel Lemarié

1840 Le boom ferroviaire entraine une révolution industrielle qui fait basculer une société agricole et artisanale vers une société commerciale et industrielle

1887 Construction de l’immeuble de logements au 42 rue du Louvre

Modernisation de Paris lors du Second Empire, le baron Haussmann entreprend une série de travaux de percements et de construction de nouveaux bâtiments

1853

Construction de l’immeuble de bureaux pour la DRASS au 66 rue Mouzaïa par les architectes Pierre Sardou et Maurice Chatelan

1924

1870

Construction de l’immeuble industriel pour la Laiterie Maggie au 19 Boulevard Ornano, Paris

1907 - 22

1948 Vote de la Loi de 1948 ayant pour but de stimuler l’investissement par une hausse de l’indice des loyers et des prix des logements

1964

Lancement de la construction de grands ensembles par l’Etat pour répondre rapidement à la demande de logements à la suite des destructions massives de la Seconde Guerre Mondiale

Elaboration de la Charte de Venise

1962 Vote de la Loi Malraux instituant les secteurs sauvegardés, étend aux secteurs urbains la notion de patrimoine

Construction de l’essentiel du parc social HLM

Fin de la Seconde Guerre Mondiale

1953

1945

Essor de la construction de l’immeuble de bureau destiné au travail administratif au détriment des bâtiments industriels

1950

1960

Première reconversion d’un bâtiment de 1907 de la California Fruit Canners Association en ensemble mixte de commerces, restaurants et hôtels dans la baie de San Francisco

1963

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1968

1974

Construction de l’immeuble de bureaux pour le déménagement de la DRASS au 58 rue Mouzaïa par les architectes André Remondet et Claude Parent

Construction de l’immeuble de bureaux au 78-80 rue Lecourbe par l’architecte Antony Lucien Bechu

Crise immobilière, augmentation de la vacance du parc tertiaire

1975

1972 Adoption par la conférence générale de l’Unesco de la Convention du patrimoine mondial, associant protection de la nature et préservation des biens culturels Première reconversion en France de l’usine de filature de lin Le Blan datant 1900 en logements sociaux dans le quartier de Moulins à Lille par les architectes Reichen et Robert

Construction de l’essentiel du parc social HLM

Construction de l’immeuble de bureaux BNP Paribas au 72-76 quai des Carrières, Charenton-le-Pont

Création du Congrès international pour la Sauvegarde du Patrimoine Industriel à Ironbridge, en Grande-Bretagne

1973

Construction de l’immeuble de bureaux du 52-56 avenue Lénine

1970 - 24

Le congrès d’Amsterdam approuve la Charte européenne du patrimoine architectural et publie une série de recommandations parmi lesquelles "[…] la conservation des bâtiments existants contribue à l’économie des ressources et à la lutte contre le gaspillage […]"

1985

2020

La Convention de Grenade pour la sauvegarde du patrimoine architectural souligne la nécessité d’ajouter aux critères de références jusqu’alors connus (intérêt historique, archéologique, artistique, scientifique) ceux de l’intérêt social et technique.

Reconversion de l’immeuble de bureaux du 58-66 rue Mouzaïa en 168 logements étudiants et jeunes travailleurs par les architectes CANAL architecture

2010 Reconversion de l’immeuble de bureaux du 52-56 avenue Lénine en 107 logements étudiants par les architectes TVK Loi Grenelle II "portant sur l’engagement national pour l’environnement"

2015 Reconversion de l’immeuble boulevard du Montparnasse en 107 logements sociaux par l’atelier Tabet architecture et urbanisme

1996 Interdiction de l’usage de l’amiante par le décret no96-1133 du 24 décembre.

La France est le 8e pays européen à l’interdire.

Jean-Nouvel écrit la tribune « Boulogne assassine Billancourt » à la une du Monde le 6 mars dans laquelle il accuse la destruction programmée des bâtiments de l’usine Renault sur l’île Seguin qu’il nomme un « assassinat urbain »

1999

Crise immobilière, augmentation de la vacance du tertiaire

1991

Reconversion de l’immeuble Ornano en 85 logements sociaux, une crèche et des commerces par les architectes NOMAA

Reconversion de l’immeuble de bureaux du 42 rue du Louvre en 46 logements sociaux par les architectes Patrick de Jean et Jérôme Marin

Reconversion de l’immeuble de bureaux du quai des Carrières en 90 logements sociaux par les architectes Moatti et Rivière

2016

Reconversion de l’immeuble de bureaux du 78-80 rue Lecourbe en 104 logements étudiants par AAAB architectes

2014 25 -

3. Une nécessité environnementale A l’époque préindustrielle, les transformations ont longtemps été considérées comme une nécessité économique et une évidence culturelle.

En effet, l’offre limitée des matériaux et les coûts liés à la démolition ont mené les sociétés à recycler l’existant. Ces reconversions ne sont aujourd’hui plus seulement question de conservation des monuments, mais deviennent des enjeux économiques et écologiques de premier plan. La ville construite devient alors une réserve infinie et continue de matériaux et d’énergies.

Mais le contexte de transition environnemental connu depuis déjà quelques dizaines d’années s’avère de plus en plus critique. Le rapport du GIEC sur le climat est sans précédent : dans tous les scénarios envisagés, la température mondiale devrait atteindre +1.5° autour de 2030, soit dix ans plus tôt que prévu. Autres conséquences : la montée des mers due à une fonte des glaces irréversible, la saturation des puits de carbone liée aux émissions de CO2 ou encore des événements météorologiques extrêmes. Aujourd’hui, notre impact environnemental est plus que jamais une priorité. L’épuisement des matières premières, l’aggravement de la pollution et l’explosion démographique imposent alors de revoir nos modes de vies et nos manières de construire.

La croissance des villes depuis plus de soixante-dix ans entraînent un étalement urbain consommateur d’espaces vierges. Depuis 1960, la surface urbanisée a augmenté quatre fois plus vite que la population17. S’ajoutant à la mise en péril de la faune préservée et de la perméabilisation des sols poreux, construire en périphérie engendre une consommation d’énergie bien plus importante que construire dans l’existant. En effet, cela nécessite une mise en réseau depuis l’espace déjà urbanisé, et notamment un raccordement en transports. Aussi, l’extension urbaine entraîne un large stock de bâtiments sans usage avec un potentiel de transformation. Si l’on regarde nos voisins allemands, 600 000 logements ont été construits depuis 1990 alors que 400 000 (soit 15.8% de l’existant) étaient déjà vides18. On peut alors se demander s’il n’est pas temps de transformer la ressource bâtie existante plutôt que de surconsommer des terres pour construire de nouveaux bâtiments.

Les transformations permettent donc de manière évidente de réutiliser une enveloppe bâtie et donc de consommer moins de matériaux et d’énergie et de réduire la pollution due aux transports. En effet, la reconversion réutilise le gros-œuvre du bâtiment ainsi que ses fondations, responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, d’après le préfet de la région Île-de-France, les transformations permettraient de minorer l’impact environnemental d’environ 345 kg de CO2/m² rejetés dans l’atmosphère par rapport à une construction neuve.

Néanmoins, les performances d’un bâtiment réhabilité sont souvent moins bonnes que celles d’un bâtiment neuf. « Quand une performance énergétique attendue peut être de l’ordre de 100 kWh/m².an pour un bâtiment tertiaire réhabilité, il est de l’ordre de 50 kWh/m².an pour un bâtiment tertiaire neuf », soit la moitié. Ainsi si l’on additionne les émissions émises lors de la phase de construction ainsi qu’au cours de sa durée de vie (fixée à cinquante ans en moyenne), on peut comprendre qu’un bâtiment réhabilité émet moins de gaz à effet de serre qu’un bâtiment neuf au cours des trente premières - 26

années mais que l’écart se réduit au fil du temps pour finir, au bout de cinquante ans, à l’avantage du neuf19. Toutefois, l’impact environnemental des travaux ne peut se réduire à de simples émissions de gaz à effet de serre.

De nombreux autres paramètres ne sont pas pris en compte dans ces calculs et notamment la pollution de l’air, l’appauvrissement des ressources ou la création de déchets.

Ainsi, aujourd’hui, le réemploi s’applique dans différents domaines, notamment celui de l’architecture, et rompt avec des décennies de gaspillage. Le recyclage apparaît comme une alternative aux années de surconsommation.

De nombreux accords sont alors signés quant à l’avenir du paysage environnemental mondial, européen et français. Ainsi, la COP21 réunit les États engagés depuis 1992 et propose de mener des efforts encore plus poussés pour limiter l’augmentation des températures20. Depuis 1997, le protocole de Kyoto vise, lui, à réduire les émissions de six gaz à effet de serre (notamment le CO2) et s’intéresse donc de près aux conceptions énergivores et aux surconsommations thermiques des anciens bâtiments21. Finalement, les Accords de Paris sur le climat promettent de couvrir l’atténuation, l’adaptation et le financement du changement climatique22.

Depuis moins de dix ans, la tendance est à la croissance intra-urbaine, à « l’art de compléter la ville23 ». Il devient nécessaire d’intensifier les zones urbanisées en s’intéressant à des espaces déjà desservis et proches des centres. Toutes les surfaces abandonnées, les dents creuses ou les friches industrielles sont prétextes à la transformation et dépassent les besoins en terrains constructibles pour des décennies. « La ville est perçue comme une base durable et adaptable qui se forme et se transforme sur elle-même, où l’on place et l’on remplace le bâti24 ». Ainsi, pour l’architecte Marc Barani, « le patrimoine, c’est ce qui est disponible ».

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Figure 5 « Moeurs administratives », gravure, Henry Monnier, XIXe siècle

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PARTIE I.2.

L’évolution de l’immeuble de bureaux 1. La naissance du secteur tertiaire (XIXe siècle) A travers les siècles, le bureau a su s’adapter aux évolutions de la société et de ses usages. Sa typologie a donc beaucoup évolué et donne aujourd’hui à voir une grande diversité dans sa morphologie.

Dès le XVIIIe siècle à Paris, les rois de France commencent à racheter des hôtels particuliers, domiciles aristocratiques de la rive droite, qu’ils demandent à transformer en « hôtels de fonction ». Ils accueilleront alors les hôtels des Comptes, ceux des Tabacs, des Postes ou encore de la Monnaie qui deviendront plus tard les Ministères25, les nouveaux lieux de l’administration. Les espaces de travail sont alors mêlés aux espaces domestiques et l’installation se fait entre les cloisonnements existants, « les chambres deviennent « bureaux », les salles « comptoirs » et les galeries « salles d’assemblée »26 ».

De 1853 à 1870, Paris connaît une grande modernisation sous l’impulsion de Napoléon III au cours du Second Empire. Avec le préfet de la Seine et le baron Haussmann, ils entreprennent une série de travaux et transforment la capitale. Les percements et rues récemment crées vont nécessiter la construction de nouveaux bâtiments27. Henri Blondel va alors bâtir de nombreux immeubles le long de ces voies, notamment sur le boulevard Saint-Michel, sur le boulevard Saint-Germain ou encore le long de la rue du Louvre. Le percement de cette rue est alors prévu en trois étapes, entre 1887 et 1906 et c’est au cours de la première année que l’immeuble du 42 rue du Louvre est bâti28.

A cette époque, le rez-de-chaussée, plutôt haut de plafond est occupé par des commerces et les étages supérieurs par des habitations. Le deuxième étage, le plus « noble » possède un balcon filant, repris au quatrième étage pour un soucis d’équilibre et de cohérence de la façade. Le sixième et dernier étage permet d’accueillir les chambres de service sous les combles. Sur ce type d’immeuble, la gradation esthétique est liée à la gradation sociale. C’est pourquoi plus l’on monte en étage, plus les décorations sont sobres et les hauteurs de plafonds moins importantes. Par la suite, des bureaux se sont installés sur les étages à l’exception des chambres de service du sixième niveau. Les bureaux ont ainsi pris place dans la trame structurelle existante de logements.

Cette organisation hiérarchisée des espaces s’estompera petit à petit pour une distribution uniforme, systématisée par Claude Nicolas-Ledoux.

En 1783, l’architecte propose un projet d’hôtel de la Ferme et la Caisse 29 -

Figure 6 Façade Boulevard et salle des titres du siège central du crédit Lyonnais, Paris, 1878

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d’escompte rue de Grenelle dans lequel il travaillera avec un plan en croix centralisé autour duquel s’organiseront des pièces de taille standardisées29.

Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que des bâtiments spécifiques à la fonction administrative voient le jour notamment pour l’administration publique avec la construction du Ministère des affaires étrangères sur le quai d’Orsay par l’architecte Jacques Lacornée30. Malgré l’uniformisation des tâches administratives, les plans intérieurs demeurent similaires à l’organisation conventionnelle de l’architecture aristocratique en conservant l’installation de cabinets, d’antichambres et de salons.

La dissociation de la sphère privée et du monde des affaires s’opère au cours de la seconde moitié du XIXe siècle où les bureaux prennent place dans d’autres appartements, détournés de leur fonction première. Le secteur tertiaire n’existe que très peu, seules les compagnies de chemin de fer et les banques de dépôt possèdent des bâtiments spécifiques31. Ces dernières s’installent sur les grands boulevards : le Crédit Lyonnais sur le boulevard des Italiens en 1878 par Victor Ladoux ou le Comptoir d’escompte par EdouardJules Corroyer, rue Bergère en 188232. Leur structure métallique est dissimulée derrière une façade en pierre, ce qui ne les distingue donc pas des autres immeubles haussmanniens.

Cette technique sera alors utilisée pendant de nombreuses années pour ne pas dénaturer le paysage parisien. Le « façadisme33 » permettra alors à Jacques Hermant de conserver les façades de luxueux immeubles interdits de démolition sur un îlot situé derrière l’Opéra, tout en y intégrant de nouveaux usages inspirés des techniques américaines telles qu’une salle des coffres, grâce à une structure en métal et en béton34. Bien que les innovations américaines et allemandes influencent de plus en plus la conception des bâtiments tertiaires en France, l’espace intérieur des bureaux des Ministères et des banques reste néanmoins organisé selon des espaces majeurs, des espaces mineurs et des salles à coupole qui reflètent l’art du Plan à la Française enseigné à l’École des Beaux-Arts35.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le boulevard du Montparnasse est peu construit et assez désert. C’est en 1907 que la construction du bâtiment au n°93 de la même rue commence à l’initiative et aux frais de M. René Léon Cahen. Les plans sont imposés par l’administration des postes et des télégraphes et sont confiés à l’architecte Marcel Lemarié. Le bâtiment est donc, dès le départ, destiné à un usage administratif et sera utilisé pendant trente ans par la même institution.

En 1938, le bâtiment est déclaré d’utilité publique pour le service militaire par décret du président de la république. Quelques mois après la déclaration de guerre, l’armée allemande occupe le bâtiment de juin 1940 29_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, « De l’immeuble de bureau aux lieux du travail : 40 ans de transformation », in Génie des lieux, éditions le Moniteur, 2018.

30_ NIVET, Soline, Op. Cit. 31_ MARREY, Bernard, « Banques et bureaux », dans Le Fer à Paris. Architectures, Paris, Pavillon de l’Arsenal, Picard, 1989, p. 64-65.

32_ NIVET, Soline, Op. Cit. 33_ Ce terme se généralisera dans les années 1990 pour décrire les opérations consistant à conserver les façades tout en vidant l’intérieur d’immeubles de logements transformés en immeubles de bureaux.

34_ NIVET, Soline, Op. Cit. 35_ Ibid.

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Figure 7 L’un des premiers gratte-ciel construits, Garanty Building, Dankmar Adler et Louis Sullivan, New-York, 1895

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à août 1944. Dès 1946, le siège du secrétariat général de l’aviation civile et commerciale reprendra sa place au sein du 93 boulevard du Montparnasse pendant quarente-sept ans. Il cédera finalement sa place au Conseil médical de l’aéronautique civile jusqu’en décembre 2009 avant d’être finalement inoccupé. Sur sa façade, une inscription, toujours conservée, indique « sous-secrétariat d’État des Postes et Télégraphes – Direction de la Seine »36.

Le bâtiment possède donc beaucoup de similitudes avec l’haussmannien. Il est organisé autour d’une cour centrale et distribué par un grand escalier puis par une coursive intérieure. Les ouvertures en façades restent calquées sur un style très domestique qui ne le distingue encore que peu de l’immeuble de logements de l’époque.

2. La tertiarisation du monde du travail (début du XXe siècle) Cette évolution est bien différente Outre-Atlantique où l’invention de l’ascenseur et la déréglementation des hauteurs conduisent à l’émergence d’un nouveau type immobilier : la tour de bureau. Malgré cette nouveauté, Louis Sullivan le définit simplement comme un « type parmi tous les autres types d’édifice » avec « un nombre indéfini d’étages « courants », superposés les uns aux autres, identiques les uns aux autres37 ». Les immeubles de Chicago, New-York ou Detroit suivent alors un plan en rectangles divisés par une trame régulière de poteaux métalliques, définissant de manière évidente le « Form ever follows function38 » de Sullivan, devenu slogan du fonctionnalisme moderne.

Au début du siècle, le théoricien Julien Guadet enseigne à ses étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts la « nécessité des architectures de bureaux39 » dans lequel le plan à la française est associé à la théorie de l’étage courant de Sullivan. En 1935, près de la Gare Saint-Lazare, rue de Vienne, la Compagnie parisienne d’électricité fait de son siège un prototype d’immeuble tertiaire dont la trame et l’utilisation de cloisons mobiles permettent de former des pièces de différentes dimensions accueillant un, deux ou trois bureaux40. Mais le pays se positionne encore pendant quelques années entre rationalisation du plan et tradition architecturale.

Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, deux millions de personnes sont employées pour des tâches d’enregistrement, de comptage et de classification41. La demande d’équipements de sièges sociaux des entreprises et de départements administratifs des usines et commerces explose.

Elle entraîne avec elle une production intensive de mobilier solide et bon marché, dont la forme simple et la résistance des matériaux accompagnera la 36_ COULON-SIGWALT, Ed., « Le 93 Boulevard du Montparnasse, ses alentours : Jadis et naguère », Archives de la Bibliothèque STBA, juillet 1979.

37_ SULLIVAN, Louis, « Form follows Function. De la tour de bureaux artistiquement considérée [1896] », Paris, éditions B2, 2011.

38_ Ibid.

39_ NIVET, Soline, Op. Cit. 40_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit. 41_ Ibid.

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Figure 8 « Two hundred women working at desks », 1950

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mécanisation des tâches administratives.

Les premiers immeubles de bureaux apparaissent alors en France durant l’entre-deux-guerres calqués sur les modèles américains. En 1932, l’Architecture d’Aujourd’hui évoque une « révolution opérée dans la technique des bureaux » et explique que « les bureaux modernes sont à ce point différents des anciens par leur forme, leur agglomération et leur superposition que l’on peut se demander si une telle transformation ne doit pas amener la disparition totale des bâtiments qui n’ont pas été construits spécialement pour cet usage42 ». Les revues diffusent des images des buildings de manière régulière et donnent une impression de mutation complète du programme bien que de nombreux bureaux continuent de se développer dans des immeubles haussmanniens ou post-haussmanniens43.

Par opposition aux anciennes pièces sombres, encombrées de meubles et de décorations domestiques, L’Architecture d’Aujourd’hui vente les vertus fonctionnelles du nouvel immeuble de bureaux. « Dans un immeuble spécial pourvu d’un grand vestibule, d’un escalier spacieux et de plusieurs ascenseurs, les bureaux sont disposés régulièrement le long de grandes galeries ; à côté sont les pièces de service, comprenant un office pour les garçons, des toilettes et des W.-C. Les bureaux sont uniformes, d’environ quatre mètres sur six, éclairés d’une manière intense par un vaste vitrage et par l’électricité, chauffés au calorifère, peints, lisses, nets et propres. Les portes en bois vernis, les sols en aggloméré ou en linoléum, tout y est combiné pour la commodité et pour l’hygiène44 ». Les innovations y sont donc nombreuses et les immeubles de l’ouest parisien commencent à les adopter.

L’immeuble d’Henri Sauvage, rue des Mathurins, construit en 1921 et celui de Louis Faure-Dujarric, rue d’Asorg construit en 192945 suivent ces règles modernes précises. Les bureaux de type quatre mètres sur six mètres sont installés successivement sur les étages courants répétés les uns sur les autres, enveloppés de baies « de deux mètres sur deux [avec] une allège assez haute, d’un mètre environ, et placées à environ quinze centimètres du plafond46 ». Au cours de ces années se développent alors une série d’immeubles, tous styles confondus, classique, industriel ou art déco, dans la lignée des buildings américains, tout en étant soumis aux réglementations de hauteurs de 1902.

L’urbanisation de l’ancien faubourg au nord de la colline de Belleville commence dans les années 1830. Après l’arrêt de l’exploitation des carrières souterraines près du Boulevard Sérurier, la rue Mouzaïa est créée en 1899 ainsi que le lotissement éponyme. En 1924, Hugo Drossner, industriel allemand, propriétaire de la société « machines à coudre Anthos » fait construire au n°66 une fabrique et confie la conception aux architectes Sardou & Chatelan.

Le bâtiment de cinq niveaux est conçu en béton portant de façade en façade, permettant de libérer chaque plateau. La façade sur rue prend la forme d’une courbe et est hiérarchisée selon trois niveaux : le socle, le corps 42_ L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 3, avril 1932.

43_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit. 44_ L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 3, avril 1932.

45_ NIVET, Soline, Op. Cit. 46_ L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 3, avril 1932.

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Figure 9 Immeuble de bureaux par l’architecte Louis Faure-Dujarric, 25-27 rue dAstorg, 75008 Paris, 1929

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principal et l’attique. L’activité de la société est stable jusque dans les années 1950, mais s’en suit une baisse importante qui entraînera sa disparition en 1959. Il sera finalement racheté par le ministère du Travail dont les nombreux projets évoqués entre 1959 et 1973 ne seront jamais réalisés47.

La fin de la Seconde Guerre Mondiale entraîne un recrutement massif dans les Postes et Télécommunications, les banques et les administrations.

Les secrétaires sont parfois regroupées jusqu’à 40 personnes au sein d’un même espace, avec chacun sa table complétée d’une machine à écrire ou à calculer48. L’objectif tend vers une productivité de masse et une rationalisation de l’activité humaine inspirées de la logique militaire et industrielle pour répondre aux nouveaux enjeux de la reconstruction du pays.

La hiérarchie au sein d’un même étage où le bureau était subdivisé entre l’espace pour le patron et celui de la secrétaire, tend à disparaître pour s’opérer verticalement. Au fil du temps, la direction prend place sur les derniers niveaux des bâtiments, à proximité directe des terrasses, et les secrétaires et dactylos s’installent au rez-de-chaussée. La position hiérarchique des employés, cadres et dirigeants se traduit ainsi par leur répartition dans l’immeuble mais aussi par la surface qui leur est concédée. Le concept de « cellule minimum », inspirée de celle du logement, varie donc selon le rang et les responsabilités49.

L’argument de l’économie est évoqué, « toutes les dispositions constructives doivent permettre la souplesse d’adaptation pour ne jamais perdre de place. [...] Cette compacité maximum doit se maintenir dans le temps malgré l’évolution de l’organigramme qui dicte la distribution. Le plan tramé est donc inévitable et sa conception n’est pas une nouveauté : elle était déjà proposée par Guadet à Paris ou par Sullivan à Chicago dès 188050 ». L’enjeu est donc de bannir le superflu et de proposer des espaces compacts et capables de s’adapter aux évolutions du programme. L’architecture se standardise, les plans types se répètent et les façades de « style international » recouvrent ces nouveaux bâtiments en piochant dans les catalogues de panneaux et de menuiseries. L’utilisation du béton domine le marché et les États-Unis influencent l’utilisation de structures métalliques et de murs rideaux51. La façade se neutralise ainsi selon une grille modulaire qui se généralisera les années suivantes. Toutes les innovations tendent alors vers une liberté absolue du cloisonnement intérieur.

3. La conception d’un nouveau modèle (Trente Glorieuses) Alors que les réalisations d’avant-guerre se sont installées dans Paris intra-muros, les programmes des années 1950 s’inscrivent de plus en plus 47_ CANAL Architecture, « Dossier de présentation : Transformation de bureaux en logements, 58-66 rue de Mouzaïa ».

48_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit. 49_ NIVET, Soline, Op. Cit. 50_ COULON, René-A., GENES, S. Et Paul, « L’architecture des ensembles administratifs », L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 82, février-mars 1959.

51_ NIVET, Soline, Op. Cit.

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Figure 10 Localisation des centres d’affaires en Ile-de-France, 2015

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dans les périphéries et banlieues à l’ouest et au sud de Paris comme à Neuilly, Clamart, Orly ou Fontenay-aux-Roses52. Aussi, le Plan d’Urbanisme Directeur de 196153 aura un impact sur les remembrements parcellaires et le déplafonnement des hauteurs qui permettra aux bâtiments de se déployer sur de grandes surfaces et de manière isolée du tracé existant.

En forme de plots ou de barres, les immeubles de bureaux se développent alors sur des socles, abritent des centres commerciaux pour les plus hautes comme la tour Maine-Montparnasse54 et se regroupent en quartiers d’affaires pour « libérer Paris de sa sclérose55 ». En effet, après leur voyage aux États-Unis, les architectes commencent à assimiler la perception de la silhouette globale des bâtiments à la puissance de la ville. « De ces bureaux de travail nous viendrait donc le sentiment de vigies dominant un monde en ordre. En fait, ces gratte-ciel recèlent le cerveau de la Ville, le cerveau de tout le pays. Ils représentent le travail d’élaboration et de commandement sur lequel se règle l’activité générale. Tout s’y concentre : des appareils y abolissent le temps et l’espace, téléphones, câbles, radios ; les banques, les opérations commerciales, les organes de décision des usines : finance, technique, commerce56 ». Les immeubles grandissent alors en imitant les gratte-ciels américains et se réunissent pour former ces nouveaux territoires du travail.

La période d’après-guerre, caractérisée par une forte croissance des activités tertiaires, entraîne aussi une double dynamique de rationalisation des surfaces de travail et de l’immeuble lui-même. Le bureau individuel se transforme peu à peu en open-space, l’objectif est de consommer moins d’espace et de s’adapter à la libre circulation des informations. Cette évolution a alors un impact considérable sur l’ensemble de la structure de l’immeuble. Les bâtiments s’agrandissent et laissent place à une grande flexibilité d’aménagement par la création de plateaux libres que l’haussmannien n’est plus capable d’offrir. Le bâtiment évolue ainsi pour atteindre les dimensions moyennes que nous connaissons aujourd’hui : une trame de 135 cm, une épaisseur de 11,5 à 18 m et une hauteur sous-plafond de 2,50 m57. « Structures hiérarchiques moins pyramidales, décentralisation des services, méritocratie et direction par objectifs plutôt que par rentabilité immédiate caractérisent ce management qui entend valoriser les relations humaines. L’entreprise est considérée comme un workflow : un système de communication dont il s’agit d’optimiser la fluidité58 ».

La première tour de la Défense, la tour Initiale, sera confiée à Jean de Mailly et Jacques Depussé, accompagnés de l’ingénieur Jean Prouvé en 1966. Son noyau central en béton qui intègre les circulations verticales et locaux aveugles et sa structure périphérique en acier permettent de dégager tous les plateaux de points porteurs. Le plan imite encore une fois l’archi52_ NIVET, Soline, Op. Cit. 53_ NAMIAS, Olivier, « Essor de l’urbanisme vertical à Paris, 1945-1976 », L’Invention de la tour européenne.

54_ Architectes Eugène Beaudouin, Urbain Cassan, Louis Hoym de Marien, Roger Saubot, place RaoulDautry, 1972.

55_ COULON, René-A., GENES, Paul, « À l’échelle de l’urbanisme », dans « L’architecture des ensembles administratifs ».

56_ Le Corbusier, Urbanisme, Paris, Crès, 1925 ; rééd. Paris, Vincent, Fréal et Cie, 1966, p. 177.

57_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit. 58_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit.

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Figure 11 Brochure commerciale d’un fabricant de cloison amovible, 1956

Figure 12 Concept du bureau-paysage, aménagemment organique et destructuré, 1960

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tecture américaine et notamment la tour de Mies van der Rohe à Chicago, construite un an auparavant, dont le « plan libre » dégage chaque niveau, les poteaux remplaçant les murs59.

L’apparition de ces plateaux libres dans les années 1960 s’accompagne de la question de la modularité, à l’époque contrainte par la cloison. En plâtre ou en bois, généralement vitrée en partie haute, elle permettait de séparer les bureaux pour leur donner une certaine intimité. Mais Henri Germain estimait que la cloison ne servait à rien d’autre que de permettre aux employés de lire leur journal au lieu de travailler60. En outre, l’absence de cloison simplifie de manière évidente la reconfiguration des espaces de travail pour l’adapter aux changements de programme ou d’effectif. Pour que les plateaux des immeubles deviennent de réels espaces flexibles, la cloison doit donc être démontable pour faciliter toute modification.

Ces nombreuses innovations (l’ossature métallique, les plateaux sans poteaux et espaces décloisonnés) demandent alors de repenser la façade.

Les trumeaux verticaux s’accordent à la trame intérieure et accueillent les nez de cloisons. Les mesures sont alors lisibles de l’extérieur par un vitrage qui s’étend sur toute la hauteur de l’étage, avec ou sans allège. Cette complexité technique et réglementaire amènera les sociétés commanditaires à faire appel à un « mandataire constructeur » qui se généralisera plus tard et deviendra le maître d’ouvrage.

Mais ces nouveaux espaces décloisonnés demandent alors de repenser considérablement le mobilier pour l’adapter à ces grandes superficies.

Dès la fin des années 1950, en Allemagne, les frères Eberhard et Wolfgang Schnelle inventent le « bureau-paysage » (bürolandschaft)61 qui propose de supprimer la pièce individuelle pour de vastes espaces de travail. Il permet ainsi de fluidifier la communication et de replacer l’individu au centre d’un environnement organique et non hiérarchique. Le concept demande alors une grande organisation, confiée à des space planners62 et des architectes d’intérieurs qui utiliseront un mobilier modulaire proposé par les fabricants de l’époque tels que Knoll, Herman Millet, Mercaté ou Steelcase63.

Cette époque connaît aussi l’essor des « cubicles64 », des petites cellules de 2,44 m de côté, sans toit, et dont les deux ou trois cloisons d’environ 1,5 m65 de hauteur permettent d’isoler l’usager lorsqu’il est assis, et d’avoir un contact verbal et visuel sur le reste du plateau lorsqu’il se dresse. Il deviendra, avec le temps, le « symbole d’un travail tertiaire déshumanisé66 ».

En 1960, la manière de travailler est aussi transformée par l’apparition du traitement de données et des informations par ordinateurs. La « machine à 59_ Ibid.

60_ Ibid.

61_ NIVET, Soline, Op. Cit. 62_ « Le space planning est science des aménagements de bureaux apparue aux Etats-Unis dans les années 1960 et développée en Europe dans les années 1980. Elle permet d’assurer une organisation de l’espace travail et une flexibilité et capacité des espaces à se transformer à moindre cout. », BOUCHET, MANSOUX, PINOT. 63_ NIVET, Soline, Op. Cit. 64_ Emprunté de l’anglais, se traduit par cubicule, bureau à cloison ou poste de travail modulaire.

65_ Correspond aux mesures américaines de 8 pieds de côté et 5 pieds de haut.

66_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit.

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Figure 13 Action Office 2, appelé «cubicle» / Stafor 400, 1963

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différences », conçue par l’anglais Charles Babbage en 183467, se modernise, s’affine et se miniaturise. Ses dimensions lui permettent petit à petit d’investir les bureaux et l’APPLE II, le Commodore PET ou encore l’IBM PC influenceront le design du mobilier. Mais l’architecture sera elle aussi impactée par ces nouvelles questions technologiques. Les concepteurs doivent dorénavant penser le bâtiment en y intégrant des systèmes de climatisation et refroidissement, les câblages téléphoniques ou encore un système électrique sur chaque poste. En 1971, Norman Foster réinterrogera le lien entre structure et gaines techniques pour le siège d’IBM à Cosham, dans lequel il développera une structure en poutres treillis et des colonnes creuses servant de gaines68.

Cependant, de nombreuses contestations surviendront dans les années 1974 notamment dans le secteur bancaire. Les employés alertent sur les conditions de travail et déplorent les espaces clos, plus ou moins bien ventilés, qui dictent un travail routinier dont la surveillance est « infantilisante »69. En effet, le métier de space planner prend de l’importance au cours de ces années, d’abord aux États-Unis, puis en France et finit par dominer la conception d’aujourd’hui. Ils peuvent, en effet, adapter leurs schémas aux spécificités des occupants, l’enveloppe de l’immeuble devenant complètement indépendante. L’Architecture d’Aujourd’hui décrit alors de manière péjorative le nouveau processus de conception au cours duquel le schéma intérieur est défini avant que les architectes n’en déduisent une enveloppe.

Les immeubles de bureaux sont de plus en plus construits « en blanc70 » et sont alors moins commandés par les sociétés qui les occupent mais produites par des promoteurs et financés par des investisseurs. En France, les bâtiments tertiaires s’homogénéisent et ne se différencient que dans les motifs de façade. Cette nouvelle conception entraîne donc un appauvrissement typologique qui standardise cette architecture, qui lui est, encore aujourd’hui, souvent reproché.

Néanmoins, certains architectes vont faire le choix d’altérer les morphologies devenues classiques en variant les hauteurs d’étage, la longueur du bâti ou encore les dessins de façade. Certains immeubles, comme le siège d’Olivetti à Francfort, construit en 1972 par Egon Eiermann, vont alors s’inscrire en rupture avec l’architecture de bureau de l’époque.

En 1973, l’architecte Bernard Toury construit deux immeubles qui constituent l’un des plus grands ensembles de commerces et de bureaux de l’époque. En effet, le Quai des Carrières de la commune de Charenton-le-Pont a été radicalement transformé avec la construction de l’autoroute A4 à la fin des années 1960. L’immeuble est peu épais et accueille les circulations verticales sur sa façade nord, ce qui lui permet de libérer toute sa partie sud grâce à un plan libre. Une trame de poteaux agit comme refend dans la longueur du bâtiment et les éléments préfabriqués de béton alvéolé s’étendent tout le long de l’immense façade sud. La hauteur sous-plafond de 2,90 mètres est caractéristique de la typologie de l’immeuble de bureaux et permet des 67_ Ibid.

68_ L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 165, janvier 1973.

69_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit. 70_ La construction en blanc permet de construire un bâtiment sans n’avoir conclue aucune vente ou location préalable. L’avantage de ce type de construction est la rapidité de conduite du projet, les travaux pouvant démarrer avant avoir trouvé un acheteur ou un locataire.

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Figure 14 Trame virtuelle / Cloisonnement des espaces / Typologie d’espace et de mobilier, 1998

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dimensions intérieures généreuses et un apport important de lumière71.

Les années 1980 s’inscrivent en opposition avec les modèles développés les décennies précédentes. La revue Techniques & Architecture déplore la banalisation des organisations intérieures amenée par l’utilisation massive des bureaux paysagers. « On ne peut que constater la profonde dichotomie qui existe entre la construction du bâtiment et l’aménagement intérieur [...].

L’espace bureau est devenu une surface entité sans forme, sans frontière, que l’on développe au hasard des diagrammes et des organigrammes. Le tout enveloppé dans une peau qui n’est caractérisée que par référence aux divers courants architecturaux72 ». Ce rejet du passé ainsi que de nouvelles interrogations sur les technologies et les économies d’énergie amèneront le Programme Architecture Nouvelle (PAN) à questionner les plans de bureaux au cours de deux concours en 1985 et 198873.

Les programmes tertiaires seront au cœur des projets d’aménagement sous la commande d’État durant les années Mitterrand qui densifieront les centres d’affaires à Bercy ou à la Défense. Ils se distinguent de ceux des années passées : les promoteurs et investisseurs ont la volonté de « faire site » et édifient dès 1986 des larges ensembles de bureaux « en blanc » à Marne-la-Vallée, Saint-Quentin ou Cergy-Pontoise, accessibles par autoroute ou RER grâce aux nouveaux travaux d’infrastructure et de transport74. Aussi, les sites de fabrication se délocalisent de plus en plus en périphérie, laissant les édifices industriels du XIXe siècle, inoccupés. Certaines entreprises confieront alors aux architectes des projets de reconversion pour bénéficier de leur emplacement stratégique en centre-ville. Elles investissent alors peu à peu les ateliers, les garages ou les pavillons, comme l’entreprise Nestlé France qui demandera aux architectes Reichen et Robert de réinvestir la chocolaterie Menier pour y installer son siège, à Noisiel en 1988.

Après la vente de l’emplacement de sa chapelle scandinave par le gouvernement suédois à la Société laitière Maggi en 1907, un atelier de chaudronnerie est édifié. Hybride entre bâtiment industriel et immeuble de bureaux, l’immeuble du 19 boulevard Ornano possède une typologie bien particulière, édifié sur un plan en trapèze autour d’une cour couverte abritant les quais de livraison. L’ancienne laiterie s’est agrandie au fil des ans pour abriter successivement des manufactures agroalimentaires, des ateliers de maintenance et une imprimerie. Les bureaux de la Caisse primaire d’assurance maladie y seront finalement installés après une transformation légère jusqu’en 200975.

A la fin des années 1960, dans le 15e arrondissement de Paris, une dizaine d’immeubles sont édifiés sur un îlot résidentiel situé au 76-84 rue Lecourbe. L’agence Anthony Béchu, maiîre d’œuvre de l’ensemble immobi71_ QUINTON, Maryse, « Transformation de bureaux en logements sociaux, Charenton-le-Pont », d’Architecture, n°3642, Octobre 2016, p.116-121.

72_ « Architectures de bureaux, un bilan et des tendances », dans Techniques & Architecture, n° 337, septembre 1981.

73_ Pan Bureau, 1985 et 1988, Ministère de l’Équipement, du Logement, de l’Aménagement du Territoire et des Transports.

74_ NIVET, Soline, Op. Cit. 75_ « Réhabilitation : La crème de la reconversion », Le Moniteur, Avril 2017, p. 52-55.

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L’immeuble haussmannien Façade en pierre porteuse Trame : 6-8 m, murs porteurs Épaisseur : 6-13 m Hsp : 2,8 à 3,2 m

L’immeuble à façade porteuse Façade porteuse Trame : 1,5-6 m, murs porteurs Épaisseur : 10-15 m Hsp : 2,8 à 4 m en RDC

Le mur rideau Façade rideau Trame : 5,5-7 m, poteaux-poutres Épaisseur : 10-20 m Hsp : 2,8 à 4 m en RDC

L’immeuble de Grande Hauteur (IGH) Façade rideau Trame : 5,5-7 m, poteaux-poutres Épaisseur : +20 m Hsp : 3,1 m

Figure 15 Evolution et typologies de l’immeuble de bureaux

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lier, est propriétaire d’une partie du site, longé au nord par la rue du Colonel Colonna d’Ornano et au sud par la rue Lecourbe. En 1988, les architectes construisent un bâtiment de bureaux, composé d’une partie principale en R+3 et d’une autre en R+1, accueillant durant de nombreuses années l’Institut National de la Consommation. La façade linéaire est tramée de verticales simples et modernes et utilise des matériaux innovants pour l’époque76.

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PARTIE I.3.

De la nécessité de rénover

1. La vacance du parc tertiaire La typologie et la constitution d’un parc tertiaire à l’échelle de la région Île-de-France ne sont apparues qu’au cours des années 1950-1960. Au départ, la première reconversion est celle du logement vers le bureau pour accueillir ce nouveau type d’activité. Les quartiers résidentiels bourgeois sont alors transformés peu à peu en quartiers d’affaires. Cependant, leur densification va rapidement devenir excessive. La loi du 1er septembre 1948 va alors avoir pour objectif de dépeupler ces quartiers d’habitation et favoriser la construction de nouveaux espaces de travail en rendant plus difficile le changement d’affectation logement-bureau.

Des bâtiments destinés au secteur tertiaire commencent ainsi à voir le jour et se regroupent dans les mêmes quartiers de la ville. L’augmentation des effectifs va alors entraîner une concentration importante des bureaux à Paris et dans sa banlieue. Dans les années 1960, l’extension du parc tertiaire s’accompagne de la réduction du parc industriel : de 1961 à 1966, le rapport démolition/construction des immeubles de bureaux est largement positif (+971 122 m²) alors que celui des bâtiments industriels est à la baisse (-352 000 m²)77. Les années qui suivent, la proportion d’immeubles se stabilise, par opérations de démolition et reconstruction, le parc se renouvelle sur lui-même pendant une quinzaine d’années. Le début des années 1970 connait un âge d’or dans la construction, 3 millions de m² de bureaux sont construits à Paris en 3 ans78.

Néanmoins, cet essor sera de courte durée puisqu’en 1974, la crise immobilière entraîne une montée de la vacance du tertiaire et marque ainsi la fin du premier cycle immobilier. A ce moment, cette vacance est interprétée comme une crise de surproduction classique. En effet, le taux de vacance est au départ calculé pour contrôler la fluidité des transactions, il « représente la part disponible du stock total qui permet au marché de fonctionner sans avoir à s’inquiéter des fluctuations à très court terme de la demande. Un taux de vacance « naturel » minimal est donc nécessaire pour assurer la flexibilité des échanges79 ».

Mais en 1991, une nouvelle crise immobilière démarre et se manifeste 77_ CHESNEAU, Isabelle, « Le renouvellement des immeubles de bureaux. Le cas de l’Île-de-France. » In : Les Annales de la recherche urbaine, N°97, 2004. Renouvellements urbains. Pp. 67-74.

78_ Ibid.

79_ CHESNEAU, Isabelle, « De l’équilibre anticipé à la coexistence des différences : L’obsolescence des immeubles de bureau », In : Les Annales de la recherche urbaine, N°92, 2002. Ce qui demeure. pp. 131-139.

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par une augmentation de la vacance équivalente à 4 millions de mètres carrés au moment le plus fort de la crise80. De nombreuses questions et interprétations émergent face à la longueur et à la gravité de la situation. Le taux de vacance devient donc peu à peu un indicateur des changements de besoin des entreprises et les acteurs revoient leurs prévisions d’un retour à l’équilibre.

L’année 1998 connaît une relance de la demande mais les offres de seconde main trouvent de moins en moins preneurs. L’analyse des immeubles vacants se précise et ajoute la catégorie « vacance durable » pour qualifier les bâtiments que les usagers rejettent. Mais pour conclure à une réelle obsolescence, le diagnostic est complété d’une expertise immobilière afin de comprendre quels sont les éléments architecturaux difficilement adaptables.

Lorsque l’on sait que « le propre des pratiques sociales de l’espace est d’évoluer sans cesse81 », on comprend que la morphologie des immeubles de bureaux ne suit pas à la même vitesse la mutation de ses pratiques. Ce décalage entre forme et usage mène donc à définir ces bâtiments comme obsolètes, terme défini par Isabelle Chesneau comme « un décalage, un désajustement irréversible entre des formes spatiales ou urbaines et des pratiques sociales ». Pour l’architecte et chercheuse, l’obsolescence « marque un « écart » entre un état réel et un état désiré. [...] Elle représente en quelque sorte une relégation du cadre physique des ouvrages pour cause d’inadaptation aux pratiques de ses occupants et correspond ainsi à une distanciation irréversible entre édifice et « horizon d’attente » des usagers (Jauss, 2001)82 ».

Mais ce décalage est aussi marqué en termes de quantité. La baisse des effectifs, la délocalisation, la diminution des mètres carrés utiles par bureau et donc par acteur a entraîné une situation déséquilibrée où le stock structurel est trop élevé par rapport aux demandes du secteur tertiaire.

Cette obsolescence de l’architecture du tertiaire est identifiée lors de la première crise immobilièr. Devenue indéniable à la vue de la longueur de la crise, elle devient un problème urbain de premier plan et les pouvoirs publics expriment la nécessité de le traiter avec des mesures plus drastiques83. « Dans cette logique, l’objectif d’ajustement correspond au désir de réduire cette « distance » (forme/usage ; offre/demande)84 ». Mais l’obsolescence touche d’abord les immeubles récents, construits il y a vingt ou trente ans. Il est donc nécessaire d’évoquer la différence entre la friche et le bâtiment obsolète. Là où les anciens sites industriels ont connu plus d’un siècle d’exploitation productive et n’ont plus été utilisés à cause de la disparition de certains modes de production, les bâtiments ne deviennent obsolètes que par l’évolution de ces usages85.

Aujourd’hui, de nombreuses méthodes de comparaison sont mises au point pour analyser les typologies d’immeubles de différentes générations.

L’Observatoire Régional de l’Immobilier Entreprise en Ile-de-France (ORIE) 80_ CHESNEAU, Isabelle, Op. Cit., 2004 81_ CHESNEAU, Isabelle, Op. Cit., 2002 82_ Ibid.

83_ CHESNEAU, Isabelle, Op. Cit., 2004 84_ CHESNEAU, Isabelle, Op. Cit., 2002 85_ Ibid.

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utilise un système de notation appelé CIBE (Cotation des Immeubles de Bureaux et d’Entreprise) qui permet de quantifier les lacunes de ces immeubles et d’évaluer leur retard par rapport aux constructions nouvelles86. Quelques soient les mesures utilisées, l’objectif est de converger vers une durabilité des édifices où la morphologie s’adapte à l’évolution des modes d’occupation.

Néanmoins, ni le contrôle des déséquilibres, ni les innovations en termes de conception n’ont réussi à empêcher l’obsolescence de ces immeubles. Les différentes crises ont cependant touché d’autres secteurs comme le logement, les équipements touristiques et culturels ou les centres commerciaux87. Il en reste que le renouvellement de l’offre est moindre et que la demande immobilière n’est plus assurée. Il devient donc nécessaire d’édifier de nouveaux immeubles dont les espaces correspondent aux attentes actuelles. Mais dans un contexte global de limitation de l’extension urbaine, la résolution du problème penche vers des opérations de démolition-reconstruction de grande ampleur.

Au cours des années 1990, 15 à 20% des immeubles des années 70 seront démolis, si l’on considère aussi les restructurations lourdes et reconversions, 1/3 du parc est renouvelé dans le département des Hauts-de-Seine88.

Ces années marquent alors la reprise de la construction des bâtiments de bureaux dont les innovations entrainent des modifications typologiques. Selon l’Observatoire de l’immobilier de la région Île-de-France, « le parc de bureaux dans la région Île-de-France a progressé de 192% entre 1975 et 2000, pour atteindre à cette dernière date 43,1 millions de mètres carrés, dont 35% [soit 15 millions de mètres carrés] dans la capitale89 ».

L’année 2000 connaît une croissance très importante dans la commercialisation des bureaux, mais qui sera finalement vite rattrapée par de nouvelles crises, établissant un taux de vacance à 5,8%90. Il est alors très compliqué de comprendre pourquoi de nouveaux immeubles sont encore construits chaque année quand autant d’autres sont vides. Mais la construction de bureaux est perçue comme un bon placement pour les investisseurs et rapporte à peu près 4 fois plus que des appartements. Moins de murs, moins de couloirs et de cages d’escalier, dans les bâtiments d’entreprise, 95% de la surface est réellement utile contre 82% pour le logement. Aussi, ces bâtiments ne demandent pas d’encadrement de loyers et n’imposent aucune réglementation quant aux logements sociaux, ils restent ainsi bien plus attrayants pour les promoteurs. Ils construisent donc « en blanc », sans se demander s’ils vont trouver des clients, ce qui explique la déconnexion entre l’offre et la demande.

La région est aujourd’hui toujours touchée par un taux important de vacance, 3 millions de mètres carrés de bureaux sont vides, dont 740 000 mètres carrés depuis au moins 201291. La pandémie mondiale du Covid-19 n’a pas arrangé la situation puisque le taux de vacance a drastiquement augmenté 86_ CHESNEAU, Isabelle, Op. Cit., 2002.

87_ Ibid.

88_ Ibid.

89_ BONNET, Jacques, « L’évolution du marché des bureaux en France et à l’étranger », L’immobilier d’entreprise, 2003, Vol. 78/4, p. 281-294.

90_ BONNET, Jacques, Op. Cit. 91_ MONIER-VINARD, Bruno, Immobilier : « Viens chez moi... J’habite dans un bureau !», Le Point,11/10/2016.

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au cours de l’année 2020 : +26% à Paris et +7% à la Défense92. En effet, la mise en place du télétravail en mars de la même année, ainsi que les jauges préconisées par l’État ont poussé les entreprises à optimiser, et donc diminuer leurs surfaces de travail. Les investissements ont ainsi chuté faisant de cette année la plus mauvaise pour le secteur de l’immobilier tertiaire depuis vingt ans93. « On assiste à la fin du monopole de l’immeuble « de bureaux ». […]

Les bâtiments tertiaires appartiennent plus à l’univers de la finance qu’à celui de l’entreprise. Le travail de demain s’annonce collaboratif, non pyramidal, éclaté, moins dans le contrôle… Le « bureau » c’est désormais l’ordinateur ou la tablette94 ». « La ville fait face à un ensemble de ruptures dont on commence à prendre conscience : la poursuite d’un fort accroissement démographique et de l’urbanisation accéléré de la planète […] ou encore l’explosion technologique […]. Des ruptures qui s’interpénètrent et ont des conséquences sur le travail et sur l’emploi95 ». Il est donc important de questionner l’avenir de ces espaces en nuançant leur obsolescence pour ne pas les définir comme des lieux finis. Les transformations, réhabilitations et réappropriations existent et peuvent réduire les fractures entre le passé et le futur. « Il faut lutter contre la tendance à ne considérer le passé que sous l’angle de l’achevé, de l’inchangeable, du révolu. Il faut rouvrir le passé, raviver en lui les potentialités inaccomplies. Il faut donc rendre nos attentes plus déterminées et notre expérience plus indéterminée96 ».

2. Un mal-logement révélé par la crise sanitaire Si tant de bâtiments sont vides et peuvent s’engager sur un nouveau cycle de vie, pourraient-ils permettre de palier au profond manque de logement ? En effet, de nombreux facteurs montrent que la situation du logement en France métropolitaine est loin d’être satisfaisante. D’abord, avec la diminution du nombre de décès et le vieillissement de la population, la situation démographique augmente d’en moyenne 0,4% chaque année97. Avec 65 millions de résidents en métropole au 1er janvier 2021, on doit donc s’attendre à devoir accueillir plus de 250 000 nouvelles personnes dans l’année, et toujours plus les années suivantes.

Mais le fond du problème ne vient pas tant d’un manque quantitatif de logements, mais bien de la manière dont une grande partie de la population est logée. La France compte aujourd’hui 4 millions de personnes mal-logées, soit 6% de la population, selon le rapport 2021 de la Fondation Abbé Pierre.

Le mal-logement rassemble alors différents types de contraintes.

La principale forme à laquelle est confrontée une majorité des mal-logés est le manque de confort. Il réunit alors toutes les personnes vivant dans des habitats de fortune (campings, cabanes), les gens du voyage ne disposant pas d’aire aménagée, ainsi que les personnes vivant dans des logements 92_ DELOIRE Eugénie, Op. Cit. 93_ DELOIRE, Eugénie, « Le marché des bureaux se projette dans l’ère de l’après-Covid », Les Echos, 23/03/2021.

94_ BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, Op. Cit. 95_ Ibid.

96_ Ricoeur, 1985.

97_ INSEE, Bilan démographique 2020.

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inconfortables. Ces incommodités peuvent concerner des remontées fréquentes d’odeur, une installation insuffisante de chauffage, des problèmes d’évacuation d’eau, des infiltrations dues à une mauvaise étanchéité mais aussi des installations électriques dégradées voire une absence d’installation sanitaire, de cuisine ou d’eau courante.

Une autre forme de mal-logement concerne le manque d’espace qui, selon l’INSEE, désigne un logement n’ayant pas au moins une pièce pour le ménage, une pièce pour un couple, ainsi qu’une pour les célibataires de plus de 19 ans, une pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de sept ans (sinon une supplémentaire par enfant). Ainsi, presque 1 million de personnes habitent un logement surpeuplé, manquant d’une ou plusieurs pièces par rapport à la norme.

Finalement, le mal-logement concerne toutes les personnes qui ne disposent pas de logement personnel. Sont alors concernés les résidents de centres d’hébergement, ceux logés de manière provisoire en hôtel ou en foyers de migrants en attente de logement, les personnes hébergées chez des tiers et les Sans Domicile Fixe, vivant dans les conditions les plus indignes.

En théorie, certaines lois ont été mises en place pour palier au mal-logement en proposant de nouveaux logements sociaux de manière à accueillir les populations dans le besoin. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) demande alors aux communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en agglomération parisienne) de disposer de 20 % de logement social d’ici 202598. Elle viserait ainsi à diversifier les offres résidentielles pour plus d’égalité et de mixité sociale. Cependant, la théorie possède de nombreuses limites et la pratique connaît des lacunes.

Premièrement, le nombre de 20 % est arbitraire et n’est donc pas toujours adapté à la situation de chaque ville. Certaines communes se retrouvent alors à devoir proposer de nouveaux logements sociaux alors que leur PLU les empêche de construire davantage. A l’inverse, certaines communes ont déjà atteint leur taux légal et pourrait pourtant continuer de proposer de nouveaux logements sociaux. On constate donc que la loi survole certains problèmes et pourrait être appliquée au cas par cas.

Deuxièmement, sur 2 091 communes concernées par la loi SRU, plus de la moitié ne respectent pas leurs obligations légales et doivent produire des logements sociaux pour rattraper leur retard.

Finalement, le parc locatif social est divisé en trois catégories. Les logements PLAI, financés par le Prêt Locatif Aidé d’Intégration, sont attribués aux locataires en situation de grande précarité dont le revenu fiscal annuel ne dépasse pas 13 268€. Les logements PLUS, financés par le Prêt Locatif à Usage Social correspondent aux locations HLM (habitation à loyer modéré) et sont destinés à des personnes dont le revenu fiscal annuel ne dépasse pas 24 116€. Les logements PLS, financés par le Prêt Locatif Social, sont situés en zone tendue et sont attribués aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé, c’est-à-dire avec des revenus fiscaux annuels de moins de 31 151€.

Si l’on fait le calcul, 31% de la population française est éligible à un 98_ Loi 2000-1208 du 13 décembre 2000.

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PLAI Prêt Locatif Aidé d’Intégration

PLUS Prêt Locatif à Usage Social

PLS Prêt Locatif Social

13 268 €

24 116 €

31 151 €

Figure 16 Plafonds de ressources pour le logement social

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PLAI, 67% à un PLUS et 82% à un PLS. Il y a donc des logements sociaux, et d’autres beaucoup moins sociaux. En 2018, le pays comptait alors 32 747 PLAI, 48 776 PLUS et 27 089 PLS. Ainsi, le réel intérêt de ces « faux logements sociaux » serait majoritairement politique et permettrait de prétendre aux 20% tout en attirant des populations moins pauvres. Il en est que depuis sa mise en application, la loi dérange et a été la cible de plusieurs attaques. Au-delà de la question économique, le logement social effraie certaines classes plus aisées de la population que les mairies et autorités locales ne veulent pas se mettre à dos. Quand bien même certaines communes choisissent de construire des logements très sociaux, nombreux se retrouvent hors des limites de la ville, favorisant la création de ghettos, exacerbant le phénomène de gentrification et creusant la fracture socio-spatiale. La politique du logement social possède donc de nombreux bienfaits mais aussi et surtout des travers, ne permettant ainsi toujours pas de loger la totalité de la population.

Comme nous le savons tous, les années 2020 et 2021 ont été touchées par la crise sanitaire du COVID-19 ayant révélé et accentué les vulnérabilités de nombreuses personnes. Le ralentissement de l’activité économique lié aux différents confinements a entraîné une diminution des revenus des couches moyennes, due à leur instabilité. En effet, les français les plus modestes travaillent dans les secteurs les plus touchés par les restrictions sanitaires (restauration, services, transport, hébergement). Les étudiants ont perdu leurs « petits boulots », les apprentis n’ont pas trouvé de contrat, les personnes ayant un CDD n’ont pas vu leur contrat renouvelé et les salariés ont vu leurs revenus diminuer. La situation n’a donc pas seulement aggravé le cas de ceux vivant sous le seuil de pauvreté mais a fragilisé le statut des couches intermédiaires, les faisant basculer dans la précarité et portant ainsi le taux de chômage à 9.5% fin 202099.

Les difficultés vécues lors des différents confinements sont apparues directement corrélées au revenu : « Seules 37% des personnes vivant avec moins de 1 250 euros par mois jugent leur logement « tout à fait adapté au confinement », contre 61% des personnes disposant de revenus supérieurs à 3 000 euros par mois100 ». Le mal-logement évoqué devient, en effet, bien plus pesant lorsque l’on demande de rester chez soi. Les logements surpeuplés, dépourvus de confort, trop petits ou insalubres ne permettent pas de les considérer comme un « chez soi habitable ». Pour les plus précaires, « le confinement a souligné jusqu’à l’absurde que « pour rester chez soi, il faut un chez soi101 ».

Finalement, les enquêtes de Médecins Sans Frontières et de l’Inserm ont souligné le lien entre la santé, le contexte social et les conditions d’habitat. « Plus ces dernières sont dégradées ou précaires, plus la contamination par le Covid est importante, plus la détresse psychologique des personnes

99_ Rapport sur l’état du mal-logement, 2021, Fondation Abbé Pierre.

100_ « Les actifs et le télétravail à l’heure du confinement », Étude Ifop pour la Fondation Jean Jaurès réalisée par questionnaires auto-administrés en ligne, du 21 au 23 mars 2020 auprès de 1 600 actifs issus d’un échantillon de 3 011 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

101_ Rapport sur l’état du mal-logement, 2021, Fondation Abbé Pierre.

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Figure 17 Parcelles de bureaux (de plus de 1000 m²) et zone de déficit en logement social

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vivant dans ces conditions est grande102 ». La crise a donc généré une grande vulnérabilité sanitaire, sociale et en matière d’habitat, « le logement étant à la fois la source et le réceptacle d’inégalités profondes ». Ainsi, pour la fondation Abbé Pierre, il devient nécessaire d’augmenter de façon significative la production de logements sociaux et très sociaux, ralentie par la crise, et de faire de la rénovation une priorité nationale pour lutter contre la précarité qu’elle engendre.

102_ Premiers résultats de l’enquête COCLICO du 3 au 14 avril 2020, Questions d’économie de la santé, n°249, juin 2020.

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PARTIE II

Du bureau au logement

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Recensement des besoins > programme

Recherche d’une implantation pour réaliser un programme

Études préalables sur un territoire

Inventaire du bâti > repérage

et/ou

Recherche d’un nouvel usage pour réutiliser un bâtiment

Choix du bâtiment à reconvertir et du programme à réaliser

Etude de faisabilité

+

Acquisition du bien

projet

Figure 18 La démarche de reconversion

- 60

PARTIE II.1.

L’enjeu administratif

1. Processus et acteurs

Aujourd’hui, avec la crise économique et l’intensification du télétravail, le nombre de bureaux vacants devrait continuer de croître dans les mois voire les années à venir. En parallèle, la pénurie de logements est plus urgente tous les jours et s’accompagne d’une hausse des prix croissante. La question de la transformation de bureaux vacants en logements devient alors une sérieuse option, si ce n’est une nécessité, pour palier à la fois au manque de logements et à l’étalement urbain.

Toutefois, la démarche de reconversion reste une opération parfois longue et complexe qui se déroule en plusieurs étapes. Globalement, ces opérations débutent par des études préalables, réalisées sur un territoire donné. Si l’opération commence par réaliser l’inventaire du bâti libre, il faudra par la suite trouver un programme à y intégrer. Si l’opération débute par un recensement des besoins sur le territoire, alors il sera nécessaire de rechercher un bâtiment à transformer. Une fois le programme et le bâtiment trouvé, il reste alors à savoir si la reconversion est possible et envisageable des points de vue administratif, réglementaire et financier. Des études de faisabilité seront alors effectuées et permettront de dresser une conclusion quant à la potentielle reconversion du bâtiment. Après acquisition du bien, le projet peut débuter pour proposer de nouveaux usages dans l’enveloppe existante. Dans le contexte de ce mémoire, nous prenons alors en compte un programme déterminé comme un besoin indiscutable dans la capitale (des logements, notamment sociaux) et une ressource bâtie connue et recensée (les immeubles de bureaux vacants).

En parallèle, de nombreux acteurs jouent un rôle dans les processus de reconversion. Différents types de commanditaires peuvent alors intervenir et proposer une transformation.

Les particuliers (personnes physiques ou les SCI familiales) interviennent majoritairement sur des opérations de petite taille (110 m² et un seul logement par opération en moyenne). Ils transforment essentiellement un bureau en logement ou décident d’agrandir un logement existant en transformant un ancien bureau. Elles peuvent être motivées par la cessation d’activité d’une entreprise, par exemple liée à un départ à la retraite, et sont localisées en majorité dans l’hypercentre de Paris.

Les opérateurs privés issus du secteur immobilier (promoteurs ou agences immobilières) et d’autres secteurs d’activité (banque, assurance, 61 -

particuliers

opérateurs privés

bailleurs sociaux

logements

logements sociaux

Figure 19 Les acteurs et typologies de la reconversion

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protection sociale) réalisent de nombreuses moyennes et grosses opérations.

La raison de cet intérêt pourrait être la rentabilité de l’opération puisque ces transformations semblent concerner des bureaux qui leur appartiennent et qu’ils souhaitent convertir en logements.

Les bailleurs sociaux (Office Public de l’Habitat (OPH), coopérative d’HLM, Société d’Économie Mixte (SEM)) et acteurs publics sont ceux qui réalisent les plus grandes opérations de transformation (1 130 m² en moyenne sur la période 2001-2012) et tous les permis déposés après le 1er juin 2006 au cours de cette période sont situés dans la zone de déficit social. Paris Habitat, le principal bailleur de la région, a permis de transformer près de 25 000m² dont 462 logements SRU103.

Finalement, d’autres acteurs peuvent entrer dans la boucle et participer à ces opérations. Qu’ils soient publics, parapublics ou privés, les aménageurs permettent de faire le lien entre les commanditaires et les architectes ou entreprises qui réalisent la reconversion. Les collectivités font de plus en plus appel à des structures privées comme Bouygues immobilier, Nexity avec Aménagement Villes et Projets ou encore Eiffage Aménagement pour palier aux difficultés financières que rencontrent les Établissement Publics d’Etat (EPA)104. Les processus de reconversion peuvent alors s’avérer plus ou moins complexes selon les acteurs mis en jeu. Toutefois, de nombreux autres facteurs peuvent agir sur la durée de l’opération et sur les problématiques potentielles.

2. Territoires et typologies Nous pouvons alors nous demander quels territoires et quelles typologies de bâtiments de bureaux sont concernés par les opérations de reconversion. Tout d’abord, la majorité du parc de bureaux actuel a été construit dans la seconde moitié du XXe siècle et 50% après 1985, essentiellement sur le quartier central des affaires de l’Ouest parisien105. Pour les immeubles construits avant 1985, leur morphologie et leur localisation ne leur permettront généralement pas de conserver leur usage d’origine et d’être simplement réhabilités pour s’adapter aux nouvelles manières de travailler. Ils constituent ainsi un nouveau stock de bâti, potentiellement sujet à une reconversion et un changement d’affectation.

Les transformations sont alors les plus nombreuses là où la concentration d’immeubles de bureaux est la plus importante. Les arrondissements du centre haussmannien (2e, 3e, 8e, et 9e) sont les plus dynamiques et les immeubles reconvertis datent ainsi, pour la plupart, du XIXe siècle et parfois même du XVIIIe. Si l’on analyse les architectures concernées, on peut rapidement comprendre que ces opérations sont de petite envergure lorsqu’il s’agit d’une reconversion en un seul logement dans un ancien bureau, et d’une 103_ APUR, « La transformation de bureaux en logements à Paris de 2001 à 2012 », Paris, Janvier 2014.

104_ CANAL Architecture, « Transformation des situations construites », Paris, juin 2020.

105_ CHESNEAU, Isabelle, Op. Cit., 2002.

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de la période 1968-1975, dans les 13e, 15e et 20e arrondissements. Il est d’ailleurs à noter que cette époque de datation est fortement surreprésentée pour les transformations de bureaux en logements. Les parcelles datant de 1968 à 1975 rassemblent 13 % des surfaces autorisées à la transformation de bureaux en logements, alors qu’elles ne représentent que 3 % des parcelles dans tout Paris. Une surreprésentation, plus modérée, apparaît aussi pour les parcelles datant de 1940 à 1967. Les parcelles datées de 1940 à 1967 représentent 8 % des parcelles où une transformation de bureaux en logements a été autorisée, alors que seulement 5 % des parcelles parisiennes datent de cette époque.

Enfin, le tissu plus récent n’est pas – encore – favorable à la transformation. Seules 5 % des transformations autorisées sont localisées dans une parcelle construite après 1975, notamment une transformation de 1 000 m2 dans le 17e arrondissement rue Truffaut par un opérateur privé immobilier.

Saint Denis

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Figure 20 Date des bâtiments de bureaux reconvertis en logement (2001-2012)

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Transformation en logements

Aubervilliers

Avant - ­ ­ - ­- - - ­ - -

Taille de l’opérati

Plus de

De à

De à

De à

Moins de

Sources : DU application G SDPCR, dossiers autorisés et Préfet – à .

taille plus importante quand plusieurs étages ou l’intégralité d’un immeuble haussmannien sont transformés.

Aussi, ces arrondissements, étant parmi les plus anciens de Paris, sont situés au cœur d’un quartier dynamique : la mixité fonctionnelle et l’accessibilité du site leur permettent de trouver facilement des potentiels acheteurs ou locataires. En effet, l’attractivité du territoire sur lequel est implanté le bâtiment à transformer constitue un enjeu immense dans la volonté de reconversion, « les investisseurs ne rechignent pas à investir pour rénover des bâtiments bien situés car ils savent qu’ils trouveront des locataires à des tarifs élevés106 ».

La première couronne de Paris peut alors encore espérer assister à de nouvelles opérations de ce type lorsque le site concerné est situé à proximité d’un nœud de transport. La question de l’accessibilité demeure alors au cœur de la question, notamment si l’on considère les mouvements pendulaires induits par la dispersion des travailleurs parisiens dans la première couronne.

Dans Paris intra-muros, les arrondissements les plus excentrés (12e, 13e, 15e ou 20e) restent moins dynamiques que les quartiers d’affaires mais leur intensification plus récente leur permet de proposer des projets de plus grande envergure, notamment dans des immeubles datant des années 19601970, souvent plus larges et dirigés par un plan libre. Les moyennes et grandes opérations demeurent peu nombreuses, environ 5-6 par an en moyenne mais transforment à peu près autant de surfaces que la centaine de petites opérations réalisées chaque année107. Les reconversions dans la capitale sont alors plus ou moins courantes et trouvent plutôt facilement preneurs, mais en ce qui concerne le reste du parc en marge, leur qualité de vie insuffisante ne permettra généralement pas d’atteindre des loyers suffisamment rentables pour les investisseurs. Dans la deuxième couronne, les bureaux des années 1970 et 1990 ne répondent donc encore pas aux objectifs de mobilité et peinent à trouver des personnes intéressées, notamment à cause de leur situation géographique trop fragile. Ce territoire connaît pourtant le taux de vacance le plus préoccupant puisque 48% des bâtiments vacants le sont depuis plus de 4 ans108.

Finalement, nous remarquons que de nombreuses opérations de plus de 800 m² sont réalisées, notamment dans les anciens quartiers haussmanniens, sur les surfaces de déficit en logement social et sont ainsi concernées par la loi SRU. La reconversion est donc un des principaux leviers pour concevoir de nouveaux logements sociaux et pour les intégrer au cœur de la ville. Paris intra-muros possède ainsi de nombreuses aides politiques de réintroduction du logement social et étudiant, qui permettent, entre autres, de participer à l’intégration d’une réelle mixité sociale dans les quartiers les plus gentrifiés.

106_ Olivier Estève, directeur général de la foncière des régions.

107_ Etude réalisée entre 2001 et 2012 par l’APUR. 108_ Knight Frank, « Transformation de bureaux en logements : utopie ou véritable opportunité ? », 2021.

65 -

Du tournant des années 1990...

1994 Le parc de bureaux d’Ile de France passe la barre des 40 millions de m²

1990 Création de l’Association Droit au Logement (DAL)

1992 Création de la Fondation Abbé Pierre

La loi Habitat introduit la notion de changement temporaire d’usage

Crise du marché immobilier des bureaux et premiers débats sur leur potentielle transformation en logements

1993 Loi d’orientation pour la Ville (LOV), qui impose la mixité dans les documents d’urbanisme et renforce le droit au logement pour tous

1991

- 66

Le rapport Darmon préconise la transformation de 800 000 m² de bureaux en logements en Ile de France pour sortir le marché tertiaire de la crise et développer l’offre résidentielle

Hervé Charette, ministre du Logement, déclare que la transformation de bureaux en logements est « un impératif économique et social »

3. Cadre réglementaire et politique Il devient donc aujourd’hui nécessaire de donner une seconde vie à de nombreux bâtiments et de tisser de nouveaux liens entre espace et fonction.

Mais encourager et étendre cette dynamique demande tout de même d’établir de nouveaux programmes adaptés pour motiver les investisseurs les plus frileux.

Cette question s’est déjà posée dans les années 1990 où la surproduction des immeubles tertiaires a entraîné un pic du taux de vacance de 11%. A cette époque, la hausse du nombre de bureaux vides coïncide avec la crise du logement que connaît le pays et s’accompagne de la création de l’association Droit au logement en 1990 et de la Fondation Abbé Pierre en 1992. Le pays se saisit alors de ces nouveaux enjeux et la vacance du parc tertiaire et le mal-logement deviennent des thèmes centraux des nouvelles politiques.

Deux objectifs sont alors mis en place. La loi Habitat de 1994 devrait permettre de favoriser les transformations bureau-logement grâce à des incitations financières et administratives. Le plan Arthuis, établi en 1995, propose, lui, « d’éviter autant que possible la construction de nouvelles surfaces de bureaux en région parisienne et de traiter le stock de locaux vacants ». Cette année-là, M. Arthuis demande lui-même aux administrations et aux établissements publics « d’utiliser prioritairement les surfaces de bureaux existantes » et annonce qu’il menait, avec le ministère du Logement, un recensement pour « faire disparaître les contraintes administratives ou fiscales qui constituent paradoxalement des incitations ou des obligations à construire de nouvelles surfaces de bureaux ». Malgré l’évolution du cadre réglementaire, une partie du stock reste dans l’impasse, notamment dans les banlieues de Paris.

Après les années 2010, une série de lois vont être votées et vont alors permettre de débloquer petit à petit la situation de l’Île-de-France et les différentes problématiques auxquelles elle est confrontée. D’abord, l’ordonnance du 3 octobre 2013 autorise les maires à déroger, sous certaines conditions au Plan Local d’Urbanisme (PLU) dans les zones où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements et a pour objectif clair de favoriser la mixité sociale. Elle permet alors d’encourager les villes à effectuer des transformations en logements et sera complétée, dans la ville de Paris, en 2016, par l’approbation de la modification du PLU par une large majorité.

Son impact principal reste alors la création d’une zone de déficit en logement social, corrélée à la création de la loi SRU, ainsi qu’à l’augmentation du taux de logements sociaux à créer de 25% à 30%. Ces premières politiques mises en place marquent alors un tournant dans les problématiques de ségrégation socio-spatiale et de marginalisation des populations défavorisées.

Par la suite, d’autres lois vont être mises en place et suivre la thématique commune de l’innovation pour espérer encourager de nouvelles générations à proposer des réponses quant aux enjeux évoqués. La loi du 7 juillet 2016 introduit un « permis de faire », relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Il permet alors « d’identifier des innovations de tous types (technologiques, d’usages, architecturales) qui se heurtent à la réglementation en matière de permis de construire, dès lors qu’elles permettent d’atteindre 67 -

... aux innovations des dix dernières années

2018 La Loi ELAN élargit l’horizon du « permis de faire » en prévoyant de nouvelles possibilités de déroger à certaines règles de construction

2013 Ordonnance du 3 octobre qui encourage la transformation de bureaux en logements par des mesures dérogatoires au PLU

2021 Lancement de la 3e édition de « Réinventer Paris » dédiée à la transformation de locaux vacants en logements, et de la 3e édition du concours « Inventons la Métropole du Grand Paris »

2016 Loi du 7 juillet relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (CAP)

Euroméditerranée, Grand Paris Aménagement et Bordeaux Euratlantique lancent un appel à manifestation d’intérêt pour expérimenter le permis d’innover

2017

La seconde ordonnance du permis d’innover introduite par la loi ESSOC est présentée le 29 janvier en conseil des ministres La Convention Citoyenne pour le Climat propose d’intégrer un volet « réversibilité » pour évaluer le changement d’usage possible lors du dépôt de PC

2020

- 68

des résultats égaux ou supérieurs à ceux visés par les normes109 ».

Ce permis d’innover trouvera plus tard sa place dans de nombreux autres textes, dans lesquels il sera décrit comme une promesse de simplification des normes de constructions. C’est donc en 2018 que la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) élargira les possibilités du « permis de faire » en prévoyant de nouvelles manières de déroger à certaines règles de construction. Le permis d’innover s’étend ainsi à toute opération de construction ou d’aménagement située dans un périmètre d’une opération d’intérêt national, d’une grande opération d’urbanisme ou d’une opération de revitalisation du territoire. L’accueil des Jeux Olympiques à Paris en 2024 encouragera finalement la création du « permis à double état » permettant d’autoriser, dans une seule et même décision, un projet dans son état provisoire (ici les JO 2024) et définitif (sa reconversion en quartiers mixtes dès la fin des JO). Les nombreuses normes, parfois liberticides, sont ainsi requestionnées et de plus en plus enclines aux changements.

Mais la question précise de la reconversion des bureaux en logements ne sera évoquée qu’en 2021, lors du lancement de la 3e édition de « Réinventer Paris ». La capitale lance alors un nouvel appel à projets urbains innovants, cette année dédiée à la transformation de bureaux en logements.

Dans la même lignée, la 3e édition du concours « Inventons la Métropole du Grand Paris » est lancée et s’articule autour de trois thématiques dont celle évoquée précédemment. La ville promet alors d’accompagner les vendeurs et acheteurs pour accélérer et sécuriser les procédures administratives concernant l’instruction du permis de construire, l’autorisation de la création de voieries et l’adaptation du PLU. Paris souhaite alors inciter de nouveaux acteurs à s’investir dans ces opérations souvent coûteuses en les invitant à s’appuyer sur les fonds prévus dans le cadre du plan de relance, mais aussi sur le plan pour la réhabilitation des friches et les fonds pour la relance de la construction durable.

Il en reste que les lois actuelles ont permis de mettre en lumière ce type d’opérations et de créer une dynamique au sein des différents acteurs concernés pour motiver chacun à s’y intéresser. Certains freins sont persistants mais le cadre réglementaire a été largement simplifié, facilitant la prise en compte des changements d’usage dans les projets d’architecture.

109_ Grand Paris Aménagement, « Meet up avec les architectes pour expérimenter le permis d’innover », 09 janvier 2018.

69 -

Figure 21 Proposition d’évolution des chambres étudiantes pour correspondre aux normes PMR

- 70

PARTIE II.2.

Loger dans le déjà-là : la contrainte technique 1. L’enjeu de la mise aux normes Les premières normes mises en place par le gouvernement datent globalement du début du XXe siècle et ont concerné en premier lieu les Établissements Recevant du Public (ERP). La multiplication des normes incendie (réglementation de 1941, arrêté préfectoral de 1980), puis d’accessibilité (Loi de 1975) ou de sécurité au travail ont eu un effet inégal mais tout de même signifiant sur les décisions de rénovation de ces bâtiments. Cette nouvelle exigence a alors eu un fort impact sur l’attractivité des immeubles tertiaires, imposant aux entreprises de s’installer dans des immeubles réglementés, donc généralement neufs.

Au début du XXIe siècle, les premières normes à caractère obligatoire touchent les ERP et bouleversent la régénération du parc. En 2003, les premières plaintes sont déposées par des victimes d’amiante, le décret du 24 décembre 1996 pour le désamiantage et le déplombage est rendu obligatoire pour toute rénovation. Ces opérations, considérées trop chères ou trop peu rentables pour les investisseurs, accélèrent le phénomène d’obsolescence des immeubles, pourtant « en état d’usage ». L’intensification des réglementations, associée à l’évolution des usages, fixe alors à 15 ans la durée d’utilisation maximale de l’immeuble sans rénovation. Les promoteurs calculent ainsi la rentabilité de leur investissement en conséquence et se voient utiliser des matériaux de construction de faible qualité et négliger les questions de flexibilité d’espaces. Le parc tertiaire ne vit alors généralement qu’un seul cycle de vie en tant qu’immeuble de bureaux.

Une fois la volonté de reconversion en logement exprimée, les bâtiments de bureaux doivent recevoir de nombreuses analyses permettant d’établir le nombre d’éléments à mettre aux normes. L’une des réglementations les plus importantes et sûrement des plus contraignantes concerne les contraintes d’accessibilité pour Personnes à Mobilité Réduite (PMR). En 1975, la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées demande à tout ERP, bâtiments d’habitations collectifs neufs et logements existants faisant l’objet de travaux de rénovation, d’être accessibles. Complétée en 2005, la nouvelle norme demande une mise en accessibilité obligatoire de 100% du bâtiment d’ici 2015 pour rattraper le retard français sur ces questions et mettre chacun des usagers sur un pied d’égalité.

Considérée par certains comme une avancée, cette réglementation est aussi souvent perçue comme une décision ne mesurant pas les conséquences économiques et spatiales engendrées par ces transformations. « Si la loi du 11 février 2005 semble si normative, c’est entre autres par la faute de 71 -

NORMES TECHNIQUES DE SÉCURITÉ

NORMES DE SÉCURITÉ INCENDIE

1976 Amiante est classé cancérigène

1941 Naissance de la réglementation incendie pour les ERP

2003 Désamiantage et déplombage obligatoire pour toute rénovation Premières déposes de plainte des victimes d’amiante

NORMES PMR

1980 Etablissement des dispositions générales du réglement de sécurité contre les risques incendies

RÉGLEMENTATIONS THERMIQUES

1975 Tout ERP construit doit être accessible Aménagements handicapés obligatoire si travaux

2000 RT 2000, -20% de consommation énergétique pour le logement, -40% pour le tertiaire

2005 Loi Handicap Mise en accessibilité du cadre de vie obligatoire d’ici 2015

2005 RT 2005, -40% de consommation énergétique pour le logement neuf

LABELS ENVIRONNEMENTAUX

2012 RT 2012, -50% de consommation énergétique pour les bâtiments neufs

2004 Introduction du concept de Haute Qualité Environnementale (HQE) 2005 Introduction du concept de Haute Performance Energétique

Grenelle 2, obligation de rénovation énergétique sur l’existant d’ici 2020 2020 RE 2020, introduit le « bâtiment à énergie positive »

2007 Introduction du concept de Concept Bâtiment Basse Consommation (BBC)

Figure 22 Type et date des réglementations

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la maîtrise d’ouvrage, qui n’ont pas su s’intéresser et interpréter la loi de 1975 qui laissait, elle, toute l’intelligence de l’interprétation en débat avec les intéressés. Si la « construction » avait envisagé dès l’époque des interrogations et des réponses intéressantes, 2005 n’existerait pas et l’intelligence collective aurait peut-être pris le pas sur l’omniprésence normative110 ».

Ainsi, l’agence d’architecture CANAL a pu mesurer l’impact de ces réglementations sur la conception d’un logement étudiant, prenant comme exemple une cellule de 6 m par 3 m, semblable à celles créées au 58-66 rue de Mouzaïa. Sur une chambre pouvant accueillir une petite cuisine de 2 m² et une salle de bain de la même dimension, l’espace de vie aurait pu occuper 12 m², comprenant un lit, un bureau et des rangements. Avec les normes PMR, la salle de bain et la cuisine doublent de surface, ne laissant plus que 6 m² d’habitabilité111. Bien que la loi soit nécessaire et d’utilité publique, il reste intéressant de nuancer certains excès réglementaires, notamment depuis le retrait des potentielles dérogations de 5% des logements depuis le 21 juillet 2009.

Une autre thématique est au cœur de la mise aux normes des immeubles de logements reconvertis. Les réglementations thermiques s’intensifient ces dernières années avec l’accélération du dérèglement climatique et s’expriment par la mise en place des RT 2000, 2005, 2012 et 2020 concernant les bâtiments neufs, puis de la loi Grenelle 2 sur l’obligation des rénovations énergétiques de l’existant d’ici 2020. La mutation des immeubles tertiaires en logements doit alors prendre en compte leur amélioration thermique, tant sur leur consommation énergétique que sur leur capacité d’isolation. De cette manière, le bâtiment réhabilité par l’agence Moatti-Rivière à Charenton-le-Pont a dû répondre aux pathologies du bâtiment du XXe siècle par des solutions techniques adaptées. Les façades sur cour s’étaient fortement dégradées avec l’humidité et ont donc dû être reprises par un enduit constitué de granulés de liège et de billes d’argiles agrégés par un liant à base de chaux. Les fenêtres ont, elles, été remplacées par du double vitrage, garantissant à la fois une bonne isolation thermique, mais aussi acoustique.

Cette mise aux normes leur a alors permis de bénéficier de la certification Patrimoine, Habitat et Environnement pour ce projet, traduisant la valorisation de leur programme de réhabilitation d’un point de vue de la qualité de l’enveloppe et des parties communes, du confort et de la performance des logements, de la sécurité incendie et de la santé des occupants. En outre, l’immeuble a pu être identifié « étiquette énergie C », un dispositif permettant d’évaluer la consommation d’énergie primaire d’un bâtiment sur une échelle de A à G (A correspondant à la meilleure performance, G à la plus mauvaise).

Finalement, au-delà des réglementations obligatoires, de nombreux architectes tentent d’obtenir des labels, permettant de promouvoir leur architecture et de garantir leurs engagements. Les certifications HQE (Haute Qualité Environnementale), BBC (Bâtiment Basse Consommation) et HPE (Haute Performance Énergétique) ont alors été mis en place pour authentifier une démarche environnementale mais demeurent trop souvent utilisées pour mettre en avant une démarche responsable qui cache une autre réalité.

110_ Xavier Berthet, chargé d’études pour un groupement de consultants en accessibilité pour tous 111_ CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? Enquête et convictions pour une requalification du logement partagé », édition CANAL, mars 2011.

73 -

Figure 23 Evolution de la trame du 42 rue du Louvre, Patrick de Jean et Jérôme Marin Architectes

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Ainsi, il est important de comprendre que les normes, bien que parfois considérées comme excessives ou à trop courte durée de vie, fond parties des contraintes de l’architecture. « Il existe une hiérarchie dans les normes : la sécurité incendie est primordiale car elle conditionne la sécurité des usagers, l’accessibilité est socialement importante pour que chacun puisse profiter des lieux, mais le classement thermique des menuiseries peut être moins pertinent dans une église ouverte à tous les vents112 ». Quoi qu’il en soit, ces normes sont parfois contestées, dérogées ou appliquées avec pertinence.

2. De la trame du bureau à la trame du logement Lors d’une transformation de bureaux en logements, l’un des premiers enjeux va concerner la mise à jour de la morphologie du bâtiment à son nouvel usage. En effet, la trame d’un immeuble tertiaire est bien différente que celle d’un immeuble d’habitation et ne demande pas les mêmes dimensions ni les mêmes usages. Lorsqu’un bureau nécessite de larges espaces de travail et une grande hauteur sous plafond, le logement préfère les espaces plus réduits et intimes, dans lequel l’usager se sent bien. De la même manière, un immeuble de bureaux n’aura besoin que de quelques espaces fonctionnels au cœur d’un plateau libre, notamment pour accueillir les sanitaires ou locaux techniques alors que chaque logement devra posséder sa propre salle de bain, sa cuisine et ses sanitaires.

Néanmoins, le processus de reconversion ne s’applique pas de la même manière sur chaque bâtiment. Il existe alors une réelle différence entre un immeuble de bureaux haussmannien, initialement conçu pour le logement, et d’autres bâtiments n’ayant jamais eu vocation à en devenir un jour. « L’immeuble de rapport est, par essence et par composition, une typologie qui permet les changements d’affectation. Même s’il a été transformé en bureaux, il n’y a pas beaucoup d’effort à faire pour retrouver l’organisation originelle113 ».

L’immeuble haussmannien ou post-haussmannien (1851-1914), représente la majorité des transformations à Paris et demeure ainsi l’une des formes architecturales les plus réversibles. Son mode constructif simple et surdimensionné, son épaisseur adéquate (de 6 à 13 mètres) ainsi que sa façade générique ont facilité ses adaptations au cours du temps et des usages. Ils sont aussi conçus, dès l’origine, pour un usage mixte avec six niveaux d’étages au maximum et un rez-de-chaussée haut de plafond pour accueillir des activités.

Au 42 Rue du Louvre, les architectes Patrick de Jean et Jérôme Marin ont alors pu s’appuyer sur les qualités originelles de l’immeuble pour retrouver son organisation initiale. La mutation du bâtiment a pu être envisagée sans qu’il faille engager des démolitions ou reconstructions très lourdes. Le gros-œuvre a donc pu entièrement être réutilisé comme tel, les façades extérieures, caractéristiques de l’époque, ont été préservées dans leur intégralité et celles orientées vers le patio intérieur ont été légèrement adaptées à leur nouvelle utilisation. La majorité des cloisonnements, support de décors et d’éléments à valeur patrimoniale, ont été conservés, parfois ajourés pour créer de nouvelles ouvertures ou comblés pour séparer les nouveaux logements.

112_ François Chatillon, architecte en chef des monuments historiques.

113_ François Brugel, architecte.

75 -

Figure 24 Evolution de la trame du 13-19 boulevard Ornano, NOMAA architectes

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De nombreuses nouvelles cloisons ont finalement été installées pour subdiviser les espaces existants, formant, à certains endroits et dans l’épaisseur du mur, des niches ou des alcôves de rangement. Les nouvelles pièces d’eau, nécessaires au fonctionnement du logement, ont ainsi trouvé leur place dans de petites boîtes insérées dans le plan existant sur un « principe d’inclusion spatiale ».

Cependant, un autre genre d’atelier-bureaux voit le jour au cours du siècle sous une tout autre forme architecturale. L’ancienne laiterie Maggi du 13-19 boulevard Ornano possède une morphologie bien loin de l’immeuble haussmannien et même de l’immeuble de logement actuel. Les étages étaient ainsi adaptés à l’accueil des différentes machineries au cours des décennies, créant d’immenses hauteurs sous plafonds ainsi que de grands plateaux dégagés. Ces dimensions, caractéristiques de l’architecture industrielle, sont permises grâce à une structure porteuse en béton, complétée de remplissages en brique. Le bâtiment était ainsi épais et profond, pris entre deux parois latérales opaques mitoyennes et n’offrait donc que deux façades dégagées sur le boulevard Ornano et sur la rue intérieure.

Les architectes Eddy Vahanian et Marc Younan de l’agence NOMAA ont alors dû adapter l’immeuble à son nouvel usage en créant des volumes additionnels pour occuper les nombreux vides, notamment ceux des deux premiers niveaux. L’exploitation des volumes par densification a permis de doubler la surface sans modifier l’enveloppe existante. Ainsi, à partir des quatre niveaux existants, les architectes ont pu en créer sept par ajout de planchers intermédiaires. Seul celui du dernier étage a été descendu et un entresol au premier étage a été créé par la démolition des quais de déchargement. Les réglementations ont tout de même pu être respectées et les hauteurs sous plafonds ne sont alors pas inférieures à 2,20 mètres pour les logements simples et 4,50 mètres pour les duplex.

L’inscription de la nouvelle trame de logements dans cette trame industrielle hétérogène a donc constitué l’un des principaux enjeux de cette reconversion. Dans un premier temps, la recherche de lumière fut l’une des principales difficultés rencontrées et a pu être résolue par suppression de la verrière centrale et par démolition d’une travée au sud, créant une large faille laissant pénétrer la lumière.Aussi les façades ont dû être adaptées pour correspondre aux nouveaux niveaux de planchers. L’interdiction de recouper les châssis en façade a donc entraîné de nombreuses complications. Ainsi, leur recomposition a concerné l’ouverture d’une majorité des travées de briques par insert d’éléments en bois, soulignant la subdivision interne, et le retrait des mezzanines intérieures des baies vitrées existantes.

Enfin, au début des années 1960, les immeubles tertiaires prennent de la hauteur et de la profondeur grâce au nouveau plan d’urbanisme directeur de l’Île-de-France. Leurs plateaux libres et façades vitrées les rendent alors moins adaptables à du logement individuel. Dès les années 1970, les principes constructifs modernes permettent d’augmenter l’épaisseur des bâtiments tertiaires, compliquant d’autant plus leur mutation. De nombreux immeubles se voient alors manquer de manière conséquente de lumière en cœur de plateau ou disposer de difficultés de re-cloisonnements. Mais ces problématiques n’ont pas concerné l’immeuble du 72-76 quai des Carrières, reconverti par l’agence Moatti-Rivière, qui « n’était pas trop épais et permettait une pro77 -

Figure 25 Evolution de la trame du 72-76 quai des Carrières, Moatti-Rivière

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grammation qui correspondait aux souhaits de la Ville et à ses critères, dans ce cas une majorité de petites typologies (T1 et T2) qui peuvent supporter des plans de logements mono-orientés114 ». Son plan simple et sa faible épaisseur ont donc permis une insertion facilitée des nouveaux logements dans la trame existante de bureaux, dont les poteaux demeurent apparents sur le plan actuel. Bien que cette typologie d’immeuble soit souvent considérée comme trop imposante, sa hauteur sous plafond lui confère un atout considérable dans la recherche d’espace et de lumière. Même après ajout d’un nouveau faux plafond sous les dalles de planchers, les hauteurs d’étages restent généreuses et plus importantes que dans du logement collectif neuf. Finalement, de la même manière que l’immeuble Ornano, le bâtiment possédait un volume bas et dense en fond de parcelle, créant un petit patio étroit et peu éclairé.

Sa démolition a alors permis de réduire la densité de l’îlot, de multiplier les surfaces de façades, d’apporter plus de lumières aux ailes intérieures et de créer un espace végétalisé.

Il est donc clair que toutes les reconversions ne se valent pas, les transformations sont aussi multiples que les morphologies des bâtiments tertiaires, c’est-à-dire infinies. Certains bâtiments sont plus à même d’accepter un nouveau programme, ce qui n’empêche pas un bâtiment que rien ne prédestine au logement d’un jour en accueillir. « Toutes les constructions actuelles ne sont pas mutables. Parfois l’effort à réaliser est tel qu’il ne faut pas hésiter à déclarer une déconstruction raisonnée. Cependant, lorsqu’un bâtiment est déjà présent, ce n’est qu’en dernier recours que viendra la décision de sa démolition, d’où l’importance d’une longue période efficiente de diagnostic architectural et technique115 ».

3. La question de la distribution De la même manière que pour la question de la trame, la distribution d’un bâtiment tertiaire est bien différente de celle d’un immeuble de logement.

Dans des bureaux, la limite entre circulation et travail est parfois floue, notamment lorsqu’il concerne le plan libre où les plateaux sont très ouverts. Au-delà de la notion d’espace, la limite peut aussi être floue dans son fonctionnement.

En effet, le dégagement est bien plus utilisé dans immeuble tertiaire que dans le logement collectif et participe réellement à la vie des usagers. Il est ainsi emprunté plus régulièrement lors d’allers-retours entre différents niveaux ou espaces d’un même plateau et peut même devenir lieu de discussion ou de repos. Les architectes lui attribuent alors généralement une place généreuse et centrale au cœur du bâtiment. Toutefois, l’immeuble de logements ne considère pas l’espace de distribution de manière aussi importante que le bâtiment tertiaire. Le dégagement est généralement bien moins emprunté puisque souvent considéré trop différent de l’espace intime et privé du logement. Il lui sera donc accordé une place plus réduite et destinée seulement à sa fonction principale, celle de desservir.

Une nouvelle fois, les bâtiments haussmanniens et post-haussmannien 114_ Maud Collignon, directrice de la construction Île-de-France, Groupe 3F. 115_ Patrick Rubin, Architecte de l’agence CANAL architecture.

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Figure 26 Evolution des distributions du 93 boulevard du Montparnasse, Atelier J. et S. Tabet d’Architecture et d’Urbanisme

Figure 27 Evolution des distributions du 78-80 rue Lecourbe, AAAB Architectes

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tireront bénéfice de leur plan générique pour leur mutation. L’ancien Ministère des Postes et Télégraphes du 93 boulevard du Montparnasse est conçu selon un plan en îlot organisé autour d’une cour centrale. Deux escaliers principaux, dont l’un, monumental et décoré de moulures, est situé en face de l’entrée principal, permettaient de desservir un large couloir périphérique intérieur autour duquel s’organisaient les différents bureaux. La transformation en logements avait donc plutôt l’air clair sur la question de la conservation de la distribution. Les architectes Jad et Sami Tabet ont ainsi fait le choix de conserver les distributions verticales, caractéristiques de l’époque, et de réutiliser le fonctionnement de la coursive existante. Les nouveaux logements ont alors pris place sur les anciennes traces des bureaux, le long des façades extérieures. Cependant, le plan atteste d’un décalage de la limite du couloir, dont le re-cloisonnement a permis de donner plus d’espace aux logements, au détriment de la coursive. Certaines ramifications permettent finalement de donner accès aux logements situés dans les angles. Les distributions ont ainsi pu être adaptées aux nouveaux usages tout en conservant leur principe d’origine.

Néanmoins, dans le cas des immeubles plus récents, le plan libre demande généralement à l’architecte de repenser l’organisation de l’espace pour retrouver des dimensions propres à l’immeuble de logements. Le bâtiment du 78-80 rue Lecourbe, datant des années 1970, est un exemple typique de cette période. Sa structure poteaux-poutres lui confère une grande liberté d’espaces, dont les grands plateaux ouverts sont ponctués de colonnes. Les étages sont distribués par trois escaliers principaux, répartis uniformément le long du bâtiment et situés de manière centrale. Les espaces ne sont alors pas réellement organisés selon une distribution claire bien que le plan existant définisse un dégagement (en bleu foncé sur la figure 25) qui distribue des pièces semi-fermées comme les salles de réunions ainsi que les pièces ouvertes de co-working. Mais la limite de cet espace demeure floue puisqu’elle n’existe pas toujours physiquement, notamment si elle était définie par des murs pleins. Nous pourrions alors considérer tout le plateau comme un espace de circulation dans lequel les usagers se déplacent de la même manière à chaque endroit. Par conséquent, sa reconversion nécessite de retrouver une dissociation entre surfaces privées et surfaces communes de circulation.

Deux des escaliers ont alors été conservés par les architectes de l’agence AAAB, et le troisième a été supprimé pour être décaler d’une trame. Les nouveaux logements ont été cloisonnés en fonction des points porteurs et organisés en série le long des façades. Les pièces arrière ont finalement pu être occupées grâce à la création de trois patios, amenant suffisamment de lumière pour y ouvrir des logements. La distribution s’est donc logiquement organisée de manière centrale par un nouveau couloir étroit, desservant chacun des nouveaux appartements étudiants.

Finalement, certains bâtiments nécessitent une réponse bien différente et propre à leur morphologie. L’ancien immeuble de bureau du 52-56 avenue Lénine à Arcueil est composé de deux bâtiments rectangulaires, liés au centre par un étroit volume saillant et clos, abritant un escalier hélicoïdal, deux ascenseurs ainsi qu’un long couloir. Dans une volonté de reconversion en logement, les architectes de l’agence TVK souhaitaient récupérer un maximum de surface pour y développer les logements. La distribution existante 81 -

Figure 28 Evolution des distributions du 52-56 avenue Lénine, TVK Architectes

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posait alors un problème d’implantation, se développant en partie dans l’enceinte des deux bâtiments et consommant, par conséquent, une surface trop importante. Les architectes ont alors fait le choix de supprimer ce volume de distribution pour épurer les volumes et les mettre en valeur. Leur dissociation a permis de former une traversée visuelle, mettant en relation la rue avec le cœur d’îlot, ainsi que la cour du groupe scolaire voisin. L’espace de circulation a ainsi pu être externalisé, formant une coursive extérieure de chaque côté des édifices et liée au centre, par un espace large d’une seule travée. Les logements ont ainsi pu prendre place dans la totalité des volumes existants, le long des façades. « La connexion des circulations extérieures à la structure optimise la surface construite sur deux modes : elle supprime toute circulation centrale pénalisante pour la surface et elle attribue les planchers existants aux studios, exclusivement116 ».

116_ TVK architectes, « Transformation d’un immeuble de bureaux en résidence étudiants », Dossier de presse, 2010.

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Figure 29 Evolution de la façade principale du 78-80 rue Lecourbe, AAAB Architectes

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PARTIE II.3.

Une architecture à domestiquer

1. Ouvertures et intimité Les immeubles de bureaux des années 1960-1970, libérés des points porteurs en façade, ont alors pu largement s’ouvrir vers l’extérieur grâce à d’immenses façades rideaux. Ces vitrages, recouvrant généralement la totalité de la surface de l’immeuble, permettent ainsi d’offrir une grande quantité de lumière et d’ouvrir les bureaux sur la ville. Toutefois, le logement nécessite une intimité que le bureau n’offre pas toujours. Certaines pièces préfèrent de plus petites ouvertures, permettant de voir sans être vu, de bénéficier d’une quantité suffisante de lumière et d’observer le paysage.

L’immeuble du 78-80 rue Lecourbe est un exemple typique des immeubles de ces années-là. Sa façade est composée d’un long bandeau de fenêtres reposant sur une allège à chaque étage, entrecoupée d’épines en aluminium. Le bâtiment possède une valeur patrimoniale dont la conception revient à Anthony Lucien Béchu, père de l’actuel architecte Anthony Emmanuel Béchu de l’agence AAAB. Lors de la transformation, la conservation de ces caractéristiques a été l’une des décisions les plus évidentes. « L’objectif a été de faire une mise à jour de ce qui avait été fait en 1968, en se demandant comment l’architecte de l’époque aurait fait. On a pu travailler avec les plans d’origine réalisés par Anthony Béchu. Le bâtiment était plutôt à l’avant-garde pour l’époque. Il fallait conserver l’harmonie et l’équilibre du style de cette époque avec l’apport de nouveaux matériaux, de nouvelles couleurs117 ». La consultation des documents graphiques du bâtiment existant ont alors permis aux architectes de reprendre les principes et les matériaux d’origine. Les lignes simples et sobres des épines ont ainsi été complétées par de nouvelles plaques de verre Emalit noir, remplaçant certaines ouvertures par un voile plein et redonnant l’intimité nécessaire aux logements. Le camaïeu de couleur existant a pu être retravaillé par l’ajout de miroirs, reflétant les jardins alentours. De l’autre côté, mitoyen à la Villa Poirier, l’intégration de trois patios a permis la création de nouvelles façades intérieures. Ces nouvelles respirations amènent ainsi de la lumière dans les pièces du fond du bâtiment, tout en gardant des ouvertures raisonnables et adaptées.

En parallèle, l’immeuble de bureaux situé à Charenton-le-Pont possède des caractères similaires au premier, pour un bâtiment de la même époque.

Toutefois, la réponse de l’agence Moatti-Rivère est bien différente. Le prin117_ Pablo Lorenzino, architecte de l’opération de transformation de l’immeuble de bureau du 78-80 rue Lecourbe en résidence étudiante, avec l’agence AAAB Architectes.

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Figure 30 Evolution de la façade principale du 72-76 quai des Carrières, Moatti-Rivière

trace de l’ancienne verrière

Figure 31 Evolution d’une des façades sur cour du 13-19 boulevard Ornano, NOMAA Architectes

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cipal enjeu de cette transformation concernait les nuisances sonores et la pollution engendrées par l’autoroute A4, située juste en bas de l’immeuble, sur le quai des Carrières. Malgré cela, son emplacement, son orientation et sa vue dégagée sur la Seine ont fait de cet immeuble un bon candidat pour une reconversion en logements. Les architectes ont alors dû chercher des solutions techniques permettant de rendre habitable cette façade sur rue. « Au départ il y a cette façade préfabriquée assez exceptionnelle (…). Elle avait été usée par le soleil et la pollution mais elle était en bon état. Cela nous donnait l’opportunité de venir jouer avec cette maille et composer notre projet118 ». En effet, la façade de 1973, dessinée par l’architecte Bernard Tourny, se développe sur la totalité des 200 mètres carrés de surface du bâtiment et est composée d’éléments préfabriqués en béton aux qualités esthétiques remarquables. Les premières propositions d’ajout de balcons et autres extensions ont donc finalement été rejetées parce qu’elles ne permettaient pas de valoriser et de réinterpréter la façade existante. Finalement, une seconde façade a été construite en retrait de 70 cm, créant un espace intermédiaire de mise à distance de la rue. Certains panneaux ont aussi été retirés pour ouvrir plus généreusement les vues et créer une rupture dans l’extrême répétition des éléments. « La suppression d’éléments anciens en béton apporte à l’élévation austère la dimension aléatoire qui lui manquait. Un nouveau rythme est mis en place sur les 260 mètres de front, en modifiant ainsi sensiblement la perception119 ». Ainsi, ce nouvel espace intermédiaire s’inscrit dans le plan comme un outil polyvalent, à la fois dispositif de réduction sonore, de gestion des apports solaires et d’amélioration thermique, permettant de domestiquer cette façade immense.

A l’inverse, le bâtiment du 13-19 boulevard Ornano nécessitait de s’ouvrir sur la ville pour rendre habitable son intérieur. L’ancien immeuble-atelier, déjà épais et coincé entre deux bâtiments mitoyens, devait alors proposer de nouvelles ouvertures pour accueillir des logements. La recherche de lumière a alors constitué la difficulté majeure de l’opération, l’immeuble n’ayant que deux façades ouvertes sur la rue. Du côté du boulevard Ornano, la façade a donc pu être simplement restaurée quasiment à l’identique, remplaçant ses fenêtres et ses baies vitrées par du double vitrage et des menuiseries en aciers. Du côté de la cour, les architectes ont fait le choix de retirer une travée au sud de sorte à laisser pénétrer la lumière et améliorer l’acoustique du patio.

L’ancienne verrière, qui recouvrait les premiers étages sur cour, ne proposait que « des vues d’une qualité altérée où le regard rebondissait de façade en façade120 » et a donc été supprimée. De nombreuses travées ont finalement remplacé les briques par du vitrage, permettant à chacun des appartements de profiter de larges fenêtres, ouvertes sur rue, comme sur cour.

118_ Carlos Alvarez, architecte de l’opération de transformation de l’immeuble du 72-76 quai des Carrières à Charenton-le-Pont en logements sociaux, avec l’agence Moatti-Rivière.

119_ Alain Maotti, fondateur de l’agence Moatti-Rivière, architecte de l’opération de transformation de l’immeuble du 72-76 quai des Carrières.

120_ YOUNAN, Marc, « Reconversion d’un immeuble industriel en logements sociaux », d’Architectures, février 2017.

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Studio : 17 m² Pièce de vie : 10 m²

Figure 32 Plan de logements du 52-56 avenue Lénine, TVK Architectes

Studio : 20 / 17 m² Pièce de vie : 11 / 9 m²

Figure 33 Plan de logements du 58-66 rue de Mouzaïa, CANAL Architecture

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2. Du répétitif à l’individuel Qu’il soit ordonné par un plan libre ou cloisonné, l’immeuble de bureaux possède des espaces qui ne sont pas adaptés aux dimensions du logement.

Leur reconversion demande alors aux architectes de recréer des cellules individuelles pour former les nouveaux espaces d’habitation. Social ou étudiant, l’appartement possède généralement des dimensions réduites pour garantir des loyers accessibles à ses occupants. L’enjeu principal demeure donc l’optimisation des espaces pour proposer des logements pratiques et ergonomiques.

Rue Lénine, l’immeuble transformé par l’agence TVK possède une forme simple dont la totalité des volumes est destinée à l’habitation. Les logements standards, de type studios, se répètent donc dans la longueur, symétriques les uns par rapport aux autres. L’espace étroit généré bénéficie toutefois d’une large ouverture en façade, donnant à l’espace un sentiment de grandeur et brouillant les limites entre l’intérieur et l’extérieur. La coursive s’inscrit alors en prolongement du logement et devient un espace extérieur commun à plusieurs étudiants. A l’intérieur, l’agencement est optimisé pour gagner de la place dans l’espace de vie. Le séjour/chambre est alors disposé à proximité directe du vitrage, apportant une vue lointaine sur le paysage ainsi qu’une quantité importante de lumière. L’espace technique se retrouve donc en fond de logement, accueillant une kitchenette en face d’un placard, ainsi que la salle de bain, liée à celle des autres appartements au centre du volume.

La qualité constructive du plan d’origine du 58-66 rue de Mouzaïa a permis aux architectes de reconvertir les plateaux en micro-logement de manière assez simple, sans modifications majeures de l’ossature. Les façades et circulations verticales ont été conservées et les niveaux ont simplement dû accueillir un nouveau cloisonnement acoustique ainsi que des réseaux fluides spécifiques à l’habitat. « Par cette rationalité constructive et des mesures conservatoires simples, les 2 bâtiments, ayant déjà vécu plusieurs occupations, sont parés à accueillir de nouvelles fonctions et, à l’avenir, peut-être à opérer une nouvelle mue : Deux bâtiments, plusieurs vies121 ». Plusieurs typologies d’habitation ont alors pu s’inscrire dans le plan, comme des studios pour jeunes actifs, des logements individuels de l’armée du salut ou encore des colocations pour 3 ou 6 étudiants. Malgré les dimensions réduites des logements, la multiplicité des ouvertures a permis aux architectes d’attribuer deux à trois fenêtres par studio et d’autant plus dans les logements plus grands. En parallèle, l’ajustement des proportions, l’attention portée aux apports de lumière, aux couleurs et aux matériaux ainsi que la réalisation d’éléments de mobilier sur mesure ont fait de ces cellules de réels logements habitables. Les espaces servants se retrouvent, comme dans le projet précédent, à l’arrière du volume pour conserver un maximum de lumière vers la pièce de vie. Enfin, de nombreux éléments sont pensés pour s’adapter au nouvel usage du bâtiment, les fenêtres retrouvent des stores occultants, les prises de courant jonchent les murs et les placards se multiplient dans chaque recoin de l’habitation.

121_ CANAL Architecture, « 2 immeubles de bureaux transformés en 288 logements, 58/66 Rue de Mouzaïa », Paris, janvier 2019.

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Figure 34 Façades en bardage bois et jardin végétalisé, 72-76 quai des Carrières, Moatti-Rivière

Figure 35 Socle habillé de mélèze, 78-80 rue Lecourbe, AAAB Architectes

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Les architectes tentent donc, dans leurs opérations de transformation, de retrouver un confort d’habiter jusqu’alors inexistant dans le bâtiment d’origine. L’optimisation et la richesse de leur réponse architecturale sont mises au centre de l’attention pour garantir le bien-être des nouveaux usagers.

3. L’importance de la matière L’adaptation des immeubles de bureaux au logement passe aussi par le travail de la matière. Les bâtiments tertiaires donnent souvent l’apparence d’une architecture brute, sobre et sérieuse. De manière à rester le plus neutre possible, les couleurs utilisées demeurent généralement froides et monotones et ne correspondent pas aux ambiances que l’on souhaite destiner à de l’habitation. Si l’on prête attention aux différentes transformations en logements, on peut alors remarquer que les architectes tentent d’apporter une atmosphère chaleureuse par l’utilisation de nouveaux matériaux et couleurs.

Sur leur opération de reconversion, les architectes de l’agence Moatti-Rivière ont travaillé avec de nouveaux matériaux pour renouveler l’image du bâtiment. Travaillée dans l’épaisseur, la seconde façade permet aux logements de bénéficier d’un espace extérieur, entre loggia et balcon, mettant à distance les logements de l’autoroute. Le bois de mélèze vient alors recouvrir l’ensemble de la terrasse et créer un sentiment d’intériorité, contrastant avec la répétitivité des éléments de béton préfabriqués. Utilisé en bardage, le relief permet d’absorber les ondes sonores et de rendre habitable cet immense immeuble. Bien que le bruit ne permette pas de s’installer sur le balcon pour se reposer, l’habitant peut tout de même sortir s’aérer. « Le bois enrichit beaucoup l’image de la façade et contribue à réduire le bruit. La loggia reste étroite car elle donne sur la A4 qui génère des nuisances à 45 db. (…) La forte contrainte acoustique a conditionné le choix de la matière d’habillage, et puisque le bois absorbe bien le bruit on s’est dit que le bois pourrait aussi créer un bel espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur122 ».

Côté cour, les architectes ont fait le choix d’utiliser le même matériau sur l’intégralité des nouvelles façades. Le nouveau bardage vient alors recouvrir l’isolation extérieure de ces ailes transformées et le patio laisse place à un nouveau jardin planté. La végétation prend alors une place importante dans l’architecture du projet, rendant le bâtiment plus à même d’accueillir du logement. Par le jeu de démolitions, la cour devient un réel parc en cœur d’îlot, au-dessus du parking, profitant aux balcons des logements périphériques.

Les loggias orientées vers l’autoroute intègrent, elles-aussi, une végétation importante dans les jardinières créées. Leur position permet à la fois de séparer les balcons d’appartements différents, de protéger les fenêtres de salle de bains des vues extérieures et de renforcer ce sentiment de domesticité.

De même, l’agence AAAB a fait le choix d’utiliser de nouveaux matériaux pour transformer l’ancien immeuble de bureau de la rue Lecourbe. Au rez-de-chaussée, de larges baies vitrées s’ouvraient sur le hall du bâtiment, 122_ Carlos Alvarez, architecte de l’opération de transformation de l’immeuble du 72-76 quai des Carrières à Charenton-le-Pont en logements sociaux, avec l’agence Moatti-Rivière.

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Figure 36 Traitement des balcons en bois et ajout de jardinières, 72-76 quai des Carrières, Moatti-Rivière

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donnant à voir tout le premier niveau. Les architectes ont alors souhaité traiter le socle de l’immeuble pour le rendre plus domestique. Le grand vitrage a ainsi laissé place à des fenêtres plus réduites et moins nombreuses, dont l’encadrement, en saillie par rapport au mur, met en valeur l’ouverture. L’utilisation d’un bardage en mélèze habille le mur du rez-de-chaussée et se poursuit sur le plafond extérieur, formant un réel socle de bois et rendant l’ensemble du bâtiment moins sévère.

L’enceinte du bâtiment a aussi été repensée pour privatiser les entrées et les espaces extérieurs de la résidence étudiante. La clôture créée est alors constituée de tasseaux de bois, fixée d’une manière qui semble aléatoire pour former une barrière semi-ouverte. Son rythme permet ainsi de créer une rupture dans la répétitivité des trames de cet immense bâtiment. Finalement, nous pouvons retrouver ce matériau à d’autres endroits du bâtiment, dans les patios ainsi qu’à l’intérieur, fabriquant un lien entre chaque entité du bâtiment.

En définitive, il semble intéressant de constater que certains architectes usent des mêmes techniques dans la transformation de bureaux en logements.

Le bois, matériau écologique et contemporain, demeure un des matériaux les plus utilisés pour rendre un espace plus domestique. Son caractère chaleureux rend les espaces plus agréables à vivre, et donc plus habitables. La végétation prend aussi une place importante dans ces reconversions. Comme le bois, elle renvoie un sentiment de proximité avec la nature, indispensable pour rompre avec l’environnement très minéral de l’immeuble de bureau et de la vie parisienne.

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PARTIE III

L’impact de la reconversion

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Figure 37 Insertion du « bloc technique » dans le plan existant, 42 rue de Louvre, Patrick de Jean et Jérôme Marin Architectes

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PARTIE III.1.

Conserver et réinterpréter

1. Le respect des lieux « Créer dans le donné architectural est sans conteste, parmi les nombreuses tâches qu’exigent nos monuments anciens, l’une des plus difficiles, et les débats acharnés, les jugements sévères, les opinions tranchées issus de telles actions en sont le témoignage parfois douloureux123 ». En effet, dans l’architecture, seules les opérations de transformation questionnent un rapport direct à l’existant. La création touche alors à des éléments passés, parfois ancrés dans une histoire commune. Ainsi, le travail de l’architecte se veut délicat, s’intéressant à une architecture qui sera, par certains, considérée comme un héritage signifiant. Il devient donc nécessaire de comprendre son histoire pour pouvoir évaluer les éléments à conserver ou à mettre en valeur. « Il faut étudier l’espace, les matériaux, le style du bâtiment et son contenu et réfléchir ensuite aux moyens de promouvoir et de développer la perception et l’appréciation de ce qui est donné, afin de préserver l’aura du lieu et d’atteindre à un équilibre entre ancien et nouveau124 ». Selon les architectes et les projets, ces interventions peuvent alors s’exprimer par des attitudes variées.

Au 42 rue du Louvre, le retour du bâtiment à son état initial semblait chose aisée, mais l’enjeu se retrouve ailleurs. Les architectes ont cherché à valoriser son patrimoine architectural issu de l’époque haussmannienne tout en l’adaptant aux exigences du confort d’aujourd’hui. La conservation des volumes existants a alors permis de donner à voir les éléments de décor que l’immeuble proposait. Ne cherchant pas à entrer en rupture avec l’écriture architecturale passée, certaines pièces techniques ont été insérées dans le plan sous forme de petites cellules. Détachées du plafond, ces nouvelles pièces laissent apparaître les anciennes moulures, caractéristiques de la période. Les cuisines, salles de bain et rangements prennent alors place dans des volumes sobres qui ne se veulent pas ostentatoires, pour laisser toute sa grandeur à l’architecture haussmannienne.

Lorsqu’ils ne sont pas restaurés à l’identique, certains éléments sont réinterprétés pour trouver un nouvel usage adapté au nouveau programme.

D’anciennes portes, servant à passer d’une pièce à l’autre, ont alors été réutilisées comme fermetures de placard, lorsque le mur adjacent a été comblé.

Les architectes de l’agence Patrick de Jean et Jérôme Marin ont alors, à chaque endroit, tenté de redonner une seconde vie aux détails du bâtiment existant entre restauration, mise en valeur et réinterprétation, pour intégrer 123_ MAHEU-VIENOT, Isabelle, « Créer dans le créé, l’architecture contemporaines dans les bâtiments anciens », Electa-Moniteur, Paris, 1986, p. 8.

124_ Ibid.

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Figure 38 Détails caractéristiques de l’architecture « brutaliste », 58 rue de Mouzaïa, CANAL Architecture

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une part d’histoire dans ce nouvel immeuble de logement. « Le projet s’inscrit dans un processus de réanimation où s’associent à la fois des questions historiques et contemporaines. La réussite réside dans l’alliage entre histoire et modernité125 ».

D’une toute autre époque, les bâtiments de la rue de Mouzaïa n’en sont pas moins des témoins d’un patrimoine à conserver. L’immeuble du n°58, conçu par les architectes André Remondet et Claude Parent, est l’un des exemples de l’architecture « brutaliste », courant majeur de la seconde moitié du XXe siècle. Son expression esthétique se traduit par l’utilisation dominante du béton, matériau extrêmement plastique, rendant possibles de nombreuses solutions techniques. Celles-ci ont ainsi permis aux architectes de concevoir des parties saillantes nommées « dents de mammouth », de proposer de grandes courbes sur les tourelles et à l’entrée du parking et de travailler une texture crénelée sur leur béton. La restauration du bâtiment a alors consisté en la réparation et le nettoyage des bétons, la conservation des effets graphiques et sériels et la mise en valeur des matériaux bruts par utilisation de menuiseries en chêne. De même, au n°66, l’utilisation de nouvelles menuiseries aluminium fait écho à l’écriture industrielle des ateliers d’origine.

En parallèle, la protection patrimoniale des façades a induit la création d’une enveloppe thermique intérieure, n’affectant à aucun endroit les éléments à conserver. L’isolation intérieure a été complétée par le remplacement des menuiseries, l’intégration d’une toiture végétalisée ainsi que la création de stores extérieurs, améliorant considérablement les performances thermiques du bâtiment.

Enfin, entre 2012 et 2013, de nombreux artistes ont investi le bâtiment du 58 rue de Mouzaïa, jusqu’alors abandonné. Le squat nouvellement créé, baptisé le BLOC, a permis de faire vivre culturellement le quartier pendant un temps et de défendre le droit au logement. La prolifération des œuvres murales subsistantes a été considérée par les architectes comme une richesse, investissant l’ensemble du bâtiment, de la toiture aux sous-sols. « Après inventaire, le projet de réhabilitation vise à conserver la trace de cette période de l’histoire du bâtiment, qu’il ne s’agit ni de renier, ni de glorifier, mais de considérer comme un déjà-là ludique et poétique126 ».

2. Des logements singuliers L’intérêt de la reconversion se retrouve aussi dans ce qu’elle apporte de singulier au programme nouvellement créé. Ici, la formule « form follows function » ne s’appliquant pas, le nouvel usage doit se plier à la morphologie du volume préexistant, donnant parfois des espaces insoupçonnés. A l’inverse des grands ensembles, la réhabilitation doit s’adapter, à chaque endroit, aux contraintes imposées par un bâtiment qui a déjà vécu un premier cycle. Là où les immeubles HLM proposent des logements répétitifs et calqués sur des modèles classiques, la reconversion peut offrir des appartements particuliers, dont l’attention aura été portée de manière individuelle.

125_ François BRUGEL, architecte, dans « Reconversion de bureaux en logements », CAUE Ile-deFrance 126_ CANAL Architecture, « 2 immeubles de bureaux transformés en 288 logements, 58/66 Rue de Mouzaïa », Paris, janvier 2019

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Figure 39 Géométrie complexe d’un appartement, 13-19 boulevard Ornano, NOMAA Architecture

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Sur le quai des carrières, l’ancien immeuble de bureaux transformé par l’agence Moatti-Rivière possède un plan pourtant simple, dont les contraintes ne semblaient pas rendre difficile la conception des nouveaux espaces. Pourtant, il en reste que les architectes ont réussi à proposer une grande diversité de typologies de logements, allant du studio au T5. Dans les deux ailes orientées sur le cœur d’îlot, chaque appartement est unique et les solutions apportées diffèrent toujours d’un logement sur l’autre en raison de l’emplacement des poteaux. Le résultat offre alors des espaces plutôt atypiques et variés, bien plus intéressants que des logements standardisés. Les logements familiaux bénéficient d’une double orientation et presque toutes les salles de bain sont éclairées naturellement, ce que l’on retrouve rarement dans une construction neuve.

En parallèle, de nombreux éléments historiques ont pu être conservés, lorsque leur état le permettait, et ont été intégrés dans l’aménagement. Les anciennes cheminées et escaliers ont été mis en valeur et certaines portes aux boiseries de qualité, découvertes au cours du chantier, ont retrouvé leur place d’origine. Les architectes ont donc tenté de composer avec ce que le bâtiment avait à offrir pour mettre en avant des logements confortables et inhabituels.

Sur le boulevard Ornano, rien ne prédestinait l’ancienne laiterie à accueillir un jour des appartements. Il a fallu insérer de nouveaux planchers dans la structure en béton et proposer une toute nouvelle densité adaptée.

Les architectes ont ainsi pu entamer une réflexion quant à l’insertion des volumes pour espérer faire naître des logements confortables et fonctionnels. « Une attention particulière a été apportée à chaque logement pour en optimiser le confort, les qualités spatiales et qualités d’usage. Pour domestiquer l’édifice existant qui présentait de nombreuses contraintes d’enveloppe, il a fallu s’insérer, glisser entre ses structures, en plan comme en coupe127 ».

Le plan se traduit ainsi par la réalisation de 85 logements différents, de plein pied ou en duplex. Les géométries sont atypiques par la dilatation de certains volumes pour compenser les contraintes imposées par l’existant.

Les circulations intérieures prennent place entre ces nouvelles structures et forment entre elles un parcours ludique, offrant des points de vue inattendus en contre-haut ou en contre-bas. Les architectes ont fait le choix de traiter l’intégralité des surfaces avec une peinture blanche renvoyant la lumière pour offrir des espaces lumineux et généreux. Les contraintes ont donné aux architectes une opportunité d’inventer des espaces atypiques, dont la géométrie complexe, bien que minimaliste, a permis de proposer « 85 maisons prêtes à accueillir 85 foyers différents128 ».

Pour François Chatillon, architecte en chef des monuments historiques, travailler dans l’existant est donc une aubaine pour la liberté d’imagination. « Je dois dire que je me sens plus libre avec l’existant. Je peux, par exemple, faire une chambre de 30 m² car il n’y a qu’une fenêtre. Quand la page est « blanche », les contraintes sont souvent plus fortes […]. Dans l’existant, la liberté réside dans la contrainte. Et c’est de subjuguer cette contrainte qui me rend libre129 ».

127_ Eddy Vahanian et Marc Younan, Architectes chez NOMAA Architecture.

128_ Ibid.

129_ CANAL Architecture, « Transformation des situations construites », Paris, juin 2020.

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PARTIE III.2.

Une ressource inexploitée ou inexploitable ?

1. Aspects réglementaires, politiques et territoriaux Malgré le potentiel indéniable de ces bâtiments, ces transformations demeurent des cas particuliers et ne représentent malheureusement pas le sort de la majorité des immeubles tertiaires du pays. Entre 2001 et 2020, seulement 400 à 500 logements ont pu être créés par an, dans une ville qui en compte 1,4 million et dans laquelle 1,5 million de m² de bureaux sont créés chaque année. Ainsi, même si le pourcentage de surface transformé est plus important sur la dernière décennie, les engagements politiques demeurent trop faibles quant à l’importance des enjeux représentés.

En premier plan, la loi Elan de 2018, attribuant un bonus de constructibilité pour les transformations de bureaux en logements, est soumise à l’approbation des maires. Le représentant de la ville a alors toujours la main sur le permis de construire. Par conséquent, si la commune ne donne pas son accord, le promoteur ne se verra pas octroyer son permis. En plus du changement d’affectation, les opérations de reconversion supposent parfois de déroger aux règles du plan local d’urbanisme lorsqu’elles impliquent une surélévation ou une densification. Les procédures administratives se montrent donc décourageantes pour de nombreux investisseurs, notamment face au manque de volonté des communes de s’impliquer dans une démarche de transformation et d’évolution. En cause, la volonté de garder une bonne image auprès de leurs habitants pour ne pas être vues comme des « bétonneurs » ou de ne pas devenir des « villes dortoirs » en conservant une certaine attractivité sur leur territoire.

En parallèle, la loi SRU pèse dans la balance puisque la transformation d’un immeuble dont la surface est supérieure à 800 m² entraîne automatiquement la création de 30% de logements sociaux au sein du bâtiment. Les investisseurs sont alors parfois réticents quant à la rentabilité de ces reconversions en logements, fragilisée par cet équilibre économique, et préfèrent les reconvertir en hôtel ou en logement étudiant. Finalement, la transformation de bâtiments tertiaires demeure aujourd’hui limitée aux villes où il existe un faible attrait pour les bureaux. En effet, ces immeubles permettent davantage de recettes pour les communes, avec la collecte de la taxe foncière et des taxes professionnelles, tandis que les logements génèrent des coûts importants si l’on prend en compte les équipements (crèches, écoles, parcs…) à mettre en place pour les nouveaux habitants.

A côté de ça, la localisation de ces immeubles joue un rôle très important dans la décision de reconversion des investisseurs. De nombreux bâtiments - 102

de bureaux vides ne sont pas situés dans des quartiers résidentiels et sont donc confrontés à un environnement sonore à priori désagréable pour la vie d’un habitant. Comme pour Paris et le quartier de la Défense, les immeubles situés dans les quartiers d’affaires d’Eurallile, de l’Arena à Nice ou encore de Lyon Part-Dieu, ne rendent pas simple leur transformation et impliquent alors une réflexion à bien plus grande échelle, et notamment celle du quartier. En plus de la complexité de l’opération, la plus-value accordée aux bâtiments après transformation est très aléatoire et effraie les promoteurs qui se demandent qui pourrait accepter de vivre dans ces endroits.

Pour finir, sur le grand nombre d’immeubles vides, seule une partie concerne une vacance due à l’obsolescence du bâtiment. Le reste demeure donc potentiellement réutilisable en tant que tel ou sera réhabilité en conservant le même usage. L’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise en Île-de-France estime donc qu’il existe seulement un peu plus de 800 000 m² vacants depuis plus de quatre ans, et donc réellement disponibles pour une transformation. Aussi, une large partie des surfaces vacantes ne concerne pas nécessairement des immeubles vides mais des plateaux au sein d’immeubles plus ou moins remplis, qui ne peuvent pas assurément être reconvertis en logements. Les surfaces disponibles pour une reconversion ne représentent donc pas la majorité des bâtiments de bureaux vacants mais il n’en est pas moins nécessaire de reconvertir ces quantités de surfaces délaissées pour pallier aux manques des villes.

2. Aspects techniques et architecturaux Un autre frein à ces reconversions concerne la typologie de l’immeuble impliqué, la transformation étant plus ou moins complexe selon sa trame et sa conception d’ensemble. La difficulté de l’opération dépend donc en grande partie de la génération du bâtiment sur lequel l’architecte souhaite travailler.

Dans Paris, la plupart des constructions datent de l’époque haussmannienne, le seul enjeu consiste à leur rendre leur destination d’origine. Bien que leur façade porteuse ne laisse pas une grande liberté de création, leur morphologie, leur distribution et leurs ouvertures en font d’évidents acteurs à une reconversion. « Si vous êtes sur un immeuble haussmannien, initialement construit à usage de logements, qui a ensuite été transformé en bureaux, ce n’est pas très difficile. Cela représente un certain coût, mais on sait faire130 ».

Cependant, les immeubles des quartiers d’affaires des grandes villes, construits lors des cinquante dernières années possèdent des contraintes très importantes, souvent insoupçonnées, qui se montrent parfois rédhibitoires pour les investisseurs. « Quel avantage tirer d’une façade rideau thermiquement absurde, d’une toiture terrasse inaccessible encombrée d’extracteurs, d’un corps central trop épais ou trop maigre, de circulations verticales sans lumière, d’une orientation difficile, d’un soubassement inexistant, d’une triste cour anglaise, d’un sous-sol démesuré, d’annexes solitaires désœuvrées, de fenêtres à petits bois de quatre mètres de haut lorsqu’on cherche à rentabili-

130_ Philippe Jung, directeur général du promoteur Demathieu Bard Immobilier.

103 -

13 m

20 m

Figure 40 Epaisseur standard d’un immeuble de logement et d’un immeuble de bureau

2,5 m

3,3 m

Figure 41 Hauteur sous plafond standard d’un immeuble de logement et d’un immeuble de bureau

- 104

ser les mètres carrés ?131 ».

En effet, sur le papier, l’immeuble de bureaux effraie par son envergure et ses immenses façades. Son épaisseur de 20 mètres est bien loin de celle du logement, de 13 mètres en moyenne, et sa hauteur sous-plafond ne permet ni de diviser un étage en deux, ni d’obtenir une hauteur conventionnelle sur un niveau. Ainsi, produire des appartements dans une trame de bureau demande de concevoir des espaces plus profonds et plus hauts qui mènent parfois à des difficultés d’éclairement dans les pièces du fond. Aussi, les nombreuses crises et confinements vécus par les français ont entraîné la demande importante pour les ménages de bénéficier de grandes ouvertures et d’espaces de vie extérieurs, non prévue dans la typologie d’origine de l’immeuble de bureau. Finalement, l’insertion des cages d’escaliers, d’ascenseurs ou de pièces humides sont autant de contraintes supplémentaires qui freinent les promoteurs à investir dans ces immeubles.

La morphologie de l’immeuble de bureaux des années 1970 le rend donc plus difficilement adaptable à du logement que le bâtiment haussmannien. Toutefois, son plan libre permet une bien plus grande liberté dans la conception des nouveaux espaces, dont le cloisonnement et le rythme des façades devront être entièrement pensés par l’architecte. Mais s’ils reconnaissent que la transformation de bureaux en logements est utile, beaucoup de promoteurs ont encore du mal à y voir une solution durable, notamment à cause de la contrainte technique.

3. Aspects économiques et financiers Pour les investisseurs, l’immobilier tertiaire est bien souvent plus lucratif que le logement suivant le quartier, et plus facile à gérer. Même lorsqu’ils sont rendus obsolètes, les bureaux conservent une forte valeur. Ainsi, « il est moins impactant d’avoir un peu de vacance dans son portefeuille que de dégrader un actif et de le revendre au prix de marché. D’autant que la valorisation d’un bureau se fait sur sa surface utile : on intègre par exemple les surfaces de couloir dans le loyer. Pour le logement, seule la surface habitable est prise en compte132 ». Les gros propriétaires ont alors davantage intérêt à accepter cette vacance, voire à concéder une baisse des loyers plutôt qu’à dégrader la valeur de leurs biens par une transformation.

Finalement, même lorsque l’opération est possible, elle n’est pas toujours directement rentable, la transformation coûtant au moins aussi cher que la démolition et la reconstruction selon le cadre géographique, économique et fiscal du bien. Dans un premier temps, de nombreux bâtiments tertiaires sont obsolètes au regard des nouvelles normes environnementales et dont la rénovation énergétique nécessiterait de coûteux investissements. De plus, cette mise aux normes est aujourd’hui entravée par différentes contraintes et notamment celle du patrimoine historique, qui gêne souvent la modification de l’aspect extérieur du bâtiment. D’autres sommes devront aussi être déboursées pour respecter les réglementations thermiques, acoustiques et 131_ CANAL Architecture, Op. Cit. 132_ Alexandre Chirier, président de la foncière Action Logement.

105 -

HISTORIQUE

CONTRAINTES

INNOVATION / SIMPLIFICATION

TÉMOIGNAGE

MARCHÉS IMMOBILIERS

QUEL POTENTIEL EN ILE-DE-FRANCE ?

TRANS

UNE ÉQUATION INSOLUBLE ?

COMMUNES OÙ LE DIFF DU BUREAU EST LE

DIFFÉRENTIEL ENTRE LES LOYERS DE BUREAUX ET DE LOGEMENTS* EN ÎLE-DE-FRANCE À fin 2020, en €/m²

À Paris et en 1

Paris

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1,2,7,8,9,16,17

100 à 200 50 à 100

+ 204 à + 343 €

20 à 50

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+ 23

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MARCHÉS IMMOBILIERS

QUEL POTENTIEL EN ILE-DE-FRANCE ?

TRANSFORMATION DE BUREAUX EN LOGEMENTS UTOPIE OU VÉRITABLE OPPORTUNITÉ ?

MARCHÉS IMMOBILIERS

QUEL POTENTIEL EN ILE-DE-FRANCE ?

TRANSFORMATION DE BUREAUX EN LOGEMENTS UTOPIE OU VÉRITABLE OPPORTUNITÉ ?

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Vitry - 67 € COMMUNES OÙ LE DIFFÉRENTIEL EN FAVEUR DU BUREAU EST LE PLUS IMPORTANT COMMUNESÀ OÙ ParisLE et DIFFÉRENTIEL en 1ère couronneEN FAVEUR DU BUREAU EST LE PLUS IMPORTANT

RANCE

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- 33 € Sources : Knight Frank, OLAP /*Parc locatif privé

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Sources : Knight Frank, OLAP /*Parc locatif privé

17 17

COMMUNES OÙ LE DIFFÉRENTIEL EST À L’AVANTAGE DU LOGEMENT À Paris et en 1ère couronne

Figure 42 Vitry Créteil Différentiel entre les loyers de bureaux et de en Ile-de-France - 67logements € Bagnolet - 40 € (fin 2020, en €/m²) - 33 € Sources : Knight Frank, OLAP /*Parc locatif privé 17

NK

- 106

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À Paris et en 1ère couronne

1,2,7,8,9,16,17 INNOVATION / SIMPLIFICATION TÉMOIGNAGE 1,2,7,8,9,16,17 KNIGHT FRANK

E ÉQUATION OLUBLE ?

Crét

d’accessibilité. Dans un second temps, l’adaptation d’un immeuble tertiaire en logements nécessite la création d’espaces extérieurs et la multiplication des pièces humides, qui, quand bien même sont envisageables dans le plan existant, participent à l’augmentation du coût de l’opération.

Mais cette question de rentabilité financière reste à nuancer. D’abord, le facteur temps entre en jeu dans le calcul financier de ces opérations. « Contrairement à ce que l’on dit, la réhabilitation coûte – en bilan global – moins cher que la construction neuve et dure moins longtemps pour sa mise en œuvre qu’une démolition-reconstruction133 ». Il devient aussi nécessaire de réfléchir à une bien plus large échelle et de comprendre que ce « prix » n’implique pas seulement les promoteurs. Ainsi, selon l’architecte, urbaniste et enseignant à l’ENSA Belleville Philippe Prost, « quoi que l’on fasse, on est dans une œuvre collective : on intervient toujours sur quelque chose qui préexiste à votre arrivée et qui existera après votre départ. […] La transformation a lieu à toutes les étapes (projet, chantier, usage, mise aux normes…) tout le temps. […] Lorsque l’on construit, on modifie toujours une situation, on n’intervient jamais sur une page blanche134 ».

Il est important pour tous les acteurs de ces opérations de se voir, parfois, comme de simples citoyens du monde pour comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de rentabilité. Néanmoins, la société actuelle ne permet pas de réfléchir d’une telle manière et entraîne donc, bien trop souvent, des actes guidés par une vision économique, rapide et efficace.

Ainsi « sur les 2 000 immeubles de notre patrimoine, certains sont frappés d’une obsolescence géographique, technologique, voire les deux, avec des taux d’occupation très bas alors même que l’Île-de-France est en fort déficit de logements. Mais on constate que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt collectif ; sur ce type de projet de transformation, la difficulté et le coût élevé de transformation priment malheureusement trop souvent, et cela au détriment du bien commun y compris environnemental et sociétal135 ».

133_ Paul Chemetov, architecte-urbaniste.

134_ CANAL Architecture, Op. Cit. 135_ Xavier Lépine, Président du directoire, groupe La Française.

107 -

Figure 43 Implantation du projet dans son quartier, 72-76 quai des Carrières, Moatti-Rivière

Figure 44 Implantation du projet dans son quartier, 42 rue de Louvre, Patrick de Jean et Jérôme Marin Architectes

- 108

PARTIE III.3.

Vers une conception évolutive ?

1. Le quartier à mixité fonctionnelle

De tout temps, les bâtiments ont évolué. La transformation des immeubles de bureaux est donc aujourd’hui inévitable, mais peut être simplifiée par l’évolution des cadres : cadres de vie et cadres bâtis136. La ville s’est alors toujours fabriquée autour de deux tendances contraires, celle de la spécialisation et celle de la mixité. La tendance à la spécialisation vise à limiter les difficultés de cohabitation, notamment pour réduire les nuisances sonores ou liées à la pollution mais aussi pour garantir une certaine efficacité dans les missions réalisées. En parallèle, la tendance à la mixité fonctionnelle permet de maintenir une cohésion spatiale entre les différentes fonctions de la ville, notamment pour limiter l’utilisation des moyens de transport.

Cependant, comme nous l’avons compris, la mono-fonctionnalité des quartiers peut constituer une limite à leur évolution, rendant notamment difficile l’inclusion d’un programme de logement dans un quartier d’affaires.

Aussi, dans un double enjeu d’égalité et de développement durable, la mixité pourrait permettre d’assurer une cohésion sociale, de limiter les écarts de développement entre les territoires, de diminuer les risques de violences urbaines, de réduire les besoins de déplacement et enfin de limiter la pollution atmosphérique. Ainsi, pour espérer tendre à une ville diversifiée et durable, la mixité sociale et programmatique apparait comme l’une des voies pour transformer les quartiers. « La mixité fonctionnelle est considérée depuis de nombreuses années en France par les acteurs de la ville comme une source d’animation urbaine et d’activité économique dans un site, dès lors que celuici est bien desservi par les infrastructures de transport. […] En principe, elle va aussi de pair avec une augmentation du sentiment de sécurité pour les usagers137 ».

Dans un espace déjà dense et urbanisé, la réhabilitation permet de régénérer la ville en intégrant de nouveaux programmes dans un quartier qui n’en accueillait pas. L’extension des villes permet alors aujourd’hui de proposer un nouveau mélange des fonctions. « Il y a 50 ans, les bureaux se sont construits majoritairement en première périphérie des villes, sur des fonciers moins coûteux que ceux qui accueillaient du logement. Aujourd’hui les villes ont grandi et les quartiers d’immobilier d’entreprise ont été rattrapés 136_ PONCHAUX, Alice, « Babel obsolète, la transformation des bureaux dans le Grand Paris », Mémoire de fin d’études, 2017.

137_ MIALET, Frédéric, « Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique », Bâtiments exemplaires, Octobre 2011.

109 -

résidence

foyer

Figure 45 Mixité d’usage, 93 boulevard du Montparnasse, Atelier J. et S. Tabet d’Architecture et d’Urbanisme

- 110

par les quartiers d’habitat. Mais le PLU, en général, maintien des zonages de bureaux alors que le moment serait venu de créer de la mixité d’usage138 ».

A Charenton-le-Pont, le Quai des Carrières, longé par l’autoroute A4, accueille depuis longtemps d’immenses immeubles de bureaux et sièges d’entreprises. Elle fait partie des communes les plus denses de la banlieue parisienne et est traversée de part en part par des voies de chemin de fer. Rien ne prédestine donc réellement le quartier à accueillir du logement. Cependant, sa proximité avec Paris et son accessibilité le rend particulièrement intéressant pour y développer de nouveaux appartements. Ainsi, le projet de l’agence Moatti-Rivière vient proposer une nouvelle mixité en intégrant un programme de logement, à proximité d’immeubles tertiaires.

Au-delà de la mixité programmatique, les reconversions permettent de redonner une place au logement social en plein cœur des villes pour faire face à leur exclusion permanente en périphérie. Le projet des architectes Patrick de Jean et Jérôme Marin en est un exemple concret, intégrant un programme de logements sociaux dans un immeuble bourgeois. Par définition, les bâtiments haussmannien étaient donc destinés aux populations les plus aisées, et notamment sur la rue du Louvre, le long de laquelle nous pouvons retrouver la Bourse du commerce dans l’ancien palais Brongniart, l’architecture éclectique de l’ancienne Mairie du 1er arrondissement ou encore le palais du Louvre. Cette opération a ainsi permis de donner une place de choix pour ces nouveaux logements, au sein d’un quartier dont la richesse culturelle est remarquable.

La reconversion en logements se caractérise alors comme une méthode d’acupuncture, intervenant à de plus ou moins large échelle et sur différents points de la ville, visant à la rendre plus mixte et plus inclusive.

2. Mutualisation des programmes La reconversion peut aussi permettre de mutualiser les programmes au sein d’un même immeuble. Comme pour un quartier, sa mono-fonctionnalité peut être remise en cause. De nombreux avantages sont reconnus dans l’imbrication de différents programmes, notamment entre des lieux d’activité et des habitations, par les acteurs de la construction tertiaire. « Lorsqu’un secteur est en crise, un immeuble de bureau peut se vider, ce qui ne sera pas le cas pour un immeuble mixte139 ». Aussi, cette mixité présente l’avantage de mutualiser certains besoins respectifs communs, complémentaires par leurs créneaux horaires d’usages différents. Le nombre de places de parking peut alors être optimisé et chaque espace peut bénéficier d’un échange de chaleur, les bureaux ou commerces étant occupés la journée et les logements la nuit.

Sur le Boulevard du Montparnasse, les logements étudiants et 138_ Michèle LARUË-CHARLUS, Directrice générale de l’aménagement de la ville de Bordeaux et de la Métropole 139_ ROUX, Alain, « Les immeubles mixtes, alternative au zoning ? », Le nouvel économiste, 08/06/2010, http://www.liberation.fr/france/2015/10/13/emine-iskenderov-les-tours-de-passe-passe-dun-promoteur-russe_1403355.

111 -

103 logements étudiants 65 logements jeunes travailleurs

6 000 m²

2 600 m²

1 000 m²

106 logements pour l’Armée du Salut

14 logementsateliers d’artistes 90 places de co-working

équipements potentiels en sous-sol

900 m²

6 000 m²

Figure 46 Mixité d’usage, 58-66 rue de Mouzaïa, CANAL Architecture

- 112

jeunes travailleurs se développent sur les étages du bâtiment du n°93. Mais son rez-de-chaussée et ses premiers niveaux accueillent aussi un foyer d’hébergement pour personnes atteintes de troubles autistiques. En effet, la France fait face à un manque criant de places d’accueil et d’hébergement pour adultes vivant avec l’autisme, plaçant de nombreuses familles dans une situation d’isolement et d’impuissance. Ainsi, dans une même volonté sociale, les habitations à loyer modéré sont complétées d’un service social, desservi à l’arrière du bâtiment, par la rue Péguy.

Dans une dynamique différente, rue de Mouzaïa, le projet intègre un programme tout aussi mixte que le public qu’il accueille. Si les étages du n°58 sont consacrés à des logements étudiants du Crous et jeunes travailleurs, son rez-de-chaussée propose 14 logements-ateliers pour artistes et le n°66 est dédié à des logements pour l’Armée du Salut. Le rez-de-jardin accueille, lui, 1 000 m² de coworking ainsi qu’un FabLab. Enfin, les trois niveaux de soussols, desservis par une double rampe hélice, ne sont pas encore occupés mais présentent un potentiel de 6 000 m² de plancher, exceptionnel à Paris, destiné à des lieux de création, d’échanges ou de médiation, ou encore à un « rand atelier pluridisciplinaire ouvert sur le quartier140 ». Ainsi, la reconversion de cet ancien immeuble de bureau s’inscrit dans une dynamique plus large de requalification urbaine, induite par sa proximité avec la Place des Fêtes et des maisons ouvrières du quartier de Mouzaïa. La mixité fonctionnelle et sociale prévue participe alors au regain de vitalité du secteur. Les espaces créés font aussi écho au passé artistique du lieu, formant un ensemble riche et cohérent.

Finalement, ces opérations de reconversion, s’opérant en zones plutôt denses, permettent de valoriser les surfaces disponibles en intégrant différents programmes sur la même parcelle. Les logements se retrouvent souvent dans les étages, les mettant à distance des nuisances de la rue. Les services, commerces et bureaux préfèrent eux se développer sur les niveaux les plus bas, pour un souci d’accessibilité et de visibilité.

3. Construire réversible Le principe de transformation de bureaux en logements existe depuis la première crise immobilière dans les années 1960. « Mais si la transformation du bâti ne date pas d’hier, qu’en est-il de l’anticipation des évolutions dès la conception ?141 ». Cette fois-ci, la nouveauté consiste à prendre en compte la potentielle reconversion des bureaux dès leur construction. En effet, « actuellement les bureaux sont extrêmement « bureaux », les logements sont extrêmement « logements »142 ». Si nous avons tant besoin de réhabiliter l’existant pour l’adapter à de nouveaux programmes et modes de vies, pourquoi ne pas l’envisager dès la conception ?

De nombreux architectes se sont alors posé la question de la 140_ CANAL Architecture, « Bureaux – Logements, Transformation 58 Rue de Mouzaïa, Paris XIXe », Archibooks + Sautereau Editeur, Paris, 2021.

141_ CANAL Architecture, Op. Cit., 2017.

142_ François Leclerc, architecte-urbaniste.

113 -

réversibilité. Dans leur publication « Construire réversible », l’agence CANAL définit cette pensée comme « une anticipation recréatrice de l’architecture, repensée à l’aune de nos manières d’ « habiter »143 ». En effet, pour Frédéric Druot, architecte, il ne s’agit pas nécessairement de « répondre à toutes les contraintes dès le départ, mais [de] laisser la possibilité d’ajouter des éléments dans le temps pour répondre à de nouveaux programmes ». La réversibilité serait donc un moyen de limiter l’obsolescence des bâtiments en imaginant différents scénarios pour leur futur. Dès la conception, il suffirait de créer une enveloppe capable d’évolution, dans laquelle la structure bâtie pourra être recyclée.

D’un point de vue technique, le défi n’effraie pas tellement les architectes. Pour Anna Cremnitzer144, « ce n’est pas si compliqué. On le voit avec l’immeuble haussmannien. Les questions d’épaisseur jouent beaucoup ».

Bien que l’accumulation des normes et réglementations se veulent souvent contradictoires suivant les programmes, l’agence CANAL a commencé par identifier ces différences en proposant des « « compromis gratifiant » qui tendent à rendre compatible ce qui semble ne pas l’être, en offrant mieux, ou plus, au différents « modes d’habiter », ou usages, envisagés145 ». Ainsi, leur ouvrage présente un projet fictif, dont la proposition est à envisager comme un outil appropriable, d’un immeuble réversible du bureau au logement. Entre autres, les architectes définissent une épaisseur moyenne de 13 m, amenant un éclairage naturel et traversant, une hauteur d’étage de 2,70 m, juste équilibre entre les 3,30 m conventionnels du bureau et 2,50 m du logement, ainsi qu’un circulation développée sur des placettes et pontons extérieurs.

Dans une structure poteaux-dalles, maximisant la flexibilité des plateaux, l’enveloppe permettrait d’être transformée en modifiant moins de 30% des composants.

Patrick Rubin estime donc que « techniquement, on sait faire. Mais les questions de fiscalité, de législation et d’urbanisme restent compliquées146 ».

En effet aujourd’hui, le droit constitue l’un des principaux obstacles, notamment face à la rigidité des permis de construire qui fige la destination dans le temps.

Toutefois, de très récentes lois s’attachent à faire évoluer ces problématiques.

En 2020, la convention citoyenne pour le climat propose d’intégrer un volet « réversibilité » pour évaluer le changement d’usage lors du dépôt du permis de construire. Dans la même dynamique, l’article 52 du projet de loi Climat et résilience de 2021 stipule que « les bâtiments dont le permis de construire est déposé après le 1er janvier 2023 font l’objet, avant leur construction, d’une étude potentielle de réversibilité et d’évolution future ».

En parallèle, la question économique est toujours au cœur des débats.

En effet, la réversibilité moyenne a un surcoût de 5 à 20% au moment de la construction, ce qui effraie les investisseurs, bien que la rentabilité soit efficiente sur le long terme, au moment où le bâtiment devra être transformé. « L’enjeu du réversible est de construire pour le long terme, la durabilité.

N’importe quel bâtiment peut être transformé, mais à quel prix ? Dans la 143_ CANAL Architecture, Op. Cit., 2017.

144_ Responsable architecture et développement durable, Immobilière 3F. 145_ CANAL Architecture, Op. Cit., 2017.

146_ Patrick Rubin, architecte chez CANAL Architecture.

- 114

réversibilité, la question de l’économie est présente en début de projet et dans la durée de vie du bâtiment147 ».

Finalement, si cette réversibilité est intéressante à concevoir pour des bâtiments neufs, il est nécessaire de la prendre en considération dans la reconversion. L’idée, ici, bien sûr, est d’envisager un deuxième cycle pour les bâtiments de bureaux, mais pas de les figer dans leur nouvel usage. Nous pourrions ainsi envisager la réhabilitation d’un bâtiment non pas seulement comme une manière de renouer le lien entre le passé et le présent, mais bien d’envisager de nombreuses vies dans le futur. C’est peut-être là que l’architecture a encore tout à imaginer.

147_ Frédéric Druot, Architecte.

Figure 47 Structure d’immeuble réversible

115 -

Figure 48

- 116

Conclusion

Un bâtiment représente une masse importante de matériaux qui, lorsqu’il arrive en fin de vie, devient une enveloppe vide. Une enveloppe qui, si l’on s’y intéresse, est capable d’accueillir de nouveaux usages. Bien qu’elle puisse encore effrayer les plus hésitants, la reconversion relève de l’acceptation de notre patrimoine comme une réelle ressource, à l’heure du déclin environnemental. Elle s’identifie dans une stratégie plus globale de réemploi et de recyclage qui, bien qu’elle ne soit pas nouvelle, constitue l’un des défis majeurs de la ville durable. Il s’agirait donc de se défaire de la culture de l’objet architectural comme élément immuable et d’acquérir une science de l’acupuncture et de la réparation. Le métier d’architecte devrait ainsi observer une mutation dans ses modes de conception. « Il ne s’agira plus uniquement de produire pour construire, mais de s’approprier les sources existantes et susceptibles de donner forme et vie à nos bâtiments148 ». L’acte architectural se traduit par l’introduction d’une intervention contemporaine, au sens des enjeux actuels auxquels nous faisons face, dans un ensemble préexistant.

L’évolution des modes de travail à conduit à l’obsolescence prématurée de nombreux immeubles de bureaux. Ils constituent donc, à eux seuls, une immense ressource d’espaces disponibles, dans toute la diversité des typologies qu’ils constituent. Dans le contexte sociétal, économique et immobilier où la vacance de millions de mètres carrés de bureaux coexiste avec un manque crucial de logement, le transformation des immeubles tertiaires en habitations apparaît comme une solution évidente, « comme l’ont fait et le font encore les squatters, en précurseurs récupérateurs149 ».

Au départ, tout oppose les deux programmes. Les façades démesurées des immeubles de bureaux s’opposent à l’intimité inhérente à l’habitation, les immenses plateaux ne permettent pas une lumière nécessaire aux pièces de vie et les larges circulations ne sont pas adaptées à l’optimisation de l’espace recherchée dans le logement. Dans la reconversion, la formule de Louis Sullivan « form follows function » est bousculée, l’architecture « doit se plier au don de l’espace150 ». Ainsi, le principal enjeu de ces opérations réside dans leur capacité à rendre le bureau habitable. La notion de confort s’inscrit au cœur de la recherche. Les architectes usent alors de différentes techniques pour opérer cette mutation et tendre vers une qualité de vie que peut proposer le neuf.

148_ Encore Heureux, « Matière Grise : matériaux, réemploi, architecture », Éditions du Pavillon de l’Arsenal, octobre 2014.

149_ CANAL Architecture, Op. Cit., 2017.

150_ SCHITTICH, Christian, Op. Cit.

117 -

Toutefois, il est important de relativiser l’efficacité de ces reconversions.

Derrière le bruit médiatique et l’engouement des ces dernières années, que restera-t-il de ce qui est présenté comme l’avenir de la politique du logement ? « Il existe des opportunités, c’est certain. Mais restons pragmatiques : entre les freins techniques, réglementaires et politiques, rares sont les opérations pour lesquelles l’équilibre économique est atteint151 ». La multiplication des contraintes réglementaires, techniques, mais surtout financières impacte profondément la volonté de transformation de notre patrimoine existant. D’un point de vue architectural, la ressource n’est quasiment pas inexploitable, la réhabilitation permettant des transformations de grande envergure, d’un programme d’origine infiniment opposé à celui proposé. Toutefois, il est facile de s’apercevoir que ces bâtiments sont grandement inexploités. Un travail en amont s’impose alors pour permettre à d’autres reconversion d’avoir lieu et d’engrener cette dynamique de réemploi. « Agir sur le fond en restaurant les relations entre l’État et les maires, en redéployant les aides trop concentrées sur les zones hyperdenses, en allégeant la fiscalité, en réaménageant le territoire, en libérant le foncier disponible ou encore en allégeant les normes de construction, relève de l’urgence absolue152 ». « L’esprit demeure, les formes passent153 ».

Malgré les obstacles, la réhabilitation fait appel à des notions bien plus profondes. Transformer les édifices, c’est aussi refuser d’effacer les mémoires qu’ils renferment, révéler un élément de notre histoire commune, proposer des espaces qu’elle seule permet. La reconversion interroge le construit, le remet en question et modifie le regard que l’on porte sur le patrimoine. « La transformation s’imagine comme un laboratoire d’expérimentations typologiques et programmatiques qui fabriquent les conditions de nouvelles vies pour les habitants154 ». Ainsi, pour de nombreux architecte, la contrainte entraîne un plus large potentiel d’imagination, comme une « évolution créatrice », à l’image de l’ouvrage d’Henri Bergson. Pour répéter les mots de François Chatillon, « les architectes doivent questionner les normes sans tomber dans « le patrimoine déroge à toutes les normes » ni « les normes tuent le patrimoine ». […] Dans l’existant, la liberté réside dans la contrainte. Et c’est de subjuguer cette contrainte qui me rend libre ».

La question de l’évolution soulève alors le sujet de la mutation des immeubles qui ne sont pas encore construit. Les architectes proposent de concevoir des immeubles réversibles, capables d’être transformés sans trop d’efforts. Mais si l’on considère que la construction doit être drastiquement freinée, ne pouvons-nous pas appliquer cette réversibilité dans la transformation même d’un édifice existant ? Ne pouvons-nous pas, au-delà de donner un deuxième cycle de vie à un bâtiment, lui permettre d’en disposer d’un troisième, peut-être même d’un quatrième ?

151_ Philippe Jung 152_ FANCHON, Norbert, « Transformation de bureaux en logements : de la poudre aux yeux », Le Moniteur Immo, 08/02/2021, consulté le 14/04/2021, sur https://www.lemoniteur.fr/article/ transformation-de-bureaux-en-logements-de-la-poudre-aux-yeux.2127974 153_ MAHEU-VIENOT, Isabelle, Op. Cit. 154_ CANAL Architecture, Op. Cit., 2017.

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En conclusion, la reconversion constitue l’un des fragments de réponse à toute une ville capable d’accueillir ce dont la société manque. Elle ne s’impose en rien comme l’unique solution à tous les maux, simplement comme le moteur d’une dynamique bien plus large de prise en compte de tous ces bâtiments auxquels nous n’attribuons aucun potentiel. L’heure est à la modestie, à la considération de ce que la terre nous a déjà donné, et à l’exploitation de cette ressource.

Figure 49

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121 -

Bibliographie 0. Documents généraux

> OUVRAGES - BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, « De l’immeuble de bureau aux lieux du travail : 40 ans de transformation », dans Génie des lieux, éditions le Moniteur, 2018.

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- SCHITTICH, Christian, « Construire dans l’existant : reconversion, addition, création », Éditions Détail, Paris, 2006.

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123 -

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3. Rue de Mouzaïa, CANAL

> TEXTES ET PUBLICATIONS - CANAL Architecture, « Dossier de présentation : Transformation de bureaux en logements, 58-66 rue de Mouzaïa ».

- CANAL Architecture, « 2 immeubles de bureaux transformés en 288 logements, 58/66 Rue de Mouzaïa », Paris, janvier 2019. > SITES WEB - « Bureaux > 288 logements sociaux, Paris », CANAL Architecture, https:// canal-architecture.com/mouzaia-58-66/.

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4. Rue du Louvre, de Jean et Marin

> SITES WEB - « Réhabilitation et reconversion d’un immeuble de Blondel en logements sociaux », Patrick de Jean & Jérôme Marin Architectes, https://www. dejeanmarinarchitectes.com/louvre-02 - GALOFFRE, Céline, « Entre bureaux et logements, le 42 rue du Louvre est un modèle de réversibilité », BatiActu, 13/05/2014, consulté le 25/03/2021, https://www.batiactu.com/edito/entre-bureaux-et-logements-le42-louvre-un-modele--38212.php

- 124

5. Boulevard du Montparnasse, Atelier Tabet

> TEXTES ET PUBLICATIONS - COULON-SIGWALT, Ed., « Le 93 Boulevard du Montparnasse, ses alentours : Jadis et naguère », Archives de la Bibliothèque STBA, juillet 1979. > SITES WEB - Atelier Jad et Sami Tabet, Boulevard du Montparnasse, Paris 6ème, https:// atelierjstabet.com/rehabilitation/boulevard-du-montparnasse-paris-6eme/ - Wikipédia, Boulevard du Montparnasse, https://fr.wikipedia.org/wiki/ Boulevard_du_Montparnasse

6. Rue Lecourbe, Béchu + Associés

> TEXTES ET PUBLICATIONS - « Rédidence pour étudiants – 78-80 Rue Lecourbe », Campuséa.

- GABION, Sylvain, SCANNELLA, Pauline, « Reconversion d’un immeuble de bureaux en résidence étudiante : Fiche technique », Ekopolis > SITES WEB - « Résidence étudiante rue Lecourbe », Béchu + Associés, https://www. bechuetassocies.com/fr/projet/residence-etudiante-rue-lecourbe

7. Avenue Lénine, TVK

> TEXTES ET PUBLICATIONS - TVK architectes, « Transformation d’un immeuble de bureaux en résidence étudiants », Dossier de presse, 2010. > SITES WEB - « Résidence pour étudiants », TVK, http://www.tvk.fr/architecture/ residence-etudiants-a-arcueil - « Résidence pour étudiants », Architopik, 08/08/2014, consulté le 05/05/2021, https://architopik.lemoniteur.fr/index.php/realisation-architecture/ residence_pour_etudiants/5237

125 -

Table des figures Figure 1 - Encore Heureux, « Matière Grise : matériaux, réemploi, architecture », Éditions du Pavillon de l’Arsenal, octobre 2014, p.36 Figure 2 - Encore Heureux, « Matière Grise : matériaux, réemploi, architecture », p.88 Figure 3 - Dessin personnel Figure 4 - MAHEU-VIENOT Isabelle, « Créer dans le créé : l’architecture contemporaine dans les batiments anciens », Conseil international des monuments et des sites, Éditions Electa-Moniteur, Paris, 1986 Figure 5 -AbeBooks.fr, www.abebooks.fr/art-affiches/MoeursAdministratives-MONNIER-Henry-Paris-Delpech/30289719661/bd Figure 6 - 1900lartnouveau.com, http://paris1900.lartnouveau.com/paris02/ lieux/le_credit_lyonnais.htm Figure 7 - Morse Museum of American Art, https://www.morsemuseum.org/ collection-highlights/miscellaneousnewsletter/e-news-brown-bag-feb-2019 Figure 8 - BOUCHET, Pierre, MANSOUX, Frédéric, PINOT, Gérard, « De l’immeuble de bureau aux lieux du travail : 40 ans de transformation », dans Génie des lieux, éditions le Moniteur, 2018 Figure 9 - https://www.flickr.com/photos/architectes_classiques_ modernes/8472183386 Figure 10 - BOUCHET, MANSOUX, PINOT, p. 40 Figure 11 - BOUCHET, MANSOUX, PINOT, p. 70 Figure 12 - BOUCHET, MANSOUX, PINOT, p. 70 Figure 13 - BOUCHET, MANSOUX, PINOT, p. 69 Figure 14 - BOUCHET, MANSOUX, PINOT, p. 108 Figure 15 - Redessin d’un schéma d’Alice PONCHAUX, « Babel obsolète, la transformation des bureaux dans le Grand Paris » Figure 16 - Dessin personnel Figure 17 - Redessin d’une carte schématique de l’APUR Figure 18 - Redessin d’un graphique de l’APUR Figure 19 - Dessin personnel Figure 20 - APUR, « La transformation de bureaux en logements à Paris de 2001 à 2012 », janvier 2014, p.12 - 126

Figure 21 - CANAL Architectre, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? Enquête et convictions pour une requalification du logement partagé », ALJT & OSICA, 2010, p.32 Figure 22 - Redessin adapté d’une frise chronologique d’Alice PONCHAUX, « Babel obsolète, la transformation des bureaux dans le Grand Paris » Figure 23 à 35 - Redessin adaptés des plans et coupes des différentes études de cas 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 Figure 34 - DENANCÉ Michel Figure 35 - Photo personnelle Figure 36 - DENANCÉ Michel Figure 37 - Patrick de Jean & Jérôme Marin Architectes, www.dejeanmarinarchitectes.com/louvre-02 Figure 38 - CANAL Architecture, https://canal-architecture.com/projets/ ensemble-immobilier-58-i-66-mouzaia-537 Figure 39 - NOMAA Architecture, https://www.nomaa.eu/ornano-0 Figure 40 - Dessin personnel Figure 41 - Dessin personnel Figure 42 - Knight Frank, « Transformation de bureaux en logements : utopie ou véritable opportunité ? », 2021, p.17 Figure 43 - Image Google Earth Figure 44 - Image Google Earth Figure 45 - Redessin Figure 46 - Redessin Figure 47 - CANAL Architecture, « Construire réversible », Paris, avril 2017 Figure 48 - Encore Heureux, « Matière Grise : matériaux, réemploi, architecture », Éditions du Pavillon de l’Arsenal, octobre 2014, p.17 Figure 49 - Encore Heureux, « Matière Grise : matériaux, réemploi, architecture », Éditions du Pavillon de l’Arsenal, octobre 2014,, p.344

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Val-d’oise

Seine-Saint-Denis Hauts-de-Seine Val-de-Marne Yvelines Seine-et-Marne

Essone

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Annexes - études de cas

1. 13-19 boulevard Ornano, NOMAA Architectes 2. 72-76 quai des Carrières, Agence Moatti-Rivière 3. 58-66 rue de Mouzaïa, CANAL Architecture 4. 42 rue du Louvre, Patrick de Jean et Jérôme Marin Architectes 5. 93 boulevard du Montparnasse, Atelier Tabet Architecture et Urbanisme 6. 78-80 rue Lecourbe, AAAB Béchu + Associés 7. 52-66 avenue Lénine, Agence TVK

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1. 13-19 Boulevard Ornano, NOMAA

1907 > 2016 Maîtres d’oeuvres : NOMAA, Marc Younan et Eddy Vahanian Architectes Maîtres d'ouvrages : Linkcity pour Paris Habitat Programme : Laiterie > Industries agroalimentaires > Ateliers de maintenance > Imprimerie > 85 logements sociaux, crèche, commerce et parkings Cout : 13,5 M€ Date de livraison : Décembre 2016 Adresse : 19 Boulevard Ornano, Paris 18e Surface SHON : 9 300 m2 Nombre d’étages : R+4 > R-2 > R+8 / R-2

© Daniel Moulinet

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> Schémas, plans et coupes

© NOMAA

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> Façades

© Daniel Moulinet

© Daniel Moulinet

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> Croquis et photos intérieures

© NOMAA © Daniel Moulinet

© Daniel Moulinet

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2. 72-76 Quai des Carrières, Moatti-Rivière

1970 > 2016 Maîtres d’oeuvres : Moatti Rivière Maîtres d’ouvrages : Immobilière 3F Programme : Immeuble de bureaux BNB Paribas > 90 logements sociaux et bureaux Cout : 5,58 M€ Date de livraison : 2016 Adresse : 72-76 quai des Carrières, 94220 Charenton-le-Pont Surface SHON : 7000 m2 > 7000 m2 Nombre d’étages : R+6 / R-3 > R+6 / R-3

© Michel Denancé

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> Plans, coupes, façades © Moatti-Rivière

© Moatti-Rivière

© Michel Denancé

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> Façades

© Michel Denancé

© Service urbanisme de la ville de Charenton le Pont

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© Michel Denancé

> Détails et photos intérieures © Michel Denancé

© Michel Denancé

© Michel Denancé

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3. 58-66 Rue de Mouzaïa, CANAL Architecture 1924, 1974 > 2020 Maîtres d’oeuvres : Pierre Sardou et Maurice Chatelan (66) > André Remondet et Claude Parent (58) > CANAL architecture Maîtres d’ouvrages : RIVP Programme : (66) Fabrique de machines à coudre Athos > bureaux pour la DRASS > centre d’hébergement d’urgence (58) déménagement de la DRASS > squat d’artistes "le BLOC" > 103 logements étudiants, 65 logements jeunes travailleurs, co-working, 14 logementsateliers d’artistes, 106 logements centre d’hébergement d’urgence Cout : 20 M€ HT Date de livraison : 2020 Adresse : 58-66 Rue Mouzaïa, Paris 19e Surface SHON : 10 500 m2 Nombre d’étages : R+7 / R-4 > R+7 / R-4

© CANAL Architecture

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Tr anformation d'un immeuble de bureaux en logements constitué de deux bâtiments distincts situés 58/66 rue de Mouzaïa - Paris 19e 0,75

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PROJET

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Tr anformation d'un immeuble de bureaux en logements constitué de deux bâtiments distincts situés 58/66 rue de Mouzaïa - Paris 19e

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> Plans et coupes 30x70

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> Photos intérieures

© CANAL Architecture

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> Photos logements-ateliers pour artistes

© CANAL Architecture

© CANAL Architecture

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> Photos détails des bétons

© CANAL Architecture

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© CANAL Architecture

> Photos et croquis du bâtiment d’origine © Fonds Claude Parent, Centre d’archives, IFA, Cité de l’architecture

© Fonds Claude Parent, Centre d’archives, IFA, Cité de l’architecture

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4. 42 Rue du Louvre, Patrick de Jean et Jérôme Marin

1887 > 2014 Maîtres d’oeuvres : Patrick de Jean et Jérôme Marin, architectes Maîtres d'ouvrages : Élogie Programme : Immeuble de bureaux > 46 logements sociaux Coût : Date de livraison : 2014 Adresse : 42 rue du Louvre, Paris 2e Surface SHON : 10 828 m2 > 10 705 m2 Nombre d’étages : R+6 > R+6

© Photo personnelle

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> Plans et coupes

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> Photos détails des façades

© Photo personnelle © Photo personnelle

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© Photo personnelle

> Photos intérieures © Patrick de Jean et Jérôme Marin Architectes

© Patrick de Jean et Jérôme Marin Architectes

© Sicra

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5. 93 Boulevard du Montparnasse, Atelier Jad et Sami Tabet 1909 > 2015 Maîtres d’oeuvres : Marcel Lemarié, architecte > Atelier J. et S. Tabet d’Architecture et d’Urbanisme Maîtres d'ouvrages : René Léon Cohen > Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP) Programme : Ministère des Postes et Télégraphes > Ministère de la Défense et de l’Aviation Civile > 107 logements sociaux (36 logements étudiants, 71 logements jeunes travailleurs), foyer d’hébergement (20 logements) Coût : Date de livraison : 2015 Adresse : 93 Boulevard du Montparnasse, Paris 6e Surface SHON : 5 625 m2 Nombre d’étages : R+6 / R-1 > R+6 / entresol / R-1

© Photo personnelle

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> Plan et façade

© Atelier Jad et Sami Tabet Architecture

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> Photos détails des façades et du niveau toiture

© Photo personnelle © Photo personnelle

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© Atelier Jad et Sami Tabet Architecture

> Photos intérieures

© Photo personnelle

© Photo personnelle

© Atelier Jad et Sami Tabet Architecture

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6. 78-80 Rue Lecourbe, Béchu + Associés

1968 > 2014 Maîtres d’oeuvres : Antony Lucien Bechu, architecte > AAAB Béchu + Associés Maîtres d’ouvrages : GEG7 (Groupe Gecina) Programme : Immeuble de bureaux > 104 logements étudiants (dont 15 sociaux), espaces communs (cafétéria, laverie, bagagerie) Coût : Adresse : 78-80 rue Lecourbe, Paris 15e Surface SHON : 4 935 m2 > 4 008 m2 Nombre d’étages : R+1 / R+4 / R+6

© Photo personnelle

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> Plan et façade

© Pavillon de l’Arsenal

© Photo personnelle

© Patrick Lazic

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> Photos détails des façades

© Photo personnelle

© Photo personnelle

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© Photo personnelle

> Photos intérieures et patios

© Patrick Lazic

© Patrick Lazic

© Patrick Lazic

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7. 52-56 avenue Lénine, TVK

1970 > 2010 Maîtres d’oeuvres : > TVK Maîtres d’ouvrages : Sadev 94 Programme : Immeuble de bureaux > 107 logements étudiants Cout : 4,2 M€ Date de livraison : 2010 Adresse : 52-56 avenue Vladimir Ilitch Lenine, 94110 Arcueil Surface SHON : 3 800 m2 Nombre d’étages : R+5 / R-1 > R+5 / R-1

© Julien Hourcade

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> Plas, coupes et schémas

© TVK

© TVK

© TVK

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> Photos détails des façades

© Julien Hourcade © Julien Hourcade

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© Julien Hourcade

> Photos intérieures et coursives

© Julien Hourcade

© Julien Hourcade

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Ema Bouvier-Lambert MEMOIRE DE FIN D’ÉTUDES - CYCLE MASTER SOUS LA DIRECTION D’ANDRÉS MARTINEZ

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