Revue Vie chrétienne 51 Janvier 2018

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Vie chrétienne Nouvelle revue

C h e r c h e u r s

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D i e u

P r é s e n t s

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M o n d e

B I M ESTR I EL DE L A COM M U NAUTÉ DE VI E CH RÉTI EN N E ET DE SES AM IS – Nº 51 – JANVI ER/FÉVR I ER 2018

Où demeures-tu ?

Évangélisé par les détenus En CVX, au service d’une paroisse


l’air du temps Du cyborg des transhumanistes à l’humain vulnérable P. Thierry Magnin chercher et trouver dieu

NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Jean Fumex Rédactrice en chef : Véronique Westerloppe Secrétaire générale de rédaction : Éléonore Veillas Comité de rédaction : Jean-Luc Fabre s.j. Marie-Thérèse Michel Geneviève Roux Éléonore Veillas Véronique Westerloppe Comité d'orientation : Nadine Croizier Anne Lemant Claire Maillard Étienne Taburet Martine Ranson Fabrication : SER – 14, rue d’Assas – 75006 Paris www.ser-sa.com Photo de couverture : © Creatas Images

Prochain dossier : Travail : des relations nouvelles ? Sortie Mars 2018 Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau

ISSN : 2104-550X 47, rue de la Roquette – 75011 Paris Les noms et adresses de nos destinataires sont communiqués à nos services internes et aux organismes liés contractuellement à la CVX sauf opposition. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal.

le dossier

Sommaire

Où demeures-tu ?

Témoignages La grâce « d’habiter » un lieu Jérôme de Gramont Maître, où demeures-tu ? Véronique Westerloppe Quand l’Église demeure parmi les hommes P. Luc Lalire se former Contempler une œuvre d’art : Un cercle et mille fragments, Felice Varini École de prière : Le bibliodrame. Quand le texte prend chair Agnès Penet Expérience de Dieu : Évangélisé par les détenus Dominique Lire la Bible : Le Jésus de Marc : un Messie discret Sylvie de Vulpillières Spiritualité ignatienne : Exercices spirituels : la prière imaginative Nicolas Steeves s.j. Question de communauté locale : Vivre une expérience communautaire élargie Gaëtan Guisseau ensemble faire communauté Une parole à méditer L’art au-delà des différences Vivre un bol d’air physique et spirituel ! Au service de la spiritualité ignatienne pour tous En CVX, au service d’une paroisse À la découverte de la CVX Allemagne La CVX Maurice sur un chemin de croissance babillard billet Comme un chapelet de chapelles Jean François prier dans l’instant De jeunes chercheurs de Dieu Aude Retrouvez-nous sur

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Éditorial

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des racines et de l’élan 2018 vient de pointer son nez. Une occasion pour faire le point et démarrer à neuf ! Au cœur de l’hiver, interrogeons-nous sur la manière que nous avons d’habiter nos lieux de vie ordinaires… Comment y sommes-nous enracinés ? Qu’est-ce que nous y vivons d’essentiel ? Sont-ils le lieu de notre repos pour une plus grande fécondité ? Faire de nos demeures des lieux humanisants et spirituels pour porter du fruit, tel est bien le désir de chacun. C’est le thème de notre dossier pour vivre un davantage avec le Christ qui désire demeurer chez nous où que l’on vive…

© Coffemug / iStock

Dans ce numéro, vous trouverez aussi le témoignage de Dominique, aumônier de prison (p. 22-23), qui nous livre son chemin de foi mûri à l’écoute des détenus de la prison de Bourg-en-Bresse. Une expérience spirituelle forte qui invite à l’action de grâce dans l’acte de trouver Dieu en toute chose et en chacun. La rubrique Lire la Bible (p. 24-26) nous présente les traits spécifiques de l’évangile de Marc, fil conducteur de notre année liturgique. Et puis, Nicolas Steeves s.j. nous propose de renouveler notre prière en la fécondant par l’imagination guidée dans les Exercices spirituels (p. 27-29).

»

Enfin, cette année sera celle de l’assemblée mondiale de la CVX en juillet prochain à Buenos Aires sur le thème : La Communauté de Vie Chrétienne, un don pour l’Église et pour le monde. Un défi missionnaire que des membres de la CVX du diocèse d’Albi ont relevé en proposant dans leurs paroisses une initiation à la spiritualité ignatienne et des semaines de prière accompagnée, qui ont nourri l’Église locale et donné naissance à plusieurs équipes découverte. Ainsi, chacun trouvera dans ce numéro des pistes pour envisager l’année à venir, et faire un pas de plus au souffle de l’Esprit… Heureuse année de joie !

Véronique Westerloppe redaction@editionsviechretienne.com

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L'air du temps

du cyborg des transhumanistes

© J-Michaud

Tandis que le biologiste met en évidence, de plus en plus, la plasticité et la malléabilité de l’espèce humaine, ce qui confère à l’homme d’être vraiment vivant, le transhumanisme vise l’immortalité de celui-ci. Au risque d’oublier que la vulnérabilité peut être un lieu possible de croissance, pour plus de Vie…

P. Thierry Magnin Recteur de l’Université catholique de Lyon, Docteur en sciences physiques et en théologie. Penser l’humain au temps de l’homme augmenté, Albin Michel, 2017.

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Le rapport McKinsey 2013 présente les douze technologies dites « disruptives », à fort impact économique, qui permettent déjà (et permettront bien davantage) non seulement de « réparer l’humain », mais aussi « d’augmenter » ses capacités.

plus intelligents et vivre plus longtemps, voire indéfiniment. L’idéologie transhumaniste travaille au dépassement de l’espèce humaine car ses tenants la considèrent comme trop imparfaite. La quête d’immortalité est leur visée ultime.

Les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, sciences de l’Information et sciences Cognitives) et l’Intelligence Artificielle suscitent aujourd’hui autant d’espoirs que de craintes éthiques.

Comment répondre à cette quête en respectant l’humain ? Dans mo n r é c e nt o u v rage Pe ns e r l’humain au temps de l’homme augmenté, je mets en évidence un paradoxe entre le travail actuel de l’ingénieur du vivant et celui du chercheur en biologie. L’ingénieur du vivant tente de le simplifier pour mieux « le reconstruire, le contrôler, l’utiliser et le re-designer ». Paradoxalement, dans le même temps, le biologiste découvre de plus en plus la complexité du vivant. Il montre combien l’environnement influence l’évolution du vivant, « touché jusque dans l’expression de ses gènes », combien il est « plastique » et peut, grâce à cette plasticité, s’adapter, évoluer, bref « être vivant ». Pour les humains, on souligne ainsi que la nutrition, l’exercice, la gestion du stress, le plaisir et le réseau social peuvent intervenir

En quête de l’immortalité La perspective de certains technoscientifiques est de « designer notre propre évolution » pour devenir un cyborg invulnérable ! Rêves et fantasmes surgissent ainsi de cette montée en puissance des technologies nouvelles. La visée d’augmenter les capacités humaines ne date pas d’aujourd’hui et elle n’est pas forcément négative. Ce sont plutôt les fantasmes transhumanistes qui sèment le trouble : entre dépasser nos limites, ce qui a toujours eu lieu, et penser ne plus en avoir, il y a un abîme ! Devenir plus forts, 4

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sur les mécanismes génétiques. Le dualisme simplificateur séparant les deux domaines du biologique et du psychique n’est plus tenable. Les études actuelles sur la plasticité du cerveau vont également dans le sens d’un lien étroit entre les fonctionnalités du vivant et le vécu. L’organisation des réseaux neuronaux joue sur le vécu mais, en retour, elle se modifie en fonction des expériences vécues par l’organisme. Ce qui fait dire au scientifique Joël de Rosnay (Et l’Homme créa la vie, LLL, 2010, p. 117) : « Qui aurait pu penser, il y a à peine une dizaine d’années, que le fonctionnement du corps ne dépendait pas seulement du « programme ADN », mais de la manière dont nous conduisons quotidiennement notre vie ? »

Vulnérable mais robuste et… Vivant ! La complexité du vivant est tellement plus riche que le simplisme de l’ingénieur du vivant. En ce sens le cyborg invulnérable des transhumanistes est de moins en moins… vivant ! La plasticité du vivant caractérise une tension dynamique entre


à l’humain vulnérable

Étudier et respecter le vivant, c’est ainsi respecter sa vulnérabilité. Pour le vivant singulier qu’est l’homme, cette vulnérabilité est liée aux relations biologie-psychisme-esprit. Cette unité est en interaction constante avec l’environnement, les écosystèmes, que ceux-ci viennent de la nature, des relations sociales, de la culture et de la spiritualité. Le respect profond de cette unité des trois dimensions en interactions entre elles et avec leurs environnements me semble comme « signifié et appelé » par les liens réciproques que les chercheurs mettent aujourd’hui en évidence entre biologie et psychisme. Plus que jamais cette anthropologie ternaire semble pertinente comme « toile de fond » pour une utilisation équilibrée des technologies d’aujourd’hui.

Du cyborg invulnérable à l’homme e n c he m i n d ’ ac c o m p l i s sement, il y a un saut qualitatif provocant. La tradition chrétienne et d’autres courants humanistes nous invitent à regarder la grandeur de l’homme jusque dans ses faiblesses. Non pas pour en rester aux faiblesses, mais pour ne pas les nier afin de les travailler comme lieux possibles de croissance. Parmi ces faiblesses, on pense aux diminutions physiques et psychiques et au témoignage de tant d’hommes et de femmes handicapés, rayonnant

d’humanité. Ils utilisent les progrès technologiques, mais surtout ils ont su accueillir un « plus de vie », un plus d’intelligence, un plus d’amour de l’intérieur de leur faiblesse. Ils se sont ouverts autrement à la Vie et ont franchi les barricades que le regard de la société avait souvent construites. Quelle provocante et belle invitation pour toute personne qui se veut en chemin d’accomplissement et accepte sa vulnérabilité, qu’elle soit dite malade ou bien-portante ! P. Thierry Magnin

© Sarah5 / iStock

« robustesse et vulnérabilité ». Chaque être vivant possède une structure qui lui assure sa cohérence et une sorte d’unité fonctionnelle, gages d’une « robustesse » qui permet de conserver une certaine invariance dans le temps. Mais en même temps, chaque être vivant se laisse influencer par des effets d’environnement externe. En ce sens, on peut appliquer l’adjectif « vulnérable » au vivant malléable, indépendamment de toute fragilité liée à une maladie.

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Chercher et trouver Dieu

où demeures-tu ? Habiter un lieu, c’est le remplir de soi et des siens, des objets et des signes qui nous sont chers et pas seulement nécessaires. C’est aussi l’ouvrir à l’imprévu du visiteur. « Où demeures-tu ? », l’étonnante réponse-question des apôtres au « Que cherchez-vous ? » du Christ (Jean 1, 38), montre leur attente du « lieu de vie véritable » (pp. 14-15) que peut leur ouvrir cet intrigant cousin du Baptiste. Les témoignages de ce dossier, qu’ils évoquent un exil professionnel (p. 10), une colocation (p. 9), un séjour non désiré en maison de retraite (p. 8), ou la réalisation d’un désir écologique (p. 11), contiennent tous cette dimension d’accueil. Du voisin, du proche, « de la Création et du Christ ». La construction d’une église nouvelle, au carrefour de trois villages bourguignons (pp. 16-17) dit, elle aussi, cette volonté de s’ouvrir pour rassembler en Dieu. Et de passer du « être dans » au « demeurer » (pp. 12-13) avec cette réciprocité (Nous en Lui, Lui en nous) proposée par le Fils de l’homme.

© Goldilocksimage / iStock

Jean François

TÉMOIGNAGES Le choix d’aimer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 La vie spirituelle en partage. . . . . . . . . . . . . 9 Demeurer par-delà les frontières. . . . . . . . . . 10 À l’école de vie de la nature. . . . . . . . . . . . 11 CONTRECHAMP La grâce « d’habiter » un lieu. . . . . . . . . . . .. .12

ÉCLAIRAGE BIBLIQUE Maître, où demeures-tu ? . . . . . . . . . . . . . .. .14

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REPÈRES ECCLÉSIAUX Quand l’Église demeure parmi les hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .16 POUR ALLER PLUS LOIN . . . . . . . . . . . .18 janvier/février 2018

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

le choix d’aimer Contrainte d’habiter en maison de retraite, Nathalie a fait de son lieu de vie non choisi un lieu de rencontres et de relations pour apprendre à aimer. Une mission humble et diverse qui donne sens à sa vie.

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Depuis 5 ans, je réside à la maison de retraite de la congrégation de Notre-Dame de Charité du BonPasteur à Marseille. Il devenait nécessaire que je vive dans un lieu accessible, adapté à mon handicap physique. Je souffre d’une sclérose en plaques.

© Hxdbzxy / iStock

L’expérience d’être, à 59 ans, résidente au milieu de nombreuses personnes âgées et très âgées,

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malades ou dépendantes, m’a ouvert les yeux sur le projet de Dieu pour moi dans ce nouveau lieu de vie : Il m’apprend à aimer. Chaque jour est riche de petites expériences qui fleurissent la terre de notre vie commune…, occasions de grandir dans l’apprentissage de l’amour fraternel, de me laisser dépouiller de mes « a priori », de mes suffisances, de mes jugements… de me réjouir quand je découvre davantage qui est l’autre…

sépare de ses livres et tenait à m’en offrir. Quelle joie de découvrir cette femme émue et heureuse de me donner des œuvres de Péguy, d’Elie Wiesel, d’André Chouraqui et de Bernanos ! La relation est plus difficile avec Brigitte ; elle vit un profond malêtre et l’exprime très souvent. Partager un repas à sa table peut être très éprouvant ; malgré notre souhait de ne pas la laisser s’isoler, elle reste négative et nous sommes tous démunis face à sa souffrance.

Odile, ma voisine de chambre, est petite sœur de Jésus ; très souriante, elle impressionne par sa joie et son accueil enthousiaste ; handicapée depuis longtemps, elle vit maintenant une totale dépendance, véritable épreuve de patience ! Nous nous rencontrons souvent et aimons échanger sur la vie du monde, c e l le de l a m a i s o n , de no s familles. Une amitié qui fait du bien.

Depuis quelques semaines, je vais auprès de Claire qui ne parle plus, mais crie ; son beau sourire m’invite à ses côtés et je goûte la joie de lui parler, chanter, lui sourire ; elle s’apaise.

Marie, elle, est arrivée chez nous il y a quelques mois. Elle m’a invitée à venir chez elle voir sa bibliothèque. Depuis peu, elle se

Nathalie

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Dieu, Tu es présent en toute rencontre, béni sois-Tu ! Pénètre dans nos vies ; au plus profond des cœurs, purifie et transforme.


la vie spirituelle en partage De colocation en colocation, Dominique a appris à accorder son rythme, ses besoins, son désir de vie avec ceux des personnes dont elle a partagé le quotidien. Chaque lieu est devenu l’occasion d’une croissance spirituelle partagée !

Le premier équilibre à trouver était pour moi de pouvoir accorder ces rythmes : être à l’écoute du mien et sentir celui de mes amis. Ce n’est pas juste une question de mieux se connaître ou encore de se décentrer de ses propres besoins pour écouter

ceux d’autrui. Il s'agit d'accueillir un présent qui se donne comme tel, et par là d'écouter les notes qui m’amènent à vivre plus près de Dieu. Par exemple, la personne âgée qui m’a accueillie pendant un an aimait tant aller à la messe le dimanche. Or, quand elle n’arrivait plus à marcher jusqu’à l’église, j’ai eu l’idée de lui demander si elle désirait que je lui apporte la communion. Nous avons partagé alors la Parole de Dieu autour du Seigneur et de son don de vie,

ainsi que nos intentions de prière. La prière d’une grand-mère est remplie de toute sa famille ! Ou encore j’ai eu l’occasion d’animer avec ma colocatrice Rose une équipe MEJ. Cela voulait dire partager nos idées, et permettre à ce groupe de jeunes de faire un bout de chemin ensemble avec nous. C’était une petite symphonie ! Aujourd’hui je partage parfois la prière avec ma colocatrice, et je reste à l’écoute de cette mélodie qui me permet d’écouter le souffle de Dieu. Dominique

Découvrez le témoignage en vidéo de Dominique sur : editionsvie chrétienne.com

© Monkeybusinessimages / iStock

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Vivre à Paris implique pour beaucoup recourir à une certaine créativité pour pouvoir se loger, tant le m2 est une denrée précieuse ! À mon tour, j’ai partagé cet espace rare avec des personnes que je n’avais pas toujours choisies, dans des lieux parfois originaux comme une colocation intergénérationnelle, un logement de fonction en banlieue, ou encore une paroisse. Chaque endroit devenait un lieu de vie à sa façon, fait de rencontres, d’échanges, de temps gratuits, d’habitudes aussi. Chaque personne avec laquelle j’ai vécu arrivait avec son idée non seulement de ce qu’est un lieu de vie, mais encore de la vie elle-même, de ce qui est important pour qu’elle soit vivante, et vivable. Chacun a son rythme, avec le sommeil qu’il faut respecter, les heures où on a envie de fêter, d’autres où on est stressé ou préoccupé, les moments où on a envie de discuter, et les moments où on a besoin de silence.

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

demeurer par-delà les frontières Marie-Catherine a beaucoup déménagé, notamment à l’étranger. Elle témoigne que sa demeure est avec le Christ, là où elle est appelée à vivre, et aujourd’hui cela se concrétise par la mission que lui a confiée la CVX aux USA.

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Chaque déménagement est une occasion particulière de se poser la question : où est ma demeure ? Comment prendre soin de mes racines vitales ?

Avec ma famille à Johannesburg Découvrez aussi le témoignage de Marion sur : editionsvie chrétienne.com

Quand la mutation de mon mari aux États-Unis s’est précisée, un discernement profond s’est imposé : allait-on accepter de partir dans une petite ville d’une culture si différente, si loin de nos trois aînés et de nos mères en France ? Et de quitter les lieux de service, savoureux, comme ceux en CVX ?

Confiants, nos enfants nous ont encouragés : nous saurions inventer la façon d’être présents pour chacun selon leurs besoins. Dans la prière, nous avons ressenti une même confiance : puisque nous nourrissons le désir de « trouver Dieu en toute chose », Dieu se donnerait à voir dans l’Iowa… Une autre façon de servir nous attendait. Sur place, je me suis mise à l’écoute ; une écoute active, au sein d’associations, de groupes de prière, par le tissage de liens d’amitié et par une curiosité pour les initiatives locales.

© Professor25 / iStock

Le désir de suivre le Christ, la recherche de fraternité et le d é s i r de s e r v i r l a justice sont bien vivants, même si cette culture est plus loin de la doctrine sociale de l ’ É g l i s e q u e l a nôtre.

Le Seigneur m’offre fidèlement la grâce de goûter des moments simples et justes dans les partages de foi, l’accompagnement des réfugiés, les relations amicales. Les liens familiaux se tissent différemment mais sûrement… C’est assez pour surmonter les doutes ou les peurs… Pendant cette phase d’écoute, la CVX France a pris soin de moi en m’appelant à une mission à distance. Pour répondre à la soif exprimée autour de nous de grandir avec les richesses de la spiritualité ignatienne, nous portons le projet de groupes CLC (CVX USA). Notre racine vitale s’approfondit donc et s’installe dans la nouvelle terre. Peu à peu, les graines semées par nos témoignages portent du fruit… Ma demeure, c’est le désir profond d’être en communion avec Dieu et, en Son Nom, avec les frères qui nous sont donnés. La vie en Communauté mondiale de Vie Chrétienne héberge mon désir, l’émonde et le fait fructifier, audelà des frontières. Marie-Catherine

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à l’école de vie de la nature Claire et Nicolas ont fait le choix de vivre à la campagne et de construire eux-mêmes leur propre maison. Une façon de vivre au rythme des saisons et d’habiter pleinement ce lieu de vie.

Le désir : par exemple, réfléchissons-nous assez à la surface habitable d’une maison ? Depuis quelques décennies, celles-ci glissent vers plus de m2. Sont-ils nécessaires ? Peut-être que oui, peut-être que non. La construction à proprement parler : la méthode de construction s’est nettement complexifiée par le « tout standardisé » rendant l’auto-construction anxiogène. Pourtant, autrefois, et il ne faut pas revenir longtemps en arrière, faire sa maison soi-même ou en partie aidé par un « tâcheron » était la norme. L’industrialisation de l’artisanat, en ce sens, a poussé dehors ce genre d’initiatives.

Le résultat : est-ce que je me sens bien dans ma maison ? Que dit-elle de moi ? Quand on commence à répondre à ces questions, les maisons prennent une toute autre dimension. Déco, architecture, matériaux, agencement deviennent atypiques, et donnent des lieux où l’on se sent bien. Nous étions portés par l’idée de nous faire un joli nid douillet. Pour nous, nous rapprocher de la nature était vital. Vivre à la campagne pour contempler la grande respiration de la nature : ce sont les saisons bien sûr, mais aussi toute la faune et la flore dans leur multitude qui se donnent en spectacle au quotidien, si tant est qu’on y prête attention. C’est aussi et surtout un rythme qui lui est propre, en décalage certain avec celui de notre société. De plus, il convient à celui de notre corps.

S’en rapprocher le plus souvent et le plus près possible est pour nous garant de bien-être sur tous les plans.

Le choix d’une vie écologique. Découvrez aussi le témoignage de Sabine et Xavier sur : editionsvie chrétienne.com

Nous habitons ce lieu depuis trois ans. Pour nous, cela veut dire bien sûr que nos meubles y sont installés, que le poêle nous chauffe et que nous y mangeons quotidiennement. Mais c’est aussi un lieu incarné. Il est incarné parce qu’on y vit aussi nos valeurs. J’aime bien le terme d’oasis ; on pense tout de suite à la source qui s’y trouve. Mais ce lieu est aussi devenu symbolique. Nous avons travaillé avec nos mains mais aussi avec notre cœur, notre esprit, nos prières, pour un but choisi, celui de vivre une vie simple auprès de la Création et du Christ. C’est pour nous bien plus qu’une adresse. Nicolas

© D.R.

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Claire, nos trois enfants et moi habitons une maison en paille entièrement auto-construite. Nous y vivons depuis trois ans. De l’extérieur, ce choix peut paraître « écolo-radical » mais nous le vivons plus comme une nécessité. J’entends par là, qu’en prenant un peu de recul sur la manière de construire les maisons aujourd’hui, nous avons observé une déconnexion entre le désir, la construction à proprement parler, et le résultat.

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Chercher et trouver Dieu

Contrechamp

la grâce « d’habiter » un lieu La question « Qui es-tu ? » renvoie à la question « Où es-tu ? », tant il est vrai que l’homme « n’est pas dans » comme un objet ou un animal mais « habite » un lieu qui dit beaucoup de son identité et de sa vocation à en faire une demeure qui est grâce.

I Jérôme de Gramont, Doyen de la Faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris.

1. Jean-Yves Lacoste, Expérience et Absolu, Paris, PUF, 1994, p. 7. 2. Stanislas Breton, Philosophie et mystique, Grenoble, Jérôme Millon, 1996, p. 80.

Il est des questions massives qui découragent la réponse, il en est de plus fines qui savent la demander. Trop massive, la question « Qu’est-ce que l’homme ? » - la première définition venue y satisfait formellement mais ne nous suffit pas : bipède sans plume (Platon), animal doué de logos (Aristote), animal qui rit (Rabelais), etc., voilà qui dit trop vite et trop peu. Ou bien cette autre : « Qui es-tu ? », qui appelle de droit des années de divan chez son psychanalyste. Mais comme il y a des chemins de traverse, il y a parfois des questions qui coupent à travers champs et savent trouver les bons passages. Au nombre de ces questions plus fines, arrêtons-nous quelque peu sur la question « où ? ». Ce n’est pas une mauvaise manière d’interroger celui qui existe entre naissance et mort (temps) ou se tient debout entre ciel et terre (espace) que de chercher le moment et le lieu où, non content de simplement être, il est enfin pleinement lui-même,

capable de dire non seulement « je suis », mais « j’y suis ». « Où j’écris, je suis vrai », peut dire le poète Rilke dans une lettre à Lou Andrea-Salomé du 8 août 1903. Mais c’est la phrase où nous lisons le mot « où » et comprenons le mot « quand ». Deux auteurs peuvent nous aider à faire pleinement droit à cette question « où ? ». Jean-Yves Lacoste, à la première page de son grand livre Expérience et Absolu : « À la question “qui suis-je ?”, il est fort possible que nous ne puissions plus fournir de réponse, sinon par la médiation préalable d’une autre question : "où suisje ?" »1. Et Stanislas Breton, au milieu de Philosophie et mystique, commentant en philosophe Jean 1, 38 : « Il conviendrait de noter que la première question que Jean nous rapporte n’est pas du tout celle qu’on attendait. Elle n’est pas du style ordinaire : "Maître, qui es-tu ?", ou bien "Qu’est-ce donc que tu es" ? Les deux premiers disciples demandent simplement : "Maître, où habites-tu ?"(plus ad-

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hérente au grec serait la traduction “où demeures-tu” ?) »2.

D’ « Être dans » à « habiter » un lieu Tous les êtres sont quelque part (la pierre au bord du chemin, l’étoile dans le ciel…), seuls les vivants ont un lieu où demeurer (« les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids », Mt 8, 20). Entre « être quelque part » et « habiter un lieu » passe une différence insensible pour la physique mais pour nous majeure. Ce n’est déjà pas de la même manière que l’eau est dans le vase et le poisson dans l’eau – combien plus grande encore est cette différence quand il s’agit de nous ! Pour déterminer ce lieu où nous avons proprement notre repos, ce lieu heureux où prend tout son sens l’expression « se trouver bien », il faut plus que des coordonnées spatiales, il faut toute une histoire qui nous y attache : souvenirs d’enfance parfois, mémoire de nos proches avec qui nous y avons vécu, mé-


© Mike Watson Images/ Moodboard

▲ Par son insertion en son lieu de vie, le sarment porte du fruit.

moire où se mêlent images et affects, noms de lieu et noms de personne. La recherche du temps perdu est aussi pour le narrateur une recherche des lieux (Proust). Le lieu où nous demeurons, parce que nous y sommes bien, est d’abord le lieu où nous revenons. La demeure est inséparable d’un mouvement. « Être-dans » et « être-vers » rythment ainsi toute notre vie – la leçon nous vient aussi de Breton qui aura médité sans relâche la question « Être et espace ». Tirons une autre leçon. Nous voulions parler du lieu et de l’espace, et donner toute sa place à la question « où ? », et nous voilà obligés de parler du temps et de l’histoire. Comme si cette question si simple d’apparence entraînait toutes les autres avec elle : l’être, le temps et le sens de

notre humaine existence, comme elle entraîne une poétique et une politique. Une poétique parce que la beauté de la terre commence par un lieu, et une politique parce que nous n’habitons pas toujours poétiquement la terre. (Il n’est pas besoin de citer longuement Engels et La question du logement, 1872, pour témoigner que l’habitation est aussi l’enjeu d’une crise.) Gardons ici l’idée qu’un lieu se construit – ce qui ne veut pas dire que nous ayons nous-mêmes à le bâtir – et que pour cela il faut du temps, ce qui veut dire aussi bien plus qu’un simple écoulement de jours et d’années. Combien de temps pour s’approprier la maison dans laquelle nous emménageons ? Et combien de temps qui n’est pas le nôtre pour entrer dans une église et sentir l’accumulation de prières

qui nous précèdent et nous invitent ?3 Derrière toute image de jardin il y a une vie de jardinier. Les Écritures le disent à leur manière, et Breton les commentant à nouveau : « "Habiter" suppose que l’on fait quelque chose, tout au moins si l’on suit attentivement l’allégorie de la vigne, car le sarment doit porter du fruit par le fait même de son insertion en son lieu de vie. "Demeurer" ne serait plus dès lors simple synonyme [d’être-dans] ou phénomène de redondance orientale.4 » Convertir la nécessité d’être-dans en la grâce d’habiter un lieu, notre maison ou la « maison du Père » – c’est là aussi la grande affaire de notre vie. Jérôme de Gramont

Stanislas Breton (1912-2005). Prêtre passionniste et philosophe. Il a enseigné à Rome, à l’École normale supérieure et à l’Institut catholique de Paris. Il laisse une œuvre importante en métaphysique, qui dialogue avec ses contemporains à partir notamment d’une méditation insistante de la Croix et d’une relecture du néoplatonisme.

3. Souhaitons que le lecteur de ce trop bref article ouvre un jour les livres de Breton où il est question d’une phénoménologie de la maison (Le vivant miroir de l’univers, Paris, Cerf, 2006, p. 42) ou du temple et de la cathédrale (Poétique du sensible, Paris, Cerf, 1988, p. 127-131). 4. Breton, Philosophie et mystique, p. 80 sq.

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Chercher et trouver Dieu

Éclairage biblique

maître, où demeures-tu ? 35 Le lendemain, Jean se tenait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples. 36 Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : « Voici l’agneau de Dieu. »

© By Master of the Saint John Altarpiece / Wikimedia Commons

38 Jésus se retourna et voyant qu’ils s’étaient mis à le suivre, il leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils répondirent : « Rabbi – ce qui signifie Maître –, où demeures-tu ? » 39 Il leur dit : « Venez et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là ; c’était environ la dixième heure.

Jean 1, 35-39

Traduction œcuménique de la Bible

Jean-Baptiste désigne Jésus : « Voici l’agneau de Dieu ».

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Dans le passage qui précède notre récit, JeanBaptiste vient de témoigner de l’identité de Jésus : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », « J’ai vu et j’atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu ». Jean-Baptiste s’efface devant Celui qui le devance et qui baptise dans l’Esprit tandis que lui baptise dans l’eau et se dit ne pas être digne « de dénouer la lanière de ses sandales ». Son rôle est explicite : conduire ses propres disciples à rejoindre Jésus. Les deux disciples de Jean découvrent ici un Jésus en chemin déjà placé dans la perspective de la Croix, signifiée par le symbolisme de l’agneau pascal. Dépositaire de l’Esprit, de la Vie de Dieu, il est seul capable d’enlever le péché. Dès le commencement, son existence est donc marquée par ce don qui est celui de la Nouvelle Alliance. Le Baptiste cherche à faire entrer les deux disciples dans cette vision de foi de Jésus : « Ouvrez donc grands vos yeux : cet homme est Dieu sous les traits d’un agneau ».

Révélation de Dieu en acte, Jésus se tourne le premier vers les disciples du Baptiste et prend l’initiative du dialogue. Par une question, il se met en quête de leur désir : « Que cherchez-vous ? » Autrement dit : « Quelle est votre attente ? ». La question de Jésus en suscite une autre – très ajustée – chez les disciples : « Maître, où demeurestu ? » Leur quête à eux est celle du lieu de la vie véritable. Ils pressentent qu’en Jésus demeurent le sens et la vie en plénitude. Le verbe « demeurer » est un mot clé du langage de l’évangéliste Jean. Il décrit une relation juste entre Jésus et les siens. « Demeurer » c’est le terme de la communion du Père et du Fils mais aussi celui du Fils et des croyants : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (15, 5). Nos deux disciples qui appellent Jésus « Rabbi », terme qui désigne un maître humain, ont-ils déjà accès à la véritable identité de Jésus ? Pour cela, il leur faut encore « venir et voir » pour découvrir le Maître et Fils de Dieu comme le véritable lieu de vie répondant à leur quête profonde. L’invitation de Jésus : « Venez et vous verrez » ouvre un avenir à

leur désir. Ils sont appelés à venir voir, en faisant la démarche d’une vision de foi. Et « ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là », le temps de le reconnaître comme Celui qui sauve, le temps d’accéder à la condition de disciple. « L’heure était environ la dixième. » Dans l’Antiquité, « dix » est le chiffre de la perfection. C’est dire la qualité de l’expérience à laquelle ont été invités les deux disciples ! Devenir disciple est donc l’objet d’une quête mais c’est aussi un don, celui de la révélation du Christ. Le salut consiste à être là où est le Christ, pour demeurer avec lui comme lui demeure en nous, là où nous sommes. « Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure. » (14, 23) Véronique Westerloppe

points pour prier Me mettre en présence du Seigneur et lui demander une grâce.

+ Entendre comme les deux disciples ce que Jean dit de Jésus : « Voici l’agneau de Dieu. » Comment cette Parole résonne-t-elle en moi ? Qui est le Christ pour moi ? + Voir Jésus qui se retourne et leur demande : « Que cherchez-vous ? » Considérer le désir qui m’habite et ce qui peut le combler. Est-ce que j’éprouve que seul le Christ peut répondre à cette quête de vie en plénitude ? + Accueillir son invitation : « Venez et vous verrez ». Goûter la Parole du Christ qui vient toucher mon désir. À quoi m’appelle-t-il aujourd’hui ? + Imaginer que comme les disciples, je demeure avec Jésus ce jour-là. Me laisser toucher par ce qu’il me dit. Quels fruits cela produit-il ? De quoi puis-je rendre grâce ? janvier/février 2018 15


Chercher et trouver Dieu

Repères ecclésiaux

quand l’église demeure parmi les hommes Depuis les années 1980, le diocèse de Dijon a choisi d’accompagner la forte croissance de sa population urbaine par la construction d’églises. Celle de la paroisse de la Visitation est la plus importante. Elle fait signe aux habitants de trois communes. Témoignage d’un vicaire et de paroissiens de l’époque.

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rassembler Bien avant la finalisation de la construction, la paroisse qui s’étendait aux 4 communes se rassemblait pour les eucharisties dans les églises de village qui devenaient trop petites pour deux d’entre elles. Déjà, les grandes fêtes, voire des obsèques religieuses, se célébraient dans l’une ou l’autre des salles polyvalentes des communes. C’était le début d’un processus de rassemblement. L’emplacement de l’Église de la Visitation, choisi au carrefour des 3 communes les plus proches, situe cette église comme un repère.

© Serge Couderc

P. Luc Lalire, prêtre du diocèse de Dijon et aumônier général de la DCC (Délégation catholique pour la coopération).

Construire une église n’est jamais une décision neutre. Dans un contexte de refondation des paroisses territoriales, au synode diocésain de 1991, nous avons fait le constat que le secteur paroissial de l’Est dijonnais regroupait 4 communes distantes de 2 ou 3 km entre elles, avec chacune un clocher. Compte tenu de la croissance rapide de la population de ce secteur, la mise en chantier d’une église qui serait située aux carrefours des 3 communes les plus importantes a été décidée. Sept années plus tard, la consécration de la nouvelle église de la Visitation révélait ce long processus.

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Elle est surmontée d’une croix de 6 m de hauteur en quatre directions. La forme de l’édifice est circulaire, d’un diamètre de 30 m, faite pour accueillir et rassembler. Le parvis qui est de même taille est aussi le signe de l’invitation à entrer ou à prolonger le temps du rassemblement dominical. Il s’ouvre sur un ensemble de salles, qui accueillent des activités, des repas. « En un lieu choisi, point de convergence des communes de Quétigny, Chevigny, Sennecey-lèsDijon et Crimolois, va s’édifier un bâtiment, qui non seulement remplira une nécessité fonctionnelle, mais encore se dressera dans le paysage humain, comme le signe symbolique de la foi, tout à la fois repère, appel, rayonnement, proposition. Attestation ferme et sans ostentation inutile que l’Esprit saint est puissance de rassemblement pour nos communautés humaines, et puissance de discernement pour chacun d’entre nous »1.


Vingt ans plus tard, les paroissiens témoignent que ce premier défi de « rassembler » a bien été remporté. Ils ne se définissent plus à partir de leur commune, mais bien à partir de cette nouvelle paroisse de la Visitation.

l’ouverture Aujourd’hui cette paroisse est dotée d’une véritable énergie, où les différentes générations et origines géographiques et culturelles, se brassent et donnent une tonalité diversifiée aux célébrations tout comme aux autres activités paroissiales. La succession des prêtres a été aussi ressentie comme une richesse, puisque la communauté s’est forgée entre « gens de passage » e t a nc i e ns p a ro i s s i e ns. L e s prêtres sont invités à entrer dans cette marche, tantôt au milieu du troupeau qui connaît son lieu, tantôt devant pour orienter, ou encore derrière pour soigner et prendre en compte les plus fragiles. Les diacres ont aussi toute leur place parmi ce peuple en marche, et les responsabilités partagées avec les laïcs balisent l’itinéraire. Certes, il reste que pour quelques-uns, rejoindre cette église reste un pas difficile à franchir. En effet, des personnes qui ont été des pratiquants actifs des églises communales connaissent à peine l’église de la Visitation. Pour d’autres, elle reste « impressionnante » de loin par sa taille, et y entrer une première fois nécessite de surmonter une

certaine timidité. Mais l’église conquiert ceux qui en passent le seuil. Elle est vraiment une église de la rencontre, de l’accueil, comme en témoignent les nombreuses réactions de tous ceux qui ont l’occasion de franchir le seuil, même occasionnellement. Et cela se produit tous les jours ! En effet, l’église est ouverte tous les jours, et nombreux sont ceux qui passent pour être écoutés, pour prier, pour être accompagnés. Toutefois, il faut y venir et on ne vient pas « par hasard », car elle n’est pas située sur une place « publique », même si les grandes surfaces sont toutes proches…

la vie spirituelle La « Visitation ». Le nom même de cette nouvelle église et paroisse est un mystère joyeux de l’Évangile. Ce choix relie également le lieu à une histoire dijonnaise et spirituelle : saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal, deux figures qui se sont rencontrées à Dijon, sont les fondateurs de l’ordre de la Visitation. Et puis, l’année où l’église de la Visitation sortait de terre, les sœurs du monastère de la Visitation de Dijon quittaient leur monastère pour en rejoindre un autre. Celui-ci est devenu un EPHAD de moniales. Le lieu ne disparaît donc pas, mais le nom est porté désormais par une paroisse conviée à lui donner son actualité.

L’enracinement ensuite. Certes, dans la vie quotidienne, la paroisse de la Visitation rappelle une présence d’Église, mais elle est aussi le signe de la présence des chrétiens en ce lieu, invités à ouvrir leurs portes, à rendre visite, à « porter le Christ » au milieu de ce monde. Le rassemblement paroissial, aujourd’hui devenu « stable », est un atout pour construire une fidélité et donner des repères visibles. D’autant que de nombreux habitants et donc de paroissiens, viennent d’autres régions, d’autres continents même !

1. P. Jean-Marc Chauveau, prêtre dans la paroisse de 1985 à 2005. (Chronique du 24 novembre 1995 dans Le Bien Public)

Enfin le service. Service de la foi par les demandes de sacrements, mais aussi demandes de formation. La paroisse de la Visitation participe, avec d’autres paroisses dijonnaises, à un service de repas chaud pour les demandeurs d’asile et la fraternité acquise au fil du temps a permis à l’assemblée du dimanche de s’agrandir de nouveaux membres. Entre ceux qui ne pratiquent aucune religion mais veulent participer au service du repas, d’autres qui sont bénéficiaires de ces repas et découvrent là une communauté qui les accueille, le service est un repère qui rend concrète la vocation de cette paroisse bien nommée “Visitation”. P. Luc Lalire Vicaire de la paroisse de la Visitation à sa construction

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Chercher et trouver Dieu

pour aller plus loin Des pistes pour un partage : • Quelle expérience ai-je du lieu où je demeure ? Est-il choisi ou bien subi ? Qu’est ce que j’y vis d’important ? Quelles sont les racines vitales dont j’ai besoin pour m’épanouir là où je vis ? Qu'est-ce que je souhaite faire de ma maison ? Quelle place j’y donne à Dieu et aux autres ? • Je fais mémoire d’un moment heureux vécu dans ma demeure. Je nomme ce qui a été source de joie. En quoi celui-ci m’a-t-il fait grandir spirituellement ? Là où je vis et dans les moments plus difficiles, est-ce que je me suis appuyé sur Dieu pour « le trouver en toute chose » ? Quel visage m’a-t-il révélé ? Quels déplacements cela m’a-t-il fait faire ? • Quels gestes poser, quelles paroles prononcer pour faire de ma demeure un lieu de vie authentique et spirituel à partir duquel je peux porter du fruit ? Quelle parole de Dieu peut m’aider ? Quel pas de plus suis-je prêt à faire pour qu’il soit davantage un lieu d’accueil pour celui qui en a besoin ?

À lire : • Église en périphérie Rapport de la Conférence des Évêques de France – Septembre 2017. Ce rapport met l’accent, cette année, sur des expériences d’habitat partagé, où des chrétiens avec d’autres « mènent ensemble une vie fraternelle dont personne ne sort indemne ! ». Il est à télécharger sur le site : eglise.catholique.fr • Dans la ville. Chercher et trouver Dieu Christus n°254 – Avril 2017 – 13 euros « Mais où donc est Dieu en ville ? Faut-il, pour le trouver, fuir et nier la ville ? », s’interroge André Beauchamp, prêtre et théologien, dans un article de ce dossier de Christus qui veut conduire le lecteur à porter un regard bienveillant sur la ville et ses habitants. • Habiter poétiquement le monde Collectif - Poesis Editions – 2016 – 24 euros Ce recueil, qui réunit plus de cent auteurs comme Hugo, Sand, Baudelaire, Rimbaud mais aussi Christian Bobin ou François Cheng, rappelle la nécessité « d’habiter poétiquement le monde ». Des textes de personnalités issues d’autres disciplines, tels l’astrophysicien Hubert Reeves et l’agriculteur-biologiste Pierre Rabhi, trouvent également leur place dans cette anthologie.

À voir : • La villa Réalisé par Robert Guédiguian, 2017 – Une fratrie se retrouve auprès de son père vieillissant et prend conscience des liens de fraternité qu’il a construit autour de son restaurant ouvrier près de Marseille. • Sans Adieu Réalisé par Christophe Agou, 2017 – Dans le Forez, Claudette, 75 ans, et ses voisins résistent au quotidien face à une société de plus en plus impitoyable pour conserver leurs terres et leurs bêtes… en somme leur vie. 18 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 51


© Domaine de Briange

contempler une œuvre d'art

Un cercle et mille fragments, l’œuvre in situ de Felice Varini, Parcours d’art contemporain, Partage des eaux 2017. En Haute-Ardèche, dans un lieu fréquenté par quelques initiés, des cercles dorés démesurés, peints à même les pierres, nimbent les vestiges d’un cloître, d’une vaste chapelle romane, d’un réfectoire… Qui sait que Mazan était l’abbaye mère de quatre abbayes, aujourd’hui plus connues : Bonneval, le Thoronet, Sénanque et Sylvanès ? L’œuvre mystérieuse de Felice Varini, tracée à la feuille d’or, touche et interroge le visiteur. Comme un hommage à la transcendance, elle dialogue avec les ruines de ce haut lieu de prière.

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Se former

École de prière

le bibliodrame

quand le texte prend chair Le bibliodrame propose aux participants de se mettre dans la « peau » d’un personnage ou d’un élément d’un récit biblique pour vivre et ressentir intérieurement ce que ce dernier a à nous dire. La parole qui circule et la prière partagée renouvellent l’approche d’un texte et enrichissent sa réception.

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Comme le nom l’indique, le bibliodrame croise la Bible et le jeu théâtral (dramaturgie). La prière proprement dite intervient après un temps qui est davantage de l’ordre d’un jeu de rôle où chacun se sent acteur de la scène biblique proposée et non simple spectateur. Ici nous n’aborderons qu’une forme simplifiée où les participants restent assis en rond, sans mise en scène corporelle dans l’espace.

*Péricope : extrait de texte liturgique qui fait un tout en lui-même et qui permet un commentaire.

Les participants apprécient en général, dans cette manière de procéder, la « chair » qui est redonnée à des textes qu’ils peuvent déjà connaître depuis longtemps. Les personnages reprennent vie avec toute l’humanité que chacun apporte « avec ses tripes », avec sa propre manière d’imaginer la scène. Les uns et les autres

laissent alors la Parole davantage les rejoindre et les interpeller personnellement. Pour porter du fruit, l’animateur et les participants ont tout intérêt à suivre précisément le déroulement suivant qui a fait ses preuves. Afin que chacun puisse s’exprimer librement, un climat de confiance doit être établi dans le groupe. Tout d’abord l’animateur aura choisi un récit, plutôt qu’un discours, formant une unité et comportant plusieurs personnages. Au préalable, il l’aura découpé en deux ou trois péricopes* selon le « scénario » du texte. Seul l’animateur a le texte en main. Il explique au fur et à mesure les différentes étapes et ne participe pas lui-même aux tours de parole.

Points clés – Un animateur pour 4 à 8 participants – Un récit en 2 ou 3 phases avec plusieurs personnages – Des explications claires et précises au fur et à mesure du déroulement – Une écoute mutuelle dans un climat de confiance – Durée : environ 45’ 20 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 51

Deux tours de parole puis une prière Dans un premier temps, l’animateur lit le texte une première fois, en entier. En l’écoutant, et dans le temps de silence qui suit, chaque participant commence à choisir de s’approprier un personnage présent dans la scène, avec lequel il sent une certaine connivence spirituelle intérieure. C’est un personnage au sens large, en général un être humain mais parfois un animal ou un élément particulier de la scène. Il faut que ce soit vraisemblable même si le personnage n’est pas explicitement nommé dans le texte, par exemple quelqu’un de la foule, un disciple, la brebis perdue. L’animateur fait ensuite une seconde lecture du même texte, en entier, qui permet de confirmer intérieurement le choix, puis chacun dit le personnage qu’il a choisi. S’il y a plusieurs fois le même personnage ou s’il manque un personnage important, cela ne pose pas de problème.


Dans un deuxième temps, l’animateur explique qu’il va lire la scène péricope par péricope et que chacun est invité à « se mettre dans la peau » de « son » personnage, à ressentir ce qu’il vit dans cette scène, à laisser venir ce qui vient.

Il est important d’écouter les autres et de prendre un temps de silence, avant de lire la péricope suivante, pour que chacun puisse laisser résonner en lui ce qu’il a entendu. Dans un troisième temps, l’animateur invite chacun à quitter son personnage pour revenir à soi et se tourner vers Dieu, intérioriser et tirer profit de tous ces temps d’écoute et de parole. Après un temps de silence, ceux qui le souhaitent expriment librement leur prière à voix haute. Pour conclure, hors du cadre de la prière, l’animateur invite chacun à exprimer comment il a vécu cette « écoute de la Parole à plusieurs ».

© Vimvertigo / iStock

Après chaque péricope, chacun, sans préparer à l’avance, redit qui il est : « je suis untel », puis exprime en une ou deux phrases ce qu’il éprouve, ce qu’il pense, dit ou fait dans cette séquence sans anticiper sur la suite du texte. Pour plus de facilité, le tour peut se faire, selon le sens du cercle, chaque personne l'une après l'autre. Chacune ne parle qu’une seule fois à chaque tour. Il est toujours possible de dire « je passe ».

Des points d’attention pour mettre en place un bibliodrame Le choix d’une traduction en français courant peut faciliter l'écoute pour des participants peu familiers des textes bibliques. Son vocabulaire simplifié, plus proche du langage oral, peut aussi aider à passer au mode du jeu de rôle. L’animateur ne doit pas hésiter à intervenir si un participant se lance dans des commentaires ou une prière au lieu de parler en tant que personnage. Ceux qui connaissent le dialogue contemplatif peuvent être tentés de seulement contempler la scène, aussi les explications avant de commencer tendent à éviter ces confusions. Cette méthode peut aussi permettre de faire découvrir un texte biblique à des participants non croyants. Dans ce cas, le temps de prière exprimée à voix haute peut être remplacé par un temps de silence et d’intériorisation. Exemple de découpage : Guérison du paralysé à la piscine de Béthesda (Jn 5,1-9a) 1-5 : exposition des faits et du contexte 6-7 : rencontre de Jésus et du paralysé 8-9a : guérison du paralysé

Voir aussi : Evangile vécu (Fiches parcours découverte) : https://www. cvxd.fr/images/ Boite-outils/ BO5.pdf

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Se former

Expérience de Dieu…

évangélisé par les détenus En devenant aumônier de prison, suite à un appel, Dominique découvre un chemin, au début inattendu pour lui, qui est devenu source d’une grande joie. Celui de se laisser déplacer, convertir par ceux qui sont privés de liberté.

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en-Bresse. Ce choix fut difficile, semé d’angoisse, de retour en arrière, de nuits d’insomnie : « Ah Seigneur vraiment, je ne sais pas parler, car je suis un enfant », ...bien sensible et fragile… La réponse du Seigneur intervint très vite par la bouche d’un détenu. Alors que je visitais Manuel dans sa cellule, il me dit : « Veuxtu un verre de café ? » Voilà que moi qui étais venu le visiter, il m’invitait ! À l’issue de l’entretien, il ajouta : « Tu n’es pas un co-détenu, tu n’es pas un surveil-

© Dan Henson1 / iStock

« Tu te soucies et t’agites pour bien des choses, pourtant une seule est nécessaire… » (Luc 10, 41-42). Ce mot de Jésus à Marthe était dans mon oreille, il y a quatre ans, lorsque s’ouvrit pour moi l’heure de la retraite. Je pris donc la décision de m’asseoir aux pieds de Jésus en m’engageant pendant un an dans les Exercices spirituels. Vint l’heure de « l’élection ». Ce fut pour moi la réponse à un appel de l’aumônerie catholique du centre pénitentiaire de Bourg-

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lant, tu n’es pas de l’administration pénitentiaire, tu n’es pas un avocat, un juge…tu es un homme normal. Lorsque tu viens me voir je ne vois plus les barreaux ; s’il te plaît, ne tarde pas à revenir me visiter. » Invité par Manuel, j’ai senti comme un clin d’œil du Christ qui lui-même m’invitait et confirmait ainsi mon appel d’aumônier. Les insomnies cessèrent et firent place à la joie d’être présent dans ce monde carcéral comme témoin silencieux de la miséricorde du Père.


La liberté de leur cœur me convertit Au début de ma mission, il y a presque quatre ans, j’ai lu la lettre du pape François La joie de l’Évangile. Ce texte m’a impressionné car je vérifiais avec les détenus les propos du pape : « Les pauvres ont beaucoup à nous enseigner, par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que nous nous laissions évangéliser par eux… Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux… » (198). C’est effectivement un vrai retournement que j’expérimente à la prison : lorsque nous partageons le dimanche le texte d’Évangile avec les détenus, leur expérience et leurs mots très directs nous permettent d’aller droit au but et nous ouvrent à une compréhension du texte que seul, prisonnier de ma bonne éducation, je n’ai pas. L’un d’eux me dit un jour : « Lorsque les corps sont enfermés, les cœurs parlent ». La liberté de leur cœur me retourne, me convertit. Pour l’entrée en carême, le mercredi des Cendres, cette année, nous avons vécu une expérience très concrète de ce retournement lorsque Sébastien condamné à 20 ans de réclusion a pris de la cendre et a tracé sur le front de Michel qui présidait l’eucharistie une croix en lui disant : « Michel change ton cœur ! Convertis-toi ! ». D’un coup j’ai réalisé qu’il n’y avait plus de prêtre, plus de détenus, mais simplement des frères concélébrant ensemble, partageant un repas de communion. Un moment

où toutes les séparations étaient abolies, où il n’y avait plus ni bons ni mauvais mais une communauté de pécheurs pardonnés entourés de la miséricorde du Père. Les détenus souvent forcent mon admiration par le courage avec lequel ils prennent leur situation. Assis, il y a quelques jours, au bord du lit d’un détenu condamné à 15 ans de réclusion, je lui dis « Alors, aujourd’hui ? Quelle météo personnelle ? ». Il me répond : « Tu sais, Dominique, l’été est passé, les activités ont recommencé : le lundi je vais en cours de maths, le mardi c’est le sport, le mercredi tu viens le matin, je participe avec Michel, Anne-Marie et toi au groupe de parole, le jeudi c’est mon jour « off », le vendredi je reçois mon visiteur de prison au parloir, le samedi il y a le culte protestant, et le dimanche je vous retrouve à la célébration. Finalement j’ai organisé mon temps carcéral, la vie est belle ! » Je suis face à lui et je me retrouve dans l’univers d’Etty Hillesum : « J’ai appris à aimer mon camp de transit, je te suis reconnaissante mon Dieu de me rendre la vie si belle partout où je me trouve ». Oui, Seigneur comme les détenus, comme Etty Hillesum,

Les aumôneries en prison En France, où la présence, en prison, d’aumôneries des principales religions est permise par la loi, l’Église catholique compte 700 aumôniers (laïcs et prêtres). Leur mission est de rencontrer le Christ dans chaque personne détenue : « J’étais en prison, vous êtes venu vers moi » (Mt 25). A Bourg-en-Bresse, sept aumôniers sont présents pour 700 détenus. Ils les écoutent dans l’intimité de leur cellule, animent un groupe de parole tous les mercredis, deux célébrations chaque dimanche et organisent également pour eux des « sorties-randonnées » en dehors de la prison. Par exemple, cette année, une randonnée de 7 km leur a été proposée pour marcher jusqu’à un monastère chartreux. Enfin, soucieux de promouvoir la fraternité universelle, ils ont le projet d’organiser avec les aumôniers des autres religions une sortie interreligieuse.

donne-moi la sagesse de consentir à ce que je ne peux changer dans ma vie et la joie de voir que « même si on ne nous laisse qu’une exiguë ruelle à arpenter, au-dessus d’elle il y aura toujours le ciel tout entier. » Dominique Aumônier au centre de détention de Bourg-en-Bresse

Une théologienne relit cette expérience Dans la discrétion des aumôneries des prisons, par l’écoute de la Parole et la célébration régulière de l’eucharistie, des chrétiens rassemblés – détenus et membres de l’aumônerie – donnent corps au Christ. Signe efficace de l’amour du Dieu Trinité, l’Église qui se réalise ainsi renvoie à Jésus-Christ et à sa croix, illuminant le monde bien au-delà des personnes présentes et des murs des établissements. janvier/février 2018 23


Se former

Lire la Bible

le jésus de marc : un messie discret Tandis que les Juifs attendaient un Messie triomphant, Marc présente Jésus comme celui qui établit le Royaume de Dieu en passant par la souffrance et la mort. Telle est la véritable identité du Messie qui ne sera comprise qu’après sa mort et sa résurrection et tel est le sens du secret messianique cultivé par Marc. Introduction à l’évangile de l’année liturgique.

U Sylvie de Vulpillières, enseignante bibliste aux Facultés jésuites de Paris-Centre Sèvres.

1. 5 fois chez Matthieu et 5 fois chez Luc.

Une comparaison rapide de l’évangile de Marc avec les deux autres évangiles synoptiques permet de distinguer quelques originalités chez Marc : l’absence de récits d’enfance et de généalogie (Matthieu 1-2 ; Luc 1,5-2,52 et 3,2338), l’absence de sermon sur la montagne ou sur la plaine (Matthieu 5-7 ; Luc 6,20-38), l’absence de récits de résurrection, un plus grand nombre d’injonctions au silence. Intéressons-nous à ces derniers aspects.

Les injonctions au silence : quelle fonction ? En effet, neuf fois au cours de l’évangile de Marc1, Jésus impose le silence à ses interlocuteurs qui disent son identité ou s’émerveillent devant ses miracles (1,25 ; 1,34 ; 1,44 ; 3,12 ; 5,43 ; 7,36 ; 8,26 ; 8,30 ; 9,9). Pourtant certains personnages désobéissent à ces demandes de silence et répandent la nouvelle des guérisons effectuées ; de ce fait, la renommée de Jésus croît dès les premiers chapitres de l’évangile.

Q u e l le e s t l a ra i s o n de c e s injonctions au silence ? Si le narrateur ne donne pas de motif explicite à ces injonctions, c’est par stratégie narrative et pour laisser le lecteur découvrir l’évolution de cette série au fur et à mesure que le récit progresse. Ces consignes de silence concernent d’abord les démons, puis les personnes guéries ou leur entourage, enfin les disciples. Ce classement met en évidence une progression : les injonctions adressées aux esprits impurs (ou démons) soulignent la question de l’identité de Jésus, puis celles qui suivent les guérisons indiquent le refus de Jésus de dévoiler une identité associée uniquement à son pouvoir de guérisseur, enfin celles adressées aux disciples ont pour but de les aider à comprendre cette identité. Les premières injonctions s’adressent aux démons car ils veulent provoquer l’acclamation des foules et pousser Jésus vers un messianisme triomphant qui

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l’empêcherait d’aller au bout de sa mission. Les injonctions suivantes concernant les guérisons mettent en évidence à la fois la volonté répétée de Jésus de fuir la publicité et l’attirance des foules qui lui désobéissent et accourent vers lui. Cette répétition souligne deux points : la discrétion est une des caractéristiques de son identité et l’injonction au silence fait partie de l’interprétation des miracles. Jésus ne les accomplit pas pour attirer les foules mais pour manifester la Bonne Nouvelle en marche, la puissance salvifique de Dieu. La résolution de l’énigme de ces demandes de silence est donnée aux disciples, lorsque leur sont adressées les deux dernières injonctions : en chemin vers Césarée (8, 27-33) et à la Transfiguration (9, 1-13), Jésus les guide pour comprendre son identité et sa signification, car ce sont eux qui auront à la révéler après sa résurrection. Pendant la première partie de l’évangile, Jésus annonce son itinéraire et l’enseigne à ses


Dès lors, les ordres de silence n’ont plus lieu d’être et s’arrêtent au chapitre 9. L’ordre de silence émis par Jésus en 8, 30, complété par celui en 9, 9, concerne ses titres (Messie en 8, 29 et Fils de Dieu en 9, 7). La demande de silence n’a plus besoin d’être dite à nouveau, car elle est fermement et ouvertement expliquée (8, 3132) par l’annonce de la Passion. Ce silence a en outre un terme : en redescendant de la montagne après la Transfiguration, Jésus demande aux disciples de se taire jusqu’à sa résurrection. Ils pourront alors dévoiler ce qu’ils ont vu, entendu et expérimenté avec Jésus : il est bien le Christ attendu. Il leur faudra redéfinir ce titre, le détacher des idées triomphalistes de l’époque et le lier à un parcours passant par le rejet, la mort et la résurrection. Ils auront ainsi à annoncer Jésus comme le Christ, le Fils de Dieu.

Quelle Christologie ? Trois titres sont au service de la christologie marcienne : F i l s d e l ’ h o m m e  : J é s us s e nomme ainsi à plusieurs reprises : au début, lorsqu’il fait état de ses pouvoirs divins (en 2, 10 et 2, 28 : « pardonner les péchés »

© Micheletb / CC

disciples. À Césarée et à la Transfiguration, il vient préparer ses disciples à expérimenter à sa suite les diverses étapes de sa Passion et veut purifier leur connaissance de son identité.

▲ La Transfiguration. Détail d’un vitrail de la cathédrale de Chartres.

et « Seigneur du sabbat »), puis durant la seconde étape, Jésus fait clairement état de l’envers de ces pouvoirs à ses disciples, (« le maître est venu servir » 10, 45) et il associe ses souffrances (8, 31 ; 9, 12) et sa mort (9, 31 ; 10, 33) à sa résurrection (8, 38 ; 9, 9 ; 10, 33-34). Dans la dernière étape, le Fils de l’homme s’en va mais il est proche (13, 29) et il viendra entouré de nuées, de puissance et de gloire (13, 26 et 14, 62) après qu’il a été livré (14, 21 et 14, 41). Ce titre vient compléter ceux de Christ et de Fils. Christ : le narrateur nous le dit dès le premier verset et Pierre va le dire à Césarée (8, 29). Si Jésus demande de le taire, c’est parce que le titre est attaché à des idées triomphalistes (celles de l’époque : on attendait un roi vainqueur et puissant) ; or pour Jésus, être le Christ c’est passer par le rejet, la mort et la résurrection et il le dit lors des annonces de la Passion (8, 31 ; 9, 31 ; 10, 33-34).

Fils de Dieu : le narrateur le dit dès le début et la voix divine le confirme au baptême : « Tu es mon Fils bien-aimé » (1, 11) et surtout à la Transfiguration (9, 7) où la voix céleste après avoir dit de nouveau : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » ajoute : « Écoutez-le » aux disciples. Quand ? Surtout quand Jésus annonce sa Passion. Dieu proclame que cet homme acceptant de mourir avec le même effacement qu’au baptême est son Fils bien-aimé.

Découvrez la vidéo de l'entretien avec Sylvie de Vulpillières sur : editionsvie chretienne.com

Le paradoxe marcien : la reconnaissance finale en Marc Si la résurrection est clairement annoncée aux femmes venues au tombeau pour embaumer Jésus (16, 6), celles-ci n’en disent rien à personne, et le récit finit sur la peur et sur un silence qui exclut du récit toute rencontre avec le ressuscité et qui semble exclure toute reconnaissance. Le récit de la Passion en Marc ne retient que

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Lire la Bible horizontale, essentielle selon les canons grecs) au personnage divin (reconnaissance verticale). « La reconnaissance (anagnôrisis) est ainsi doublement présente en Marc, horizontalement, c’est-àdire par les voix humaines, celles des foules et des disciples, jusqu’à l’entrée à Jérusalem, et verticalement, préparée dans le récit de la Passion et affirmée par l’annonce de la résurrection.2 »

© Roger Culos / CC

2. J.-N. Aletti, Jésus, une vie à raconter, Lessius (Le livre et le rouleau 50: Paris 2016), p. 23.

Sylvie de Vulpillières

▲ Le lion, symbole de l’évangéliste Marc. Détail d’une mosaïque en la basilique Saint-Apollinaire in Classe à Ravenne.

le rejet final dont Jésus fut l’objet (les autorités : 14, 53.64 ; 15, 31 ; Pierre et son reniement : 14, 6672 ; les passants : 15,29…). On peut même dire que Marc l’a accentué. À quelle fin ? Les exégètes soulignent comment les motifs des supplications de l’orant des Psaumes injustement persécuté ont déterminé le choix des épisodes en Marc 14-15 (cf. Ps 12/13, 4 ; 21/22, 7-9 ; 26/27, 12 ; 30/31, 12 ; 34/35, 11 ; 37/38, 21 ; 40/41, 10 ; 108/109, 4.29…) et expliquent ce rejet. Le narrateur Marc montre en effet qu’il n’y eut pas de reconnaissance finale de la part des autres acteurs humains, parce qu’il ne devait pas y en avoir. Jésus, décrit comme les innocents des supplications, ne pouvait et ne devait pas être objet de reconnaissance humaine. En Marc comme dans le modèle vétérotes-

tamentaire qu’il suit, ce ne sont pas les personnages humains qui déterminent la valeur et le statut du protagoniste, mais Dieu seul. Comme dans les Psaumes l’unique réponse, l’unique reconnaissance est divine. C’est pourquoi, tout d’abord lors de la Passion publique, le narrateur présente tous les motifs décrivant la mort de Jésus telle que celle des suppliants des Psaumes, une mort innocente qui appelle la reconnaissance divine (15, 34) et ensuite, par la bouche du jeune homme de Marc 16, 6-7, héraut divin, il mentionne explicitement la résurrection de Jésus comme effet de cette reconnaissance. La reconnaissance finale est donc bien là. Le narrateur Marc ne l’a pas éliminée, mais, grâce au choix du modèle, celui des supplications de l’innocent persécuté des Psaumes, il l’a fait passer des personnages humains (reconnaissance

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Pour aller plus loin Le récit de Marc finit en 16,8 (finale courte). Les finales plus longues auraient été écrites plus tardivement. « La finale de Marc – la finale courte, s’entend – diffère en tout de celles des autres récits évangéliques : le Ressuscité n’apparaît pas aux disciples et ne peut donc jouer le même rôle qu’en Matthieu 28 et Luc 24, et le narrateur n’utilise pas de péritexte comme en Jean pour expliciter, en un bouquet final, le projet qui l’animait depuis le commencement. » J.-N. Aletti, « Les finales des récits évangéliques et le statut du livre et des lecteurs », Revue de Science Religieuse 79 (2005) 23-37.


Spiritualité ignatienne

exercices spirituels : la prière imaginative Dans les Exercices spirituels, l’imagination, guidée, permet à l’Esprit de s’incarner en nous pour mieux suivre le Christ. C’est une prière qui fait vivre et nous conduit à la fin pour laquelle nous sommes créés : la contemplation pour aimer. Dernier volet d’une série de deux articles avec Nicolas Steeves s.j.

Or, l’expérience d’Ignace nous pousse plus loin, jusqu’au lieu paradoxal où Dieu choisit de parler à l’imagination humaine en la privant d’images… Regardons pour cela le Journal des motions intérieures, ce fragment de vie intime qu’Ignace a laissé à ses compagnons. Lorsque, du 2 février au 4 avril 1544, Ignace discerne sur la pauvreté concrète que devront vivre ses compagnons jésuites, il est privé des visions trinitaires qui habitent ordinairement sa Messe ou son oraison. Il en est fort déçu. Mais à bien y regar-

der, cette privation semble être de sa faute1. En effet, très vite, au moyen d’un raisonnement logique légitime, Ignace a déjà discerné et choisi de vivre avec ses compagnons un certain mode de pauvreté économique radicale. Or, malgré sa décision,

par une étrange sorte de « gloutonnerie spirituelle », il continue à profiter de son prétendu « discernement » pour pourchasser l’image de la Trinité dans sa prière. Malgré tous ses efforts, celle-ci ne lui est cependant pas redonnée. Certes,

© Albert Chevallier-Tayler, Chapelle de St Ignace en l’Eglise du Sacré Cœur à Wimbledon / Jesuit Institute

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Dans la première partie de cet article, nous avons parcouru le Récit autobiographique de saint Ignace pour nous rappeler comment Dieu s’est servi de ses dispositions intérieures pour l’éduquer et le convertir, avec douceur et force, grâce à son imagination. En remplaçant les idées fixes et les fantasmes irréels d’Ignace par une imagination dynamique, créative, tournée vers la charité et la liberté, Dieu se révélait à lui comme un maître intérieur.

▲ Une des visions d'Ignace à la Storta.

Nicolas Steeves s.j., Docteur en théologie, enseignant à l’Université pontificale grégorienne, à Rome. Il a publié Grâce à l’imagination : intégrer l’imagination en théologie fondamentale, Cerf, 2016.

1. Voir Ignace de Loyola, Journal des motions intérieures, P.-A. Fabre, Lessius, Bruxelles, 2007, p. 245-257.

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Spiritualité ignatienne Le Christ qui s’est fait pauvre pour nous sauver nous apprend ainsi à devenir de vrais pauvres en esprit et en vérité, aussi éloignés de l’idolâtrie de l’argent que de celle des idéologies sociales. Au fond, ce que nous apprend le Christ pauvre, c’est que les images ne sont qu’un simple moyen pour connaître le Créateur et sa Création et agir pour eux. L’imagination et les images ne sont jamais une fin en soi. En revenant à ce qu’Ignace dit dans le Principe et fondement des Exercices, il nous faut apprendre à respecter notre liberté et celle de Dieu : la difficulté d’être libres par rapport aux images en fait justement un enjeu d’apprentissage essentiel. C’est en devenant pauvres à l’école du Christ que nous recourrons à bon droit aux images dans une prière plus active.

© Carlos Saenz de Tejada, Jesuit Institute

il arrive pendant cette période qu’Ignace voie Notre Dame ou bien le Christ dans sa prière – ce qui n’est pas rien ! Mais il ne voit plus distinctement ensemble les trois personnes divines. Or, comme le note de façon très suggestive Pierre-Antoine Fabre, ce vide n’est pas un problème : il est au contraire la solution à son problème de pauvreté, aussi bien spirituel qu’économique. En effet, c’est justement ce vide imaginal qui, sur le plan spirituel, valide le choix qu’Ignace a fait de la pauvreté spirituelle et matérielle. Foin d’imaginaire romantique de la pauvreté ! Ici encore, Dieu guide, garde et forme l’imagination de son ami Ignace. Cette fois-ci, c’est sous le mode de la pauvreté imaginative.

▲ Ignace rédige les Exercices spirituels à Manrèse.

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Les exercices spirituels, l’imagination et le Salut Venons-en donc pour conclure à l’usage de l’imagination dans les Exercices spirituels. Il nous est sans doute plus connu. D’un point de vue global, on peut dire ceci : fort réalistes, les Exercices sont favorables à l’imagination, tout en l’encadrant. Pourquoi ? Les historiens nous apprennent qu’Ignace vit dans une culture « imagolâtre », au fond assez comparable à la nôtre. Là où nous pouvons souffrir aujourd’hui du flot d’images que déversent sur nous les réseaux sociaux et les mass médias, les contemporains d’Ignace souffraient d’un symbolisme exagéré et d’une obsession visuelle. Dans tous les cas, le risque est que l’imagination s’ensable, s’obsède, se fixe, et nous rende malades et pécheurs. Pourtant, les Exercices peuvent beaucoup nous aider aujourd’hui en guérissant notre imagination malade. Ignace veille en effet à ce que l’imagination du retraitant se libère toujours plus, pour une plus grande gloire de Dieu. Si les contemplations évangéliques qu’Ignace propose orientent l’imagination du retraitant vers les images bibliques, c’est toujours sans fondamentalisme ni littéralisme. En effet, si le texte même des Exercices offre à notre imagination spirituelle des détails absents des Écritures (voire des scènes entières, comme


Bien sûr, l’imagination est essentielle aux exercices narratifs qu’Ignace nous propose qui sont enracinés dans l’Écriture sainte. L’imagination est ainsi fort sollicitée par les exercices de Deuxième, Troisième et Quatrième semaines, pour contempler la vie de Jésus avant sa Passion, pendant sa Passion et après sa Résurrection. Mais, de façon plus étonnante, Ignace fait aussi jouer l’imagination dans la Première Semaine des Exercices, dans les deux premiers exercices sur le péché, qui sont tout sauf narratifs2. Comment cela ? Pour m’aider à éprouver « honte et douleur pour mes péchés », ce qu’Ignace me demande, à ce point de la retraite, c’est bien de rendre visible l’invisible (voir ES 47). Dans un premier temps, à une telle fin, je dois concrètement m’imaginer combien mon péché me rend laid et vil. Dans un deuxième temps, je suis invité à faire s’entrechoquer cette image difforme avec une autre image de moi, celle que je porte habituellement de façon complaisante. L’alternance de ces images de moi doit alors causer

© Prill / iStock

l’apparition de Jésus ressuscité à sa Mère), c’est toujours dans un même but : pour que le retraitant puisse « sentir et goûter les choses intérieurement » (ES 2). Quels que soient les détails que le retraitant imagine, de son propre chef ou en suivant Ignace, son imagination doit servir à son salut, en passant du péché à la grâce, par le jeu de la liberté et du réalisme.

une suite de consolations et de désolations qui indique que je suis entré résolument dans la Première semaine. Dans un troisième temps, enfin, Ignace me demande de poser ces images conflictuelles de moi devant l’image du Christ crucifié. En percevant que, par le péché, je ne suis plus désormais une créature à l’image de Dieu, je risque en effet de désespérer : au contraire, le fait de m’imaginer le Sauveur en croix et qui me parle me porte à me convertir vraiment, à espérer, à croire, à aimer. Par sa grâce, je peux redevenir sa créature bien-aimée, pardonnée, remise debout pour le servir et l’aimer dans ce monde. C’est ainsi déjà par l’imagination, même dans une méditation sans narration, qu’Ignace me mène à ce lieu où Dieu me révèle ma misère et sa miséricorde, et qu’il me conduit vers la vie, la louange et les choix concrets.

Les sens de l’imagination pour goûter la Vie En laissant le Christ recréer en moi ce qu’Ignace appelle les « sens de l’imagination », je peux sentir et goûter la réelle douceur de la vie à laquelle la Trinité m’invite aujourd’hui. Or, point

important : cette invitation ne vaut pas que pour « l’au-delà ». J’ai d’ores et déjà à la vivre dans mon corps, là où mon imagination articule et conjoint corps, âme et esprit. Celui qui est « l’Image du Dieu invisible » (Col 1, 15), le Christ, s’est incarné pour me sauver. C’est donc lui, qui, grâce à mon imagination, me permet de vivre dans le corps de l’Église par le corps de l’Écriture, dans mon propre corps sensible, imaginatif, rationnel et spirituel. Voilà donc la fine pointe de la prière imaginative : l’imagination est ce qui me permet de laisser l’Esprit de Dieu s’incarner en moi, pour aimer et suivre davantage Jésus de Nazareth et m’avancer vers les bras accueillants du Père. Cela suppose toutefois que je laisse l’imagination à sa juste place : comme le Christ, elle n’est là que pour servir. L’imagination est un moyen qui me conduit vers ma fin : pour parvenir à la contemplation qui me mène à l’amour, je dois toujours et encore revenir au principe et fondement. Grâce à l’imagination, grâce à Dieu, je peux vivre mieux en priant avec l’imagination.

2. Voir l’excellente analyse d’E. Lepers, « Rendre visible ce qui est invisible. La comparaison dans les deux premiers Exercices », in Christus, n° 133, janvier 1987, p. 100-110.

Nicolas Steeves s.j. janvier/février 2018 29


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Question de communauté locale

vivre une expérience communautaire élargie Après plusieurs années de vie d’équipe, nos communautés locales (CL) ont parfois besoin de faire un Pas de Plus pour sortir du cadre de l’habituelle réunion. En quoi une expérience communautaire de service peut-elle renouveler une CL ancienne et ses membres ?

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Pour notre CL, la question s’est posée en septembre 2016, quand nous nous sommes demandé sous quel jour nous pourrions bien mettre notre année. L’année précédente, nous avions déjà eu la joie de vivre un week-end prière et convivialité et nous voulions aller plus loin. Nos orientations d’année furent donc synthétisées ainsi : « Nous souhaitons nous mettre collectivement au service de quelque chose, d’une cause… de manière communautaire. C’est-àdire mener ensemble, à un moment ponctuel de l’année, une action de service : pour une association, lors du week-end régional ou autre… Cela pourra faire l’objet d’un discernement communautaire lors de notre prochaine rencontre. » Au service d’une halte spirituelle Qu’à cela ne tienne, nous avons donc expérimenté le discernement d’équipe pour trouver ensemble notre lieu d’action. Chacun a été invité à se mettre à

l’écoute des « signes des temps » et à partager sur ce qui le touche particulièrement. Nous avons consacré deux rencontres à ce choix : le partage des compagnons et l’échange lors du second tour ont permis naturellement de faire progresser notre réflexion. Nous avons ainsi proposé à l’ESCR de nous mettre au service du weekend de halte spirituelle proposé aux membres en parcours d’accueil. Nous souhaitions offrir à de nouveaux arrivants en CVX un peu de notre joie vécue grâce à une spiritualité qui nous habite tous depuis des années. Cela nous permettait aussi de témoigner notre soutien à un compagnon de notre équipe en charge de ce service dans l’ESCR. En mettant en œuvre un cadre propice à l’expérience spirituelle des retraitants, nous avions la volonté de prendre soin d’eux pour qu’ils soient bien et que no t re c o m p ag no n t ro u ve l a charge de l’organisation du week-end plus légère. Ces deux jours se sont bien déroulés dans le lieu très reposant du prieuré Saint-Thomas d’Epernon.

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Cerise sur le gâteau, et non des moindres, qui dit halte spirituelle dit accompagnement… ce fut donc l’opportunité pour deux d’entre nous de faire nos premiers pas en tant qu’accompagnateurs, en mettant à profit la supervision de notre assistante régionale. Ses conseils et encouragements nous ont permis de surmonter nos craintes d’origine : « Serons-nous à la hauteur ? ». Il s’agit avant tout d’écouter et de Le laisser faire… Les fruits sont nombreux. Tout d’abord, la joie d’être et de faire ensemble : à travers l’intendance, en proposant des topos et par l’accompagnement individuel. Par ailleurs, témoigner sur les outils de notre spiritualité est une manière de se les approprier encore un peu plus, voire de discerner en vue d’un futur service d’accompagnateur. Décidément Dieu, lorsqu’on se met en marche ensemble, nous donne plus que ce nous avions projeté et nous donne en abondance ! Gaëtan Guisseau


Ensemble Lefaire Babillard Communauté

© D.R.

Une parole à méditer

« Nous confirmons l’importance de vivre des Exercices spirituels, la grâce de l’écoute jusqu’au bout et l’appel à vivre la radicalité de l’Évangile au quotidien dans notre engagement pour l’Église et le monde, à la suite du Christ. Pour cela, la Communauté propose le texte « Dynamique de croissance » qui vient actualiser et remplacer le « Chemin de la CVX ». Il nous entraîne dans le mouvement : contempler – discerner – agir et dans les trois attitudes de Disciple, Compagnon et Serviteur. ». Points d’attention et décisions prises à l’Assemblée de Communauté de mai 2017

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Ensemble faire Communauté

En France

l’art au-delà des différences Des membres de l’Atelier CVX Art et un groupe œcuménique de conteurs bibliques de Haute-Loire, ont partagé en septembre un week-end autour notamment des œuvres du peintre Arcabas. Une expérience riche de leur diversité artistique et spirituelle.

L

L’idée de ce week-end est partie d’un échange à Saint-Hugues de Biviers entre deux membres de l’Atelier Art et une personne en CVX, qui avait fait découvrir l’œuvre du peintre Arcabas à son groupe œcuménique de conteurs bibliques de Haute-Loire : « Pourquoi ne pas aller la voir ensemble sur place ? » Nous avons saisi cette opportunité pour nous connaître entre artistes et découvrir la façon dont chacun témoigne de la Parole de Dieu avec ses talents.

Le week-end a commencé par la visite de l’église de Saint-Huguesde-Chartreuse où sont exposées des œuvres d’Arcabas qui révèlent sa rencontre avec le Christ. J’ai perçu que le groupe avait été touché par le cheminement de l’artiste. « Ces peintures sont le témoignage de quelqu’un qui explique sa foi et son questionnement par l’art. Ce n’est pas une vérité mais un chemin humain », a exprimé l’une des participantes.

© Catherine Raphalen

La veillée a été le deuxième temps fort de ce week-end. Chacun montrant au groupe une de ses œuvres. Bernadette, Sylvie et Edith de l’atelier Art ont présenté leur tableau ou sculpture, en précisant ce qui les habitait lors de ces créations et le chemin intérieur vécu durant la réalisation. Nadine, conteuse biblique, a raconté l’histoire de Bartimée, dont le parcours a trouvé un fort écho dans sa vie. Entre les interventions, chacun a pu dire ce qui l’avait touché.

▲ « Jésus dépouillé de ses vêtements ». Une station du chemin de croix réalisé par l’artiste Anne Tessié.

Tous ont été marqués par cette manière CVX de relire, de partager comment nous sommes rejoints dans nos vies et l’écho qu’elle trouve chez l’autre. Une participante a témoigné que cet échange l’avait réunifiée et avait rouvert en elle des « portes infi-

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nies ». Une autre a exprimé que ce partage d’expériences l’avait « relancée » dans son travail : « Quand je peins, je ne me mets pas en présence du Seigneur mentalement. Je perçois maintenant que le fait de prendre un temps de préparation avant de peindre, c’est Lui laisser la place ». Pour clore cette veillée, Odile de l’atelier a présenté un montage sur les pèlerins d’Emmaüs d’Arcabas, et nous nous sommes mis ensemble sous le regard du Seigneur en méditant le chant « Au soir de ce jour » pour relire chacun notre journée. Dimanche matin, les conteurs se sont retrouvés pour travailler sur leurs textes. Avant de reprendre la route, nous sommes allés voir des vitraux d’Arcabas à l’église de Saint-Ismier et avons découvert une artiste locale, Anne Tessié, dont « les sculptures si sensibles du chemin de croix » ont touché plusieurs conteurs. Ce week-end œcuménique vécu dans l’écoute et la confiance nous a permis de découvrir nos talents respectifs et notre désir commun de témoigner de l’Amour du Seigneur. Catherine Raphalen Responsable de l’Atelier CVX Art


vivre un bol d’air physique et spirituel !

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CVX Montagne est une initiative née il y a 20 ans pour se ressourcer le temps d’un week-end ou d’une semaine avec une « formule gagnante » : effort physique dans la marche à pied et les journées de plein air, prière et partage ignatiens, rencontre et échange fraternel dans la simplicité, avec pour tous la possibilité de se mettre au service des autres. Le Christ nous dit « Lève-toi et marche » et sans doute répondons-nous à cet appel quand nous partons en week-end CVX Montagne. Mais aujourd’hui le Christ pourrait aussi nous dire : « Stop ! Arrête 2 minutes de courir et viens te poser ! » et c’est réellement ce que nous vivons à chaque fois ! Les évaluations en sont la preuve. Certains ont partagé qu’il s’agissait pour eux « d’une expérience de lâcher prise », « d’un plein d’énergie pour gagner du temps », « d’un moyen de se sentir plus vivant », ou encore « d’un vrai ressourcement pour l’âme et le corps »… CVX Montagne, c’est bien plus qu’une randonnée…

Des projets d’avenir Nous avons fêté nos 20 ans, le 1er mai, en Bourgogne. Ce temps fort qui a réuni quatre-vingt per-

sonnes, dont quatorze enfants, nous a permis de sentir que cette proposition, jusque-là fréquentée essentiellement par des célibataires entre 35 et 50 ans, s’ouvrait aussi aux familles… Quand le gîte s’y prête, nous n’hésiterons pas à convier les plus petits. Après cet anniversaire, l’année a repris. À la rentrée de septembre, comme tous les ans, nous nous sommes retrouvés pour une marche de rentrée, de découverte et de partage de notre « trésor » avec les nouveaux venus. L’année s’est poursuivie avec un week-end en Baiede-Somme, fin octobre. Chaque week-end de l’année reste ouvert aux nouveaux, bien entendu. Le nombre de propositions varie d’une année sur l’autre selon la bonne volonté, le désir et le goût des uns et des autres. Nous aimerions partir, en mars, en montagne avec nuits en refuge, puis sur les chemins de Charles Péguy vers Chartres, en itinérance, à Pâques. La Sainte-Baume et le Sud-Ouest pourraient aussi être

© Sébastien Haffa

Fort de ses 20 ans, CVX Montagne propose à ses membres de conjuguer le plaisir de la marche aux quatre coins de la France, les partages fraternels et la croissance spirituelle.

des destinations prochaines, peut-être sur les ponts du mois de mai ? Enfin, la montagne est particulièrement à l’honneur pour les séjours d’été d’une semaine qui nous permettent de vivre de belles ascensions ! Les fruits sont souvent dans le « davantage » ! Plus de dynamisme, plus d’élan, plus de vie, plus de profondeur, plus de partage et de rencontre ! Alors me viennent les paroles du chant « Encore plus de toi mon Dieu » pour aller toujours plus loin pour suivre le Christ et mieux l’aimer ensemble ! Céline Bréant

Pour en savoir plus sur CVX Montagne : http://www. cvxfrance.com/ cvx-montagne-2/

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Ensemble faire Communauté

En France

au service de la spiritualité ignatienne pour tous Une vingtaine de « libraires-relais », venus de toute la France, se sont rencontrés le 7 octobre à Paris pour faire vivre la « communauté de service » constituée par les Éditions Vie chrétienne. Son objectif : contribuer à faire rayonner la spiritualité ignatienne.

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© Editions Vie chrétienne

La « communauté de service » des Éditions Vie chrétienne est constituée des 46 libraires-relais des communautés régionales, des salariés et bénévoles travaillant à la revue Vie Chrétienne et à la publication d’ouvrages de spiritualité ignatienne.

En introduisant la rencontre, Patrick Lepercq, le président des Éditions Vie chrétienne, a donné le cap de la journée en mettant l’accent sur le sens et l’évolution de la mission du libraire-relais : « Votre rôle est de contribuer à faire apprécier ces publications pour nourrir la vie de la communauté mais peut-être pourrions-nous aller plus loin en les proposant plus largement comme ressources spirituelles lors d’évènements diocésains par exemple ou paroissiaux. » Une nouvelle dynamique que souhaitent insuffler les Éditions Vie chrétienne auprès de leurs libraires-relais avec la constitution, il y a un an, d’une « communauté

de service ». Pour Étienne Morel, l’accompagnateur spirituel des Éditions Vie chrétienne, constituer un corps identifié invite au partage entre ses membres et permet « à cette communauté de service d’apporter sa contribution à la vie du corps apostolique de la CVX ». Solange Crépeau, librairerelais en Vendée, a été interpellée par cette nouvelle dynamique : « Au début, je voyais mon rôle comme un simple service pratique, aujourd’hui, je le reçois comme une mission, celle d’inciter, d’amener mes compagnons à lire ». L o r s d e c e t t e j o u r n é e, l e s libraires-relais ont pu découvrir de manière approfondie les publications des Éditions Vie chrétienne, à travers notamment des études de cas, et partager sur leurs expériences en s’échangeant des bonnes pratiques, comme celle d’une jo u r n é e r é g i o n a le organisée autour du thème d’un dossier de la revue Vie chrétienne, « Se préparer au vote », ou encore réfléchir à comment

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atteindre un public plus large que celui de la CVX. Béatrice de Montmarin, libraire-relais à Reims, a partagé une initiative. À la sortie de la messe de sa paroisse, elle avait organisé un stand d’ouvrages des Éditions Vie chrétienne : « J’avais au préalable fait une annonce au micro à la fin de la messe, beaucoup de personnes sont venues, j’ai perçu une soif spirituelle ». À l a f i n d e c e t t e j o u r n é e, Martine Ranson, de la communauté de Som’Oise, exprime se sentir membre de cette communauté de service : « J’ai beaucoup apprécié l’écoute et cela m’a permis de mieux comprendre le sens de ma mission ». Françoise Garcin, libraire-relais de la communauté Nanterre Grande Arche a, également, été sensible à cet aspect communautaire : « J’ai trouvé cela stimulant. Nous avons une mission, de faire connaître les titres, d’aller vers les ESCR, de leur proposer de l’aide ainsi qu’auprès de nos paroisses ». Rendez-vous a été pris l’année prochaine pour la rencontre désormais annuelle de cette nouvelle communauté de service.


en cvx, au service d'une paroisse

Comment plusieurs propositions d’initiation à la spiritualité ignatienne animées par des membres de la CVX ont permis à des paroisses d’Albi de se renouveler. Le récit du père Louis Debon, vicaire de l'une des paroisses.

© Florent Pécassou / CC

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Prêtre à Albi depuis 7 ans où je venais d’être ordonné, notre paroisse a mis en place des temps d’initiation spirituelle qui s’intitulaient Prier 3 mois avec… Une a été consacrée à Ignace de Loyola. Le but était de faire se rencontrer une paroisse, un saint et ceux qui vivent de sa spiritualité. Ici, ce sont des membres de la CVX et le centre spirituel des jésuites du Sud-Ouest, Les Coteaux Païs, qui ont animé cette sorte d’école de prière. Cette expérience réussie a donné envie, l’année d’après, à la paroisse voisine, celle de la Cathédrale, d’organiser une semaine de prière accompagnée (SEPAC). J’ai perçu combien la Cathédrale qui accueillait les temps d’accompagnement s’est transformée en lieu d’écoute et de prière, imaginant l’enjeu de tout ce qui se jouait dans chacun de ces entretiens. À la sacristie, était proposé un lieu de rencontre et de partage autour de boissons et gâteaux pour créer du lien, ce qui a donné à cette semaine de prière personnelle une dimension également ecclésiale. La proposition a rayonné puisqu’à Albi, deux autres SEPAC ont été organisées les années suivantes, dont une dans ma paroisse, remportant à chaque fois un vif succès.

Ces propositions ont permis de donner à nos paroissiens un lieu de structuration et de formation spirituelle que la paroisse n’est pas toujours à même de leur proposer. Apprendre à se laisser toucher par la Parole a eu un impact sur leur vie humaine et chrétienne et cela a rejailli sur la paroisse. Par exemple, les deux tiers des personnes appelées par le curé dans l’équipe d’animation paroissiale avaient fait une SEPAC. Et j’ai été témoin de très beaux chemins de reconstruction personnelle grâce à ces temps privilégiés. Cela a permis également une collaboration féconde avec la CVX. En 5 ans, nous avons eu en moyenne une nouvelle équipe découverte par an. « Recommençants » ou chrétiens plus « chevronnés », ses paroissiens ont été attirés par la

dimension fraternelle et communautaire de la CVX ainsi que par la spiritualité ignatienne qui invite à se laisser toucher par la Parole et propose une aide au discernement dans la vie quotidienne. Je sais bien que les besoins dépassent largement nos capacités pour toutes sortes de mission : la spiritualité ignatienne permet de dire pas seulement « donnezvous » (au risque de l’épuisement ou du découragement), mais surtout « nourrissez-vous » pour pouvoir avancer et discerner jour après jour là où le Seigneur vous appelle et c’est cette œuvre de l’Esprit dans chacun dont je suis l’heureux témoin.

www.ignace cheznous.fr Une initiation à la prière ignatienne itinérante a été proposée aux Tarnais en décembre (12 initiations en 90 minutes chacune sur 9 paroisses tarnaises).

P. Louis Debon Vicaire à la paroisse Albi Madeleine janvier/février 2018 35


Ensemble faire Communauté

Dans le monde

a la découverte de la cvx allemagne La CVX en Allemagne a vécu, les 22 et 23 septembre, sa rencontre nationale qui a réuni 300 personnes dont des amis de CVX d’autres pays. Un temps fort que nous racontent trois membres de la CVX en France.

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© Marie-Emmanuelle Reiss

1. ExCo : Comité exécutif

Lors du congrès national de Cergy en 2015, cent compagnons du monde entier avaient répondu présent à nos invitations. Parmi eux, sept Allemands. En retour, la GCL (Gemeinschaft Christlichen Lebens), la CVX en Allemagne a invité des membres de la CVX en France à leur rencontre nationale, fin septembre. Nous étions trois : Marie-Emmanuelle Reiss, qui s’était occupée d’accueillir les invités internationaux à Cergy, Marie Chevallier et Dorothée Lagabrielle. Nous nous sommes dit que c’était une belle manière d’expérimenter la CVX mondiale. Il y avait au total neuf CVX nationales présentes, dont deux membres de l’ExCo1 mondiale.

Après quinze ans sans rencontre nationale, le thème de ces deux jours était « Ensemble être témoins du Vivant ». Nous étions invitées à animer un atelier sur la CVX en France, un autre sur les jeunes et à faire un témoignage pour présenter les enjeux de la Communauté en France, lors d’une table ronde avec cinq autres pays. Ce fut un bon temps de discussion et d’étonnement. C’est là que nos différences culturelles, d’histoire prennent corps, que nous nous rendons compte que nous sommes la même Communauté, mais incarnée dans un sol particulier. En Allemagne, il n’y a pas d’accompagnateur spirituel par équipe mais un accompagnateur pour plusieurs, qui les rencontre une à deux fois par an. Il n’y a pas non plus de responsable d’équipe : chacun prend soin de chacun, et deux personnes donnent le thème de la prochaine rencontre sans qu’il y ait pour cela une préparation écrite. Plusieurs nous ont dit que notre manière de faire leur semblait rigide : « Cela ne pourrait pas marcher chez nous ! », disaient-ils en riant. Certains

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craignent une mainmise de la part de l’accompagnateur sur l’équipe. Nous retenons de ces deux jours de participation quelques enseignements. C’est une belle expérience de s’apercevoir que l’on peut être bien ensemble sans comprendre tout ce qui se dit et se vit, car ce qui est vécu là est bien semblable à ce que nous vivons en France : accueil chaleureux des compagnons, dont certains parlaient français, joie des retrouvailles, petits groupes de partage suivant les langues, nourriture spirituelle et approfondissement de la spiritualité ignatienne. Ce qui nous a réjouies dans cette rencontre, c’est de retrouver une manière d’être commune : la bienveillance mutuelle à l’œuvre même quand ce que vit l’autre n’entre pas dans notre entendement. Accueillir l’autre inconditionnellement parce qu’il me dit quelque chose du Dieu de JésusChrist Tout-Puissant en amour. Alors je peux m’ouvrir à la culture de l’autre et goûter les échanges comme lieu de déplacement, comme chemin pour grandir. Marie, Dorothée et Marie-Emmanuelle


la cvx maurice sur un chemin de croissance La croissance de la CVX Maurice passe par son ouverture à la communauté mondiale. Avec l’aide et l’accompagnement de ses parrains français, elle se prépare vers son affiliation mondiale.

L’élection s’est tenue le dimanche 22 octobre. Une opportunité aussi pour célébrer les 50 ans de la CVX à travers le monde et pour que chaque membre laisse Dieu lui montrer la beauté et le défi de la CVX Maurice. La journée a débuté par un magnifique temps de prière en lien avec le jubilé : « Combien de pains avez-vous ?… Allez voir » (Mc 6, 38). Chaque membre a pu goûter à la manière dont Jésus nourrit tout homme qui vient à lui avec ses cinq pains et deux poissons. Il y a également eu la belle démarche de nos cinq

membres élues qui ont répondu « oui » en toute humilité, avec leurs cinq pains et deux poissons, pour servir la communauté nationale. Elles ont été envoyées en mission par l’assistant ecclésiastique durant l’eucharistie. L’occasion aussi de rendre grâce à Dieu pour les communautés qui se multiplient ; les rencontres avec d’autres communautés locales et internationales ; les temps de croissance, de compagnonnage et d’ouverture à travers nos parrains ; les formateurs qui nous guident et fortifient dans notre appartenance à la CVX ; nos liens étroits avec la communauté jésuite locale. Le tout se résume en une période de vraie grâce, voire un temps spé-

cial, où Dieu est avec nous pour mieux éclairer notre cheminement. Ce temps de grâce va au-delà de ce que nous pouvons achever par notre travail et nos meilleures intentions, et dépasse nos limites et nos fragilités, comme nous le rappelle Mauricio Lopez, le président de l’ExCo mondial. Notons que la CVX Maurice fête cette année son 18e anniversaire. Elle rassemble plus de 80 membres sans compter les deux communautés en étape d’accueil. Son désir : offrir l’expérience de la CVX à d’autres personnes, hommes et jeunes, voulant faire l’unité entre leur vie et leur foi. CVX Maurice

© CVX – Maurice

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Depuis 2014, la CVX Maurice connaît annuellement une expérience de formation très vivante grâce au parrainage de la CVX en France. Une des grandes retombées a été, pour nous, la démarche de nous engager, cette année, dans un processus communautaire pour le choix d’un nouveau comité exécutif (ExCo). Toute la communauté s’est mise en route à travers des échanges sur les Principes généraux et nos statuts à adopter. Une occasion de mieux se connaître pour mieux sentir qui le Seigneur veut choisir pour animer et servir notre communauté pour les trois prochaines années.

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Marie-France Bergerault Éditions Vie chrétienne, novembre 2017 – 12 € Si nous aimons Dieu, nous ne pouvons nous contenter d’une petite prière de temps en temps, d’une messe occasionnelle… La rencontre avec Lui s'intensifie dans la célébration des sacrements, ces signes particuliers de Son amour débordant. Bien loin d’un catéchisme ou d’un traité théologique, cet ouvrage de Marie-France Bergerault souhaite simplement inviter le lecteur à prendre conscience de la vie lumineuse de ressuscité à laquelle il est appelé à travers les sacrements et à y réfléchir au moyen de propositions d’exercices. En vente sur viechretienne.fr et dans toute librairie

À ECOUTER Un quart d’heure avec Ignace

À LIRE Christus – Méditer

Octobre 2017 – 13 € Depuis quelques années, la méditation connaît un succès considérable tout en s’affranchissant d’une référence aux traditions religieuses. Méditer se présente comme un chemin de guérison et de découverte apaisée de soi. Mais la méditation nourrit aussi la relation au monde et aux autres. Pour les chrétiens, elle reste cependant le lieu d’une rencontre avec un Dieu qui demeure caché mais qui guide l’homme sur un chemin de vie. Un Dieu reconnu comme la source du salut. En vente dans toutes les librairies et sur le site www.revue-christus.com (paiement sécurisé).

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Ce projet pourrait rassembler une quarantaine de personnes, du 18 au 30 juillet 2018. Au programme : visites et découvertes de la réalité actuelle de l'Argentine, de son histoire, des liens avec la Compagnie de Jésus et l’Église de France, et enfin participation à la journée ouverte de l’Assemblée mondiale CVX. Ce voyage sera également l’occasion de mieux connaître le pape François. Concernant son coût, une réflexion est en cours sur la démarche communautaire et la solidarité possible. Si vous êtes intéressé envoyez un email à  : argentine2018@cvxfrance.com Si vous êtes hispanophone merci de le signaler !

À VIVRE Relire sa vie et mieux se connaître pour trouver sa vocation professionnelle Vivre une démarche structurée et intensive de bilan personnel et professionnel en groupe pour discerner sa vocation et définir un projet professionnel (ou d’engagement bénévole) réaliste, prenant en compte la personne dans sa globalité. Avec Nathalie Arrighi, coach ignatienne. Du 21 mars (9h30) au 24 mars 2018 (16h30) et du 9 mai au 12 mai 2018 (mêmes horaires). Info et inscriptions : www.hautmont.org

A VIVRE Retraite à prix mini à Nevers “Descends vite…” Vivez une retraite à la carte, dates au choix entre le 28 janvier (19h) et le 2 février (17h) 2018. Une retraite selon les Exercices spirituels à Nevers, conçue pour que l’aspect financier ne soit un obstacle pour personne : 30 euros par jour grâce à une offre particulière de l’Espace Bernadette. L’accompagnement personnel est assuré par une équipe de laïcs de la CVX. Renseignements et inscription : Claire Sébastien Tél. : 06 34 21 12 39 : clairesebastien@orange.fr

© Valere Daniels

Cette émission sur RCF Grenoble proposée, chaque semaine, par Pascale Robichon, directrice du centre spirituel Saint-Hugues de Biviers, alterne des témoignages, des récits de la vie d’Ignace et des interventions sur des aspects de la spiritualité ignatienne. Disponible en podcast sur le site : rcf.fr/spiritualite/un-quart-dheure-avec-ignace

À VIVRE Partir en Argentine au moment de l’Assemblée mondiale de la CVX…

© RonnyK / Pixabay

À LIRE Une rencontre à vivre. Les sacrements.


Billet

comme un chapelet de chapelles © Distel2610 / Pixabay

Ce fut une lumière, au cœur d’une retraite tourmentée. J’étais arrivé lourd de soucis familiaux qui me semblaient inguérissables et ma grande demande était la paix. Ma lecture du Psaume 23 (22), que je croyais trop bien connaître, s’arrêta sur le verset « J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours ». Une curieuse image m’est venue. Celle d’un chapelet d’églises et d’oratoires qui avaient marqué, comme autant de bornes sur mon chemin, les étapes de ma vie. Un chapelet, une guirlande, un dépliant ou même ce diaporama déroulé lorsqu’on fait défiler les photos de son téléphone. En quelques secondes sont apparus plus de vingt endroits. Avec pour tous cette caractéristique : tous avaient été lieux de vie intérieure, parfois de combat, parfois de paix, parfois de désolation, parfois de consolation, souvent d’espérance, presque toujours de remise en route. Plus tard, en reprenant, crayon en main, cette image du chapelet, c’est près de soixante noms qui ont émergé ! En remontant ma propre chronologie, celle de l’enfance, des études, du travail, des voyages, des retraites, des mariages, des baptêmes, des obsèques… Me revenaient ces dimanches chez les bénédictins de l’Haÿ-les-Roses où l’intensité des messes vrillait ma tristesse d’adolescent. Ou cette scène, à la chapelle du régiment de Fontainebleau. Sur 2000 recrues du service militaire, nous étions… trois. Avec pourtant, comme un orgueil de croire, envers et contre tous. Ou encore ce sentiment d’universel dans la cathédrale Saint-Ignace de Shanghaï, petite au pied des gratte-ciel, fragile de silence au milieu du monde chinois suractif. Des moments parfois fugitifs et pourtant arrêtés. Une part de moi y réside. Ces églises ne sont pas des lieux de passage mais de séjour. Des lieux parfois rencontrés par hasard ou par providence. Et quelquefois « atteints » comme au terme d’un pèlerinage, conquis, gravis comme une colline : « Oui, je me lèverai et j’irai vers mon Père… » Ces jalons de ma vie où, le plus souvent, je ne savais pas qu’Il était là. Mais… « notre cœur n’était-il pas tout brûlant ? » Jean François

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Prier dans l’instant

de jeunes chercheurs de dieu

Ils ont pris au sérieux le questionnement profond qui les habitait, ils ont osé s’offrir des moyens concrets pour comprendre quelle vie ils pouvaient écrire avec Toi. Les voici, constituant une fraternité nouvelle de 22 jeunes adultes en quête de Toi, venus de toute la France pour s’engager dans l’année « Magis Déclic ». Une nouvelle proposition de la famille ignatienne destinée aux jeunes de 20 à 30 ans qui souhaitent unifier leur vie et poser les bases d’un discernement pour une vie davantage ouverte au Christ. Béni sois-Tu, Seigneur, Toi qui places dans le cœur des femmes et des hommes le désir de marcher dans Tes voies ! Ils resteront dans leur quotidien, fait d’études, de premières expériences professionnelles ou de soifs de reconversion, maintenant les liens avec leur famille, leurs amis et collègues. Mais guidés par des week-ends de formation et de prière, portés par des équipes de partage et un accompagnement spirituel, nourris par des contenus numériques au long cours, ils élargiront progressivement l’espace de la prière, aiguiseront l’écoute de Tes signes, oseront des pas pour mieux Te suivre. Béni sois-Tu, Seigneur, pour les chemins que Tu ouvres devant nos pas, pour les guérisons et conversions dont Ton amour a la force ! Depuis plusieurs mois, une équipe d’accompagnateurs et d’animateurs s’est mise au service, répondant à Ton appel, heureuse aujourd’hui de découvrir les visages de ces jeunes chercheurs de Dieu. Béni sois-Tu, Seigneur, pour ces témoins pétris de spiritualité ignatienne, qui veillent à respecter la liberté de chaque personne qu’ils aident à cheminer, dans la singularité de son histoire, de ses aspirations, de son itinéraire, sans projeter sur elle une destinée prédéterminée. Comme dans un souffle, on lie connaissance, des sourires se dessinent, les rires résonnent avant que le silence de Ta présence nous habite. Béni sois-Tu pour la joie légère qui est venue adoucir l’inconnu, voire l’inconfort du questionnement. Oui, béni sois-Tu, pour la profondeur, dépourvue de pesanteur, qui tisse dans nos vies, les liens d’une amitié nouvelle dont Tu es la Source vive. Aude

Nouvelle revue Vie Chrétienne – janvier/février 2018

© BrianAJackson / iStock

Ils se sont mis en route, ont dégagé du boisseau leur désir de T’accorder une place centrale dans leur vie.


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