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Crossroads University T1 Wandering Stars Carmen Silvera

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Crossroads University

Tome 1 : Wandering Stars

Carmen Silvera

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les faits décrits ne sont que le produit de l’imagination de l’autrice, ou utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé, vivantes ou décédées, des établissements commerciaux, des événements ou des lieux ne serait que le fruit d’une coïncidence.

Autrice © Carmen Silvera

Correction © Faute Avouée

Couverture et maquette © Carmen Silvera (Adobe Stock, Shutterstock, Depositphotos et Canva)

Existe en format numérique et papier.

ISBN papier : 978-2-9586240-4-0

ISBN numérique : 978-2-9586240-5-7

Edition : mars 2024.

Dépôt légal : mars 2024.

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou transférée d’aucune façon que ce soit ni par aucun moyen, physique ou électronique, sans la permission écrite de l’autrice, sauf dans les endroits où la loi le permet, et dans le cadre de critiques littéraires. Cela inclut la photocopie, les enregistrements et tout système de stockage et de retrait d’information. Pour demander une autorisation ou pour toute autre demande d’information, merci de contacter l’autrice, Carmen Silvera (carmensilvera@outlook.fr).

www.carmensilvera.fr

AVERTISSEMENTS

Très cher lectorat, Ce roman aborde des sujets qui peuvent toucher certaines personnes. Je vous invite, si vous vous savez sensible à certains des trigger warnings listés ci-dessous, à vous sonder et à écouter vos émotions avant de décider d’ouvrir l’ouvrage ou de le refermer. Les éléments évoqués ci-dessous sont susceptibles de spoiler l’histoire. Le présent roman fait mention d’alcool, d'agressions sexuelles, de maladie mentale, de mort, d'emprise mentale. Il contient également des scènes pouvant éveiller une sensation de claustrophobie.

L’utilisation d’un langage parfois cru ou grossier est également à souligner. Le récit contient, en outre, des scènes de sexe détaillées. Mais ce roman parle aussi d’amour, d’amitié, de l'importance de communiquer, d'être à l'écoute de soi et de l'autre !

Respectueusement, Carmen

PLAYLIST

Spotify | Youtube

Tory Lanez (feat. Trippie Redd et Yoko Gold) – Hurt Me

Isak Danielson – I Don't Need Your Love

G-Eazy (feat. Bebe Rexha) – Me, Myself & I

Selena Gomez – Same Old Love

Gnash (feat. Olivia O'Brien) – i hate u, i love u

Kenya Grace – Strangers

Dua Lipa – Love Again

Shawn Mendes – Treat You Better

Calvin Harris (feat. John Newman) – Blame

Shawn Mendes – There's Nothing Holding Me Back

Kygo (feat. Conrad Sewell ) – Firestone

Maroon 5 – Maps

Niall Horan – Save My Life

Julie Bergan – Waste A Tear

Charli XCX – Boom Clap

The Chainsmokers (feat. Daya) – Don't Let Me Down

New West – Those Eyes

Tomas Skyldeberg – We Can Be Fearless

Coldplay – Hymn For The Weekend

Àtouteslespersonnesquiontvulesgouffresentre deuxindividusdonnernaissanceàdebellesrelations.

Touslesélémentscomposantl’univers,lesgalaxies,les amasdepoussière,lesastres,s’éloignentlesunsdes autresinexorablement.Unpeucommenous.Etquand deuxétoilessonttropprochesetquel’uned’entre ellesexplose,ilarrivequ’ellecondamnel’autreétoileà errersanstrajectoiredansl’univers.

Nekfeu,Les Étoiles Vagabondes

CHAPITRE 1 : TINA

Merveilleux.

Je lâche ma valise avec un soupir et pose mes mains sur mes hanches. Esmée a pâli à mes côtés.

Par-delà le toit de notre résidence se découpent des collines et des forêts que j’aurais aimé pouvoir admirer tout mon saoul. Le campus est plus près de la nature sauvage que de la ville à laquelle il se rattache : Lebanon. Son cadre incroyable décide une bonne partie des étudiants à venir y faire leur cursus, son manque de résidences universitaires, moins. Et je sens qu’Esmée et moi allons nous heurter à ce défaut de logement plus vite que prévu.

Le bâtiment censé nous accueillir pour notre première année a été vidé.

Une armée de meubles humides est entreposée dehors, sous le soleil déclinant, et goutte tranquillement sur la pelouse.

— Wow, lâché-je.

J’aperçois un policier du campus et traîne mes affaires jusqu’à lui, Esmée sur mes talons. Je peux sentir d’ici l’angoisse galopante de ma meilleure amie. Pourtant, elle est le calme et je suis la tempête, en temps normal.

— Excusez-moi, qu’est-ce qu’il s’est passé ? l’interroge Esmée d’une petite voix.

— Je crois que ça se voit… répond l’homme en haussant les épaules.

— Pas trop. Du coup, en version aimable et détaillée ? demandé-je.

Esmée me cogne le pied. Le gars nous lance un drôle de regard et désigne le bâtiment d’un mouvement de tête.

— Une… étudiante, Kate machin-chose, a oublié qu’elle avait commencé à se faire couler un bain et est partie quelques heures.

Le mot « étudiante », dans sa bouche, sonne comme une insulte. Il a l’air blasé, à un niveau inimaginable.

— Évidemment, soupire Esmée.

— T’inquiète, ma Reine, on va trouver une solution, lui dis-je.

Je dégaine mon téléphone, elle le sien, et le bal des appels commence.

Pour notre installation, nos parents ont accepté que nous partions en premier avec nos affaires dans la petite voiture d’Esmée. Déjà, on est tombées en panne sur la route, et j’ai refusé, un peu par fierté, je l’avoue, d’appeler ma mère et mon beau-père à l’aide. Heureusement, nous avons tout de même pu trouver un garagiste pas très loin d’ici, qu’Esmée a dû charmer avec ses yeux de biche pour qu’il nous dépanne alors que sa journée se terminait.

Bref, le trajet a déjà bien grignoté ma patience.

Au bout du troisième appel, je finis par entendre la voix chantante de ma mère, qui cache difficilement le reste de fou rire dans son timbre.

Avant Rachid, elle ne riait pas autant.

— Ma chérie ? Un problème ? me demande-t-elle.

— Léger, oui. Notre chambre a été inondée par une voisine du dessus.

Un petit silence s’installe. Ma mère bégaye deux trois jurons.

— Passe-la-moi, demande Rachid en fond sonore.

Un bruit sourd se fait entendre, puis la voix calme de mon beau-père :

— Puce, ça va ?

— Salut, Rachid. Oui, ça va ! Personne n’est mort. Mais autant que vous n’ameniez pas toutes mes affaires tout de suite, le temps que je trouve un autre logement sur le campus.

À ce moment-là, Esmée s’approche et me chuchote :

— Je viens de téléphoner, aucune chambre n’est libre. Avec la rentrée et l’installation des nouveaux étudiants, c’est un peu la folie.

— Qu’est-ce que dit Esmée ? demande Rachid.

— Elle dit qu’il n’y a plus de chambre libre. Mais ne vous inquiétez pas, je vais trouver une solution !

Je n’ai pas un rond et ce n’est certainement pas eux qui pourront me dépanner, après s’être ruinés pour me permettre de faire mes études.

— Écoute, puce, j’appelle Kâmil. Il connaît le campus, il pourra sûrement t’aider.

— Non, pas Kâmil !

Ma réponse a fusé. Pas Kâmil. Surtout pas. Même Esmée, qui lui parle quasi quotidiennement depuis son départ à la fac il y a deux ans, n’a pas osé me le proposer.

— Non, non, je vais me débrouiller.

— Ne sois pas idiote ! C’est ton frère, il peut bien faire ça !

Oh oui, il le ferait sûrement avec grand plaisir.

— Quasi-frère, précisé-je, le visage crispé.

Je n’aime pas que l’on laisse entendre qu’il existe le moindre lien de sang entre nous. Ça rend les choses… trop compliquées dans ma tête.

— Ne vous inquiétez pas, je vais trouver une solution. Toute seule.

Comme une grande.

À mesure que je parle, le visage d’Esmée se défait.

— Je vous laisse, je vous tiens au jus !

Dès que leurs voix commencent à s’élever dans un concerto de protestations, je raccroche précipitamment.

— Ils voulaient te mettre en lien avec Kâmil ? me demande-t-elle.

Ses grands yeux bruns bordés de cils roux sont soucieux. Je sais ce qu’elle pense : que je suis une gamine, qui refuse par fierté de réclamer de l’aide à la personne qui aimerait le plus me voir ramper à ses pieds. Enfin, en des termes plus appréciateurs – il s’agit d’Esmée, après tout. Mais qu’elle songe à la version polie ou à l’autre, elle a raison. Et elle sait que je sais qu’elle a raison.

— Kâmil ? fait une fille à côté de nous.

Elle a probablement entendu mon échange téléphonique et ma conversation avec Esmée. Je grince des dents.

— Tu le connais ? demandé-je en lui lançant un regard suspicieux.

Je la détaille un peu. Elle est jolie. Et c’est un euphémisme. Blonde, élancée, des allures de mannequin et l’air revêche. Elle hausse un sourcil avant d’articuler, comme si j’étais particulièrement idiote :

— Qui ne le connaît pas ? C’est l’un des membres du BigFive.

Un groupe de filles venues constater les dégâts se met à glousser à la mention de ce nom. Le BigFive? C’est quoi encore ces conneries ?

— Tu connais Kâmil ? s’enquiert aussitôt l’une d’elles.

J’ignore sa question et m’adresse plutôt à la blonde méprisante :

— Le Big Five1 ? Comme les bêtes convoitées par les chasseurs, en Afrique ?

J’espère qu’ils ne se sont pas donné ce nom eux-mêmes, c’est d’un prétentieux.

— T’es moins lente que t’en as l’air, me lance-t-elle d’un ton assassin.

— C’était gratuit.

— Je suis généreuse, c’est quand tu veux.

Je crois qu’elle a choisi de me détester. Je hausse les épaules sous le regard arrondi de surprise d’Esmée, qui se hâte de me rejoindre alors que je m’éloigne vers le parking où nous avons abandonné la voiture.

— Elle a l’air sereine, celle-là ! commenté-je d’un ton joyeux.

Autant dire que les humeurs d’une inconnue me passent systématiquement au-dessus de la tête. Je ne suis pas comme Esmée. J’ai une empathie sélective. C’est pour ça que je l’aime. Elle a le cœur tellement gros que j’essaye d’y prendre le plus de place possible, en virant tous ceux qui, à mes yeux, ne sont pas dignes de son attention. Et elle m’adore pour ça, je crois. Alors que je devrais me bouter hors de sa vie en ma qualité de personne qui ne la mérite pas.

— Tu as vu ? Elle a un souci au bras, dit-elle, le visage soucieux. Elle essaye de le cacher, mais…

— Mais tu l’as vu, Sherlock.

Je passe mon bras sur ses épaules et pousse un soupir satisfait.

— J’adore l’aventure ! On arrive, on est challengées… Et tu sais quoi ? On va s’en sortir brillamment.

Je mens souvent. Je ne fais franchement pas exprès, mais c’est plus fort que moi. Si j’annonce quelque chose, il se passe exactement l’inverse.

Bon. J’aurais aimé me louper, cette fois. Pourtant, alors que la nuit tombe, j’ai toujours les fesses contre le bitume du parking, encore échauffé par l’impitoyable chaleur du soleil d’été.

J’ai laissé filer les appels de Rachid et maman. Quand Esmée me rejoint, elle affiche un sourire désolé.

— Tu as trouvé une solution ?

— Oui, mais…

Je comprends rapidement.

— Mon frère veut bien me prêter son canapé, mais c’est tout ce qu’il a, dit-elle d’un air gêné. Je reste avec toi le temps que tu trouves ! Je ne te laisse pas toute seule. On a dit qu’on venait ensemble, on reste ensemble jusqu’à ce que chacune ait un toit sur la tête.

Ses yeux brillent de détermination. Adorable. Mon portable vibre et je baisse le regard sur l’écran. Ça doit encore être maman ou Rachid. Quelle naïveté ! Le nom qui s’affiche me glace le sang : Satan. Juste à mon air, Esmée comprend.

— Kâmil ?

Je tourne mon téléphone vers elle.

— Tina, tu devrais répondre. Il pourra peut-être t’aider. Il connaît du monde. Et si la fille de tout à l’heure disait vrai, peu de gens lui diront non s’il demande un service pour sa sœur.

— Quasi-sœur.

— Tina…

— Es, y a trop de raisons pour que je ne lui réclame pas d’aide à cette espèce de macho coureur de jupons de mes deux.

Un SMS s’affiche sur mon écran.

Décroche, tête de pioche.

Puis un énième appel. Je me signe et mime une prière muette, ce qui a au moins le mérite de faire rire Esmée. Je décroche, armée d’un fin sourire bien vite balayé par sa voix. J’ai l’impression qu’elle dévale mon oreille et termine sa course au creux de mon ventre. Il a toujours eu cet effet sur moi. J’ai beau donner le change, je ne suis pas certaine de parvenir un jour à ne plus l’aimer. Et pas dans le sens familial du terme. Je l’ai connu bien avant que nos parents se rencontrent. Et j’en suis tombée amoureuse bien avant que Rachid et maman succombent. En cela, j’ai devancé tout le monde et franchi des limites que je n’aurais jamais dû m’autoriser à dépasser.

— Alors comme ça, on fait une arrivée en fanfare ?

Je l’entends, mais mal. Derrière, des voix s’élèvent.

— Vous pouvez baisser d’un ton, j’ai ma sœur au téléphone.

— Quasi-sœur, grincé-je.

— Ça me fait plaisir de t’entendre, Grincheuse.

Putain. Je pourrais lui péter les dents.

— Plaisir vraiment peuréciproque. Qu’est-ce que tu me veux ?

— Non, toi, qu’est-ce que tu veux ?

— Rien.

Putain, je ne le dirai pas. Je ne lui demanderai pas son aide.

— C’est vrai, ce mensonge ? Pas même un toit sur la tête ?

Son ton est péremptoire. J’ai épuisé mon stock de patience et de positivisme pour la journée.

— Rachid a cafté, évidemment.

— Évidemment.

Il se tait. Je sais ce qu’il attend de moi et je m’étouffe sur place avec ma fierté mal placée. Il va m’être difficile de m’asseoir sur mon ego quand celui-ci enfle en ce moment même dans ma gorge, juste en écoutant son ton victorieux.

— Au revoir, articulé-je.

Alors que j’éloigne le combiné, il éclate de rire.

— T’es pas croyable. « Kâm, est-ce que tu peux me filer un coup de main pour trouver où crécher le temps que la fac propose une solution à mon problème de logement ? » C’est pas si difficile !

— Tu peux ou pas ?

— Je peux quoi ?

— …

— T’aider ? Oui, demoiselle en détresse, je peux. Mais ça va te coûter.

— Quoi ? Comment ça ? Je suis ta sœur !

— Quasi-sœur !

— Semi-homme.

Il éclate de rire.

— Elle a du caractère, fait une voix dans le fond.

Tu m’as mise en haut-parleur ?

— Non, Jo est collé à moi.

— Je savais pas que t’avais changé de bord, raillé-je. Jo, je t’emmerde.

Le dénommé Jo éclate de rire si fort que ça me bousille l’oreille.

— On est en voiture, je peux pas me débarrasser de lui.

— Tu ne te débarrasseras jamais de moi. En voiture ou ailleurs !

J’entends des bruits sourds puis de nouveau la voix de Kâmil :

— Je disais donc…

— … que ça va me coûter. Kâmil, tu fais chier, je…

— Je n’ai pas précisé en quoi ça allait te coûter.

Je pousse un soupir.

— Écoute, je n’ai pas envie de passer plus de temps que nécessaire sur cette histoire. Je suis crevée. La journée a été longue. Alors, épargne-moi ton suspense à la con.

— Eh bien, qu’est-ce que tu détestes plus que tout au monde ?

— Les crevettes ? Tu vas me faire manger des crevettes ? soupiré-je.

— Raté. Allez, un petit effort… Un truc que tu détestes vraiment.

— Me faire balader par un sale type comme toi ?

— Ah, tu chauffes.

— Toi.

— Waouh, Tina, tu es vraiment très forte. Je comprends que tu aies pu rentrer à la fac, cette perspicacité est impression…

— Oh, mais la ferme ! Eh bien quoi ? Quel rapport avec toi ?

— Il y a une place de libre dans ma chambre.

Mon sang ne fait qu’un tour et je hurle dans le combiné :

— Mais t’es vraiment tapé, mon pépère ! Comme si j’allais accepter de partager ton lit ! On n’a plus huit ans, je te rappelle…

— Calme-toi. Je n’ai jamais dit que c’était une place dans mon lit, tu as l’esprit si mal tourné, Tina. Ma chambre est prévue pour deux, mais Lys a quitté la coloc cet été : son lit est inoccupé.

Je mesure ses paroles. Des lits séparés, à la limite… Mais ça reste sa chambre… Sa voix se fait plus sérieuse.

— Écoute, Grincheuse. Je sais que tu as du mal avec moi, et j’entends bien que tu ne souhaites pas passer plus de temps que nécessaire à mes côtés. Mais je suis absent la journée, j’ai entraînement de foot quasiment tous les soirs et je suis souvent en déplacement pour des matchs. J’y dors juste, dans cette chambre. Le reste du temps, tu l’auras pour toi toute seule, et je ferai même attention de ne pas faire trop de bruit le soir, en rentrant. Est-ce que tu peux accepter, comme ça, j’appelle papa et Cécile pour leur dire d’arrêter de stresser ?

Prise de culpabilité, je baisse la tête.

— C’est bon, c’est d’accord.

— OK, je t’envoie l’adresse. Lys viendra t’ouvrir, je le préviens par SMS. Il ne devrait pas te faire trop attendre. Le reste d’entre nous rentre de vacances, on devrait revenir vers une heure du matin.

Ah oui, leurs désormais traditionnelles vacances au bord de l’océan.

Rachid m’en a vaguement parlé. Par contre, aucune idée de qui est ce Lys.

— Noté. Merci, grincé-je.

— Eh, Grincheuse ?

— Quoi ?

— Respire, ça va aller.

Je n’ai pas réalisé à quel point j’ai retenu mon souffle. Je pousse un lourd soupir, qui ne lui échappe pas.

— Voilà, tout va bien se passer.

L’entendre me rassure, bien malgré moi. Il me laisse raccrocher la première et je lève un regard vaincu vers Esmée.

Elle s’agenouille face à moi et pose ses mains sur mes genoux.

— Tu sais, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose…

… d’être coincée dans la même chambre que mon quasi-frère, alias mon ami d’enfance, alias la personne que j’aime désespérément depuis des années et qui s’est bien foutu de ma gueule ? Non, c’est une excellente chose, au contraire.

Je sais qu’elle tient à lui autant qu’elle tient à moi. On a grandi ensemble, après tout. Et je regrette d’être aussi dure à propos de quelqu’un qu’elle porte manifestement en haute estime. Et qui le mérite probablement plus que moi.

— Kâmil a plein de bons côtés et il tient à toi, malgré votre passif. Et puis, des hommes, ce n’est pas ce qui manque dans une fac ! Tout ça t’aidera peut-être à passer à autre chose. De toute façon, tu ne comptes pas t’éterniser ici, si ?

— Oui, tu as raison.

Le temps de réunir assez d’argent et de courage et je pourrai partir explorer le monde. Je me relève, requinquée.

— Cette année, Esmée, je passe à autre chose, lancé-je, pleine d’entrain.

1. À l’origine, cette expression désignait les cinq animaux africains les plus difficiles et les plus dangereux à chasser à pied. Ils posaient beaucoup de problèmes aux chasseurs en raison de leur comportement imprévisible.

Un coup de fil m’a permis de réserver le lit vacant pour Tina auprès de Lys, à qui on avait gardé cette place, malgré son départ de la coloc. On tenait tous à ce qu’il se sente toujours chez lui, loyer payé ou non. Les résidences sur le campus étant mises à disposition des freshmen1 , Jolan, Alex, Lys, Matt et moi avons décidé de nous installer en colocation à la fin de notre première année, dans Lebanon, à quelques kilomètres de l’université.

Jolan me chatouille la joue d’un doigt.

— Alors ?

— Alors, quoi ? demandé-je en virant son index.

— Alors, ta sœur !

— Quasi-sœur.

— Elle a l’air d’avoir aussi bon caractère que toi, commente Alexander en me lançant un regard désinvolte dans le rétroviseur.

Matthias lève les yeux de son casse-tête en bois et se contorsionne pour m’observer, vaguement intéressé.

— C’est tendu avec elle ?

— Un peu. On se connaît depuis longtemps. Nos parents se sont rencontrés à force de venir nous récupérer à l’école.

— Ah. Effectivement, ça fait un moment. C’est vraiment une sœur pour toi.

J’acquiesce, mais je me tortille, mal à l’aise. En théorie, on n’embrasse pas sa sœur. On ne la désire pas un peu plus chaque seconde qui passe depuis qu’on a emménagé avec elle. Cécile, qui m’a pris sous son aile comme un fils, en ferait une syncope si elle apprenait que je lorgne sa précieuse fille comme un loup affamé depuis des années. Et elle aurait raison.

— Hum… ça ne te ressemble pas d’être aussi généreux. Tu disais vouloir la chambre pour toi tout seul, avance Alexander. Et je maintiens que c’est une mauvaise idée. Je n’aime pas le fait qu’une fille mette son nez dans nos affaires.

— Oh ça va, le sexiste du dimanche, ronchonne Jolan.

— Je suis si content que quelqu’un d’autre occupe cette chambre, ça nous évitera le spectacle sonore du soir quand tu ramènes quelqu’un, ajoute Matthias avec un sourire en coin, avant de se rencogner dans son siège.

— Oh, c’est bon, c’est arrivé qu’une fois cet été.

Jolan s’étrangle avec sa gorgée d’eau.

— Une fois ? Mensonge odieux !

— Eh bien, ça n’arrivera plus !

J’ai tout essayé pour me la sortir du crâne, elle y reste. Et maintenant, en plus d’être dans mon crâne, elle sera dans ma chambre, à portée de main et pourtant plus inaccessible que jamais. Je vais devoir trouver des excuses pour dormir le moins possible à la maison. Moi qui étais si content d’avoir cette chambre pour moi seul. Même si on a tous été heurtés que Lys quitte la colocation, c’était l’occasion pour moi de profiter d’un peu de solitude.

— Mais… Et la jolie brune que tu voyais ? m’interroge Matt.

— Je l’ai vue deux fois.

— Elle avait l’air attachée.

— C’est pour ça que je ne la vois plus.

— Et son prénom ?

J’évacue la question d’un sourire crispé et Matt soupire.

— La pauvre…

— Tu sais, Kâm, les filles vont finir par se passer le mot et se méfier de toi, ajoute Jolan.

— Qu’elles le fassent… et vite, marmonne Alex en jetant un œil à sa montre hors de prix. C’est pas possible de tomber dans le panneau alors que c’est littéralement marqué sur la notice de l’engin. Quarterback, relativement beau gosse, sourire permanent complètement surfait. Vraiment, des idiotes…

— Moi aussi, je t’ai aimé au premier regard, Alex, chantonné-je à son attention en me tendant au maximum contre ma ceinture pour essayer de déposer un baiser sur son crâne.

Il me chasse d’un geste brusque et marmonne une insulte bien sentie.

— Il n’a quand même pas tout à fait tort, avance Matt.

Je me renfonce dans mon siège, les bras croisés, le regard noir.

— Mais lâchez-moi tous ! Elles viennent de leur plein gré, je les préviens que ça n’ira absolument pas plus loin sentimentalement, et ça s’arrête là !

— J’en ai quand même vu trois repartir en pleurant.

— Elles étaient trop attachées après une seule fois, alors je… Non, mais je ne vois même pas pourquoi je me justifie, en fait.

Je ne suis absolument pas fier de mes relations. Le festival du n’importe quoi. Un besoin ingérable d’affection doublé d’un rejet total de l’attachement. J’ai toujours été honnête avec ces filles, mais sur la forme, j’aurais pu mieux faire. Et ça ne dissuade pas d’autres de tenter leur chance, espérant qu’avec elles, peut-être, ce sera différent. Qu’elles

pourront se faire une place dans le cœur d’un garçon populaire. Je suppose que c’est le fantasme d’être l’élue, de ne pas être « comme les autres filles ».

Pourtant, je suis tombé amoureux d’une fille comme les autres. Seulement, tout en elle vient me chercher à une profondeur que je ne m’explique pas. Sa présence me remue depuis toujours.

Elle occupe mon cœur, mais une autre qu’elle a dressé une muraille autour. Infranchissable.

Une vibration de mon téléphone me tire de mes pensées.

J’ai vu les stories de tes amis, tu as l’air heureux.

Mon visage se décompose et mes yeux évitent d’aller chercher le nom de l’expéditrice. Seul Jolan s’en aperçoit et hausse un sourcil interrogateur. Je me détourne et pose mon front contre la vitre de la voiture. Le paysage défile à toute vitesse, enflammé par le coucher du soleil. La phrase court dans ma tête et s’écrase dans cette boîte pleine de saloperies, où j’ai pris le soin de ranger tout ce qui fait mal. La culpabilité me ceint la gorge encore plusieurs minutes avant de relâcher son étau.

— On arrive dans combien de temps ? demande Jolan.

La question, prononcée sur un ton volontairement enfantin, détend l’atmosphère.

— Dans cinq heures, mon chéri, répond Matthias, hilare. On a de l’avance, on a roulé plus vite que prévu.

Il lance un regard pointu à Alex qui hausse les épaules.

Quelques minutes après sa question, les ronflements de Jolan envahissent l’habitacle. Il détient le record de l’endormissement le plus rapide, ce qui lui a valu de nombreuses fois d’avoir le visage décoré les lendemains de soirée.

J’ai du mal à être malheureux en leur présence. C’est idiot, mais les avoir rencontrés a été le plus beau des hasards, il y a deux ans presque jour pour jour. La fac nous a regroupés, dès notre première année, dans la même résidence. Chacun à notre manière et en quelques mois, nous avons gagné en popularité. Depuis, l’attention que l’un génère se répercute sur les autres.

Cela nous a valu le surnom de Big Five et l’attribution d’un animal, apparemment représentatif de notre caractère.

Il n’y a que Matt que je connaissais de vue avant d’emménager avec lui.

David, le frère aîné d’Esmée, était son ami d’enfance. À leur entrée à la fac, je ne sais pas trop ce qu’il s’est produit, mais le lien a été rompu. Je pense que Matt, plus que quiconque, tient à la cohésion de notre petit groupe. Ça nous a tous mis un coup quand Lys a annoncé, à la veille de cette troisième année, devoir quitter notre colocation.

Honnêtement, aucun d’entre nous ne vit bien ce départ ; nous ne nous séparons jamais si nous ne sommes pas obligés de le faire.

Avec eux, j’ai aisément rempli le top dix des meilleurs moments de mon existence. Alex me reprocherait sans doute d’être mielleux, mais aujourd’hui, il m’est difficile de me rappeler que je ne connais mes colocataires que depuis deux ans.

La nuit est bien entamée lorsque nous nous garons enfin devant notre immeuble. Alex descend aussitôt et s’étire longuement, tandis que Jolan ronfle encore.

— On le laisse là ? propose Matthias.

Sans attendre la réponse, il prend un peu d’élan pour s’accrocher à une barrière limitant la hauteur des véhicules autorisés dans le parking. Il fait

quelques tractions sans effort puis atterrit souplement au sol, avec un soupir de contentement.

Alex est déjà en train de secouer Jolan, qui grogne de dépit. Je me dirige vers la maison et sors mes clés, avant de me souvenir que Tina n’a pas dû fermer, si elle est bien là.

J’ouvre et m’engouffre dans le salon, qui fait office de hall d’entrée. Lys est assis dans un fauteuil, un livre à la main, ses cheveux noir corbeau en bataille, ses lunettes de lecture sur le nez et un verre de vin non loin.

Toujours égaré dans son monde.

Il me dévisage et m’adresse l’un de ses rares sourires. C’est en général un bon indicateur du fait qu’il n’a aucune envie de faire la conversation et qu’il vaut mieux aller droit au but pendant que son temps d’écoute n’est pas épuisé.

— Elle est là-haut, me dit-il. Une amie à elle l’a aidée à installer ses affaires, Esmée, je crois. Vous l’avez ratée de peu.

Notre douce et avenante Esmée, aux antipodes du gobelin furax que peut parfois être Tina. J’ai tellement hâte de la retrouver, elle aussi.

— Merci, Lys, je te revaudrai ça.

Il balaye mes remerciements d’un signe de tête. Je crois que la colocation lui sert d’échappatoire. Avec son frère revenu depuis quelques mois dans la maison familiale, il n’est plus aussi libre de ses mouvements.

Aucun de nous ne connaît tous les détails, mais il est responsable du départ de Lys de notre colocation.

Il loge désormais un peu à l’écart de Lebanon, dans une maison qui ressemble plutôt à un manoir, perdue au milieu de la forêt. Je ne sais pas quelle excuse il sert à son frère pour s’enfuir, mais c’est ici qu’il semble atterrir systématiquement. À tel point que nous lui avons laissé sa clé après en avoir fait un énième double.

— Comment c’était ?

— Génial, mais on aurait tous aimé que tu sois là.

Ses lèvres se pincent et ses yeux, du bleu le plus clair qu’il m’ait été donné de voir, se plissent légèrement, signe qu’il n’était pas aussi en accord qu’il a bien voulu nous le faire croire avec sa décision de ne pas partir avec nous.

— Une prochaine fois, conclut-il.

Jolan rentre à son tour et se laisse tomber sur le canapé avec un long soupir de contentement. Des ronflements s’échappent aussitôt de lui et le rire de Matthias les accompagne alors qu’il dépose notre glacière dans la cuisine.

— Attends, tout à l’heure, tu as bien dit Esmée ? La sœur de David ? relève Matt en regagnant le salon.

Ses yeux se sont mis à briller. J’acquiesce.

— Je ne l’ai pas vue depuis au moins deux ou trois ans, je crois, ajoutet-il.

Son regard se ternit. Il ne l’a pas vue depuis le froid qui s’est installé entre son meilleur ami et lui, en somme. Ce genre de rupture amicale ne se digère pas si facilement, j’en sais quelque chose.

Je les plante là et grimpe quatre à quatre les marches menant aux chambres. Je n’ai pas croisé Tina depuis Noël dernier. Chaque fois que je reviens voir mon père et Cécile, elle s’arrange pour ne pas être là. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que ma présence lui hérisse le poil. Seule Esmée semble ravie de mes passages et je me contente de prendre discrètement des nouvelles de Tina par son biais.

La porte de ma chambre est fermée. Je toque et, en l’absence de réponse, je me permets d’entrer, armé de mon sac de voyage.

La pièce est plongée dans l’obscurité, à l’exception du filet de lumière qui passe sous le battant de la salle de bain privative attenante. J’entends l’eau qui coule.

Mon regard épouse l’armoire à vêtements dressée au pied du lit, qui occupe la partie gauche de la chambre. Elle est remplie des affaires de Tina et son parfum flotte déjà dans l’atmosphère. En symétrie, mon lit se trouve à droite, à quelques enjambées du sien. Entre les deux, sous la fenêtre close, repose un bureau qu’il me faudra débarrasser de mes cours. Le ventre en vrac, j’abandonne mon sac près de mon étagère, puis m’allonge sur mon matelas, les bras croisés derrière ma tête et les yeux résolument dirigés vers le plafond. J’angoisse. Je ne devrais pas, mais c’est le cas. Elle a toujours l’air d’une bombe à retardement en ma présence, depuis quelques années. Et souvent, je la fais exploser sans même savoir exactement ce qui l’a dégoupillée. Je marche sur une corde raide avec elle, en permanence, sans comprendre, et ça me rend plus morne que je ne veux bien l’admettre.

Parfois, j’aimerais que tout redevienne comme quand on était gosses. Quand elle m’avait défendu, moi qui avais un an de plus qu’elle, contre Declan Sanderson en lui collant son poing dans le pif, comme quand on partageait mon goûter en deux parce que sa mère, tête en l’air, n’avait pas pensé à en glisser un dans son cartable.

Quand j’y songe, j’ai l’impression que c’est un autre Kâmil et une autre Tina qui ont vécu tout cela. Pourtant, chaque fois que je la regarde, je la reconnais tout en ayant la désagréable sensation d’être un étranger à ses yeux.

La porte de la salle de bain grince.

L’ouragan Tina en sort, dans un nuage de vapeur, rouge comme une écrevisse. Elle se dirige d’un pas décidé vers son armoire à vêtements, véritable éléphant dans un magasin de porcelaine. Ma Tina. Elle n’a pas changé. Je me suis toujours étonné qu’un si petit corps puisse générer autant d’agitation et de bruit. Perdue dans ses pensées, elle ne m’aperçoit

pas, sa serviette nouée autour de sa poitrine. Je n’ose même pas bouger.

Dans le doute, je me racle la gorge.

Son hurlement, doublé d’un saut de cabri, me force à me remettre sur pieds, les mains levées en signe de paix. Les vêtements qu’elle avait tirés de l’armoire s’effondrent au sol en même temps que sa serviette.

J’aurais aimé que mon corps ne réagisse pas. Mais la voir nue… dans ma chambre…

Des insultes commencent à fuser, alors que je me détourne à toute vitesse pour fixer le mur et lui laisser l’occasion de ramasser de quoi se couvrir. Des vêtements m’atterrissent dessus dans un tonnerre de jurons. Je soulève distraitement le soutien-gorge qui vient d’échouer sur mon épaule et sa rage redouble.

Pas de doute, c’est bien ma Tina. Et moi, je suis apparemment un « gros porc ».

1. Le cursus universitaire de base, aux USA, se découpe en quatre ans, l’équivalent de notre licence française. La première année est souvent très ouverte, avec des matières principales, appelées Majeures, qui orientent déjà l’étudiant vers ses futures spécialités, et des matières secondaires obligatoires et optionnelles, souvent orientées vers ce qu’ils appellent les liberalarts, qui constituent pour les étudiants un tronc culturel commun, appelées Mineures. Les étudiants de première année sont appelés freshmen; ceux de deuxième année, sophomores; ceux de troisième année, junior; ceux de quatrième année, senior.

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