Pharmacologie des anti-infectieux, par la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique et le Collège National de Pharmacologie Médicale, coordonné par M.-C. Verdier. 2018. 224 pages.
Pharmacologie cardiovasculaire et respiratoire, par la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique et le Collège National de Pharmacologie Médicale, coordonné par J. Bellien et J.-L. Cracowski. 2016. 256 pages.
Autres ouvrages
Guide de thérapeutique, par G. Perlemuter. 2019, 10e édition, 2600 pages.
Pharmacie clinique et thérapeutique, par l’Association Nationale des Enseignants de Pharmacie
Clinique, coordonné par G. Aulagner, J.-L. Cazin, B. Demoré, A. Dupuis, F. Fagnoni, C. Fernandez, S. Limat. 2018, 5e édition. 1192 pages.
Pharmacologie à l’officine. Pour la délivrance éclairée de l’ordonnance, par P. Poucheret, J. Costentin. 2017, 2e édition. 328 pages.
Conseils à l’officine. Le pharmacien prescripteur, par J.-P. Belon. 2016, 8e édition. 552 pages. Pharmacie clinique pratique en oncologie, par l’Association Nationale des Enseignants de Pharmacie Clinique, coordonné par G. Aulagner, J.-L. Cazin, F. Lemare, S. Limat. 2016. 344 pages.
Neuropsychopharmacologie
Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
Collège National de Pharmacologie Médicale
Coordonné par :
Régis Bordet
Pharmacologue et neurologue, Professeur de Pharmacologie Médicale à la Faculté de Médecine de l’Université de Lille, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Lille et directeur de l’UMR INSERM U1171
Louise Carton
Pharmacologue, psychiatre, addictologue et assistante hospitalo-universitaire à la Faculté de Médecine de l’Université de Lille et au CHU de Lille
Julie Deguil
Neurobiologiste et neuropharmacologue, Maître de Conférence de Pharmacologie à la faculté de Médecine de l’Université de Lille
Thibaut Dondaine
Neuropsychologue au CHU de Lille
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Neuropsychopharmacologie, de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique et du Collège National de Pharmacologie Médicale, coordonné par R. Bordet, L. Carton, J. Deguil, T. Dondaine.
Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites.
Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Remerciements
L’idée de ce livre est née, au cours des vingt dernières années, au fil des enseignements ou conférences dispensés sur tous les aspects de la neuropsychopharmacologie. J’ai néanmoins présumé de ma capacité à le rédiger seul et je souhaite remercier Louise Carton, Julie Deguil et Thibaut Dondaine qui ont accepté (ou que j’ai persuadé d’accepter) de m’accompagner dans cette aventure. Ces mois de rédaction nous ont fait sortir tous les quatre de nos zones de confort respectives avec ce que cela génère comme tension dans un contexte où il y a urgence à produire. Mais cette période restera, sans aucun doute, un moment fort de notre vie professionnelle grâce aux débats et confrontations intellectuels que nous avons eu tout au long du processus de rédaction. En tout cas, ce le fût pour moi car c’est toujours une satisfaction que d’accompagner des plus jeunes que soi dans leur développement en essayant d’être un passeur des connaissances que l’on a pu soi-même acquérir grâce à des recherches, des lectures ou à ceux qui vous ont fait partagé leur vision d’une matière complexe.
Mes remerciements vont aux collègues qui ont jalonné ma carrière et m’ont enrichi de leur expérience. En pharmacologie, il s’agit d’abord de Jacques Caron qui m’a appris l’essentiel de ce que je sais en pharmacologie, complété par l’expérience et le recul de Christian Libersa et Bernard Dupuis. Dans le domaine plus particulier de la neuropsychopharmacologie, j’ai eu la chance d’échanger très régulièrement avec Jean Costentin, qui me fait l’immense plaisir de préfacer cet
ouvrage, Jean-Louis Montastruc, mon complice pendant six ans au CNU, Jean-Charles Schwartz et Pierre Sokoloff, qui me firent découvrir l’univers fascinant des récepteurs dopaminergiques, Alain Puech, Michel Bourin, Michel Hamon… On me permettra une pensée spéciale pour Hervé Allain, trop tôt disparu, dont l’esprit créatif m’a beaucoup inspiré. Je souhaiterais mentionner dans ces remerciements deux collègues de l’industrie, Sylvia Goni et Thierry Marquet, qui m’ont donné un autre regard sur les médicaments du système nerveux central. Les échanges avec mes collègues pharmacologues, neurologues, psychiatres, neurobiologistes lillois, trop nombreux pour tous les citer, sont une source permanente de ressourcement et de mise en question qui enrichissent régulièrement ma réflexion sur la neuropsychopharmacologie, en particulier à travers les travaux de l’U1171 et du Lille Neuroscience et Cognition, avec une mention spéciale pour Dominique Deplanque, David Devos, Sophie Gautier, Thavarak Ouk, pour leur engagement, à mes côtés, au sein de notre discipline de pharmacologie médicale.
Je tiens à remercier la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique et le Collège de Pharmacologie Médicale, sous l’égide desquels cet ouvrage a été écrit, ainsi que les Editions Elsevier pour leur confiance, avec une mention spéciale pour Madame Séverine Rolland qui a fait preuve d’une grande patience.
Régis Bordet
C’est avec un vif plaisir que je souscris à l’aimable invitation du professeur Bordet de préfacer ce livre de Neuropsychopharmacologie. Ce plaisir tient non seulement au fait que cette discipline a été au cœur de mes recherches durant près d’un demi-siècle ; mais aussi à l’expression de mon amitié, de mon estime et mon admiration à son coordonnateur.
Ce livre de neuropsychopharmacologie est le premier, en langue française, qui s’adresse en priorité aux étudiants, grâce à sa forte valence didactique, qui lui vaut d’être publié sous l’égide du Collège National de Pharmacologie Médicale, ainsi que sous celle de la Société Française de Pharmacologie et Thérapeutique. Ces parrainages ciblent ses principaux lecteurs potentiels.
La rédaction de ce livre est donc coordonnée par le professeur Régis Bordet. Neurologue, neurobiologiste, pharmacologue, il dirige de longue date une équipe de recherche qui, par sa qualité, s’est élevée au rang d’unité associée à l’Inserm. La confluence de ces cultures très complémentaires l’arme pour s’affronter à cet ambitieux défi, dans lequel il a impliqué trois de ses collaborateurs : mesdames L. Carton, J. Deguil et monsieur T. Dondaine.
Si cette discipline est d’un développement récent (une soixantaine d’années), elle plonge pourtant ses racines dès les premiers temps de l’humanité.
Depuis toujours l’Homme a trouvé sa tête trop lourde à porter, avec la perception du mal être que lui infligent : la perception de sa finitude ; sa confrontation à autrui (« l’enfer c’est les autres », J.-P. Sartre) ; ses interrogations existentielles ; les inévitables traumatismes ambiants ; la sensation de ne pas être à la hauteur de ses propres attentes et/ou de celles d’autrui... Aussi, de longue date,
l’Homme s’essaie à manipuler le fonctionnement de ce que l’on pourrait très trivialement appeler « sa motte de beurre » ; cet organe d’un kilogramme et demi, fait de cellules et d’éléments très riches en lipides complexes, succulents (il me souvient de ces cervelles de mouton consommées dans mon enfance, avant que la scrapie/tremblante du mouton ne dissuade de les consommer). Ses cellules « nobles », les neurones, estimés à presque 100 milliards, y sont entourés des cellules gliales (la glie), qu’on a longtemps réduites à un simple tissu d’emballage / à des paillettes / à du papier bulles. Les dernières décennies ont précisé leur importance, bien au-delà de cette seule fonction de soutien mécanique ; puisqu’elles interviennent dans la trophicité des neurones, dans l’équilibre du milieu extra-cellulaire (résorbant par exemple les excès de concentration du glutamate aux effets excito-toxiques) ; puisqu’elles sont impliquées encore dans la libération de glio-transmetteurs ; tel l’octadécaneuropeptide / ODN, aux effets anxiogènes, anorexigènes…)
Pour manipuler le fonctionnement de son cerveau, l’Homme a très tôt sollicité le monde végétal ; « le laboratoire du père Bon Dieu », comme l’appelait Pierre Potier (médaille d’Or du CNRS). Il a eu recours, par exemple, à la cocaïne du Cocayer, à la cathinone du Khat d’Abyssinie, à la morphine de l’opium (produit de concrétion du latex qui s’écoule des incisions pratiquées sur la capsule du Pavot), au tétrahydrocannabinol (THC) du chanvre indien et de sa résine (haschisch), à la caféine et autres méthyl xanthines (théophylline, théobromine), des café, thé, kola, cacao…, à la réserpine du Rauwolfia serpentina, à la mescaline du Peyotl et, oh combien, à l’alcool résultant de la fermentation du glucose contenu dans de multiples espèces végétales…
La chimie extractive a isolé des multiples constituants des végétaux les principes actifs d’intérêt pharmaco-thérapeutique ; rompant enfin avec les phytothérapies, les thériaques et autres panacées ; s’affranchissant des « soupes végétales », et de leurs compositions variables selon l’année, le lieu de récolte, les modalités de la cueillette et de la conservation... (« Végétal varie, bien fou qui s’y fie »).
Avec Magendie et son élève Claude Bernard, l’étude sérieuse, i.e. la Pharmacologie, va commencer. Ce sont alors des recherches systématiques inspirées, pour nombre d’entre elles, par des constatations fortuites (« le hasard ne profite qu’à l’Homme de Sciences » A. Einstein). Les produits issus des « leads » d’origine végétale par le jeu d’hémi-synthèses visent à améliorer les performances des produits naturels. Puis la chimie s’est enhardie, synthétisant des molécules complètement originales dont elle dessinait la formule sur le papier. C’est ainsi que naquirent, entre autres : les barbituriques, les benzodiazépines, les phénothiazines, les triazolopyridazines, les anilinopipéridines... La prodigalité de ces synthèses chimiques aboutit aujourd’hui à des centaines de milliers de molécules à tester. Une telle abondance impose au pharmacologue de se doter d’automates pour effectuer le tri primaire de celles qui manifestant une affinité significative pour les grandes cibles biologiques auxquelles s’associent les molécules à potentialité pharmacologique (« corpora non agunt nisi fixata » P. Erhlich) : Enzymes, récepteurs, canaux ioniques… C’est l’heure du criblage à haut débit/high throughput screening / HTS, qui fait de la qualité (molécule d’intérêt pharmacologique) un sous-produit de la quantité (prodigalité du chimiste).
Il n’y a que 60 ans que le premier neuroleptique, la chlorpromazine, est né en France. On avait prise sur les psychoses, sur la schizophrénie ; suivit bientôt un antidépresseur tricyclique, un anxiolytique benzodiazépinique… déclenchant une véritable structuration de la neuropsychopharmacologie. Elle a attiré alors un important contingent de jeunes chercheurs enthousiastes. Succombant au travers qui fait considérer que « c’était mieux avant », j’ai l’impression (dont j’aimerais qu’elle soit fausse) que cet enthou-
siasme s’est apaisé, alors que pourtant les besoins de la santé psychique se font plus pressants que jamais.
Parmi les neuropsychopharmacologues français de ma génération me viennent à l’esprit, dans le désordre, les noms de : Jean-Robert Boissier, Pierre Simon, Alain Puech, Jean Rossier, Gérard Le Fur, Hervé Le Moal, Marie-Hélène Thiébot, Georges Chapoutier, Roger Porsolt, Hervé Allain, Geneviève Guilbaud, Jean-Marie Besson, Michel Hamon, Michel Bourin, Bernard Scatton, Jean Costentin (qui, pour ses nombreux élèves, ne s’exclura pas de cette liste)… et beaucoup d’autres dont la réminiscence instantanée n’a pas résisté à la raréfaction de mes neurones. Ces neuropsychopharmacologues travaillaient souvent en symbiose étroite avec des neurobiologistes ; la France en comptant de très éminents : J.-C. Schwartz, J. Glowinski, Jean-Pierre Changeux, Hubert Vaudry, … Ils collaboraient aussi avec de talentueux pharmacochimistes : Camille Wermuth, Bernard Roques, Max Robba, Pierre et Lucette Duhamel, André Boucherle, … Il serait très injuste, dans cette réminiscence, d’oublier la production scientifique importante des biologistes, chimistes et pharmacologues de l’industrie pharmaceutique, beaucoup plus présents dans la signature de brevets que dans celle des publications des grandes revues internationales, discrétion industrielle oblige.
Je ne sais plus qui prétendait : « Ceux qui connaissent le mieux les psychotropes n’ont pas la responsabilité de les prescrire, et ceux qui les prescrivent en ont une connaissance par trop restreinte ». Ce livre constitue un pont entre ces deux entités, dont les échanges devraient s’intensifier pour un enrichissement mutuel.
Le plan de ce livre est logique car il pose les indispensables fondations des classes de médicaments abordés par une présentation synthétique, des grandes transmissions aminergiques sur lesquelles prennent appui les mécanismes d’actions de la majorité des agents neurotropes et psychotropes. Il lui fait suite l’approche pharmacologique des grandes fonctions ou de diverses pathologies psychiques ou neurologiques.
On perçoit en filigrane une situation qui s’exprime d’une façon récurrente, la séparation,
et même le divorce, intervenu entre la psychiatrie et la neurologie. Elle aboutit désormais à une trop grande prise de distance. Il y a près de deux générations la faculté formait encore des neuropsychiatres. Si certains exerçaient les deux disciplines, la majorité d’entre eux, devant la complexification de chaque discipline, n’en exerçaient qu’une seule. Néanmoins, paraphrasant Lamartine, le neurologue était un neuropsychiatre qui se souvenait de la psychiatrie et, réciproquement, le psychiatre était un neuropsychiatre qui se souvenait de la neurologie. N’épiloguons pas sur cette scission, elle semble irréversible, aucun praticien n’accepterait un retour en arrière ; sans doute parce que leurs viviers respectifs se sont depuis lors constitués à partir de praticiens ayant des histoires et des traits de personnalités assez nettement différents.
Dans ce contexte proposons que la neuropsychopharmacologie soit, ou devienne, l’espace privilégié où se rencontrent pour s’enrichir mutuellement ces deux spécialités. Beaucoup d’affections neurologiques ne comportent-elles pas des expressions psychiatriques ? De même que diverses pathologies psychiatriques ou leurs traitements comportent des expressions neurologiques.
Faisant la liste des différentes pathologies et /ou familles des agents neurotropes et psychotropes considérés : les troubles de l’attention, les troubles affectifs et émotionnels, les trouble de l’apprentissage et de la mémoire, l’anxiété, les troubles du sommeil, du tonus psychique, les troubles psychotiques, les addictions, les troubles de l’humeur, la maladie de Parkinson, les troubles de la cognition, les épilepsies, j’ai noté (si j’ose dire après avoir évoqué les épilepsies) quelques absences…. Elles ne s’expliquent manifestement que par un manque de place et par le souci de se focaliser sur l’essentiel, en se prémunissant
d’un trop volumineux ouvrage qui dissuaderait le lecteur de s’y aventurer par peur de s’égarer.
Ce livre est destiné aux étudiants en Médecine, en Pharmacie, en Psychologie, ainsi qu’aux jeunes internes de neurologie et de psychiatrie, de médecine générale. Les médecins généralistes sont en effet très impliqués dans la prescription de nombre de psychotropes, mais aussi de quelques neurotropes. Cette lecture leur permettra de mieux dominer cet aspect de leur exercice.
Le succès que devrait remporter ce livre, incitera peut-être ses auteurs à le prolonger d’un deuxième tome, complétant les quelques classes et médicaments éludés dans ce premier livre. Il pourra insister sur les interactions médicamenteuses parfois à rechercher, mais plus souvent à éviter ; il pourra mettre en exergue les précautions d’emploi ; les incompatibilités en relation avec les pathologies associées ; les mises en garde à exprimer au patient… autant d’éléments aux confins de la pharmacologie et de la thérapeutique.
Directeur de l’unité de neuropsychopharmacologie associée au CNRS (1984-2008)
Directeur de l’unité de Neurobiologie clinique du CHU de Rouen (1999-2010)
Membre titulaire des académies nationales de Médecine et de Pharmacie
Ancien président de l’association française de psychiatrie biologique (2000)
Ancien président du Groupe d’Etudes des relations
Structure Activité (GESA)
Membre du collège de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD)
Président du centre national de prévention d’études et de recherches sur les toxicomanies
Ancien membre de la commission nationale de la Pharmacopée
Le système nerveux central est complexe tant dans son organisation que dans son fonctionnement. La localisation ou les structures moléculaires et cellulaires des voies de neurotransmission sont de mieux en mieux connues, même si une vision indépendante de chacune des voies masque leur nombreuses interactions. Une conception figée du cerveau s’est révélée erronée depuis qu’a été mise en évidence la plasticité moléculaire, cellulaire ou synaptique. Tout ceci explique la richesse fonctionnelle sous-tendue par les différentes régions cérébrales et leurs intrications. Cette complexité physiologique est assortie d’un autre niveau de complexité quand on considère les maladies neurologiques et mentales dans leurs diversités séméiologique, physiopathologique et nosographique.
La pharmacologie des substances psychoactives et des médicaments du système nerveux central
Avant-propos
vient éclairer cette complexité, à la fois par leur usage détourné ou illicite et par leur utilisation à visée thérapeutique. C’est l’ambition de ce traité de neuropsychopharmacologie que de décliner la pharmacologie du système nerveux central en trois facettes qui permettent de mieux appréhender les processus de neurotransmission et de neuroplasticité, les principales fonctions cérébrales et les principaux dysfonctionnements pathologiques. Cet ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité et ne constitue pas un guide de prescription. Les choix opérés ont été guidés par un double objectif de progression didactique et de cohérence dans l’organisation des chapitres, dont nous espérons qu’ils permettent au lecteur d’être accompagné dans sa découverte (ou sa redécouverte) de la neuropsychopharmacologie.
Remerciements
Table des matières
Chapitre 3
Pharmacologie
4
Chapitre 5
Chapitre 6
Pharmacologie du système noradrénergique
Sy nthèse, recap t ure et catabolisme
Di stribution anatomique •
Les récepteurs • •
Rôles fonctionnels
Dysfoncti o nnements et pathol ogies •.
Modulation pharmacologique ......•
En c o nclusi o n ......................•.
Chapitre 7
Pharmacologie du système histaminergique
Synthèse, recap t ure et catabolisme
Distribution anatomique .
Les récepteurs
Rôles fo nctionnels
Dysfonctionnements et pathologies 103
Modulation pharmacologique
En conclusion 107
Approches pharmacologiques des fonctions cérébrales
Chapitre 8
Approche pharmacologique de l'attention 111
Description des différentes comp o santes attentionnelles 111
Approche pharmaco logique de l ' alerte 111
A p proche pharmacologique de l'orientation attentionnelle 114
A p proche pharmac o logique du contrôle exécutif 116
En conclusion
Chapitre 9
Approche pharmacologique des états affectifs et motivationnels 119
Définiti o ns et b ases neura les des ém otions et de la m o tivat ion 119
Les affects positifs 122
Les affects négatifs
En conclusion 126
Chapitre 10
Approche pharmacologique de l'apprentissage et de la mémoire 127
B ases moléculai res de la mémoire , l ' exemple de la potentialisation à long terme 127
PET-scan positron emission tomography (tomographie par émission de positrons)
PKA protéine kinase A
PLT (ou LTP) potentialisation à long terme
PPAR peroxisome proliferator-activated receptor (récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes)
PRP plasticity-related protein
RDoC Research domain Criteria
CA1 région de l’hippocampe
REST repressor element 1-silencing transcription factor
RTU recommandation temporaire d’utilisation
SERT transporteur de la sérotonine
SIP sulcus intrapariétal
SJRR syndrome des jambes sans repos
SLA sclérose latérale amyotrophique
SNC système nerveux central
SNc substance noire pars compacta
SNr substance noire pars reticulata
SOD superoxyde dismutase
TDAH trouble du déficit de l’attention avec/sans hyperactivité
TGF transforming growth factor
THC δ-9-tétrahydrocannabinol
TNS traitements nicotiniques de substitution
TSO traitements de substitution opiacés
US stimulus aversif
VAChT transporteur vésiculaire de l’acétylcholine
VCN variation contingente négative
VGaT vesicular GABA transporter (transporteur vésiculaire des GABA)
VGLUT transporteurs vésiculaires du glutamate
VIAAT vesicular inhibitory amino acid transporter
VLPO noyau préoptique ventro-latéral
VMA acide vanylmandélique
VMAT vesicular monoamine transporter (transporteur vésiculaire des monoamines)
Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales
Au-delà de leur complexité nosographique, les maladies neurologiques et mentales ont en commun deux dimensions cliniques qui soustendent les possibilités de leur modulation pharmacologique :
1. les dimensions symptomatiques de ces affections qui mêlent motricité, cognition, émotion ;
2. la perspective évolutive de ces maladies. Il en découle un schéma simple mais opérant pour comprendre les approches pharmacologiques spécifiques à chaque maladie :
1. une approche symptomatique, qui vise à faire rétrocéder, au moins partiellement, les symptômes en modulant préférentiellement les systèmes de neurotransmission ;
2. une approche modulant le cours évolutif de la maladie (disease modifier en anglais) par des actions sur les processus physiopathologiques dont la mort neuronale et la plasticité cérébrale constituent les deux mécanismes les plus communs.
Le fonctionnement cérébral normal résulte des interactions au sein de l’unité neurogliovasculaire, qui regroupe trois composantes principales : les neurones, les cellules gliales (astrocytes, microglie, oligodendrocytes), les vaisseaux (et notamment les cellules endothéliales). Les avancées de l’imagerie cérébrale ont permis de montrer que l’émergence des fonctions cognitives et psychocomportementales est liée à la communication étroite entre les différentes régions cérébrales, remettant en question les théories localisationnistes trop réductrices du xixe siècle. La communication intracérébrale repose sur des circuits neuronaux et des connexions interneuronales ou synapses. Si l’activité neuronale est essentiellement électrique, résultat de mouvements ioniques transmembranaires par le truchement d’une activation de canaux ioniques, la connectivité entre neurones nécessite une médiation chimique par
des substances bien identifiées, que l’on nomme neurotransmetteurs, qui sont libérés dans les synapses, espaces situés entre deux neurones en contact. Cependant, il est maintenant établi que les cellules gliales, au-delà du rôle trophique des astrocytes, sont impliquées dans la régulation de la neurotransmission. Les astrocytes interagissent également avec les cellules endothéliales pour réguler le débit sanguin cérébral en fonction de l’activité neuronale et ces interactions constituent aussi une barrière, la barrière hématoencéphalique, qui explique la nécessité d’une synthèse in situ dans les neurones des neurotransmetteurs auxquels elle est imperméable et qui peut se révéler également un obstacle au passage de certains médicaments, notamment hydrosolubles. L’unité neurogliovasculaire n’est pas figée dans le temps mais peut être le siège de remaniements (on parle souvent de plasticité) qui permettent au cerveau de s’adapter à tout moment aux changements de l’environnement ou à des stimuli. Le dogme d’un nombre fixe et définitif de neurones tout au long de la vie a été remis en question par l’observation dans plusieurs régions du cerveau (gyrus denté de l’hippocampe, zone sousventriculaire) de cellules souches capables de migrer et de se différencier en neurones (neurogenèse) ou en cellules gliales. La neurogenèse permet la plasticité nécessaire aux phénomènes de mémorisation ou la réponse aux stimuli de stress, mais également une part de neuroréparation en cas de lésion. L’intégrité du système vasculaire est indispensable à ces processus d’autorenouvellement et de multipotence puisque les cellules souches sont situées dans des niches vasculaires. Ce sont les facteurs neurotrophiques qui favorisent la multipotence, chaque cellule souche se différenciant en fonction du sous-type de facteur trophique dont elle est la cible. Les connexions cérébrales sont, elles aussi, en perpétuel remaniement pour
le développement ou l’adaptation des fonctions cérébrales. La synaptogenèse conduit à la modification de circuits neuronaux existants ou à la mise en place de nouveaux circuits. Dès le début du xxe siècle, Santiago Ramon y Cajal a été le premier à décrire les cônes de croissance, qui correspondent à un axone en train de croître. Cette croissance axonale répond à deux types de signaux :
1. des signaux fabriqués par d’autres cellules pour attirer ou repousser les cônes de croissance (sémaphorines, cytokines, etc.) ou pour les faire adhérer (molécules d’adhésion cellulaire) ;
2. les facteurs neurotrophiques (nerve growth factor, brain derived neurotrophic factor, etc.) qui sont synthétisés par les neurones eux-mêmes ou par les cellules gliales.
La plasticité cellulaire ou synaptique rend compte de phénomènes plus macroscopiques qui se matérialisent par des modifications volumétriques de certaines régions cérébrales, visibles en imagerie fonctionnelle ou métabolique. La plasticité cérébrale cellulaire ne se résume pas à la formation de nouvelles cellules et de nouvelles connexions cérébrales. Elle nécessite également la mort cellulaire, par voie d’apoptose, et l’élimination synaptique, en particulier lorsque ces synapses n’appartiennent pas à des réseaux neuronaux fonctionnels.
En conditions pathologiques, des agressions diverses (toxiques, inflammatoires, oxydatives, etc.) peuvent conduire à des remaniements cellulaires importants :
Ces mécanismes cellulaires ont des conséquences pathologiques qui se déclinent en perte progressive de fonctions, comme dans le cas des maladies neurodégénératives ou de l’émergence de tableaux symptomatiques aigus, par exemple lors de traumatismes ou d’accidents vasculaires. Une plasticité moléculaire anormale peut aussi rendre compte de certains phénomènes pathologiques, notamment le trouble d’usage à certaines substances conduisant à un abus en lien avec une sensibilisation comportementale, en raison de la modification de la sensibilité ou du niveau
d’expression de certains récepteurs en réponse à une pulsatilité accrue de la neurotransmission.
Aspects généraux de la neurotransmission
La neurotransmission est le phénomène par lequel une information électrique peut être transmise d’un neurone à l’autre par un messager chimique, afin de pallier l’absence d’interaction physique directe entre les neurones (figure 1).
Le phénomène de neurotransmission se produit au niveau de la synapse, espace de quelques nanomètres qui séparent les axones et dendrites des neurones connectés entre eux. Un même neurone pouvant être connecté à plusieurs autres neurones, on estime que les cent milliards de neurones qui composent le cerveau humain sont à l’origine de cent mille milliards de synapses. Lorsqu’un agent pharmacologique agit au niveau d’une synapse, son action pharmacodynamique a des effets directs sur la voie de neurotransmission sur laquelle il agit, mais aussi des effets indirects sur d’autres voies de neurotransmis-
Figure 1. Schéma général d’une synapse montrant la médiation chimique de la transmission de l’activité électrique d’un neurone à l’autre.
sion compte tenu des connections du neurone post-synaptique avec d’autres neurones exprimant d’autres types de neurotransmetteurs (figure 2). En outre, au-delà des seuls neurones, la transmission synaptique est également modulée par les astrocytes dont la fonction ne se résume pas un simple rôle de cellules de soutien, en raison d’un équipement moléculaire complexe semblable à celui des neurones (récepteurs, systèmes de recapture, enzymes, canaux ioniques). Ceci explique la complexité des effets pharmacodynamiques des neuropsychotropes, que l’on commence à mieux appréhender grâce aux techniques modernes d’imagerie (PET-scan, IRM fonctionnelle).
Au cours de l’évolution phylogénétique et au fur et à mesure de la structuration cérébrale, des groupes neuronaux se sont spécialisés dans la synthèse et la libération de neurotransmetteurs. Certains neurotransmetteurs, comme le GABA et le glutamate, qui ont des effets opposés (inhibiteurs et excitateurs), sont synthétisés par un nombre important de neurones : 60 à 80 % des neurones du cerveau humain expriment et libèrent soit le GABA, soit le glutamate. En revanche, pour d’autres neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline, sérotonine, acétylcholine, histamine), de petits groupes de neurones, représentant à peine
1 % des neurones, se sont spécialisés sur le plan anatomique, chimique et fonctionnel (figure 3). Cette diversité est augmentée par le fait que les neurones, dévolus à un neurotransmetteur donné, synthétisent également des neuromodulateurs, souvent de nature peptidergique (neuropeptides), qui sont colibérés avec le neurotransmetteur et vont pouvoir moduler son action, en agissant sur le même neurone post-synaptique ou sur d’autres neurones via des récepteurs particuliers.
À retenir
• Les cent milliards de neurones qui composent le cerveau humain sont connectés entre eux pour former cent mille milliards de synapses.
• Au niveau de ces synapses, des messagers chimiques appelés neurotransmetteurs permettent de véhiculer les signaux électriques d’un neurone à l’autre.
• Les principaux neurotransmetteurs sont au nombre de 6 : deux acides aminés (GABA, glutamate) ; trois monoamines (dopamine, noradrénaline, sérotonine) ; acétylcholine.
• Les médicaments neuropsychotropes agissent en modulant ces différents systèmes de neurotransmission.
Divers composants moléculaires exprimés au niveau du neurone pré-synaptique, de la synapse
Figure 2 Interaction entre les systèmes de neurotransmission.
et du neurone post-synaptiques sont à l’origine du phénomène de neurotransmission (figure 4). Les neurotransmetteurs sont directement synthétisés au niveau neuronal à partir de précurseurs. Ces précurseurs sont des acides aminés qui sont amenés dans les corps cellulaires des neurones grâce à des systèmes de transports spécifiques, puis trans-
formés en neurotransmetteur sous l’action d’une ou plusieurs enzymes. L’équipement enzymatique confère à un neurone donné sa spécialisation vis-à-vis d’un système de neurotransmission particulier : les neurones cholinergiques expriment la choline-acétyl-transférase ; les neurones dopaminergiques expriment la tyrosine hydroxylase.
Figure 4. Les principaux acteurs moléculaires de la neurotransmission.
Figure 3 Localisation et fonctions des six principaux neurotransmetteurs.
Une fois synthétisé, le neurotransmetteur est stocké dans une vésicule, grâce à un système de transport couplé au système de transport des protons. Chaque vésicule contient une quantité bien définie du neurotransmetteur synthétisé par le neurone Une fois remplie, la vésicule est acheminée par un système de transport axonal antérograde vers la terminaison synaptique. Sous l’effet d’une activation électrique neuronale, correspondant à des potentiels d’action liés à l’activation de canaux sodiques voltage-dépendants, du calcium entre dans le corps cellulaire du neurone par le biais d’un canal calcique voltage-dépendant. L’augmentation de la concentration calcique intraneuronale provoque la modification d’un système complexe de protéines exprimées par les membranes vésiculaires et neuronales, conduisant à leur interaction et à la fusion des membranes. Cette fusion des membranes aboutit à l’ouverture de la vésicule dans la fente synaptique et à la libération du neurotransmetteur. Une fois dans la fente synaptique, le neurotransmetteur peut se fixer sur les récepteurs membranaires du neurone post-synaptique, afin de lui transférer l’information de l’activation du neurone présynaptique. Les modifications cellulaires du neurone post-synaptique pourront à leur tour être transmises, par transmission synaptique, à d’autres neurones expliquant que l’activation d’un groupe neuronal puisse aboutir à l’activation d’un autre groupe neuronal auquel il n’est pas directement connecté, par le biais de circuits neuronaux complexes. À l’échelon post-synaptique, le neurotransmetteur agit essentiellement par le biais de récepteurs membranaires de type ionotropes (récepteurs-canaux) et de type métabotropes (récepteurs couplés à une protéine G).
Une fois libéré, le neurotransmetteur est très rapidement inactivé afin d’induire une stimulation pulsatile et non permanente, seule capable d’être perçue comme un signal biologique pertinent et évitant un phénomène de désensibilisation des récepteurs. Trois mécanismes sont en cause dans l’inactivation de la neurotransmission : • Dégradation enzymatique du neurotransmetteur, conduisant à la formation de métabolites inactifs. Pour chaque neurotransmetteur existent des enzymes particulières : monoamine oxydase-A pour la sérotonine et la noradréna-
line ; monoamine oxydase-B pour la dopamine ; acétylcholinestérase pour l’acétylcholine ; GABA transaminase pour le GABA…
• Les systèmes de recapture : pour chaque neurotransmetteur, il existe des systèmes protéiques, composés de 10 ou 12 domaines transmembranaires, exprimés par les neurones présynaptiques ou les cellules gliales, qui sont capables d’extraire le neurotransmetteur de la fente synaptique pour le recycler au niveau cellulaire, grâce à un système d’échange ionique.
• Les récepteurs présynaptiques : certaines isoformes des récepteurs des neurotransmetteurs peuvent être exprimés au niveau du neurone présynaptique : soit au niveau de la terminaison synaptique ; soit au niveau somato-dentritique. La stimulation de ces récepteurs présynaptiques par le neurotransmetteur induit un effet de rétrocontrôle négatif, à l’origine d’une diminution de la neurotransmission. Le récepteur nicotinique est la seule exception puisque, exprimé au niveau présynaptique, il exerce un rétrocontrôle positif.
À retenir
• La neurotransmission nécessite la synthèse du neurotransmetteur dans des neurones spécialisés grâce à leur équipement enzymatique.
• Sous l’effet de l’activité électrique neuronale, le neurotransmetteur présent dans les vésicules est libéré par un phénomène d’exocytose calcium-dépendante.
• Une fois libéré, le neurotransmetteur agit sur des récepteurs post-synaptiques pour transmettre l’information au neurone post-synaptique.
• La transmission synaptique devant être un phénomène transitoire, trois systèmes permettent l’inactivation du neurotransmetteur : sa dégradation enzymatique ; sa recapture par un transporteur présynaptique ; la stimulation de récepteurs présynaptiques.
Modulation pharmacologique de la neurotransmission
Étant donné que la plupart des pathologies neuropsychiatriques résultent, sur le plan symptomatique, d’anomalies d’une ou plusieurs voies de