Prologue
Amelia King
Février
Je suis assise en pyjama sur le canapé tandis que je swipe1 vers la gauche pour la plupart des garçons de ce site de rencontre. J’ai téléchargé cette application parce que ma sœur me l’a conseillé. J’ai visiblement besoin de me lancer parce que sinon, je vais mourir vieille et seule ; c’est elle qui l’a dit. Le problème, justement, c’est que je n’ai pas envie d’une relation pour l’instant. C’est également ce que je lui ai expliqué, mais elle m’a rétorqué que cette application était le meilleur moyen de rencontrer des mecs qui n’ont pas de projets de rencard.
Je suppose que c’est exactement ce que je recherche. Pas de rendez-vous.
Aucun type. Pas d’attaches.
Ma sœur, Elia, sort de sa chambre avec son uniforme de pom-pom girl et me demande :
Qu’est-ce que tu fais ?
Elle était si excitée d’être enfin dans l’équipe après avoir essayé deux années de suite et avoir échoué. Elle continuait à essayer parce que cela lui tenait à cœur d’être une pom-pom girl.
— Juste tranquille, en train de swiper, lui dis-je en lui montrant mon smartphone et le dernier gars qui s’affiche sur l’écran.
Elle s’approche pour regarder la photo, puis me prend le téléphone des mains.
— Non. Non. Non. Certainement pas. Euh, attends, celui-là. Il est mignon, dit-elle, ses doigts avançant rapidement sur l’écran puis
s’arrêtant.
Attends ! crié-je.
Je sais ce qu’elle va faire par la suite et je refuse qu’elle le fasse. La dernière chose dont j’ai envie, c’est de correspondre avec un garçon que ma sœur sélectionne pour moi. Ce n’est pas qu’elle a les pires goûts, c’est juste qu’elle n’a pas du tout les mêmes que moi. À l’opposé, en fait. Alors oui, il n’est pas mon genre.
— Fais-moi voir ! lui dis-je.
— Trop tard, j’ai déjà swipéà droite ! s’exclame-t-elle.
— Tu es vraiment nulle ! maugréé-je.
Je suis toujours allongée sur le canapé et lève les yeux vers elle tandis qu’elle se penche vers moi.
— Annddddit’samatch2 ! annonce-t-elle dramatiquement.
Je secoue la tête.
Passe-le-moi ! lui dis-je, prête à découvrir avec qui je suis compatible, à qui ma sournoise petite sœur a-t-elle choisi de me confier.
C’est drôle que je l’appelle ma petite sœur, nous sommes jumelles. Je n’ai que quelques minutes de plus, mais je lui en tiendrai rigueur toute ma vie.
Elle me jette le téléphone à la figure et je l’attrape avant qu’il me frappe au visage.
— Il faut que j’y aille, dit-elle en se dirigeant vers la porte.
Je pointe du doigt sa tenue.
— C’est le premier jour d’entraînement ? lui demandé-je.
Est-ce que les pom-pom girls portent leur uniforme à l’entraînement ? Est-ce que c’est une règle ?
— Oui ! s’exclame-t-elle, les yeux grands ouverts d’excitation.
— Mais on est en février, ce n’est pas un peu tard pour commencer ? m’enquiers-je.
Je ne peux pas m’empêcher de m’interroger sur les raisons qui les poussent à accepter de nouvelles recrues dans l’équipe au début du semestre de printemps.
Ma sœur soupire bruyamment, lassée de devoir m’expliquer les choses, sans doute.
— C’est toujours ainsi que ça se passe, parce qu’ils commencent à entraîner les pom-pom girls qui les rejoindront à l’automne pendant que l’équipe de déplacement n’est pas en compétition, m’apprendelle.
Je fais comme si tout cela avait un sens.
Pourquoi faut-il que tu portes ton uniforme ? dis-je.
Elle ne devrait pas enfiler un sweat ou autre chose ? Je veux dire, elles vont s’entraîner. Ça n’a pas de sens d’utiliser leurs tenues.
Chacune d’entre nous doit le mettre le premier jour de l’entraînement. Ils veulent s’assurer que la tenue est adéquate et confortable.
Une autre chose qui n’a pas de sens si elles ne vont pas utiliser les tenues avant septembre, mais peut-être qu’elles vont le faire plus tôt. Qui sait ? Je ne m’en préoccupe pas suffisamment au point de poser la question.
Je m’imprègne de son apparence, de sa queue de cheval à ses baskets.
Ça a l’air d’être très, très ajusté.
À tous les bons endroits, dit-elle en souriant.
— Eh bien, bonne chance ! lui dis-je.
— Merci. Je suis vraiment excitée.
Évidemment qu’elle l’est. Le cheerleadingest la seule chose qui la passionne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a choisi
l’université de Bragan. Ça, et le fait que j’allais déjà débarquer ici et qu’elle déteste être seule. Elle ne l’a jamais été. Nous avons littéralement partagé un utérus et à peu près tout depuis, sauf nos goûts et nos loisirs, manifestement.
Je suis contente pour toi, lui dis-je en me redressant et en me préparant à allumer la télé. Alors, qu’est-ce que vous allez faire, déjà ? demandé-je, en essayant de montrer un peu d’attention pour les choses qui intéressent ma sœur, tout en trouvant que c’est vraiment difficile.
Elle se frotte les mains avant de commencer.
— Eh bien, on a des compétitions, c’est ce sur quoi l’équipe de déplacement se concentre, me dit-elle.
Elle contourne le canapé de façon à se placer face à moi.
— Et on encourage aussi les équipes de football et de basket, ditelle en aparté. Juste pour s’entraîner, ajoute-t-elle ensuite, en s’assurant que je comprenne bien que le cheerleading est un sport indépendant de celui qui consiste à le faire pour d’autres sports.
Eh bien, dis-je en acquiesçant. Souviens-toi de ce que maman disait au sujet des sportifs.
Le fait de savoir que ma sœur sait exactement où je veux en venir me fait sourire.
Elle lève les yeux au ciel.
Ce n’est pas comme si je les connaissais. On n’a même pas commencé ! dit-elle sur la défensive. Ils ne seront même pas là jusqu’à ce que le semestre soit plus avancé, ajoute-t-elle.
— Quand même, elle dit toujours quoi ? insisté-je, beaucoup trop fan de cette situation.
Elle reprend à contrecœur les termes de ma mère.
— Il faut se tenir éloigné d’eux.
J’applaudis, sachant que cela va l’agacer encore plus.
—
Excellent travail ! N’oublie pas cet avertissement maintenant que tu vas les soutenir, lui dis-je.
Elle secoue la tête et passe la porte sans dire un mot de plus. Dès que le battant se referme, j’éclate de rire.
Je suis sur le point d’attraper la télécommande lorsque mon téléphone vibre. Je le déverrouille et constate que le type que ma sœur a choisi m’a déjà envoyé un message. Je l’ouvre avant même d’avoir eu le temps de regarder sa photo.
Lui : Alors, qu’est-ce qui t’amène ici ?
Avril
Nick Hunter
Assis sur le canapé de cette maison de fous, je regarde mes frérots avec fierté. Le jour où leur travail acharné est récompensé, je ne peux pas m’empêcher d’être jaloux et un peu triste.
Il y a de quoi l’être, ce qui est égoïste, mais c’est comme ça. Je suis jaloux que mon père ait fait de l’obtention d’un diplôme universitaire une nécessité et que je n’aie donc pas pu me porter candidat et être appelé sous les drapeaux à leurs côtés. Je suis triste de ne plus partager la même maison qu’eux, même s’ils étaient franchement lourds la plupart du temps. La vérité, c’est que l’université était vraiment tout ce que nous avions ; nous ne vivrons peut-être plus jamais dans le même État au même moment. Et cela me désole, plus que je ne l’aurais cru.
Je regarde autour de moi et observe la façon dont ils se tiennent nerveusement assis dans le salon, les yeux fixés sur la télévision, dans l’attente du début de la sélection, de l’appel de leur nom. Mes yeux se portent sur trois garçons en particulier. Mon frère, Colton. Son meilleur ami, Chase. Et mon meilleur ami, Zack. Je n’arrive pas à croire qu’ils seront tous partis et que moi, je serai toujours coincé là, tout seul. Je tourne mon attention vers l’endroit où Jesse et Zoé se trouvent, qui, curieusement, parlent à mon père et aux autres
parents. Je ne réalise pas que Jesse quitte l’équipe. J’imagine que son objectif n’est pas la NFL3 , mais plus de devenir médecin, et qu’il doit s’y consacrer maintenant qu’il s’apprête à entamer sa dernière année d’études.
Ce sera une reconstruction du noyau de l’équipe, en gros, et je serai la colle qui permettra de maintenir la cohésion de l’ensemble. Coach m’a informé que j’étais capitaine et que maintenant que mon frère s’en va, je suis responsable de la Maison du football aussi, pour remplacer un Hunter par un autre.
Est-ce que vous êtes prêts, les gars ? crie Zack à l’instant même où le capitaine se dirige vers l’estrade pour souhaiter la bienvenue à tout le monde lors de la séance de sélection.
Personne ne lui répond et je parie que c’est parce que tout le monde est sur le fil du rasoir. Le sentiment d’anticipation est en train de les tuer. Je veux dire que tout ce pour quoi tu as travaillé en tant que joueur de football se résume à ce moment. Même les joueurs qui ne seront pas repêchés ce soir, comme Jesse et moi, savent à quel point c’est important.
Après quelques minutes, les Bengals de Cincinnati, qui bénéficient de la première sélection, sont enfin au rendez-vous. Je m’assieds, une bière à la main, et je parcours la pièce du regard. Je saisis tout cela encore une dernière fois avant que les choses changent. Parce qu’elles vont changer, c’est inévitable.
Je fixe mon frère, celui que j’ai admiré toute ma vie, même si je ne le lui disais jamais. Même s’il a l’étoffe d’un premier choix, le voilà assis ici, à la Maison du Football, avec sa famille et ses amis, nous préférant à une bande d’inconnus, même si cela ne me surprend pas. Le Colton qui reçoit son diplôme ne ressemble en rien au Colton du début de sa scolarité à Bragan. Nous étions davantage similaires à l’époque, mais les gens grandissent. Je regarde la façon dont il tient la main de Mia. Je n’arrive pas à croire que ces deux-là vont
bientôt se marier. Même si l’ancien Colton me manque, je me réjouis du nouveau. Il est moins malheureux maintenant et je dois remercier Mia pour cela.
Mes yeux se braquent sur Chase, qui est assis à quelques centimètres de Mia et de Colton. Le voilà à côté d’une brune. Je ne l’ai jamais vue avant, mais je ne rate pas la façon dont elle tente d’attirer son attention alors qu’il se contente de se focaliser sur la télé. Je ne sais vraiment pas pourquoi les filles essaient de lui tourner autour ; il ne leur accorde jamais le moindre intérêt. Ce mec est un con. Il l’a toujours été, donc au moins, rien ne change. Je ne suis pas sûr que cela arrive un jour.
Il y a ensuite Zack, assis à côté de moi. Zack, eh bien, est tout sourire et sa copine, Emma, est près de lui. Je n’en reviens pas qu’il sorte avec la fille de l’entraîneur. Comment fait-il pour être encore en vie ? Mince, si cela avait été moi, le Coach ne m’aurait jamais laissé survivre jusqu’à aujourd’hui. Je serais enterré quelque part dans les bois.
Je vois Colton et Mia se lever du canapé et se diriger vers la cuisine, en passant devant les parents. Je me demande s’ils appréhendent le prochain chapitre. S’ils pensent à ce que cela signifierait pour eux deux. Ressent-il un nœud dans l’estomac ? Je sais que c’est le cas.
Le commissionnaire Goodell revient sur le podium et, une fois de plus, tous les bavardages qui se faisaient entendre dans la salle finissent par s’évanouir. Nous avons du matériel de premier choix dans cette salle, alors nous nous devons d’être attentifs. J’espère vraiment qu’aucun des gars ici présents ne terminera à Cincinnati.
Goodell débute.
Les Bengals de Cincinnati ont cédé leur premier choix aux Giants de New York en échange du quatrième choix des Giants au premier et au deuxième tour. Avec le premier choix de la draft 2020 de la NFL, les New York Giants sélectionnent Colton Hunter, quarterback, Bragan.
Et Colton revient dans la pièce, son téléphone à l’oreille et le sourire aux lèvres.
Je me lève de ma place sur le canapé et crie en courant vers mon frère pour l’embrasser :
— En avant ! New York n’est plus qu’à quelques heures de route. Tu n’étais pas obligé de nous tenir en haleine, tu sais ! lui dis-je, persuadé que le coup de fil qu’il vient de terminer devait être la raison pour laquelle ils sont allés dans la cuisine un peu plus tôt.
Je voulais m’assurer que ça arrivait bel et bien, dit-il en haussant les épaules.
Tout le monde applaudit et pousse des cris, et les caméras auxquelles je n’avais pas prêté attention depuis que je suis arrivé à cette soirée de sélection sont instantanément braquées sur lui. Mais je m’en moque bien, car cela va être l’interview la plus ennuyeuse jamais réalisée.
J’avais donc raison. L’entretien avec Colton a duré moins de deux minutes et chaque mot qui sortait de sa bouche donnait l’impression qu’il avait été entraîné par Bill Belichick4 lui-même. Cela aurait été un bien meilleur point de chute pour lui, surtout à présent qu’ils ont besoin d’un quarterback, mais il n’y a aucune chance qu’ils aient pu le choisir à vingt-trois ans et qu’ils aient pu ou voulu faire un compromis pour l’avoir dès le premier jour. La sélection se poursuit avec des joueurs d’autres écoles. Je commence à sentir l’énergie changer dans la pièce et je sais que c’est parce que les gars qui n’ont pas été repêchés se demandent de combien ils vont tomber maintenant que nous approchons de la fin du premier tour.
Les Patriots sont enfin dans la course et j’ai hâte de voir le nom des joueurs qu’ils vont recruter. Il est clair qu’ils ont désespérément besoin d’un quarterback, mais je doute qu’ils en sélectionnent un à l’heure actuelle, c’est trop évident. Je regarde dans la pièce pour
vérifier qui est encore là. Ce n’était pas une fête publique à laquelle tout le monde était invité. Il y avait surtout l’équipe et les parents des joueurs repêchés.
Les gens circulent, se servent des bières, de l’eau, et cherchent à se distraire pendant qu’ils attendent. Je reste assis sur le canapé et j’absorbe tout. Je serai comme ça l’année prochaine.
Emma et Zack reviennent dans le salon, tous les deux avec des bières et d’immenses sourires sur le visage.
Allez, on y va ! crie Zack.
Qu’est-ce qui s’est passé ? demandé-je en me levant d’un bond du sofa.
Il se dirige vers l’endroit où je me trouve et entoure mon épaule de son bras.
Tu ne vas pas me croire si je te le dis, alors autant attendre et voir.
Je me tourne vers la télévision, puis je reviens au sourire niais de Zack. Impossible de lui faire dire ce que je pense qu’il est en train de dire.
— Tu n’es pas sérieux.
Il suffit de regarder, dit Emma avec de la fierté dans les yeux et le silence s’installe dans toute la pièce.
Choquée.
Surprise.
Dans l’attente.
Le commissionnaire de la NFL remonte sur le podium et le sourire de Zack s’élargit encore plus.
— Avec le 23e choix général de la draft 2020 de la NFL, les New England Patriots sélectionnent Zack Hayes, Left Tackle, Bragan !
Au moment où les mots quittent la bouche de Goodell, je cours dans la pièce en criant comme un dératé.
J’attends que Zack prenne ses parents dans ses bras et je ne manque pas de voir les larmes dans leurs yeux.
— Tu es un Patriot! m’écrié-je quand il s’approche de l’endroit où se tiennent les garçons.
Zack hoche la tête.
— Putain de Dieu ! hurlé-je.
Tu le mérites, dit Colton.
Je suppose que tu restes en Nouvelle-Angleterre, ajoute Chase.
— Je vais certainement être ton plus un pour tous les matchs à domicile, lui dis-je.
Emma se racle la gorge et me lance un regard noir. Je le mérite. C’est sa petite amie, alors je comprends qu’elle souhaite être sa priorité.
Ah, je suis encore là !
Eh. Il te suffit de le lire dans un livre. Je t’écrirai même un rapport si tu veux, dis-je en plaisantant à demi-mot.
Les Patriots, mon gars, ça te fait quoi d’être repêché par les New England Patriots ? s’enquiert Jesse, en faisant sa meilleure imitation de Matthew Slater5 .
— Comme si ça en avait valu la peine, dit Zack avec un soulagement visible sur son visage. Il le mérite plus que n’importe qui d’autre.
Hé, mon pote, c’est Belichick qui a appelé ? demandé-je avec curiosité.
Oui, répond-il en se frottant la nuque.
— Et ? insisté-je en souriant.
— Le coup de fil le plus flippant de ma vie, glousse-t-il et je ris à ses côtés.
— Prépare-toi pour la Voie des Patriots, lui dis-je. Le sélectionneur continue et nous nous asseyons pour célébrer tout en nous interrogeant sur qui va dans peu de temps se faire appeler. Colton ira chez les New York Giants et Zack chez les New England Patriots. J’aimerais bien les retrouver ou me mesurer à eux à l’échelon supérieur. Je suppose que ce sera bientôt le cas.
Je me tourne vers Chase et vois l’air inquiet sur son visage. Un regard qu’il essaie de cacher, mais en vain. C’est le regard qui vient du fait que c’est le deuxième tour et que son nom n’a toujours pas été appelé. Il ne devrait pas s’en faire, car il sera certainement choisi aujourd’hui. C’est l’un des meilleurs joueurs de cette catégorie.
Au fur et à mesure que le deuxième tour avance, l’air devient un peu plus lourd. Nous sommes tous assis là, excités par ce que nous savons déjà, mais inquiets de ce que nous ignorons. La tension dans l’air est vive. Le silence n’arrange rien.
Puis, une sonnerie de téléphone retentit dans la pièce. Tout le monde observe les alentours pour comprendre d’où elle vient. Mais mes yeux se tournent vers Chase.
Il fixe le smartphone posé sur la table basse devant lui et le décroche.
Hello, dit-il et nous scrutons tous ses gestes et écoutons ses moindres paroles. C’est super. Merci, répond-il.
J’aimerais vraiment que nous puissions entendre l’autre côté de la conversation. Je regarde la télévision et vois que les Jets sont en train de jouer.
Je me retourne vers Chase et attends qu’il dise enfin quelque chose d’autre à l’autre personne au bout du fil.
— J’ai hâte d’y être, coach.
Goodell monte sur la scène juste au moment où Boulder raccroche. J’alterne de lui à la télévision et vice-versa.
Goodell commence à parler :
Avec le 48e choix de la draft 2020 de la NFL, les New York Jets sélectionnent Chase Boulder, joueur de ligne défensive, Bragan.
Même chose que pour les autres, l’annonce est suivie de cris et d’accolades.
New York, baby ! dit Colton en se dirigeant vers son meilleur ami et en le serrant dans ses bras.
C’est un spectacle étrange pour la plupart des gens, étant donné que ces deux-là ne sont pas vraiment connus pour être des adeptes des étreintes. Les occasions spéciales poussent les gens à faire des choses spéciales.
— Je suppose qu’on va se voir souvent, répond Chase.
— Nous allons partager un stade après tout, dit Colton.
Je me lève et je le félicite.
C’est assez facile. Je vous rendrai visite à tous les deux. Ça va être amusant de vous observer vous affronter ! Et puis tous les matchs des Pats. Mec, ça va être génial ! dis-je, mon anxiété étant remplacée par une pure excitation.
Tellement de tickets pour tellement de matchs de la NFL qui vont me permettre de patienter jusqu’à ce que je puisse moi-même être présent.
Bon sang, je n’y avais pas pensé, dit Colton en faisant la grimace.
S’il vous plaît, ne lui faites pas de mal, dit Mia à Chase en plaisantant.
— Je ne suis pas là pour le défendre, alors il ne faut pas l’abîmer, ajoute Zack.
Chase sourit, ce qui, je le parie, choque tout le monde parce que c’est quelque chose qu’il ne fait jamais. Encore une fois, il faut croire que le fait d’avoir été enrôlé est une exception.
— Je ne peux rien te promettre.
— C’est là où le football vient de devenir beaucoup plus amusant, plaisanté-je, puis nous faisons la fête le reste de la nuit avant de nous séparer.
Chapitre 1 Nick
Août
— Ramenez votre cul sur le terrain, hurle Coach Wilson et je pose instantanément mon téléphone pour m’y mettre.
C’est le mois d’août et comme la plupart des meilleurs joueurs, Jesse, Zack, Colton et Chase, ne sont plus là, le reste d’entre nous en pâtit. Le coach ne nous laisse même pas faire plus qu’une pause pour boire de temps en temps.
Je cours jusqu’à l’endroit où se trouvent les attaquants et les receveurs.
— Hunter ! crie Coach. Hunter !
Il hurle encore une fois mon nom et je me retourne, me rappelant ainsi que je suis le seul Hunter de l’équipe désormais. Il est donc clair que c’est à moi qu’il s’adresse.
— Oui, Coach ?
— Va bosser avec le nouveau quarterback, répond-il en pointant du doigt ce dernier.
Hochant la tête, je change de direction et m’avance vers l’endroit où les quarterbacks s’exercent avec l’entraîneur Stevens.
— C’est Coach qui m’a fait venir, dis-je à Stevens dès que j’arrive.
Celui-ci me regarde pendant une seconde de trop ; il ne m’a jamais vraiment apprécié. Mais, encore une fois, c’est le cas de la plupart des gens.
— Je voudrais que tu fasses quelques séances d’entraînement avec Lincoln, me répond-il.
— Qui est Lincoln ? demandé-je, histoire d’être un peu mesquin.
Et voilà le nouveau numéro un qui s’éclaircit la gorge.
Moi, rétorque-t-il.
— OK. Qu’est-ce que vous souhaitez que je fasse ? m’enquiers-je auprès de Stevens.
— Contente-toi de parcourir différents trajets et de réceptionner le ballon, m’indique-t-il.
Je souris.
— Vous savez que je n’ai jamais vraiment été inquiet à propos de le récupérer. Assurez-vous juste que la nouvelle recrue ne foire pas la passe, répliqué-je d’un air arrogant.
Tais-toi, Hunter, réprimande Coach Stevens. Ignore-le. Sa bouche ne lui rend pas service, ajoute-t-il.
Très bien, allons-y, leur dis-je, prêt à mettre fin à cette interaction.
Nous nous éloignons de l’endroit où le coach Stevens est en train de passer en revue le cahier de jeu avec le quarterback remplaçant, Mersier. Cela fait deux ans qu’il est remplaçant et il n’a jamais eu besoin de jouer parce que mon frère n’a encore jamais eu besoin de lui. Mais il se peut que ce soit le cas avec ce nouveau quarterback, alors autant qu’il soit prêt, moi je vous le dis.
Nous nous livrons à quelques essais et je dois dire qu’il n’est pas si mauvais que cela. D’accord, ce n’est pas en lançant quelques spirales idéales sur un terrain vide qu’on peut en juger. C’est son comportement en match qui fera toute la différence.
Certains vont peut-être prétendre que je déteste le nouveau venu et ils n’auraient pas tout à fait tort. Je ne lui fais pas confiance. Je ne fais pas confiance à cette équipe pour être assez bonne sans les gars que nous avons perdus. Je me fais confiance pour donner des coups de pied au cul, mais je ne peux pas attraper si on ne m’envoie pas de passes. Cet étudiant de première année n’a jamais joué en dehors du lycée et il est censé remplacer mon frère. Mersier serait un meilleur choix à ce stade.
Ce gars est arrivé de nulle part, devançant notre remplaçant pour devenir titulaire.
Je déteste ce genre de situation.
Je déteste ceux qui sautent l’année de la chemise rouge et qui entrent directement dans l’équipe. Oui, c’est ce que j’ai fait. Pourtant, cela s’accompagne généralement d’une attitude arrogante, je suis bien placé pour le savoir.
Je ne parviens même pas à le cerner.
Ai-je déjà mentionné qu’il est très bizarre ? Quand nous sommes tous arrivés à Bragan pour notre entraînement, il a déclaré qu’il ne se joindrait pas à nous en logeant à la Maison du Football.
Même lorsque nous lui avons dit que c’était en quelque sorte une obligation, il a simplement haussé les épaules. Il n’a pas pris la peine de donner une explication, il a tout bonnement refusé de suivre la tradition. De faire les choses comme on les a toujours faites. Alors oui, je le déteste un peu. Il y a une chambre pour lui dans la Maison de toute façon, mais c’est juste un gaspillage d’espace. Je vais bientôt commencer à l’utiliser pour y entreposer mes tenues d’entraînement. Comme ça, si jamais il vient, il aura une bonne odeur de bienvenue.
— Dix et dehors ! crie-t-il et je fais ce qu’on me dit.
Le ballon tombe en spirale vers moi et je l’attrape parfaitement au bon moment.
— Bon travail ! C’est tout pour aujourd’hui, vocifère l’entraîneur Stevens avant de tourner les talons et de quitter les lieux.
Lincoln s’avance vers moi et me tend la main.
Bon rattrapage, dit-il.
Je lui serre la main parce que l’avenir de ma carrière en NFL repose en quelque sorte sur lui.
Bon lancer. J’espère que tu vas pouvoir en faire autant pendant un vrai match, ne puis-je m’empêcher de plaisanter.
Je suppose que c’est ce qu’on verra, dit-il avec lucidité, puis nous nous dirigeons tous vers le vestiaire.
Dès que j’arrive à mon casier, je sors mon téléphone. Je passe en revue mes messages et trouve instantanément celui que je cherche. Celui qui me dit qu’elle sera de retour sur le campus dans quelques semaines. Parfait.
Amelia
Alors, tu penses que tu seras à nouveau libre quand ? demande-til en finissant d’enfiler sa chemise.
Je me retiens de froncer les sourcils en m’apercevant que je ne peux plus voir les muscles de son dos.
— Je te tiendrai au courant, lui dis-je, à moitié distraite par sa simple présence dans ma chambre.
Il se tourne vers moi et me lance ce sourire enfantin que je lui connais.
— Bientôt ?
Je hausse les épaules.
Peut-être.
D’accord, alors…
Il parcourt la pièce du regard, puis ses yeux trouvent les miens.
— Je me tire, dit-il.
Il me fixe pendant quelques secondes, puis sa bouche s’ouvre pour dire quelque chose.
Se ravisant, il secoue la tête et sort de la pièce.
Il est deux heures du matin.
C’est sans doute pour aller à une fête ou quelque chose comme ça. Dans un autre endroit. Avec quelqu’un d’autre. Je ne suis pas censée m’en soucier. Je m’en fiche.
C’est ce que nous avons convenu.
Ma porte s’ouvre à toute volée, accaparant toute mon attention. Puis, voilà que ma sœur entre en sautillant, la bouche et les yeux écarquillés.
C’était Nick Hunter ? demande Elia.
Je ne réponds pas. Je regarde simplement la personne avec laquelle j’ai été forcée de partager mon espace pendant la majeure partie de ma vie. Le marché, c’était qu’on se serre les coudes. C’est ce que nous avons toujours fait. Littéralement, depuis l’utérus.
Nous sommes jumelles.
Pas identiques. Loin de là. Elle n’est qu’air et légèreté. Elle voit la vie avec des lunettes roses. Je suis tout le contraire. Maman n’a jamais compris comment deux personnes complètement opposées ont pu être conçues à la même heure.
On ne peut même pas se partager nos vêtements. Elle est très BCBG. Je suis… eh bien, ce n’est pas mon cas.
Elle aime les jupes, les robes et les talons. Je porte des jeans déchirés, des sweats à capuche et toutes les chaussures qui ne me font pas mal aux pieds.
— C’est la quatrième nuit que je tombe sur lui, dit-elle.
Elle se dirige vers mon lit et s’apprête à s’y asseoir, mais elle baisse les yeux et s’arrête à mi-chemin. À la place, elle tire l’un des
poufs du coin de la pièce et le rapproche du lit avant de s’y installer.
Est-ce que tu vas dire quelque chose ? demande-t-elle sur un ton impatient.
Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? répliqué-je en m’adossant à la tête de lit.
C’est Nick Hunter qui vient de sortir de notre appart. Une fois de plus. Nick Hunter, le joueur de football.
Je ne sais pas trop pourquoi ma sœur est encore sous le choc de l’avoir vu ici. Je me disais qu’à l’heure qu’il est, cela s’estomperait. Nous avons commencé à échanger en février. On s’est rencontrés en mars et depuis, on se voit de temps en temps de manière sporadique.
Il semblerait que tu aies toutes les informations dont tu as besoin, lui dis-je, pas particulièrement d’humeur à discuter.
Même si je crois bien que je ne le suis jamais.
Est-ce que vous sortez ensemble ? m’interroge-t-elle à nouveau.
Non, dis-je en répétant la même réponse que je lui ai donnée depuis la première fois qu’elle est tombée sur lui ici.
Et pourquoi pas ? demande-t-elle, ne comprenant pas comment il se fait que je le laisse pénétrer fréquemment dans mon lit, mais que je le tienne à l’écart de mon cœur.
J’étire mes bras.
— Je n’en ai pas envie.
Tu n’en as pas envie ? s’exclame-t-elle.
Je suppose, pour sa défense, qu’elle s’attendait probablement à ce que ce soit lui qui ne veuille pas avoir les mains liées. Je ne pense pas qu’elle ait tort sur ce point. Mais ce qu’il veut ou ne veut pas n’a pas d’importance, car je sais à quoi m’en tenir. Aussi longtemps que j’en suis sûre, c’est tout ce qui compte.
— Non. Je n’en ai pas envie, répété-je, mes mots semblant plus sévères que je ne l’aurais voulu.
— Pourquoi pas ? me demande ma sœur, toujours aussi investigatrice.
Elle a choisi une carrière parfaite dans le journalisme, puisqu’elle est toujours à la pêche aux informations.
Mais il n’y a rien à attendre de ce côté-là.
— Je dois me concentrer sur mes études. Je n’ai pas le temps pour une histoire d’amour, lui rappelé-je.
Voilà une nouvelle différence entre ma sœur et moi. Moi, je me soucie des notes et des cours. Elle préfère avoir des expériences de vie.
Comme je l’ai dit… des oppositions radicales.
— Alors, quoi ? Tu te sers de lui comme d’un accessoire ? demande-t-elle en se levant de son pouf.
J’acquiesce.
— Ça marche comme ça.
Comment ? insiste-t-elle, les bras croisés devant elle, ce qui me rappelle notre mère.
— On obtient tous les deux ce qu’on veut sans se soucier d’un engagement, tenté-je d’expliquer, même si je sais que c’est vain.
Ma sœur ne sort pas avec des gens choisis à la sauvette.
Alors, il couche avec d’autres filles ? demande-t-elle, le dégoût se lisant sur son visage.
Je ne crois pas que ce soit le cas.
Non, lui dis-je, même si je n’en suis pas certaine.
Je déteste ne pas être sûre. Non pas parce que je me soucie de lui, mais parce que je me soucie de moi.
Nous nous protégeons toujours, mais je n’aime pas l’idée que d’autres filles… pas du tout.
— Tu es sûre ? demande-t-elle, et je me lève de mon lit, fatiguée de la tournure qu’a prise cette discussion.
— Ouaip. J’ai envie de boire un peu d’eau, dis-je en sortant de ma propre chambre dans l’espoir de faire une pause dans l’interrogatoire qui est en train d’avoir lieu.
Je me dirige vers la cuisine aussi lentement que possible, en espérant qu’au moment où je retournerai dans ma chambre, ma sœur aura oublié la conversation ou sera tout simplement partie dans la sienne.